Mme Esther Benbassa. Chez nous, il n’y a pas eu de révolution luthérienne. Ailleurs, cette révolution a émancipé le mariage de la tutelle de l’Église, l’a désacralisé, a accéléré un bouleversement des représentations, des symboles et des pratiques héritées de la longue tradition catholique.
Avec Luther, le mariage devient – déjà ! – un « mariage pour tous », pour les laïcs et les prêtres, pour les chrétiens et les païens. Cela explique peut-être la facilité avec laquelle le mariage entre personnes de même sexe a été instauré dans certains pays à majorité non catholique. Récemment encore, en Grande-Bretagne, la Chambre des communes adoptait, en une journée, le mariage pour tous, et ce à une écrasante majorité. Et dans la presse de ce 5 février 2013, le sujet ne faisait la une que d’un seul journal : The Daily Telegraph !
La France, premier pays à décriminaliser l’homosexualité, dès 1791, se classe depuis plusieurs années parmi les nations les plus conservatrices en matière de droits LGBT. Quel paradoxe ! La PMA, on n’ose plus en parler. Même la récente circulaire de Mme la garde des sceaux, que je salue, engageant les magistrats à faire droit aux demandes de délivrance de certificats de nationalité française au profit d’enfants nés à l’étranger de Français ayant eu recours à une GPA a provoqué la polémique.
L’intérêt « supérieur » des enfants, en cette occurrence, semblait de peu de poids. Ne sont-ils pas des enfants comme les autres ? Parce qu’ils ont été conçus hors des modèles admis, seraient-ils donc marqués du sceau d’une sorte de « péché originel » ? Et pour cela, il faudrait les punir ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne connaîtront pas leurs origines !
Mme Esther Benbassa. Les opposants au mariage gay et lesbien le dénoncent comme un facteur de décadence. Des pays « avancés » comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne reconnaissaient la PMA et la GPA avant même de légaliser le mariage. Sont-ils pour autant des pays décadents ? Mais la raison n’a plus droit de cité dans des débats qui se fondent sur des présupposés idéologiques et une bonne dose d’hypocrisie.
Rappelons-nous le bruit et la fureur ayant accompagné l’instauration du PACS, devenu depuis une forme de conjugalité hétérosexuelle très ordinaire ! Le mariage et la parentalité gays et lesbiens se banaliseront aussi, inéluctablement. Et je ne doute pas que des voix humanistes s’élèveront, dès aujourd’hui, également au centre et à droite, pour défendre un projet généreux, modernisateur, portant un coup décisif aux discriminations à raison de l’orientation sexuelle !
Nous, écologistes, croyons à ce progrès. Le mariage homosexuel a très tôt figuré dans notre projet de société. On se souvient du mariage de Bègles, en 2004, célébré par le député-maire de la ville, Noël Mamère. (M. Jean-Claude Gaudin s’exclame.) Venez à la tribune à ma place, monsieur Gaudin ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Je ne dirais pas les mêmes choses que vous !
Mme Esther Benbassa. Tant mieux ! Mais au moins dans la vieille France, cher monsieur, on respectait les femmes. Ce n’est même plus le cas ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Nous voterons bien entendu le projet de loi, même si nous regrettons que l’exécutif ne soit pas allé plus loin, qu’il n’ait pas toujours fait preuve de la même détermination que Mme la garde des sceaux et Mme la ministre chargée de la famille.
M. Jean-Vincent Placé. Voilà !
Mme Esther Benbassa. Dès le mois d’août dernier, j’ai déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi audacieuse, incluant notamment la PMA pour les couples de lesbiennes et la transcription sur les registres d’état civil des actes de naissance des enfants nés par GPA à l’étranger. Nos amendements nous permettront de rouvrir le débat et de demander solennellement au Gouvernement de s’engager sur le texte à venir sur la famille.
M. Gérard Longuet. Quelle famille ?
Mme Esther Benbassa. La qualité d’une démocratie se mesure à l’aune de son engagement pour l’égalité. Chaque acquis est à arracher avec les ongles. Le mariage et l’adoption pour tous, voilà une bataille que nous pouvons gagner !
M. Bruno Sido. Elle sera perdue pour les enfants !
Mme Esther Benbassa. D’autres suivront demain, tout aussi cruciales, car l’égalité est un combat, et un combat sans fin ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le voici arrivé entre nos mains ce texte tant désiré par les uns et tant décrié par les autres. C’est un texte majeur, fondamental, en ce sens qu’il touche à l’essence même d’une nation : la famille.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Philippe Darniche. C’est un texte qui, pour certains, devait augurer le printemps de l’égalité, la renaissance de la démocratie, car tous vivraient enfin heureux sous un même soleil, dans une société plus juste.
Seulement, le rêve a viré au cauchemar. Contre toute attente, une opposition digne des grandes heures de notre histoire s’est soulevée.
Mme Christiane Hummel. Bravo !
M. Philippe Darniche. Les Français que l’on pensait beaucoup trop occupés par la crise n’en ont pas pour autant oublié les valeurs fondamentales qui régissent la vie depuis des siècles.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Philippe Darniche. Il va toujours plus croissant le nombre de ceux qui commencent à comprendre les enjeux de ce texte. En cinq mois, à trois reprises, des centaines de milliers de personnes ont voulu exprimer leur désaccord, et jamais gouvernement n’a autant méprisé le peuple. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Christiane Hummel. Eh oui !
M. Philippe Darniche. À ces foules immenses venues des quatre coins du pays, le Président de la République et son gouvernement opposent un autisme qui fait honte à notre prétendue démocratie.
M. Éric Doligé. Exact !
M. Philippe Darniche. Mes chers collègues de la majorité, il est temps d’écouter l’autre majorité, cette majorité silencieuse, qui, cette fois, ne veut pas que l’on décide pour elle. La coupe est pleine ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
Mme Christiane Hummel. Bravo !
M. Philippe Darniche. À la politique de l’autruche du Gouvernement, nous opposons un langage de vérité pour expliquer que la loi n’a pas à être la transcription d’intérêts particuliers.
Quelques-uns de nos collègues de gauche, toujours très lyriques dans leurs discours pour refuser les tentations de replis communautaristes qui menacent la République, ne pourraient-ils pas convenir que le projet de loi semble être imposé par une minorité ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Bravo !
M. Philippe Darniche. « Les mentalités ont évolué, la loi doit évoluer aussi », nous répond-on. C’est donc notre devoir de refuser cette logique destructrice. L’adoption du projet de loi serait un grave recul anthropologique. (Absolument ! sur plusieurs travées du groupe UMP.)
Ici, il n’est pas question d’amour. Le mariage a pour rôle non pas d’officialiser une vie de couple mais d’instituer une famille. Si certains couples homme-femme ne procréent pas, c’est pour des raisons subjectives : infertilité, âge ou volonté de ne pas avoir d’enfants. Ces cas particuliers ne remettent pas en cause la dimension objectivement familiale du mariage.
Le mariage est, de tout temps et en tout lieu, l’acte – juridique, public, civil et/ou religieux – ou l’union par lequel un homme et une femme se placent dans une situation juridique durable afin d’organiser leur vie commune et de préparer la création d’une famille. Le mot français « matrimonial » garde la trace du mariage latin, matrimonium, qui a pour but de rendre une femme mère, mater. Le mariage est plus qu’un contrat, c’est une institution.
L’amour et le mariage sont différents. L’amour est l’expression d’un sentiment à l’égard d’une autre personne. Le mariage est avant tout un cadre légal permettant l’union entre deux personnes et non la reconnaissance sociale d’un sentiment amoureux.
Le mariage n’est pas la même chose que l’union de deux personnes de même sexe. Distinguer n’est pas discriminer, c’est respecter ; différencier pour discerner consiste à évaluer correctement, pas à discriminer.
Le droit ne peut pas prendre en considération l’orientation sexuelle des personnes, donnée subjective qui relève de leur vie privée. Il ne peut considérer que l’identité sexuelle, donnée objective, à savoir le fait d’être un homme ou une femme.
L’égalité signifie seulement traiter de la même manière ceux qui sont dans des situations équivalentes. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe UMP.)
Or les couples de même sexe, que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, ne sont en conséquence pas concernés par l’institution du mariage. En cela, leur traitement juridique est différent, parce que leur situation n’est pas analogue.
Pour autant, j’étais disposé à travailler, comme nombre de nos collègues, sur ce traitement juridique sans toucher au mariage et à ses conséquences.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Darniche. Modifier le cadre du mariage en l’ouvrant aux personnes de même sexe perturbe notre système bien au-delà de ce qu’on voudrait nous faire croire, et une part importante des spécialistes que nous avons entendus en commission, lors des auditions, est venue nous le rappeler.
