Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine, M. Jacques Gillot.
2. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
3. Dépôt d’un rapport du Gouvernement
4. Communications du Conseil constitutionnel
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Micronésie
6. Séparation et régulation des activités bancaires. – Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Richard Yung, rapporteur de la commission des lois ; Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois.
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
MM. Éric Bocquet, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet.
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
M. Jean-Vincent Placé, Albéric de Montgolfier, Jean-Pierre Caffet, Aymeri de Montesquiou, Pierre-Yves Collombat, Jean Desessard, Philippe Bas, François Marc, Mme Muguette Dini, M. Francis Delattre, Mmes Frédérique Espagnac, Marie-Noëlle Lienemann.
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article 1er A
Amendement n° 170 rectifié bis de M. Jean Arthuis. – MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur ; MM. Pierre-Yves Collombat, Jean Desessard, Jean-Pierre Caffet. – Rejet.
M. Éric Bocquet.
Amendement n° 35 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
Amendements identiques nos 136 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann et 218 rectifié de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Jean Desessard.
M. le rapporteur, Mme Nicole Bricq, ministre. – Rejet de l’amendement n° 35 rectifié ; adoption des amendements identiques nos 136 rectifié bis et 218 rectifié.
Adoption de l’article modifié.
MM. Roland Courteau, Éric Bocquet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
8. Désignation d'une sénatrice en mission temporaire
9. Communications du Conseil constitutionnel
10. Séparation et régulation des activités bancaires. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
MM. Pierre-Yves Collombat, François Fortassin, Jean-Pierre Caffet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 69 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 70 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 219 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 71 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 72 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 78 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 73 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendements identiques nos 37 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat et 220 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Pierre-Yves Collombat, Jean Desessard.
Amendement n° 74 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 80 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 208 de M. Philippe Marini. – M. Philippe Marini.
Amendement n° 223 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 110 de M. Philippe Bas. – M. Philippe Bas.
Amendement n° 225 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 224 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 75 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 115 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendement n° 114 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendements identiques nos 164 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol et 222 de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Laurence Rossignol, M. Jean Desessard.
Amendement n° 138 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet. – M. Jean-Pierre Caffet.
Amendement n° 113 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendement n° 38 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 221 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 40 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat.
Amendements nos 76 et 77 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances ; Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur ; MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Pierre-Yves Collombat, Jean Desessard, André Reichardt. – Rejet des amendements nos 36 rectifié, 70, 219, 71, 72, 78, 73, 37 rectifié, 220, 74 et 80 ; adoption de l’amendement n° 69.
M. Philippe Marini. – Rejet des amendements nos 208, 110 et 75 ; retrait des amendements nos 223, 225 et 224.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait des amendements nos 115 rectifié et 114 rectifié.
Mme Laurence Rossignol. – Retrait de l’amendement n° 164 rectifié bis ; rejet de l’amendement n° 222.
MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Caffet, Philippe Marini. – Adoption de l’amendement n° 138 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait de l’amendement n° 113 rectifié bis ; rejet des amendements nos 38 rectifié, 221, 40 rectifié, 76 et 77.
Amendement n° 39 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 116 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Pierre-Yves Collombat. – Retrait des amendements nos 39 rectifié et 116 rectifié.
Amendement n° 68 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendements nos 226 et 227 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.
Amendement n° 41 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 81 de M. Éric Bocquet. – M. Thierry Foucaud.
Amendement n° 117 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Amendement n° 42 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Thierry Foucaud, Jean Desessard. – Rejet de l’amendement n° 68 ; retrait des amendements nos 226 et 227.
MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur. – Retrait de l’amendement n° 42 rectifié ; rejet des amendements nos 41 rectifié et 81.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait de l’amendement n° 117 rectifié.
Amendement n° 139 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Jean Desessard. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, deuxième alinéa, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 20 février 2013.
3
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé établi en application de l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.
4
Communications du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’une portant sur les articles L. 3123-1, L. 3123-2 et L. 3124-9 du code des transports (transports publics particuliers) (2013-318 QPC), et l’autre portant sur l’alinéa 6 de l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 (diffamation et liberté de la presse) (2013-319 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Micronésie
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de parlementaires des États fédérés de Micronésie (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.), conduite par le président du Congrès micronésien, M. Isaac Figir, pour leur première visite officielle en France, à l’invitation du groupe d’amitié France-Vanuatu-Îles du Pacifique et de son président, M. Jean-Pierre Demerliat.
Le programme de cette visite porte sur la coopération en matière d’énergies renouvelables et d’action culturelle, ainsi que sur les perspectives de développement des actions bilatérales concernant la politique de la pêche et l’adaptation au changement climatique.
Nous leur souhaitons de fructueux échanges ainsi qu’un excellent séjour parmi nous ! (Applaudissements.)
6
Séparation et régulation des activités bancaires
Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (projet n° 365, texte de la commission n° 423, rapport n° 422, avis nos 427 et 428).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, reprendre la main par rapport aux dérives de la finance, répondre avec précision aux causes profondes de la crise financière qui a ébranlé les économies occidentales, renforcer le contrôle politique et démocratique d’un secteur qui fait depuis, soyons-en conscients, l’objet d’une défiance certaine, telle est l’ambition du projet de loi qui est soumis à votre examen, tel est le sens de cet effort affirmé et assumé de régulation, de moralisation et de contrôle que nous menons ensemble.
Je suis fier, mesdames, messieurs les sénateurs, de présenter ce projet de loi devant vous, après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale à une large majorité, dépassant les frontières habituelles de notre vie politique. Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents par votre commission des finances, qui l’a enrichi et amélioré. Je vois dans cette unanimité un excellent présage pour la qualité à venir de nos débats. Je les aborde, comme à l’accoutumée, avec un état d’esprit ouvert aux propositions de la Haute Assemblée.
Après la crise financière de 2008, le monde de la finance ne pouvait continuer à fonctionner à l’identique et nos concitoyens ne nous pardonneraient pas notre inaction. C’est la raison pour laquelle le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires se fonde sur une analyse à la fois précise et sans complaisance des causes de cette crise. Ces causes, il faut, bien sûr, les rechercher avant tout dans la crise de l’endettement, mais aussi dans le manque de régulation de la finance, avec ses effets sur le secteur bancaire. C’est justement ce qui a mis le feu aux poudres !
Plus précisément, la déflagration de 2008 a été provoquée par la conjonction de trois facteurs : d’abord, une mauvaise compréhension et une mauvaise gestion des risques, liées à la complexité et au manque de transparence des acteurs financiers ; ensuite, des incitations perverses pour les acteurs de la finance, largement liées à ce que l’on appelle « l’aléa moral », dû au fait que les États garantissent in fine les risques excessifs pris par les banques ; enfin, une approche de la régulation trop axée sur les comportements individuels et qui ne prenait pas en compte les déséquilibres globaux du système financier.
L’objet de ce projet de loi est simple : il consiste à répondre, point par point, à chacune de ces défaillances pour écrire et décrire un avenir différent. Ce texte vient donc réformer durablement le secteur, autour de trois grandes lignes de force.
Premièrement, il s’attaque aux activités spéculatives des banques – notamment en matérialisant l’engagement du Président de la République, François Hollande, de « séparer les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ».
Deuxièmement, la réforme protège les dépôts des épargnants, mais aussi les contribuables dont l’argent ne doit plus être le premier mis à contribution pour sauver un établissement par hypothèse en faillite.
Troisièmement, il s’agit d’instaurer un contrôle efficace et préventif des risques au sein des banques et, plus largement, pour le système financier dans son ensemble.
