M. Jean-Jacques Hyest. C’est tout simplement incroyable !
M. Alain Richard. Deuxièmement, alors que les communautés de l’aire urbaine de Marseille connaissent de nombreux facteurs de clivage, le texte les inclut d’autorité dans la formule de concentration des pouvoirs la plus contraignante.
Troisièmement, alors que la carte des communautés, à peine achevée dans la grande couronne et engagée à moitié dans la petite couronne, est encore en développement en Île-de-France, on décide d’inclure d’office toutes ces communautés actuelles ou futures dans une superstructure dont la valeur ajoutée est un peu proclamée dans l’abstrait.
M. Gérard Longuet. Que cela est joliment dit !
M. Alain Richard. Quatrièmement, le SDCI de la petite couronne est imposé, en cours de mandat municipal, avec un seuil de population très élevé et le SDCI de la grande couronne, quant à lui, est à refaire entièrement dans le mois qui suit son entrée en application.
Cinquièmement, c’est un point sur lequel je veux insister et dont nous reparlerons, dans les métropoles de « droit commun », si l’on part d’une communauté urbaine, il n’y a pas de modification substantielle sur le pouvoir d’urbanisme. Par contre, lorsque c’est une communauté d’agglomération qui devient métropole, le pouvoir sur le PLU est transféré de la commune à la communauté. Il s’agit d’une position tout à fait soutenable, mais il vaut mieux qu’elle soit explicite, et je ne trouve pas qu’on en parle beaucoup. Je constate également qu’aucun aménagement n’a été prévu pour l’élaboration des PLU, qui deviendraient ainsi intercommunaux.
Tout cela me gêne et me peine, car je parle à des amis. Je pense que ces propositions s’éloignent de la trajectoire émancipatrice que nous suivons depuis quarante ans et qui a marqué de grandes victoires de notre famille politique. Quand on a fait la décentralisation en 1981, on l’a fait dans le combat ! (MM. Roger Karoutchi et Gérard Longuet opinent.) Quelques-uns que je vois ici y ont participé ! (Sourires.) Depuis lors, la décentralisation est un phénomène consensuel.
Il me semble donc que nous devons adopter une démarche qui repose davantage sur la confiance aux élus. Je déplore ce parti pris qui consiste à dire : « On décide pour vous ! » Fusionner ou mutualiser d’office, c’est partir du principe que les élus ne seraient pas capables de prendre eux-mêmes conscience des besoins de plus grande efficacité et de plus grande solidarité.
La commission, au sein de laquelle nous avons tous travaillé, a substantiellement rééquilibré les choses. Je veux saluer le fait que nous en avons discuté entre représentants de tous les groupes et que nous avons su nous rapprocher.
Comme je dépasse beaucoup mon temps de parole, et je prie le Sénat de bien vouloir m’en excuser, je vais terminer sur un point qui me tient à cœur.
Notre débat s’engage et se révèle fertile en réflexions et en analyses. À entendre les différents orateurs, je crois percevoir une volonté largement partagée de faire aboutir ce projet de loi. Il s’agit d’un enjeu sérieux pour la place du Sénat et l’influence du Parlement sur notre paysage territorial.
Nous aurons ce soir un rendez-vous concret : des motions de procédure tendent à mettre fin à notre discussion, et nous allons devoir prendre une décision. Tous les groupes de notre assemblée ont un rôle à jouer dans l’œuvre que nous devons accomplir. Tous les orateurs engagés dans le débat, jusqu’à présent brillant, ont montré qu’ils avaient beaucoup à apporter, comme cela s’était déjà vu en commission.
Ce que nous allons faire ce soir est un petit moment de vérité politique : sommes-nous capables de nouer des convergences, de mener à bien un dialogue démocratique pour définir une structure de nos agglomérations qui assure l’efficacité collective sans sacrifier la proximité ? Je crois que oui, mais j’attends avec intérêt ce rendez-vous politique.
Au cours de ce débat, nous avons entendu beaucoup de belles interventions, qui, toutes, ont cherché à convaincre plutôt qu’à cliver et qui ont montré que nous pouvions, d’une certaine façon, progresser ensemble. Au-delà du règlement des problèmes de gestion locale dont nous sommes constitutionnellement responsables, nous avons l’occasion de montrer aux citoyens de ce pays, profondément inquiets dans la tempête économique qui sévit et soucieux de voir leurs représentants s’engager dans des choix constructifs, que nous savons nous rassembler.
Mes chers collègues, je suis sûr que nous serons à la hauteur et que le pays le remarquera. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, au fur et à mesure de son examen, ce texte a suscité, chez nos collègues sénateurs ainsi que chez de nombreux élus de nos départements, d’abord de la perplexité, ensuite des oppositions, qui ont abouti au grand chamboulement opéré par la commission des lois. Cela tend à prouver que le Gouvernement et les élus de terrain que nous sommes n’ont pas forcément la même vision de la décentralisation et de l’organisation de nos territoires.
Toutefois, mon propos portera essentiellement sur le projet rhodanien, qui prévoit, sur un même territoire, la création d’une nouvelle collectivité – une métropole-département – entraînant la naissance d’un nouveau département dont la superficie, la démographie, les dépenses et, bien évidemment, les ressources seront réduites.
Fruit d’un accord local intervenu entre nos deux collègues Michel Mercier et Gérard Collomb, qui ont souhaité passer rapidement à la mise en œuvre de cette fusion, le cas de Lyon Métropole fait un peu figure d’exemple et d’aucuns voudraient le traiter à part. Je tiens d’ailleurs à signaler que l’accord est intervenu avant le débat ; nous essaierons de ne pas retenir ce désordre chronologique...
Que l’agglomération lyonnaise ambitionne de se hisser dans la cour des grandes métropoles européennes, on ne peut qu’y souscrire et y adhérer intellectuellement. Reste que certaines conséquences inquiètent bon nombre d’élus et d’habitants du Rhône.
Quid du devenir des cinquante-huit communes de la métropole ? Si elles garderont leur autonomie pendant la durée de ce mandat – du moins une certaine autonomie ! –, savent-elles vraiment que leur disparition est pratiquement programmée pour 2020 ? Je n’en suis pas certaine, et je pense qu’il faut leur dire la vérité.
Quant au département restant, qui sera toujours le Rhône, il lui faudra trouver une certaine unité, une organisation cantonale et une capitale, alors que la plus grande inquiétude règne autour des moyens financiers dont il disposera pour se développer en matière de transports, d’infrastructures, de zones d’activité, d’équipements,... Ce département va passer de 1,7 million d’habitants à 430 000 habitants ; on imagine mal que cela soit sans conséquences.
Or, aujourd’hui, que savons-nous ? Nous disposons d’une approche, de grandes masses budgétaires – recettes et dépenses –, mais malheureusement, à ce jour, aucune étude chiffrée connue et précise n’est en mesure soit de nous rassurer, soit de nous alerter, soit de nous offrir l’éclairage nécessaire pour nous prononcer sur ce point précis du projet de loi. Il paraît donc indispensable qu’une étude d’impact portant sur les conséquences de la création de la métropole lyonnaise soit réalisée. Une telle étude devrait d’ailleurs être préconisée préalablement à la création de toutes les métropoles. Il s’agit ni plus ni moins d’une question de transparence. En effet, si la simple application de ce projet de loi devait entraîner une augmentation de la fiscalité pour le département du Rhône, cela ne serait pas acceptable, et nos concitoyens, qui se sentiraient trompés, ne l’accepteraient d’ailleurs pas.
La création d’une métropole ne doit pas affaiblir les territoires voisins. Elle doit au contraire constituer une locomotive territoriale facilitant les interactions et les solidarités entre ville et campagne. C’est pourquoi je pense que le temps de maturation de ce projet de métropole lyonnaise a été trop court et qu’une étude approfondie des conséquences de la création d’une métropole sur son territoire et les territoires voisins doit être réalisée et rendue publique, faute de quoi le volet démocratique aura manqué.
Je dois dire que notre collègue rapporteur de la commission des lois a apporté ce matin quelques éléments rassurants, en posant pratiquement comme condition qu’une rencontre tripartite ait lieu afin, justement, de clarifier les questions financières. (M. le rapporteur acquiesce.) J’y souscris, car cette condition est indispensable. Encore faut-il que cette rencontre soit fructueuse ! Je l’espère, en tout cas, parce que l’avenir de nos collectivités rhodaniennes en dépend. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, de l’UDI-UC et du RDSE.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini.
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous allons nous prononcer sur un texte dont une partie intéresse plus particulièrement 8 sénateurs, sur les 348 que compte notre assemblée, les élus des Bouches-du-Rhône. Mon raisonnement se fonde donc non pas sur un rapport de force, mais sur un rapport de loyauté et de confiance.
Cette assemblée, je le répète, compte 348 représentants des territoires, tous issus de la démocratie de proximité. La République est solide de la relation privilégiée entre les élus et l’ensemble de leurs concitoyens.
La proximité que nous avons avec les habitants de nos territoires me conduit, mes chers collègues, à vous faire part des réalités de la Provence et du décalage qui existe entre ce texte et les attentes de nos administrés.
Les territoires ne sont pas uniformes. Ce n’est donc pas d’une métropole Aix-Marseille-Provence, qui deviendra très vite obèse, dont nous avons besoin. Marseille n’a pas non plus besoin d’une intégration à marche forcée. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, mesdames les ministres, c’est de l’écoute, de la compréhension et de la solidarité de la part de l’État.
Si elle était adoptée, cette loi d’exception créerait un sixième niveau politique et administratif à Marseille. Ce niveau supplémentaire gâcherait la chance qu’a la France de voir encore 80 % de ses électeurs se rendre aux urnes pour élire leurs maires.
Disons-le clairement, il s’agit bien d’une loi d’exception et d’une loi de circonstance pour Marseille !
Mes chers collègues, le plus grand risque que fait courir ce projet de loi est d’ordre démocratique. Pourquoi vouloir priver les maires de leurs compétences de proximité, comme le droit des sols, qui seraient transférées à une métropole à fiscalité propre ? Sur ce point, je vous renvoie à l’article 30.
Pourquoi voter une loi d’exception pour une métropole de Marseille, qui n’a besoin que du soutien financier de l’État et de la solidarité des communes voisines ? Celles-ci, d’ailleurs, ne la lui refusent pas, et sont prêtes à verser 50 millions d’euros par an.
Pourquoi voter une loi qui ne permet pas à tous les maires – je dis bien à tous les maires –, qui seront élus en mars 2014, d’être membres à part entière de l’exécutif du nouvel EPCI à fiscalité propre ?
Pourquoi 69 maires sur les 90 que vous entendez enrôler de force dans la métropole, mesdames les ministres, seraient-ils condamnés à ne disposer que de pouvoirs consultatifs, alors que cette instance va être amenée à prendre des décisions importantes pour le quotidien des populations locales : l’urbanisme, l’environnement, l’emploi et la fiscalité ?
Je vous demande d’entendre ces 109 maires, sur les 119 communes que comptent les Bouches-du-Rhône, qui s’opposent à ce projet de loi, et ce quelle que soit leur tendance politique. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
Ma démarche est guidée par la lucidité, le réalisme et la cohérence. La métropole ne doit pas être une contrainte, elle doit être, avant tout, un projet.
Mesdames les ministres, vous nous demandez d’adopter un texte qui s’apparente à la loi de 2010, en ce que son adoption conduirait à retirer des compétences aux communes, en particulier le droit des sols. Oserais-je rappeler que, à l’époque, nous – le groupe socialiste, la gauche entière – trouvions à la loi beaucoup d’imperfections et que nous l’avions combattue, en rassemblant contre elle toute la gauche parlementaire ? Faut-il redire que cette loi a été adoptée avec une majorité de trois voix seulement au Sénat, et que vous-même, madame Lebranchu, aviez voté contre à l’Assemblée nationale ?
Il n’y a pas de raison que cela change aujourd’hui. Vous nous accorderez au moins le bénéfice de la constance dans nos positions. J’ai bien dit « constance », et non pas « conservatisme », comme certains se plaisent à le penser, voire à le dire.
Je l’affirme avec gravité, 6 sénateurs des Bouches-du-Rhône sur 8, 109 maires sur 119, 8 présidents d’EPCI sur 9, 11 maires sur 18 de la communauté urbaine de Marseille et la majorité des élus socialistes à la mairie de Marseille ne sont pas opposés au changement ou au travail en commun. Il n’y a pas, d’un côté, les progressistes et, de l’autre, les tenants du statu quo.
Avec chacun des 3 137 grands électeurs des Bouches-du-Rhône, et grâce au mandat qu’ils ont bien voulu nous confier, nous avons de l’ambition pour notre département, qui représente 50 % du PIB de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Comme vous, nous aspirons à renforcer son rayonnement dans l’aire méditerranéenne. Pour cela, nous devons redoubler d’efforts et mener un indispensable travail de coopération.
Mesdames les ministres, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic que vous formulez pour la ville de Marseille, qui est tellement montrée du doigt et dont la situation justifierait votre précipitation, mais nous divergeons sur le remède. Comment la plus conservatrice des méthodes, celle de l’empilement des niveaux administratifs, pourrait-elle créer du nouveau ? Soyons sérieux !
Alors que vous avancez pour unique solution une réorganisation institutionnelle, nous demandons une vraie mobilisation de tous les acteurs, notamment du Gouvernement. Il faut un grand plan national, qui fasse des transports, de l’emploi, de l’enseignement et de la sécurité les priorités des priorités pour les Bouches-du-Rhône et surtout pour Marseille.
Pour le territoire parisien, on annonce une aide de 30 milliards d’euros. Pour notre département, plus particulièrement pour notre ville de Marseille, en revanche, rien n’est défini !
Jean-Claude Gaudin, qui est retourné dans nos terres marseillaises, a déclaré, il y a quelques instants, que le projet de loi allait trop vite, trop fort, trop loin. C’est vrai ! Il n’y a pas que le résultat qui compte, la manière aussi est importante. En l’occurrence, la manière forte, autoritaire, n’est peut-être pas la bonne.
Pour conclure, je dirai que la République et le respect de nos usages démocratiques imposent d’entendre cet appel de la raison. C’est pourquoi, mes chers collègues, permettez-moi de prendre une certaine distance avec les usages politiques. Si les demandes formulées par un certain nombre d’entre nous n’étaient pas entendues, si le présent projet de loi ne connaissait pas de modifications profondes, je ne le voterai pas. (MM. Rachel Mazuir et Roland Povinelli, ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens à souligner, en guise de propos liminaire, l’heureuse tonalité de nos débats, qui a été rendue possible par la liberté que se sont octroyée le président de la commission des lois, le rapporteur et les rapporteurs pour avis. Ce faisant, ils répondaient à l’attente, à l’ambition et à l’envie de nombreux élus locaux, notamment d’Île-de-France. Ils ont compris qu’il fallait les prendre en compte.
Quelle déception, en effet, que ce projet de loi ! Il est difficile de prendre la parole à cette tribune, tant le désappointement est profond, sur toutes les travées de cet hémicycle.
M. le rapporteur nous a expliqué que les trois projets de loi de décentralisation arrivaient dans le mauvais ordre.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Philippe Dominati. Tout le monde le sait, l’ordre dans lequel ils nous parviendront n’est pas institutionnel.
M. Dantec, quant à lui, a évoqué la faiblesse du projet de loi. En tant qu’élu d’Île-de-France – vous ne serez d’ailleurs pas surpris, mes chers collègues, que mon propos concerne plus particulièrement cette région –, je dois malheureusement reconnaître que cela est vrai.
La France a longtemps eu peur de Paris et de l’Île-de-France. Tous les présidents de la Ve République se sont occupés du cœur du pays, de cette région. Le général de Gaulle a créé les huit départements et les villes nouvelles. Le Président Giscard d’Estaing a créé la plus jeune commune d’Île-de-France, en donnant un maire à Paris. Le Président Mitterrand, d’abord réticent, a fait entrer Paris dans un cadre de droit commun, en alignant son statut avec ceux de Lyon et de Marseille. En étant élu Président de la République, Jacques Chirac, alors maire de Paris, a démontré que cette ville était réconciliée avec la France. Le Président Sarkozy a eu la vision du Grand Paris, il en a eu une conception contemporaine, à laquelle il a fait adhérer un grand nombre de personnes.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Philippe Dominati. Nous attendons de voir ce que fera le Président Hollande. Ce dernier dispose d’une chance exceptionnelle, que ses prédécesseurs n’ont pas eue : il devrait normalement pouvoir bénéficier de l’écoute politique du président de région, en place depuis douze ans, et du maire de Paris, qui honore son deuxième mandat.
M. Gérard Longuet. En théorie, oui !
M. Philippe Dominati. Sa tâche est d’autant plus aisée que le maire de Paris n’a pas l’intention de se représenter et que le président de la région veut participer à ce débat.
Vous avez une chance historique, mesdames les ministres, et vous passez à côté, parce que vous recherchez le compromis. (Mme la ministre marque son étonnement.) Cela a été dit plusieurs fois, et – je le regrette – c’est cruellement vrai.
Le présent projet de loi redonne un statut d’exception à Paris. C’est son premier défaut. Sur ce point, d’ailleurs, je ne partage pas l’avis de certains de mes collègues franciliens, qui sont pourtant de ma sensibilité politique. L’exception, cela veut dire que l’on échafaude un projet à la carte, en tout cas pour Marseille et Lyon. Pour Paris, on essaie plutôt de trouver un compromis entre la région et la mairie. Malheureusement, c’est une mauvaise solution.
Les deuxième, troisième et quatrième défauts de ce projet de loi recouvrent les faiblesses de la vision du Président Sarkozy dans ce domaine : il échoue à définir un périmètre, une gouvernance et des ressources financières propres pour le Grand Paris.
En la matière, donc, le présent projet de loi est un échec. J’ai lu le rapport. Il contient bien une carte de la communauté de Lyon et une autre de Marseille, mais combien d’entre vous, mes chers collègues, et combien de Franciliens, peuvent définir précisément les contours de la métropole du Grand Paris ? Elle n’apparaît même pas dans ce rapport de 500 pages ! (L’orateur brandit le document.) C’est la raison pour laquelle je me rallierai à la proposition intermédiaire, faite par Philippe Dallier. Le périmètre qu’il fixe est peut-être trop grand, mais, au moins, il a essayé de le faire. Dans ce rapport, en revanche, il n’y a rien.
En matière de gouvernance, le projet de loi tend à créer un échelon supplémentaire. Monsieur Dallier, dans votre énumération des niveaux territoriaux auxquels sont confrontés les Parisiens, il manquait encore les mairies d’arrondissement ! (M. Philippe Dallier acquiesce.) Les mairies d’arrondissement, la mairie de Paris, le département de Paris, l’intercommunalité, la région Île-de-France, sans parler de l’État et des institutions communautaires : un minimum de réflexion sur la gouvernance de la métropole semblait nécessaire. Or, là aussi, mesdames les ministres, vous passez à côté.
Tout a été dit au sujet des finances, de la suppression de certains articles du projet de loi au surcoût que représenterait la restructuration en Île-de-France.
Le présent projet de loi aurait pu aborder quelques spécificités, comme le transport en Île-de-France, par exemple. Il traite bien du logement, pourquoi ne s’attaque-t-il pas à l’ineptie de l’organisation des transports dans cette région ? Vous avez choisi de dissocier ces deux sujets, alors que nous sommes la seule région, la seule ville en Europe et bientôt dans le monde où existe encore le monopole des transports publics. Pas moins de quatre sociétés d’État font mal leur boulot depuis un demi-siècle, et vous ne profitez pas de l’occasion pour essayer de coupler le logement et le transport !
Pour toutes ces raisons, je fais partie des nombreux déçus par ce projet de loi. Pour l’instant, le Président de la République et son gouvernement n’ont pas mesuré la nécessité de redonner de l’oxygène à la région et à la métropole parisiennes. Ils tentent plutôt de sortir cette dernière du statut de droit commun. Mais je veux ce statut, parce qu’il est protecteur pour les libertés locales et pour nous tous ! En réalité, vous nous proposez un projet technocratique.
Je conclurai, en déplorant, malheureusement, une absence dans les 500 pages de ce rapport. Le maire de Lyon et le maire de Marseille se sont exprimés avec une vision qui conviendrait au Parisien que je suis. Beaucoup d’élus locaux ont également parlé de leur commune. Mais je n’ai pas trouvé l’audition du maire de Paris. Ces 500 pages ne contiennent pas un mot sur sa ligne politique ou sur son projet. C’est regrettable, c’est affligeant, c’est effrayant ! J’aimerais vraiment que la municipalité exprime une vision pour notre capitale.
Le projet de loi est à côté de la plaque. Il est le fruit d’un mauvais compromis entre camarades de même tendance politique qui ne parviennent pas à se mettre d’accord, et nous ne pouvons pas l’accepter ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Roland Povinelli. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais concentrer mon propos sur l’Île-de-France, dont je suis un élu depuis dix-huit ans.
Contrairement à d’autres, je ne suis pas déçu : j’attendais avec impatience cet acte fondateur de la métropole parisienne. Certains ont depuis longtemps des idées sur le sujet et souhaiteraient que les choses avancent différemment. Reste que le seul gouvernement qui a pris jusqu’à maintenant le taureau par les cornes en présentant un projet de loi, c’est celui de Jean-Marc Ayrault. Je remercie donc nos ministres…
Mme Éliane Assassi. N’en faites pas trop, tout de même !
M. Philippe Kaltenbach. … d’avoir porté ce texte en dépit de toutes les attaques dont elles ont fait l’objet.
À mes yeux, le projet de loi qui nous est soumis ne constitue qu’une première étape pour l’Île-de-France et doit permettre la naissance d’un nouveau dialogue entre les élus locaux de la région capitale. Ce dialogue avait déjà été initié par la conférence métropolitaine, puis par Paris Métropole. Désormais, il va pouvoir s’accompagner d’actions pleinement concertées.
Ce texte, au-delà de la reconnaissance du fait métropolitain incontournable aujourd’hui en France, en Europe et dans le monde, prend pleinement en compte les difficultés que rencontrent nos concitoyens. En Île-de-France, ainsi que cela a été dit par plusieurs intervenants, le bilan n’est pas bon en matière de transport, où nous voyons s’accroître les difficultés, de logement, où la crise devient de plus en plus prégnante, et de lutte contre les inégalités, qui s’amplifient.
Pour répondre à ces défis, il fallait définir une échelle correspondant à la réalité de la vie parisienne : la métropole. C’est donc à cette échelle que les élus pourront proposer des solutions pertinentes et efficaces. Nous allons enfin sortir de la dispersion des responsabilités et de l’empilement des niveaux de décision. Nous allons également pouvoir traiter des questions liées au logement, sur lesquelles nous accusons un grand retard. La région peine à produire 35 000 logements par an alors qu’il en faudrait 70 000, et le déficit se creuse chaque année. Jusqu’à quand cela continuera-t-il ? Grâce à la métropole, nous disposerons d’un outil.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Philippe Kaltenbach. Cet outil nous permettra aussi de lutter contre les inégalités. L’Île-de-France a beau être la région la plus riche d’Europe et représenter 30 % du PIB national, les contrastes et les inégalités y sont nombreux, y compris au sein d’un même département. Dans les Hauts-de-Seine, où je suis élu, la ville de Neuilly bénéficie d’un revenu fiscal par foyer de près de 100 000 euros et compte 3 % de logements sociaux. Deux kilomètres plus loin, les villes de Nanterre ou de Gennevilliers, avec un revenu fiscal par foyer atteignant à peine 20 000 euros, accueillent plus de 50 % de logements sociaux. Ce territoire est aujourd’hui trop inégalitaire, il faut en corriger les déséquilibres à l’échelle de la métropole.
