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Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Rappel au règlement

Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe

Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste, la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).

Rappel au règlement

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour un rappel au règlement.

M. François Zocchetto. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement.

En cet instant où le Sénat s’apprête à examiner le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, chacun mesure bien l’importance des questions soulevées par ce texte.

Chacun mesure également que nos débats intéressent l’ensemble des Français, qui y seront particulièrement attentifs, comme ils le seront aux différents votes que le Sénat exprimera dans les jours à venir, ainsi qu’aux conditions d’examen de cette réforme.

Au vu de ces éléments, je demande, au nom du groupe UDI-UC, que le scrutin sur l’ensemble du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ait lieu selon les modalités prévues à l’article 60 bis de notre règlement, qui régit les scrutins publics à la tribune.

Nous aurions ainsi sur ce projet de loi un vote solennel, qui pourrait avoir lieu le premier mardi suivant la fin de l’examen des articles du texte, en l’occurrence le mardi 16 avril prochain, l’après-midi.

Je rappelle que cette modalité est parfaitement courante à l’Assemblée nationale ; elle n’a pas pour but, bien sûr, de désorganiser nos travaux, mais simplement d’assurer un minimum de solennité sur un sujet qui le mérite.

Pour ce faire, monsieur le président, je demande également que la conférence des présidents soit réunie dès que possible afin de pouvoir opérer cette modification de notre ordre du jour, s’agissant notamment du mardi 16 avril après-midi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Puisque vous faites référence à notre règlement, vous ne pouvez ignorer que, selon le premier alinéa de l’article 60 bis, « il est procédé au scrutin public à la tribune lorsque la conférence des présidents a décidé que ce mode de scrutin serait applicable lors du vote sur l’ensemble d’un projet ou d’une proposition de loi ».

Je constate que, lors de la réunion de la conférence des présidents du 20 mars, qui visait à organiser le calendrier d’examen de ce projet de loi, cette question n’a pas été soulevée. Néanmoins, je prends acte de votre souhait et je vais consulter les groupes afin de recueillir leur avis sur la demande que vous venez de formuler.

Discussion générale

Rappel au règlement
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Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements prolongés sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Éric Doligé. Il faut l’encourager ; elle en a besoin...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ma collègue Dominique Bertinotti, ministre chargée de la famille, et moi-même avons l’honneur de présenter au Sénat ce projet de loi, adopté largement à l’Assemblée nationale par 329 voix pour et 229 contre, qui ouvre le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Ce sont, à titre principal, des dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui ont été modifiées, ainsi que des dispositions portant sur le nom de famille qui ont dû être adaptées.

L’article 1er, qui est le plus important, ouvre donc le mariage aux couples de personnes de même sexe. Il rétablit dans le code civil un article 143 disposant que le mariage peut être contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe.

Ce texte affiche donc très clairement l’ambition d’atteindre à l’égalité dans le choix des formes de vie commune et de composition de la famille.

Ce texte ouvre en effet aux couples de personnes du même sexe la liberté de choisir une troisième forme d’organisation de la vie commune. Ces couples ont en effet déjà accès au concubinage, qui est une union de fait, ainsi qu’au pacte civil de solidarité, mais n’avaient pas accès, jusqu’à ce jour, au mariage, qui est à la fois un contrat et une institution, et qui produit des effets d’ordre public.

Ces dispositions n’altèrent évidemment en rien les droits des couples hétérosexuels et des familles hétéroparentales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. Il ne manquerait plus que cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au contraire ! Du débat est en effet ressortie la possibilité d’une évolution du droit de la famille, notamment en ce qui concerne le statut du parent social. Mais ce texte contient d’ores et déjà des dispositions favorables aux couples hétérosexuels et aux familles hétéroparentales.

Ce texte ne fragilise pas l’institution de la famille ; au contraire, il la renforce. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne met pas en péril les enfants. Au contraire, il les sécurise.

Des dizaines de milliers d’enfants, voire, dit-on, des centaines de milliers peuvent être concernés.

Mme Catherine Troendle. Des centaines de milliers ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certains considèrent que ce texte permet à la France d’honorer ses engagements internationaux et qu’il la conforte dans sa lutte contre les discriminations et son combat pour l’égalité politique.

M. Éric Doligé. Il y a mieux à faire !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De fait, nous ne sommes pas seuls.

