M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont exclus du champ d’application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur au titre des a et j du 2. de l’article 2, les services sociaux relatifs à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées.
Sont notamment concernés les services assurés par des organismes de formation mandatés par les conseils régionaux relevant des services publics régionaux de la formation professionnelle à destination des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles, dont les services ou organismes concourent à mettre en place les processus de formation pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles. Sont également exclues les actions qui permettent d’identifier le besoin individuel de formation, l’orientation et les bilans de compétences, les actions de validation des acquis de l’expérience, les services de formation continue, de qualification et d’éducation permanente pour des demandeurs d’emploi et des salariés précaires ou fragiles, ainsi que les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant de la compétence des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus à l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou les collectivités territoriales.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à insérer dans ce projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » un article additionnel qui, lui, aurait un aspect véritablement sécurisant pour les travailleurs.
Le nouvel article que tend à insérer cet amendement saura, j’en suis certaine, recueillir l’approbation de la majorité sénatoriale, dans la mesure où il est en parfaite symbiose avec une proposition de loi déposée le 9 décembre 2009 par Jean-Marc Ayrault, alors député. Vous voyez, nous suivons ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. le ministre sourit également.)
Cette proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive Services rejoint en effet notre volonté d’exclure du champ d’application de ladite directive les services sociaux relatifs à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant en situation de besoin en raison de l’insuffisance de leurs revenus ou d’un manque d’indépendance. Cela comprend notamment la formation professionnelle. Nul n’est donc besoin de vous convaincre.
Je me contenterai de citer l’exposé des motifs de cette proposition de loi ; on ne saurait mieux argumenter en faveur de l’adoption de notre amendement : « La directive Services a pour objet de compléter le marché intérieur en permettant que s’exercent la liberté d’établissement et la libre prestation de services. Elle n’est pas, tant du point de vue de son esprit que de sa lettre, un blanc-seing ou une incitation à la libéralisation ou à la privatisation, conformément à l’alinéa 8 de la directive. Cette proposition de loi traduit fidèlement en droit français l’état actuel du droit européen et ne crée aucun droit ni charge supplémentaires pour les pouvoirs publics. Elle fixe un cadre général définissant la protection dont doivent bénéficier les services sociaux. Elle évite une transposition sauvage et a minima de la directive Services. »
Nous sommes en accord total ! Compte tenu de l’importance de la formation professionnelle dans une véritable sécurisation des parcours professionnels, il n’est pas raisonnable de continuer à placer ces services sous le joug de cette directive qui organise la concurrence déloyale et la dérégulation dans le seul but de transformer les services sociaux en autant de parts de marché nouvelles.
C’est pourquoi, chers collègues, nous souhaitons que vous adoptiez cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit là encore d’un enjeu très important. Dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la formation professionnelle, j’avais moi-même défendu le fait que la formation professionnelle puisse être consacrée dans un service d'intérêt général.
Cet amendement tend à exclure de la directive Services un certain nombre d'activités qui ne sont pas clairement définies, notamment les services sociaux relatifs à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l'insuffisance de revenus familiaux.
Malheureusement, cet amendement n’a pas de relation directe avec l'accord national interprofessionnel et devra trouver sa place dans un autre champ.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a parlé d'un champ : je vais donc continuer le labour et préciser le champ dont il est question. (Sourires.)
En matière de formation professionnelle, nous partageons totalement votre préoccupation. Tous ceux qui ont été conseillers régionaux ou présidents de conseil régional connaissent les termes du débat et les difficultés et inconvénients qu’entraîne une application stricte, ou trop stricte, de certaines règles de concurrence édictées à l'échelon européen.
C'est aussi une question très importante pour l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. (M. le rapporteur acquiesce.) En effet, pour permettre à l’AFPA de retrouver son assise et ses capacités de formation, il faudra également inscrire cette problématique dans ce cadre-là.
Toutefois, ce sujet est sans rapport avec le texte que nous examinons aujourd'hui. En revanche, il est très exactement en lien avec le projet de loi sur la décentralisation - dans le domaine de la formation professionnelle, la décentralisation devra s'appliquer jusqu'au bout – et sera traité à l’occasion de l’examen de ce texte.
Sous le bénéfice de ces remarques, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 52 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Je suis évidemment sensible aux explications qui viennent d'être fournies par la commission et par le Gouvernement. Cependant, depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte, je m’interroge. Nous en restons en effet à la stricte traduction législative de l'accord national interprofessionnel. C’est toujours l’accord, et rien que l'accord (Mme Nathalie Goulet s’exclame), et, lorsque nous essayons de faire bouger les lignes dans l'intérêt des salariés, on nous oppose toujours de bonnes raisons pour ne pas le faire.
C’est d’autant plus surprenant que je sens qu'à gauche on partage les mêmes valeurs sur ces questions.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Absolument !
Mme Laurence Cohen. Dans ces conditions, pourquoi ne pas aller plus loin ?
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Constituent des services sociaux relatifs à l’aide aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin au sens du j du 2 de l’article 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, les actions de formation professionnelle et d’insertion relevant du service public de l’emploi ou de la compétence des régions telle que définie à l’article L. 214-12 du code de l’éducation ou de celle des départements dans le cadre des programmes départementaux d’insertion prévus par l’article L. 263-1 du code de l’action sociale et des familles, qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l’État ou par les collectivités territoriales. Les organismes bénéficient à cette fin d’un financement, notamment sous la forme de compensation de services publics par voie de marchés, de délégations de services publics ou d’octroi de droits spéciaux dans le cadre du service public de l’emploi ou du service public régional de la formation professionnelle.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement va dans le même sens et vise à exclure explicitement les prestations de formation professionnelle du champ d'application de la directive Services. Ce faisant, il respecte pleinement le compromis entre le Parlement et le Conseil européen.
Je rappelle que, le 9 décembre 2009, présentée par Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, avec le soutien de nombreux députés, notamment François Brottes, Alain Vidalies, Marisol Touraine, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Victorin Lurel, Michel Sapin, monsieur le ministre(Sourires.) , et Manuel Valls, fut déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale une fort intéressante proposition de loi tendant à exclure de l’application de la directive Services un certain nombre de prestations, parmi lesquelles celles qui sont fournies par le service public de l’emploi.
Cette proposition de loi, dont je vous épargne la lecture, définissait avec précision, monsieur le rapporteur, les services sociaux en question, à savoir des services sociaux d'intérêt général, à des fins de protection sociale, de cohésion sociale, de solidarité nationale et de mise en œuvre des droits fondamentaux, et dressait la liste de l'ensemble de ces prestations.
Le présent amendement a pour objectif de résoudre les points considérés comme majeurs pour l’avenir des services de formation, qui représentent plusieurs milliers d’emplois et constituent l’un des fondements de notre modèle social.
Il s’appuie sur les dispositions protectrices contenues dans le droit européen dont il revient à chacun des États membres de se saisir. Il appartient ainsi à un gouvernement se prévalant d’une Europe qui protège de définir de manière large les services exclus du périmètre d’application de la directive, de préciser le droit applicable aux services sociaux non économiques également exclus, de permettre l’utilisation des garanties offertes par le Traité de Lisbonne, pour que les autorités publiques, non seulement nationales mais également régionales et locales, puissent sécuriser les services d’intérêt économique général.
Parce que cela n’a pas été accompli lors de la précédente législature, alors que cela aurait pu l’être, nous devons aujourd’hui œuvrer dans ce sens.
Transposer dans notre droit la législation européenne ne consiste pas toujours, comme nous avons eu l’occasion de le constater par le passé, à inclure dans notre corpus législatif et réglementaire toute la lettre et rien que la lettre des actes communautaires, lors même qu’une relative liberté d’adaptation est laissée à l’appréciation du législateur dans chaque pays.
Une directive européenne n’est pas toujours un menu à prix fixe et plat unique : elle est parfois un menu à la carte, qu’il nous faut savoir adapter au goût, aux habitudes et aux traditions sociales de notre pays !
Cet amendement tend donc à inscrire les services sociaux relevant de l’insertion sociale et professionnelle, de la formation professionnelle, de la formation des travailleurs handicapés ou encore de l’orientation professionnelle, dans l’ensemble des dispositions du droit communautaire relatives aux services d’intérêt général aux fins d’assurer leurs missions particulières. Dans ce but, nous définissons de manière large et effective l’exclusion des services concernés du champ d’application de la directive Services et fixons un cadre général définissant la protection dont doivent bénéficier ces services sociaux.
Tel est le sens de cet amendement, que je ne peux que vous inviter à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mon cher collègue, vous abordez la même problématique que votre collègue à l’instant. La commission vous propose donc la même réponse et la même conclusion : avis défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Laurent, vous avez écouté attentivement les avis que nous avons émis à l'occasion de l’examen de l’amendement n° 52 rectifié, qui traitait exactement du même sujet. Nous attachons beaucoup d'importance à cette question. La preuve, certains d'entre nous, que vous avez cités, ont formulé des propositions dans ce sens.
Il n’en demeure pas moins que la bonne méthodologie, c'est de prendre les sujets dans l'ordre.
Aujourd'hui, avec ce projet de loi, nous traitons les questions relatives aux relations dans l’entreprise. Nous aborderons la réforme de la formation professionnelle, y compris ses liens avec les régions, lorsque nous examinerons le projet de loi relatif à ces questions.
Nous procéderons de même s’agissant des sujets relatifs à la décentralisation. En effet, les trois projets de loi de décentralisation ont déjà été présentés en conseil des ministres, et le deuxième texte vous permettra de renouveler votre proposition ; le Sénat aura donc à en délibérer.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 177 |
Nombre de suffrages exprimés | 175 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 143 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 63, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2014, les rémunérations mentionnées à l’article L. 6222-27 du code du travail des personnes embauchées en qualité d’apprentis sont revalorisées de 5 %.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à revaloriser les rémunérations des apprentis de 5 % au 1er janvier 2014.
Dans le contexte actuel de crise économique, nous sommes tous sensibles aux difficultés rencontrées par les publics à faibles revenus.
Le salaire minimum de l’apprenti, déterminé en pourcentage du SMIC en fonction de l’âge et de l’ancienneté, varie aujourd’hui, selon ces critères, de 25 % à 78 % du SMIC, soit de 357 à 1 115 euros mensuels exonérés de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Il peut être légèrement majoré dans certains secteurs, grâce à des conventions collectives plus avantageuses, comme c’est le cas actuellement, mais à la marge, dans le BTP.
Un jeune qui débute son apprentissage touche donc un salaire très faible, qu’il nous semble utile de revaloriser. Un apprenti plus âgé, en troisième année d’apprentissage, bénéficie d’un salaire nettement plus décent, mais encore largement inférieur au SMIC, alors qu’il peut être amené, du fait de son expérience, à réaliser un travail tout aussi important qu’un autre salarié bénéficiant, lui, d’un revenu largement supérieur.
Dans beaucoup de cas, en outre, une fois qu’il a atteint l’âge de dix-huit ou de vingt ans, l’apprenti peut être amené à acquérir son autonomie, non pas seulement dans son travail, mais aussi dans sa vie, ce qui représente pour lui des charges importantes, surtout dans le contexte immobilier général actuel. Il ne serait donc pas davantage choquant de revaloriser son revenu d’apprentissage de 5 %. Cela représenterait à peine 18 euros par mois, mais c’est déjà une somme appréciable quand on a peu de revenus.
Chers collègues, cette revalorisation salariale participe d’une revalorisation plus large de l’apprentissage. Et celui-ci en a bien besoin !
C’est aussi une façon d’accorder à des jeunes qui travaillent dur des moyens de subsistance largement mérités.
Je vous invite donc à voter cet amendement, pour affirmer, et dès maintenant, cette exigence, en faveur des apprentis et, plus généralement, en faveur de l’apprentissage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement prévoit de revaloriser de 5 % les rémunérations des apprentis à compter du 1er janvier 2014.
Dans ce contexte de crise économique, notre collègue explique que cette disposition serait juste, et nous sommes évidemment tentés de souscrire à ses arguments. Hélas !, cette disposition ne relève pas du champ de l’accord.
Pour cette raison, et elle seule, je suis conduit à émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Je comprends que cet argument puisse lasser, mais ce texte n’est pas fait pour aborder tous les sujets, si légitimes soient-ils. Il ne traite que des problèmes de la relation au travail dans l’entreprise entre les salariés et les chefs d’entreprise.
Le point que vous soulevez mérite toute notre attention, mais pas dans ce cadre-ci.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. Cela faisait longtemps ! (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 207 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 32 |
Contre | 142 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 82, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6322-17 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6322-17. – Les travailleurs bénéficiaires d’un congé de formation ont droit au maintien de leur rémunération pendant toute la durée du stage. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour but de définir la rémunération perçue par un salarié bénéficiaire d’un congé de formation.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 6322-17 du code du travail se lit ainsi :
« Le salarié bénéficiaire d’un congé individuel de formation a droit, dès lors qu’il a obtenu l’accord de l’organisme collecteur paritaire agréé pour la prise en charge de sa formation, à une rémunération.
« Celle-ci est égale à un pourcentage, déterminé par décret, du salaire qu’il aurait perçu s’il était resté à son poste de travail, sauf dispositions conventionnelles plus favorables concernant les salariés à temps partiel et prévues dans le cadre d’un accord national interprofessionnel étendu ou d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu.
« Toutefois, l’application de ce pourcentage ne doit pas conduire à l’attribution d’une rémunération inférieure à un montant déterminé par décret ou au salaire antérieur lorsqu’il est lui-même inférieur à ce montant. Ce décret peut déterminer les cas et les conditions dans lesquels la rémunération versée à un salarié en congé individuel de formation est ou non plafonnée. »
Même si cet article semble a priori très complexe, il est aisé de saisir qu’un salarié, dans le cadre d’un congé individuel de formation, reçoit une rémunération inférieure à celle qu’il perçoit dans son activité salariée. Là encore, il existe des différences importantes selon les accords de branche, les conventions collectives et le statut du salarié. De plus, est-il nécessaire de revenir sur la situation actuelle des salaires dans notre pays ?
Le nombre de smicards augmente, le pouvoir d’achat stagne, voire régresse. Diminuer les ressources d’un salarié qui s’engage à suivre une formation revient aujourd’hui à fermer une porte à la formation. Or celle-ci est non seulement un dû et une opportunité pour le salarié, mais aussi une chance pour l’entreprise.
Qui, dans cette enceinte, trouve aujourd’hui normal qu’une action de formation ait comme conséquence une baisse de rémunération ? Les textes actuels excluent d’ailleurs du processus de formation les salariés les moins bien rémunérés puisque, pour eux, une perte même minimale de salaire peut être source de graves difficultés financières. Après sa formation, une fois qu’il retourne à son poste, le salarié fait profiter immédiatement l’entreprise de ses nouveaux acquis. Force est de constater que cela est loin d’être systématiquement reconnu par une promotion ou par une augmentation de salaire.
Ce système est donc profondément injuste. C’est pourquoi cet amendement propose une rédaction très simplifiée de l’article L. 6322-17 du code du travail. Nous affirmons le principe du maintien intégral de la rémunération du salarié pendant toute la durée du stage, ce qui semble être une mesure de justice évidente. La formation est une composante de la vie professionnelle qui permet au salarié d’acquérir des connaissances nouvelles et d’approfondir ses savoirs. Y compris lorsque le thème de la formation n’est pas en lien direct avec l’activité du salarié, ses nouveaux acquis lui permettent de développer son esprit d’analyse et sa vision de l’entreprise, ce qui aura une influence positive sur son activité.
Puisque le projet de loi sur lequel nous travaillons aujourd’hui est censé être un texte gagnant-gagnant, il nous appartient de l’améliorer en adoptant très largement cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, je vous en donne acte, vous proposez en l’occurrence un véritable « choc de simplification ».
Si votre amendement était adopté, l’article L.6322-17 du code du travail deviendrait d’une simplicité biblique : il prévoirait le maintien du niveau de rémunération pour tous les salariés admis en congé individuel de formation, alors que ce n’est aujourd’hui le cas que pour ceux qui perçoivent un salaire inférieur à deux fois le SMIC.
Sans me prononcer sur la pertinence de votre proposition, chère collègue, je suis hélas ! conduit, une fois encore, à émettre un avis défavorable, cette disposition ne relevant pas du champ de l’accord. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Même avis défavorable. Nous examinerons ces questions dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle.
M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 8221-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Soit de pratiquer un recours abusif aux stages mentionnés à la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. La question de l’immersion des jeunes dans la vie professionnelle se pose évidemment avec une force renouvelée dans un contexte où, de plus en plus, des formations scolaires à visée professionnelle sont développées à tous les niveaux de formation initiale.
Nous sommes déjà parvenus à un moment de l’histoire économique de notre pays où l’enseignement professionnel dépasse, par exemple, le seul niveau du contrat d’apprentissage pour comprendre aujourd’hui les baccalauréats professionnels, les diplômes universitaires de technologie et, désormais, les licences et mastères professionnels.
Une telle évolution participe de deux considérations essentielles : d’une part, la nécessité que nos ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs disposent d’un niveau élevé de compétences dans leur spécialité technique ; d’autre part, l’aspiration de nombreux jeunes à mieux entrer dans la vie professionnelle par le biais d’une formation plus directement en prise avec les réalités supposées de cette vie professionnelle.
Du coup, le stage d’études est devenu une sorte de passage obligé, depuis le stage d’immersion en milieu professionnel d’une semaine des collégiens jusqu’au stage de longue durée et gratifié accompli, dans le cursus normal de la formation, par l’étudiant en master pro.
Nul doute que cette extension notoire du nombre de semaines de stage et de stagiaires disponibles sur le « marché » peut donner, comme le pointe notre amendement, des idées à quelques dirigeants d’entreprise vite au fait de la possibilité de disposer ainsi des services d’une main-d’œuvre peu coûteuse et souvent volontaire…
Au demeurant, on observera que le Gouvernement a marqué son intention de lutter contre le recours abusif aux stages, recours que la jurisprudence en la matière a validé au regard de maintes situations constatées.
Si l’on veut d’ailleurs définir avec le degré de précision minimum ce que peut constituer le recours abusif aux stages, il suffit de se reporter à quelques articles du code du travail tels qu’ils ont été fixés par la loi Pécresse du 28 juillet 2011.
Complétons donc l’œuvre législative déjà accomplie en caractérisant comme il convient l’usage abusif des stages en entreprise, c’est-à-dire comme une source de travail dissimulé, non rémunéré à sa juste valeur et, par conséquent, facteur de concurrence déloyale entre salariés et jeunes en formation comme entre entreprises.
Pour tous ces motifs, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ma chère collègue, nous avons déjà évoqué la question des stages abusifs, hier me semble-t-il. Elle a également fait l’objet d’un très long débat à l’Assemblée nationale lors de l’examen du présent texte. Le Gouvernement a alors indiqué, et M. le ministre l’a confirmé ici même, qu’elle serait traitée au sein d’une proposition de loi déposée par des collègues députés au cours des prochaines semaines. Par conséquent, le moment venu, nous pourrons revenir sur votre préoccupation.
Pour l’instant, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.