compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires polonais
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de députés et de sénateurs membres des commissions de la défense de la Diète et du Sénat de la République de Pologne. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.)
Cette délégation a été invitée par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, M. Jean-Louis Carrère, et par la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, Mme Patricia Adam, afin de discuter, notamment, de l’Europe de la défense, dans la perspective du Conseil européen de décembre 2013.
Elle vient également d’être reçue par le groupe d’amitié France-Pologne du Sénat, présidé par notre collègue M. Jean-Pierre Leleux.
En tant que partenaires stratégiques au sein de l’Union européenne, la France et la Pologne ont un rôle important à jouer pour relancer l’Europe de la défense.
Nous leur souhaitons donc de fructueux échanges, ainsi qu’un excellent séjour parmi nous ! (Applaudissements.)
3
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.
Ces jours derniers, le rectorat de Rouen a annoncé la suppression de tous les postes d’assistants d’éducation, ou AED, de l’académie, soit 253 au total.
Selon les informations dont je dispose, il semble que Mme le recteur ait décidé de donner priorité à l’embauche d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, pour accompagner les enfants handicapés. J’ignore, d’ailleurs, le nombre de recrutements envisagés.
Cette décision de supprimer des postes d’AED à la rentrée prochaine n’est pas isolée. Certains collègues m’ont indiqué, en effet, que plusieurs autres académies étaient également concernées, comme celles d’Amiens ou de Clermont-Ferrand.
Ainsi, pour la rentrée de 2013, et alors même que les effectifs seront en hausse dans le second degré, près de 2 000 postes d’AED seraient supprimés à l’échelle nationale, soit l’équivalent du nombre de postes créés à la rentrée de 2012. Ce jeu de chaises musicales n’est pas acceptable. Il augure mal des conditions dans lesquelles se fera la prochaine rentrée scolaire.
Ces personnels assurent des missions de surveillance, d’encadrement des élèves et, éventuellement, d’aide aux devoirs. Ils peuvent aussi assister l’équipe éducative pour l’aide à l’accueil et à l’intégration scolaire des élèves en situation de handicap. Indispensables au bon fonctionnement des établissements, ils sont recrutés comme agents non titulaires de l’État et rémunérés sur des crédits répartis par les académies.
Qui, dès lors, assurera ces missions ?
S’agit-il de libérer des postes pour les emplois d’avenir professeur ? Lors du débat sur les emplois d’avenir, nous avions attiré l’attention sur le risque que ce type de manœuvre ne se produise, compte tenu de la similarité des missions confiées aux AED et aux emplois d’avenir professeur, dont l’objectif est d’aider les étudiants dans la poursuite de leurs études. Il nous avait alors été indiqué que ces postes ne se substitueraient pas.
J’attends la réponse de M. le ministre sur ce point.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une question au Gouvernement !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Foucaud.
4
Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du vendredi 21 juin prennent effet.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle avait procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 24 juin 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le 1 de l’article 80 duodecies du code général des impôts (définition des revenus imposables) (2013-340 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
7
Conventions internationales
Adoption de sept projets de loi en procédure d’examen simplifié dans les textes de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.
Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
convention d’extradition avec la jordanie
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie, signée à Paris, le 20 juillet 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie (projet n° 493 [2011-2012], texte de la commission n° 667, rapport n° 666).
(Le projet de loi est adopté.)
Mme Corinne Bouchoux. Le groupe écologiste s’abstient !
convention d’entraide judiciaire en matière pénale avec la jordanie
Article unique
Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie, signée à Paris, le 20 juillet 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume hachémite de Jordanie (projet n° 494 [2011-2012], texte de la commission n° 668, rapport n° 666).
(Le projet de loi est adopté.)
Mme Corinne Bouchoux. Le groupe écologiste s’abstient !
protocole d’amendement avec la suisse relatif à l’organisation européenne pour la recherche nucléaire
Article unique
Est autorisée l’approbation du protocole d’amendement de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l’extension en territoire français du domaine de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965 (ensemble une annexe), signé à Genève, le 18 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole d’amendement de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative à l’extension en territoire français du domaine de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire conclue le 13 septembre 1965 (projet n° 505, texte de la commission n° 670, rapport n° 669).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
Mme Corinne Bouchoux. Le groupe écologiste s’abstient !
accord avec la suisse et l’organisation européenne pour la recherche nucléaire
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l’Organisation afin d’y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational, signé à Genève, le 18 octobre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française, le Conseil fédéral suisse et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire sur le droit applicable aux entreprises intervenant sur le domaine de l’organisation, afin d’y réaliser des prestations de services revêtant un caractère transnational (projet n° 506, texte de la commission n° 671, rapport n° 669).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
Mme Corinne Bouchoux. Le groupe écologiste s’abstient !
accord avec monaco relatif aux déchets radioactifs monégasques
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques (ensemble une annexe), signé à Paris, le 9 novembre 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques (projet n° 507, texte de la commission n° 651, rapport n° 650).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
Mme Corinne Bouchoux. Le groupe écologiste s’abstient !
accord avec la norvège sur l’enseignement dispensé en france aux élèves norvégiens
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège sur l’enseignement dispensé aux élèves norvégiens et le fonctionnement des sections norvégiennes établies dans les académies de Rouen, Caen et Lyon (ensemble une annexe), signé à Oslo, le 14 juin 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège sur l’enseignement dispensé en France aux élèves norvégiens et le fonctionnement des sections norvégiennes établies dans les académies de Rouen, Caen et Lyon (projet n° 508, texte de la commission n° 653, rapport n° 652).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord de sécurité sociale avec l’organisation internationale pour l’énergie de fusion
Article unique
Est autorisée l’approbation de l’accord de sécurité sociale sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER (ensemble une annexe), signées à Paris, le 7 septembre 2011, et à Saint-Paul-lez-Durance, le 20 septembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale pour l’énergie de fusion en vue de la mise en œuvre conjointe du projet ITER (projet n° 509, texte de la commission n° 649, rapport n° 648).
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
8
Refondation de l’école de la République
Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (projet n° 641, texte de la commission n° 673, rapport n° 672).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons l’examen en deuxième lecture au Sénat de la loi sur la refondation de l’école de la République. Il s’agira peut-être, d’ailleurs, de la dernière lecture d’un texte qui matérialise la priorité définie par le Président de la République.
Pour nous permettre d’examiner les amendements déposés sur ce texte, je remercierai brièvement les assemblées, et particulièrement le Sénat, de leurs travaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous rappelez que, en première lecture, les députés avaient déposé 661 amendements sur ce texte, dont 200 ont été adoptés.
Lors de la première lecture de ce texte au Sénat, 425 amendements avaient été déposés en commission, dont 118 ont été adoptés.
Des amendements ont également été déposés en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. J’insiste cependant sur un point : l’important travail réalisé au Sénat a été respecté. J’avais donné ma parole que les enrichissements apportés au texte seraient préservés ; il y allait de l’intérêt même de la loi de refondation de l’école, donc de celui des élèves.
La rédaction du texte, tel qu’il est issu de la première lecture au Sénat, comprenait des avancées notables, portant sur des éléments essentiels : l’éducation artistique et culturelle, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la carte des formations et sa définition, la comptabilisation des enfants de moins de trois ans pour l’ouverture des classes – j’ai répondu à une question d’un parlementaire de l’opposition sur ce sujet ce matin même à l’Assemblée nationale –, les secteurs de recrutement communs à plusieurs collèges publics, l’espace à l’usage des parents, ou encore l’éducation à l’environnement et au développement durable.
Un certain nombre de mesures importantes avaient donc été introduites. Elles ont été conservées telles quelles par l’Assemblée nationale.
La commission compétente du Sénat a de nouveau adopté ce texte le 18 juin dernier, sans qu’aucun amendement ait été adopté. Je m’en réjouis.
Tout au long de l’année, j’ai entendu ce qui pouvait se dire sur cette loi. Cela a peu d’importance. Ce qui est essentiel, en revanche, c’est ce que nous avons engagé. Cela, personne, sauf pour des raisons qui ne concernent pas le fond du sujet, ne peut y être opposé.