Après avoir été pionnière, en 1999, avec l’adoption du pacte civil de solidarité, la France a en effet un peu marqué le pas, tandis que d’autres pays européens – les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède, l’Espagne, le Portugal et bientôt, définitivement, la Grande-Bretagne – légalisaient le mariage entre personnes du même sexe. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle. Six sur vingt-sept !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Durant la même décennie, le Canada, y compris la Belle Province du Québec, dix États des États-Unis, la ville de Mexico, avec effet sur l’ensemble du territoire mexicain, ainsi que la République d’Afrique du Sud, procédaient de même et légalisaient le mariage entre personnes du même sexe.

Mme Catherine Troendle. Mais pas la filiation !

M. Alain Gournac. Non, en effet !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pourtant pas dans le but d’entrer dans un club hypothétique de pays audacieux,...

M. Bruno Sido. Un club très fermé... (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.... dont les législations ont d’ailleurs des effets divers, que nous vous présentons ce projet de loi.

Non, c’est au regard de l’histoire de la République française et de ses valeurs de liberté et d’égalité, au regard de son évolution propre, de l’empreinte laissée sur ses institutions par les débats, les combats, les progrès juridiques et sociétaux, que nous vous soumettons ce projet de loi.

M’étant exprimée à ce propos à l’Assemblée nationale, c’est à grands traits que je vais tracer les principales étapes qui ont consolidé l’institution du mariage.

C’est en 1791, à la suite de la réclamation d’un comédien, dont la profession était exclue du mariage religieux, le seul alors en vigueur, que le constituant de 1791 a instauré le mariage civil.

Quatre ans auparavant, en 1787, le pluralisme religieux avait été reconnu et le mariage des juifs et des protestants – les enfants étaient auparavant considérés comme bâtards - était autorisé, en tout cas pour ceux qui étaient restés en France, puisqu’il semble, selon les sources, que plus de 300 000 d’entre eux avaient quitté le pays.

En instaurant le mariage civil, en confiant à l’officier d’état civil l’enregistrement des actes, en imposant le consentement – l’article 146 du code civil, inchangé depuis 1804, dispose qu’il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement –, en autorisant le divorce, légalisé en 1792, puis supprimé en 1816, avant d’être rétabli par la loi Naquet, du 27 juillet 1884 dans la grande foulée de ces lois de liberté – loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, loi sur la liberté syndicale, loi sur la liberté d’association – qui culmineront avec cette grande loi de liberté laïque affranchissant l’État des églises, en levant toute restriction à l’accès au mariage, le constituant et le législateur ont bien inscrit cette institution dans le processus de conquête des libertés individuelles. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Avec le temps, le législateur l’a ensuite ancrée dans le principe d’égalité.

Lorsqu’il abroge, en 1938, l’obéissance due par l’épouse à son mari, inscrite à l’article 213 du code civil,...

Mme Catherine Troendle. C’est bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ... et lorsqu’il cesse, entre 1970 et 1975, de faire référence au chef de famille pour reconnaître la communauté de vie et l’égalité des droits et des devoirs, il avance vers l’égalité. Il en va de même, également, avec la loi rétablissant le divorce par consentement mutuel, qui existait déjà en 1792.

Le législateur pose aussi un acte de fraternité lorsqu’il décide de supprimer, par la loi du 3 janvier 1972, toute distinction entre les enfants légitimes et les enfants dits « naturels ».

Il fait de même lorsqu’il abroge entre 2000 et 2005, sous pression européenne, d’ailleurs, les discriminations qui continuent à frapper les enfants adultérins, avant d’éliminer du code civil les notions mêmes d’enfant légitime et d’enfant adultérin.

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, le mariage est donc un acte de liberté, la liberté de se choisir, la liberté de vivre ensemble,...

M. Alain Gournac. Pour un homme et une femme !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. ... la liberté de divorcer, la liberté aussi de ne pas se marier puisque, aujourd’hui, un enfant sur deux naît hors mariage.

Mais en ouvrant cette liberté aux couples de personnes de même sexe, nous faisons du mariage un acte d’égalité : l’égalité des droits pour tous les couples et pour toutes les familles ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. –Protestations et huées sur les travées de l'UMP.)

Et, en ouvrant cette institution éminemment républicaine à tous les couples, hétérosexuels et homosexuels, et ce sans aucun préjudice pour l'institution du mariage, c’est bien un acte de fraternité que nous posons aussi. Le mariage est en effet ouvert à droit constant : ses dispositions sociales demeurent – l'assistance, le secours, le respect –, tout comme ses obligations et ses effets d'ordre public – les conditions d'âge et de consentement –, sa prohibition de l'inceste et de la polygamie ainsi que les protections juridiques et les sécurités.

En d’autres termes, cette institution du mariage, qui était une institution de propriété au temps où l'on alliait surtout les patrimoines, une institution de domination au temps où la loi ordonnait l'obéissance à l'épouse, une institution de possession du mari sur la femme et sur les enfants,...

M. Bruno Sido. C'était le bon temps !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … une institution d'exclusion sur la base de la religion, de la profession et de la non-croyance, cette institution, disais-je, est en train de devenir universelle, en ce qu’elle cesse de témoigner d'un ordre social où la puissance publique établirait une hiérarchie dans la sexualité,…

M. Charles Revet. C'est une interprétation…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … alors que nous avons supprimé de notre droit toute pénalisation de l'homosexualité et toute discrimination à l'encontre des personnes homosexuelles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Que contient ce texte ?

D’abord, ce texte ouvre le mariage et l'adoption aux couples homosexuels, et ce à droit constant, c'est-à-dire dans les mêmes conditions, avec les mêmes obligations, les mêmes protections et les mêmes sécurités. C'est donc bien un accueil dans la maison commune !

M. Jean Bizet. Les mêmes droits !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, les mêmes droits et les mêmes devoirs !

Ensuite, ce texte rappelle le rôle du procureur de la République auprès des officiers d'état civil. Il réaffirme que le mariage est une cérémonie républicaine et publique. Il élargit les possibilités de lieux de célébration, élargissement qui profite également aux couples hétérosexuels. Il permet aux couples, qu’il s’agisse de deux Français ou de deux Françaises, d’un Français et d’un étranger ou d’une Française et d’une étrangère, résidant dans un pays qui ne reconnaît pas le mariage des couples de personnes de même sexe de pouvoir se marier en France dans des conditions de lieux qui sont encadrées par la loi.

Ce texte définit également les conditions de l'adoption. Il est bon de rappeler que l'adoption s'effectuera dans les mêmes conditions,…

M. Bruno Sido. C'est scandaleux !

M. Ronan Dantec. C'est très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … que les couples soient homosexuels ou hétérosexuels. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Elle se fera donc à droit constant, avec un agrément du conseil général délivré à la suite d'une enquête rigoureuse, que certains jugent d'ailleurs intrusive, et, surtout, à la suite de la décision d'un juge qui, considérant l'intérêt supérieur de l'enfant, conformément à l'article 353 du code civil, décidera ou non d'accorder l'adoption au couple demandeur.

Ce texte apporte en outre de la sécurité pour les enfants.

M. Bruno Sido. Vous ne pensez pas aux enfants !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous y pensez peut-être, vous ?...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je pense ici à ces enfants qui sont élevés par deux parents, mais dont les liens affectifs et matériels ne sont reconnus que pour un seul parent : en cas de décès de ce parent, les enfants se retrouvent orphelins et ne peuvent pas continuer à vivre avec le second parent.

Le texte protégera ces enfants…

M. Bruno Sido. C'est faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … en leur apportant une sécurité juridique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce texte permet aussi l'adoption plénière de l'enfant du conjoint ou de la conjointe, y compris lorsque cet enfant a été adopté de façon plénière. Il permet l'adoption simple dans les mêmes conditions. La commission des lois du Sénat a souhaité restreindre cette possibilité et la réserver aux enfants qui ne disposent que d'une filiation biologique, afin de délimiter la pluriparentalité.

Ce texte permet encore un exercice plus facile de l'autorité parentale, ce qui profitera également aux familles hétéroparentales.

M. Bruno Sido. Il ne manquerait plus que ça !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans le cas où une séparation serait intervenue avant la promulgation du présent projet de loi, ce texte permet au juge de prononcer le maintien des liens de l'enfant avec le parent séparé qui n'en a pas la garde, sur la base de l'intérêt supérieur de l'enfant.

La commission des lois du Sénat a souhaité renforcer cette disposition en rendant obligatoire, à peine de nullité, l'information du tribunal sur l'existence d'un ancien parent social.

Ce texte organise également la dévolution du nom patronymique. Dans le projet de loi initialement présenté à l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait introduit, pour les seuls couples homosexuels, une disposition permettant, en cas de désaccord des parents, d’octroyer à l’enfant le nom de chacun des deux parents – en ne retenant qu’un seul nom par parent –, noms accolés dans l’ordre alphabétique.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité généraliser le dispositif et l’a donc étendu aux familles hétéroparentales.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, j’ai estimé, au nom du Gouvernement, qu'une partie des arguments présentés par l'opposition avaient toute leur pertinence. C’est pourquoi j'ai souhaité que, à l'occasion de la navette parlementaire, les idées mûrissant, le Sénat réfléchisse à la meilleure formule concernant l'attribution du nom patronymique.

La commission des lois du Sénat a jugé préférable de maintenir le dispositif prévu par le Gouvernement pour les seuls couples homosexuels et les familles homoparentales. Pour les couples hétérosexuels et les familles hétéroparentales, elle a distingué entre le silence – les parents ne se prononçant pas sur l’octroi du nom, c'est le patronyme du père qui est attribué – et le désaccord entre les parents – l’enfant portera alors les deux noms, dans la limite d'un nom par parent, accolés dans l'ordre alphabétique.

J'attire néanmoins l'attention sur le fait que la France a fait l’objet d’une interpellation des Nations unies à propos de la préséance systématique donnée au nom du père dans ces cas-là.

Le présent texte organise bien entendu la coordination des dispositions induites par l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de personnes de même sexe.

Le Gouvernement avait choisi pour ce faire un mode d'écriture correspondant à la règle légistique générale qui aboutissait, en dehors du titre VII du code civil – ce titre organise la filiation -, à la coordination des articles concernés dans le code civil et dans les autres codes, lois et ordonnances.

La commission des lois de l'Assemblée nationale, suivie en cela par les députés, a choisi une autre forme d'écriture, en privilégiant une disposition interprétative, ce que l'on appelle trivialement « un article balai ». Introduite avant le titre Ier du code civil, cette disposition procédait donc à une interprétation de toutes les dispositions du code civil ; pour les autres codes, d'autres articles procédaient à la coordination.

La commission des lois du Sénat a opté pour une troisième solution. Elle a choisi de poser un principe général selon lequel le mariage et l'adoption produisent des effets de droit identiques, que les parents soient de sexe différent ou de même sexe.

M. Bruno Sido. C'est cela qui ne va pas !

M. Gérard Longuet. Ce ne sont pas des parents !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette disposition sera évidemment adossée à une habilitation, prévue dans le texte, afin que le Gouvernement puisse par ordonnance procéder aux adaptations et coordinations nécessaires dans les six mois suivant la publication de la loi, tout cela dans le respect des dispositions de l'article 38 de la Constitution.

Quelques dispositions diverses ont été introduites. Elles concernent la reconnaissance d'un mariage entre personnes de même sexe contracté à l’étranger légalement – c’est-à-dire dans un pays qui reconnaît le mariage entre personnes du même sexe – avec des effets immédiats pour le couple, et la transcription au registre d'état civil français de ce mariage avec effets à partir de la transcription vis-à-vis des enfants et vis-à-vis des tiers.

Ces dispositions sont évidemment applicables sous réserve du respect des articles du code civil qui régissent le mariage et l’adoption ainsi que des articles qui régissent la transcription au registre d'état civil.

J'en viens au périmètre du texte, pour préciser ce qui n'est pas contenu dans ce projet de loi.

La commission des lois et la commission des affaires sociales du Sénat ont décidé d’un commun accord de maintenir le périmètre du texte présenté par le Gouvernement tel qu’il a été enrichi par l'Assemblée nationale. Le projet de loi traite donc du mariage et de l'adoption, sans compter les quelques dispositions connexes que je viens d’indiquer.

En revanche, ce texte ne contient pas de dispositions relatives à l'assistance médicale à la procréation.

M. André Reichardt. Pas encore !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout en considérant que le sujet est légitime, le chef du Gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) a estimé qu'il devait faire l'objet d'un autre véhicule législatif ; ce texte de loi sera présenté par Dominique Bertinotti, ministre chargée de la famille, et elle l’évoquera dans un instant plus savamment que je ne saurais le faire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Le Comité consultatif national d'éthique s’est autosaisi du sujet et remettra son rapport au cours du troisième trimestre de cette année. Le Premier ministre a choisi d'attendre d’avoir pris connaissance de cet avis pour que le texte porté par la ministre chargée de la famille en tire toutes les conséquences.

Il faut rappeler que les dispositions relatives à l'assistance médicale à la procréation se trouvent, en l'état actuel de notre droit, dans le code de la santé publique, alors que le mariage et l'adoption relèvent du code civil, puisqu’ils concernent les libertés et l'état des personnes.

L'assistance médicale à la procréation concerne les couples hétérosexuels stables, mariés ou non, et est accordée sur présentation d'une justification médicale. Les pays qui ont ouvert le mariage et l'adoption et qui ont aussi ouvert l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et, très souvent, aux femmes célibataires l’ont fait dans des textes différents, la plupart du temps des textes de bioéthique. Seuls les Pays-Bas l'ont inscrit dans un texte sur l'égalité de traitement.

M. Bruno Sido. Et la GPA ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La gestation pour autrui n’entre pas non plus dans le périmètre du texte.

Mme Catherine Troendle. Pour l’instant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Président de la République ainsi que le Premier ministre…

Mme Christiane Hummel. Mais qui est le Premier ministre ?... (Rires sur les travées de l'UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … ont réaffirmé leur attachement au principe, d'ordre public (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Éric Doligé. S’ils l'ont dit, alors !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Écoutez la réponse !

M. Jean Bizet. Nous n'avons aucune confiance !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … d'indisponibilité du corps humain. Je le fais à mon tour.

Si la gestation pour autrui ne fait pas l'objet du présent débat, elle mérite néanmoins d'être signalée, peut-être en référence à certaine proposition de loi déposée au Sénat concernant la pratique de la GPA et dont les signataires siègent d’ailleurs de ce côté de l’hémicycle. (Mme la garde des sceaux désigne les travées de l’UMP.  Mme Catherine Procaccia s’exclame.)

M. Éric Doligé. Allez expliquer la GPA au Maroc !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La commission des lois et la commission des affaires sociales du Sénat, qui se sont réunies concomitamment, ont enrichi le texte de façon significative. Je remercie en particulier le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, et son rapporteur, Jean-Pierre Michel, la présidente de la commission des affaires sociales, Annie David, ainsi que la rapporteur, Michelle Meunier, du travail de très grande qualité qu’ils ont fourni les uns et les autres.

Je souhaite revenir un instant sur les sécurités et les protections que ce projet de loi promet.

Un sénateur du groupe UMP. S'il est voté !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les dispositions en faveur de la protection des conjoints sont évidentes : le régime social, le régime fiscal ainsi que les droits liés à la rupture et au décès seront assurés pour les couples qui ont décidé de s'inscrire dans un projet conjugal ou parental sur le temps long. En d’autres termes, ce qui est dû sera rendu et l'État y veillera par son administration ou par le juge.

Nous ne disposons d'aucun élément ni scientifique, ni statistique, ni même empirique qui nous permette de penser que les couples homosexuels se montreraient plus raisonnables que les couples hétérosexuels en cas de rupture. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il est assez peu probable qu'ils résistent plus que les autres à cette étrange fureur qui s'empare de ceux qui se sont passionnément aimés et qui, au moment de la rupture, deviennent d’inflexibles adversaires, quand ce ne sont pas d'intraitables ennemis.

Il n’en sera pas toujours ainsi, mais quand cela sera, le juge devra pouvoir protéger le plus vulnérable des conjoints, sauvegarder les intérêts des enfants, organiser leurs relations avec le parent qui n’en a pas la garde, assurer le maintien des droits et le respect des devoirs, en reformulant peut-être, sans le dire, ce conseil de Paul Verlaine : « surtout, soyons-nous l’un à l’autre indulgents »…

M. Bruno Sido. C’est Rimbaud qui a dit cela !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est bien au juge qu’il appartiendra de rappeler que les enfants, par le mariage, entrent dans la famille de chacun des conjoints, que le mariage n’est pas seulement une relation entre deux personnes et que la transmission entre générations se fait dans le cadre élargi des deux familles.

Le regard social désapprobateur qui pèse parfois lourdement sur les enfants de ces familles, qui insinue l’existence d’une anormalité, d’une bizarrerie, peut bouleverser, perturber, troubler considérablement.

Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pis encore, des mots, des actes, des agressions peuvent avoir des effets potentiellement dévastateurs. Désormais, grâce à ce texte de loi, ces familles, ces enfants, ces adolescents ne seront plus seulement tolérés par la société, mais protégés par la loi ! (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Ce passage de la tolérance à l’égalité fera toute la différence !

Je veux saluer les sénateurs des outre-mer, qui seront sans doute plus nombreux que les députés des outre-mer à voter ce projet de loi. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Racolage !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je n’étais pas habituée à entendre des propos grossiers dans cette assemblée. Je suis un peu surprise. (M. le président de la commission des lois applaudit.)

M. David Assouline. C’est M. Sido le responsable !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je veux saluer le courage des sénateurs des outre-mer qui, comme d’autres parlementaires de notre pays fidèles à leurs convictions et à leurs valeurs, choisissent en conscience ce qui est juste, même dans un contexte social et culturel difficile. Notre histoire commune est riche de combats pour l’égalité : c’est bien dans cette filiation et cette tradition que nous nous inscrivons. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Guy Fischer. Très bien !