M. Gérard Cornu. Je voterai ces trois amendements identiques. Toutefois, je comprends mal, je l’avoue, les explications de M. le ministre. Dans un premier temps, il nous explique qu’il veut la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs afin de favoriser la parité. Dans un second temps, il refuse un amendement visant à favoriser la parité en prévoyant que le titulaire et le suppléant doivent être de sexe différent.
Monsieur le ministre, dès lors que vous souhaitez imposer, dans une élection à la proportionnelle, la présentation de listes comprenant alternativement un homme et une femme – une proportionnelle « chabada » ! –, je ne comprends pas que vous refusiez cette alternance homme femme lorsqu’il s’agit d’un scrutin uninominal à deux tours. Un point de votre raisonnement m’échappe.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis en toute sympathie, je constate que nous assistons à une sorte de séance de rattrapage afin de déterminer quels sont les tenants de la parité.
Je comprends la proposition faite voilà un instant par Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Toutefois, les chiffres concernant les suppléants aux élections cantonales sont implacables. Et c’est bien là que réside le problème.
Nous, nous voulons favoriser la parité. J’illustrerai mon propos d’exemples concrets, monsieur Béchu. Pour les élections législatives, il y a un régulateur financier. Il a d’ailleurs coûté cher à votre famille politique, et elle paie encore, dans tous les sens du terme.
M. Yves Chastan. Eh oui !
M. Manuel Valls, ministre. Les élections européennes ou régionales se font au scrutin de liste, comme les élections municipales.
Pour les cantonales, le régulateur financier n’intervient pas. Une première tentative, intéressante, d’ailleurs – elle ne mérite pas d’être rejetée d’un revers de la main –, a été faite avec les suppléants. Néanmoins, par définition, les suppléants ne sont pas des titulaires ; ce ne sont pas eux qui sont élus. Et comme j’ai eu l’occasion de le rappeler lors du débat sur les élections cantonales et départementales, les chiffres sont là.
C’est pourquoi, pour obtenir la parité, nous avons proposé le scrutin binominal. En l’occurrence, ce sont deux personnes qui sont élues, et non plus un titulaire élu avec son suppléant, ou sa suppléante.
Pour ce qui concerne les élections sénatoriales, certains sénateurs sont élus au scrutin proportionnel, lequel, nous le savons, n’est pas une garantie absolue, mais permet de faire progresser la parité.
Les auteurs de ces amendements identiques nous proposent de faire avancer la parité en jouant sur la suppléance. Et certains de s’exclamer : enfin, la parité arrive grâce à la suppléance !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Personne n’a dit cela !
M. Manuel Valls, ministre. Nous savons ce qu’il en sera.
Je vous le dis clairement. Le Gouvernement ne s’oppose pas à ce que le Sénat vote ces amendements, afin que les suppléantes ou les suppléants soient choisis en fonction du sexe du titulaire. En revanche, il s’oppose à l’idée selon laquelle, grâce à cette mesure, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous nous expliqueriez que vous êtes favorables à la parité.
Comme je n’ai aucune envie de vous laisser le moindre espace sur ce sujet… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Troendle. Et pourquoi donc ?
M. Gérard Cornu. C’est inadmissible !
M. Manuel Valls, ministre. Non, ce n’est pas inadmissible ! Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez beaux joueurs. Il y a parfois des pièges, même de la part de personnes aussi talentueuses que M. Béchu. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je demande une suspension de séance, afin que le groupe socialiste puisse se réunir, car certains de ses membres ne partagent pas la position de M. le ministre.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Allons bon !
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 21 rectifié bis, 49 rectifié bis et 17 rectifié bis.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mme Cartron va défendre les femmes ! (Sourires.)
Mme Françoise Cartron. Madame Des Esgaulx, je suis très heureuse de constater que vous vous ralliez de façon si spontanée à ces amendements. Comme M. le ministre, je constate une métamorphose chez certains sénateurs de l’opposition qui, après avoir combattu la parité, découvrent aujourd’hui la magie de la suppléance… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est kafkaïen !
Mme Françoise Cartron. Vous le savez, mes chers collègues, dès qu’il est question de parité, je suis très volontaire. Je voterai donc évidemment ces amendements. Je le ferai toutefois sans illusions, car je vois bien que, vous, vous restez encore au milieu du gué : les hommes titulaires et les femmes suppléantes ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Françoise Cartron. Encore un petit effort, mes amis !
Mme Catherine Troendle. Chez vous, on n’est pas non plus si vertueux que cela !
Mme Françoise Cartron. J’espère que, dès les prochaines élections sénatoriales, nous aurons des femmes têtes de liste, et qui y seront pleinement à leur place !
Nous ne sommes pas dupes de ce petit jeu d’optique que vous nous proposez, mais nous considérons que les femmes méritent qu’on fasse aujourd'hui ce petit pas dans le sens d’une amélioration de la parité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous n’avons pas l’habitude de changer d’avis en cours de séance, mais, s’agissant d’un scrutin uninominal, il est un principe, auquel nous, en tout cas, nous sommes attachés : le ou la candidate doit pouvoir choisir librement son suppléant, quel que soit le sexe de ce dernier. C’est un principe de liberté et de responsabilité.
Nous ne sommes pas dupes, non plus, de ce qui se joue en ce moment, que ce soit au travers de l’amendement de M. Maurey ou d’autres, mais nous persisterons à considérer que la responsabilité du choix de la suppléante ou du suppléant incombe à celle ou celui qui mène le combat.
Aussi difficile soit-il de délivrer ce message, nous l’assumons pleinement.
M. Jean-Pierre Michel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le principe de liberté devrait conduire aussi à reconnaître aux femmes, qui représentent tout de même 50 % de l’humanité, leur place en politique et à tout mettre en œuvre pour qu’elle l’occupe effectivement.
Certes, la disposition proposée ne va pas tout régler. Néanmoins, poser en permanence la question de la place des femmes en politique, c’est porter haut et fort cette exigence, de manière à produire un effet pédagogique sur les hommes, bien sûr, mais aussi sur les femmes, pour inciter ces dernières à revendiquer leur juste place dans la société. C’est la raison pour laquelle je voterai ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis, 49 rectifié bis et 17 rectifié bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UDI-UC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 265 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 325 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et de l’UDI-UC. – M. Gérard Cornu applaudit également.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 55 rectifié bis est présenté par MM. de Montgolfier, Cornu et Billard.
L’amendement n° 25 rectifié ter est présenté par M. Masson
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 305 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat au second tour s’il ne s’est présenté au premier tour. »
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’en finir avec un véritable archaïsme. Cette proposition ne devrait guère susciter l’intérêt puisqu’il s’agit d’un vrai problème de fond… (Murmures.)
Nous proposons en effet de prévoir que nul ne peut être candidat au second tour s’il ne s’est présenté au premier tour. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Il faudra sûrement un scrutin public pour que chacun puisse exprimer un véritable choix, sans aucune pression médiatique ou démagogique !
Nous considérons qu’il faut mettre fin à cette règle qui permet à un candidat, dans les circonscriptions où l’élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire, de se présenter au second tour sans avoir été candidat au premier tour. Au demeurant, cette règle n’est plus appliquée depuis longtemps.
J’observe au passage qu’on ne s’est jamais posé la question des comptes de campagne, alors qu’elle va nécessairement se poser désormais. Ce point a dû être oublié, monsieur le ministre, à l’instar du problème des communes associées. Il y a, comme cela, des questions qui passent un peu au travers des mailles du filet… (Sourires.)
Nous souhaitons que celle-ci soit réglée une fois pour toutes.
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié bis.
M. Albéric de Montgolfier. Pour quelles raisons, en effet, pourrait-on être candidat au second tour sans avoir été candidat au premier ? Par rapport aux élections législatives, cela apparaît comme une anomalie.
Cela étant, la question des comptes de campagne qui vient d’être évoquée par M. Mézard est tout à fait essentielle. En effet, si une personne se déclare candidate entre les deux tours, c’est-à-dire sans avoir posé sa candidature au premier tour, cela peut soulever une vraie difficulté de ce point de vue. La meilleure façon d’éviter toute anomalie en la matière est tout simplement de mettre fin à cette règle un peu étrange qui consiste à pouvoir être candidat au second tour sans s’être présenté au premier tour. Je ne doute pas que le Sénat en tiendra compte pour adopter ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié ter.
M. Jean Louis Masson. Lors de l’examen du projet de loi relatif aux élections municipales et cantonales, que nous avons voté, j’avais présenté un sous-amendement tendant à empêcher qu’une personne qui n’était pas candidate au premier tour des élections municipales puisse être élue, et ce sous-amendement avait d’ailleurs été adopté au Sénat.
Dans la même logique, j’ai déposé le présent amendement pour les sénateurs. Petit à petit, nous parviendrons, de ce point de vue, à une uniformisation pour l’ensemble des scrutins.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié ter, présenté par M. Détraigne, Mmes Férat, Morin-Desailly et Goy-Chavent et MM. J.L. Dupont, Merceron, Deneux, Bockel, Namy, Capo-Canellas, Tandonnet, Amoudry, Maurey, J. Boyer, Guerriau, Jarlier, Mercier et Dubois, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 305 du code électoral est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Nul ne peut être candidat au deuxième tour s'il ne s'est présenté au premier tour et s'il n'a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
« Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second.
« Dans le cas où aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement va un peu plus loin que les trois précédents. En effet, il tend non seulement à supprimer toute possibilité d’être candidat au second tour d’une élection sénatoriale sans s’être présenté au premier, mais aussi à fixer un seuil de 12,5 % des électeurs inscrits pour pouvoir se maintenir au second tour.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l’article L. 294 du code électoral, il est inséré un article L. 294-… ainsi rédigé :
« Art. L. 294-... – Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire, nul ne peut être élu candidat au deuxième tour s’il ne s’est pas présenté au premier tour et s’il n’a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
« Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second.
« Dans le cas où aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second. »
II. - L’article L. 305 du code électoral est abrogé.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement a le même objet que celui qui vient d’être présenté. Je considère qu’il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. J’émets un avis favorable sur les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 55 rectifié bis et 25 rectifié ter. Au demeurant, j’avais moi-même déposé un semblable amendement en commission, avant que la commission ne rejette le présent texte.
Il s’agit d’une modification logique. Avec l’ouverture des comptes de campagne, le maintien de cette disposition aurait d’ailleurs posé des difficultés supplémentaires.
Certains m’ayant demandé si le cas de figure s’était déjà présenté par le passé, j’ai examiné les résultats des précédentes élections sénatoriales. En 2011 et en 2008, aucune nouvelle candidature n’a été déposée au second tour. Une seule a été constatée en 2004 et une autre en 2001. En 1998, en revanche, quatre cas ont été recensés, dont l’un a conduit à l’élection, à Wallis-et-Futuna, de notre collègue Robert Laufoaulu, qui a du reste été réélu en 2008.
Concernant les amendements nos 15 rectifié ter et 18 rectifié, qui tendent à fixer un seuil de 12,5 % pour pouvoir se maintenir au second tour, la commission a émis un avis défavorable. Ces amendements lui ont paru trop restrictifs, dans la mesure où ils visent à imposer aux candidats de réunir nombre minimum d’électeurs inscrits, ce qui marquerait une nette rupture avec le droit actuel et avec la tradition des élections sénatoriales, qui plus est au détriment du pluralisme politique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement rejoint avec enthousiasme la cavalcade que lance M. Mézard contre les archaïsmes !
Il s’agit ici de mettre fin à un dispositif dont, en toute honnêteté, on ne comprend pas très bien la logique. Comme M. Masson vient de le souligner, c’est une question de cohérence. J’émets donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 55 rectifié bis et 25 rectifié ter.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l’établissement d’un seuil de 12,5 % des électeurs inscrits pour l’accès au second tour du scrutin sénatorial. Nous aurons l’occasion d’y revenir : en la matière, le Gouvernement n’est pas favorable à l’introduction d’un seuil.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 55 rectifié bis et 25 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er, et les amendements nos 15 rectifié ter et 18 rectifié n'ont plus d'objet.
M. Jean Louis Masson. Il me semble que ce n’est pas le cas de mon amendement n° 18 rectifié, monsieur le président. Puis-je m’expliquer à son sujet ?
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. M. le rapporteur a indiqué qu’une telle disposition pourrait porter atteinte au pluralisme. Il a tout à fait raison ! C’est bien pourquoi je n’avais pas voté le rehaussement de 10 % à 12,5 % du seuil d’électeurs à réunir pour les scrutins cantonaux, mesure dont je regrette l’adoption. Et je me souviens que M. le ministre avait alors justifié la barre très élevée de 12,5 % des inscrits, qui porte pourtant atteinte au pluralisme.
Au reste, je note que, sans ce critère, les élections législatives partielles de dimanche dernier n’auraient peut-être pas eu la même issue. Je rappelle que le troisième candidat a été éliminé dès le premier tour. D’après mes informations, il n’en était pas très satisfait… Il faut choisir : soit on veut du pluralisme, soit on n’en veut pas !
En tout état de cause, j’accepte de retirer mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Ce n’est pas nécessaire, monsieur Masson, puisque, comme je l’ai indiqué, votre amendement est devenu sans objet.
L'amendement n° 24, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 312 du code électoral est ainsi modifié :
1° Après le mot : « départements », sont insérés les mots : « où l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours ».
2° Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les autres départements, les électeurs sont convoqués au chef-lieu de leur arrondissement. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. À l’origine, la plupart des élections sénatoriales étaient organisées au scrutin majoritaire et, comme plusieurs tours étaient en général nécessaires au cours de la même journée, il était indispensable que l’élection se tienne au chef-lieu du département, afin de centraliser les décisions et l’organisation.
En revanche, dans les départements où le scrutin sénatorial a lieu à la proportionnelle, il n’y a réellement aucune raison d’imposer aux grands électeurs des déplacements pouvant atteindre 120 ou 130 kilomètres, à l’aller comme au retour. C’est le cas dans le département dont je suis l’élu, où le scrutin proportionnel est en vigueur et où il n’est donc pas nécessaire de réunir tous les électeurs en un seul et même lieu. En pareil cas, le scrutin devrait pouvoir être organisé dans chaque chef-lieu d’arrondissement, le bureau centralisateur demeurant au siège de la préfecture.
À mon sens, cela permettrait d’épargner beaucoup de temps et d’énergie aux grands électeurs et de limiter, du même coup, leurs frais de déplacements, lesquels, je le rappelle, sont pris en charge par l’État. Cet amendement est donc susceptible de contribuer à ces économies d’argent public que l’on cherche à grappiller un peu partout !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Ce mode d’organisation des élections sénatoriales pourrait a priori apparaître comme une bonne idée pour limiter les déplacements des grands électeurs, lutter contre l’effet de serre et permettre à l’État de rembourser un peu moins de frais de déplacements.
Toutefois, s’il était adopté, cet amendement compliquerait la tenue de ces scrutins, que le préfet a la charge d’organiser avec l’appui du président du tribunal.
Par ailleurs, cette proposition semble peu justifiée dans la mesure où les élections sénatoriales n’ont lieu qu’une fois tous les six ans. De plus, ces scrutins permettent de réunir un grand nombre d’élus du département à la préfecture à l’occasion d’un vote solennel, auquel les grands électeurs sont très attachés.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Il y a quelques instants, nous évoquions les archaïsmes dont il convient de se défaire. Toutefois, il convient aussi de ne pas confondre archaïsmes et traditions !
M. Michel Le Scouarnec. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’un sénateur est l’élu du département,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et même de la Nation !
M. Patrice Gélard. … et non pas d’un chef-lieu d’arrondissement quelconque. Par conséquent, il me semble que le point de vue du rapporteur et du ministre est le bon.
M. Alain Bertrand. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
Le premier alinéa de l’article L. 294 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :
« Dans les départements où sont élus deux sénateurs ou moins, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.
M. Jean Louis Masson. Pour ma part, je suis très favorable à cet article, et pas seulement dans un souci de parité. En effet, le scrutin proportionnel permet d’éviter la formation de coalitions conduisant au « gel » du pluralisme. À l’inverse, on l’a observé lorsque la proportionnelle a été introduite en 2001, ce système a permis non seulement la parité, mais aussi, dans les départements comptant trois ou quatre sénateurs, un plus grand pluralisme.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre dans cet hémicycle, le scrutin proportionnel est au moins aussi efficace que le scrutin majoritaire, sinon beaucoup plus, pour garantir l’expression d’un véritable pluralisme fondé sur les réalités du terrain. Si, par exemple, vous ne disposez pas de l’investiture d’un parti politique, vous pouvez tout aussi bien être élu à la proportionnelle qu’au scrutin majoritaire !
Voilà pourquoi je suis favorable à cet article, et ce à double titre : pour la parité et pour le pluralisme. Il n’est pas normal qu’un parti politique représentant 50,001 % des grands électeurs obtienne les trois sièges sénatoriaux d’un département,…
M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. Nous sommes d’accord, cher collègue !
M. Jean Louis Masson. … et qu’un autre parti, qui en représenterait 49,999 %, n’ait aucun élu.
Dans cet article, il y a une logique de démocratie !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 37 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Jean-Jacques Hyest. Mes chers collègues, au cours de la discussion générale, nous avons déjà largement évoqué cet article. Au-delà du seuil de 800 habitants, que nous avons abordé tout à l'heure, le retour au scrutin proportionnel pour les départements à trois sièges constitue le cœur du présent texte.
Tout d’abord, dans ces départements, contrairement à ce que prétend M. Masson, le scrutin majoritaire n’empêche pas l’élection d’un sénateur appartenant à la minorité départementale.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Nous en avons d’ailleurs un exemple vivant en la personne de notre excellent président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur. (Nouveaux sourires.)
M. Éric Doligé. Certes, mais c’était un accident ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Christiane Demontès. Voilà qui n’est pas très élégant !
M. Jean-Jacques Hyest. C’était peut-être un accident, mon cher collègue,…
M. Jean-Jacques Hyest. … mais M. Sueur a malgré tout été élu,…
M. Éric Doligé. Tout à fait : eu égard à la qualité de sa candidature !
M. Vincent Eblé. C’est pour les deux autres qu’il s’agissait d’un accident ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest. … et même bien élu !
Quoi qu'il en soit, nos collègues radicaux de gauche avaient, me semble-t-il, émis la même opinion que moi en commission… Toutefois, je ne sais pas ce qui s’est passé et nous avons observé un changement ! (M. Jacques Mézard manifeste son désaccord.)
Monsieur Mézard, le présent texte a été rejeté par la commission des lois parce que vous avez voté contre ! Peut-être, après mûre réflexion, certains ont-ils changé d’avis…
Pour ma part, ayant voté naguère le retour au scrutin majoritaire pour les départements comptant trois sièges, je ne vais pas me déjuger aujourd’hui ! Allons-nous modifier le système à chaque alternance ?
M. Antoine Lefèvre. Ça va finir comme ça !
M. Jean-Jacques Hyest. Bien entendu, si nous retrouvons la majorité, nous rétablirons le scrutin majoritaire pour les départements à trois sénateurs !
M. Claude Bérit-Débat. Pas sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. En effet, le système tel qu’il existe actuellement présente un équilibre : une moitié des sénateurs est élue au scrutin proportionnel et une moitié, au scrutin majoritaire. Avec cette modification, la part des sénateurs élus à la proportionnelle sera très majoritaire.
En fait, la proportionnelle ne me paraissant pas être forcément et dans tous les cas le meilleur système, je pense que cette mesure est uniquement destinée à essayer de gagner un siège dans les départements où l’on est minoritaire… Au demeurant, comme l’illustrent les exemples passés, je ne suis pas certain que ces petits calculs se révèlent nécessairement fructueux. Nous verrons bien !