M. Edmond Hervé. En ce qui concerne la question des seuils, nous avons tous débattu du RMI et du RSA. Mais quelle est la ville qui, vingt ans avant la création du RMI, a inventé ce que l’on appelait, à l’époque, le « complément local de ressources » ? C’est Besançon !
Je n’allongerai pas la liste de mes exemples, mais nous devons être conscients de la nécessité d’une approche très concrète et aussi qualitative que possible.
Parmi les critères dérogatoires, figure la présence d’un siège de pôle universitaire. Prenons un exemple que je connais bien : la ville de Rennes. Celle-ci accueille aujourd’hui 60 000 étudiants mais, dès le début des années 1970 et 1980, l’université de Rennes a organisé une délocalisation exceptionnelle, qui a commencé par Vannes – je suis allé donner des cours à Vannes – et s’est poursuivie avec Brest, Lorient, Saint-Malo et Saint-Brieuc. Si l’on se contente d’analyser un pôle universitaire sans tenir compte de la réalité régionale, on pénalise les villes qui ont entrepris un effort d’anticipation et d’organisation.
Nous devons donc faire preuve de prudence et, surtout, cesser de diviser la ville en fonction de telle ou telle approche : la ville forme un tout, et un tout solidaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Notre collègue Edmond Hervé vient de prononcer un véritable plaidoyer en faveur de cet article, mais je regrette de devoir y apporter quelques bémols.
Les structures constituées en intercommunalité sur la base d’un projet ont donné une attractivité aux territoires sur lesquels elles se sont constituées et ont gagné petit à petit en force, en dynamisme ; elles ont développé des capacités qui contribuent au rayonnement du secteur géographique ainsi constitué. Pour autant, parce que son attractivité a augmenté, parce que son pôle universitaire a gagné en importance, parce que l’innovation s’est développée, faut-il qu’une communauté d’agglomération devienne automatiquement communauté urbaine ?
Je dois avouer que cette question me laisse dubitative. En effet, à chaque fois, la transformation est envisagée non sur la base d’un projet au niveau du territoire, mais en raison d’une « carotte » financière. Soyons lucides, dans la grande majorité des cas, l’argument financier a été déterminant !
Entre une dotation par habitant à 45,40 euros pour la communauté d’agglomération et à 60 euros pour la communauté urbaine, le choix n’est pas difficile. Dans une période de vaches maigres comme celle que nous vivons – et nous savons que celle qui nous attend sera encore pire ! –, on ne peut pas négliger cet aspect dans la discussion de cet article. Si l’on n’y prend pas garde, la motivation des élus ne sera plus uniquement le projet de développement du territoire.
Nous devons aussi réfléchir au moyen de conserver une certaine égalité entre les territoires, au sein de notre République, au lieu de créer des oppositions plus fortes que celles qui existent déjà.
Je confirme donc le maintien de notre amendement n° 547, qui tend à supprimer l’article 40.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le groupe écologiste votera contre ces deux amendements de suppression, ce qui n’étonnera personne. De même, nous ne sommes pas surpris par l’amendement de nos collègues du groupe CRC, puisqu’ils rejettent avec constance tout ce qui pourrait porter atteinte au pouvoir communal. Depuis une semaine que nous échangeons sur ces questions, les positions de chacun sont assez claires !
Je m’attarderai plus longuement sur l’amendement n° 342 rectifié de M. Mézard. En effet, dans l’objet de son amendement, notre collègue explique que la multiplication des dérogations pour créer une communauté urbaine « se ferait une nouvelle fois au détriment des territoires non urbains, déjà fragilisés ».
Cette phrase illustre bien l’absence de confiance entre territoires observable aujourd’hui dans notre pays. Ce déficit de confiance est à la base de nos discussions et explique les luttes menées ici pied à pied, chaque camp enregistrant tantôt des victoires, tantôt des revers. Aujourd’hui, des territoires qui se côtoient ne se font pas confiance, tout simplement !
En quoi le renforcement de l’intégration et de l’efficience de l’action publique dans une aire urbaine serait-il mauvais pour les territoires environnants ? Cela ne va pas de soi, et on devrait même s’attendre à l’inverse ! Le renforcement de l’efficacité de l’action publique devrait être bénéfique à l’ensemble du pays, et donc à l’ensemble des territoires.