J’ajoute une quatrième dimension plus concrète, à laquelle je suis personnellement très attaché, davantage tournée vers les consommateurs. Elle permettra de renforcer la protection des clients, à commencer par celle des clients les plus fragiles. Elle répond à une attente forte de nos concitoyens qui ont eu – et ont encore – le sentiment que l’État se préoccupait jusqu’alors davantage des banques que de leur propre sort.
Laissez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, revenir un peu plus en détail sur chacun de ces points.
Tout d’abord, le projet de loi sépare les activités utiles au financement de l’économie et à l’emploi des activités spéculatives des banques en changeant à la fois – et j’y insiste – les structures et les comportements.
Pour ce faire, le texte introduit une isolation stricte – chacun a sa formule, j’ai parlé, pour ma part, de « mise en quarantaine » – des activités spéculatives que la banque mène pour compte propre, c’est-à-dire avec son propre bilan, en mettant en risque les dépôts de ses clients.
Les banques devront, à l’avenir, après l’entrée en vigueur de cette loi, créer une filiale ad hoc soumise à une réglementation prudentielle stricte et isoler dans cette filiale ces activités spéculatives. Ce point, qui peut paraître technique, est tout à fait essentiel. Concrètement, même en cas de difficultés, même en cas de faillite, la maison mère ne pourra pas financer davantage sa filiale, quitte à la condamner.
Dans la lignée des travaux de l’Assemblée nationale, qui avait déjà « électrisé » – j’emploie des guillemets, car c’est le mot qui a été utilisé – la barrière entre la filiale et sa maison mère, la commission des finances du Sénat a adopté plusieurs amendements pour renforcer davantage encore ce cantonnement afin de rendre les choses encore plus claires, en vue d’éviter certains contournements potentiels. Aujourd’hui, je peux le dire, les dispositions relatives à la filialisation sont très solides.
Si le texte choisit d’isoler spécifiquement ces activités, c’est pour la simple raison qu’elles ont concentré le gros de pertes essuyées par les banques françaises sur les marchés pendant la crise. Le cantonnement va donc protéger à la fois la maison mère et ses clients et empêcher que les activités pour compte propre ne retrouvent leur niveau d’avant la crise, lorsque celles-ci menaçaient la stabilité financière.
Quant aux activités qui ne seront pas cantonnées dans la filiale, elles ne seront évidemment pas, pour autant, laissées sans surveillance. Au contraire, elles feront l’objet d’un encadrement très précis, d’une surveillance étroite de la part d’une nouvelle autorité, l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, qui existe déjà, mais à laquelle on ajoute le « r » de « résolution », pour en faire l’ACPR. Au total, l’ensemble des activités que les banques mènent sur le marché financier seront, à l’avenir, soumises à des règles strictes et à un contrôle étroit.
Ce projet de loi, vous le savez, ne vise pas à séparer les banques d’investissement des banques commerciales. Il a pour objet de séparer non les structures mais les activités.
J’ai déjà exposé le fondement de cette approche. Je n’y reviendrai donc pas longuement, mais je veux toutefois en dire quelques mots. Si j’avais estimé que couper les banques en deux pouvait permettre d’une quelconque manière de répondre aux causes profondes de la crise, je l’aurais fait. J’ai acquis la conviction que tel n’était pas le cas, à l’occasion des consultations que j’ai engagées avec les représentants des banques, bien sûr, mais aussi des usagers, des consommateurs et des organisations syndicales de cette industrie qui emploie tout de même, nous ne devons pas l’oublier, 400 000 personnes en France.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il n’est pas dans notre intérêt, j’en suis persuadé, de créer ou recréer aujourd’hui, trente ans après, une césure entre des banques de dépôt affaiblies, car privées d’accès aux marchés, et des banques d’affaires françaises moins puissantes que les grands acteurs anglo-saxons, tels Goldman Sachs ou Morgan Stanley, qui, quelles que soient leurs vertus, ne sauraient être des modèles pour nous.
MM. Philippe Marini et Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai donc fait le choix, que j’assume devant vous, de ne pas retenir, au nom de la pureté des formes, une option qui, j’en suis persuadé, aurait risqué de mettre en danger le financement de nos entreprises – c’est une préoccupation que nous devons tous avoir ! –, sans pour autant traiter les causes de la crise.
J’ai la conviction, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce projet de loi est à la fois radical (Sourires.) et réaliste, et que c’est ainsi qu’il faut le concevoir. Quand je dis radical, je ne me situe pas sur le plan de la géographie politique, mais à la racine des problèmes...
M. Jean Desessard. Cela viendra... (Sourires.)
M. Pierre Moscovici, ministre. Cela dit, il y avait un curseur à placer, une fermeté à marquer, et j’ai recherché sur ce point le juste équilibre, en bonne entente avec la représentation nationale. La spéculation peut parfois, on le sait, se dissimuler dans les activités dites de « tenue de marché ». C’est pourquoi l’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin que la rédaction initiale du projet de loi, pour « donner la main » au politique. Je tiens ici à saluer le travail des députés, dont les apports ont été décisifs : ils ont permis de renforcer la séparation des opérations spéculatives des banques de leurs activités utiles à l’économie réelle, autour d’un mécanisme à la fois précis et souple.
Le texte prévoit aussi d’encadrer l’activité de tenue de marché en la définissant strictement, pour que les banques ne puissent y dissimuler des opérations spéculatives. Il donne également au ministre de l’économie et des finances le pouvoir de limiter le montant des opérations de tenue de marché conservées dans la banque.
En permettant de la sorte au Gouvernement d’élargir le périmètre des filiales dans lesquelles seront cantonnées les activités spéculatives ou les activités pour compte propre des banques, et en donnant au ministre – je parle de manière générique – le pouvoir de fixer un seuil à partir duquel les activités de tenue de marché qui dépassent ledit seuil devront être filialisées, le texte vient donc garantir que le régulateur pourra s’adapter aux évolutions de la spéculation, sans peser à l’excès sur le financement de l’économie. Si le politique en décide, et notamment si une spéculation exubérante devait reprendre demain, les filiales pourraient ainsi devenir plus importantes.
Vous avez pu entendre, ici ou là, annoncer des chiffres sur la taille des filiales au regard du produit bancaire. En réalité, il ne faut pas s’attarder sur un chiffre statique, mais bien comprendre la dynamique qui est au cœur de ce texte.
Le projet de loi ne vise pas seulement à changer les structures. Il veut aussi, et d’abord, peser sur les comportements ; c’est une autre de ses innovations majeures. De ce point de vue, les dispositions relatives à la « résolution » des banques en difficulté sont un complément indispensable du volet « séparation ».
Le projet de loi s’attaque en effet directement à « l’aléa moral » qui existe aujourd’hui dans les banques, qui est l’une des causes essentielles de la crise et qui a particulièrement choqué nos citoyens.
M. François Marc. C’est vrai !
M. Pierre Moscovici, ministre. Souvenons-nous de 2008 : des États ont été contraints d’intervenir avec l’argent des contribuables pour empêcher des faillites de banques, parce que celles-ci auraient eu des conséquences désastreuses pour l’économie.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Pierre Moscovici, ministre. Ces banques avaient pris des risques excessifs, anticipant qu’en cas de banqueroute, l’État viendrait à la rescousse. Dès lors qu’il n’y a pas de risque, il est facile de se décharger de ses responsabilités.
Il est essentiel de désamorcer ce mécanisme qui non seulement est évidemment amoral, mais conduit aussi à maximiser la prise de risque, précisément parce que les spéculateurs savent que, in fine, ils ne seront pas les payeurs.
Je résumerai donc le volet « résolution » du projet de loi, qui, je le crois, fait l’unanimité sur toutes les travées, par la formule « qui faute, paie », en ajoutant : « qui faute ne doit plus pouvoir décider ».
Le projet de loi prévoit tout d’abord de doter le superviseur bancaire, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, de vrais pouvoirs d’intervention dans la structure et le fonctionnement de la banque. L’objectif est de protéger les déposants et les contribuables en renforçant la capacité d’intervention des autorités publiques, qui doivent pouvoir « prendre la main » lorsque c’est nécessaire.
Surtout, et c’est fondamental, il prévoit que cette nouvelle autorité puisse d’abord faire peser les pertes d’une banque sur ses actionnaires et sur certains créanciers, plutôt que sur les épargnants ou les contribuables.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. Comme l’aléa moral joue en faveur des dirigeants, le texte prévoit que l’ACPR puisse les révoquer lorsque leur banque connaît des difficultés. Croyez-moi, cela pourra être utile dans bien des circonstances !
Enfin, il existe un troisième « rempart » entre la faillite d’une banque et les dépôts des épargnants ou l’argent du contribuable, c’est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Le texte prévoit que le secteur bancaire lui-même soit sollicité en cas de défaillance d’une banque après que les actionnaires et les créanciers auront été appelés.
Le Fonds de garantie des dépôts qui existe aujourd’hui, et dont je rappelle qu’il est abondé par les établissements financiers, verra à la fois ses missions et ses moyens élargis, puisque le projet de loi prévoit de le faire grossir progressivement d’environ cinq fois sa taille actuelle, de 2 milliards d’euros à 10 milliards d’euros d’ici à 2020. C’est une garantie supplémentaire donnée aux clients de la banque et aux contribuables qu’ils ne seront appelés qu’en tout dernier ressort.
Avec ces deux armes, la séparation et la résolution, nous nous donnons les moyens de lutter contre la spéculation, de réduire l’aléa moral et de protéger les dépôts et l’argent du contribuable. Nous nous donnons ainsi les moyens de moraliser certaines des pratiques du secteur.
Le deuxième axe fort de ce projet de loi concerne le contrôle efficace et préventif des risques.
Je le disais au début de mon intervention, la régulation portait jusqu’à présent trop sur les situations individuelles et pas assez sur les risques d’ensemble, ce qu’on appelle « le risque systémique ». Le manque de supervision des risques encourus par le système pris dans son ensemble, dans sa globalité, a été l’une des causes de la crise. Il y avait donc un vrai travail à faire pour renforcer la prévention et le contrôle, et le texte propose un ensemble très complet de dispositions dans cette optique.
Tout d’abord, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution voit ses structures et ses compétences en matière de contrôle renforcées. Le texte prévoit ainsi que chaque établissement bancaire prépare un « plan préventif de résolution », appelé dans le jargon un « testament » bancaire, pour faciliter l’intervention du superviseur en cas de risque de défaut. La commission des finances du Sénat a d’ailleurs proposé, à juste titre, de compléter ce dispositif en prévoyant notamment la mise à jour des plans préventifs de rétablissement et de résolution. L’ACPR pourra donc exiger « à froid » d’une banque dont l’organisation serait trop complexe toutes les modifications de sa structure qui permettraient de faciliter son intervention en cas de problème, par exemple en l’obligeant à filialiser certaines activités.
Ensuite, le projet de loi crée une nouvelle autorité, le Haut Conseil de stabilité financière, le HCSF, avec une double mission : la prévention et la surveillance des risques systémiques.
Ce Haut Conseil aura des pouvoirs d’intervention réels, juridiquement contraignants, ce qui n’est pas le cas de l’instance actuelle qu’il viendra remplacer, le Conseil de régulation financière et du risque systémique, le COREFRIS. Il pourra par exemple imposer aux établissements de crédit des exigences de fonds propres supplémentaires, ce qui permettra d’amortir les effets de la conjoncture sur l’offre de crédit, ou d’encadrer la politique d’octroi de crédit des banques, avec cette fois pour objectif d’éviter l’apparition de bulles spéculatives.
Autre mesure importante du projet de loi : l’ACPR pourra purement et simplement interdire à un établissement des activités présentant des risques excessifs, soit pour lui-même, soit pour le reste du système bancaire et financier.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ces pouvoirs renforcés vont considérablement accroître et améliorer la régulation du système financier. Croyez-moi, j’ai souvent regretté que les autorités publiques ne puissent pas en disposer depuis dix mois, quand il m’a fallu traiter des sinistres financiers comme celui de Dexia ou du Crédit immobilier de France. Si tel avait été le cas – je vous incite à réfléchir non pas seulement à ces situations précises, mais aussi à d’autres qui ont pu se produire ou pourraient se reproduire ! –, les pouvoirs publics auraient été plus tôt en mesure d’inciter les dirigeants à adopter un comportement plus responsable, ou bien, le cas échéant, de les changer, ce qui n’était alors pas possible. Nous aurions ainsi évité bien des difficultés.
Je sais à quel point nombre de sénateurs sont attachés à la situation de ces établissements financiers et de leurs personnels. L’étant autant qu’eux, je suis heureux que nous puissions disposer à l’avenir, si de telles situations venaient à se reproduire, de ces outils.
Soyons conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces sujets ne sont pas seulement nationaux ; ils sont aussi, et peut-être d’abord, européens. Nombre d’entre eux sont ainsi examinés en parallèle, à Bruxelles, en particulier dans le cadre de la renégociation des règles européennes sur les exigences de fonds propres et sur les marchés financiers. Je pense au trading à haute fréquence, par exemple, mais surtout aux avancées récentes, sous impulsion française notamment, en matière de rémunérations dans le secteur financier – les « bonus » des traders dont les montants ont, dans le passé, interpellé nos concitoyens –, ou encore en matière de transparence sur les activités des banques dans les paradis fiscaux.
Si elles restent à confirmer – et il faut se battre pour cela ! –, ces avancées européennes viennent, je crois, valider notre stratégie et les choix que le Gouvernement vous propose dans ce projet de loi.
Enfin, je veux dire un mot du dernier grand axe structurant de ce projet de loi, la protection des clients, en particulier les plus fragiles. Sans entrer ici dans le détail, je veux mettre en lumière trois avancées du projet de loi.
Tout d’abord, le texte propose un plafonnement des « commissions d’intervention », c’est-à-dire ces commissions que les banques prélèvent à un client quand son compte fonctionne de manière irrégulière, par exemple quand la banque autorise le paiement d’un chèque sans provision.
Ensuite, les banques auront également l’obligation d’offrir aux clients les plus fragiles des moyens de paiement adaptés à leur situation et permettant notamment de prévenir les incidents.
Enfin, et c’est un apport de la discussion devant l’Assemblée nationale, plusieurs mesures ont été adoptées pour renforcer la transparence des frais bancaires et permettre une information préalable des clients avant que ces frais ne soient prélevés.
Le texte comporte aussi des dispositions pour accroître la transparence et la concurrence dans le domaine de l’assurance emprunteur, cette assurance que la banque exige, dans les faits, quand un client contracte un crédit immobilier, par exemple : elles permettront de dégager du pouvoir d’achat pour les ménages.
Le projet de loi prévoit également de faciliter le recours à la procédure du « droit au compte » pour ceux qui n’ont pas accès à un compte bancaire. Cette procédure permet à toute personne qui ne parvient pas à ouvrir un compte d’obtenir de la Banque de France qu’elle désigne une banque proche de son domicile pour lui ouvrir un compte accompagné d’un ensemble de services bancaires de base gratuits.
En matière de surendettement, le projet de loi vise à simplifier la procédure afin de réduire la durée d’examen de certains dossiers et de permettre la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des situations dans lesquelles, malgré la reconnaissance de la recevabilité d’un dossier, les intérêts continuent à courir, ce qui crée des injustices évidentes.
Enfin, à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, le texte inclut des dispositions pour mettre en œuvre plusieurs des mesures prévues par le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale que le Gouvernement a préparé à l’issue de la conférence nationale consacrée à ces sujets.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai évoqué à plusieurs reprises les travaux de l’Assemblée nationale. Je veux, avant de conclure, évoquer les améliorations très significatives apportées par la commission des finances du Sénat. J’avais, dès la présentation du projet de loi, le 19 décembre, indiqué que mon intention était de travailler sur ce projet en écoutant et entendant les propositions de la représentation nationale.
C’est dans cet esprit que s’est déroulée notre discussion au sein de votre commission des finances. Je souhaite à ce titre remercier ses membres, particulièrement le rapporteur Richard Yung et les rapporteurs pour avis, de leur travail, ainsi que l’ensemble des sénateurs de leur sagesse, et mentionner certains des amendements adoptés qui contribuent à faire de ce bon texte un très bon texte.
Les amendements déposés par le rapporteur ont ainsi permis de renforcer considérablement le contrôle du trading automatisé, facilitant ainsi la lutte contre les pratiques spéculatives nuisibles utilisant des techniques de trading à haute fréquence.
Ils permettront non seulement de s’assurer de la robustesse des bourses et plates-formes de négociation, mais également d’obliger ces dernières à se doter des moyens de filtrer et de limiter les ordres susceptibles de poser des problèmes ainsi que de restreindre le volume des ordres annulés, puisque c’est bien cette pratique qui est au cœur des stratégies nuisibles.
Je pense également aux dispositions adoptées pour brider les manipulations d’indice financier – nous avons tous en mémoire le scandale du Libor – en confiant de nouveaux pouvoirs à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF.
La commission des finances a également amélioré les dispositions relatives aux dérivés de matières premières agricoles. Elle a adopté des amendements du rapporteur visant à renforcer les pouvoirs d’enquête de l’AMF afin que celle-ci puisse mieux lutter contre les manipulations de ces marchés.
L’adoption d’autres amendements que nous examinerons lors de la discussion des articles permettra sans doute de compléter utilement ce dispositif, en garantissant une plus grande transparence et en dotant l’AMF des outils dont elle a besoin pour encadrer la spéculation, empêcher les abus et, le cas échéant, sévir, tout en évitant de tomber dans une interdiction de ces opérations qui auraient, in fine, un effet très négatif sur les acteurs de la filière agricole. À l’issue de la discussion à l’Assemblée nationale, j’avais identifié ce sujet comme pouvant, et même devant faire l’objet de travaux complémentaires avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. J’espère que nous parviendrons, comme nous l’avons fait sur le trading à haute fréquence, à nous doter d’un éventail de mesures complet pour répondre aux enjeux posés par les produits dérivés sur les matières premières agricoles.
Plusieurs amendements s’inscrivent enfin dans la logique engagée à l’Assemblée nationale et visent à renforcer le cantonnement des filiales spéculatives, à éviter certains contournements que la rédaction du texte semblait permettre et à renforcer les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur un dernier élément qui intéressera particulièrement les représentants des collectivités locales que vous êtes.
M. Pierre Moscovici, ministre. Lors du dernier congrès des maires et présidents de communautés de France, à la fin du mois de novembre dernier, le Président de la République a fait part de son soutien à la création d’une Agence de financement des collectivités territoriales, pour que celles-ci puissent aller chercher, sur les marchés financiers, des ressources complémentaires aux crédits bancaires. Afin que ce projet, soutenu par les associations d’élus, puisse voir le jour, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à autoriser les collectivités territoriales et les groupements de communes à mettre en place ce nouvel outil de financement de leurs investissements. Il sera, j’en suis persuadé, favorablement accueilli par vous tous. Il était naturel, à mes yeux, que l’examen de cette disposition, essentielle pour nos territoires, soit réservé au Sénat.
Je m’en tiens là. Ce projet de loi, dont nous pouvons collectivement être fiers, ouvre une page dans l’histoire de notre système financier, mais aussi, plus largement, de celui de l’Europe. C’est la raison pour laquelle nos voisins nous observent.
Avec ce texte, nous posons un acte fort et nous sommes pionniers en Europe. Avec cette réforme et grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la France va envoyer un message très ferme, alors que, dans les six prochains mois, l’Europe doit transformer l’essai en matière de stabilité financière, d’union bancaire – que la situation de Chypre rend plus impérieuse encore – et de régulation des marchés. Si nous voulons que nos efforts ne soient pas vains, si nous voulons persévérer dans notre ambition de réformer la finance, nous devons nous en donner les moyens à l’échelon européen. Grâce à ce projet de loi, nous manifesterons l’engagement de la France et sa capacité à faire preuve de leadership.
Ce texte est précurseur et ambitieux. Il permet de moraliser, de réguler, de contrôler la finance, sans entraver la distribution du crédit, essentielle à notre économie. Gardons-nous de jeter l’opprobre sur notre système financier,…
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Pierre Moscovici, ministre. … car nos entreprises et nos ménages en ont besoin !
Ce texte est inspiré par des valeurs et, en même temps, il est réaliste. Croyez que je suis prêt, alors que débute cette discussion, à travailler avec vous tous pour l’améliorer encore. C’est pourquoi, en vous présentant ce projet de loi aujourd’hui, je souhaite que cette réforme recueille, auprès de vous, le large, voire le très large soutien qu’elle mérite. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le texte dont nous commençons aujourd’hui l’examen traduit en actes le septième engagement pour la France du candidat François Hollande : « Je séparerai les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives. » Pour autant, il va beaucoup plus loin et aborde d’autres questions que M. le ministre vient d’évoquer.
Au moment de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, ce projet de loi comprenait six titres et vingt-six articles, contre huit titres et soixante articles maintenant. Il comporte des dispositions s’appliquant à tous les compartiments de la banque, que ce soit la banque d’affaires ou la banque de détail, mais aussi aux assurances, aux gestionnaires d’actifs, aux autorités de régulation, etc. En un mot, sa portée est bien plus vaste et on ne saurait le réduire au seul objectif d’une « séparation des activités ».
Je profite de cette introduction pour souligner la qualité du dialogue que nous avons eu avec le ministère des finances et le cabinet du ministre et qui nous a permis d’avancer sur la plupart des points. Ainsi, lors de ses travaux, la commission des finances a adopté 45 amendements sur les 50 qui ont été déposés sur le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et, ce matin, en accord avec M. le ministre, elle s’est prononcée favorablement sur 50 des 264 amendements qui seront examinés lors de la discussion des articles.
J’en viens au titre Ier consacré à la séparation des activités et intitulé « séparation des activités utiles au financement de l’économie des activités spéculatives ».
« Finance » et « utile » : la réunion de ces deux mots résonne comme un oxymore. Ces dernières années, nous avions presque oublié que la finance était non seulement utile, mais indispensable à notre économie. Elle est utile à nos ménages. Elle est utile à nos entreprises. Elle est utile à nos collectivités locales. Enfin, et ce n’est pas la moindre de ses vertus, elle est utile à notre État.
M. Philippe Marini. Donc ce n’est pas l’ennemi !
M. Richard Yung, rapporteur. Toutefois, par nature, elle est risquée. Le risque est son objet même. Même la finance utile à l’économie, celle qui relève d’une gestion « de bon père de famille », c’est-à-dire la collecte des dépôts, leur transformation en crédits aux particuliers, aux entreprises pour financer le cycle de production, les investissements, les exportations, pour créer des emplois, pour faire en sorte que l’économie fonctionne bien, comporte des risques : rien n’est assuré dans le domaine économique.
Cependant, nous savons bien qu’il existe des activités particulièrement risquées et le plus souvent inutiles. Ce sont celles qui, réalisées pour le compte propre des banques, des institutions, ou des particuliers d’ailleurs, ne visent que leur enrichissement. Elles sont peut-être utiles pour eux, mais elles n’apportent aucune valeur ajoutée à l’ensemble de la collectivité. Avant 2008, ces dépenses et ces investissements ont représenté jusqu’à 25 % des activités de marché de certaines des banques françaises, mais on enregistre depuis cette date une baisse régulière de ce pourcentage pour les raisons que l’on connaît.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !
M. Richard Yung, rapporteur. Nous ne savons que trop bien où cet appât du gain et cette avidité ont mené le système financier. Il n’est qu’à voir la crise de 2008, entre autres.
Le titre Ier repose sur un principe simple et solide : les activités pour compte propre doivent être conduites de manière autonome au sein de la banque. Elles seront logées dans une filiale qui respectera tous les ratios prudentiels et qui se financera seule, sans l’aide de sa maison mère : sa gouvernance, son nom, tout sera différent.
En un mot, cette filiale doit vivre indépendamment de sa maison mère. Surtout, elle doit pouvoir mourir, si j’ose dire, sans provoquer de dégâts collatéraux sur le reste du groupe ou sur le secteur financier dans son ensemble. La filiale cantonnée est en quelque sorte un morceau détachable et périssable au sein de l’ensemble du groupe.
Pourquoi avoir retenu ce schéma alors que d’autres dispositifs, comme la règle Volcker, la réforme Vickers ou le rapport Liikanen auraient pu être adoptés ?
Dans l’esprit, nous adhérons à la règle Volcker qui interdit l’ensemble des activités pour compte propre. Son caractère maximaliste est cependant sa plus grande faiblesse. Alors qu’elle a été votée par le Congrès américain voilà deux ans, elle n’est toujours pas appliquée. En effet, le Congrès peine…
M. Philippe Marini. Oui !
M. Richard Yung, rapporteur. … à établir la liste, de plus en plus longue, des exceptions à cette règle d’airain qui, d’ailleurs, n’en est plus une ! (Sourires.)
La réforme britannique, dite Vickers, est différente, puisqu’elle pose un problème de principe. Elle prévoit de cantonner toutes les activités de banque de détail dans une filiale, et non au sein de la maison mère, pendant que toutes les autres activités financières, celles qui constituent la City au sens propre, seront libres. La filiale est quant à elle cloisonnée et fait l’objet de règles assez strictes de surveillance.
En outre, comme les Anglais sont empiriques et, reconnaissons-le, ont une confiance limitée dans les banques – peut-être faut-il le regretter –, ils ont tenu à s’assurer que les banques respecteraient bien ces règles de séparation et ont, pour ce faire, décidé d’« électrifier la clôture », selon l’expression qu’ils ont utilisée – ils y font passer un courant de 440 volts : c’est du costaud ! (Sourires.) Ainsi, en cas de manquement, la Banque d’Angleterre prendrait des mesures coercitives pour séparer les activités bancaires. Il s’agit donc d’une mesure vigoureuse. Pour reprendre une image de John Vickers lui-même, il faut mettre les moutons dans l’enclos et laisser les lions courir à l’extérieur…
Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Jacques Mirassou. Les loups !
M. Richard Yung, rapporteur. Le lion est plus britannique ! (M. Jean Desessard s’exclame.)
M. Pierre-Yves Collombat. Richard Cœur de Lion n’était pas un prédateur !
M. Richard Yung, rapporteur. Richard Cœur de Lion était un Plantagenêt et il est enterré en France !
M. Philippe Marini. Merci de cette page d’histoire ! (Sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. Enfin, le récent rapport Liikanen remis au commissaire européen Michel Barnier formule des préconisations en vue de séparer les activités de marché. D’une certaine manière, nous allons suivre cette règle, même si nous le faisons de façon moins brutale et moins systématique.
Je m’arrêterai un instant sur la tenue de marché, car elle est au cœur de notre débat.
Il s’agit d’une activité réalisée par une banque, pour son compte propre, en vue de servir les besoins de ses clients ou ses besoins propres. Par exemple, une entreprise émet des obligations. Les investisseurs les acquièrent, mais veulent être sûrs de pouvoir les revendre à tout moment. En effet, pour qu’il y ait marché, il faut qu’il y ait achat et vente. La tenue de marché, c’est précisément cela : la banque accepte de tenir le marché, c’est-à-dire s’engage à racheter ses obligations quand les investisseurs les vendent. Il est clair que ces derniers n’achèteraient jamais de titres s’ils estimaient leur revente impossible.
L’État français fait d’ailleurs appel à des teneurs de marché pour gérer notre dette publique. Cette pratique est donc à la fois courante et utile pour le financement de l’économie.
M. Philippe Bas. Absolument !
M. Richard Yung, rapporteur. La démarcation entre spéculation et tenue de marché reste délicate. Si, chaque jour, la banque achète mille titres, par exemple, et en vend le même nombre, elle fait de la tenue de marché. En revanche, si elle achète dix mille titres et n’en vend que mille, elle réalise une opération spéculative. Il est toutefois difficile de deviner les intentions de la banque et de tracer une frontière entre ces deux activités.
La tenue de marché ne doit pas être pénalisée en tant que telle. Si cette activité était logée entièrement dans la filiale cantonnée, les ratios prudentiels seraient tellement contraignants que cette activité ne pourrait plus être exercée par les banques françaises.
La règle Volcker ne dit pas autre chose. Cependant, au lieu de recourir à de longues listes d’exceptions définies a priori, nous préférons nous appuyer sur le régulateur, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, qui exercera un contrôle a posteriori.
L’Assemblée nationale a renforcé le régulateur et l’a obligé à se doter d’indicateurs permettant justement de cerner les opérations qui serviraient de prétexte à la spéculation. Plus encore, sur l’initiative de Karine Berger, elle a offert au ministre de l’économie la possibilité de transférer tout ou partie des activités de tenue de marché dans la filiale.
Le texte auquel nous avons abouti préserve à la fois la tenue de marché, dont nous avons vu qu’elle était utile, mais pose suffisamment de garde-fous pour s’assurer que les banques ne profiteront pas de cette occasion. Nous évitons l’écueil d’un juridisme exacerbé ou d’une prudence trop nuisible à notre économie, comme le préconise par exemple le rapport Liikanen.
La commission des finances n’a donc pas souhaité bouleverser cet équilibre et les amendements que nous avons adoptés à l’article 1er sont venus renforcer, consolider et compléter le texte sur la séparation adopté par nos collègues députés.
Je voudrais, à ce stade de mon propos, mes chers collègues, citer un proverbe bouddhiste (Exclamations.) : « C’est réunis que les charbons brûlent ; c’est en se séparant qu’ils s’éteignent… » Ces paroles du Bouddha, expression de la sagesse, me semblent s’appliquer à merveille à notre loi de séparation des activités bancaires.
J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, consacré à la mise en place d’un régime de résolution bancaire. S’il ne fait que reprendre en français un mot d’origine anglaise, ce titre peu médiatique me semble toutefois assez révélateur, car le mot « résolution » signifie qu’on a la volonté de résoudre un problème. Il me semble donc relativement bien employé dans ce cas, pour un sujet qui, à mes yeux, est probablement l’un des aspects les plus importants du texte.
Dans les mois qui ont suivi la chute de Lehman Brothers, le G20 et le comité de Bâle se sont attachés à renforcer la solidité du secteur bancaire à l’aide de nouvelles règles prudentielles, notamment via le renforcement des fonds propres. Ces règles ont été transposées en Europe dans le paquet CRD IV. Les Anglais proposent aujourd’hui de porter le ratio à 10 % à un horizon de six ans, ce qui nous laisse du temps pour le débat !
Il nous a fallu aussi répondre à d’autres questions.
Primo, avons-nous vraiment tout fait pour qu’une telle crise ne se produise plus ? Secundo, si elle devait malgré tout survenir, comment pourrions-nous limiter le risque systémique et le recours aux fonds publics ?
