M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Monsieur le président de la commission, je voudrais reprendre des propos que vous avez tenus hier soir et que j’approuve.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Bruno Sido. Ainsi, quand vous dites que « certains propos ne peuvent rester sans réponse » et que « nous sommes sensibles aux poids des mots », je suis tout à fait d'accord avec vous.
Quant à vous, madame la ministre, vous nous avez demandé si nous pensions vraiment que « toutes les adoptions par les couples hétérosexuels [étaient] motivées par la seule volonté de donner une famille à un enfant ». À cette interrogation, vous avez répondu que ce n'était « évidemment pas le cas ». L’heure était tardive et sans doute fallait-il nous réveiller en nous provoquant…
« Pensez-vous que l'adoption internationale ne soit pas déjà un marché ? », avez-vous cependant ajouté pour enfoncer le clou, ce à quoi j'ai immédiatement répondu – cela figure au compte rendu analytique de nos débats : « C'est scandaleux ! »
Cela mérite une explication, madame la ministre. Je considère en effet que ce que vous avez dit, sans doute un peu rapidement – et peut-être regrettez-vous aujourd'hui vos propos d’hier –, était une attaque en règle, gratuite et, je persiste, scandaleuse des dizaines de milliers de couples hétérosexuels qui ont entamé une démarche internationale d'adoption, laquelle n'a d'ailleurs pas toujours abouti.
En laissant entendre que ces dizaines de milliers de couples se sont tournés vers le « marché » de l’adoption, puisque vous prétendez qu'il existe, vous les insultez et vous injuriez les pays qui ont donné un enfant à ces familles adoptives. Ce n'est pas de bonne politique de jeter l'anathème sur ces couples hétérosexuels !
Enfin, je voudrais reprendre – la séance d’hier soir était décidément intéressante ! – les propos de notre rapporteur Jean-Pierre Michel. Pour lui, « la présomption de paternité doit […] être relativisée. Qu’on le veuille ou non, il y a des familles décomposées, recomposées, monoparentales, homosexuelles, hétérosexuelles, des familles qui élèvent des enfants issus d'une union antérieure. »
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison : c’est un constat.
Pour autant, est-il justifié qu'on légalise tous les modes de vie actuels ? En effet, il y a bien d'autres situations que vous n'avez pas décrites. Je n’en parlerai pas ici parce que je ne veux pas être polémique. Je considère néanmoins que c'est une politique de suivisme, que j’ai appelée hier soir « la politique du chien crevé au fil de l'eau ». (Murmures de désapprobation sur les travées du groupe socialiste.) Mes chers collègues, je ne sais pas si vous connaissiez cette expression, mais elle est très parlante ! Avec une telle politique, vous ne manifestez aucun esprit critique, alors que c’est le devoir de tout citoyen.
Puisque cet article 1er ne fait que prendre acte des pratiques d'une faible minorité et qu’il ne prend en compte ni l'intérêt général ni l'intérêt supérieur de la nation, étant à cet instant du débat bien entendu que le mariage entre personnes homosexuelles entraînera la PMA et la GPA, je voterai les amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme M. le rapporteur et moi-même avons été interpellés par nos deux collègues sur les déclarations que nous avons pu faire hier, je tiens à apporter certaines précisions.
Premièrement, monsieur Lenoir, vous avez bien voulu prêter attention à mes propos sur le sens des mots.
M. Jean-Claude Lenoir. Comme d’habitude !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous me faites beaucoup d’honneur !
M. Bruno Sido. C’est normal !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle premièrement que, comme je l’ai dit à M. Raffarin, prétendre que le dictionnaire de l'Académie française fixe dans le marbre le sens des mots n'a malheureusement pas de véracité : depuis 1694, nous en sommes à la neuvième édition et chaque nouvelle édition note l'évolution des mots.
M. Jean-Pierre Raffarin. Le mensonge reste le mensonge, la vérité reste la vérité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Antoine Lefèvre. Les yeux dans les yeux !
Mme Nathalie Goulet. Le sens de cette expression a changé…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est évident que, si ce projet de loi est adopté, le sens du mot « mariage » dans la République française sera modifié et ce n'est pas un drame ! Certains mots changent de sens, et c’est un effet auquel la loi peut aboutir, mais encore faut-il distinguer la loi et la perception du sens des mots par l'opinion publique.
Deuxièmement, et je serai extrêmement clair sur ce point, il n'est pas légitime, mes chers collègues, de reprocher à ceux, dont je fais partie, qui voteront ce texte des choses qui n'y figurent pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais que se passera-t-il après ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous votons sur les dispositions qui sont dans le texte.
Votre raisonnement consiste à dire que, si nous votons ce texte, nous en voterons forcément un autre par la suite.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh bien non ! Puisque MM. Lenoir et Sido m’ont interrogé, je réponds que, en effet, si un texte nous est présenté demain sur d’autres sujets, chacun d’entre nous et chacun de nos groupes politiques y réfléchiront !
En tout cas, je n'accepte pas que l'on vienne me dire ce que je voterai demain. Qu’en savez-vous ? De quel droit préjugez-vous de mes positions ?
Par ailleurs, je peux vous assurer, s’agissant de la PMA et de la GPA, que je ne suis pas disposé à voter des mesures sur ces sujets aujourd'hui.
M. Jean-Claude Lenoir. Soit, mais que dit le Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Lenoir, vous m'avez interrogé ; je vous réponds avec la plus grande clarté.
Troisièmement, à ceux qui objectent que la GPA est une pratique légale ailleurs, par exemple aux États-Unis, je réponds que Mme Taubira a bien fait de publier une circulaire pour que soit prise en compte la situation d’enfants issus d’une GPA, enfants qui existent et qui sont là !
M. André Reichardt. Il y en aura d’autres !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Reichardt, on ne peut pas refuser le droit à une patrie à ces enfants et en faire des apatrides !
Quoi qu’il soit, mes chers collègues, nous faisons ici la loi pour la République française et ce n’est pas parce que quelque chose se pratique dans un autre pays qu’il faut que nous nous alignions sur celui-ci.
M. Bruno Sido. Je suis bien d’accord !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Sinon, autant fermer le Parlement français…
M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et déclarer qu’il suffit qu’une disposition soit adoptée quelque part dans le monde pour qu’elle s’impose à nous. Je ne suis pas d’accord !
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je regarde ce qui se passe à l’étranger, car, comme mon groupe, je suis ouvert à la réalité ; après beaucoup de réflexions et après m’être, comme d’autres, expliqué, je vote ce texte, mais je ne permets à personne de dire que, puisque je le vote, je vais en voter un autre qui n’existe pas. Cela me paraît une démarche intellectuellement peu défendable.
Les choses sont donc extrêmement claires.
M. Jean-Claude Lenoir. Ce n’est pas ce que dit le rapporteur !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun peut s’exprimer, monsieur Lenoir ! Vous m’avez interrogé et je pense, je l’ai dit, vous avoir répondu avec beaucoup de clarté.
M. Jean-Claude Lenoir. Et le Gouvernement ?...
4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Turquie
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer une délégation de la Grande Assemblée nationale de Turquie, qui nous visite dans le cadre d’un programme d’échange avec l’Union européenne. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la ministre se lèvent.)
Représentants de toutes les formations, les membres de cette délégation appartiennent à la commission de réflexion sur la révision de la Constitution.
Ils sont accompagnés par notre collègue Gérard Larcher.
Qu’ils reçoivent l’hommage du Sénat, assemblée pondérée, traditionnellement active dans la construction européenne, et soucieuse de la permanence des relations de la France avec ses amis. (Vifs applaudissements.)
5
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Nous poursuivons les explications de vote sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 170 rectifié ter.
Article 1er (suite)
Dans la suite des explications de vote, la parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. D’abord, je partage l’avis du président de la commission des lois sur la circulaire Taubira, car il serait en effet affligeant de laisser des enfants dans un état de non-droit et de créer des apatrides.
Ensuite, je considère que chacun peur faire ce qu’il veut de sa vie privée. On peut être homosexuel, pourquoi pas, être polygame, pourquoi pas, faire n’importe quoi, pourquoi pas ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) On peut même être sénateur…
Il n’en va pas de même dans la vie publique.
Ce que l’on nous propose, ce n’est pas le mariage pour tous – l’intitulé du projet de loi ne convient vraiment pas –, c’est le mariage homosexuel.
Je pense qu’il n’appartient pas à l’État de favoriser des situations qui ne correspondent pas à l’intérêt de la nation. Il est à proprement parler scandaleux, alors que la France se trouve dans une situation dramatique, notamment sur le plan économique, de faire diversion en faisant n’importe quoi simplement pour permettre à des gens de se livrer à des activités auxquelles ils peuvent se livrer sans être mariés ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Je ne vois pas pourquoi l’on dénaturerait l’institution du mariage pour que des gens qui ont leurs pratiques propres, que je n’approuve pas, mais chacun peut faire ce qu’il veut, puissent fonctionner, en quelque sorte, dans un cadre institutionnel.
Je considère que cette loi pour le mariage homosexuel est tout à fait mal venue, et cela d’autant plus que nos concitoyens sont confrontés au chômage et à des difficultés économiques. Ce n’est pas le moment de leur dire que le mariage homosexuel va régler tous leurs problèmes !
M. David Assouline. Il n’y a que vous pour dire ça !
M. Jean Louis Masson. Dans cette affaire, je crois que la question de la responsabilité est posée. Comme je suis non inscrit, je suis assez peu lié aux prises de position des groupes politiques auxquels appartiennent les uns et les autres, mais je crois que chaque parti politique, en la circonstance, a une responsabilité. Au sein du Sénat, la majorité étant très serrée, je souhaite pour ma part que non seulement tous les amendements qui vont à l’encontre du projet de loi soient adoptés, mais aussi et surtout que le projet de loi lui-même soit rejeté. J’appelle tous mes collègues à être attentifs à leurs responsabilités et je souhaiterais que les partis politiques votent en bloc pour ou contre, mais que chacun s’assume !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Jean Louis Masson ignore la Constitution…
M. Jean Louis Masson. Il serait désastreux que ce projet de loi soit adopté parce qu’une dizaine de parlementaires voteraient dans un sens contraire à la position prise par leur parti. C’est un point fondamental.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout mandat impératif est nul ! Il faut lire la Constitution…
M. Jean Louis Masson. Moi, ce que je souhaite, c’est que ce projet de loi soit rejeté et je voterai donc contre !
Mme Cécile Cukierman. Pas nous !
M. Jean Louis Masson. Je tiens à dire que ce n’est pas du tout pour bloquer la vie privée des gens, et je le dis d’autant plus aisément que, je le répète, je trouve la circulaire Taubira pertinente. À la limite, si certains veulent se livrer à la PMA ou à la GPA, pourquoi pas, mais ce n’est pas à la loi de favoriser les dérives !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Avec cet article 1er, nous sommes au cœur du projet de transformation majeure de la société souhaité par le Gouvernement et la majorité.
Nous avons voulu, en toute bonne foi et avec une conviction profonde, en tenant compte des évolutions de la société, rassembler autour d’un projet d’union civile répondant à l’aspiration d’une large partie de nos concitoyens.
Mais la majorité refuse de nous écouter. Pour des raisons essentiellement politiques, elle a rejeté cette proposition pourtant beaucoup plus consensuelle que le projet de loi.
Avec ce texte, et notamment son article 1er, disposition emblématique de cette réforme, le Gouvernement et la majorité ont fait un choix de société que nous ne partageons pas.
Une fois encore, nous voudrions en dénoncer les conséquences. Voici pourquoi nous luttons contre cet article 1er : aujourd'hui, le mariage et l'adoption qui en découlera – encore que le titre du projet de loi n’y fasse pas référence – ; demain, la procréation médicalement assistée et la question, toujours pendante, des mères porteuses.
Sur la PMA, on nous dit : « Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n'est pas le débat du présent texte ; il y aura un autre texte, plus tard, mais c’est un autre sujet. »
Hélas, non ! C’est le même sujet, monsieur Sueur !