La loi va créer une nouvelle catégorie d’enfants : les enfants privés d’un père ou d’une mère. Nous ne l’acceptons pas ! L’égalité serait-elle un concept à géométrie variable ? Avant d’être un rôle, être parents est un statut, car seuls des parents hommes et femmes peuvent indiquer à l’enfant une origine, qu’elle soit fondée sur la vérité biologique de la procréation ou sur la vérité symbolique de l’adoption. Nous sommes tous témoins, dans nos territoires, des souffrances des personnes qui sont à la recherche de leurs origines jusqu’à leur dernier souffle.
Mme Colette Giudicelli. Exactement !
M. Philippe Darniche. Après avoir été privés de parents par la vie, certains enfants vont en être privés une seconde fois par la loi.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Philippe Darniche. Cela, nous le refusons, car tout enfant a droit de savoir d’où il vient. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En accordant le mariage et la filiation aux personnes de même sexe, vous changez la donne ; ce faisant, vous bouleverserez toutes les règles de la filiation, de la procréation médicalement assistée, de l’état civil et de la parenté. Nous ne sommes pas dupes : aujourd’hui le mariage, demain la PMA, après-demain la GPA !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Philippe Darniche. Qui oserait penser en son for intérieur que cet engrenage n’est pas inéluctable, dans cette société qui ne sait plus ce qu’est l’égalité ?
Mme Catherine Troendle. Bien sûr !
M. Philippe Darniche. Dans cette société qui n’a que faire du plus faible, mais qui veut assouvir le bien-être des plus grands, qui oserait s’engager sur l’honneur que jamais nous ne tomberons dans de telles dérives ? (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Je refuse l’hypocrisie ; je refuse le mensonge. Cette France des robots, je n’en veux pas, et je ne crois pas ici être le seul. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ferai quelques remarques préliminaires.
Tout d’abord, le chef de l’État a affirmé, lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, vouloir tenir compte de la volonté de la population et assurer la concertation.
Mme Christiane Hummel. Il a menti !
M. Patrice Gélard. Où est la concertation lorsque 300 000 à 1 400 000 personnes manifestent dans la rue et qu’on ne les écoute pas ou qu’on ne veut pas les écouter ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Où est la concertation lorsque 700 000 signatures adressées au Conseil économique, social et environnemental sont mises au panier sans être examinées ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.) Et l’on veut inscrire le caractère social de notre République dans la Constitution, alors que la démonstration est faite que celui-ci n’est nullement pris en compte à la tête de l’État !
Mme Christiane Hummel. Il n’y a plus de tête !
M. Patrice Gélard. Ensuite, une étude d’impact est effectivement annexée au projet de loi, mais elle est totalement insuffisante.
M. Gérard Larcher. C’est vrai !
M. Patrice Gélard. De plus, elle est orientée : on ne tient compte que des analyses réalisées dans un sens.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bruno Sido. Les dés sont pipés !
M. Patrice Gélard. Cette étude ne comprend aucune statistique digne de ce nom ou analyse sur les conséquences de l’application du texte. Elle comporte donc beaucoup trop de lacunes et de survols rapides pour être réellement exploitable.
Parlons de l’avis du Conseil d’État.
M. Gérard Larcher. Oh oui !
M. Patrice Gélard. Même si nous n’en avons pas eu officiellement connaissance, la presse s’en est fait l’écho. Le projet de loi serait imparfait, incomplet, en particulier concernant les parties du texte relatives à l’adoption, à l’état civil, au nom : autant de motifs d’inconstitutionnalité.
Ces remarques étant faites, j’en viens au mariage, puis j’évoquerai la filiation.
S’agissant du mariage, je vous rappelle que, au moment de l’examen du PACS, j’avais proposé en tant que rapporteur un amendement visant à affirmer que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme en vue de fonder une famille.
Élisabeth Guigou, garde des sceaux,…
M. David Assouline. Souvenez-vous de Boutin !
M. Patrice Gélard. … m’avait répondu à l’époque qu’il était totalement inutile d’inscrire cette disposition dans la loi, car cela allait de soi : c’était le sens même du code civil !
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Je constate que la situation a évolué de façon considérable depuis lors. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je rappelle tout de même que la Convention européenne des droits de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme et les pactes de Téhéran affirment tous que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme.
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. Comme en Angleterre !
M. Patrice Gélard. Jusqu’à maintenant, cette règle n’a pas été modifiée.
Notre Constitution dispose également que les traités internationaux régulièrement ratifiés ont immédiatement une autorité supérieure à celle des lois. Cela signifie que nous sommes en train de discuter d’un projet de loi qui n’est pas conforme aux traités internationaux auxquels nous sommes parties. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Même si l’étude d’impact a survolé cette question, il faut savoir que nous avons signé une multitude d’accords internationaux sur le droit de la famille avec nombre d’États, accords qui deviendront caducs si nous adoptons ce projet de loi. Cela reviendra à nier la supériorité des traités par rapport à la loi. Il faudra donc entièrement les revoir.
Mes chers collègues, les encyclopédistes du XVIIIe siècle – Diderot ou d’Alembert –, dont je me suis beaucoup amusé à lire les citations, étaient tous contre le mariage. Il en va de même de Marivaux, et je ne parle pas du marquis de Sade, qui y était naturellement totalement opposé. (Sourires.)
Le mariage, c’est le pire des esclavages, disait Diderot.
M. François Rebsamen. Comment peut-on dire cela ?
M. Patrice Gélard. Les socialistes, les anarchistes et les communistes du XIXe siècle disaient la même chose : le mariage, c’est l’exploitation de la femme par l’homme ; c’est la transposition de la dictature de la bourgeoisie ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’était vrai à l’époque, mais la société a évolué !
M. Patrice Gélard. Je suis étonné de voir nos amis à gauche de l’hémicycle défendre aussi ardemment le mariage pour tous, alors que leurs prédécesseurs étaient au contraire pour l’abrogation de cette institution désuète et bourgeoise. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. C’est l’évolution !
M. Patrice Gélard. Il est vrai que quatorze ou quinze pays ont, à l’heure actuelle, reconnu le « mariage pour tous » : les cinq États scandinaves, le Portugal, l’Espagne, le Royaume-Uni, mais avec des conditions différentes des nôtres, le Canada, quelques États aux États-Unis et au Brésil, l’Argentine, l’Uruguay depuis hier, et l’Afrique du Sud.
M. Didier Guillaume. Belle liste !
M. Patrice Gélard. C’est une belle liste en effet, mais le mariage n’a pas dans ces pays la même signification que chez nous. (Voilà ! sur les travées de l'UMP.) Cela n’est pas dit dans l’étude d’impact !
Mme Laurence Rossignol. Cette liste compte des pays catholiques !
M. Patrice Gélard. Ils ne transposent pas le mariage catholique inscrit dans notre droit depuis 1804. D’ailleurs, c’est là où se situe le problème : le droit français a voulu faire du mariage une institution et un contrat solennels. Or, dans les autres pays, le mariage n’a pas ce caractère. Dans les États protestants, le mariage n’a pas du tout la même signification – il peut être dissous dans des conditions différentes des nôtres, par exemple – et les règles applicables à l’adoption ne sont pas les mêmes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Marc Daunis. L’Espagne et le Portugal, des pays protestants ?
M. Patrice Gélard. Je rappelle qu’au Portugal on ne peut pas adopter et qu’aux Pays-Bas on ne peut adopter un enfant que si celui-ci a la nationalité de ce pays.
Je le répète, la situation est totalement différente, parce que le mariage n’a pas la même signification que chez nous.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Patrice Gélard. Nous ne voulons pas nous opposer à la reconnaissance de droits que ne possèdent pas à l’heure actuelle les couples homosexuels. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une union civile qui conférera à ceux qui y recourront les mêmes droits et les mêmes devoirs que les couples hétérosexuels : la pension de réversion, le droit à succession, la solennité de l’union, à la seule exception des conséquences sur la filiation.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et voilà !
M. Patrice Gélard. Le système que nous proposons existe en Allemagne et dans d’autres États, qui ont parfaitement compris la différence entre le mariage, institution consacrée par le code civil depuis deux siècles, et l’union civile, qui est identique au mariage mais réservée aux couples homosexuels.
Voilà la façon dont nous envisageons la question du mariage !
M. David Assouline. Je n’ai rien compris !
M. Patrice Gélard. C’est bien dommage, mon cher collègue !
Je voudrais maintenant aborder la question de la filiation et de l’adoption.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’un enfant ne peut être conçu que par un homme et une femme. (Oui ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Cependant, nous voyons apparaître une théorie, celle du gender, autrement dit celle du sexe social et non du sexe réel.
En vertu de cette théorie, chacun d’entre nous aurait le droit de choisir son sexe, de devenir homme ou femme.
Mme Laurence Rossignol. Mais non !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est une souffrance pour beaucoup de personnes !
M. Patrice Gélard. Par ce biais, on veut nous instiller une façon de penser qui est peut-être celle d’un groupe mais qui ne peut en aucun cas être celle de tous.
Le projet de loi veut totalement assimiler le couple homosexuel et le couple hétérosexuel pour ce qui concerne l’adoption.
M. David Assouline. Encore vingt-quatre minutes à tenir…
M. Patrice Gélard. Je le dis comme je le pense : nous sommes face à une hypocrisie manifeste !
M. David Assouline. De quoi parlez-vous ? Du résultat ?
M. Patrice Gélard. Tel qu’il est conçu, le texte est mal pensé, mal raisonné, incomplet et dangereux dans son application.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Patrice Gélard. Que représentait l’adoption à l’origine ? Certains pays la pratiquent encore sous cette forme : il s’agissait d’assurer le culte des ancêtres et le transfert du nom. C’était en particulier le cas à Rome. Ainsi de Jules César, adoptant Brutus ou Octave : dans les deux cas, il agit ainsi pour transmettre son nom, léguer le patrimoine de sa famille et assurer l’entretien des dieux lares. Cette situation se retrouve dans tous les pays d’Asie, où l’adoption a pour but de perpétuer le culte des ancêtres.
En France, l’adoption correspond à deux réalités différentes que l’on a malheureusement un peu perdues de vue, à savoir l’adoption plénière et l’adoption simple.
L’adoption plénière a été créée dans l’intérêt exclusif de l’enfant.
M. Patrice Gélard. À un enfant sans parents, on trouve une famille qui va totalement suppléer son orphelinat en lui donnant un nom, un état civil, une famille et des origines. De fait, l’enfant devient un membre à part entière de la famille qui l’adopte : il a tous les droits et tous les devoirs d’un enfant biologique.
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. Patrice Gélard. En réalité, même si on ne le dit pas officiellement, l’adoption plénière est réservée aux couples stériles. Reste qu’elle est devenue extrêmement difficile en France, pour une raison simple : il n’y a pratiquement pas d’enfants à adopter. À l’heure actuelle, seule une famille candidate sur trois ou quatre peut adopter un enfant selon cette procédure, compte tenu des nombreuses demandes qui sont formulées.
Naturellement, puisque les enfants à adopter en France sont très peu nombreux, on se demande ce que l’on promet en proposant d’étendre l’adoption. Vous nous direz : nous allons nous tourner vers l’étranger. Mais il n’y a pas d’adoption possible à l’étranger non plus !
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Patrice Gélard. Cette source tend à se tarir. À cet égard, je citerai l’exemple de la Belgique. Vous le savez, ce pays a instauré le mariage homosexuel depuis de nombreuses années. Depuis 2006, il y a eu zéro adoption. Zéro !
M. Patrice Gélard. Et pour cause : il n’y a pas d’enfants à adopter en Belgique ! Il n’y a pas non plus eu d’enfants adoptés en Espagne.
Cette situation finira nécessairement par survenir en France. Pourquoi ? Parce que les pays qui acceptent l’adoption n’acceptent pas l’adoption par les familles homosexuelles.
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Patrice Gélard. L’Afrique du Sud est l’un des seuls pays à l’accepter, mais elle a déjà fait savoir qu’elle ne tolérera plus l’adoption par les couples homosexuels si le texte dont nous sommes en train de débattre était adopté. Ainsi, les couples homosexuels ne pourront pas adopter des enfants à l’étranger.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi est un texte hypocrite : il n’y a pas d’enfants à adopter et, puisqu’il n’y en aura pas, il faudra nécessairement recourir à d’autres moyens. Or ces autres moyens, c’est la PMA ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Claude Gaudin. Voilà !
M. Patrice Gélard. Comme tant d’autres l’ont déjà dit, nous serons obligés d’accepter la PMA.
M. François-Noël Buffet. Voilà !
M. Patrice Gélard. D’ailleurs, ne soyons pas hypocrites, elle existe déjà !
M. Jacques Mézard. Bien sûr !
M. Patrice Gélard. La PMA est pratiquée en Belgique, en Espagne et dans d’autres pays. Certaines femmes s’y rendent donc avant de revenir en France avec des enfants qui ont été conçus à l’étranger, en violation de la loi française. Pourtant, notre législation n’est pas si mauvaise que cela : la PMA est réservée aux couples stériles ou à ceux risquant de transmettre une tare génétique.
Ce constat nous impose de réfléchir de nouveau sur cette question, c'est-à-dire de réexaminer le cas de ces enfants, dont nous ne pouvons pas nier l’existence.
Sans aller dans le sens de Mme le garde des sceaux, je rappelle que M. Baudis a tiré la sonnette d’alarme, en tant que Défenseur des droits, sur la situation de quelques enfants sans droits. Issus de la GPA, ces derniers ne sont pas reconnus.
M. Jean-Michel Baylet. C’est précisément ce que j’ai dit !
M. Patrice Gélard. Nous devrions nous pencher sur ce sujet, qui soulève un véritable enjeu. Là encore, ce n’est pas l’intérêt des parents qui nous intéresse, mais celui des enfants, que nous devons garder en permanence à l’esprit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet. Vous voterez donc notre proposition de loi ?
M. Patrice Gélard. Je le répète, l’adoption plénière revient à créer une famille pour un enfant qui n’en a pas. C’est couper entièrement ce dernier de ses origines, qu’il n’aura donc pas à retrouver.
L’adoption simple est d’une tout autre nature. Je rappelle qu’elle était extrêmement répandue en France jusqu’à la guerre de 1914.
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Patrice Gélard. Ce système vise à permettre la transmission du patrimoine, notamment de ce patrimoine affectif que peut constituer un nom ou un titre de noblesse. En effet, l’adoption simple était souvent employée par l’aristocratie. Or le fisc a jugé que, l’adoption simple n’impliquant aucun sentiment, on pouvait taper dessus sur le plan fiscal.
M. Bruno Sido. Le fisc n’a vraiment pas de morale !
M. Patrice Gélard. Ainsi, l’adoption simple fait l’objet d’un désengagement, car elle n’est pas fiscalement intéressante : lors de la succession, l’héritier adopté doit acquitter une forte somme. Il n’est absolument pas assimilé à un enfant comme les autres, dans la mesure où il n’est pas soumis aux mêmes règles fiscales. À mon sens, il s’agit là d’une violation de la loi.
Pourtant, l’adoption simple a son utilité : grâce à elle, un certain nombre de couples homosexuels ont pu disposer d’une double parenté. Grâce à elle, certaines femmes ont pu adopter l’enfant de leur conjointe. Ces cas sont peu nombreux, c’est vrai, mais ils existent. Reste un inconvénient : normalement, l’autorité parentale passe alors à l’adoptant. Or on n’a pas prévu les conséquences de cette adoption simple si elle devait se généraliser.
Il devient nécessaire de repenser l’ensemble de notre système d’adoption. À ce titre, je citerai un exemple que je connais bien, celui d’amis intimes de mes enfants. L’un est homosexuel et vit en couple avec un autre homme. L’autre est homosexuelle et vit en couple avec une autre femme. Tous deux ont eu ensemble un enfant, aujourd’hui âgé de huit ans, conçu par insémination artificielle.
Résultat : cet enfant a deux pères et deux mères. Les deux conjoints sont venus me voir en me disant qu’ils souhaitaient l’adopter. Au reste, l’enfant vit en régime de garde partagée entre le père et la mère, qui résident non loin l’un de l’autre. Il n’y a pas de problème de ce côté-là. Néanmoins, ce système n’est pas envisageable, même en vertu du présent texte : cet enfant a un père et une mère génétiques, et une adoption n’est donc pas possible.
M. Patrice Gélard. Cet exemple illustre la profonde inégalité qu’engendre le projet de loi, ce qui soulève à mes yeux un problème d’inconstitutionnalité. En effet, le présent texte distinguerait au moins trois catégories d’enfants concernant l’adoption par les couples homosexuels.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !