M. Jean-Pierre Leleux. Une majorité politique, quelle qu’elle soit, ne peut ni changer le mal en bien ni inverser le sens des mots, et encore moins appeler « mariage » ce qui ne l’est pas,…
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. Jean-Pierre Leleux. … ne peut pas l’être et, qu’on le veuille ou non, ne le sera jamais !
Lors de la discussion générale, certains se sont agacés que nous fassions appel à des « cannes blanches », à des citations pour soutenir nos propos. J’avais ainsi cité Albert Camus – cela ne vous avait pas plu – et Portalis, notre « veilleur ». Je fais à présent appel à quelqu’un qui ne devrait pas poser de problème dans vos rangs, à savoir l’ancien ministre de la justice, Mme Guigou, qui disait, en parlant du mariage, que c’était « l’articulation et l’institutionnalisation de la différence des sexes ». Voilà qui devrait cheminer dans vos esprits !
Pour remonter plus loin dans le passé, puisque l’on parle du temps qu’il faut pour que les mots changent, je ferai appel à un poète soufi du XIIe siècle, Ibn’Arabî, qui, au fond devrait faire l’unanimité dans cette assemblée. À la question de savoir quel vœu il exprimerait si Dieu lui demandait ce dont il a le plus envie, ce grand poète mystique répond en effet : ce que je désire le plus, c’est que l’on restitue leur sens aux mots.
Nous n’avons pas le droit, en tant que parlementaires, de changer le dictionnaire et la signification profonde de mots auxquels sont attachés une symbolique et une histoire lourdes de sens. C’est pourtant ce que nous faisons aujourd’hui ! C’est la raison pour laquelle je m’opposerai avec la plus grande vigueur à ce texte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. C’est vous qui détournez le sens des mots !
M. le président. La parole est à M. Abdourahamane Soilihi, pour explication de vote.
M. Abdourahamane Soilihi. Je voudrais d’abord parler d’une confusion relative à la dénomination du projet de loi « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe » alors que vous parlez, chers collègues de la majorité, du « mariage pour tous ». En réalité, vous avez là un slogan.
La confusion est également de nature anthropologique, entre le genre et l’orientation sexuelle.
Mais la confusion concerne surtout la portée du projet de loi, car le mariage, dans le code civil, ce n’est pas que l’union d’un homme et d’une femme, c’est également la filiation, la présomption de paternité ; c’est automatiquement le droit à l’adoption et, pour les couples stériles, l’accès à la procréation médicalement assistée.
En conséquence, ouvrir le mariage aux couples de même sexe, c’est transférer les droits autrefois réservés aux couples de sexe différent aux couples de même sexe. Si les situations des couples mariés de sexe identique ou différent deviennent similaires, il n’y aura plus cette différence de situation qui peut justifier que certains aient accès à l’adoption et d’autres non, que certains aient accès à la PMA et d’autres non, et enfin que certains aient accès à la PMA et donc à la procréation alors qu’ils sont stériles, et que d’autres ne puissent pas bénéficier de la GPA.
Or, c’est justement ce qui est caché, ce qui n’est pas dit suffisamment clairement que nous critiquons et qui scandalise beaucoup de Français.
Si ce texte est voté, si le mariage de deux personnes de même sexe est à l’avenir rendu possible, alors automatiquement ces couples auront droit non seulement à l’adoption mais aussi à la procréation médicalement assistée, au besoin en passant par une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, comment le Conseil constitutionnel pourrait-il considérer l’égalité de droits entre tous les couples mariés si certains d’entre eux peuvent avoir accès à la PMA et d’autres non ?
L’étape suivante verra surgir la même revendication de la part des couples composés de deux hommes qui demanderont alors, s’appuyant sur le fait qu’un couple formé de deux femmes a accès à la PMA, à avoir eux-mêmes accès à un moyen d’avoir des enfants ; et ce sera évidemment, mécaniquement, l’accès à la gestation pour autrui.
De fait, nous ne voulons faire peur à personne, nous voulons simplement que le débat puisse porter sur les véritables enjeux, pas sur la seule face émergée de l’iceberg, aussi grosse soit-elle. En segmentant le débat, vous cherchez à dissocier le mariage de la filiation, et l’adoption de l’utilisation d’autres méthodes de procréation.
La conception de l’égalité qui vous conduit à défendre ce mariage pour tous nous conduira mécaniquement vers l’adoption, vous l’admettez volontiers. Mais, toujours au nom de l’égalité, vous nous amènerez par le même mécanisme à la PMA.
Ensuite, parce que nous évoluons dans un cadre européen et que nos lois sont soumises à un contrôle de constitutionnalité, désormais y compris a posteriori, via la QPC, vous nous conduirez vers la GPA, que ce soit par l’intermédiaire de la Cour européenne des droits de l’homme ou du Conseil constitutionnel.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter que soit adopté l’article 1er relatif au mariage pour tous, car nous n’acceptons pas ses conséquences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
M. Philippe Darniche. J’ai indiqué, lors de la discussion générale, que je n’étais pas favorable à ce texte, et je ne reprendrai pas l’ensemble de mon argumentation, mais j’ai entendu M. Sueur nous expliquer que le projet de loi ne traitait ni de la PMA ni de GPA et qu’il fallait s’en tenir au sujet en discussion.
Monsieur le président de la commission des lois, avec tout le respect que j’ai pour vous, cette manière de contourner le problème ne me semble pas très honnête.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Si, c’est honnête !
M. Philippe Darniche. Pourquoi ? Vous le savez, car vous étiez également présent, j’ai assisté à un nombre important d’auditions. Dans ce cadre, j’ai bien entendu toutes les personnes qui étaient favorables à ce texte, et qui d’ailleurs n’étaient pas nécessairement majoritaires.
Quoi qu’il en soit, les personnes auditionnées qui y étaient favorables ont toutes indiqué très clairement que le souhait exprimé par les associations homosexuelles était d’aller vers la PMA et la GPA et qu’il faudrait inéluctablement y parvenir un jour.
Le Gouvernement savait que certains parmi nous, très favorables à la PMA et à la GPA, comptaient déposer des amendements visant à introduire des dispositions relatives à l’une et à l’autre dans ce texte. Nos collègues, nous le savons, ont été priés de retirer leurs amendements, l’étude d’une éventuelle légalisation de la PMA, et peut-être la GPA, étant reportée à un futur texte sur la famille.
Au-delà de son habilité, c’est pour moi un procédé mensonger.
On ne doit pas tromper l’opinion publique ! Or, avec ce procédé, on s’attire l’accord d’un certain nombre de personnes qui concluent qu’après tout le texte n’est pas si dangereux et qui, n’étant pas homophobes, en viennent à l’accepter.
Moi non plus, je ne suis pas homophobe ! La majorité, et même la totalité des personnes présentes dans cet hémicycle ne sont pas homophobes ! Cependant, je n’accepte pas que l’on mobilise un argument spécieux pour que dans les sondages une majorité de Français apparaissent favorables au présent projet de loi.
Sur le terrain, je constate que les personnes qui, dans un premier temps, répondaient que l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe correspondait après tout à une évolution de la société, changent bien souvent d’avis lorsqu’on leur démontre très clairement que l’on va en arriver à la PMA et à la GPA. Des explications sont donc nécessaires.
Je le répète, ce projet de loi est un mensonge, et je ne le soutiendrai donc pas, mais il y a à cela une autre raison, à mes yeux fondamentale : le problème des origines.
Nous en sommes tous témoins, soit personnellement, dans notre famille ou parmi nos amis, soit à travers les fonctions que nous occupons, notamment en tant que responsables des affaires sociales départementales, un nombre considérable de personnes consacrent jusqu’à leur dernier souffle l’essentiel de leur vie à la recherche de leurs origines.
En adoptant ce texte, nous augmenterons inéluctablement le nombre des enfants qui, une fois devenus adultes, seront obnubilés par la recherche de leurs origines et qui, inéluctablement aussi, souffriront.
Lors des auditions menées par la commission, j’ai soulevé cette question devant Mme Roudinesco, psychanalyste bien connue. Celle-ci m’a répondu : « C’est vrai, monsieur le sénateur, que le nombre de personnes concernées augmentera. » Puis, après un petit flottement, elle a ajouté que parfois, pour obtenir des progrès dans l’évolution de la société, il était nécessaire de créer des situations pouvant être douloureuses pour certains.
Ce type de raisonnement me semble inacceptable. Nous n’avons pas le droit de brader ainsi le bonheur des enfants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) C’est la raison pour laquelle je réaffirme mon opposition à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. L’article 1er, sur lequel nous devrons nous prononcer dans quelques instants, est présenté comme un article tout simple, prenant acte de l’amour unissant deux êtres et visant à le consacrer devant la République.
Cet article n’évoque ni l’adoption ni les enfants. Sauf que l’adoption sera abordée quelques articles plus loin. De plus, la PMA et la GPA suivront inévitablement dès lors que nous aurons admis que le mariage, tel que nous le connaissons aujourd’hui, peut aussi bien unir deux personnes du même sexe.
Vous ne pourrez en effet pas empêcher qu’un couple marié de femmes ou d’hommes ayant eu recours à la GPA dans un pays qui reconnaît cette pratique revienne avec l’enfant. Certes, nous ne donnerons pas de papiers d’identité français à cet enfant, mais un jour ou l’autre il faudra bien régulariser sa situation ! Il serait intenable que des bébés, des enfants, de jeunes adultes et des adultes dans notre pays depuis leur tendre enfance et ayant de facto des parents français, ayant été à l’école ici, travaillant ici, ayant leur réseau de relations ici, ne puissent bénéficier de papiers d’identité français !
Inévitablement, nous serons donc amenés à reconnaître à la fois la PMA puis, au nom du principe d’égalité, la GPA. En effet, dès lors qu’un couple de femmes pourrait accéder à la PMA dans un autre pays et en revenir avec un enfant, pourquoi un couple de deux hommes ne pourrait-il pas demander de recourir à la GPA ? Voilà la faiblesse de ce texte !
Chers collègues de la majorité, nous voulons bien croire en votre bonne foi lorsque vous dites qu’il s’agit simplement de reconnaître officiellement l’amour que se portent deux êtres, indépendamment de leur sexe. Cet aspect ne nous pose pas problème, et les amendements en faveur d’une union civile vont d’ailleurs dans ce sens. Mais, au nom du principe d’égalité, qui est le seul argument invoqué pour justifier le projet de loi, quel que soit l’angle d’attaque, on en viendra à la GPA et à la PMA. On ira donc bien au-delà de ce qui a été annoncé à l’origine, à savoir la reconnaissance de l’amour que se portent deux adultes.
Voilà pourquoi je maintiens que l’on ne nous dit pas tout sur ce texte ! (Protestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. « On » ne vous dit pas tout ?... (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Yves Détraigne. Voilà pourquoi, au nom du principe de précaution – même si le terme n’est pas bien choisi –, nous nous opposons à l’instauration d’un mariage qui serait la copie conforme du mariage traditionnel, qui, lui, a bien pour vocation d’unir deux adultes dans la perspective de fonder une famille qui accueille des enfants.
Dès lors que c’est ce modèle qui est transposé à deux hommes ou à deux femmes, d’une manière ou d’une autre, la conséquence sera inévitable et, par conséquent, on nous trompe sur les dispositions qui nous sont aujourd'hui soumises.
Pour cette raison et pour d’autres, qui ont déjà été évoquées et qui le seront de nouveau au cours de nos discussions, nous ne pouvons pas adopter ce que le Gouvernement nous propose. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. David Assouline. C’est sans fin, cette affaire !
M. René-Paul Savary. Je souhaite simplement rappeler que le Conseil constitutionnel a été saisi en novembre 2010 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité,…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Vous l’avez déjà dit !
M. René-Paul Savary. … posée par deux citoyennes du département de la Marne, dont je suis l’élu.
Mme Cécile Cukierman. L’un des élus !
M. René-Paul Savary. Cette question portait sur le dernier alinéa de l’article 75 du code civil et sur son article 144. À cette occasion, la Cour de cassation a rappelé son arrêt du 13 mars 2007, en vertu duquel, « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ». Il s’agit là du principe de l’altérité !
Malgré les arguments selon lesquels l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire portent atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage, il a été précisé que le droit de mener une vie familiale normale n’était pas méconnu dans ce cadre, et qu’il y avait bien égalité devant la loi.
En conséquence, le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de personnes de même sexe de vivre en concubinage ou de bénéficier du cadre juridique du PACS, qui peut toujours évoluer.
Ainsi, selon le Conseil constitutionnel, l’interdiction de se marier pour les couples de personnes de même sexe ne porte pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale.
Madame la ministre, chers collègues de la majorité, les sages ont estimé que la distinction des sexes dans le mariage est conforme à la Constitution et au principe d’égalité. L’égalité ne peut donc pas être invoquée pour élargir le mariage aux personnes de même sexe.
A contrario, votre projet de loi ne permettra plus de protéger tous les enfants adoptables dans les mêmes termes : les enfants adoptés par des couples hétérosexuels bénéficieront d’une filiation symbolique, alors que les autres se verront un jour confrontés à la dure réalité, nécessairement révélée, car, jusqu’à présent, on ne naît pas de deux personnes du même sexe.
C’est à l’enfant que je pense. En prétendant établir une égalité entre adultes sur le plan du mariage, le présent projet de loi crée une nouvelle inégalité, encore plus compliquée, entre enfants de couples hétérosexuels et enfants de couples homosexuels.
Nous avons besoin d’une réforme cohérente, prenant, bien sûr, en considération le fait que l’amour peut porter un individu vers un autre, mais impliquant également la reconnaissance d’une égalité sociale et fiscale. L’union civile répondait véritablement à cette préoccupation, sans pour autant créer de filiation. Loin de poser ce type de problèmes, elle en réglait bien d’autres, qui plus est sans diviser les Français.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées l'UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Certainement l’explication décisive !
M. David Assouline. Espérons que ce soit le mot de la fin !
M. René Garrec. Pour ma part, je suis gêné par la conception de l’évolution des mots de M. le président de la commission des lois.
Sur la relation entre le mot et le fait, entre le mot et la réalité qui existe réellement, je prendrai le cas du mariage et du divorce. Je tenterai, par la même occasion, de détendre un peu l’atmosphère…
Dans la loi de 448 avant Jésus-Christ, Per aes et libram, figure la formule du divorce, ce qui prouve qu’il y avait bien mariage ! Cette formule est la suivante : Vade foras res tibi habetur,…
M. Bruno Sido. Voilà !
M. René Garrec. … ce que nous aurions sans doute traduit, à une époque où le français était très respecté, par : « Prends tes choses à toi et va-t-en ! » Cette formule aurait ensuite pu évoluer en devenant : « Sors d’ici avec tes affaires », pour donner enfin aujourd’hui, dans la bouche de l’homme de la rue : « Prends tes frusques et fous-moi le camp ! » (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Ce serait là la consécration du divorce. Toutefois, le fait est resté le même, et le mariage a existé en tant que tel. Voilà pourquoi l’évolution des mots ne change rien au fait et à la chose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 136 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 158 |
Contre | 180 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Bruno Sido. C’est une large victoire…
M. le président. Je suis saisi de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, ainsi libellé :
Alinéas 1 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai ensemble les amendements nos 9 rectifié bis et 10 rectifié bis, ce qui fera gagner un peu de temps à notre assemblée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
M. Patrice Gélard. Il s’agit de deux amendements de suppression de différents alinéas de l’article 1er. Comme la suppression totale nous a été refusée, nous tentons maintenant la suppression partielle…
L’amendement n° 9 rectifié bis a pour but de supprimer le I de l’article 1er. Nous demandons ainsi l’annulation des dispositions qui consacrent le mariage entre personnes du même sexe. En effet, nous sommes favorables à l’union civile, et donc opposés aux conséquences qui résultent de ces dispositions, c'est-à-dire, notamment, l’extension de la prohibition du mariage qui existait entre oncle et nièce et tante et neveu aux liens qui pourraient s’établir entre tante et nièce et entre oncle et neveu.
Nous sommes naturellement également contre la disposition de l’article 164 prévoyant que le Président de la République peut déroger à cette interdiction en cas de motif grave. Le seul motif grave existant jusqu’à présent étant la naissance d’un enfant, il ne nous semble pas qu’un tel fait puisse advenir dans le cadre d’un lien unissant la tante et la nièce ou l’oncle et le neveu !
Par l’amendement n° 10 rectifié bis, nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3, qui disposent essentiellement que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
En d’autres termes, nous maintenons notre position : nous sommes favorables à l’union civile et contre le mariage de personnes de même sexe.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
Les six amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Retailleau, de Raincourt, Savary, G. Larcher et Mayet.
L'amendement n° 134 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L'amendement n° 157 rectifié est présenté par MM. Bécot et G. Bailly, Mme Mélot et MM. Bordier, César, Houel, Cornu, P. Leroy et Pointereau.
L'amendement n° 188 est présenté par M. Gournac.
L'amendement n° 193 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L'amendement n° 240 est présenté par Mme Duchêne.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Art. 143. – Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, reposant sur leur engagement public, volontaire et solennel pris devant la société.
« La famille fondée sur le mariage est placée sous la protection particulière de la loi.
« Le mariage est une institution. Il inscrit le couple dans l’alliance et fonde la parenté, offrant à l’enfant une filiation indivisible, maternelle et paternelle.
« Cette nature particulière du mariage fonde l’existence de règles régissant impérativement ses conditions, ses effets et sa dissolution. » ;
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour défendre l’amendement n° 106 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Avant de présenter mon amendement, et après d’autres de mes collègues, je voudrais interpeler Mme la ministre pour la quatrième fois au sujet des propos tenus par Mme Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du Gouvernement, à propos de la PMA. Le Gouvernement ne nous a toujours pas répondu.
Madame la ministre, désavouez-vous les propos de Mme Najat Vallaud-Belkacem ou ces propos sont-ils exacts ?
Sur ce sujet, j’ai constaté deux attitudes différentes dans la majorité. J’apprécie celle du rapporteur, qui assume sa droite ligne en matière de PMA. En revanche, d’autres ont une attitude beaucoup plus flottante et, oserai-je dire, oblique. Or, nous préférons les droites aux obliques !
La PMA, chers collègues de la majorité, est consubstantielle à ce texte. Vous savez très bien, en effet, que la clé de voute de la Convention européenne des droits de l’homme est le principe de non-discrimination, si familier aux juristes avertis. Dès lors, une fois que le mariage aura été ouvert pour tous, et donc dans des situations juridiques identiques, vous ne pourrez pas traiter différemment les couples de personnes de même sexe ou de sexe différent au regard de PMA.
C’est le sens de l’arrêt Gas et Dubois de la CEDH, du 15 juin 2012, rendu à la requête d’un couple de femmes.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous devez vous exprimer sur ce point. Vous ne pouvez pas vouloir les causes et éviter en même temps les conséquences en matière de PMA.
En ce qui concerne l’amendement, il s’agit d’une définition du mariage tel qu’il existe aujourd’hui, non seulement ici mais dans pratiquement toutes les civilisations : l’union d’un homme et d’une femme.
C’est la définition la plus universelle. En effet, quelle que soit par ailleurs l’orientation sexuelle de nos parents, nous sommes tous les filles ou les fils d’un homme et d’une femme.
Le mariage n’est pas seulement un contrat mais une institution, et c’est pour cela que la société le reconnaît et qu’elle le distingue socialement, au sens de l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme, qui précise que les distinctions sociales sont fondées sur « l’utilité commune ».
L’utilité commune du mariage, jusqu’à présent, c’est la famille, la procréation, le renouvellement des générations.
Enfin, on ne parle pas du mariage comme institution sans parler d’une filiation reconnue par la loi qui doit avant tout protection aux plus vulnérables et donc aux enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour défendre l'amendement n° 134 rectifié.
M. Jean-Pierre Leleux. Quand un fleuve sort de son lit, il convient que chacun tente de l’y ramener ; comme les auteurs des autres amendements, c’est le mot « mariage » que je voudrais ramener dans sa signification profonde, en lui rendant son vrai sens historique.
Selon le Dictionnaire de la langue française, sa définition est la suivante : « Union d’un homme et d’une femme, consacrée par un ensemble d’actes civils ou parfois religieux et destinée à la fondation d’une famille. »
Sans vouloir concurrencer les éminents spécialistes du droit constitutionnel que sont Patrice Gélard et Jean-Jacques Hyest, j’estime, en me référant à cette définition, que mon amendement ramène dans le champ de la constitutionnalité un article qui s’en éloigne. L’article 2 de la Constitution dispose en effet : « La langue de la République est le français. » Avec l’appui du dictionnaire, il s’avère donc que l’article 1er du projet de loi, en violant la langue française, viole aussi la Constitution !
Voilà donc un argument supplémentaire pour mettre en cause cet article devant le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 157 rectifié.
M. Michel Bécot. Il s’agit donc de remplacer l’alinéa 3 de l’article 1er par quatre alinéas définissant le mariage.
Le mariage républicain est une institution dont le but est bien de donner un cadre juridique à la filiation. Il est également un contrat d’engagement conclu par une femme et un homme devant la société en vue de protéger la famille. La loi offre des droits aux époux et leur impose des devoirs.
Cette union d’un homme et d’une femme est à la source de la famille, reconnue comme la première cellule de la société. C’est une microsociété qui joue, en période de crise, un rôle d’amortisseur social.
Le mariage permet à l’enfant né de l’union d’un homme et d’une femme de disposer à la fois d’une filiation maternelle et d’une filiation paternelle, nécessaires à son épanouissement et à la construction de son identité. Il dépasse la relation formée par un homme et une femme pour s’inscrire dans la perspective de la famille.
Pour pouvoir se marier, il faut remplir les conditions qui permettent de fonder une famille. Aussi, le mariage est ouvert à tout homme et à toute femme à la condition de s’unir à une personne de sexe différent.
En revanche, le sentiment amoureux ne figure pas et n’a pas à figurer parmi les conditions du mariage.
En effet, le mariage n’est pas la reconnaissance de l’amour que se portent deux personnes. Il est le lien entre une relation horizontale, la conjugalité, c’est-à-dire l’alliance entre deux adultes qui deviennent époux et épouse, et une relation verticale, qui crée la filiation réelle ou symbolique dans le cas d’enfants adoptés.
Le mariage offre, grâce à la présomption de paternité, une double filiation à l’enfant, une filiation paternelle et une filiation maternelle, qui lui permet de se situer dans la chaîne des générations et d’exercer son droit de connaître ses origines.
C’est, me semble-t-il, important pour l’enfant. Il a besoin de cette généalogie de double lignée pour grandir, car cela le sécurise, et il en aura besoin tout au long de sa vie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)