La politique du logement aura valeur de test. S’il réussit, il faudra aller plus loin et attribuer d’autres compétences à la métropole.
J’adhère complètement au modèle lyonnais, défendu avec brio par notre collègue Gérard Collomb. Il vient de loin, puisque la communauté urbaine a été créée il y a près de cinquante ans et trouve aujourd’hui son aboutissement par la création d’une nouvelle collectivité englobant les compétences du département. Cela représente certainement un objectif pour l’Île-de-France, et je rejoins en cela notre collègue Philippe Dallier. Cependant, on ne pourra pas faire cette révolution en un soir. Il faut du temps !
Ce texte est une première étape et, dans mon esprit, la question de la pertinence des départements dans la zone de la métropole se posera très rapidement.
M. Philippe Kaltenbach. Si l’on veut continuer à avancer, il faudra certainement s’orienter vers la suppression des départements de la petite couronne.
À mon sens, l’organisation de la France en départements, issue de la Révolution française, était adaptée au territoire de l’époque, un pays rural. Aujourd’hui, plusieurs France coexistent : une France rurale, où le département a toute sa légitimité, et une France urbaine, où le fait métropolitain, comme on le voit, prend la place du département. Voilà le schéma à considérer ! Nous commençons à le faire, par étapes, parce qu’il ne faut pas brusquer ces évolutions. Je sais gré au Gouvernement de faire avancer ce dossier de manière mesurée, en restant à l’écoute et en permettant in fine d’aboutir. Lorsque l’on veut trop charger la barque, elle coule !
Voilà ce que je souhaitais dire à propos de cet excellent projet de loi, largement amendé en commission et qui doit continuer à évoluer.
Pour ma part, j’ai déposé quelques amendements qui ont été retenus en commission, comme l’abaissement du seuil de création d’un EPCI à fiscalité propre de 300 000 à 200 000 habitants, ce qui apparaît indispensable aux yeux de beaucoup d’élus de la petite couronne pour avancer progressivement sans brusquer les évolutions. J’en présenterai d’autres en séance, l’un tendant à créer un collège des maires pour le conseil métropolitain en Île-de-France, avec 30 maires élus par leurs pairs, représentant les 412 maires, ou un autre visant à offrir la possibilité à des intercommunalités partageant une frontière avec l’aire urbaine d’adhérer volontairement à ce Grand Paris Métropole. Il convient de montrer qu’il s’agit non pas de créer une collectivité refermée sur elle-même, mais bien de rester ouvert aux évolutions. Ce dispositif devrait permettre à d’autres collectivités d’adhérer à cette dynamique métropolitaine, dont la première vocation sera le logement, mais qui recevra, je l’espère, de nouvelles compétences par la suite.
Certains souhaiteraient avancer plus vite, quand d’autres voudraient ne toucher à rien. Toujours est-il que ce texte constitue une étape significative créant les conditions du dialogue. Il ne tient qu’à nous de faire de ce premier pas un succès. Il appartient à chacun de ne pas voir midi à sa porte ou de se conduire en boutiquier. Pensons avant tout à nos concitoyens en Île-de-France, qui souffrent au quotidien des transports, de la crise du logement, des inégalités qui se creusent.
En nous rassemblant sur toutes les travées, nous permettrons à la région Île-de-France d’avancer enfin vers un projet correspondant aux attentes des habitants : une métropole harmonieuse et équilibrée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)