Mme Valérie Létard. Si vous me le permettez, madame la présidente, je présenterai simultanément les quatre amendements portant article additionnel après l’article 22 bis.
Mme la présidente. Pour la clarté du débat, j’appelle donc en discussion les trois amendements suivants.
L'amendement n° 262 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Tandonnet, Mmes Dini et Jouanno, MM. Roche, Amoudry, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « et effectué un stage d’initiation à la médecine générale dont la durée et les modalités sont fixées par arrêté ».
L'amendement n° 265 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Tandonnet, Mmes Dini et Jouanno, MM. Roche, Amoudry, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 632-2 du code de l’éducation, le mot : « nationales » est remplacé par le mot : « interrégionales ».
L'amendement n° 263 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Tandonnet, Mmes Dini et Jouanno, MM. Roche, Amoudry, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l’article 22 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé remettent au Parlement un rapport formulant des propositions en vue d’améliorer le mode de sélection et de formation des futurs médecins et d’élargir les origines sociales et géographiques des étudiants.
Veuillez poursuivre, madame Létard.
Mme Valérie Létard. Ces quatre amendements visent un objectif commun : améliorer la sélection et la formation des médecins pour leur meilleure adaptation aux besoins de santé dans les territoires. Ils reprennent des propositions du rapport de notre collègue Hervé Maurey intitulé Déserts médicaux, agir vraiment rendu en février dernier au nom du groupe de travail sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire et adopté à l’unanimité par la commission du développement durable.
Les quatre amendements proposés reprennent les cinq premières propositions du groupe de travail. Ils visent à donner une plus grande place à la médecine ambulatoire dans le cursus d’études, aujourd’hui centré sur la fréquentation des seuls centres hospitaliers universitaires, au détriment de la médecine de ville. En effet, aujourd’hui, on forme presque exclusivement des médecins hospitaliers. Il n’est donc pas étonnant qu’un grand nombre d’entre eux souhaitent d’abord exercer en milieu hospitalier plutôt que dans le cadre de la médecine dite de ville ; c’est le sens de l’amendement n° 264 rectifié bis.
Dans la même logique, l’amendement n° 262 rectifié bis vise à rendre effective l’obligation des stages d’initiation en médecine générale en conditionnant la validation du deuxième cycle des études médicales à leur réalisation.
Le deuxième cycle des études médicales comporte en théorie un stage d’initiation à la médecine générale d’une durée de huit semaines qui doit être réalisé au sein d’un cabinet de médecins généralistes. En pratique, la proportion d’étudiants en deuxième cycle qui a pu bénéficier de ce stage d’initiation à la médecine générale reste faible, soit moins de la moitié malgré les efforts engagés en décembre 2012 dans le prolongement du pacte territoire-santé présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 265 rectifié bis tend à régionaliser les épreuves classantes en ouvrant dans chaque région un quota de postes qui soit en adéquation, tant dans son effectif global que dans sa répartition entre les différentes spécialités, avec les particularités de la région en termes de démographie médicale.
La répartition des étudiants en médecine entre les différentes spécialités repose sur des épreuves classantes nationales, qui se sont substituées au concours de l’internat. Or on observe une propension des médecins à s’installer dans la région où ils ont fait leurs études dans une proportion de 80 %. La régionalisation des épreuves classantes contribuerait ainsi à mieux s’adapter aux besoins de la répartition régionale.
Enfin, l’amendement n° 263 rectifié bis vise à ce qu’une réflexion approfondie soit engagée afin notamment d’améliorer la sélection et la formation des futurs médecins et d’élargir les origines sociales et géographiques des étudiants. En effet, l’intense sélection qui s’exerce en première année des études de santé sur la base des sciences « dures » – mathématiques, biomathématiques, chimie théorique et organique, biochimie, biologie moléculaire, etc. – aboutit de fait à réserver l’accès aux études de santé aux bacheliers issus de la série S ayant obtenu au moins la mention « bien » au baccalauréat.
L’intensité de cette sélection favorise par ailleurs le développement de préparations privées qui renforce la part prépondérante des étudiants issus des catégories socioprofessionnelles supérieures, essentiellement urbaines. Cette situation très inégalitaire défavorise les étudiants des milieux modestes issus des territoires ruraux ou périurbains.
Comme vous le voyez, ces quatre amendements répondent de manière concrète et pragmatique à deux principes autour desquels nous saurons nous retrouver sur toutes les travées : la justice territoriale, d’une part, en proposant de donner aux étudiants en médecine les moyens de contribuer à une meilleure répartition des médecins sur l’ensemble du territoire ; la justice sociale, d’autre part, en engageant une véritable réflexion sur l’élargissement pour démocratiser l’accès aux études de médecine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Mme Dominique Gillot, rapporteur. M. Maurey a réalisé un important travail et remis un rapport d’information sur le sujet qu’il n’était pas dans la compétence de la commission d’examiner ; la commission a donc décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, en attendant l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je voudrais préalablement préciser que les articles 22 et 22 bis s’inscrivent dans le cadre d’une expérimentation. Parallèlement, sur le sujet extrêmement sensible d’une réforme en profondeur des études de santé, le ministère de la santé et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche se sont engagés dans une réflexion commune sur l’avenir des professions de santé compte tenu du vieillissement de la population et des progrès thérapeutiques qui permettent le maintien à domicile pour certaines maladies chroniques comme les cancers – je pense notamment au développement de la chimiothérapie à domicile. Ces évolutions auront une influence sur les compétences demandées aux différentes professions de santé, et certains actes effectués par les médecins pourront demain être pris en charge par des infirmières.
Cette réflexion de long terme demande beaucoup de concertation, de sérénité et une vision d’ensemble de l’avenir du secteur de la santé ; elle est engagée. Le projet de loi dont nous débattons concerne simplement l’expérimentation. À ce stade, il serait extrêmement imprudent de prendre des décisions sur des sujets aussi importants et sensibles.
Dans le cadre de l’expérimentation dont nous débattons ce soir, j’en viens maintenant plus précisément aux amendements en discussion.
En ce qui concerne l’amendement n° 264 rectifié bis, il est actuellement prévu dans les formations des stages en ambulatoire pendant les deuxième et troisième cycles des études médicales. Ces stages sont effectués sous le contrôle des unités de formation et de recherche et, s’ils ne sont pas prioritaires, ils n’en sont pas moins obligatoires.
L’arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales précise à l’article 14 que les étudiants accomplissent un stage chez un ou des médecins généralistes, praticiens agréés, maîtres de stage des universités. C'est la raison pour laquelle, madame Létard, je vous demanderai le retrait de cet amendement, qui est de fait satisfait.
S'agissant de l’amendement n° 262 rectifié bis, si la formation en médecine générale est évidemment importante – elle est au cœur de la réflexion engagée par le ministère de la santé –, tout comme l’est la réalisation de stages dans le cursus des études, la mention d’un stage obligatoire en conditionnant la validation du deuxième cycle des études médicales à sa réalisation n’est pas du domaine de la loi. De plus, rendre ce stage obligatoire pour la validation pourrait mettre en difficulté des étudiants qui n’y auraient pas encore accès pour des raisons d’organisation pratique dans leur faculté. C’est pourquoi je vous demande également le retrait de cet amendement, qui est en grande partie satisfait.
L’amendement n° 265 rectifié bis a pour objectif de régionaliser les épreuves classantes en ouvrant dans chaque région un quota de postes qui soit en adéquation, tant dans son effectif global que dans sa répartition entre les différentes spécialités, avec les particularités de la région en termes de démographie médicale. Cette disposition devrait s’accompagner, même si les motifs en sont connus de tous – vous avez évoqué les déserts médicaux –, d’une réforme de la pratique de l’examen classant national remplaçant l’internat, qui ne relève pas de ce projet de loi et doit s’inscrire dans une réforme plus globale. C’est un sujet sensible qui nécessite une grande concertation. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 263 rectifié bis, comme il est indiqué dans le projet de loi, un rapport d’évaluation sera remis à l’issue de l’expérimentation. Le Gouvernement est par conséquent également défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Madame Létard, vous avez été sollicitée pour retirer vos deux premiers amendements, ou les quatre si vous voulez. (Sourires.)
Mme Valérie Létard. Je ne suis pas totalement convaincue par vos explications, madame la ministre. Si nous avons déposé ces amendements, c’est parce que nous savons que les dispositions actuellement en vigueur ne sont pas suffisantes pour régler le problème de notre démographie médicale et de notre organisation des soins. Le rapport de M. Maurey, qui a été très bien accueilli sur toutes les travées de cet hémicycle, montre qu’il est urgent de régler le problème de la démographie médicale en milieu rural.
La concertation, oui, mais attention à ce qu’elle ne finisse pas par mettre en grand péril les territoires ruraux. Il faut aussi se pencher sur une question que je connais bien sur mon territoire : certaines zones urbaines sensibles, territoires déjà en grande difficulté, ne vont bientôt plus avoir de médecins généralistes.
Je suis d’accord pour retirer les amendements nos 264 rectifié bis et 262 rectifié bis, mais j’insiste sur la nécessité de faire passer ce message au Gouvernement : il est urgent de trancher la question !
L’amendement n° 265 rectifié bis vise à répondre à un problème que l’on peut régler rapidement en ce qui concerne la dimension interrégionale. Je souhaite vraiment qu’il soit adopté. Comme Jacques Legendre et Marie-Christine Blandin, je viens d’un territoire qui connaît ces situations. Nous avons besoin de voir les médecins qui se forment dans notre région s’y installer. Il est donc nécessaire de faire quelque chose sans attendre.
J’accepte également de retirer l’amendement n° 263 rectifié bis, mais je vous invite à aller très vite sur ces questions, car nous allons vraiment rencontrer un sérieux problème d’accompagnement de proximité de nos populations les plus fragiles.
Mme la présidente. Les amendements nos 264 rectifié bis, 262 rectifié bis et 263 rectifié bis sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 265 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 bis.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui vendredi 21 juin 2013, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 614, 2012-2013) ;
Rapport de Mme Dominique Gillot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 659, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 660, 2012-2013) ;
Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 663, 2012-2013) ;
Rapport d’information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 655, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 21 juin 2013, à une heure.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART