Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué les 35 heures, mais, pour les éleveurs,…
M. Jean-Paul Emorine. … c'est plutôt 70 heures !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà ! Votre propos devait sans doute concerner les salariés.
Concernant la question de la compétitivité, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi s'applique en particulier, je l’ai dit, dans les industries de main-d'œuvre, ce qui est le cas des abattoirs.
La masse salariale est la base sur laquelle on applique ce crédit d’impôt, qui débouche sur une baisse des coûts de production de 4 % la première année et de 6 % la deuxième. Vous le savez, il sera financé en partie par des économies sur la dépense publique et en partie par de la TVA ; ce point fera l'objet d’un débat qui sera prochainement engagé au Sénat et dans le cadre de la loi de finances.
Nous partageons donc cet objectif, dont personne ne nie la nécessité de gagner en compétitivité. Concernant l'écart de rémunération au niveau du SMIC, nous sommes favorables à sa diminution, mais elle dépendra du vote des Allemands. En revanche, concernant la directive relative au détachement des travailleurs, nous devons œuvrer au niveau européen, car il est difficile d’accepter l’application qui en est faite actuellement.
Ensuite, vous avez dit que l'élevage et les céréales formaient deux mondes ayant des équilibres distincts. Dans un certain sens, c'est vrai, mais on peut, dans un autre sens, le contester : le lait fait aussi l'objet d'un marché international, certaines de nos grandes entreprises exportent du lait en poudre. Il demeure, certes, un énorme désavantage en termes de rentabilité du capital investi et de productivité du travail au détriment de l'élevage. Je le disais tout à l'heure, une unité de travail annuel dans l'élevage représente 55 hectares, contre 200 hectares, voire plus, pour les exploitations céréalières. La productivité y est donc beaucoup plus importante.
M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas du tout la même chose !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut donc compenser la rentabilité du capital et la productivité.
Ensuite, interviennent les équilibres de marché, et je ne me plains pas du fait que le marché des céréales se porte bien. Tant mieux si les céréaliers trouvent des débouchés ! Un rééquilibrage en amont s'impose cependant. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. La réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole, intervenue en 2008, prévoyait la libéralisation des droits de plantation à compter du 1er janvier 2016.
La suppression de cet outil essentiel de régulation du secteur du vin a provoqué de vives inquiétudes dans l’ensemble de la filière viticole française, qui redoutait en particulier de perdre la maîtrise de l’offre et de subir une dévalorisation des zones d’appellation, ainsi qu’une baisse des prix.
Cette situation explique la forte mobilisation des élus des territoires concernés en faveur du maintien de ce régime d’encadrement des plantations de la vigne.
Monsieur le ministre, grâce à la détermination et au volontarisme dont vous avez fait preuve sur ce dossier, l’Europe est revenue sur cette décision.
Le système actuel sera remplacé par un mécanisme de gestion des autorisations de plantation applicable jusqu’en 2030, avec une limite de plantation fixée à 1 % du vignoble par an. Ces autorisations ne seront pas cessibles et seront accordées sur demande, avec une validité de trois ans.
Nous disposons pour les dix-sept années à venir d’une structure permettant de réguler le marché du vin. C’est là l’élément essentiel. Désormais, tout le débat va porter sur la manière dont nous allons gérer ce dispositif.
Pouvez-vous nous en dire plus aujourd’hui, monsieur le ministre ?
Tout d’abord, quelle instance décidera de la répartition entre les régions de production, les appellations et les groupements de producteurs ?
Ensuite, la viticulture sera-t-elle éligible au nouveau régime de paiement de base, comme l’envisageait la Commission européenne, ou aux soutiens pour certaines productions qui connaissent des difficultés ?
Enfin, ne pourrait-on pas envisager la gestion de ces autorisations par le service public des douanes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai déjà évoqué la question des droits de plantation, je n’y reviendrai donc pas.
