Mme Michelle Meunier. Exact !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Parallèlement, le soutien à la parentalité est une exigence qui se fait jour de plus en plus fortement, et ce quels que soient les milieux sociaux : cette demande provient aussi bien des milieux modestes que des familles aisées.
Dans le même temps, il nous faut corriger à la fois les inégalités sociales et territoriales. Aujourd’hui, en regardant la carte de l’accueil de la petite enfance, ne serait-ce que pour le territoire métropolitain, on ne peut se satisfaire d’observer un écart allant de 20 % à 80 % entre les départements, selon qu’ils sont bien ou mal lotis dans ce domaine. Nos concitoyens sont beaucoup plus mobiles qu’auparavant et, lorsqu’ils sont appelés à déménager, ils attendent de disposer des mêmes services. C’est un élément capital !
Cet enjeu me conduit à tenter de proposer à tout le moins des pistes de réponse, via les deux grands chantiers en cours, à savoir, d’une part, la négociation de la convention d’objectifs et de gestion avec la CNAF et, d’autre part, la refonte de l’architecture des prestations.
Parlons d’abord de la convention d’objectifs et de gestion.
Certes, elle aurait dû être signée il y a quelques mois. Il n’en reste pas moins que, pour la première fois, nous avons associé les parents à sa préparation. Mme Meunier a ainsi rappelé la consultation citoyenne que nous avions lancée auprès d’eux dans quatre régions. Les élus locaux ont également participé étroitement à cette préparation, ainsi que les partenaires sociaux. Je tiens d’ailleurs à souligner que j’ai été le premier ministre à recevoir les syndicats de salariés des caisses d’allocations familiales avant même la signature de la convention avec la CNAF.
J’entends vos aspirations. Je ne peux évidemment vous révéler aujourd’hui les chiffres que vous attendez, mais je pense que cette convention d’objectifs et de gestion sera à la hauteur de vos espérances,…
Mme Isabelle Pasquet. C’est déjà bien !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … tant en ce qui concerne le niveau du FNAS que le développement significatif des places d’accueil en crèche, de la préscolarisation des enfants de deux à trois ans ou l’élaboration d’un plan de professionnalisation renforcée pour les métiers de la petite enfance. La signature de la convention s’accompagnera également de l’abrogation du décret Morano.
Ces objectifs devraient permettre de corriger les inégalités territoriales, qui sont encore plus flagrantes en ce qui concerne le soutien à la parentalité. Un effort financier très substantiel sera donc réalisé dans ce secteur.
Ces axes forts que je viens d’évoquer sont susceptibles de répondre à vos interrogations. Je n’oublie pas non plus qu’une meilleure coordination des acteurs de la politique familiale est nécessaire. C’est pourquoi un pilotage territorial repensé nous permettra de dépenser mieux et plus efficacement.
Enfin, cette convention d’objectifs et de gestion contiendra un volet relatif aux salariés des caisses d’allocations familiales. Leur charge de travail excessive a été mentionnée à juste raison. On connaît d’ailleurs la situation périlleuse de certaines CAF. Il faudra donc nous pencher sur la maîtrise de la charge de travail, tout en continuant à améliorer l’accueil des allocataires.
Dans ce cadre, le maintien des effectifs me semble être une voie raisonnable. Il faut également, je tiens à le dire, utiliser la ressource offerte par les emplois d’avenir, qui permettent à la fois de répondre au besoin de personnel supplémentaire des caisses d’allocations familiales et de mettre le pied à l’étrier à nombre de jeunes gens afin de leur permettre de faire la preuve de leur talent.
Nous cherchons également à améliorer les conditions dans lesquelles les agents des CAF exercent leur métier, car leur sécurité reste insuffisante dans de trop nombreuses caisses. La convention inclura donc un volet immobilier les concernant.
J’en viens maintenant à la refonte de l’architecture des prestations.
Il reviendra bien évidemment au Premier ministre, qui entend les arguments de chacun, d’annoncer lequel des différents scénarios proposés par Bertrand Fragonard le Gouvernement privilégiera. À ce sujet, je tiens à souligner dès à présent la qualité du rapport de M. Fragonard, qui a relevé avec beaucoup de courage le défi que représente notre volonté de parvenir à la fois à un retour à l’équilibre financier de la branche famille et à mener une politique plus juste et redistributive. C’est cette exigence qui permettra de mettre en œuvre une véritable politique familiale de gauche. Ainsi, nous le savons déjà, les familles modestes bénéficieront d’une amélioration du complément familial et de l’allocation de soutien familial.
Parmi vos propositions, j’ai été très sensible à l’idée qu’une simplification de l’ensemble de ce magma de prestations serait bien vécue à la fois par les allocataires, qui prendraient conscience de ce qu’est vraiment la politique familiale, et, évidemment, par le personnel des caisses d’allocations familiales. Je suis donc tout à fait ouverte à la discussion, même si cette mesure ne pourra sans doute pas être mise en œuvre immédiatement.
J’ai également entendu proposer la création d’un revenu social de l’enfant. On ne peut pas balayer d’un revers de main ce sujet, car il est vrai qu’aujourd’hui, au fond, c’est l’enfant qui fait la famille. C’est donc une piste très intéressante que nous ne devons pas exclure à une époque on l’on assiste à un éclatement des familles.
Les pistes évoquées par Jean Desessard, reprenant les propositions d’ATD Quart Monde et de Dominique Versini, sont également très intéressantes.
Le rapport Fragonard ne doit être, à mon avis, qu’une première étape vers une politique familiale plus efficace. Vos propositions devront constituer, je le crois, l’étape suivante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que nous voulons que la prochaine convention d’objectifs et de gestion soit signée pour cinq ans au lieu de quatre. Cette durée devrait nous permettre d’évaluer la réalisation des objectifs et, au besoin, d’apporter les corrections qui s’imposent. C’est un élément important qui nous permettra de faire évoluer la nature même de la COG, qui était jusqu'à présent un instrument de gestion et qui doit devenir, je le dis avec force, un outil de politique publique. Voilà comment nous pourrons corriger les inégalités, aussi bien sociales que territoriales ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur le devenir de la politique familiale en France.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures dix.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
12
Décisions du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 16 mai 2013, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral et, d’autre part, de la loi organique relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux.
Acte est donné de ces communications.
13
Réforme de la biologie médicale
Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale (texte de la commission n° 493, rapport n° 492).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jacky Le Menn, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie le 10 avril dernier pour œuvrer à l’élaboration d’un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale a travaillé dans un esprit constructif et elle est parvenue sans grandes difficultés à un accord.
Neuf articles restaient en discussion : huit ont été adoptés dans la rédaction de l’Assemblée nationale et un dans celle du Sénat.
Il convient de souligner que les solutions trouvées par l’Assemblée nationale sur ces articles sont proches de celles que la commission des affaires sociales du Sénat avait choisies, et il y avait une grande convergence de vues entre les majorités de nos deux assemblées.
Concernant l’article 4, la commission mixte paritaire a précisé le champ de la dérogation accordée aux laboratoires de l’Établissement français du sang en matière d’implantation géographique. Ce souci rejoint celui de notre commission de limiter les risques de distorsion de concurrence avec les laboratoires publics et privés réalisant les mêmes examens, tout en tenant compte de la spécificité de cet établissement. Cela nous avait conduits, en séance publique, à adopter, à la demande du Gouvernement, une dérogation générale pour les laboratoires de cet établissement.
La commission mixte paritaire a par ailleurs limité au seul prélèvement les étapes d’un examen qu’il sera possible de conduire hors d’un laboratoire de biologie médicale. Nous avions, pour notre part, élargi cette possibilité à l’ensemble de la phase pré-analytique, considérant qu’il n’était pas possible de séparer juridiquement l’acte de prélèvement des autres composantes de cette phase : étiquetage, conditionnement et transport. Cette formulation suscitait pourtant, il faut bien le reconnaître, des inquiétudes parmi les acteurs concernés, qu’il convenait de prendre en compte.
La commission mixte paritaire a rétabli l’article 6, auquel j’étais personnellement très attaché, qui ouvre la possibilité à certains médecins non titulaires du DES de biologie médicale d’accéder à des postes de praticien hospitalier.
Je rappelle que le Sénat s’est opposé à plusieurs reprises à cette mesure. La biologie médicale est néanmoins une discipline spéciale : elle est mixte, parce qu’elle peut être exercée par des pharmaciens et par des médecins, et elle réunit plusieurs disciplines différentes, notamment la génétique. Sans doute, le statut de la génétique au sein des CHU, les centres hospitaliers universitaires, demande-t-il à être précisé. Si cette spécialité était reconnue à part entière, cela permettrait sans doute de mettre fin à plusieurs demandes d’octroi de postes de PU de biologie médicale.
En l’état actuel, la rédaction de l’article 6 me paraît tout à fait équilibrée, et les dispositions prévues constituent un compromis largement accepté par les acteurs.
À l’article 6 et à l’article 7, la commission mixte paritaire a rétabli les mesures transitoires permettant aux praticiens ayant exercé la biologie médicale pendant plusieurs années avant l’entrée en vigueur de la loi de poursuivre leur activité.
Surtout, à l’article 7, la commission mixte paritaire a rétabli les paliers d’accréditation qu’avait envisagés notre commission des affaires sociales, en prévoyant un seuil de 50 % en 2016, de 70 % en 2018 et de 100 % en 2020. Ne sont pas soumis à accréditation les examens innovants qui figurent parmi les actes hors nomenclature et qui ne sont pas encore évalués par la Haute Autorité de santé. J’ai indiqué à plusieurs reprises au cours de nos débats les raisons pour lesquelles il était essentiel de fixer un objectif à 100 %, sans lequel l’accréditation perdrait tout fondement.
Chaque laboratoire peut choisir les types d’examens auxquels il procède, et personne ne l’oblige à se faire accréditer à 100 % pour tous les examens existants. Mais, s’agissant des examens que le laboratoire réalise, il est impératif, pour la sécurité des patients, qu’il soit progressivement accrédité à 100 %. En effet, comme l’a souligné fort justement à l'Assemblée nationale Mme la rapporteure Ségolène Neuville, comment choisir les examens qui ne nécessiteraient pas d’accréditation ? S’agit-il d’examens moins importants ou moins utiles ? On pourrait alors s’interroger sur leur légitimité. Aussi était-il important, pour la sécurité des patients, je le répète, de lisser ce seuil sur plusieurs années pour parvenir à 100 %.
Certains ont craint, cela pouvait se comprendre, que l’accréditation n’empêche l’innovation. Il me semble que la rédaction de l’Assemblée nationale, adoptée par la commission mixte paritaire, limite ce risque. Je précise toutefois qu’il s’agit d’exonérer de l’accréditation non pas tous les actes hors nomenclature, mais seulement la minorité de ceux qui sont considérés comme innovants, c’est-à-dire dont l’efficacité n’est pas encore établie.
Concernant l’article 7 bis relatif aux examens urgents, la commission mixte paritaire a prévu la fixation par arrêté de la liste des examens concernés.
S’agissant de l’article 8 relatif aux formes d’exercice et de détention du capital des laboratoires, la commission mixte paritaire a prévu la transmission aux ordres compétents de l’ensemble des contrats et elle a rétabli les dispositions introduites par le Sénat, contre l’avis de la commission, relative à la détention minoritaire de capital. Ces dispositions font l’objet d’un amendement du Gouvernement ; nous y reviendrons ultérieurement.
Concernant les articles 9 et 10, la commission mixte paritaire a procédé à des améliorations rédactionnelles.
Par ailleurs, elle a supprimé l’article 10 bis relatif à l’encadrement des tarifs du COFRAC, le Comité français d’accréditation, au bénéfice de l’enquête demandée, sur ma proposition, par la commission des affaires sociales, à la Cour des comptes.
Enfin, elle a complété l’article 11, en prévoyant un régime adapté aux territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de Mayotte.
Le texte auquel nous avons abouti me paraît parfaitement équilibré et, sous réserve de l’amendement du Gouvernement, juridiquement solide. Nous partageons tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la volonté de garantir la place de la biologie médicale comme profession médicale et non comme profession commerciale.
Ce texte comporte des dispositions de nature à limiter la financiarisation de la profession et à garantir la possibilité pour les jeunes biologistes d’exercer leur métier en toute indépendance.
Néanmoins, je tiens à rappeler que la biologie médicale s’exerce majoritairement à titre libéral et, dès lors, les entraves que nous pouvons porter à la liberté de la concurrence doivent être limitées, comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises tant en commission que dans cette enceinte. Faute de quoi l’application du droit européen est susceptible de priver les praticiens de toute protection face aux intérêts financiers. L’amendement présenté par la Gouvernement est nécessaire pour garantir la sécurité juridique de l’ensemble de mesures prises pour assurer l’indépendance des jeunes biologistes. Il a d’ailleurs reçu cet après-midi un avis favorable de la commission des affaires sociales.
Ce ne sont pas seulement les laboratoires privés qui sont visés par ce texte. La biologie médicale publique est pleinement engagée dans la réforme de la profession et dans le processus d’accréditation. Nous n’avons pas créé de distinction – c’est un point essentiel – entre le niveau de qualité que les usagers sont en droit d’attendre du public et du privé. Avec l’accréditation, le plus haut niveau de qualité sera garanti à tous sur l’ensemble du territoire.
Si la Haute Assemblée adopte ce soir la proposition de loi que j’ai déposée avec plusieurs membres du groupe socialiste, ce sera l’aboutissement d’un travail de plusieurs années portées par de nombreuses personnes, dont plusieurs de nos collègues membres de l’ancienne majorité. Même si certains d’entre eux ne siègent plus au sein de notre assemblée, je tiens à les saluer tous.
Comme d’autres l’ont fait avant moi, j’ai essayé, sans a priori d’entendre et, si possible, de réunir l’ensemble des nombreuses parties prenantes du secteur de la biologie médicale, sans jamais interrompre le dialogue. Parvenir à un texte parfaitement consensuel s’est révélé impossible, mais je pense que celui qui vous est proposé ce soir, mes chers collègues, amendé par le Gouvernement, est le moins imparfait qui soit. Je m’en réjouis pour la biologie médicale, pour ses praticiens, pour ses patients, surtout, et pour l’avenir de l’organisation des soins dans notre pays.
Pour conclure, permettez-moi de remercier les services des commissions des deux assemblées pour l’excellent travail réalisé en coordination avec le ministère des affaires sociales et de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette lecture, vous serez appelés à vous prononcer sur une proposition de loi dont l’ambition est de porter la biologie médicale française de demain.
Près de quarante années se sont écoulées sans qu’aucune réforme majeure ni qu’aucune évolution significative ait permis à ce secteur de relever le double défi auquel il est aujourd’hui confronté : celui de la qualité et de l’efficience.
La proposition de loi issue des travaux de la réunion de la commission mixte paritaire que je vous invite à adopter, est l’aboutissement d’un travail parlementaire long et constructif, avec la convergence de positions différentes au départ, même si elles n’étaient pas nécessairement divergentes.
Cette proposition de loi a été déposée par les membres du groupe socialiste du Sénat et de l’Assemblée nationale. À cet égard, je tiens à saluer l’engagement et le travail de Jacky Le Menn, rapporteur au Sénat, et de Ségolène Neuville, rapporteure à l’Assemblée nationale, lesquels ont pleinement contribué à l’élaboration de ce texte.
Les échanges qui ont eu lieu au cours de l’examen de ce texte, ainsi que les amendements qui ont été défendus, ont permis d’avancer. Les travaux de la commission mixte paritaire, qui a réuni les représentants des deux chambres parlementaires, ont permis de forger une position commune et de consolider un équilibre de nature à renforcer les principes et les ambitions d’une réforme majeure pour les patients en ce qu’elle leur apportera des garanties nouvelles.
En effet, la première exigence de cette proposition de loi est d’assurer la qualité des examens en biologie médicale.
Nous connaissons tous ici la place centrale des biologistes médicaux dans la prise en charge des patients. Ils sont au cœur de l’organisation de notre système de santé. Il s’agit non pas d’une organisation à part, mais d’une organisation commune, globale : le travail des biologistes est déterminant pour assurer la qualité des soins. C’est tout le sens de la démarche de l’accréditation qui résultera de ce texte.
L’accréditation sera la garantie donnée au patient de la fiabilité des résultats sur l’ensemble du territoire. Notre objectif absolument impératif est de faire en sorte que, d’ici à 2020, 100 % des examens soient accrédités. Il y va de la qualité de la prise en charge des patients.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a souhaité préserver l’article 6 de la proposition de loi, ce dont je me félicite.
Les dispositions prévues vont permettre d’ouvrir à des médecins ou à des pharmaciens recrutés en centre hospitalier universitaire l’exercice des fonctions de biologiste médical, alors même qu’ils ne sont pas titulaires d’un diplôme de spécialiste en biologie médicale. Ainsi, l’article 6 permettra à des professionnels de santé de répondre aux besoins de leur activité, en exerçant exclusivement dans leur champ de compétence.
Il était essentiel, aux yeux du Gouvernement, que cet article fût rétabli, et ce dans l’intérêt des patients.
La seconde exigence qui doit guider la modernisation de la biologie médicale est celle de l’efficience.
Nous devons permettre à ce secteur de disposer des moyens de se structurer économiquement, sans sombrer dans les abus de la financiarisation. Au fond, l’élaboration de la proposition de loi a eu pour point de départ l’ambition commune, partagée par les membres des deux assemblées, tout particulièrement par le Sénat, d’éviter que la biologie médicale et, de façon plus générale, que le secteur de la santé ne tombe sous les fourches caudines de la seule recherche de rentabilité.
L’article 8 de la proposition de loi illustre cette démarche. Il vise à assurer aux biologistes médicaux la maîtrise de leur instrument de travail. Il autorise également une mise en conformité progressive, afin de ne pas déstabiliser le secteur. Enfin, il consolide la transparence des conventions et des contrats signés dans le cadre des sociétés d’exercice libéral.
La commission mixte paritaire a souhaité introduire de nouvelles dispositions aux alinéas 7, 8 et 9, qui tendent à fixer un seuil minimal de détention du capital social pour chaque biologiste médical exerçant au sein d’une société d’exercice libéral. Toutefois, ce seuil minimal est incompatible avec les exigences du droit communautaire dans la mesure où il créerait une restriction aux libertés de circulation, dont la liberté d’établissement.
Surtout, il m’apparaît que l’instauration d’un tel seuil risquerait d’évincer de l’exercice de la profession de jeunes biologistes ne disposant pas des fonds suffisants pour entrer dans le capital au niveau fixé.
Aussi me semble-t-il nécessaire que ces dispositions soient retirées de la proposition de loi. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement tendant à supprimer les alinéas 7 à 9 de l’article 8. Celui-ci a été adopté mardi dernier par l’Assemblée nationale. Il a également été voté, M. le rapporteur l’a rappelé, par la commission des affaires sociales du Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où nous arrivons au terme de la procédure parlementaire, je tiens à saluer le beau travail qui a été collectivement accompli. La proposition de loi représente une avancée majeure pour le secteur de la biologie médicale et assurera une protection à nos concitoyens. Je félicite chacun d’entre vous pour la part qu’il a prise à son élaboration, et j’inclus dans mes remerciements les services de la commission des affaires sociales, de la séance et des comptes rendus du Sénat, qui ont permis le parfait déroulement de nos débats. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport Ballereau de septembre 2008 a tracé les grandes lignes de l’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale.
Pour renforcer le caractère médical de la discipline, deux voies pouvaient être empruntées : industrialiser la biologie médicale afin de réduire les coûts, en partant du principe que l’analyse médicale est une simple prestation technique, ou considérer que l’analyse est un acte médical qui apporte une réponse à une question clinique par un examen approprié.
Nous nous félicitons que, lors de la réforme lancée en 2010, c’est la seconde voie qui ait été privilégiée. L’ordonnance relative à la biologie médicale visait à atteindre plusieurs objectifs : d’abord, garantir la qualité des actes et la confiance des professionnels et des patients ; ensuite, assurer l’efficience des dépenses, nécessité économique et éthique ; enfin, assurer une bonne adéquation entre nos exigences nationales et celles de l’Union européenne.
La biologie médicale reste un enjeu majeur des politiques publiques, du point de vue de la santé publique comme du maintien d’une profession de qualité sur notre territoire ; lors de nos débats, les orateurs de toutes tendances l’ont souligné.
Nous sommes convaincus de la nécessité de préserver les spécificités de la biologie médicale française. Du reste, c’est pour réaffirmer le caractère médical de la profession de biologiste et pour permettre des évolutions de structure en cohérence avec l’évolution des connaissances scientifiques et technologiques que le précédent gouvernement avait souhaité entreprendre une nouvelle réforme en rédigeant l’ordonnance du 13 janvier 2010.
Après que cette réforme a suivi un parcours parlementaire pour le moins décousu, nous voici réunis pour examiner les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de notre collègue et rapporteur Jacky Le Menn, dont je tiens à saluer le travail. Ce texte a pour principal objectif la ratification de l’ordonnance du 13 janvier 2010. Je rappelle que l’absence de ratification crée une insécurité juridique préjudiciable tant aux professionnels de santé qu’aux pouvoirs publics.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire reprend pour l’essentiel celui qui a été voté par l’Assemblée nationale. Permettez-moi de revenir sur les articles qui nous semblent les plus importants.
L’article 1er bis de la proposition de loi affirme la médicalisation de la biologie médicale dans l’intérêt de la sécurité des patients et prévoit la présence obligatoire d’un biologiste par site.
L’article 4 organise les conditions de réalisation des prélèvements de biologie médicale. En première lecture, nous avons rappelé que la qualité de l’analyse, du prélèvement jusqu’au résultat, est plus facile à garantir lorsque le prélèvement est réalisé en laboratoire. Il est cependant utile, notamment pour des raisons de proximité géographique des patients, de permettre aux infirmières ou aux médecins de réaliser des prélèvements à domicile.
À cet égard, la rédaction issue de nos travaux ne nous semblait pas satisfaisante. En revanche, celle qui a été adoptée par la commission mixte paritaire correspond à la position que nous avions défendue en première lecture : le champ de l’examen de biologie médicale en dehors du laboratoire doit être restreint au seul prélèvement des échantillons biologiques, de manière que le reste de la phase pré-analytique demeure sous le contrôle du biologiste.
L’article 5 prévoit l’interdiction des ristournes. Ce sujet a déjà été débattu à maintes reprises par le Parlement. Nous considérons que cette pratique est contraire au principe de tarification des actes médicaux. Au demeurant, le retour aux ristournes est très mal vécu par la profession, qui l’interprète comme une négation de la médicalisation, dans la mesure où il tend à assimiler les analyses biologiques à des prestations de service.
Il existe cependant un cas pour lequel nous aurions dû prévoir une dérogation, afin de prendre en compte la situation spécifique de certains hôpitaux. Nous parlons souvent de l’importance du maillage territorial. Toutefois, certains départements ne disposent d’aucun laboratoire public de biologie médicale et leurs hôpitaux sont trop éloignés d’autres établissements équipés d’un laboratoire. Conformément à la réglementation, les établissements de santé publics doivent traiter avec des laboratoires privés, qui consentent alors des remises.
Nous regrettons de ne pas avoir été entendus à propos de la difficulté que rencontrent les établissements publics de santé ne disposant pas d’un laboratoire public. Nous ne voulions pas faire perdurer les ristournes de manière mercantile, mais épargner aux établissements de santé cette double peine : plus de laboratoire et davantage de dépenses.
L’article 6 tend à permettre le recrutement en CHU et dans les établissements qui leur sont liés par convention de professeurs des universités – praticiens hospitaliers ou de maîtres de conférence des universités – praticiens hospitaliers non titulaires du DES de biologie médicale.
En même temps qu’elle décourage les étudiants en biologie médicale d’envisager une carrière hospitalière, cette perspective suscite parmi eux un sentiment d’injustice et de dévalorisation de leur formation. Le Sénat a déjà rejeté, en 2011, une disposition analogue à celle-ci. L’ensemble des membres de la profession, ainsi que les ordres concernés, y sont opposés. Il ne semble pas qu’il y ait aujourd’hui plus de raisons d’accepter cette dérogation qu’il n’y en avait en 2011.
L’article 7 prévoit des ajustements en matière d’exercice de la biologie médicale et fixe les paliers d’accréditation des laboratoires. L’accréditation à 100 % a été introduite par la commission des affaires sociales du Sénat, qui a considéré que la limiter à 80 ou 90 % ne satisfaisait pas l’un des objectifs majeurs de la réforme, à savoir la qualité prouvée par l’accréditation. Rendre obligatoire l’accréditation des laboratoires est le seul moyen possible de prouver la qualité des examens. La biologie médicale sera ainsi la seule discipline médicale pour laquelle il existe une accréditation. Le calendrier échelonné de la mise en place de l’accréditation à 100 % au 1er novembre 2020 nous semble raisonnable.
Cependant, nous sommes conscients des difficultés rencontrées par les laboratoires : la tarification des actes est gelée depuis des années, certains tarifs ayant même été diminués d’autorité par les pouvoirs publics. Pris en étau entre une accréditation relativement coûteuse et le gel de la tarification de leurs actes, certains laboratoires risquent de se trouver en difficulté. Un équilibre doit donc être trouvé, pour que certains d’entre eux, en particulier dans les territoires ruraux, puissent continuer d’exister.
L’article 8, qui vise à freiner la financiarisation du secteur en rétablissant le principe d’une détention majoritaire du capital de la société d’exercice libéral par les biologistes, a été largement remanié par la commission mixte paritaire, pour répondre notamment à l’inquiétude des jeunes biologistes et de ceux qui veulent préserver une biologie médicale de proximité et non financiarisée.
Réserver aux biologistes l’accès au capital des laboratoires ne suffisait pas à garantir l’indépendance de ceux-ci. Pour lutter efficacement contre la financiarisation et promouvoir la transparence, il fallait aussi rendre obligatoire la communication de l’ensemble des conventions aux ordres compétents. La commission mixte paritaire a introduit une disposition en ce sens, ce dont nous nous réjouissons.
Je vous rappelle que, sur notre initiative, le statut d’associé ultra-minoritaire dans les laboratoires de biologie médicale avait été supprimé en première lecture.
Dans les faits, la législation sur les sociétés d’exercice libéral de biologistes est détournée par certains investisseurs, qui ne proposent qu’une fraction infime des parts sociales aux nouveaux entrants ou les dépossèdent contractuellement du contrôle effectif des parts qu’ils ont acquises. Dans certains cas, sur simple notification des investisseurs financiers, le biologiste doit céder ses parts à l’acheteur désigné par ces derniers. Ce sont donc souvent les investisseurs financiers qui contrôlent la part des biologistes dans le capital, et plus généralement l’intégralité du capital des laboratoires dans lesquels ils ont investi.
Nous nous félicitons que la suppression du statut d’associé ultra-minoritaire ait été confirmée par la commission mixte paritaire et nous regrettons donc que le Gouvernement ait déposé un amendement tendant à supprimer les alinéas 7 à 9 de l’article 8.
L’article 9 renforce le rôle des agences régionales de santé en leur permettant de réguler l’offre de biologie médicale sur les territoires. Il va donc dans le sens du rapport Ballereau, qui préconisait de conserver le principe de la liberté d’installation et de mettre en place une régulation. Il protège la proximité territoriale sans empêcher les restructurations nécessaires pour que les laboratoires atteignent une taille critique qui leur permette de faire face aux futurs enjeux économiques et techniques.
L’instabilité actuelle est préjudiciable à l’avenir de la profession, dans le secteur hospitalier et surtout dans le secteur libéral. Il est nécessaire d’y mettre un terme. C’est pourquoi, même si certaines dispositions de la proposition de loi ne les satisfont pas totalement, les sénateurs du groupe UMP, qui sont soucieux d’adopter une attitude constructive et qui soutiennent le principe de ce texte, n’empêcheront pas son adoption, mais s’abstiendront.