Nous avons décidé de donner la priorité à l’école primaire. Chacun convient, depuis bien longtemps, que le point faible de notre système éducatif est l’absence de moyens accordés au primaire. Notre pays connaît, en effet, le plus faible taux d’encadrement des pays de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques.
Ce matin encore, à onze heures, l’OCDE a rendu public un rapport soulignant l’important écart qui existe entre le primaire et le secondaire, en matière, notamment, d’exigences pesant sur les enseignants. Cette situation vient de très loin. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, François Hollande avait pris l’engagement d’y remédier. Nous l’avons tenu.
Par ailleurs, nous avons mis en place – et non pas remis en place – une formation des enseignants. C’est là, en effet, le facteur essentiel de la réussite éducative.
J'entends et je lis sur les écoles supérieures du professorat et de l'éducation un certain nombre d'inexactitudes. Interrogé par Mme Blandin, j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat la semaine dernière : ces écoles marquent une rupture par rapport à ce qui a été fait jusqu’à présent, et c’était nécessaire.
L’entrée dans le métier d’enseignant doit être professionnalisée. En l’occurrence, elle le sera dès la licence, avant qu’une telle orientation ne soit accentuée en master 1 et poursuivie en master 2. Cette professionnalisation se fera en alternance avec des stages, qui seront proposés avant même le master 1 et au cours de celui-ci. Je perçois la préoccupation qui se fait jour au sujet des « reçus-collés », mais ce concours ne sera pas une césure.
Nous avons défini un cadre national. En outre, contrairement à ce à quoi l’on a assisté ces dernières années, quand l'esprit de compétition entre les universités s'est substitué à l'esprit de coopération, la procédure d'accréditation permettra une entrée progressive et professionnalisante dans le métier. Elle définira ce que l’enseignant doit savoir faire au xxie siècle, tant dans la discipline qu’il enseigne qu’en didactique et dans bien d’autres domaines, comme les usages du numérique, l’égalité entre filles et garçons, l'appréhension des enfants en situation de handicap, la laïcité et les questions pratiques qu’elle pose, le travail en équipe, la capacité à construire le rapport entre l'école et ce qui est extérieur à cette dernière.
Nous avons souhaité, car c’est fondamental, la présence dans ces écoles de praticiens au côté des universitaires, à la fois ceux qui enseignent encore, tant dans le primaire – notre réseau de maîtres formateurs – que dans le secondaire, mais également les partenaires de l'école. C'est une tâche colossale, mais le travail qui a été accompli depuis un an permettra à la rentrée aux nouveaux stagiaires, puisque l’année de stage a été rétablie, de bénéficier de cet enseignement.
Là encore, des incompréhensions se sont fait jour – on a du mal à voir percer le neuf, dans notre pays... Cet enseignement assurera la formation initiale et la formation continue, formera au professorat et aux métiers de l'éducation.
Priorité au primaire, mise en place d'une nouvelle formation des enseignants, service public du numérique éducatif, réforme de nos procédures d'orientation, installation, dès le mois d'octobre prochain, du Conseil supérieur des programmes et du Conseil national d’évaluation du système scolaire, grâce auxquels l'éducation nationale reprendra le mouvement qui doit être le sien : sur tous ces sujets, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez considérablement enrichi ce texte.
Les moyens sont au rendez-vous : 6 700 emplois seront créés à la rentrée sur le terrain, indépendamment de la remise en vigueur de l'année de stage, pour moitié dans le primaire, pour moitié dans le secondaire, lequel n'est pas abandonné.
Nous assistons actuellement à une poussée démographique. Nous y répondons en orientant tous les moyens supplémentaires vers les zones en difficulté, car, là encore, les faits sont implacables : non seulement les apprentissages fondamentaux connaissent des difficultés, mais encore les inégalités s’aggravent, mettant à mal la cohésion nationale et la solidarité avec les zones urbaines sensibles, certains territoires ruraux et les départements et collectivités outre-mer.
C'est pour cette raison que, conformément aux engagements du Président de la République, tous les moyens supplémentaires seront affectés dès cette année dans ces endroits particulièrement sensibles : c'est vrai pour l'accueil des moins de trois ans et pour le principe « plus de maîtres que de classes » ; ce sera vrai, aussi, pour notre action en faveur des collèges.
Ensemble, nous avons redéfini ces fondements de l’école, et vous les avez étayés.
Notre calendrier de travail s’annonce chargé. J'entends dire qu’il faudrait s’occuper du collège. Bien sûr ! Mais cela fait plusieurs mois que, autour de la direction générale de l’enseignement scolaire, se réunissent tous les partenaires pour proposer cette réforme du collège, qui succédera à celle du primaire.
Bien entendu, nos préoccupations fondamentales vont directement à l'éducation prioritaire. Celle-ci concerne près de 20 % de nos écoliers et de nos collégiens et elle ne donne pas les résultats escomptés, malgré l'engagement des personnels. Nous devons faire cesser ces injustices et permettre la réussite éducative de tous. Ce chantier sera engagé.
Un autre chantier est celui des missions des professeurs. Nous avons commencé par les professeurs des écoles et nous poursuivrons ce travail. Des discussions s'ouvriront à la rentrée.
Il y a ceux qui ne veulent rien changer et ceux qui voient l'avenir en regardant dans le rétroviseur. Il y a ceux qui pensent qu'il faudrait ressusciter éternellement les débats d'antan entre l'instruction et l'éducation, entre les républicains et les pédagogues, entre les moyens et les fins, entre la quantité et la qualité. Enfin, il y a ceux qui ont le sens de l'intérêt général, ceux qui, connaissant notre histoire, ont analysé la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, à savoir celle d’un système éducatif à la peine, et qui veulent surmonter ces obstacles. Cela ne se fera pas en un jour ; il faut de la méthode, et la méthode, c'est le chemin.
Or nous nous sommes mis en chemin. Il faut de la détermination. Celle-ci est au rendez-vous et bénéficie de l'appui des plus hautes autorités de l'État, à savoir le Président de la République et le Premier ministre. Nous avons les moyens de mener une grande réforme, et je suis heureux que le débat parlementaire ait permis de l’enrichir. Cette attitude est conforme non pas à une posture politique, mais bien plutôt à ce que doivent être un engagement au service de l’esprit public et des valeurs. Nous avons besoin, pour réussir cette réforme, de l’investissement de tous ; nous sommes plus intelligents à plusieurs que tout seuls. Ce que nous voulons enseigner aux élèves, nous devons le mettre en pratique nous-mêmes.
Je remercie les groupes politiques qui ont apporté leur contribution d’avoir enrichi ce texte. J'appelle les autres à nous rejoindre, car, au fond, nombre de leurs membres partagent nos préoccupations. Parfois, les situations confinent à l'absurde. Ainsi, il arrive que des sénateurs ou des députés de l'opposition m’interrogent sur la scolarisation des moins de trois ans, sur le principe du « plus de maîtres que de classes », sur le nombre d'enseignants dans leur circonscription, sur les écoles supérieures.
Ces avancées appartiennent à toute la Nation, elles sont dans l'intérêt des élèves. Encore une fois, je remercie les groupes qui ont contribué à enrichir ce texte, à lui donner sa cohérence, son ancrage républicain, et je souhaite que les autres puissent profiter de cette dernière lecture pour montrer que leur seul souci, c'est l'intérêt des élèves, c’est celui de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Françoise Cartron, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le jour de son investiture, le Président de la République avait adressé ses premiers mots à toutes celles et à tous ceux qui font le choix, au quotidien, de servir la connaissance et d’éveiller les consciences.
Au moment de prendre ses fonctions, dès les premières heures du quinquennat, par son hommage rendu à Jules Ferry, bâtisseur de notre école publique, laïque, gratuite et obligatoire, le Président de la République avait souhaité rappeler la première de ses priorités, celle qui est accordée à la jeunesse, à la refondation de cette grande maison commune qu’est l’école de la République.
La refondation de l’école s’incarnera d’ici peu dans une loi d’orientation et de programmation. Issue d’un travail de concertation dont nous avons reconnu ici l’ampleur et la qualité, fruit également d’un débat parlementaire riche et rigoureux, elle constituera sans conteste cette feuille de route indispensable que nous aurons à suivre dans les années à venir, avec toujours ces objectifs : que l’école retrouve, avec les moyens budgétaires et pédagogiques nécessaires, son ambition de réussite pour tous ; qu’elle demeure ce lieu privilégié de la connaissance, de l’intégration, de la véritable égalité ; que vive à travers elle l’esprit de notre République.
Monsieur le ministre, vous avez su être à l’écoute des parlementaires, de leurs arguments et de leurs propositions. Cette approche constructive aura permis des avancées importantes. Des améliorations ont été apportées à chacune des étapes du processus législatif. Différentes sensibilités ont pu s’exprimer, au service d’une ambition commune : permettre à notre école d’être plus juste pour tous et plus exigeante pour chacun.
Il y a tout juste un mois, le projet de loi était adopté au Sénat en première lecture. Quatre jours et quatre nuits d’échanges approfondis ont permis de consolider les fondations et les principes fondamentaux que nous assignons à notre école, celle-là même qui croit au progrès et à la justice sociale, qui ne se résigne pas face aux inégalités sociales et culturelles.
À la suite du vote intervenu dans cet hémicycle, mon homologue rapporteur à l’Assemblée nationale et les députés membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont estimé qu’un point d’équilibre avait été trouvé. Je partage entièrement ce constat.
Les 138 amendements adoptés par notre commission et les 99 autres votés en séance publique ont permis aux sénatrices et aux sénateurs d’apporter, comme je l’avais dit en conclusion de nos débats le 25 mai dernier, leur pierre, ou, plutôt, leurs multiples petites pierres, à cette entreprise de redressement.
Sur les 60 articles modifiés par notre assemblée, 26 nous reviennent aujourd’hui ; 32 avaient été adoptés conformes à l’issue de la première lecture au Sénat, 34 l’ont été en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
La majeure partie des modifications apportées par nos collègues députés est d’ordre rédactionnel. Ces apports, nous les jugeons opportuns. Sans bouleverser aucun des grands équilibres, ils ont eu comme visée principale de parfaire certaines formulations.
Voilà donc, je le crois, un travail législatif réussi. Et c’est bien cette démarche de « coconstruction » que nous défendons pour notre école : un travail collaboratif en lieu et place d’un système parfois trop hiérarchisé, concurrentiel, devenu pour nombre de nos élèves anxiogène et inefficace.
C’est cette idée d’une réussite collective, par le collectif, que nous avons constamment défendue. Elle irrigue le texte que nous nous apprêtons à voter, dans ses dispositions et dans sa conception. L’article 3 A, que nous avons inséré, en première lecture, dans le projet de loi, l’incarne en tout point. Celui-ci, qui redéfinit les missions et rappelle les valeurs fondamentales du service public de l’éducation, n’a été retouché qu’à la marge par les députés. Il nous convient ainsi.
La reconnaissance du principe selon lequel tout enfant est capable d’apprendre, de progresser, la coopération comme valeur cardinale de l’action de la communauté éducative, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales de réussite, la prise en compte par les établissements de la mixité sociale : je crois que nous pouvons éprouver de la fierté à voir inscrits dans le premier article du code de l’éducation tous ces éléments essentiels.
Afin de réaffirmer la démocratisation du système scolaire, c’est collectivement, par une série d’amendements, que nous avons posé les bases symboliques et fixé le cap de la refondation. C’est de cette manière, aussi, que l’école de la République pourra durablement renouer avec sa vocation émancipatrice universelle.
Jean Zay, illustre parmi vos prédécesseurs, monsieur le ministre, avait, sous le Front Populaire, par sa détermination, construit le système d’une école unique, sans distinction de classe sociale, dans l’enseignement primaire. C’est cette œuvre que nous devons poursuivre.
Citer Jean Zay, c’est également réaffirmer la nécessaire vigilance qu’il nous faut avoir, républicains, pour défendre les valeurs universelles de l’humanisme.