Il suffit pour s'en convaincre de lire, par exemple, le rapport pour avis de la commission des affaires sociales : « Votre rapporteure est favorable à l'extension de l'AMP aux couples de femmes », cela notamment « au nom de l'égalité des projets parentaux entre couples hétérosexuels et couples homosexuels ».
Pourquoi une telle affirmation serait-elle nécessaire à propos du présent projet de loi si les deux questions n'étaient pas liées ?
Et qu’en est-il de la gestation pour autrui ? Selon la même source, « face aux risques que représente l'instrumentalisation du corps de la mère porteuse et de sa possible marchandisation, votre rapporteure était initialement opposée à la légalisation de la GPA ». Toutefois, « sa position n'est pas fermée à ce jour ».
Comment peut-on être aussi évasif, et même contradictoire, sur un sujet tellement sensible, tellement important et tellement central dans notre société ?
Mes chers collègues, notre position, elle, est claire.
L’interdiction de la GPA, dans notre code civil, repose sur deux principes juridiques que nous continuerons à défendre avec force : d’abord, l'indisponibilité de l'état des personnes, c'est-à-dire l'impossibilité pour un être humain de disposer de sa qualité d'homme, de femme ou d'enfant ; ensuite, l'indisponibilité du corps humain, qui rend illicite toute convention sur le corps humain.
Dès lors, la très grande majorité du groupe UDI-UC soutiendra les amendements de suppression l'article 1er de ce projet de loi déposés par notre groupe et par nos collègues du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite donner quelques explications puisque M. de Montesquiou vient de me citer en tant que rapporteur pour avis.
De surcroît, j’ai pu, tout comme le président de la commission des lois et son rapporteur, entendre, lors de nombreuses auditions, des positions diverses et précises sur la question de procréation médicale assistée et il me paraît important de dire où j’en suis moi-même sur cette question, étant bien précisé qu’elle n’entre pas du tout dans le périmètre du présent projet de loi,…
MM. Francis Delattre et Jean-Claude Lenoir. Cela viendra après !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. … qui ne porte que sur le code civil.
Lorsqu’il s’agit de procréation médicale assistée, c’est le code de la santé qui est concerné ainsi que les lois de bioéthique, qui ont déjà été débattues ici. Je n’y étais pas, mais j’ai lu les comptes rendus, tout à fait intéressants.
Lors des auditions, j’ai pu constater qu’il y avait une majorité de positions favorables à l’encadrement de la procréation médicalement assistée. Je n’ai donc pas du tout le sentiment d’avoir été hors sujet en vous donnant ces positions qui sont certes personnelles, mais qui ne pouvaient être passées sous silence.
Il n’en reste pas moins que ce sujet ne fait pas partie du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, même si, à en juger par ce que l’on entend dans cet hémicycle, c’est pour vous une obsession qui vous conduit à en parler sans cesse.
M. Jean-Claude Lenoir. Quelle hypocrisie !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Pas du tout !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.
M. Antoine Lefèvre. L’article 1er ouvre la possibilité aux personnes de même sexe de contracter mariage et par là même, que vous le vouliez ou non – ou plutôt que nombre de mes collègues et moi-même le voulions ou non –, il donnera automatiquement le droit d'adopter aux personnes de même sexe.
Or, la proposition d'union civile, que vous avez rejetée hier, répondait aux attentes exprimées par beaucoup. Outre qu'en effet une certaine solennité manque à la signature du PACS, le lieu actuel, à savoir le tribunal où se règlent les conflits, ne me paraît pas être le plus approprié pour deux personnes de même sexe désirant manifester leur amour réciproque.
Cette union civile aurait donc permis aux couples de même sexe d'accéder à de nouveaux droits, mais sans la filiation, à l'inverse de ce qu’entraîne l’article 1er.
S'il faut être particulièrement attentif à la demande de reconnaissance sociale et de sécurité juridique de la part des couples homosexuels, la réponse ne peut cependant passer par un accès au mariage. En aucun cas, celui-ci ne peut être un simple certificat de reconnaissance d'un sentiment amoureux, car le mariage emporte présomption de paternité et filiation. La spécificité du mariage, c'est d’être une institution tournée vers les enfants du couple.
Ne nous trompons pas et plaçons l'enfant, au travers de ses droits, au cœur de nos discussions, qui engageront définitivement notre société. L'enfant, pour se construire, a besoin d'une généalogie claire et cohérente pour se positionner en tant qu'individu.
Or, sur le plan de la procréation, les couples hétérosexuels et homosexuels ne se trouvent pas, à l'évidence, dans des situations comparables. C'est un état de fait que nul ne peut contester. Il est donc illusoire de réclamer le mariage pour tous, car il ne peut assurément pas produire les mêmes effets.
De même, il est dangereux de laisser croire que la famille est une création d'ordre social et non d'ordre biologique. Ne remettons pas en cause un des fondements de notre société.
À ce propos, je veux partager avec vous le témoignage d'un de nos concitoyens.
Pascal habite dans l'Aisne et travaille à Paris. Il est homosexuel et vit en couple avec un homme depuis sept ans. Pascal est opposé au mariage gay, qui aura de lourdes conséquences à long terme. Pour lui, cette demande est portée par des groupes militants qui ne représentent nullement tous les homosexuels. Personne n'a voté pour eux : ils se sont autoproclamés représentants de la « communauté gay ». Le mariage, selon lui, est une institution stable qui donne un cadre à la famille et à la succession des générations par la nécessaire stabilité de la société.
Attachons-nous aux priorités, à savoir, d'abord, les enfants.
De quel droit la loi peut-elle – surtout quand ceux qui la votent ont eu un père et une mère… – priver un enfant à venir de père ou de mère ? La vie, dans sa dure réalité, crée bien assez de situations dramatiques d'enfants orphelins.
Comment un couple homosexuel pourra-t-il accueillir un enfant ? Par l'adoption ? Qui peut le croire alors qu’il y a déjà 20 000 demandes d'adoption en attente ?
On arrive donc inévitablement, et sans être obsessionnel, ne serait-ce qu’au nom de « l’égalité », à la PMA – Vous l’avez vous-même avoué hier soir, monsieur le rapporteur, et la porte-parole du Gouvernement, Mme Vallaud-Belkacem, a déclaré elle aussi qu’elle serait légalisée – et donc, bien sûr, à la GPA.
Vous sentez-vous le droit de prendre la responsabilité d’engager la société française dans cette direction, sous prétexte que ce n’est pas vous qui en subirez les conséquences ?
Enfin, il nous faut lutter contre les idéologies comme systèmes de pensée qui s’imposent de force à la réalité, voire en dépit de la réalité. Je pense, par exemple, à l’idéologie de l’identité du genre, qui tente d’imposer de force l’abolition des différences entre les hommes et les femmes au profit d’un très théorique choix subjectif du sexe auquel on désire appartenir, quitte à nier toute spécificité de l’homme et de la femme, et qui remet même en cause la terminologie « femme » et « homme ».
Surtout, autorisez le débat : affirmer qu’un couple hétérosexuel est différent d’un couple homosexuel n’est pas de l’homophobie ; les homosexuels se sont suffisamment battus pour le droit à la différence !
Certes, l’annonce d’autres projets de loi sur la famille traitant de la PMA et de la GPA amplifie la gravité de la situation. Elle nourrit les inquiétudes sur des questions sur lesquelles le Gouvernement semble hésiter. C’est bien la preuve de leur gravité.
Le président de la commission des lois indiquait à l’instant que cela se produit à l’étranger. Eh bien, non ! J’en veux pour preuve les réactions aux propositions que devait faire demain une clinique américaine dite « de la fertilité » dans un grand hôtel parisien à de potentiels clients, à savoir « dons d’ovocytes, gestation pour autrui, test génétique de dépistage sur embryon », propositions assorties le lendemain de consultations individuelles, toutes ces pratiques étant pourtant interdites dans notre droit français.
Le mariage de couples de personnes de même sexe engendrera des transformations sociétales très profondes et ouvrira la porte à une conception renouvelée de la femme et de l’homme.
Les amendements de suppression de MM. Gélard et Zocchetto ont le mérite de la clarté. C'est pourquoi je les voterai avec conviction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Vial. Je ne reprendrai pas les nombreuses explications auxquelles j’adhère complètement, comme celle de Jean-Jacques Hyest faisant hier acte de foi en la famille ou celle de Philippe Bas présentant les différents cas sur le plan juridique. Je veux en arriver à la fin de la soirée, lorsque M le président de la commission des lois et M. le rapporteur exprimaient le souhait que le débat puisse se poursuivre dans la sérénité – avec raison, car c’est un débat sérieux.
Monsieur Sueur, vous avez évoqué la transparence et l’absence d’hypocrisie qui devraient prévaloir, et je dois vous dire que votre sincérité m’a presque amené à adhérer à vos propos. J’ai été quelque peu ébranlé lorsque vous avez souligné, en qualité de grammairien, que les termes évoluaient, comme en témoignaient les éditions successives des dictionnaires.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est la vérité !
Un sénateur du groupe UMP. Pas tous !
M. Jean-Pierre Vial. M. le rapporteur a renchéri en disant en substance que nous nous ferions au mariage pour tous comme nous nous étions faits au PACS, sous-entendant que les choses évolueraient…
Justement, quelle est la question, madame la ministre ? Je le dis très solennellement, notre pays traverse une crise sérieuse, dont un élément essentiel est une crise de confiance dans la classe politique.
Comment pouvons-nous, sur un thème aussi sérieux, accepter de n’aborder qu’un seul sujet alors que l’on nous indique que d’autres vont suivre ? À cet égard, je citerai vos propos, madame Bertinotti, devant la commission : « Je prends cette interpellation comme le signe du très vif intérêt que les parlementaires portent à l’évolution des familles dans la société française. » Effectivement, la famille évolue. Alors, pourquoi nous demande-t-on d’attendre pour les évolutions à venir ?
Le Président de la République, devant le congrès des maires, a évoqué dans un premier temps une clause de conscience permettant de déléguer la célébration du mariage. Ce qui m’a le plus étonné, outre le fait qu’il propose au premier magistrat des communes de faire défaut sur l’application de la loi, c’est qu’il considère l’existence d’un cas de conscience. Il y a donc bien dans cette loi quelque chose de profond.
D’ailleurs, dans les semaines qui ont suivi, l’introduction de la PMA a été évoquée à l’Élysée comme au Gouvernement. Voyant que le sujet était sensible, la question a été différée et renvoyée à une éventuelle initiative parlementaire. Comme par hasard, c’est au Parlement que l’on impose ou demande, selon le moment, certaines mesures !
Vous avez tenu à répondre longuement à notre collègue Jean-Claude Lenoir, monsieur le président Sueur, et je vous en remercie.
M. Jean-Claude Lenoir. Moi aussi !
M. Jean-Pierre Vial. Pour ma part, ce n’est ni à vous ni au rapporteur, malgré tout le respect que je vous porte, que je pose la question, mais au Gouvernement.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! Le Gouvernement doit répondre !
M. Jean-Pierre Vial. Plus exactement, je retransmets au Gouvernement la question que Mme Benbassa lui a adressée en commission : « Madame la ministre chargée de la famille, pourriez-vous nous dire quand le Gouvernement compte mettre en place la concertation sur la famille et élaborer la loi qui en découlera ? […] Quand pourrons-nous discuter de la PMA et de la GPA ? »
Vous voyez bien que ces deux textes, en réalité, n’en font qu’un. C’est parce que l’on touche, au fond, à la théorie du genre que le sujet dérange et que l’on refuse d’en parler. Voilà la vérité, voilà où l’on ment à la nation ! C’est pourquoi vous devez répondre, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je voterai en faveur de ces amendements de suppression pour les multiples raisons qui ont déjà été exprimées.
Je voudrais revenir sur les propos tenus par M. le président de la commission des lois concernant l’aspect sémantique du débat.
Mme Esther Benbassa. Encore !
M. Jean-Pierre Leleux. Certes, les mots changent, nous en convenons tous, mais, si l’on examine l’histoire de la langue, on constate qu’ils évoluent au fil des usages. Il n’appartient pas au Parlement de transformer le sens des mots. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Le Parlement est un acteur de la société !