M. Pierre-Yves Collombat. Rurale !
M. Louis Nègre. Créée par Christian Estrosi, sur la base de la loi du 16 décembre 2010, Nice Côte d’Azur est un nouveau modèle d’institution territoriale. Cependant, je ne reprocherai à personne de ne pas le savoir… (Sourires.)
Avec le recul, je peux l’affirmer, cette métropole fonctionne efficacement et à la satisfaction générale. Pourtant, comme notre collègue Gérard Collomb, lorsque, il y a dix ans, nous avons créé la communauté d’agglomération, nous avons dû faire face à de très fortes oppositions, avec des pétitions, des manifestations et même des référendums ! Aujourd’hui, la situation est inverse. Nice Côte d’Azur, métropole pilote, a ouvert la voie !
Aussi, je me félicite que le Gouvernement, à travers l’article 33, reconnaisse son existence, ses compétences et son exemplarité. Cette métropole exerce, d’ores et déjà, la plupart des compétences proposées par le projet de loi. Mais elle a surtout pour intérêt de donner vie à une intercommunalité dynamique et solidaire qui porte un vrai projet de territoire.
Certains, ici même, ont fait part de leur inquiétude face à une intégration aussi poussée. Je tiens à les rassurer, et je dis à notre honorable collègue Christian Favier : « N’ayez pas peur ! » Le bon fonctionnement de la métropole Nice Côte d’Azur, qui a réussi à créer un partenariat constructif entre toutes ses communes – j’y insiste –, le démontre au quotidien. Sachez, par exemple, que les communes rurales, vingt-neuf sur quarante-six, sont largement plus nombreuses que les communes urbaines. Elles ont, avec ces dernières, n’en déplaise aux Cassandre, créé une véritable solidarité, qui, à son tour, a renforcé la cohésion sociale. Voilà la meilleure réponse, tirée de la réalité du terrain et non d’inquiétudes plus ou moins fantasmées, que l’on peut apporter aux détracteurs des métropoles !
Mieux encore, un an et demi après, le dynamisme de la métropole niçoise, ses réalisations et l’harmonie qui y règne font qu’aujourd’hui deux communes dirigées par des maires membres du parti communiste réclament publiquement leur intégration dans la métropole. Je peux donc confirmer que cette intercommunalité s’avère aussi attractive qu’efficace, tant pour les communes que pour nos concitoyens, qui doivent être au centre de notre démarche.
Le maire de Cagnes-sur-Mer que je suis, comme quarante-cinq de mes collègues, qui en portent d’ailleurs témoignage, peut vous affirmer que ma commune n’a pas disparu. Je ne suis pas devenu, en rejoignant la métropole, un maire de l’état civil ou d’un arrondissement. Personne sur place ne s’y trompe !
La clé de cette réussite, mesdames les ministres, chers collègues, réside dans une bonne gouvernance, qui est elle-même basée sur deux éléments fondamentaux sur lesquels je veux insister : d’une part, la conférence des maires, appelée dans le projet de loi « conférence métropolitaine », et à laquelle je souhaite, au vu de mon expérience, que l’on attribue un rôle plus décisif que prévu dans le texte qui nous est soumis ; d’autre part, une charte, constitution interne, garante d’un fonctionnement harmonisé qui recherche systématiquement le consensus.
Malgré les imperfections que j’ai évoquées et auxquelles j’espère il sera remédié dans la discussion qui s’annonce, le projet de loi, à travers l’affirmation des métropoles, va dans le bon sens. En conséquence, je le voterai. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. Je me permets de dire au Sénat qu’attribuer des temps de parole de trois ou cinq minutes sur des sujets qui sont notre cœur de métier et qui font l’objet d’interventions de conviction a quelque chose d’irréaliste.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a tant de demandes…
M. le président. Il faudra en tenir compte pour la suite de nos travaux.
La parole est à M. Vincent Eblé.
M. Vincent Eblé. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, la reconnaissance du fait métropolitain est l’un des aspects majeurs du projet de loi dont nous entamons aujourd’hui l’examen. Pour ma part, j’y vois un gage de souplesse et d’efficacité. J’y vois surtout une réponse adaptée à des réalités et à des histoires territoriales très diversifiées.
Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, l’organisation des pouvoirs locaux n’obéirait plus seulement à une vision centralisée, descendante et uniforme, mais s’appuierait sur l’expérience de terrain. C’est un signe indéniable de maturité, de progrès de notre démocratie, et c’est un acte de respect des élus locaux.
Ce projet de loi a également l’avantage de laisser aux acteurs des marges de manœuvre importantes. Il nous rappelle que la loi n’est pas dans l’obligation de tout définir. Il nous faut en effet reconnaître que ce qui est aujourd’hui possible à Lyon, où il existe une longue et forte expérience d’intercommunalité intégrée, ne l’est pas de la même façon à Marseille ou au sein de l’agglomération parisienne avec ses 12 millions d’habitants.
Mlle Sophie Joissains. Merci !
M. Vincent Eblé. S’agissant de cette dernière, le texte du Gouvernement amendé par la commission des lois propose d’engager une première étape avec la création d’une collectivité sui generis, le Grand Paris Métropole.
Si je souscris, dans son principe, à la création d’une telle instance, je pense que nous devons être particulièrement attentifs, dans nos débats, à trois aspects : le périmètre, les compétences et la solidarité financière.
Le premier aspect concerne le périmètre de cette future métropole parisienne.
Nous avons eu ces derniers mois de nombreux et longs débats entre élus franciliens. Les uns considèrent que métropole et région forment un tout ; les autres, s’appuyant sur la spécificité des problèmes auxquels sont confrontées les communes de la zone dense, plaident pour une structure centrée autour de l’aire urbaine. C’est d’ailleurs la proposition retenue par la commission des lois même si, je l’ai noté, les EPCI n’appartenant pas à l’aire urbaine pourraient, sur la base du volontariat, et sous certaines conditions, adhérer à cette future métropole.
Dans ce débat sur le périmètre, nous devons surtout veiller à ne pas laisser se créer de nouvelles frontières au sein de l’Île-de-France.
Élu du département de la Seine-et-Marne, qui couvre la moitié de la surface régionale et où cohabitent des secteurs urbains, périurbains et ruraux, je sais combien les craintes de relégation et d’exclusion de la dynamique métropolitaine engendrent systématiquement des réactions extrémistes.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Vincent Eblé. Ces femmes et ces hommes, qui cumulent souvent surendettement, précarité énergétique, temps de transports à rallonge et difficultés d’accès aux études supérieures pour leurs enfants, éprouvent tous les jours le fait métropolitain parisien dans ce qu’il a de plus négatif : cherté des logements, qui pousse à trouver toujours plus loin la petite maison familiale de ses rêves ; transports bondés, dont les capacités n’ont pas suivi l’essor démographique ; insuffisance d’équipements publics de proximité dans leurs communes de résidence trop petites ou trop peu organisées en intercommunalité pour répondre à ces attentes.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Vincent Eblé. Ces femmes et ces hommes sont donc les premiers à être intéressés au fait que nous parvenions à trouver la bonne échelle pour résoudre leurs difficultés. Or, si je m’en tiens à la rédaction actuelle du texte, les quatre cinquièmes du territoire de la grande couronne et les deux tiers de ses habitants seront exclus formellement de la métropole.
Une autre raison d’être vigilant sur le périmètre est que la réalité dans laquelle la métropole parisienne fonctionne aujourd’hui fait largement fi des frontières étroites de l’aire urbaine.
Depuis trente ans, l’agglomération parisienne s’est développée en archipels et non de manière radioconcentrique. Des pôles majeurs de développement ont ainsi émergé à Cergy-Pontoise, à Évry, à Sénart, à Marne-la-Vallée, sur le plateau de Saclay ou encore autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or les limites de l’aire urbaine ne correspondent pas à cette géographie. À titre d’exemple, le périmètre proposé, tant dans le texte initial que dans la version amendée par la commission, exclut de la future métropole les pistes de Roissy-Charles-de-Gaulle. Or quoi de plus métropolitain qu’un aéroport international ?
Plus grave, à mon sens, est la proposition de la commission des lois de ne plus fixer de seuil démographique pour les intercommunalités de la grande couronne appelées à rejoindre la future métropole. Cette proposition méconnaît le besoin d’une plus grande structuration de ces territoires, dont les habitants subissent aujourd’hui les conséquences de l’émiettement communal et intercommunal.