Aujourd’hui, et le débat autour de ce projet de loi le montre amplement, nous n’avons pas réussi à démontrer – pour l’instant, mais nous n’en sommes qu’à la première lecture ! – comment des dynamiques urbaines renforcées grâce à une efficacité accrue de l’action publique – et à davantage de démocratie, mais les esprits ne sont pas encore mûrs sur ce point, nous l’avons vu hier soir – pouvaient être au service de l’ensemble des territoires.
J’espère que nous y parviendrons lors de l’examen du deuxième projet de loi qui doit renforcer des capacités d’aménagement régionales. Je souhaite, en effet, que nous votions tous ensemble en faveur du renforcement de la planification régionale et que personne n’oppose le principe de libre administration pour empêcher la région de jouer tout son rôle dans la solidarité territoriale. Je subodore, malgré tout, que ce risque existe !
Il faut aussi renforcer le dialogue entre l’aire urbaine et l’ensemble des territoires qui vivent sous son influence – nous y reviendrons tout à l’heure. Quoi qu’il en soit, la discussion d’aujourd’hui prouve l’absence de confiance entre les territoires. Je sais que Marylise Lebranchu a consacré beaucoup d’énergie à cet égard, et j’espère que le débat parlementaire permettra d’améliorer le climat de confiance entre les territoires. La définition des critères de la communauté urbaine, de la métropole et de la communauté d’agglomération est étroitement liée à cette absence de confiance ; sinon, notre débat ne serait pas le même.
M. Michel Mercier. C’est bien la question posée !
M. Ronan Dantec. Je regrette que Mme Gourault ait retiré ses amendements. En effet, il me semble que nous avons fait une erreur en ne distinguant pas les grandes métropoles ayant une fonction stratosphérique – Paris, Lyon et Marseille – et les villes d’importance moindre, mais qui ont développé des connexions internationales et exercent une influence forte sur l’ensemble des territoires qui les entourent. Il me semble que la qualification de communauté métropolitaine aurait mieux correspondu à cette deuxième catégorie, mais tel n’a pas été le choix du Sénat.
En ce qui concerne les communautés urbaines – et c’était aussi vrai pour les communautés métropolitaines –, les critères de définition à retenir sont les fonctions et non le nombre d’habitants.
L’article 40 de ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, est tout à fait cohérent : il obéit à une logique fonctionnelle et non plus démographique, car cette logique tient compte de l’histoire des territoires. Certains départements sont plus peuplés que d’autres, mais cette situation ne change rien aux fonctions métropolitaines. Certaines villes, en France, sur des territoires peu peuplés, exercent des fonctions métropolitaines ou communautaires fortes : elles doivent être reconnues en tant que telles.
L’article 40 est cohérent, et nous ne voterons donc pas ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Permettez-moi deux observations, à titre liminaire.
Tout d’abord, il faut rendre la paternité du rapport Faire confiance à l’intelligence territoriale à Claude Belot, Jacqueline Gourault et Yves Krattinger.
Ensuite, j’éprouve toujours beaucoup de respect et d’intérêt pour les arguments que développe notre collègue Edmond Hervé, dont je salue l’intelligence, la clairvoyance et l’honnêteté intellectuelle. Il se trouve que, dans le cas présent, cher Edmond Hervé, je ne suis pas du tout d’accord avec vous, et je vais essayer d’expliquer pourquoi aussi simplement que possible.
Je balaierai rapidement les arguments de notre collègue Ronan Dantec. Distinguer ceux qui font confiance aux territoires des autres, qui seraient rétrogrades, témoigne d’une vision clivante, bonne pour des articles de presse, mais qui ne permet en rien de résoudre les problèmes sur le terrain. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)
On nous a expliqué qu’il y avait des leaders, des villes qui avaient influencé les autres en raison de leur gestion innovante. Edmond Hervé a ainsi rappelé, à raison, quelle avait été l’œuvre d’Hubert Dubedout à Grenoble. Or ce qui a permis à cette ville – et aux autres que notre collègue a citées – d’avancer n’était pas lié à son appartenance à une communauté urbaine.
Certaines villes rayonnent pour de tout autres raisons. En bon radical, je ne citerai pas Lourdes.... (Sourires.)
Là n’est donc pas le problème. Nous avons, sur le plan de l’intercommunalité, une architecture de principe qui est, pour une fois, raisonnable, avec des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des métropoles. La vraie question est de savoir comment on opère la distinction entre chacune de ces strates.
Quoi qu’on en dise, cela entraîne des conséquences financières. Je souhaiterais d’ailleurs que nous puissions disposer d’une étude d’impact solide sur ce sujet. Elle nous permettrait de savoir si la multiplication des communautés urbaines aurait des conséquences pour les communautés d’agglomération.
M. Louis Nègre. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Personne n’est dupe ! Si l’on abaisse le seuil démographique, ce ne sera pas sans conséquences. C’est d’ailleurs assez contradictoire avec les propos que nous avons entendus sur les métropoles. Je pense, pour ma part, qu’il faudrait un nombre limité de métropoles, mais des métropoles efficaces.
Le seuil de 450 000 habitants pour les communautés urbaines était tout à fait raisonnable. Pourquoi l’avoir abaissé à 400 000 ? Que l’on nous donne l’explication, la vraie !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour faire entrer quelqu’un !
M. Jacques Mézard. Il faut être clair, dans ce cas !
Quant à rajouter ensuite, au nom de la clarté, de la simplification et de la lisibilité (Sourires.), cinq critères dont il convient de réunir au moins deux… Voilà qui n’est ni clair ni raisonnable ! Il suffit de chercher qui présente ces caractéristiques pour trouver l’explication.
Nous ne sommes pas tous nés de la dernière pluie ! C’est d’ailleurs l’un des intérêts du cumul des mandats : il nous permet de gérer efficacement nos collectivités. (Marques d’approbation sur les travées de l'UDI-UC.).
Dans certains cas, une gestion habile permettra de passer de un à deux critères. Si c’est ce que vous appelez de la simplification et de la clarté, je crois que vous n’allez pas dans le bon sens. M. le président de la commission des lois me comprend parfaitement.
Tout en saluant le travail réalisé globalement par les membres de la commission des lois, son rapporteur et son président, je me dois de dire que nous sommes là sur un terrain glissant.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Edmond Hervé a démontré précédemment que la mise en réseau était primordiale pour la dynamique d’un ensemble urbain. Or le projet de loi manque le plus cruellement des outils qui permettraient de favoriser cette mise en réseau.
Lorsque l’on nous parle des métropoles, on évoque le transfert de la gestion de l’allocation personnalisée à l’autonomie, l’APA, et de celle des collèges et des lycées. Quel rapport cela a-t-il avec la dynamisation d’un ensemble urbain ? Je souhaite que l’on approfondisse la réflexion au fil de la navette pour favoriser les interventions en réseau.
Par ailleurs, mais je n’y insisterai pas, il faudrait connaître l’impact financier. S’il est vrai que les grandes agglomérations rayonnent, c’est aussi parce qu’elles perçoivent davantage de subsides de l’État…
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Cette question quelque peu lancinante est une spécialité sénatoriale. Il suffit de se rappeler pourquoi on a créé les communautés urbaines et quel a été le rôle joué par le Sénat dans cette affaire pour comprendre le débat d’aujourd’hui.
Je suis d’accord avec M. Dantec : ce sont les fonctions qui créent la communauté urbaine. Si l’on veut examiner les choses en détail et ne pas polluer la question, il faut raisonner simplement. Accorder la même DGF par habitant aux communautés urbaines et aux communautés d’agglomération, c’est presque avoir résolu le problème.
En effet, si l’on veut être tout à fait honnête, c’est uniquement pour toucher la dotation de DGF par habitant que les communes font la course en vue d’intégrer une communauté urbaine. (M. Edmond Hervé s’exclame.)
Je vous admire beaucoup, monsieur Hervé, mais, pour la première fois, votre démonstration sur la nécessité des communautés urbaines ne m’a pas convaincu. Aucune des trois villes que vous avez citées ne fait partie d’une communauté urbaine, ce qui ne les a pas empêchées de faire leur travail.
En effet, vous nous avez expliqué que vous étiez favorable à l’amendement du rapporteur parce que Grenoble, Besançon et Rennes avaient fait de grandes choses.
M. Edmond Hervé. J’ai pris ces trois exemples volontairement...
M. Michel Mercier. Je m’en doute !
Vous avez raison ; elles ont fait de grandes choses. Il est vrai que, pour notre génération à tous deux, Hubert Dubedout était une référence. Mais c’est sa façon d’administrer Grenoble qui nous a tous marqués, que l’on ait fait partie ou non de ses partisans. Le statut de communauté urbaine n’avait rien à y voir !
Une ville peut donc être grande sans faire partie d’une communauté urbaine.
Aujourd’hui, les communes veulent intégrer une communauté urbaine pour bénéficier de la DGF afférente. Il faut déconnecter les deux choses ; puis, on pourra appliquer le critère des fonctions. Le problème se posera aussi longtemps qu’il y aura une DGF particulière pour les communautés urbaines. Il suffit d’en prendre la liste ! J’en parle en connaissance de cause : j’ai fait adopter par cette assemblée certains amendements en ce sens, dont je ne suis pas particulièrement fier, d’ailleurs. Pourquoi Alençon est-elle une communauté urbaine ? C’est uniquement pour la DGF.
Ne faisons pas deux fois la même erreur !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite dissiper quelques incompréhensions.
Certains débats ne sont pas justifiés, car ils sont d’arrière-garde : comment peut-on encore opposer l’urbain et le rural dès lors que des dizaines de millions de Français vivent dans des zones intermédiaires ?
La France est aujourd’hui constituée de pôles urbains et d’habitats diffus autour de ces pôles. Cette organisation n’a plus rien à voir avec ce qui permettait l’ancienne opposition entre Paris et le « désert français », ou avec cette désertification du monde rural dont on a pu discourir à l’infini.
Il y a, dans le monde rural, des secteurs qui se diversifient, et d’autres qui, au contraire, se peuplent. Nous devons raisonner à partir de ces réalités.
S’agissant de l’urbain, je partage le point de vue de Michel Mercier sur Grenoble : ce qui compte, en l’occurrence, c’est non pas le statut juridique (M. Jean-Jacques Hyest opine.), mais la capacité d’innover, d’inventer, de faire rêver et de créer l’urbanité de la fin du XXe siècle, par un processus démocratique.
Hubert Dubedout, au départ, n’était pas un homme politique : il n’appartenait à aucun parti. Il est devenu maire du fait de son implication dans des associations d’usagers. Ne mésestimons pas cet aspect des choses !
Par ailleurs, il ne faut pas réduire le débat à la question des ressources et de la DGF. Il est vrai qu’à une certaine époque, Mme Beaufils l’a dit, on a eu besoin de « carottes » pour faire progresser l’intercommunalité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, puisque celle-ci est généralisée.
Nous devrons faire preuve d’un grand courage lorsque nous aborderons, lors de l’examen du projet la loi de finances pour 2014, la question des ressources et de la péréquation. Si les dotations diminuent de 1,5 milliard d’euros, il faudra faire des choix ! Je préconise que l’on retienne alors le critère de la différence entre les ressources et les charges. (M. Jean-Jacques Hyest opine.)
En effet, tandis que certaines collectivités ont beaucoup de ressources et moins de charges – je ne veux pas dire qu’elles dépensent cet argent inutilement ! –, d’autres, qu’elles appartiennent au monde rural, au monde urbain ou aux zones intermédiaires, ne disposent pas des ressources proportionnelles aux charges très lourdes qui leur incombent, en particulier dans le domaine du logement. (M. Claude Dilain, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, approuve.)
Ce rendez-vous, nous l’aurons de toute façon. Je souhaite que nous évitions les primes de situation, que ce soit au bénéfice des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, des communautés de communes ou des communes. Il faut tout mettre à plat et examiner les problèmes dans un souci de justice et de proportionnalité entre les ressources et les charges.
Nous avons élaboré ce texte, sur la base du projet de loi gouvernemental, en recherchant un équilibre et j’y suis, pour ma part, très attentif. Nous avons ainsi voulu – notre rapporteur a été très vigilant à cet égard ! – que la notion de métropole ne soit pas banalisée. Dès lors, nous devons prendre en compte la situation des communes et des agglomérations vivantes, dynamiques, qui sont des pôles régionaux de rayonnement, et qui rayonnent même au-delà de la région. Cette prise en considération, qu’elles demandent à juste titre, nous l’avons trouvée au travers du statut de communauté urbaine, fondé non seulement sur des critères quantitatifs de population, mais aussi sur des critères qualitatifs.
Si nous remettons en cause cet équilibre subtil, nous ne parviendrons pas au consensus que nous cherchons à instaurer. Disant cela, je pense non seulement aux communes et aux agglomérations qui sont appelées à devenir des métropoles, mais aussi aux autres.
