M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le traitement des frais acquittés par les personnes en situation de fragilité financière est une préoccupation essentielle du Gouvernement à laquelle l’article 17 répond, en plafonnant, par mois et par opération, les commissions d’intervention pour toutes les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels.
À cet égard, nous sommes satisfaits de l’adoption de l’amendement de M. Caffet, qui a introduit un plafonnement spécifique, plus bas, pour les populations fragiles. Le dispositif auquel nous étions finalement parvenus permettait d’atteindre un équilibre satisfaisant en termes d’égalité et d’équité. Cependant, l’adoption de l’amendement n° 169 rectifié bis a totalement bouleversé cet équilibre, en intégrant les frais de rejet dans le calcul du plafond.
Cette mesure aura un effet pervers, au détriment des consommateurs, notamment des plus fragiles d’entre eux : élargir le champ du plafond aboutira de facto à en relever le niveau, alors que les frais de rejet sont moins souvent prélevés et touchent moins de clients que les commissions d’intervention. Elle ne bénéficiera donc qu’à un petit nombre de personnes.
Par ailleurs, je rappelle que, sur le fond, cette mesure n’est pas utile, puisque le plafonnement des frais de rejet est déjà prévu par la loi : ces frais ne peuvent être supérieurs au montant des petits paiements et ils sont forfaitaires pour les montants plus élevés, conformément aux articles L. 131-73 et L. 133-26 du code monétaire et financier.
Je regrette que nous ayons finalement abouti à un résultat contraire à l’objectif que nous poursuivions initialement, à savoir le plafonnement des commissions d’intervention, qui touchent de nombreuses personnes, en particulier les plus défavorisées. Le Gouvernement s’engage à fixer les plafonds, par mois et par opération, à des niveaux très bas. Toutefois, cela ne sera pas possible si les frais de rejet, qui concernent moins de clients, sont inclus.
L’objectif du Gouvernement, partagé, me semble-t-il, par le Parlement, est, je vous le rappelle, de parvenir à une évolution équilibrée sur cette question, ce qui n’est plus le cas avec la rédaction retenue. C’est pourquoi je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur cette disposition, afin de la cibler sur les commissions d’intervention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission a émis un avis favorable. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que j’avais défendu hier une telle position, sans être suivi. Mais c’est le débat démocratique !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Absolument !
M. Richard Yung, rapporteur. Les frais de rejet et les commissions d’intervention ne sont pas du tout, j’y insiste, de même nature.
Les frais de rejet ne rémunèrent pas l’analyse d’une situation individuelle, ils compensent le coût occasionné par l’incident de paiement. C’est pourquoi ils sont beaucoup plus élevés, notamment pour les chèques.
Les frais de rejet sont plafonnés entre 30 et 50 euros par opération – une disposition évite la répétition des frais –, contre 8 euros pour les commissions d’intervention. Or, comme l’a souligné M. le ministre, les inclure dans le calcul du plafond aurait pour conséquence d’augmenter le coût moyen des commissions d’intervention, qui s’établirait entre 25 et 30 euros. Cette mesure serait donc très défavorable aux personnes qui ne paient aujourd'hui que 8 euros.
Comme je l’ai déjà indiqué, se pose derrière tout cela la question du modèle économique des banques françaises. On peut en effet s’interroger sur le fait qu’une partie importante du produit net bancaire provient des incidents de paiement. Reste que ce n’est pas l’objet du débat d’aujourd'hui. Le financement du système bancaire, la rémunération des comptes courants créditeurs, l’accès au marché financier, le coût par opération, bref, tous ces sujets doivent faire l’objet d’autres discussions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je fais partie de ceux qui n’ont pas accepté hier la rédaction qui nous est ici proposée.
À l’évidence, nous partageons avec le Gouvernement les mêmes objectifs.
Nous voulons éviter que les catégories les plus défavorisées soient dans l’impossibilité d’accéder aux droits bancaires.
Nous voulons aussi éviter qu’elles paient des frais tellement élevés qu’elles s’en trouveraient plus fragilisées encore. Nous devons donc veiller à ce que les frais bancaires ne pèsent pas de manière excessive sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. En effet, nous le savons, les dépenses fixes – les frais bancaires, les assurances, le loyer, etc. – grèvent de plus en plus le pouvoir d’achat des ménages. À chaque fois que l’on peut agir pour leur redonner un peu de marge de manœuvre, il faut le faire. Voilà pourquoi nous avions eu l’idée de plafonner les frais bancaires, sans cibler uniquement les catégories très défavorisées.
Avec la rédaction proposée, nous allons avoir un mécanisme à trois étages : un plafond pour tous, si je puis dire, un plafond pour les plus démunis et des frais qui seront plafonnés de façon isolée.
Je veux bien admettre que si l’on regroupe tout sous un même plafond, cela ne sera pas bon pour les plus démunis. D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi le Gouvernement, qui partage nos objectifs, chercherait à faire des choses qui leur soient défavorables. Reste que le Parlement devra mener un travail d’évaluation d’une extrême rigueur.
Je vois venir la tentation pour les banques de demander un plafond global élevé pour justifier le plafond « relativement bas » prévu pour les très démunis. Cela reviendrait à reprendre une marge sur l’ensemble des Français, au motif qu’il faut aider ceux qui sont tombés dans la spirale que l’on connaît tous : une famille qui n’est pas toujours bien intégrée socialement et dont les comptes ne sont pas très équilibrés se retrouve, pour un, deux, puis trois chèques sans provision, à payer des frais bancaires bien trop élevés pour elle, même si ceux-ci sont plafonnés.
Le Gouvernement et notre commission estiment que la méthode proposée est la plus efficace. Je fais le pari de la confiance en acceptant de voter l’amendement, mais, je le répète, le Parlement devra mener une évaluation d’une extrême rigueur sur l’efficacité du dispositif.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Au terme de ce débat, je veux tout d’abord dire que, en tant que parlementaire qui ne ménage pas sa peine dans cette maison, je suis particulièrement contente que soient enfin inscrites dans le droit positif de nombreuses propositions – pas toutes malheureusement ! – de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, présidée par Philippe Dominati et dont Éric Bocquet a été rapporteur, et du groupe de travail sur le surendettement.
Par ailleurs, je me félicite du climat qui a prévalu au cours de nos débats : cela faisait longtemps que l’on n’avait pas eu des discussions aussi constructives et positives. Je crains qu’il n’en soit pas de même dans deux semaines…
Permettez-moi surtout d’évoquer le problème du financement des collectivités territoriales et des emprunts dits toxiques.
J’avais beaucoup travaillé sur ce sujet, car mon modeste département de l’Orne a été particulièrement touché, un grand nombre de communes ayant contracté des emprunts toxiques.
Certes, on est toujours partagé entre le fait de penser, d’un côté, que les élus sont des personnes responsables et qu’ils doivent respecter leurs engagements, qui sont libres et éclairés, et, de l’autre, que ces emprunts ont été conclus dans des conditions telles que les signataires n’ont pas forcément bien compris l’étendue de leurs obligations. D’ailleurs, je relève, sauf erreur de ma part, que ce texte permet toujours aux collectivités territoriales de contracter un emprunt en monnaie étrangère. Je me demande si nous ne devrions pas purement et simplement le leur interdire (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.), car cela permettrait d’éviter tous les problèmes liés au change. Si la règle de l’entonnoir ne m’est pas opposée, je déposerai un amendement en ce sens en deuxième lecture.
Dans le cadre de la navette, il faudra absolument revenir sur les emprunts toxiques, en contraignant les organismes visés à mettre en place un mécanisme de renégociation de ces emprunts, même s’il n’en reste plus beaucoup en circulation. Sinon, la jurisprudence du 9-3…
M. Philippe Dallier. De la Seine-Saint-Denis ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. … de la Seine-Saint-Denis, mon cher collègue, pourrait s’appliquer. Or une grève de la faim lors de la discussion d’un projet de loi de finances n’est pas forcément le moyen le plus honorable d’obtenir ce que l’on veut dans les départements difficiles.
M. Philippe Dallier. Ce n’était pas le même sujet !
Mme Nathalie Goulet. Je le sais, mais cela avait tout de même trait aux difficultés que rencontrent certaines collectivités territoriales.
Au demeurant, nous pouvons tous également nous féliciter de la création d’une banque pour les collectivités territoriales.
Considérant toutes ces avancées, celles qui concernent, je le répète, les questions liées au surendettement, et celles qui ont trait au droit des successions, le vote du Sénat ayant évité d’y porter une atteinte, à mon avis, démesurée, je voterai le texte avec enthousiasme. (Mme Muguette Dini applaudit.)
M. Richard Yung, rapporteur. Bravo !
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que ce projet de loi nous laisse quelque peu sur notre faim.
Permettez-moi, pour commencer, d’énumérer brièvement ses points clés.