Ainsi, en Seine-et-Marne, département de 1,3 million d’habitants, nous comptons 514 communes et 43 EPCI dont un seul couvre plus de 100 000 habitants. C’est un handicap sérieux pour affronter les défis que je viens d’évoquer et permettre que la spécificité de ces territoires soit entendue dans les débats métropolitains. Je regrette donc ce qui peut s’assimiler à une forme de frilosité inadaptée aux enjeux du moment.
Le deuxième aspect, sur lequel je passerai plus rapidement – je sollicite néanmoins votre vigilance –, a trait aux compétences et à la gouvernance de cette future métropole.
Si la proposition de la commission de réintégrer la région et les départements dans cette instance va dans le bon sens, le statut de simple membre consultatif me paraît encore insatisfaisant. Je n’ignore pas les raisons juridiques qui ont guidé ce choix, mais elles me semblent devoir être précisées.
II en va de même – c’est en lien direct avec la place et le rôle de la collectivité régionale et des collectivités départementales – du statut et des compétences susceptibles d’être exercées par cette future métropole. Il me semble en effet qu’un flou persiste, qu’il nous faudra dissiper en partant d’une question centrale : cette future métropole a-t-elle vocation à n’être qu’une structure de mutualisation et de coordination ou a-t-elle vocation à se voir transférer certaines compétences exercées aujourd’hui par ses membres ?
Le troisième aspect porte sur la solidarité financière.
S’il est une caractéristique propre à l'Île-de-France, c’est le fait que cohabitent, sans doute comme nulle part ailleurs, des poches d’extrême pauvreté et des secteurs de grande richesse. L’accroissement de ces inégalités fait courir un risque majeur, non seulement en termes de cohésion sociale – gardons en mémoire les émeutes urbaines de 2005, Claude Dilain s’en souvient ! –, mais aussi en termes d’attractivité économique de la région capitale. Et ce ne sont pas seulement les Franciliens qui auraient à pâtir d’un affaiblissement de l’Île-de-France, mais le pays tout entier, tant Paris et sa région contribuent à notre vitalité économique et à notre croissance !
Pour enrayer ce phénomène, le Gouvernement avait proposé un dispositif de péréquation entre départements, qui, bien que présentant des difficultés techniques, répondait à un besoin impérieux. Pour des raisons qui tiennent à la méthode retenue, les commissions ont proposé la suppression pure et simple de l’article concerné.
Je pense que ce serait une grave erreur de renoncer à un dispositif qui répond à une véritable urgence sociale et sans lequel il n’y aura pas de métropole durable et solidaire. Je vous proposerai donc un amendement visant à rétablir le principe de ce fonds de péréquation, reportant à la loi de finances le règlement de ces difficultés techniques.
Au travers de ce texte, nous devons faire évoluer notre organisation territoriale pour que nos collectivités puissent continuer à vivre et à se développer dans un contexte économique, social et financier plus difficile que jamais. Je crois que les nouveaux outils proposés, fondés sur les principes de dialogue, de respect des élus locaux et de reconnaissance de la diversité de nos territoires, peuvent nous y aider pour peu que nous gardions à l’esprit les raisons qui fondent l’action politique locale : le service au public, le développement de nos territoires et la lutte contre les inégalités sociales et spatiales.
Dans l’œuvre de redressement de notre pays engagée par le Président de la République et le Gouvernement, les collectivités peuvent et doivent jouer un rôle important. Ce premier texte de loi, comme ceux qui suivront, doit y contribuer. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je vais évidemment vous parler du Grand Paris. Voilà cinq ans que j’attends le moment de pouvoir débattre ici d’une nouvelle organisation territoriale dans cette région. Ce jour aurait pu être pour moi un grand moment de satisfaction, voire de bonheur, si j’avais pu voir mon travail transcrit dans la loi. Seulement, je suis sénateur de Seine-Saint-Denis et non sénateur du Rhône et mon rapport traitait du Grand Paris et non du Grand Lyon... (Sourires.) Nul n’est prophète en son pays !
Reste que je retiens avec satisfaction que le modèle lyonnais ici proposé valide l’idée de la métropolisation par la fusion d’une structure intercommunale et d’un département. Je retiens également des propos de notre rapporteur, René Vandierendonck, qu’il faut étudier le sujet. Lorsqu’il m’a informé que Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France, avait souligné, ce que j’ignorais, que la question méritait d’être posée, je me suis dit que les choses avançaient.
Il y a un peu plus d’un an, j’ai reçu un coup de fil de Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, pour me dire : « Je t’appelle, parce que tu vas être content : je pense que tu as raison et qu’il faut aller vers autre chose que Paris et les trois départements de la petite couronne ». C'est aussi la position de l’actuel président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Voilà mes sujets de satisfaction !
Malheureusement, mesdames les ministres, votre projet concernant la région Île-de-France ne va pas dans ce sens : vous n’avez pas eu cette audace. Je crois savoir pourquoi : entre le président de la région, Jean-Paul Huchon, qui n’a jamais voulu entendre parler du Grand Paris, n’y voyant qu’un concurrent trop puissant,…
M. Philippe Dallier. … et le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui n’est jamais allé au bout de sa logique, initiée au moment de son élection, de dialogue entre la ville de Paris et les communes de banlieue, vous avez choisi le compromis. À mon sens, c’est la plus mauvaise solution.
Le statu quo n’étant pas possible, car on ne peut pas ne rien faire, je vous propose la solution que j’avançais en 2008, car il y a urgence.
Urgence à faire émerger une métropole du Grand Paris permettant à notre ville-monde, ce qui constitue pour tous les Français l’atout le plus précieux, de rivaliser, à armes égales, avec ses concurrentes.
Urgence à devenir plus efficaces sur chacune des grandes politiques publiques : logement, transport, développement économique.
Urgence à réduire la fracture territoriale dans cette métropole, certes la plus riche de France et d’Europe, mais aussi celle où les inégalités entre collectivités territoriales sont les plus grandes.
Urgence à rationaliser la dépense publique, parce que les années qui viennent s’annoncent difficiles pour toutes nos collectivités.
Urgence à permettre à nos concitoyens de comprendre quelque chose au modèle pour qu’ils sachent simplement qui vote l’impôt local et pour en faire quoi.
Voilà, mes chers collègues, les défis que nous devons relever. Le texte qui nous est présenté nous le permet-il ? À l’évidence, non ! Si nous l’adoptions, il y aurait un maire de Paris, un président du Grand Paris, un président de la région, huit présidents de conseil général, plusieurs dizaines de présidents de communautés d’agglomération, qui – situation unique en France – se toucheraient toutes, formant un ensemble de 10 millions d’habitants, et 412 maires de l’unité urbaine qui diraient : « Et moi, et moi, et moi ! ». C’est si vrai que, dans le projet de loi initial, mesdames les ministres, vous avez essayé de trouver une solution, non seulement pour ces derniers, mais aussi pour tous les maires de la région Île-de-France qui se sentiraient un peu exclus.
Pouvoir émietté, modèle incompréhensible non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour les investisseurs étrangers, technostructure et dépenses de fonctionnement florissantes, dotations à prendre dans une enveloppe normée qui n’en peut plus : voilà les conséquences certaines de votre projet ! Nous sommes là au cœur du débat.
Pourtant, à Lyon, comme à Marseille, de deux manières complètement différentes, vous nous proposez une rationalisation. Alors pourquoi faire exactement l’inverse en Île-de-France ? J’en suis d’ailleurs très surpris, madame Lebranchu, puisque, à Marseille, vous avez répondu aux élus que le Gouvernement voulait « deux niveaux, les communes et une grande intercommunalité, et non pas trois – les communes, une intercommunalité et un syndicat d’intercommunalité –, parce que c’est budgétivore et que c’est plus difficile à conduire ».
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, vous parliez d’or.
Mlle Sophie Joissains. Oh non !
M. Philippe Dallier. Même si les territoires de Paris, Lyon et Marseille sont radicalement différents, il faut pourtant que la logique soit la même. L’adaptation entre ces différentes situations doit évidemment se faire en jouant sur le degré d’intégration des communes à la métropole.
Dans mon rapport de 2008, je proposais de nous appuyer en Île-de-France sur les communes de la petite couronne, qui ont toutes, à quelques exceptions près, la taille critique pour délivrer les services de proximité – elles comptent en moyenne 40 000 habitants, ce qui n’est pas comparable aux situations lyonnaise et marseillaise –, y compris ceux assurés par le département. En effet, qui suit les allocataires du RSA en Seine-Saint-Denis ? Qui suit les personnes âgées dépendantes ? Ce sont les services des communes ! Le département est une caisse enregistreuse, et ce sont les services des communes qui effectuent ce suivi, parce qu’ils en ont la capacité.
Je proposais également de trouver le bon périmètre en matière d’intercommunalité. Je continue à penser que la seule solution viable consisterait à s’appuyer dans un premier temps sur le périmètre des départements de Paris et de la petite couronne. Rendez-vous compte, ils recouvrent 752 kilomètres carrés, alors que la surface de la région est de 12 000 kilomètres carrés ! Sur moins de 10 % du territoire vivent 7 millions d'habitants. La densité est donc plus forte ici que dans le Grand Londres, qui compte 8 millions d'habitants sur 1 500 kilomètres carrés.
Pensez-vous qu’il faudrait chercher le périmètre de l’aire urbaine, avec tous les inconvénients que cela représente – et que Gérard Larcher a décrits –, qu’il faudrait inclure 10 millions d'habitants dans la métropole avec une région qui en compte 12 millions ? Cela n’aurait strictement aucun sens !
Mon modèle présente un autre avantage, mesdames, messieurs de la grande couronne et de la province : il ne coûterait pas un sou aux autres. Je soutiens qu’une fusion des budgets des conseils généraux de Paris et de la petite couronne aurait un effet péréquateur extraordinaire ; ainsi, on ne vous demandera pas de venir au secours de la Seine-Saint-Denis, alors qu’il faudra bien faire quelque chose.
Je proposais dans une troisième étape, après la fusion de ces départements, de redistribuer les compétences et de faire de la métropole du Grand Paris une collectivité locale de plein exercice, sans clause de compétence générale, en la spécialisant, évidemment, en matière de logement.
Mes chers collègues, croyez-vous que, quand on aura coupé la Seine-Saint-Denis en quatre ou cinq communautés d’agglomération, quand on aura monté un PLH et un PLU, on aura changé quoi que ce soit à la mixité sociale dans ce département ? Vous pensez que c'est le bon périmètre de réflexion ? Si, un jour, vous faites disparaître le département et que vous cherchez à financer les politiques sociales, confierez-vous à ces communautés d’agglomération de 300 000 habitants le financement des politiques sociales en Seine-Saint-Denis ?
Quelle est la réalité ? En première couronne, on se regroupe par couleur politique ; à l’Ouest, les plus riches avec les un peu moins riches et, à l’Est, les plus pauvres avec les un peu moins pauvre. Voilà le modèle que vous nous proposez ! Vous aurez beau mettre sur pied tous les mécanismes de péréquation que vous voulez, vous n’en sortirez pas !
Mon modèle ne s’oppose pas à la grande couronne, il ne l’affaiblit pas, même si je comprends que certains de nos collègues s’en inquiètent. En choisissant le périmètre de la zone dense, vous évitez les écueils résultant d’un périmètre aussi étonnant, qui comprend 10 millions d'habitants…
J’en reviens à la première partie de votre texte. Il faut évidemment imposer une coopération entre les collectivités locales. Quel élu local irait aujourd'hui soutenir le contraire ? Dès lors, pourquoi voudriez-vous que la métropole du Grand Paris fondée sur la zone dense s’oppose à la grande couronne ou à la région Île-de-France ?
Mes chers collègues, je ne sais pas si je vous convaincrai. En tous les cas, je poursuis dans cette voie, même si Vincent Capo-Canellas pense que mon projet est un peu daté parce qu’il a cinq ans. Pardonnez-moi, mais, durant les cinq dernières années, qui a proposé un contre-modèle qui traite de tous les sujets ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Dallier. Ne reprochez pas au sénateur Dallier de persister. Mon projet évolue comme un vin de garde : il se bonifie en vieillissant. N’oubliez pas que certains vins nouveaux peuvent très vite devenir des piquettes et tourner au vinaigre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette discussion est longue, riche et, je crois, fertile.
Il y a eu débat sur la méthode législative. Je fais partie de ceux qui ont souhaité le partage en plusieurs projets, en repensant à ce que nous avions fait entre 1981 et 1984 dans le premier vrai train de la décentralisation. Par parenthèse, certains se demandent qui représente le mieux l’acte II de cette décentralisation. Pour ma part, je pense qu’il s’agit de la personne qui préside la séance cet après-midi... (Sourires.)
Le choix que notre gouvernement avait fait à l’époque avait été discuté. Il n’y a toutefois plus réellement débat aujourd’hui. J’approuve donc cette démarche qui nous évite de travailler sur un projet dont la masse serait difficilement maîtrisable. Je crois qu’il y a une cohérence entre les phases. Sachant que nous aurons l’occasion de compléter ces trois textes, le Gouvernement et la commission sont convenus au moins de ne pas essayer d’anticiper dès maintenant sur les deuxième et troisième projets de loi. Je suis sûr que nous ferons preuve, collectivement, de la même sagesse.
