M. Patrice Gélard. Premièrement, ceux qui pourront faire l’objet d’une adoption plénière : ces cas sont peu fréquents, mais on en comptera tout de même quelques-uns. Deuxièmement, ceux qui ne pourront faire l’objet que d’une adoption simple. Troisièmement, ceux qui ne pourront faire l’objet d’aucune adoption, parce qu’ils auront deux géniteurs.
Ce constat me conduit à l’inconstitutionnalité majeure que présente l’ensemble de ce texte.
M. Jacky Le Menn. Ah ?
M. Patrice Gélard. Je le répète, le principe d’égalité est rompu pour ce qui concerne l’adoption, avec toute une série de conséquences juridiques que mon propos vous a permis d’entrevoir.
De plus – le doyen Capitant l’aurait affirmé avec encore plus de force que moi –, la loi régissant le mariage n’est pas une loi parmi d’autres. Elle fait partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Par conséquent, elle a valeur constitutionnelle.
Certes, on peut remettre en cause le mariage, mais uniquement en vertu de la Constitution. C’est ce qui s’est passé en Espagne. Il y a environ deux mois, la Cour constitutionnelle espagnole a rendu un arrêt sur la constitutionnalité du mariage homosexuel.
M. Patrice Gélard. Elle a jugé que le mariage pouvait être modifié, étant donné que la Constitution avait prévu cette éventualité, par son article 32.
Toutefois, ce n’est pas le cas chez nous. En France, il s’agit d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Depuis deux siècles, on n’a pas touché à la définition du mariage que j’ai citée il y a quelques instants, à savoir l’union d’un homme et d’une femme en vue de créer une famille. La pérennité et la constance de cette institution lui confèrent dès lors une valeur constitutionnelle.
Cette question relève de ce que le doyen Duguit appelait la constitution sociale de la France, à laquelle on ne peut pas porter atteinte, sauf à modifier véritablement le contrat social qui nous unit tous et dont relève le mariage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Bravo !
M. Patrice Gélard. J’irai même plus loin : l’article 34 de la Constitution indique-t-il que le législateur a le droit de toucher au mariage ? Pas du tout ! Cet article implique que le législateur fixe les règles relatives non au mariage mais aux régimes matrimoniaux, et seulement à ces derniers. Cela signifie-t-il que le Gouvernement, doté du pouvoir réglementaire, est habilité à y toucher ? Bien sûr que non !
Par conséquent, ce domaine relève bel et bien du droit constitutionnel. Le jour où le constituant affirmera que le législateur peut toucher au mariage, nous corrigerons l’adage anglais selon lequel le Parlement peut tout faire, sauf changer un homme en femme. Nous pourrons dire : le Parlement peut tout faire, y compris changer un homme en femme ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Enfin, je veux insister sur quelques lacunes que présente le texte.
Lors du débat relatif au PACS – Jean-Pierre Michel était rapporteur du texte de loi à l’Assemblée nationale alors que je l’étais au Sénat –, nous avions soulevé, auprès de Mme le garde des sceaux de l’époque, un problème qui n’est pas encore résolu d’une manière totalement satisfaisante. Il s’agit des droits des beaux-parents, des ascendants et de tous ceux qui ont participé à l’éducation, à l’encadrement et à la formation des enfants.
Là encore, c’est l’intérêt général de l’enfant que nous visons, et rien d’autre. Las, nous n’avons toujours pas adopté de texte en la matière. Je sais que notre rapporteur a déposé un amendement sur cette question, mais cela ne suffit pas. Il faut aller plus loin et faire en sorte que ceux qui se sont véritablement consacrés au développement d’un enfant puissent avoir des droits que la législation actuelle ne reconnaît pas.
Voilà un des éléments sur lesquels il me semblait nécessaire d’appeler l’attention.
Je voudrais évoquer également une autre idée. Durant la présidence de François Mitterrand, une institution qui datait de la Révolution française a été remise au goût du jour : le parrainage civil, qui contient des dispositions intéressantes. Le parrain ou la marraine s’engagent à suppléer les parents s’ils venaient à défaillir.
M. Henri de Raincourt. Exact !
M. Patrice Gélard. Nous pourrions utiliser un peu plus ce parrainage civil afin de répondre à ce besoin de lien avec l’enfant qu’ont les conjoints dans un couple homosexuel ou, éventuellement, dans un couple hétérosexuel.
M. David Assouline. Quel est le rapport avec le texte ?
M. François Rebsamen. J’ai perdu le fil…
M. Patrice Gélard. Voilà quelques pistes sur lesquelles nous devons nous engager.
Ainsi, il apparaît que, dans ce texte, tout ce qui concerne l’adoption ou la délégation de l’autorité parentale n’est pas au point et doit être revu. En outre, le statut des parrains et des marraines dans le parrainage civil doit être repensé.
M. David Assouline. Mais vous n’en célébrez jamais !
M. Patrice Gélard. Ce sont là des pistes à explorer.
En conclusion, notre point de vue est simple : nous sommes favorables à l’union civile ainsi qu’à une simplification de l’adoption simple, mais nous refusons de faciliter l’adoption plénière, qui ne peut être appliquée en l’espèce. En conséquence, nous proposerons des amendements concernant ces deux points. S’ils venaient à être rejetés,…
M. David Assouline. Vous voterez contre ?
M. Patrice Gélard. … nous serons contraints de voter contre l’ensemble du texte.
M. David Assouline. Quelle surprise !
M. Patrice Gélard. Mais, avant d’en arriver là, nous allons défendre trois motions de procédure.
Nous avons déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, parce que nous sommes convaincus que ce texte contient beaucoup de motifs d’inconstitutionnalité.
Nous soutiendrons également une motion tendant au renvoi à la commission. En effet, comme nous l’avons démontré, un certain nombre de points de ce texte sont encore obscurs. Sans entrer dans le détail, on pourrait par exemple évoquer la question de l’état civil, qui risque d’infliger à la plupart des maires de violentes migraines. Le dépôt de cette motion est pleinement justifié, car ce texte est incomplet.
M. Bruno Sido. Il est bâclé !
M. Patrice Gélard. Enfin, nous présenterons une motion tendant à opposer la question préalable. Nous estimons en effet que la concertation nécessaire n’a pas eu lieu et qu’il est toujours temps de la reprendre ! (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs membres de l’UDI-UC applaudissent également.)
M. Jean-Michel Baylet. Vive la COCOE !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, c’est avec beaucoup de fierté et d’honneur que je prends la parole aujourd’hui dans cet hémicycle pour apporter mon soutien à un projet de loi de grande portée, qui permet de franchir une nouvelle étape vers l’égalité des citoyens en France.
M. Jacky Le Menn. Bravo !
Mme Nicole Bonnefoy. Ce texte est l’aboutissement d’un long processus de lutte contre les discriminations qui marquera l’histoire du droit de la famille. (M. Jacky Le Menn acquiesce.) Il constitue, à ce titre, une avancée sociale majeure pour notre pays, similaire à celle que nous avons connue avec le PACS ou l’IVG.
Avant d’aborder le fond du texte, je souhaite remercier l’ensemble des sénateurs qui ont participé ces derniers mois à la préparation de son examen au Sénat. Je tiens à saluer plus particulièrement le rapporteur, Jean-Pierre Michel, pour la qualité et le sérieux de son travail. (M. François Rebsamen approuve.)
Nous pouvons nous féliciter du climat serein dans lequel nos travaux se sont déroulés jusqu’à maintenant, dans le respect des opinions de chacun…
Mme Sophie Primas. C’est vrai !
Mme Nicole Bonnefoy. … et le souci de la pluralité, comme le démontre la diversité des personnes entendues durant la cinquantaine d’auditions que nous avons menées. Nous avons su éviter certains débordements et les propos regrettables entendus à l’Assemblée nationale, qui sont parfois repris lors de diverses manifestations.
À ce sujet, je ne peux passer sous silence les menaces et les insultes dont certains de nos collègues sont victimes, au prétexte qu’ils soutiendraient ce texte. Au nom du groupe socialiste, je veux dénoncer ici ces méthodes d’intimidation inacceptables (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) et assurer nos collègues de notre indignation en saluant leur courage, au nom de la liberté d’expression et du respect des opinions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Bravo !
M. François Rebsamen. Très bien !
Mme Nicole Bonnefoy. J’espère que l’attitude des sénateurs restera responsable tout au long de nos débats. Je crois en effet qu’il est tout à l’honneur du Sénat de se montrer digne de l’enjeu de ce débat, au moins par respect pour les milliers de Français concernés.
Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe poursuit un but simple mais fondamental : reconnaître des droits essentiels à des milliers de Français, qui, du fait de leur orientation sexuelle, s’en voient encore aujourd’hui privés.
Cette volonté, exprimée par le Président de la République dès le début de sa campagne en janvier 2011, n’est pas le fruit du hasard. Elle n’est pas apparue soudainement, elle ne résulte pas d’un engagement irréfléchi ou électoraliste, comme certains voudraient le laisser penser. Non ! Elle s’inscrit dans la continuité et vient prolonger une évolution naturelle de l’institution du mariage vers l’égalité entre les couples. Car si cette institution semble traverser le temps, son visage s’est transformé !
En effet, le mariage fait l’objet de réformes en France depuis des décennies. Depuis la deuxième moitié du XXe siècle en particulier, le législateur s’est toujours attaché à faire évoluer le mariage en phase avec son temps et conformément aux attentes de la société. Le législateur a ainsi reconnu toujours davantage de droits et de libertés individuelles, dans un souci constant d’égalité entre les citoyens. Je pense que nous pouvons en être fiers !
Pourtant, force est de constater que toutes les grandes évolutions sociétales, particulièrement en ce qui concerne le droit de la famille, se sont heurtées à des oppositions. Du PACS à l’IVG, en passant par le droit des femmes et celui des enfants, les grands progrès en termes de liberté et d’égalité sociale ne sont jamais advenus sans une certaine douleur. Nous n’y échappons pas aujourd’hui ! En leurs temps, ces réformes ont été très fortement décriées. Elles ont pourtant pris toute leur place dans notre société et peu nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, se risqueraient à vouloir les remettre en cause.
Nous le savons, le temps est souvent l’allié des grandes réformes de société. C’est pourquoi, à titre personnel, je ne suis pas inquiète face aux réticences et aux craintes exprimées aujourd’hui par certains. Dans quelques années, le mariage homosexuel sera une évidence et personne, j’en suis intimement convaincue, ne reviendra sur cette avancée sociale.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est évident !
Mme Nicole Bonnefoy. J’en veux pour preuve l’exemple du PACS. Il a fallu près de dix ans pour le faire voter. Critiqué, honni même, lors de son examen au Parlement, il n’a pourtant, depuis son adoption, jamais été remis en cause. Certains de ses détracteurs d’antan en sont même aujourd’hui devenus des soutiens inconditionnels au point de demander la création d’un PACS bis ou d’un mariage bis, avec l’union civile.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
Mme Nicole Bonnefoy. Je me suis replongée dans les débats parlementaires qui avaient accompagné l’adoption du PACS. J’y ai retrouvé les mêmes arguments, les mêmes craintes, le même conservatisme d’une partie de la société, identiques à ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.
M. François Rebsamen. Exactement !
Mme Nicole Bonnefoy. Nous entendions alors que le PACS constituerait une atteinte aux droits de l’enfant, qu’il fragiliserait la famille et l’institution du mariage. Certains sont même allés jusqu’à dire que le PACS bouleverserait les fondements de notre droit et de notre société, sous les applaudissements de leurs collègues d’alors.
M. Ronan Kerdraon. Comme tout à l'heure !
Mme Nicole Bonnefoy. Dix ans après, que reste-t-il de ces craintes ? Rien ! Il est désormais établi et reconnu par tous que le PACS est un réel succès.
Dans ces débats, j’ai retrouvé des arguments refusant au Parlement toute légitimité à conduire une telle réforme. Le Gouvernement aurait privé le peuple d’un débat en lui retirant son pouvoir d’expression. Nous nous serions alors trouvés devant un déni de démocratie intolérable… Nous entendons encore aujourd’hui de tels propos.
M. François Rebsamen. On vient tout juste de les entendre !
Mme Nicole Bonnefoy. Pourtant, les Français ont donné mandat à François Hollande de présider notre pays durant les cinq années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Troendle. Et ils le regrettent !
Mme Nicole Bonnefoy. Ils ont donc majoritairement donné leur accord pour que son programme soit appliqué. Le mariage pour les couples de même sexe figurait bien dans ce programme, ce projet n’a donc jamais été un secret !
À ceux qui demandent l’organisation d’un référendum, ce qui est impossible au regard de l’article 11 de la Constitution, je réponds que le référendum a déjà eu lieu, le 6 mai dernier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ce texte ne souffre donc d’aucune illégitimité. Le Gouvernement n’a nullement privé la société d’un débat !
Je tiens à rappeler également que ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres dès le 7 novembre dernier, soit il y a près de cinq mois. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les rapporteurs ont mené des dizaines d’heures d’auditions, donnant la parole à des représentants de la société civile de toutes sensibilités. Il est donc parfaitement infondé de prétendre que le Gouvernement aurait agi en catimini ou dans la précipitation.
J’en viens maintenant au fond de cette réforme. Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est avant tout un texte d’égalité et de progrès social qui vient apporter une réponse juridique à une réalité sociale établie. Depuis une cinquantaine d’années, le visage de la famille française a profondément changé. Aujourd’hui, des milliers d’hommes et de femmes vivent en couple, payent des impôts,…
M. Pierre Charon. De plus en plus !
Mme Nicole Bonnefoy. … élèvent des enfants, sont parfaitement intégrés dans notre société, sans pour autant être mariés, pacsés, hétérosexuels ou fervents pratiquants d’un culte.
Cette réalité est incontestable. Pourtant, nous avons le sentiment que certains refusent de la voir, voire en viennent à la nier. La famille d’aujourd’hui, ce n’est pas une maman, un papa, un mariage et deux enfants. (Si ! sur les travées de l’UMP.) Cette conception idéalisée du couple est totalement dépassée et ne correspond en rien à ce qu’est actuellement la réalité sociologique des familles. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Est-il nécessaire de rappeler que le nombre de familles monoparentales et recomposées ne cesse d’augmenter ? Que le nombre de divorces a explosé ? (Et alors ? sur les travées de l'UMP.) Que le nombre de PACS est en hausse constante depuis dix ans et représente aujourd’hui près d’une union sur deux ? Que plus de la moitié des enfants naissent en dehors du mariage ? Il n’y a pas de famille standard, ne vous en déplaise, qui viendrait à elle seule incarner ce que devrait être notre société !
Aussi, je comprends que beaucoup de familles se soient senties blessées et offensées par les propos tenus ces derniers mois sur ce que devrait être la famille. La société a changé et changera encore. Elle est en perpétuelle évolution, c’est dans sa nature. La famille n’est pas une institution figée et ne peut être régie par une loi immuable.
M. Alain Chatillon. Si !
Mme Nicole Bonnefoy. Non ! Nous devons vivre avec notre temps, accompagner les mutations sociales et sociétales en respectant toujours les principes fondamentaux qui constituent notre pacte républicain : la liberté, l’égalité, la laïcité, le respect de la dignité des personnes.
Mme Catherine Tasca. Bravo !
Mme Nicole Bonnefoy. C’est cette impérieuse nécessité qui amène le Gouvernement à proposer aujourd’hui à la représentation nationale l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. Ces couples aspirent depuis de nombreuses années à pouvoir se marier. Leur reconnaître aujourd’hui cette possibilité, tant sur le plan institutionnel que juridique, est une étape supplémentaire vers l’acceptation sociale de l’homosexualité et constitue, par là même, une avancée majeure dans la lutte contre les discriminations.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
Mme Nicole Bonnefoy. En effet, si le regard de la société a commencé à changer sur l’homosexualité, le chemin à parcourir reste malheureusement encore long. Le temps où l’homosexualité était considérée comme une maladie, une pathologie psychiatrique ou une déviance n’est pas si éloigné. Gardons toujours cela à l’esprit !
II est de notre devoir, en tant que législateurs et représentants du peuple, d’offrir à tous les Français non seulement les mêmes droits, mais aussi les mêmes devoirs, quelle que soit leur orientation sexuelle, dans le respect des principes fondamentaux qui régissent notre société. Regardons nos voisins européens : sept d’entre eux ont déjà franchi le pas en accordant le mariage aux couples homosexuels !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais ce n’est pas comparable !
Mme Nicole Bonnefoy. Les Pays-Bas l’ont fait dès 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010, le Danemark en 2012 et la Grande-Bretagne cette année.
Mme Christiane Hummel. On l’a déjà dit !
Mme Nicole Bonnefoy. Nombreux aussi sont ceux, dont l’Allemagne, à avoir reconnu, sous des formes diverses, l’adoption par des couples de même sexe.
M. Alain Gournac. Sous des formes diverses, en effet !
Mme Nicole Bonnefoy. Ces sociétés s’en portent-elles plus mal ? La famille belge ou danoise a-t-elle volé en éclat ? Les enfants portugais ou suédois sont-ils plus malheureux qu’avant ? Bien sûr que non !
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui n’enlève rien à personne. Il ne s’agit pas de remplacer un modèle par un autre. Ce texte ne remet pas en cause l’institution du mariage pour les couples hétérosexuels. Il ne s’agit pas non plus d’ouvrir le mariage à tous, comme nous sommes parfois amenés à le dire par excès de langage. Les règles actuelles de fond et de forme qui le régissent sont maintenues : conditions d’âge, de consentement, d’empêchements quant aux liens de parenté,… Non, il s’agit ici de conférer une sécurité juridique, non seulement à travers des droits, mais aussi des devoirs, à tous les couples, sans distinction de sexe ou d’orientation sexuelle.
Je veux aussi rappeler que le mariage n’est pas un acte religieux en France. C’est un acte d’état civil qui vise, par un ensemble de règles juridiques, à faciliter et à régler les éventuels problèmes liés à la vie de couple. Je parle autant ici du droit à la succession que de la filiation ou du divorce.
À ceux qui disent que la finalité du mariage réside dans la procréation, j’aimerais demander comment ils considèrent les couples stériles, les couples de personnes âgées ou ceux qui ne désirent pas avoir d’enfants.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Nicole Bonnefoy. Faut-il leur interdire également l’accès au mariage ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
À ceux qui disent qu’un enfant doit absolument avoir un papa et une maman,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Oui !
Mme Nicole Bonnefoy. … j’aimerais demander comment ils jugent les mères, dont je suis, ou les pères qui élèvent seuls leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Charles Revet. Ils n’ont pas d’autre choix !
Mme Nicole Bonnefoy. Nous voyons bien là toutes les limites d’un raisonnement dogmatique d’un autre temps.
Comment pouvons-nous aujourd’hui priver des milliers de nos concitoyens et, par la même occasion, des milliers d’enfants de la sécurité juridique offerte par le mariage ? Cessons l’hypocrisie en la matière !
Aujourd'hui, 200 000 personnes se déclarent en couple de même sexe et entre 20 000 et 40 000 enfants, voire 250 000…
M. Gérard Longuet. N’importe quoi !
Mme Nicole Bonnefoy. … selon certaines associations, sont élevés par un couple homosexuel. L’État ne peut donc pas décemment rester aveugle et muet devant une telle situation. Il est inconcevable de priver ces personnes de la reconnaissance légale que leur procurerait le mariage. Ces familles ont droit à la protection de la loi ! Il y va non seulement de l’intérêt des mariés, avec tous les droits que procure le mariage, mais aussi de l’intérêt des enfants.
Il est, par exemple, impensable de laisser l’un des deux parents sans aucun lien juridique avec l’enfant qu’il élève. C’est pourquoi il faut autoriser l’adoption de l’enfant du conjoint. Or seul le mariage rend cette procédure possible.
Par ailleurs, établir la filiation de l’enfant avec ceux qui l’élèvent permettra de le protéger face aux aléas de la vie et lui ouvrira des droits, notamment en matière successorale.
En dépit de ce qui peut être dit, le projet de loi est donc bien une réforme dans l’intérêt de l’enfant.
À ce propos, aucune étude sérieuse – je dis bien aucune ! – n’a démontré, je le rappelle avec force, qu’élever un enfant au sein d’une famille homoparentale comportait des risques particuliers pour l’enfant, que ce soit d’un point de vue psychique ou social.
Mme Nicole Bonnefoy. C’est bien plus le regard des autres qui pose problème à ces enfants que l’homosexualité de leurs parents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Lors des auditions auxquelles a procédé la commission, la présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille a confirmé que les juges des enfants ne faisaient pas état de signalements particuliers sur ces enfants. La raison en est simple : l’éducation donnée à un enfant n’est liée ni au sexe de ses parents ni à leur orientation sexuelle ; c’est avant tout une question d’individus. Il y aura autant de bons ou de mauvais parents chez les homosexuels que chez les hétérosexuels.
M. Henri de Raincourt. Platitudes !
Mme Nicole Bonnefoy. Je pense que notre histoire a largement démontré qu’être élevé dans une famille hétérosexuelle n’était pas un gage de stabilité psychique ou d’environnement social serein.
En ce sens, il semble difficilement concevable de priver un couple homosexuel marié d’un droit à l’adoption, alors même que celui-ci existe pour les couples hétérosexuels et les célibataires. Mais il ne s’agit pas non plus, au travers de ce projet de loi, de laisser croire que les couples homosexuels pourront adopter systématiquement et facilement.
Mme Christiane Hummel. Votre temps de parole est fini !
Mme Nicole Bonnefoy. Ils devront remplir les mêmes critères que les couples hétérosexuels. À cet égard, il faut savoir que, en France, 27 000 couples sont déjà dans l’attente d’une adoption.
Finalement, et même si cela a été répété à maintes reprises, ce texte n’ouvre en aucune façon le droit à la PMA de complaisance ou à la GPA. (Mais si ! sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Charon. Monsieur le président, c’est fini !
Mme Nicole Bonnefoy. Pour ce qui concerne la PMA, le Comité consultatif national d’éthique rendra un avis,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quand ?
Mme Nicole Bonnefoy. … avant la fin de l’année, qui sera pris en compte par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne la GPA, l’article 16-1 du code civil, qui pose le principe de l’indisponibilité du corps humain, demeure.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Nicole Bonnefoy. Le Président de la République et Mme la garde des sceaux ont rappelé à plusieurs reprises qu’ils n’avaient aucunement l’intention de revenir sur ce principe fondamental.
En somme, le périmètre du projet de loi que nous examinons se limite exclusivement – et doit se limiter – au mariage et à l’adoption conjointe aux couples de personnes de même sexe.
Avant de conclure mon propos (Exclamations sur les travées de l'UMP.), …
M. le président. Il vous faut conclure maintenant, ma chère collègue !
Mme Nicole Bonnefoy. En conclusion, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste du Sénat apportera son soutien plein et inconditionnel au projet de loi (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.), qui s’inscrit dans l’histoire des grandes avancées sociales de notre pays.
Comme le disait Montesquieu, « une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu’elle est juste ». (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que certains membres du RDSE applaudissent également. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.