En ce qui concerne la séparation des activités bancaires, les évolutions sont extrêmement limitées puisque l’essentiel des activités de marché n’ont pas été distinguées et que, de ce fait, la part du produit net bancaire qui sera cantonnée dans les nouvelles filiales sera certainement bien réduite. Espérons que, la navette se poursuivant, nous arriverons finalement à un projet de loi plus audacieux. C’est d’autant plus nécessaire que, comme nous avons eu l’occasion de le souligner, la séparation des activités bancaires n’est pas une fin en soi, mais un préalable à une nouvelle organisation du secteur financier.
S’agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, le reporting pays par pays est une avancée attendue par de nombreuses organisations non gouvernementales soucieuses de transparence financière. Il constituera évidemment un outil essentiel pour mesurer l’appétence de nos établissements de crédit pour les cieux fiscaux cléments.
Concernant la résolution des crises bancaires, nous sommes particulièrement attentifs au fait que, si les pouvoirs de l’autorité de régulation ont été sensiblement renforcés, cette autorité administrative indépendante souffre toujours de son mode de recrutement peu démocratique et peu ouvert sur la société civile. En effet, la nouvelle ACPR sera composée de manière moins ouverte que le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement créé par la loi du 24 janvier 1984, qui comprenait des représentants des salariés du secteur financier et des personnalités qualifiées.
Comme il existe parfois des liens quasi endogames entre certains grands corps de l’État et le milieu bancaire et assurantiel, il est à craindre que nous ne restions dans un « entre soi » qui n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt général ; un « entre soi » qui risque d’avoir d’autant plus à voir avec les intérêts particuliers que, si nous avons bien compris, les créanciers dits privilégiés ne seront pas mis à contribution dans les plans de résolution.
Examinons maintenant la question des droits des usagers vis-à-vis de leurs banques. À cet égard, quelques avancées ont été réalisées, mais de nombreux obstacles ont été maintenus sur la voie menant à la création d’un véritable service bancaire universel de base et à l’instauration de rapports plus équilibrés entre usagers et banquiers.
Avant même la discussion du projet de loi sur la consommation, qui risque fort de n’être examiné qu’après le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, le projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel et même le contrat pour l’école, je me permets de souligner que nous aurons peut-être bien une seconde lecture de ce projet de loi, pour résoudre par exemple la question de l’assurance emprunteur.
D’ici là, mes chers collègues, les contentieux en matière d’assurance sur prêt immobilier continueront de ne pas être résolus de manière satisfaisante. À ce sujet, nous vous communiquerons un courrier du médiateur de la fédération française des sociétés d’assurance, dans lequel celui-ci informe un emprunteur qu’il n’est pas de sa compétence de résoudre un contentieux sur une assurance de prêt immobilier, au motif qu’il s’agit d’un prêt bancaire. Résultat : certains emprunteurs acquittent une prime pour deux contrats, faute de mieux.
Au total, malgré l’adoption de quelques amendements de notre groupe et de certains autres qui sont proches des nôtres, nous ne pouvons pas nous considérer comme satisfaits par le projet de loi dans son état actuel.
Ce n’est pas que les travaux du Sénat aient été dépourvus d’intérêt ; au contraire, ils ont permis de mettre en évidence des questions qui intéressent autant le grand public qu’elles mettent en jeu la politique au sens le plus noble du terme. C’est tout simplement que la latitude laissée aux parlementaires pour améliorer le projet de loi a été réduite à une portion trop congrue.
À ce propos, je regrette que la question de la structuration d’un service public financier digne de ce nom n’ait pas été abordée. Il n’y a eu aucune évolution sur la BPI, ni sur la centralisation des fonds des livrets d’épargne défiscalisée, la politique du crédit et la critérisation de l’utilisation de l’argent – toutes questions essentielles dans une économie en difficulté comme celle de notre pays.
Par conséquent, tout en remerciant pour leur compétence et leur dévouement les agents du Sénat qui ont rendu possible cette discussion, nous ne pouvons que confirmer notre abstention sur l’ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a soulevé de nombreuses questions. Certaines restent encore sans réponse, malgré les échanges très intéressants qui se sont déroulés ces derniers jours. Aussi pouvons-nous encore légitimement nous interroger sur certains aspects du projet de loi : le curseur de la séparation entre activités spéculatives et activités utiles au financement de l’économie a-t-il été correctement placé ? Cette séparation permettra-t-elle vraiment de réduire le risque systémique ? N’aurait-on pas dû être plus strict, notamment en incluant les activités de tenue de marché dans les filiales consacrées aux activités spéculatives ?
Cette dernière question a été soulevée par plusieurs amendements à l’article 1er, dont ceux de notre collègue Pierre-Yves Collombat. Le rapporteur et le Gouvernement n’ont pas souhaité modifier la formule retenue par l’Assemblée nationale : s’il le juge judicieux, le ministre de l’économie peut prendre un arrêté pour filialiser les activités de tenue de marché d’un établissement ou de plusieurs. Dans ces conditions, il est probable que l’efficacité réelle du titre Ier ne pourra être mesurée qu’à l’aune de son application ; souhaitons simplement qu’il ne sera pas trop tard.
Si les dispositions relatives à la séparation des activités n’ont fait l’objet que de modifications homéopathiques, d’autres ont été substantiellement améliorées par des amendements de notre assemblée. Je pense notamment aux mesures relatives à la lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles, un phénomène susceptible de déstabiliser les marchés agricoles mondiaux.
Les modifications apportées à l’article 4 bis, qui impose aux établissements financiers de publier un certain nombre d’informations par pays, comme leur produit net bancaire et leurs effectifs, méritent également d’être soulignées : en particulier, les établissements devront communiquer des chiffres sur leur bénéfice avant impôt, les impôts dont ils sont redevables et les subventions publiques qu’ils perçoivent. Ainsi, nous prenons de l’avance sur l’Union européenne et sur le paquet CRD IV en cours de négociation, puisque l’accord provisoire adopté par le conseil Ecofin le 5 mars dernier prévoit la publication pays par pays de toutes ces données.
Quant à la résolution des crises, l’autre axe principal du projet de loi, elle marque très certainement une avancée importante. La transformation de l’Autorité de contrôle prudentiel est unanimement saluée, à juste titre. Cependant, le projet de loi ne prévoit pas la mobilisation des créanciers seniors pour couvrir les pertes d’un établissement ; cette question reste posée.
D’autres dispositions importantes du projet de loi, comme celles portant sur la protection des clients des banques et des personnes en situation de fragilité financière, ont été notablement enrichies par notre assemblée, en particulier par les amendements de notre collègue Muguette Dini, inspirés par le rapport sur le crédit à la consommation et le surendettement dont Anne-Marie Escoffier a été corapporteure.
Quelles que soient ses faiblesses, ce projet de loi constitue une avancée importante, puisqu’il envoie un signal fort qui nous permettra, comme nous l’avons fait avec la taxe sur les transactions financières, de nourrir le débat au niveau européen. En effet, c’est bien à cet échelon que la régulation du système financier prend tout son sens. C’est même sur le plan mondial qu’il faut agir pour être véritablement efficace ; en ce sens l’annonce par les États-Unis du report sine die de l’entrée en vigueur des règles de Bâle III est assez inquiétante. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que vous ferez tout votre possible dans les instances européennes pour parvenir à un accord le plus étendu possible sur ces questions essentielles ?
Dans l’attente de cet accord et afin d’envoyer un signal nécessaire pour limiter les excès et les dysfonctionnements du secteur financier, la quasi-totalité des membres du groupe du RDSE voteront le projet de loi. Toutefois, deux de nos collègues parmi les plus éminents, MM. Chevènement et Collombat, ont décidé de s’abstenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite également de l’état d’esprit serein et constructif dans lequel notre assemblée a travaillé. Je tiens à adresser mes remerciements à M. le rapporteur, qui a contribué à cette sérénité.
Ce projet de loi décevra certainement nombre de sympathisants et d’électeurs de gauche, séduits par le discours tonitruant et quelque peu démagogique de François Hollande contre le monstre invisible de la finance. En effet, le texte ne met pas au pas le monde de la finance, pas plus qu’il ne met en œuvre le Glass-Steagall Act à la française que le Président de la République avait laissé entrevoir pendant sa campagne. N’est pas Roosevelt qui veut ! À cet égard, j’observe qu’il est quelque peu trompeur de parler d’un projet de loi de séparation des activités bancaires.
Pour notre part, nous nous réjouissons de ce retour à la réalité. En effet, le projet de loi qui va être mis aux voix n’est pas révolutionnaire et n’entreprend pas de réelle réforme structurelle : il comporte une grande partie de dispositions techniques et de dispositions d’affichage, en attendant l’application de la directive européenne qui nécessitera une transposition dans notre droit.
Faute de répondre à une nécessité absolue, le projet de loi permettra au Gouvernement de s’enorgueillir d’avoir semblé agir, alors que nous avons tous conscience que la vraie efficacité en matière de régulation se situe à l’échelon européen. D’ailleurs, je rappelle que 90 % de la réglementation bancaire est aujourd’hui d’origine européenne.
Toutefois, nous ne sommes pas opposés aux avancées qui apparaissent comme les plus substantielles, comme la filialisation de la spéculation pour compte propre, la mise en place du fonds de garantie et du conseil de stabilité financière, ainsi que la capacité de résolution conférée à l’ACPR. Ces mesures nous semblent acceptables, dans la mesure où nous sommes conscients de la nécessité d’une forme de régulation.
Au reste, je vous rappelle que nous avions voté, sur l’initiative de Nicolas Sarkozy, la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière. Le présent projet de loi s’inscrit pleinement dans la continuité de cette loi. À l’époque, chers collègues de la majorité, vous vous étiez opposés, à l’exception de certains sénateurs du RDSE, à cette loi qui allait pourtant dans le même sens que celle que vous soutenez aujourd’hui ; Nicole Bricq, qui a défendu avant-hier le projet de loi du Gouvernement, avait combattu la régulation que nous proposions, qui était pourtant un premier pas nécessaire.
Pour notre part, parce que nous faisons preuve d’une responsabilité et d’un sens de l’intérêt général plus grands, nous reconnaissons que le présent projet de loi comporte quelques avancées positives, notamment en ce qui concerne le renforcement de la protection des consommateurs et la mise en place de l’agence de financement des investissements locaux sur l’initiative du président de l’AMF, Jacques Pélissard, et des présidents des autres associations d’élus. Je prends note de ce qu’a dit le ministre de l’économie et des finances : l’objectif est de créer une seule agence. Le projet de loi pourrait permettre d’en créer plusieurs, mais j’espère bien qu’il n’y en aura qu’une.
S’agissant des banques mutualistes, nous regrettons que les amendements défendus par nos collègues des groupes CRC, écologiste et UDI-UC, ainsi que ceux défendus par nous-mêmes, aient été rejetés. Nous souhaitions que l’exemption pour les caisses locales en matière de régulation bancaire soit étendue aux administrateurs des banques coopératives régionales, à l’exception des dirigeants responsables de ces établissements.
Au bout du compte, le projet de loi n’ayant pas été durci outre mesure, le groupe UMP fera preuve de responsabilité en s’abstenant. C’est aussi ce que feront la très grande majorité de nos collègues non inscrits.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDI-UC est satisfait des avancées réalisées sur certains points ; sur d’autres, il trouve que le projet de loi est trop timide ou trop rigide ou encore que des questions restent sans réponse. En conséquence, une grande partie de mes collègues s’abstiendront.
À titre personnel, je me suis particulièrement intéressée au titre VI et à tous les articles qui ont trait au surendettement. Sur cette question, vous le savez, Anne-Marie Escoffier et moi-même avions formulé vingt propositions, dont dix au moins concernaient le crédit à la consommation ; je me réjouis que, d’une manière ou d’une autre, six d’entre elles aient été retenues, que ce soit sur l’initiative du Gouvernement, de certains de nos collègues de tous bords ou sur la mienne.
Je citerai très rapidement les six points sur lesquels Anne-Marie Escoffier et moi-même avons obtenu satisfaction : la présence obligatoire du conseil général et de la caisse d’allocations familiales dans les commissions de surendettement ; la prise en compte spécifique des dettes de logement pour garantir le maintien de la personne surendettée dans son logement ; la mise en place d’un suivi budgétaire ou social dans les cas de redépôt de dossiers de surendettement ; la réduction de la durée d’examen de certains dossiers dès lors qu’un accord amiable est manifestement impossible ; la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier ; enfin, l’allongement de un à deux ans de la durée maximale de suspension des procédures d’exécution après la déclaration de recevabilité.
Toutes ces mesures vont dans le sens d’une meilleure prévention du surendettement et, donc, d’une meilleure qualité de vie, du moins je l’espère, des personnes concernées. Je me réjouis donc qu’elles aient pu être adoptées.
Je tiens à remercier M. le rapporteur de l’attention qu’il a portée à ces dispositions et nos collègues de leur soutien aux amendements que j’ai proposés en faveur d’une meilleure prise en compte de nos concitoyens.
En ce qui me concerne, je voterai le projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre.