M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, Mme Laborde et M. Mazars, est ainsi libellé :
Après l'article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’efficacité des obligations de déclaration relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et les possibilités d’amélioration de ce dispositif notamment à travers l’élargissement de la liste des personnes assujetties à ces obligations.
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Au travers de cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport au Parlement.
Certes, notre groupe n’est pas particulièrement friand de rapports. Toutefois, la lutte contre le blanchiment nous semble un sujet particulièrement important pour la stabilité financière et pour la sécurité mondiale.
Nous nous interrogeons ainsi sur l’efficacité du dispositif de déclaration de soupçon, que nous avons déjà évoqué à propos de l’amendement n° 213 rectifié. La liste des professionnels assujettis à cette obligation a déjà été élargie à plusieurs reprises. Toutefois, en pratique, certaines catégories d’intermédiaires ne font quasiment jamais de déclaration à TRACFIN, dont je préfère d’ailleurs prononcer le nom « traque fin », pour des raisons que d’aucuns comprendront. (Sourires.)
La liste de professionnels assujettis est-elle donc mal calibrée, ou y a-t-il une faille dans l’application des obligations de communication relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ? Cette liste ne mérite-t-elle pas d’être encore élargie ? D’autres améliorations permettant de renforcer l’efficacité de la lutte anti-blanchiment ne pourraient-elles pas être apportées ?
Le rapport que nous réclamons au travers de cet amendement permettrait d’apporter des réponses à ces questions essentielles. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes pour la transparence la plus totale en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Les auteurs de cet amendement demandent un rapport au Gouvernement sur l’efficacité des obligations déclaratives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Or le rapport annuel de TRACFIN, qui analyse ces éléments en détail, répond déjà à vos préoccupations, monsieur Fortassin. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 216 rectifié est-il maintenu ?
M. François Fortassin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 216 rectifié est retiré.
Chapitre II
Régulation du marché des matières premières
(Division et intitulé nouveaux)
Article 4 quater (nouveau)
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du second alinéa du I de l’article L. 621-9, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle veille également à la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers. » ;
2° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« - un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs instruments mentionnés aux alinéas précédents, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; »
3° À la fin du second alinéa de l’article L. 465-2, les mots : « de nature à agir sur les cours » sont remplacés par les mots : « ou d’un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs des instruments mentionnés précédemment de nature à agir sur les cours desdits instruments ou actifs ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 4 quater
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 118 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann et MM. Dilain, Teulade, Chastan et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens et dans les conditions définies par la section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre V.
« 2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa.
« 3° Les établissements mentionnés au 1° et négociant des produits dérivés sur matières premières agricoles, sur ou hors d'une plateforme de négociation, sur les marchés réglementés et sur les marchés de gré à gré, fournissent à l’Autorité des marchés financiers une ventilation complète de leurs positions sur base hebdomadaire.
« 4° Sur la base de ces informations, l’Autorité des marchés financiers publie chaque trimestre un rapport concernant les activités menées par les établissements mentionnés au 1° sur les marchés réglementés de matières premières agricoles et les marchés de gré à gré. Ce rapport rend notamment publiques les informations relatives aux montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, le type d’instruments financiers utilisés et les résultats financiers. Un décret détermine les modalités d’application du présent alinéa. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 199 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Madec, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, M. J.C. Leroy, Mme Bourzai, MM. Vincent et Rome, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens de l’article L. 511-47 du code monétaire et financier.
2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Le dérèglement climatique et les politiques publiques de soutien aux agrocarburants ont joué un grand rôle dans la déstabilisation des marchés agricoles alimentaires, contribuant ainsi aux émeutes de la faim en 2008.
C’est à peu près à cette même époque que les institutions financières ont choisi d’investir massivement sur les marchés dérivés de matières premières agricoles. Aujourd'hui, seulement 35 % des opérations constatées sur ces marchés sont le fait de producteurs et de commerçants physiques.
Le présent projet de loi, qui a vocation à réguler et à moraliser les activités financières, interdit aux établissements bancaires de réaliser des opérations de spéculation pour compte propre sur les marchés dérivés de matières premières agricoles.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Laurence Rossignol. C’est déjà une belle avancée.
Toutefois, nous serions un certain nombre à souhaiter aller plus loin dans la restriction des possibilités de spéculation, par une limitation des transactions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles, c'est-à-dire des opérations que les banques effectuent au compte de leur client.
D’ailleurs, et je l’ai souligné hier, certaines banques, et non des moindres, ont fait le choix de l’autorégulation. Ainsi, la BNP et le Crédit agricole se sont engagés à ne plus vendre de produits dérivés à des opérateurs externes dont l’objectif serait exclusivement financier, c'est-à-dire ne serait pas lié à la nécessité de protéger une activité physique contre les fluctuations d’un prix.
Notre amendement va exactement dans le même sens. Par conséquent, son adoption permettrait aussi de protéger nos grandes banques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47, les compagnies d’assurances ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction est une entreprise non financière qui peut faire la preuve que ledit instrument est destiné :
1° à atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales, et
2° à sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l’entreprise non financière.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous abordons une série d’amendements relatifs à la spéculation sur les matières premières agricoles.
Les marchés agricoles à terme ont été créés au XIXe siècle, afin d’assurer un prix aux fournisseurs et aux transformateurs de matières premières pour des biens livrés parfois plusieurs mois plus tard et avec des cours variables en raison du caractère aléatoire de la production.
Il s’agissait donc d’acheter des produits alimentaires avec un règlement à une échéance ultérieure, par exemple six mois ou un an plus tard, le client ayant la certitude de recevoir une livraison dans des termes connus à l’avance.
Il y avait toutefois un inconvénient ; d’où l’évolution constatée, car des investisseurs qui n’étaient pas directement concernés sont entrés dans le jeu. Je résumerai la situation en ces termes : « Pas de marché, c’est flou ; trop de marché, c’est fou ! »
« Pas de marché, c’est flou ! » En effet, une certaine fluidité est nécessaire pour avoir la réalité des prix. Sans un certain niveau de marché, on ne connaît pas le prix exact.
« Trop de marché, c’est fou ! » En effet, aujourd'hui, ce sont des investisseurs qui spéculent en masse sur les matières premières agricoles. Et le problème joue dans les deux sens : soit on manque de matières premières, ce qui provoque une montée des prix et mène à des crises alimentaires dans les pays qui ne peuvent plus s’approvisionner en riz ou en blé ; soit on a au contraire une surproduction, ce qui entraîne un effondrement des prix, donc la faillite d’entreprises agricoles et la ruine de producteurs.
Il faut donc trouver un équilibre entre le maintien d’un certain niveau de marché pour avoir de la fluidité et la lutte contre une spéculation trop importante sur les matières premières agricoles, sous peine de voir apparaître des prix dépourvus de tout lien avec les coûts réels de production et les capacités de paiement de certains pays en voie de développement.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Les auteurs des amendements nos 199 rectifié bis et 228 rectifié prévoient que les banques peuvent réaliser des transactions sur un instrument financier dont le sous-jacent est une matière première agricole uniquement si la contrepartie de la transaction peut prouver que cet instrument sert de couverture à un risque.
Mes chers collègues, je vous rappelle les termes du débat.
D’un côté, nous avons un cycle agricole de production, avec des décalages, donc des problèmes de financement et de vente selon les périodes ; les acteurs de la filière agricole, qu’ils soient producteurs, intermédiaires ou vendeurs, ne sont pas des financiers.
De l’autre, nous avons des institutions spécialisées dans la prise en charge du risque financier, qu’il s’agisse de banques ou d’autres établissements, ce qui n’a rien de condamnable. À chacun son métier. Le travail d’un cultivateur de blé, ce n’est pas de suivre l’évolution du cours des céréales à la bourse de Chicago ! Ça, c’est le rôle des intermédiaires financiers, qui exercent leur mission de manière honnête et non spéculative, du moins nous l’espérons, même si la spéculation peut exister.
Nous avons déjà encadré de telles activités, en renforçant les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, et en inscrivant au titre de ses missions l’obligation de fixer des positions sur les marchés de matières premières et d’en assurer le contrôle. Le marché est donc déjà extrêmement contrôlé. L’ACPR procédera à des vérifications jour par jour, semaine par semaine, et elle interviendra pour fixer de nouvelles positions si elle l’estime nécessaire.
Ces amendements ne me paraissent pas opérants pour limiter la spéculation. En outre, ils visent seulement les banques françaises. Or, pour l’essentiel, les intervenants en la matière ne sont ni des banques ni des acteurs français. Le dispositif est ainsi très incomplet.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons déjà commencé à évoquer le sujet hier soir. Je ne reprendrai pas tous les arguments que j’ai développés.
Je n’ai pas pour objectif d’empêcher un certain nombre de professionnels de la filière agricole de poursuivre leurs activités. Pas, je me suis déjà déclaré favorable aux amendements nos 230 rectifié du groupe écologiste, 214 rectifié du groupe RDSE et 140 rectifié bis du groupe socialiste, qui tendent tous trois à insérer un article additionnel après l’article 4 quater.
Il me semble que si nous nous en tenons à ces amendements, nous disposerons d’un dispositif très complet de mesures permettant d’assurer la transparence de ces marchés, leur suivi par l’AMF et l’encadrement des opérations, bref d’en garantir le bon fonctionnement tout en évitant de les perturber.
Les objectifs que vous visez seraient ainsi atteints. Pour le reste, nous risquons de réitérer toujours la même démarche. Le mieux est l’ennemi du bien !
M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 199 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. La définanciarisation de notre économie est un long chemin, sur lequel il faut avancer pas à pas. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 199 rectifié bis est retiré.
Monsieur Desessard, l’amendement n° 228 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. La description des acteurs des marchés de matières premières, telle qu’elle transparaît au travers des amendements qui viennent d’être défendus, ne laisse pas de m’étonner. Ainsi, celui de M. Desessard me paraît dater quelque peu du XIXe siècle. Je parle bien de l’amendement, et non de son auteur... (Sourires.)
La première catégorie des acteurs de ces marchés rassemble les spécialistes des « marchés physiques », selon le terme technique communément employé, qui peuvent être des producteurs de blé ou des transformateurs, par exemple des fabricants de biscuits. Ces professionnels ont besoin de couvrir leurs risques. C’est aussi le cas des éleveurs qui achètent du soja pour leurs bêtes et qui ont besoin de couvrir leurs risques sur le marché à terme de cette céréale. Et il en est de même sur tous les marchés à terme, qu’il s’agisse de celui du cacao, du café, etc.
Je le répète, tous les acteurs professionnels des marchés à terme ont besoin de contrats leur permettant de couvrir leurs risques, que ce soit sur des échéances ou sur des livraisons qu’ils doivent effectuer ou réceptionner. Lorsqu’ils interviennent, ils reçoivent en quelque sorte l’assurance d’obtenir un certain prix de vente ou d’achat. Ces marchés, auxquels participent aussi des spéculateurs, fonctionnent donc comme des marchés d’assurance pour ces professionnels.
La deuxième catégorie d’acteurs est constituée par les spéculateurs, des personnes comme vous ou moi, qui interviennent sur les marchés par la vente ou l’achat de contrats et la pose d’options, pour orienter ceux-ci à la hausse ou à la baisse et profiter des fluctuations ainsi suscitées.
Il est évident que ces spéculateurs interviennent sur les marchés, mais je ne suis pas certain qu’ils en soient les acteurs les plus nombreux et les plus influents. En effet, lorsque l’on examine l’évolution des cours du blé et de ceux de la plupart des matières premières sur plusieurs années, on constate que la courbe des hausses et des baisses successives finit par ressembler au tracé d’un encéphalogramme assez compliqué.
Or cette évolution traduit avant tout des déséquilibres sur les marchés physiques. Vous n’allez pas me dire que ce sont les spéculateurs qui ont fait monter le prix du blé l’année dernière ! Cette hausse des cours s’est produite, en fait, quand la Russie a décidé d’un seul coup, à la suite de certaines difficultés, de ne plus exporter, ce qui a entraîné une raréfaction de cette marchandise sur les marchés. Or, en juin et en juillet de la même année, la sècheresse a frappé les États-Unis, et l’on savait qu’il y aurait moins de blé. C’est donc l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande mondiale qui a créé un accroissement des prix.
M. Roland Courteau. Et aussi un peu de spéculation...
M. Joël Bourdin. Certes, cher collègue, ce phénomène a sans doute été accompagné par des spéculateurs, mais il est surtout lié aux données du marché.
De même, ce qui a fait grimper le cours du cacao, voilà quelques années, c’était la crise traversée par la Côte d’Ivoire, premier pays producteur.
M. Roland Courteau. Et le cours du cheval ? (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Ce qui fait monter le prix d’un produit, c’est l’arrêt brutal de son exportation et l’insuffisance de ce produit sur le marché.
Encore une fois, il est possible que les spéculateurs aient accompagné ce phénomène. Je rappelle cependant, même si je ne suis pas là pour les défendre (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), qu’il ne faut pas tout leur mettre sur le dos !
La troisième catégorie d’acteurs, dont on ne parle jamais, ce sont les arbitragistes. Nous sommes là au cœur de l’amendement !
Les arbitragistes, qui ne sont pas des spéculateurs, interviennent sur les marchés pour tenter de limiter le caractère erratique des cours. Par exemple, considérant qu’il existe un écart trop élevé, lié à l’augmentation des taux d’intérêt, entre les cours affichés du mois de décembre et ceux du mois de septembre de la même année, ils peuvent vendre les contrats portant sur décembre pour faire baisser les cours, et acheter des contrats portant sur septembre pour les faire monter.
Ce faisant, ils lissent les cours et introduisent de la fluidité dans le fonctionnement des marchés. L’action de ces intervenants, qui ont besoin de nombreux moyens et sont souvent soutenus par des banques, doit donc être considérée non comme spéculative, mais comme liée au marché.
Les amendements qui viennent d’être présentés tendent à autoriser les interventions sur les marchés de matières premières agricoles aux seuls professionnels appartenant à la première catégorie. Selon moi, c’est insuffisant, car nous avons aussi besoin des autres acteurs.
Je suis donc bien évidemment opposé à ces amendements, à l’instar de M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Il convient d’aborder ce sujet des marchés agricoles, qui est à fois extrêmement important et très complexe, avec une grande précision.
Chacun conviendra que les marchés des produits dérivés des matières premières agricoles sont utiles et nécessaires. (M. François Marc opine.) En effet, ils mettent en relation des producteurs, qu’il s’agisse d’agriculteurs ou d’industriels du secteur agroalimentaire ayant besoin de matières premières agricoles pour les transformer, avec des organismes financiers. Mes chers collègues, si vous ôtez l’un des deux éléments de ce système, celui-ci ne peut plus fonctionner, tout simplement parce que les organismes financiers prennent en charge la couverture des risques des producteurs. Cet élément tout à fait incontestable figure d'ailleurs dans l’excellent rapport publié par Oxfam, auquel je souscris.
Le problème, c’est qu’il y a également sur ces marchés, sur lesquels sont passées des opérations directement liées à l’économie réelle, c’est-à-dire à la production, des produits dérivés, et donc, inévitablement, des phénomènes spéculatifs.
Or il se trouve que, au cours des dernières années, les phénomènes purement spéculatifs, totalement déconnectés de toute contrepartie relevant de l’économie réelle, ont pris une énorme importance.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. Permettez-moi, à cet égard, de rectifier les chiffres cités par Laurence Rossignol. La répartition des transactions opérées sur ces marchés, dont elle a fait état – 65 % relevant des spéculateurs et 35 % des producteurs –, n’est pas exacte ; ces chiffres, qui figurent bien dans le rapport d’Oxfam, ne concernent en effet que les échanges de blé enregistrés à la bourse de commerce de Chicago et ne rendent pas compte de la situation française.
Sur le marché à terme international de France, le MATIF, les proportions sont inverses : 75 % des transactions concernent l’économie réelle, et seulement 25 % des opérations peuvent être qualifiées de spéculatives.
Cela dit, deux solutions se présentent à nous.
La première, celle qui est prévue au travers des amendements nos 199 rectifié bis et 228 rectifié, respectivement présentés par Laurence Rossignol et Jean Desessard, revient en fait à interdire aux acteurs financiers l’accès à ces marchés, qui ne pourront ainsi plus fonctionner. Leur fonctionnement suppose en effet la présence tout à la fois de producteurs et d’acteurs financiers qui acceptent de couvrir leurs risques.
La seconde solution, proposée dans les amendements à venir nos 230 rectifié de Jean Desessard et 140 rectifié bis, déposé par Yannick Botrel au nom de mon groupe et que défendra François Marc, permettra, en revanche, à ces marchés de continuer à fonctionner.
Il s’agit en effet de mieux connaître ces marchés et d’imposer aux banques un reporting extrêmement précis des transactions passées en leur sein, afin de faire le tri entre celles qui sont directement corrélées à l’économie réelle et les opérations spéculatives. Disposer de ces connaissances représenterait d’ores et déjà un très grand progrès.
M. Desessard propose, par ailleurs, et nous voterons bien sûr son amendement, d’introduire sur la base de ces données des limites de position aux acteurs financiers intervenant sur ces marchés.
En permettant à ces marchés de continuer à fonctionner, tout en les contrôlant, nous accomplirons un progrès tout à fait considérable. C’est d’ailleurs exactement la position défendue par Oxfam dans son rapport, que nombre d’entre vous ont dû lire, et dont vous me permettrez de citer un extrait : « Ces limites de position constituent un outil-clef qui permettrait de lutter efficacement contre la spéculation excessive et l’ultra-financiarisation des marchés dérivés de matières premières agricoles ».
La position défendue par Yannick Botrel et Jean Desessard au travers de leurs amendements respectifs est donc in fine la même que celle d’Oxfam, à laquelle je souscris.
J’appellerais donc à voter contre l’amendement n° 228 rectifié si Jean Desessard décidait de le maintenir.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous aurions intérêt à distinguer, d’une part, les échanges, voire la spéculation, portant sur des produits réels, qui supposent l’existence de véritables engagements, et, d’autre part, ceux qui concernent des produits dérivés, c’est-à-dire au départ des contrats d’assurance. Le problème commence quand on se met à échanger non plus des produits mais des contrats, et à spéculer sur ces derniers. Ce n’est pas exactement la même chose !
Peut-être pourrions-nous, dans un premier temps, car cela paraît assez facile, interdire la spéculation sur les contrats. Il paraît plus complexe, en revanche, d’empêcher les opérations de spéculation consistant à acheter au bon moment pour revendre à meilleur prix.
En effet, cette spéculation sur les matières premières, sur les produits agricoles, remonte à la nuit des temps. C’est même l’une des premières activités spéculatives de l’humanité. Limiter les prises de position, comme tendent à le prévoir certains des amendements à venir, paraît beaucoup plus difficile.
L’amendement que nous avions déposé visait, quant à lui, à interdire la spéculation sur les contrats eux-mêmes, c’est-à-dire sur les produits qui ne sont pas liés à une transaction portant sur des matières véritablement existantes.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Il existe incontestablement une relation entre les marchés financiers et les marchés physiques, qui sont tous indispensables.
Des dérives peuvent cependant se produire, ce qui peut poser problème, comme le montrent les quelques exemples que je vais citer.
Que des spéculateurs achètent en août la récolte de maïs 2012 qui n’est pas encore ramassée, passe encore ; on peut en effet considérer que cette opération n’est pas exempte d’une certaine vision. Toutefois, qu’ils achètent la récolte 2013, c’est ubuesque, et il faut bien entendu y mettre un terme !
Ces spéculateurs ont pour l'essentiel deux vices majeurs : d'une part, ils affaiblissent les producteurs au point de les étrangler ; d'autre part, ils accentuent le phénomène de la faim dans le monde.
Dans les pays pauvres, notamment, on a engagé les agriculteurs, qui représentent en général la majorité de la population, à délaisser les cultures vivrières pour se lancer dans des cultures spéculatives qui se retrouvent aux mains des spéculateurs. Résultat : ces populations nombreuses n'ont plus de revenus ou doivent se contenter de revenus très faibles et, dans le même temps, n’ont plus les cultures vivrières qui leur permettaient de s'alimenter.
Sur ce point, je serai très dur : la plupart de ces spéculateurs se comportent comme des criminels. Il faut tirer le signal d'alarme. Et si la représentation nationale ne le fait pas, qui le fera ?
Nous ne devons pas être la dupe d’un comportement respectable en apparence, d’une présentation irréprochable et d’un langage policé, encore que les spéculateurs ont souvent recours à un galimatias que nous ne comprenons guère.
Je le répète, nous avons le devoir d’alerter sur ces pratiques.