M. Philippe Kaltenbach. Point trop n’en faut ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce texte ne constitue pas une révolution, mais il traduit tout de même une volonté d’être plus dur à l’égard de ceux qui ont largement abusé du système auparavant. Le Gouvernement entend lutter résolument contre l’aléa moral ; j’insiste sur ce point : demain, qui a fauté paiera !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais non !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Qui a fauté paiera ! Ce que nous proposons, c’est de faire en sorte que les déposants ou les contribuables ne puissent pas être amenés à payer pour des fautes dont ils ne sont pas responsables : le présent texte permettra de se retourner vers les actionnaires et certains créanciers. C’est une avancée considérable.
Dans le même esprit, le Fonds de garantie des dépôts sera porté de 2 milliards à 10 milliards d’euros d’ici à cinq ans, les établissements de crédit eux-mêmes étant mis à contribution. C’est là une garantie supplémentaire, qui montre notre volonté de placer face à leurs responsabilités les établissements bancaires, leurs actionnaires et certains de leurs créanciers. Les déposants et les contribuables, c’est-à-dire les citoyens français, n’ont pas à payer pour le sauvetage d’une banque qui connaîtrait des difficultés. L’objet de ce projet de loi est précisément, monsieur Collombat, d’éviter autant que possible que le contribuable ne soit « tondu ».
Je souhaite remercier M. Bocquet de son intervention, en lui faisant cependant observer qu’il est assez normal que les pertes, en Europe, proviennent d’abord des banques universelles, puisque la plupart des banques de notre continent sont de ce type. Il faut d’ailleurs remarquer que, pour l’essentiel, les pertes ne sont pas liées aux activités de marché. Ainsi, les pertes colossales constatées en Irlande et en Espagne résultaient surtout de l’explosion d’une bulle immobilière. Je relève en outre que la phrase de Thomas Jefferson que vous citée et que j’ai moi-même reprise est tronquée…
MM. Arthuis et de Montesquiou trouvent « sidérants » les pouvoirs donnés à l’ACPR en matière de résolution. Le Gouvernement considère, pour sa part, qu’il est indispensable de lui conférer de tels pouvoirs non seulement pour répondre efficacement à l’urgence en cas de crise bancaire, mais également pour dissuader les acteurs d’adopter des comportements qui pourraient déboucher sur des situations de crise. Nous pensons que cela aurait pu permettre d’éviter les défaillances de Dexia et du Crédit immobilier de France. En tout état de cause, nous entendons prévenir ainsi la survenue, à l’avenir, de telles crises, dont on sait les graves conséquences, notamment en termes d’emploi.
Je remercie M. Baylet de ses propos et salue le travail en commun très fructueux accompli avec le groupe RDSE, qui a présenté de nombreux amendements.
La contribution du groupe écologiste n’a pas été moins décisive. M. Placé a eu raison de rappeler l’importance de la négociation en cours sur la directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF. Je tiens à le rassurer : la France est à l’avant-garde dans cette négociation, notamment sur le sujet, particulièrement sensible, des matières premières agricoles.
Monsieur de Montgolfier, vous avez souligné que la réforme Vickers, au Royaume-Uni, était issue de la City de Londres. Il est exact que cette réforme est inspirée, à bien des égards, par le souci de ne pas entraver le développement du rôle de Londres en tant que place financière mondiale.
De ce point de vue, parce qu’il opère une séparation fine entre les opérations spéculatives et les activités utiles à l’économie, le projet français est beaucoup plus ambitieux et pose les bases d’un débat avec nos amis Britanniques, qui refusent pour leur part de fixer la moindre règle pour définir et encadrer la « tenue de marché ». Tel n’est pas notre cas, puisque ce projet de loi tend à fixer, quant à lui, un cadre strict.
Je vous remercie par ailleurs, monsieur le sénateur, d’avoir bien voulu reconnaître que ce projet de loi comportait plusieurs avancées.
M. Bas, quant à lui, a émis davantage de réserves sur le texte, même si sa conclusion a été positive. Puisque nous venons de vivre une semaine « pontificale », je ferai observer que, parfois, sur les travées de l’UMP, certains sont très croyants, mais peu pratiquants en matière de lutte contre les dérives financières…
Dans ce domaine, nous avons essayé, pour notre part, de mettre nos actes en accord avec nos paroles, considérant qu’il fallait tirer toutes les conséquences de la crise financière plutôt que de s’en tenir à de grandes déclarations de principe.
Nous sommes donc passés aux actes en présentant ce texte. S’il n’est que de portée technique comme vous l’affirmez, monsieur Delattre, pourquoi ne l’avez-vous pas élaboré lorsque vous étiez aux affaires ? Vous savez bien, en réalité, qu’il a une dimension politique et engage une réforme structurelle de l’organisation du secteur bancaire français.
Mes remerciements vont aussi à M. Caffet et au groupe socialiste, qui ont accompli un travail de qualité, notamment en vue d’améliorer l’encadrement des garanties avec les hedge funds, celui des opérations sur les marchés de dérivés agricoles, la transparence des activités des banques et l’introduction d’un plafond spécifique pour les populations fragiles. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. Francis Delattre. Il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En tout cas, nous, nous avançons ! C’est ce qui nous distingue !
Monsieur Desessard, je sais votre sensibilité à la question de la spéculation sur les matières premières agricoles. L’un de vos amendements tend à permettre à l’AMF de fixer des limites aux positions prises par les opérateurs sur ces marchés. C’est une très bonne proposition, sur laquelle nous reviendrons lors de la discussion des articles.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le ministre !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marc, vous avez souligné l’équilibre de ce texte et insisté sur la nécessité d’agir selon un échéancier qui soit acceptable. Le calendrier prévu est objectivement de court terme. Nous avançons assez vite, en tout cas bien plus rapidement que les autres pays d’Europe et du monde. Je crois que nous pouvons nous enorgueillir de montrer la voie.
M. François Marc. La France est à l’honneur grâce à vous !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. On a beaucoup évoqué les réformes Vickers, Volcker et Liikanen ; je me réjouis, pour ma part, que l’on parle aujourd’hui en Europe de la réforme Moscovici comme d’une réforme qui a beaucoup fait avancer les choses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Je retiens les très intéressantes remarques de Mme Dini sur la nécessaire consolidation des instruments protégeant les consommateurs, qui doivent toujours pouvoir disposer de services bancaires de base.
M. Oudéa avait affirmé que le cantonnement prévu ne concernerait que 2 % des activités bancaires. Ce propos avait suscité de nombreuses réactions. En vérité, personne ne peut dire aujourd’hui ce que représente vraiment le cantonnement des activités spéculatives.
M. Pierre-Yves Collombat. On verra à l’usage !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Les chiffres évoqués sont ceux des banquiers. Or nous ne sommes pas certains que ces derniers aient la même définition des activités utiles à l’emploi et à l’investissement que le Gouvernement. Nous pensons donc qu’il nous faudra être très prudents dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous dotons l’ACPR, le régulateur, de pouvoirs très étendus pour séparer le bon grain de l’ivraie. Cela prend du temps, mais nous voulons avancer dans cette voie.
Il est vrai, par ailleurs, que les banques françaises ont très fortement réduit leurs activités risquées depuis la crise, en raison même du risque qu’elles présentent et des pertes qu’elles ont entraînées. En 2006, ces activités pouvaient toutefois représenter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires des activités de marché. Leur cantonnement potentiel est donc loin de constituer une mesure homéopathique ; il anticipe, au contraire, l’évolution d’un certain nombre de pratiques spéculatives contre lesquelles nous voulons lutter, et qui ont été longuement décrites par Mme Lienemann.
En conclusion, je me réjouis de la qualité de ce débat et de l’esprit d’ouverture manifesté par l’ensemble des groupes à l’égard de ce texte, que certains souhaitent muscler, d’autres améliorer, enrichir ou clarifier. L’exigence d’une meilleure régulation de la finance, d’une lutte contre les dérives financières et d’un meilleur contrôle préventif des risques systémiques doit fonder un rassemblement au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
TITRE IER
SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES
Article additionnel avant l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 170 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi ne peuvent avoir pour conséquence d'instituer des contraintes plus exigeantes que celles en vigueur en droit européen. Les commissions des affaires européennes des assemblées parlementaires sont compétentes pour alerter le Gouvernement sur toute violation de ce principe.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Il s’agit d’un amendement de principe.
Le texte qui nous est soumis va dans un sens que nous approuvons tous, celui d’une meilleure réglementation du secteur bancaire à travers le cantonnement des activités à risque dans des filiales identifiées. Pour autant, l’un des biais majeurs de son dispositif est qu’il s’inscrit à contretemps du travail actuellement réalisé par l’Union européenne et ses États membres, ainsi que par les États-Unis.
Au plan européen, deux initiatives majeures méritent d’être rappelées.
Tout d’abord, la directive CRD IV, en cours de préparation, aura vocation à achever la mise en œuvre des accords de Bâle III, qui posent des exigences accrues en termes de fonds propres pour les banques et risquent donc de limiter leur capacité de crédit. Par ailleurs, l’élaboration de l’Union bancaire européenne permettra, à terme, à la Banque centrale européenne de centraliser la supervision des banques continentales.
Quelle est la réaction de nos partenaires européens ? Ils attendent, parce qu’une action unilatérale et non concertée aura nécessairement des conséquences lourdes à court terme sur la rentabilité des groupes bancaires et à moyen terme sur les équilibres concurrentiels qui existent entre les banques.
Nous ne pouvons pas jouer notre partition plus rapidement que l’Europe, sous peine de placer nos banques dans des situations de fragilité économique qui auront forcément un impact social. Je le répète, les banques sont des entreprises et, comme toutes les entreprises, elles souffrent du climat économique ambiant. Le secteur bancaire français a perdu, entre 2011 et 2012, près de 7 000 emplois potentiels du seul fait de la chute de rentabilité des activités de détail.
Cet amendement a donc pour objet d’articuler les dispositions du texte avec le droit européen à venir, en introduisant le principe selon lequel le droit français en la matière ne saurait créer des exigences plus contraignantes que les standards continentaux en vigueur. Respecter un tel principe nous permettrait de prendre le temps de mettre en œuvre cette réforme structurelle attendue sans compromettre l’avenir, notamment l’avenir européen du secteur bancaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Le présent amendement vise à poser le principe selon lequel la loi nationale française ne saurait être applicable si elle institue des contraintes plus exigeantes que la législation européenne en vigueur.
Cet amendement m’a laissé quelque peu perplexe…
M. Jean-Pierre Caffet. Pour le moins !
M. Richard Yung, rapporteur. Tout d’abord, il fait référence à une période transitoire, que l’on peine à déterminer.
Ensuite, selon vous, mon cher collègue, la France ne devrait rien faire et se borner à attendre que l’Union européenne légifère. Or, dans le même domaine, les Allemands en sont à leur troisième loi, et les Britanniques à leur deuxième ! Et nous devrions nous contenter de regarder les trains traverser le tunnel sous la Manche ? Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une bonne approche.
Enfin, je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait être mis en œuvre et devenir opérationnel.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je comprends l’attachement du groupe UDI-UC à la législation européenne, mais il est reconnu que celle-ci prime de toute façon sur la législation interne des États membres. Je ne comprends donc pas très bien le sens de cet amendement, qui me semble superfétatoire.
S’il s’agit de viser l’articulation de notre droit avec les suites qui pourraient être données au rapport Liikanen, je ferai remarquer que nous nous sommes calés sur la directive CRD IV. Il y a d’ailleurs une concordance de calendriers. Ne manque plus que l’adoption formelle de la directive, qui interviendra avant l’été. Nous sommes donc bien en phase, et il ne nous est pas interdit d’être précurseurs par rapport au futur droit européen.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur, vous n’entendez pas ce que je dis. De fait, les Allemands ont déjà élaboré trois lois et les Britanniques deux, mais ce que craignent les membres du groupe UDI-UC, c’est que le décalage entre la législation que nous mettons en place et l’action de l’Union européenne ne crée un handicap pour nos banques. Je pense qu’une coordination est tout à fait souhaitable, et je suis certain que vous ne vous élèverez pas contre cette idée. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour ma part, je suis non pas perplexe, mais bluffé par cet amendement !
En somme, la France, qui n'avait déjà absolument plus aucun pouvoir en matière de politique monétaire, et pratiquement plus aucun en matière budgétaire depuis l’entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ne devrait également plus en avoir en matière de régulation des banques, au motif qu’il ne faudrait surtout pas créer un handicap concurrentiel pour nos banques ! Tel est l’objectif visé au travers de cet amendement : la question n’est pas de sécuriser le système bancaire, pourtant particulièrement fragile ! Le monde peut bien s'écrouler à cause d'une faillite majeure du système bancaire – ce n'est pas une simple vue de l'esprit –, la seule préoccupation de nos collègues est de sauvegarder la compétitivité des banques françaises ! Cet objectif ne me paraissant pas du tout prioritaire, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai contre cet amendement, qui m’étonne moi aussi.
Nous avions discuté de ce sujet lors de la réunion du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale et M. Arthuis avait alors souhaité que des mesures soient prises contre les dérives des banques et de certains de leurs dirigeants.
À l’heure où chaque pays fait des propositions en la matière, il est intéressant que la France tienne toute sa place et joue un rôle moteur. On sait très bien que les initiatives nationales facilitent l’émergence de mesures à l’échelon européen.
Je comprends très bien la perplexité du rapporteur : à vous entendre, monsieur de Montesquiou, ce texte entravera l'activité des banques. Or il s’agit simplement de lutter contre les dérives en matière de spéculation, objectif qui est partagé par votre groupe, comme M. Arthuis l'a expliqué à maintes reprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Je commencerai par souligner un paradoxe : au cours de la discussion générale, M. Arthuis a traité les signataires du pacte de stabilité et de croissance de menteurs et de tricheurs ; or, à peine entamons-nous la discussion des articles qu’il nous demande, au travers de cet amendement, de nous en remettre à eux !
Au-delà, je considère que cet amendement pose véritablement problème au regard de la souveraineté nationale. Je ne reprendrai pas les excellents propos de Mme la ministre sur la hiérarchie des normes juridiques : il va de soi que le droit européen prévaut sur le droit national. Pour autant, en quoi les négociations actuellement en cours à l’échelon européen empêcheraient-elles le Parlement français de prendre des dispositions qui ne sont d’ailleurs pas en contradiction avec celles qui sont envisagées au sein des instances européennes ?
Enfin, monsieur de Montesquiou, le principe sur lequel vous vous fondez pourrait s'appliquer à tout projet de loi. Aurait-il fallu l’invoquer, par exemple, quand le Gouvernement a présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2013 instaurant le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ?
Pour ces raisons de fond, cet amendement ne nous semble pas acceptable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur. Je souhaite apporter un élément de réponse à l'une des craintes exprimées par M. de Montesquiou.
Dans le cadre des travaux de la commission des finances, nous nous sommes rendus à Londres et à Berlin. J'ai été frappé par le fait que, manifestement, les échanges entre gouvernements sont intenses, et surtout par la forte convergence des réformes mises en œuvre.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Richard Yung, rapporteur. En particulier, l'autorité prudentielle britannique est tout à fait proche de l’ACPR.
Par conséquent, je n'imagine pas que ce texte puisse pénaliser le système bancaire français.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er A
(Non modifié)
Avant le 30 juin 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l’impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Cet article liminaire, de portée quasiment déclarative, appelle quelques observations de notre part. Si l’on en croit ses termes, il s’agit d’analyser la compétitivité de notre secteur financier et bancaire au regard de la concurrence, prioritairement américaine et européenne.
C’est cette sorte d’ethnocentrisme économique qu’il nous faudrait éviter à l’avenir. Les marchés financiers n’ont pas forcément de visage et constituent l’ennemi dont tout gouvernement devrait se méfier. Le fait est qu’ils ont connu, ces dernières années, une évolution sensible. Nous avons ainsi vu apparaître de nouveaux acteurs, les fonds souverains, émanations de certaines monarchies du Golfe ou de pays émergents dont les capacités financières sont parfois largement aussi importantes que celles de certaines banques privées européennes.
Le milieu bancaire connaît aussi d’autres acteurs, singulièrement dans les pays émergents. En 2011, parmi les cinquante premières banques mondiales en termes de résultat net, on trouvait treize banques chinoises, quatre banques brésiliennes, deux banques russes, une banque hongkongaise et un établissement singapourien. Ajoutons-y, pour faire bonne mesure, trois banques japonaises et quatre banques australiennes : nous sommes face à un paysage financier et bancaire international quelque peu polycentrique. De surcroît, toujours en 2011, les quatre premières banques au monde étaient chinoises ; la présence de ces établissements parmi les cinquante principales banques mondiales est particulièrement significative.
La France n’a sans doute pas à rougir de la douzième position qu’occupe le groupe BNP-Paribas dans ce classement, même si son résultat s’est affaissé en 2012. Si le total de bilan est important – pratiquement 2 000 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB marchand de la France –, la capitalisation du groupe – environ 85 milliards d’euros – est considérée comme insuffisante. Cela étant, la question de la compétitivité de nos établissements de crédit est problématique ; il faut d’abord savoir ce que l’on entend par compétitivité.
Nous pouvons attendre du rapport prévu par ce projet de loi qu’il nous permette de faire le tri entre les activités spéculatives et les activités dites « utiles » de nos établissements de crédit : utiles du point de vue de ce que l’on appelle un peu abusivement l’« économie réelle », alors même que, dans le système libéral, la réalité économique recouvre aussi l’industrie et l’activité financières.
Il me semble que l’utilité de notre secteur financier se mesurera pleinement à l’aune de l’implication de celui-ci dans le développement de l’activité, dans la croissance économique, dans le recul tant attendu de notre taux de chômage et de la précarité de l’emploi.
L’objectif n’est pas forcément que nos banques n’aient pas à rougir de la comparaison avec les établissements de crédit américains, qui vont se voir appliquer la Volcker Rule, ou avec les banques britanniques, qui devront prendre en compte les recommandations du dispositif Vickers ; l’essentiel est qu’elles deviennent ou redeviennent les partenaires de l’essor économique, de l’activité, de la croissance des entreprises, des projets des ménages salariés.
Nous attendons de nos banques qu’elles rendent à nouveau le service qu’en attendent les entreprises et les citoyens dans une économie moderne : rien de plus, rien de moins.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
1° Remplacer la date :
30 juin
par la date :
31 décembre
2° Compléter cet article par les mots :
ainsi que sur les impacts du Titre Ier de la présente loi, en particulier quant aux tailles des filiales créées et aux effets sur les volumes de trading haute fréquence, des prêts aux organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, et des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le rapport prévu à l’article 1er A ne portera que sur l’impact de la réforme sur la compétitivité du secteur bancaire français. Pourtant, cela ne correspond pas a priori à l’objet du texte, qui est de sécuriser le système bancaire national en limitant et en contrôlant certaines de ses activités.
L’étude d’impact du projet de loi est particulièrement discrète sur ce chapitre, particulièrement en matière de données chiffrées. L’argument selon lequel, « dans le cadre de la présente étude d’impact, il est malheureusement impossible, compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires, d’exposer les ordres de grandeur correspondant à la taille de l’éventuelle filiale pro forma » est particulièrement étonnant, puisque cela aboutit à faire passer le secret bancaire avant l’information du Parlement.
Par ailleurs, les résultats de la mise en œuvre du texte dépendront largement de décisions laissées à l’appréciation du ministre de l’économie et des finances : définition du seuil d’activité au-delà duquel la tenue de marché des établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes est interdite ; qualification des instruments de couverture entrant dans le champ d’activité de ces établissements et des prêts accordés aux hedge funds.
Le niveau réel de sécurisation des déposants et du contribuable apporté par la filialisation des activités de marché des banques universelles dépendant de ces décisions ou de l’absence de décisions, on peut s’étonner que le rapport prévu ait pour unique vocation d’apprécier l’impact de l’application de la loi sur « la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens ». C’est à croire que l’objectif est de protéger non pas l’État, les déposants et les contribuables, mais le chiffre d’affaires des banques universelles.
Le Parlement n’ayant pas bénéficié d’une information complète avant le vote de la loi et les effets des dispositions prévues dépendant de l’usage qui en sera fait, cet amendement tend à reporter la date prévue pour la remise du rapport, afin que cette information puisse au moins être délivrée ultérieurement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain, Chastan et Teulade, Mme Rossignol, M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Remplacer la date :
30 juin
par la date :
31 décembre
II. – Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes des opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a un double objet.
Tout d’abord, il vise à repousser la date de remise du rapport au 31 décembre 2014. En effet, le dispositif commencera à s’appliquer à compter du 30 juin 2014, et il convient donc de se donner un peu de recul.
Par ailleurs, l’amendement tend à élargir le champ du rapport, en précisant que devront y être étudiées les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes d'opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles. Il s’agit de pouvoir bien mesurer l’importance de ces filiales et déterminer si le cadre défini par le texte est pleinement satisfaisant. L’État et le Parlement seront ainsi mieux éclairés sur l'efficacité de la filialisation.