Je voudrais m’arrêter un instant, chers collègues et amis, en essayant de ne blesser personne, sur l’une des raisons pour lesquelles nous sommes amenés à gérer ce problème d’« empilement » : le développement de la décentralisation, les compétences territoriales, une expérience accumulée ont favorisé - c’est un trait français que l’on retrouve dans presque toutes nos sphères – l’apparition d’un corporatisme catégoriel à chaque niveau de collectivité.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Alain Richard. Nous n’allons pas exterminer ce phénomène en le mentionnant, mais il me fallait dire ce qu’il en est. Je ne pense d’ailleurs pas être le seul de cet avis.
Cela étant, priorité a été donnée aux métropoles. Il s’agit d’un très beau terme, qui fait rêver. Pour nous, dont le rôle est modestement de faire les lois, et cela pour dire ce qui est obligatoire et ce qui est interdit, en plus du verbiage qui est secondaire, le terme « métropole » est synonyme de niveau d’intégration intercommunale considérablement amplifié et d’importants pouvoirs retirés aux communes. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Ce que l’on a délégué, on ne le reprend plus !
Je suggère donc que nous restions dans une réflexion à la fois réaliste quant au degré d’intégration et de centralisation que nous devons nous donner et attentive aux principes, et d’abord à ceux de la décentralisation. Cela fait un moment - je suis ce parcours à divers titres depuis bien longtemps – que l’on recherche un partage équitable et efficace entre les communes et leurs communautés, ou métropoles désormais.
Nous devons assurer une existence partagée et harmonieuse entre communes et établissements de coopération intercommunale, qui doivent continuer à justifier leur nom. L’influence de l’esprit mutualiste, qui a du sens pour un certain nombre d’entre nous, pourrait nous aider à mener cela à bien. Attention aux pesanteurs et aux attitudes dominatrices, avec l’idée implicite chez certains élus et hauts fonctionnaires, nationaux comme locaux, que les communautés et métropoles sont l’avenir et les communes le passé !
Mlle Sophie Joissains. Eh oui !
M. Alain Richard. Nous devons garder deux enjeux à l’esprit.
Le premier, c’est celui de la proximité avec la capacité à décider en dialoguant directement avec les gens. Cela est particulièrement important à une époque de chocs sociaux et d’incertitudes pesant sur les plus démunis, car l’échelon avec lequel les citoyens peuvent dialoguer, nous le savons tous, c’est la commune.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Alain Richard. Le second enjeu, avec lequel nous nous familiarisons progressivement du fait de la crise, c’est l’économie de gestion. Quel est le coût de nos structures locales ? Quel est le rapport coût-prestation ?
Nous partons toujours de l’idée implicite selon laquelle plus gros signifie plus économe. Honnêtement, le bilan est à plusieurs facettes. Je ne cherche pas non plus à être déplaisant, mais il se trouve que la Cour des comptes a fait des évaluations assez nuancées sur le sujet. Or le paysage financier et économique a changé, nous le savons tous, de façon durable. Par conséquent, l’intercommunalité et la vie communale devront être, l’une comme l’autre, synonymes de rationalisation et de synergie.
Mesdames les ministres, nous aurons dans cinq ans un rendez-vous sur la révision des schémas départementaux de coopération intercommunale. Il faut le préparer ! Nous devons mettre en place, avant cette échéance, une véritable évaluation des coûts de gestion des différentes structures avant de décider s’il faut continuer à les faire grossir. (M. le rapporteur acquiesce.) La croissance démographique et administrative des communautés ne va pas automatiquement dans le sens de la rationalité économique.
C’est ici que je voudrais présenter une réserve de taille devant le projet de loi que le Gouvernement nous a soumis. Partant de l’idée un peu simplificatrice selon laquelle la concentration très poussée de pouvoirs locaux est facteur d’efficacité, nous trouvons dans le texte cinq éléments inattendus de la part d’un gouvernement de gauche.
Premièrement, les communautés existantes, toutes créées volontairement, à l’exception des quatre premières il y a quarante-six ans, sont tenues par décret de devenir métropoles, qu’elles le veuillent ou non.