Depuis le début du débat, nous avons recherché l’équilibre. Je ne crois pas que ce soit une mauvaise méthode !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mandatés, vous en conviendrez, pour un délai court, nous nous sommes référés à la doctrine du Sénat en matière de République décentralisée et nous avons travaillé avec toute l’ouverture d’esprit dont sait faire preuve la commission des lois. Secteur pavé après secteur pavé (Sourires.), nous nous sommes appliqués à trouver, à chaque fois, des solutions équilibrées.
Monsieur Mézard, je tiens à souligner que M. Germain, en tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, a donné des gages tout au long de ce débat.
Sortons du débat sur le niveau de la DGF ! Il est vrai que le système de calcul de la DGF est exsangue. Au vu de nos débats sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, et sur la péréquation, on constate que nous avons atteint les limites, et que nous les avons mêmes dépassées ! Il est donc heureux que le Premier ministre ait annoncé une vraie discussion sur ces questions à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.
Comme le dit Edmond Hervé depuis le début, il faut examiner cette question sous l'angle de l'intelligence territoriale. À cinq reprises déjà - et je n’en étais pas ! (Sourires.) -, les critères de la communauté urbaine ont été modifiés.
Il s’agit ici de permettre à une communauté d'agglomération de ne pas rester enfermée dans le carcan de ses compétences et de progresser dans l'intercommunalité, lorsque sont réunis les indices fonctionnels que l'on a voulu rendre ouverts et adaptés à la diversité territoriale. Pour autant, nous ne nous engageons pas sur l'automaticité de la dotation globale de fonctionnement.
Ainsi, nous avons relancé la discussion sur la mutualisation non seulement ascendante mais aussi horizontale. Nous sommes persuadés qu'il faut réinventer les modes de calcul de la dotation globale de fonctionnement en intégrant d’autres critères. Pourtant, ce n'est pas le débat qui doit nous occuper aujourd'hui. Mes chers collègues, je suis de ceux qui sont contre l’automaticité pour la DGF ; il me semble préférable de procéder à une analyse au cas par cas de la réalité de l'intégration communautaire et de la coopération entre les communes.
Ne gâchons pas cette occasion de trouver un équilibre, secteur pavé après secteur pavé. C'est la raison pour laquelle je soutiens la position de la commission des lois, qui n’est pas seulement celle du rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Jusqu'à présent, j'étais d'accord avec la commission. Il nous faut être extrêmement stricts sur les métropoles : on a déjà cherché à nous tenter en nous proposant de retenir des critères qualitatifs, mais nous avons résisté !
Pour avoir connu tous les textes – tous ! – sur les variations, les seuils, les éligibilités à telle ou telle statut, je puis attester que rien n’empêche une communauté d'agglomération d'être extrêmement dynamique et de s’approprier pratiquement toutes les compétences d’une communauté urbaine. C'est un choix des élus. Rappelez-vous les communautés de villes ! Nous les avons supprimées, parce que l'on s'est aperçu que cela faisait un peu beaucoup... (Sourires.)
Or, parce que nous avons tant et plus de structures, certains essaient de déroger aux critères fixés. Pour ma part, j’étais prêt à voter l’amendement du Gouvernement, qui tendait à abaisser un peu le seuil, mais le Gouvernement l’a retiré. Il avait sa logique.
Quel est l’intérêt ici, sinon de faire entrer dans la catégorie des communautés urbaines deux, trois ou quatre collectivités ? J’ignore lesquelles, d’ailleurs, et il serait bon que l’on nous en donne la liste : ce serait plus simple ! Pour les métropoles aussi, du reste...
On parle de démocratie locale, mais nos concitoyens se moquent totalement du statut de la structure – communauté urbaine ou communauté d'agglomération. Ce qui compte à leurs yeux, c’est la façon dont sont gérées leurs affaires !
Vouloir mettre tout le monde dans des cases est typiquement français. Et quand les cases ne conviennent pas, on invente des stratagèmes pour en sortir !
Le projet de loi initial ne concernait pas les communautés urbaines, sauf en ce qui concerne l'abaissement du seuil. Pour l'instant, sous réserve de l’évolution de nos débats, je voterai l’amendement de M. Mézard.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. La commission des lois a réalisé un travail remarquable à bien des égards : elle a tenté de faire évoluer notre organisation territoriale sans émietter le millefeuille ! On entrevoit cependant la limite de l'exercice, quand il s'agit de proposer des compensations à celles des collectivités qui ne peuvent pas devenir des métropoles.
Pour Edmond Hervé, le rayonnement des villes constitue un critère fort. En tant que maire du Bourget, je ne peux que souscrire. Le rayonnement de cette ville de 15 000 habitants est mondial : le Salon international de l'aéronautique et de l’espace, qui est le premier au monde, reste incontestablement le lieu où la France peut montrer à toute la planète qu’elle est toujours synonyme d'excellence aéronautique. Jacques Mézard a cité le cas de Lourdes, qui est aussi une ville moyenne. On le voit, le rayonnement d’une ville ne dépend pas de sa taille. Sur ce point, nous sommes d'accord.
Pour autant, si je dois demain faire la chasse aux pôles de compétitivité et aux pôles d'excellence pour que le Bourget devienne une communauté urbaine, je devrai leur offrir des ponts d'or. Or nous sommes déjà dans une communauté d'agglomération de 90 000 habitants.
La rédaction de l'article par la commission n'est donc pas tout à fait aboutie. C'est le moins que l'on puisse dire ! En outre, la localisation d'un pôle de compétitivité est une décision du bureau du pôle et, notamment en Île-de-France, les pôles de compétitivité peuvent bouger. Quant au pôle d'excellence, c'est un label.
Ces critères me paraissent donc assez mouvants.
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. J'écoute avec intérêt ce débat qui nous permet de faire avancer la réflexion.
La France est diverse.
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. François Rebsamen. Nous faisons tous le constat de cette diversité des territoires. Par conséquent, fixer des seuils démographiques semble contraire à la réalité de notre pays. Certaines grandes villes assument en quelque sorte les fonctions de métropole régionale, disons-le comme cela,...
M. Jean-Jacques Hyest. Non, il y a des métropoles ou pas !
M. François Rebsamen. Je ne les appellerai pas de grandes métropoles ; celles-là, nous les connaissons.
Certaines grandes villes assument donc des fonctions de métropole à l’échelon régional, sur des territoires différents. Nos régions sont diverses ; dans celles qui sont peu peuplées on trouve pourtant une capitale régionale qui assume cette fonction de métropole régionale ; dans celles qui sont beaucoup plus peuplées, une ou deux villes remplissent ce rôle, en exerçant certaines compétences, par exemple hospitalière ou universitaire. À chaque fois, c’est un « plus » pour toute la région qui conforte la ville ainsi métropole régionale.
Si donc la démographie est bien évidemment un élément à prendre en compte, il ne faut pas oublier les fonctions. En effet, il arrive que, dans un territoire donné, les grandes villes n’exercent pas ces fonctions dont je disais à l’instant qu’elles sont celles d’une métropole régionale. Nous devons par conséquent permettre à des agglomérations qui assument de facto ces fonctions de progresser encore plus dans l’intégration pour devenir des communautés urbaines.
D’aucuns affirment, non sans raison, que ce n'est pas le statut qui crée le rayonnement. Cette remarque doit valoir pour toutes les villes de France, y compris pour les métropoles !
M. Michel Mercier. Non !
M. François Rebsamen. Bien sûr que si !
Lyon, et son territoire, forme déjà une métropole en soi, mais il faut conforter cette position par le statut de métropole, et je soutiens cette démarche. Je forme le vœu que nous puissions également conforter la position des métropoles régionales qui, à l’échelon de la région, jouent un rôle important.
Je prendrai l'exemple d’une capitale régionale qui assume son rôle, Dijon. (Sourires.) Dans le grand triangle formé par Strasbourg, Lyon et Paris, Dijon assume son rôle de métropole régionale et souhaite éventuellement devenir une communauté urbaine. Ce que je dis pour la ville que je dirige vaut pour d'autres villes qui remplissent les mêmes fonctions, ont le même rayonnement et sont dans la même logique.
Forts de la démarche qui a permis, par l’adoption d’un amendement, la création de pôles d'aménagement rural, nous devons maintenant favoriser un meilleur aménagement du territoire et permettre aux collectivités qui le souhaitent de se transformer en communautés urbaines, à condition qu’elles exercent certaines fonctions ou, pourquoi pas, atteignent le seuil démographique requis, et ce pour améliorer la cohésion de l'ensemble des zones urbaines concernées.
Aussi, monsieur le président, pour nous permettre d’approfondir ensemble notre réflexion, je sollicite une brève suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.