J’ai également répondu précédemment s'agissant des dotations de base à l’hectare, qui sont souvent évoquées, en particulier pour le Languedoc. Je ne peux prévoir, je le répète, de mesures spécifiques pour le Languedoc. En revanche, nous devons définir une stratégie globale, en particulier pour que le Languedoc continue sur la voie de la formidable mutation qu’il a engagée.
Voilà pourquoi il est extrêmement difficile de cibler les DPB, les droits à paiement de base, à un endroit. J’ai fait le choix, et je l’assume, de conserver l’OCM vitivinicole.
Il est intéressant de s’interroger sur la gouvernance. J’ai rencontré, à cet égard, le conseil spécialisé de FranceAgriMer. Il va falloir voir comment les choses fonctionnent et comment les améliorer, mais c’est autour de cette instance que s’organiseront le développement, la mise en perspective et l’utilisation des fonds de l’OCM vitivinicole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, vous connaissez la situation du secteur agroalimentaire en Bretagne. Des emplois sont menacés dans la production de porc, de volaille, mais aussi, plus récemment, de saumon.
Je me suis rendu dernièrement dans un abattoir de volailles moderne et dont la situation sociale est correcte. Les personnels du comité d’entreprise présents nous ont fait part de leur satisfaction de travailler dans cette usine et m’ont demandé une entrevue parce qu’ils se sentaient de nouveau menacés par le problème des restitutions. Cette entreprise avait anticipé la baisse des restitutions, mais il semble que des éléments nouveaux soient intervenus. J’aimerais donc savoir si des décisions récentes ont été prises en la matière.
Le second volet de ma question concerne plus précisément la production porcine. Nous avons rencontré des producteurs qui nous ont dit être limités par la question des zones d’excédent structurel en azote, les ZES. Ainsi, dans certains cantons, les producteurs ne peuvent ni augmenter la taille de leurs élevages ni rapatrier ceux qu’ils possèdent sur d’autres territoires.
Cette décision est essentiellement liée à des questions environnementales et à la problématique des algues vertes, à laquelle nous devons être très vigilants. Pour autant, quelles dispositions pouvons-nous prendre pour atteindre l’objectif de 25 millions d’unités que vous avez fixé à l’échelon national ? En sachant que nous en sommes aujourd'hui à moins de 22 millions d’unités, il faudra sans doute lever quelques verrous, sans pour autant porter atteinte à l’environnement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Concernant la question de la filière porcine en Bretagne, je l’ai dit, j’ai une stratégie, qu’il va falloir mettre en œuvre : la prise en compte de l’azote total.
La Bretagne abrite des zones d’excédent en azote organique et continue, dans le même temps, à acheter et à épandre de l’azote minéral, ce qui est impensable. L’enjeu consiste à adopter une stratégie globale pour avoir la possibilité d’utiliser la production excédentaire comme fertilisant. C’est ainsi que l’on pourra sortir de la controverse sur les algues vertes, qui dure depuis trente ans.
Le débat sur l’environnement ne débouche sur rien, puisqu’il y a toujours des algues vertes. Je suis sûr que ma stratégie peut réussir. L’azote organique pourra être employé comme fertilisant ; la méthanisation permettra, de surcroît, de valoriser une partie en énergie, le méthane. Les règlements concernant l’emploi du digestat comme fertilisant devraient sortir d’ici à quelques semaines. Nous aurons donc le paquet global.
Ensuite, il convient d’établir une stratégie globale qui soit applicable en Bretagne et qui vaut d’ailleurs pour la France. À titre expérimental, compte tenu des difficultés que connaît cette région, il faut ouvrir une perspective intégrant parfaitement la question écologique, sans oublier la dynamique économique. Les fermetures successives du groupe Doux, de l’abattoir Gad et de l’entreprise Saumon PC à Poullaouen, que je connais bien, commencent à peser lourd sur le moral des Bretons. Voilà qui expliquent, monsieur le sénateur, l’objectif de l’azote total, la question de l’enregistrement entre l’autorisation et la déclaration, ainsi que la perspective de la double performance économique et écologique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur la compétitivité. Je comprends tout à fait que les primes de la PAC soient un outil de redistribution qui tienne compte des handicaps naturels et de production. Si l’agriculture française perd des places dans la compétition mondiale, comme l’a souligné notre collègue Jean Arthuis, notre industrie agroalimentaire reste exportatrice, et j’espère que cela durera.
Ma question est très simple : envisagez-vous, dans le cadre de la convergence nationale, de faire en sorte de sauvegarder la compétitivité de notre agriculture ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. La sauvegarde de la compétitivité de l’agriculture, vous en conviendrez, monsieur le sénateur, est une affaire compliquée : il y a des enjeux en termes de coûts et hors coûts, des stratégies de qualité, d’entrée de gamme, des produits AOC qui s’exportent… Bref, la compétitivité est le fruit de multiples composantes.
J’ai été interrogé sur les abattoirs, mais ces derniers relèvent de l’industrie plus que de l’agriculture. (Murmures sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Soyez objectifs ! Les 35 heures concernent les salariés, pas les agriculteurs. La compétitivité de l’agriculture intègre toute une série de stratégies dont une partie est effectivement liée aux coûts. Il a fallu attendre longtemps – nous n’avons pas eu la majorité pendant dix ans – pour que de véritables mesures de compétitivité soient prises avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
M. Jean Arthuis. Elles sont trop timides !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Certes, mais elles ont le mérite d’exister ! Garantir la compétitivité, c’est garantir les potentialités de l’agriculture française : dans ses circuits courts, régionaux, nationaux, dans sa capacité à exporter… Nous avons toutes les cartes, nous devons toutes les valoriser, et non pas une plus qu’une autre : tel est l’enjeu !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, j’étais avec les éleveurs de mon département sur le pavé parisien voilà une quinzaine de jours, et je veux vous faire part à la fois de mes inquiétudes et de mes attentes tant sur les négociations européennes que sur la question de l’élevage, dont il a été fortement question au cours de ces échanges.
S’agissant des négociations européennes, les agriculteurs sont pragmatiques ; ils savent bien que ces négociations sont extraordinairement difficiles et ont compris que les résultats obtenus, s’ils ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, ont au moins permis de limiter les dégâts. Cependant, les négociations en cours actuellement sur la convergence interne et externe, sur le verdissement, les inquiètent parce qu’elles interféreront avec leurs choix d’exploitation. En outre, s'agissant notamment de la convergence externe, elles peuvent avoir un effet sur les crédits disponibles de la politique agricole commune pour l’agriculture française et nous faire descendre au-dessous de la diminution de 3 % annoncée par le Président de la République.
En ce qui concerne l’élevage, je veux revenir sur deux points qui ont été abordés.
D’une part, la situation des producteurs de lait est aujourd’hui plus difficile encore qu’en 2008-2009 parce qu’elle est plus structurellement affectée par la crise en raison de la dégradation de leur compte d’exploitation liée aux éléments que vous avez vous-même rappelés : l’aggravation des coûts et les prix du lait, qui sont aujourd’hui tributaires à la fois de la conjoncture internationale et de la marge insuffisamment bien répartie entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs.
À cet égard, j’attends du Gouvernement, dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt, qu’il permette de mieux encadrer la répartition de la marge.
D’autre part, je veux revenir sur le problème des abattoirs. Nous ne pouvons pas laisser se développer une concurrence déloyale avec l’Allemagne, en nous résignant à accepter les pratiques qui y ont cours aujourd’hui.
M. Jean-Louis Carrère. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait plus tôt ? Vous découvrez les effets du libéralisme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. S'agissant de la question des abattoirs, vous me demandez ce que le Gouvernement compte faire, au motif que l’on ne saurait accepter la fatalité. Mais je vous rappelle tout de même que cette situation ne date pas d’hier ! J’espère que les propositions des socio-démocrates allemands trouveront un écho auprès de Mme Merkel. C’est ce qui semble se passer, et je m’en réjouis. Mais ce seront les socialistes allemands qui auront fait bouger les choses ! Sur ce point, soyons clairs entre nous !
En ce qui concerne l’élevage, il est vrai que des menaces pèsent sur le budget de manière globale. Nous avons sauvé un budget qui était largement entamé et menacé. Il n’a malheureusement pas été augmenté, mais je n’ai jamais dit le contraire. Au regard du contexte, le Président de la République et moi-même nous sommes efforcés de maintenir un budget, qui diminue de 12 % à 13 % à l’échelle européenne, mais qui ne baisse que légèrement au niveau français, grâce à la compensation opérée sur le deuxième pilier.
Afin que les choses soient claires – vous serez d'ailleurs saisis de ces questions –, je vous livre les objectifs concernant les deux premiers piliers, calculés en euros courants et non en euros constants, l’inflation n’étant pas intégrée.
Sur le premier pilier, en 2013, l’année de référence, nous avons reçu 8 milliards d'euros. En année moyenne, entre 2014 et 2020, nous toucherons 7,7 milliards d'euros. Sur le deuxième pilier, nous avons reçu, en 2013, 1,3 milliard d'euros. En année moyenne, entre 2014 et 2020, nous percevrons 1,4 milliard d'euros. Le total s’élève, en 2013, à 9,3 milliards d'euros et atteindra, en année moyenne, 9,1 milliards d'euros. La baisse, légère, est liée au contexte. Nous avons donc sauvé l’essentiel.
Maintenant, nous devons répartir intelligemment ces aides, sans déséquilibrer les filières : c’est tout l’objet du débat qui va s’ouvrir ! Toutes les filières ont droit à un avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue et ami Alain Bertrand a, à juste titre, souligné les aspects positifs de la réforme de la PAC et salué l’action du Gouvernement et du Président de la République.
Pour ma part, j’exprimerai les regrets du groupe du RDSE quant à l’insuffisance des mesures de régulation. Sur ce point, il nous est proposé de poursuivre le mouvement libéral engagé depuis la réforme de 1992.
La PAC doit aussi être une politique économique orientée vers la stabilisation des marchés, si l’on veut assurer aux producteurs des prix rémunérateurs, selon leur revendication : « des prix, pas des primes. »
Les agriculteurs européens, acteurs clés de la sécurité alimentaire et de la compétitivité agroalimentaire, ne doivent pas être la variable d’ajustement de marchés agricoles instables, à mesure que la disparition des mécanismes de régulation accentue la spéculation.
Toutes les grandes puissances de la planète ont renforcé, à l’instar des États-Unis, des filets de sécurité efficaces pour les revenus de leurs agriculteurs.
L’argument de la compatibilité avec les règles de l’OMC ne tient donc pas !
Hormis la reconnaissance et le renforcement du rôle des interprofessions dans la structuration des filières, les mesures proposées ne sont que le prolongement du filet de sécurité existant.
Nous avons une vive inquiétude quant à la disparition des quotas laitiers en 2015, dont vous avez parlé, monsieur le ministre. La contractualisation, censée être une mesure de substitution, démontre ses insuffisances. Il est donc nécessaire de l’adosser à des mesures de gestion de l’offre.
Aussi, nous devons engager une réflexion sur la pertinence d’aides contra-cycliques.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. S’agissant des questions liées à la régulation, on peut considérer, à juste titre, que ce que nous avons obtenu n’est pas suffisant.
Toutefois, je veux vous rappeler que nous partions d’une situation telle que même les filets de sécurité étaient remis en cause ! De plus, concernant la question des interprofessions, la règle posée à l’échelle européenne n’était pas gagnée d’avance. Nous pourrons malgré tout nous appuyer sur un certain nombre de règles inscrites dans l’organisation commune de marché unique.
J’ai parfaitement conscience des difficultés que vous avez soulevées. J’aurais souhaité que l’on puisse aller plus loin sur la question du lait, comme sur un certain nombre d’autres questions. Mais, pour ce faire, il faut trouver des majorités, ce qui est extrêmement difficile, même au Parlement.
Nous avons donc été obligés de nous battre pour inverser la tendance au libéralisme affichée depuis plusieurs années et éviter l’abandon d’un certain nombre de mécanismes. Nous avons maintenu ces derniers et avons même pu en rajouter quelques-uns au travers des interprofessions, des droits de plantation et des quotas sucriers.
Si la situation dans laquelle nous nous trouvons n’est pas, à mes yeux, satisfaisante, elle constitue tout de même une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour réguler et éviter par trop l’apparition de crises déstabilisatrices. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la politique agricole commune.
12
Accord avec l'Agence internationale de l'énergie atomique
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant application du protocole additionnel à l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998 (projet n° 328 [2006-2007], texte de la commission n° 622 rectifié, rapport n° 621).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est aujourd’hui soumis vient compléter la loi autorisant la ratification du protocole additionnel à l’accord entre la France, Euratom et l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, pour l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998.
Ce texte a pour objectif de rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations du protocole additionnel et d’instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect de ces obligations.
Au sein du régime de garanties de l’AIEA, le protocole additionnel, dont le modèle a été adopté en 1997 à l’issue d’une réflexion lancée en 1991 après la découverte, en Irak, du programme nucléaire militaire clandestin, vient renforcer l’efficacité des accords de garanties existants. Il vise à accroître la capacité de cette agence à détecter des activités nucléaires clandestines dans les États non dotés de l’arme nucléaire, les ENDAN.
Il permet à l’AIEA d’obtenir de la part des États des informations supplémentaires, notamment sur les activités de ces derniers dans le domaine minier, le développement du cycle du combustible nucléaire et l’acquisition de certains équipements pouvant constituer des indices quant à la mise en place d’un programme nucléaire militaire. Il permet également de mener des vérifications plus étendues sur le territoire des États concernés via un dispositif d’accès « complémentaire ».
Conçu à l’origine pour les États non dotés de l’arme nucléaire, le modèle de protocole additionnel adopté en 1997 a également servi de base pour la négociation de protocoles additionnels spécifiques aux États dotés de l’arme nucléaire.
La France, déjà signataire du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, et d’un accord de garanties avec l’AIEA et Euratom en 1978, a signé un protocole additionnel à ce dernier le 22 septembre 1998. Elle a ratifié cet instrument - entré en vigueur le 30 avril 2004 - après autorisation de l’Assemblée nationale et du Sénat par la loi n° 2003-376 du 24 avril 2003.
Cet engagement de la France dans le cadre du protocole additionnel témoigne du soutien politique et technique constant de notre pays aux efforts de renforcement des garanties, en contribuant notamment à l’universalisation du protocole additionnel et à faire en sorte que la conjonction d’un accord de garanties généralisées et d’un protocole additionnel devienne le standard de la vérification pour tous les États non dotés de l’arme nucléaire. La France a souhaité accompagner cette démarche internationale de promotion du protocole additionnel.
Enfin, l’adoption par notre pays de cet instrument permet aussi, à un niveau plus technique, d’accroître la capacité de l’AIEA à détecter des activités nucléaires clandestines dans les ENDAN.
En effet, en signant et en ratifiant le protocole additionnel, la France a pris deux séries d’engagement.
En premier lieu, elle fournit une large gamme d’informations supplémentaires portant sur les activités menées par des personnes publiques ou privées en coopération avec des ENDAN concernant tous les aspects du cycle du combustible nucléaire, ainsi que sur les exportations de certains équipements et de matières non nucléaires vers de tels États.
En second lieu, elle accorde un droit d’accès plus étendu aux inspecteurs de l’AIEA. Il s’agit d’un droit d’accès dit « complémentaire » à des emplacements indiqués par la France, afin de résoudre une question relative à l’exactitude et/ou l’exhaustivité des informations fournies au titre du protocole ou pour résoudre certaines contradictions concernant ces informations.
De même, l’AIEA peut avoir accès à d’autres emplacements, afin de prélever des échantillons pour recueillir d’éventuels indices quant à des activités nucléaires clandestines menées par des États non dotés de l’arme nucléaire ou avec eux.
Il convient de noter que cet accès peut, à la demande de la France, être réglementé pour empêcher la diffusion d’informations sensibles du point de vue de la prolifération, respecter les prescriptions de sécurité ou de protection physique ou protéger des informations sensibles du point de vue commercial.
Le projet de loi d’application du protocole additionnel aujourd’hui soumis à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, est nécessaire pour rendre opposables aux personnes publiques ou privées concernées les obligations de cet instrument international et instaurer un régime de sanctions pénales en cas de non-respect.
Plus précisément, ce projet de loi d’application définit l’obligation pesant sur les personnes physiques ou morales de transmettre des informations à l’autorité administrative compétente, ainsi que la nature des informations à transmettre. Il comporte également des dispositions visant à organiser le déroulement des vérifications internationales en France.
Enfin, il donne aux autorités françaises les moyens juridiques adaptés pour résoudre les difficultés éventuelles de mise en œuvre du protocole additionnel : des sanctions pénales sont prévues en cas de défaut de déclaration, par les exploitants, des renseignements demandés ou en cas de refus opposé par toute personne à la venue des inspecteurs chargés d’effectuer des contrôles internationaux.
L’adoption de ce projet de loi permettra la finalisation du dispositif légal national visant à aider l’AIEA à détecter des activités nucléaires clandestines dans un ENDAN et, par conséquent, contribuera au renforcement du régime international de lutte contre la prolifération des armes nucléaires.
Le Gouvernement a déposé quatre amendements au texte adopté par la commission des affaires étrangères, le 4 juin dernier.
L’article 11 prévoit que le résultat des opérations de vérification est consigné dans un procès-verbal. Or il n’est pas possible, pour des raisons juridiques et pratiques, de prévoir la consignation des résultats des opérations à l’issue de la vérification. Les résultats des accès complémentaires sont élaborés non pas par le chef de l’équipe d’accompagnement, mais par l’AIEA elle-même, dont c’est la responsabilité. Par ailleurs, ils sont connus dans certains cas, non pas directement après la vérification, mais plusieurs jours après, notamment lorsque des analyses en laboratoire sont nécessaires.
Il est, en revanche, souhaitable d’assurer une traçabilité des opérations effectuées par l’AIEA : tel est l’objet du document spécifique qui sera remis à l’exploitant.
En outre, nous vous proposerons de supprimer, à l’article 12, certaines dispositions superflues, car elles relèvent du droit commun ou sont de nature réglementaire.
Nous souhaitons également modifier le champ d’application de cet article, afin de prendre en compte tous les cas d’opposition possibles à un contrôle réalisé par un inspecteur international.
De plus, nous vous proposerons d’amender l’article 14, afin de ne pas faire peser sur le chef d’équipe d’accompagnement une responsabilité en matière de sécurité, de sûreté nucléaire et de radioprotection lors des accès complémentaires, qui doit rester du seul ressort de l’exploitant. En effet, seul ce dernier connaît de manière précise son installation et tous les risques inhérents, ainsi que les prescriptions applicables. Cette responsabilité de plein droit découle notamment de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
Concernant les sanctions prévues à l’article 20 en cas d’obstacle à l’accomplissement d’un contrôle réalisé par un inspecteur international, nous souhaitons ramener la peine d’emprisonnement maximale de cinq ans à deux ans et supprimer le principe d’une peine plancher.
En effet, les peines minimales n’existent plus dans notre code pénal depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal en 1994.
En outre, avec une peine maximale de deux ans, cet amendement tend à maintenir une cohérence avec la peine d’emprisonnement de deux ans prévue en cas d’entrave à l’exercice du contrôle national des matières et installations nucléaires et à rester en phase avec les peines prévues par nos principaux partenaires européens : deux ans au Royaume-Uni, six mois en Suède, un mois en Belgique et aucune peine en Allemagne et en Slovaquie notamment. Enfin, cet amendement vise à fixer à 200 000 euros le montant maximum de l’amende encourue.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle le projet de loi portant application du protocole additionnel aujourd’hui soumis à votre approbation. (M. le président de la commission des affaires étrangères applaudit.)