En réponse à la première question, l’ensemble des réflexions sur la structure des banques est venu compléter l’édifice de Bâle. Pour répondre à la seconde question, il est apparu évident qu’il fallait organiser autrement la faillite du secteur bancaire. D’où l’idée de la résolution.
Lorsque nous nous sommes rendus à Londres pour discuter avec nos collègues britanniques de leurs pratiques, notamment pour évoquer le rapport Vickers et les autres réglementations que nos voisins sont en train d’élaborer, le chef de l’autorité de régulation nous a raconté comment s’était déroulée la faillite de la Royal Bank of Scotland, une grande banque qui capitalisait plusieurs dizaines de milliards d’actif, et surtout de passif.
Un vendredi, à quinze heures, le président de cette banque téléphone au gouverneur de la banque d’Angleterre, Sir Mervyn King, pour lui dire en substance : « Je réunis mon conseil d’administration dans quinze minutes pour constater que nous ne pouvons plus faire face à nos obligations. Dans quarante-cinq minutes, je serai contraint d’annoncer la nouvelle dans un communiqué. Mes respects, monsieur le gouverneur… »
Que fait le gouverneur de la banque d’Angleterre dans pareille situation ? Il prend son téléphone et appelle le chancelier de l’Échiquier, Alistair Darling – dont je vous recommande les mémoires, soit dit en passant – pour lui déclarer en substance : « Je viens de recevoir un coup de téléphone du président de la Royal Bank of Scotland. Auriez-vous la gentillesse de m’envoyer un coursier, muni d’une mallette contenant de 1,5 à 2 milliards de livres sterling, afin que je puisse assurer le sauvetage de cet établissement ? Mes respects, monsieur le chancelier. »
Et que fait le chancelier de l’Échiquier lorsqu’il reçoit pareil coup de téléphone un vendredi à quinze heures ? Eh bien, mes chers collègues, il ne peut rien faire ! Nous sommes en plein dans l’aléa moral, ce à quoi nous voulons précisément mettre fin.
Confrontés au dépôt de bilan d’une banque trop grosse, trop interconnectée et, bien souvent, trop complexe pour faire faillite, les pouvoirs publics sont en quelque sorte placés dans une situation de « non-choix ».
La résolution s’appuie d’abord sur une autorité de résolution, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, sur laquelle je ne m’attarderai pas, si ce n’est pour souligner que la Banque de France et la direction générale du Trésor y occuperont une place centrale.
Je ne m’appesantirai pas non plus sur la palette très large de pouvoirs dont disposera cette autorité de contrôle prudentiel. Ces prérogatives sont certes extraordinaires, mais, en l’occurrence, il faut impérativement pouvoir porter le fer de façon énergique et brutale.
Deux dispositifs sont également créés pour limiter l’appel au contribuable : le recours aux créanciers privés, d’une part, le recours à un fonds ad hoc financé par les banques, d’autre part. Comme M. le ministre l’a évoqué, c’est le Fonds de garantie des dépôts, transformé en Fonds de garantie des dépôts et de résolution, qui jouera ce rôle, avec un encours qui passera de 2 à 10 milliards d’euros, je ne m’étendrai pas davantage sur ce point.
Cet édifice à deux étages permettra-il de s’assurer que l’État ne sera pas obligé de venir à la rescousse d’un établissement en difficulté ?
M. Jean Desessard. Avec la mallette ! (Sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. Personne ne peut le garantir, car tout dépendra de la taille de la banque en situation de faillite. Si un ou deux milliards d’euros sont en jeu, on pourra peut-être faire face. S’il s’agit de mille milliards d’euros, l’ensemble du dispositif vacillera.
Il nous faudra également débattre de la question des créanciers dits « senior ».
Le dispositif tel qu’il est conçu prévoit d’appeler les fonds propres, les fonds quasi-propres, puis la « dette junior » qui ne représente que 7 % de la dette bancaire. La question se pose donc de savoir si l’on doit également inclure la « dette senior », c’est-à-dire, principalement, mais pas exclusivement, les titres obligataires. M. le ministre nous informera de l’évolution des discussions en la matière, mais il semble que l’on se dirige vers une telle décision au niveau européen.
Ce volet « résolution », qui doit encore être parachevé, constitue l’une des avancées les plus importantes du projet de loi.
Mes chers collègues, permettez-moi d’enrichir mon propos d’une deuxième citation, prémonitoire – elle date du milieu du dix-neuvième siècle –, du dramaturge norvégien Ibsen : « Les champions de la finance sont comme les perles d’un collier : quand l’une d’elles tombe, toutes les autres suivent... »
M. Pierre-Yves Collombat. En l’occurrence, ce sont de fausses perles ! (Sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. La résolution, c’est le collier d’Ibsen, tout simplement !
M. Pierre-Yves Collombat. Et nous, on enfile des perles ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. Je voudrais également mentionner plusieurs avancées à porter au crédit de la commission des finances, notamment en matière de lutte contre les paradis fiscaux, la spéculation sur les cours des matières premières et le trading par ordinateur à haute vitesse, ou encore l’obligation pour les banques de publier, pays par pays, leurs implantations, le produit net bancaire réalisé et leurs effectifs. Mais je ne doute pas que la transparence sera au cœur de nos débats à venir.
Nous avons aussi prévu d’obliger les plateformes boursières à se doter d’instruments de nature à limiter les « ordres perturbateurs » sur les marchés, à commencer par ceux envoyés par les traders.
Enfin, la commission des finances a adopté un article visant à sanctionner, y compris pénalement, le fait de manipuler un indice financier – nous avions bien entendu en tête l’affaire du Libor, un scandale majeur outre-Manche, mais qui a aussi concerné notre pays.
Je l’ai dit, la régulation doit s’appuyer sur des régulateurs solides, dotés de tous les moyens nécessaires. Il me semble que nous avançons dans cette voie.
Le projet de loi crée un Conseil de stabilité financière, que la commission des finances a renommé Haut Conseil de stabilité financière, et qui aura pour mission fondamentale la surveillance macro-prudentielle, afin d’éviter l’apparition de risques systémiques et de bulles.
Le texte renforce également les pouvoirs de l’AMF et de l’ACPR.
L’Assemblée nationale a également adopté un article, sur l’initiative de Christian Eckert, rapporteur général, sur l’encadrement des emprunts des collectivités territoriales. Je ne le développe pas, car nous y reviendrons au cours de la discussion des articles. Je signale simplement que le Gouvernement propose de créer une agence de financement des collectivités territoriales.
Pour terminer ce panorama, je voudrais dire un mot du titre VI du projet de loi, que nos collègues rapporteurs pour avis, Thani Mohamed Soilihi pour la commission des lois et Yannick Vaugrenard pour la commission des affaires économiques, exposeront de manière plus détaillée.
Ce titre traite de l’assurance emprunteur, des commissions d’intervention, du référentiel de place et de bien d’autres sujets, notamment le plafonnement des commissions d’intervention. Les débats seront approfondis sur ces questions, je n’en doute pas.
La commission des finances a noté que le modèle économique de la banque de détail repose en partie sur ces commissions d’intervention, ce qui pose un problème général de structure de nos établissements financiers. Il nous faut donc trouver un compromis viable en la matière.
En conclusion, mes chers collègues, soyons bien conscients que la France fait œuvre de pionnier dans tous ces domaines. Elle est l’un des premiers pays à légiférer sur ces questions, même si l’Allemagne et le Royaume-Uni sont peu ou prou en train de suivre, par des voies différentes, les mêmes orientations, ce qui prouve que nous sommes sur la bonne voie.
J’espère que l’adoption de ce texte permettra à la France de peser sur les décisions qui seront prises au niveau européen. Nous avons là un texte solide, équilibré, qui devra faire ses preuves en permettant au secteur bancaire de se développer dans le cadre de la banque universelle dont nous avons parlé tout à l’heure.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des finances et son rapporteur vous demandent, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi, après une discussion que je souhaite ouverte et enrichissante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, comme cela a été rappelé, concrétise l’un des principaux engagements pris par le Président de la République.
L’objectif de ce texte est de renforcer la sécurité du système financier et de recentrer ce dernier sur sa mission fondamentale : le financement de l’économie réelle, notamment des entreprises de notre pays. Ce faisant, il se situe au cœur des préoccupations de la commission des affaires économiques.
Afin d’orienter davantage la finance vers l’économie, la réforme s’emploie à mettre, en quelque sorte, des bâtons dans les roues de la spéculation. Les mesures proposées établissent un dispositif cohérent et constituent un levier puissant pour modifier la logique d’action des acteurs financiers.
Je citerai six des principales entraves à la spéculation mises en place par ce texte.
Premièrement, il impose la filialisation de certaines activités dans des établissements déconnectés du groupe bancaire sur le plan prudentiel et capitalistique, ce qui entraînera une immobilisation coûteuse de fonds propres et d’actifs liquides.
Deuxièmement, le contrôle drastique des opérations de trading est confié à une autorité prudentielle aux pouvoirs considérablement accrus, comme l’a rappelé M. le ministre.
Troisièmement, la menace permanente d’une filialisation plus poussée, sur simple décision ministérielle, en cas de dérapage, sera une sorte d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des banques.
Quatrièmement, les opérations de négoce à haute fréquence et les opérations sur instruments à terme dont le sous-jacent est une matière première agricole seront interdites.
Cinquièmement, la transparence est renforcée concernant le volume et la nature des activités des filiales bancaires à travers le monde.
Sixièmement, les pertes éventuelles au sein des établissements bancaires seront internalisées grâce à des mécanismes de résolution.
Ce dernier volet de la réforme est sans doute le plus important. Le régulateur disposera en effet, dans le cadre de cette procédure de résolution, de pouvoirs extrêmement étendus. Il pourra ainsi changer les dirigeants en place, procéder au transfert ou à la cession d’office de tout ou partie de l’établissement, confier les actifs toxiques à un établissement-relais, ou encore impliquer les créanciers dans le sauvetage, en annulant ou en convertissant leurs titres.
Les pertes des banques seront donc désormais épongées en priorité par les banques elles-mêmes. M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure : « qui faute, paie ». Il s’agit d’une mesure essentielle pour diminuer l’attrait des paris spéculatifs.
Tout cela doit permettre un assainissement sensible du monde de la finance, au moins à l’échelle nationale. Ce texte place les banques devant leurs responsabilités, non pas en faisant appel à leur sens éthique ou à leur autodiscipline – ce serait faire preuve de beaucoup de naïveté –,…
M. Jean-Jacques Mirassou. En effet !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … mais en instaurant des mécanismes concrets de surveillance et de sanction, qui pourraient, au final, faire que la spéculation soit une activité moins rentable.
Se dessine ainsi une modification durable du modèle économique des banques, permettant de réorienter les flux d’épargne vers le financement de l’économie. Tel est le but que nous recherchons tous.
La stratégie retenue par le Gouvernement repose sur une analyse et des constats solides.
Tout d’abord, si le financement de l’économie passe par le crédit bancaire, il s’appuie aussi – de plus en plus – sur l’émission de titres financiers ainsi que sur des services financiers de couverture. Il fallait donc éviter de mettre en place une réforme risquant de conduire les banques françaises à se détourner des activités de trading.
Par ailleurs, les banques ayant des activités diversifiées sont plus robustes : la diversification de leurs activités entraîne une diversification des risques et donc une capacité accrue à absorber des pertes éventuelles.
Ces deux éléments plaident donc pour le maintien d’un modèle de banque universelle, qu’il ne faut pas idéaliser, bien entendu, mais que l’on ne doit pas non plus vouer aux gémonies.
Au demeurant, ce modèle universaliste a été retenu par le rapport Liikanen qui fixe le cadre général d’une future réforme européenne sur la séparation des activités bancaires. Sortir de ce cadre pourrait conduire notre pays à mettre en place une réforme incompatible avec la future architecture bancaire européenne.
Reste la question du positionnement du curseur, et c’est là le cœur du problème. Où placer la frontière entre les activités de trading vraiment utiles à l’économie, ayant donc vocation à demeurer dans le champ d’activité des banques, et les activités de négociation spéculatives, devant être interdites ou filialisées ?
Cette question n’a pas de réponse évidente, car la frontière entre activités spéculatives et non spéculatives est délicate – sinon impossible – à établir a priori.
M. Philippe Bas. Tout à fait !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous connaissons d’ailleurs les difficultés rencontrées par les États-Unis pour mettre en œuvre la règle de Volcker, comme M. le rapporteur le rappelait à l’instant.
La solution retenue par le texte français semble pragmatique et opératoire. Peut-être aurait-on pu aller plus loin dans la filialisation en cantonnant aussi les opérations de tenue de marché ? Toutefois, si la loi ne le permet pas précisément, elle ne l’interdit pas non plus, puisque, à la suite d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, le ministre aura ensuite le pouvoir de le faire par simple arrêté. La frontière réglementaire entre le spéculatif et le non-spéculatif pourra donc, à l’avenir, être rendue plus restrictive en fonction des conditions rencontrées.
Pour en terminer avec ce volet, je voudrais souligner qu’une bonne partie de son efficacité dépendra de la diligence et de la compétence du régulateur.
En effet, les banques sont influentes et les phénomènes de capture du régulateur n’existent pas que dans la littérature économique. Il est donc essentiel de prévenir les phénomènes de conflits d’intérêts ou, plus simplement, de lutter contre une forme de proximité existant entre le secteur bancaire et la haute administration et pouvant conduire à influer sur l’analyse des situations elles-mêmes. Nous devons être particulièrement vigilants sur ce point. Sans doute devrons-nous, à l’avenir, réfléchir à des mécanismes plus stricts, garants d’une supervision sans concession.
Le second volet du projet de loi n’a pas la même unité que le précédent, mais il est tout aussi essentiel.
Vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, les Français ont eu parfois le sentiment que l’on se préoccupait davantage, au cours de la résolution de la crise financière de 2008, de la santé des banques que de celle de leurs clients.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Sans doute faut-il reconnaître que les deux étaient quelque peu liées !
S’en est suivie une défiance durable et profonde des consommateurs, particuliers et entreprises, à l’encontre de nos établissements de crédit. Il est donc juste que les consommateurs perçoivent aujourd’hui les dividendes du soutien public aux banques par des mesures concrètes, tangibles et susceptibles d’améliorer leur information et de réduire leurs frais, notamment en ce qui concerne les publics fragilisés.
Si le projet de loi comporte des avancées significatives pour améliorer l’existant, en matière de protection du consommateur, donc du client bancaire, nous ne partons cependant pas de rien.
En effet, le droit au compte a été instauré par la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, en 1998. De plus, les principes de la convention de compte, de la médiation et de la transparence des tarifs ont été acquis en 2001. Plus récemment, à la suite de la remise, en 2010, d’un rapport sur la tarification des services bancaires, une dénomination commune unique des principaux frais et services bancaires a été élaborée au sein du comité consultatif des services financiers : les banques affichent désormais leurs dix principaux tarifs en tête de leurs plaquettes. Enfin, toujours en 2010, la loi Lagarde a réformé le crédit à la consommation et les dispositifs de lutte contre le surendettement.
De nombreuses mesures de ce projet de loi visent donc à améliorer ces dispositifs déjà en place. Je pense en particulier au droit au compte et aux procédures de surendettement. Dans ce domaine, les dispositions du texte s’inscrivent dans la droite ligne des propositions de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois visant à accélérer les procédures.
Au titre des améliorations apportées à la loi Lagarde, un article de ce projet de loi vise à rendre beaucoup plus effectif le libre choix de l’assurance emprunteur en vue de la souscription d’un emprunt immobilier et donc de mieux faire jouer la concurrence.
La principale mesure en faveur des particuliers est le plafonnement des commissions d’intervention. Le coût de ce service, détachable du découvert en lui-même, ainsi que l’importance du montant des commissions au sein du produit net bancaire des établissements, sont tout à fait révélateurs des déséquilibres profonds de l’économie de la banque de détail.
Un rapport de 2010 établit que le coût global de la banque de détail en France, si l’on inclut l’activité de prêt, et surtout les prêts immobiliers, n’est pas excessif par rapport à d’autres pays étrangers, en dépit de fortes variations. Notre produit net bancaire par habitant bancarisé serait ainsi inférieur de 52 % à celui du Royaume-Uni, de 46 % à celui de l’Italie et de 6 % à celui de l’Allemagne.
En revanche, le même rapport montre que la tarification de la banque au quotidien – c’est-à-dire la gestion du compte, les moyens de paiement et la gestion des incidents – est élevée dans notre pays, notamment en raison du développement des forfaits. Un consommateur français ayant un profil européen moyen de consommation dépenserait chaque année 14,5 % de plus que la moyenne des consommateurs de nos six principaux partenaires.
L’économie de la banque de détail en France est ainsi caractérisée, d’un côté, par des approches commerciales agressives, avec des emprunts immobiliers particulièrement compétitifs pour gagner une clientèle solvable et, de l’autre, par des frais sans rapport avec leur coût réel, notamment pour ce qui est des commissions d’intervention, touchant les populations les plus fragiles financièrement. Il convient de réparer cette injustice.
Le coût moyen de ces commissions s’élevait à 8,24 euros en 2012, avec un maximum atteignant parfois 16 euros. En cas d’incidents répétés, leur montant peut atteindre plusieurs centaines d’euros par mois, nous l’avons constaté. Les plafonds mensuels peuvent s’établir à plus de 160 euros, le maximum constaté étant de 350 euros.
La part des commissions dans le produit net bancaire représenterait – les estimations varient : plus l’on avance dans le temps et plus, semble-t-il, elles sont importantes – plusieurs centaines de millions d’euros. Elles s’élevaient, il y a trois semaines, à 1,8 milliard d’euros ; il y une semaine, nous en étions à 3 milliards d’euros !
Les députés ont souhaité aller plus loin que le texte initial du projet de loi et poser le principe d’un plafond des commissions d’intervention, par opération et par mois, pour l’ensemble des clients et non pour les seules personnes en situation de fragilité.
En dépit des pressions du secteur bancaire – et elles ont été importantes –, il m’apparaît indispensable de préserver, voire de consolider, l’acquis obtenu à l’Assemblée nationale. Les banques ont d’abord fait valoir que la mesure fragiliserait les banques de réseau, tout particulièrement les plus denses d’entre elles, au profit des banques en ligne. Or il n’y a pas de corrélation entre la taille du réseau bancaire et le montant des commissions pratiquées. La Banque Postale, qui se situe dans la moyenne de tarification des frais bancaires, est ainsi moins chère, par exemple, que BNP-Paribas.
Les banques mettent désormais en avant le risque d’une automatisation du traitement des incidents bancaires, qui entraînerait des effets négatifs non seulement sur l’emploi, mais aussi sur leurs clients qui pourraient se voir opposer des rejets de paiement. Ce risque d’automatisation existe, il est réel. Cependant, les interventions des banques sur les paiements par carte bancaire sans autorisation préalable sont déjà totalement automatisées, à hauteur de 85 % des cartes, sans que les frais en tiennent aujourd’hui réellement compte.
En réalité, mes chers collègues, il s’agit pour nous de limiter les abus constatés dans la tarification du service bancaire. Nous ne pouvons tolérer que les commissions d’intervention soient éloignées de manière abusive du coût réel du service proposé et que les plus fragiles assument une fraction aussi importante du produit net bancaire, comme c’est le cas aujourd’hui en France.
Je vous proposerai donc, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à préciser et conforter ce dispositif.
Si le projet de loi contient des avancées substantielles en faveur des particuliers, il n’en va pas de même pour les entreprises. Les avancées sont moins nettes dans ce secteur, où l’on constate un raidissement des banques, alors même qu’un soutien financier plus important, nous le constatons tous, serait nécessaire en temps de crise.
Certes, les banques mettent en avant une progression du volume des crédits accordés aux entreprises en général. Cependant, une partie croissante des prêts aux entrepreneurs individuels, aux petites et moyennes entreprises, fait l’objet d’exigences également croissantes, notamment en matière de garanties.
Selon une enquête d’opinion réalisée en décembre 2012 auprès de dirigeants de PME, 43 % d’entre eux considéraient que leurs frais de financement étaient trop élevés ou que le montant des crédits accordés était plus faible que souhaité ; de plus, 42 % de ces dirigeants soulignaient que leur banque exigeait des garanties supplémentaires, soit un taux en hausse par rapport aux précédentes enquêtes.
Peu d’éléments, dans ce projet de loi, permettent de répondre à ces inquiétudes. Cela est assez logique, car le Gouvernement a déjà pris des mesures d’ampleur dans d’autres textes, notamment avec la constitution de la banque publique d’investissement et l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Je me félicite toutefois des progrès sensibles apportés par ce projet de loi en matière de contractualisation des relations entre les banques et les plus petites entreprises. Le principe d’une convention de compte pour les personnes physiques agissant à titre professionnel sera ainsi introduit, de même que pour les financements permanents.
Les banques se plaignent du manque de souplesse que pourraient engendrer ces conventions. Je pense, quant à moi, qu’elles rassureront plutôt les entrepreneurs, qui en ont bien besoin dans la période difficile que nous connaissons aujourd’hui.
Pour conclure, je tiens à rappeler que cette réforme bancaire s’inscrit dans un ensemble complexe d’initiatives multiples. L’Europe travaille sur la transposition des accords de Bâle III. Elle s’emploie à la création d’un mécanisme européen de résolution bancaire et à la mise en place d’outils destinés à encadrer les rémunérations au sein de la finance. Bref, les lignes bougent et ce contexte évolutif oblige à être à la fois audacieux et prudent.
Audacieux, parce que les initiatives prises par tel ou tel pays peuvent rapidement faire tâche d’huile. On a pu le vérifier récemment : l’amendement tendant à obliger les banques à plus de transparence pour ce qui concerne leurs filiales installées à l’étranger a été immédiatement repris à l’échelon européen. De la même manière, la spectaculaire initiative suisse relative aux rémunérations bancaires doit nous inciter à faire preuve d’une certaine ambition.
Mais l’audace peut également se payer cher, car, dans un monde où les capitaux sont parfaitement mobiles, il est aisé de contourner les réglementations les plus sévères. C’est pourquoi il faut aussi être prudent.
Les amendements que j’ai soumis à la commission des affaires économiques et que cette dernière a adoptés à l’unanimité respectent cette double exigence.
Par le biais de l’un de ces amendements est posée la question de l’implication des mandataires sociaux et des traders dans les procédures de résolution bancaire. En effet, il est essentiel que les plans de résolution soient étoffés et comportent des éléments garantissant que les principaux preneurs de risques subiront directement les conséquences de la procédure de résolution. Sans cela, l’effet dissuasif de la résolution risquerait d’être fortement diminué.
Un autre des amendements que j’ai présentés à la commission des affaires économiques reprend simplement une préconisation formulée par la Cour des comptes dans son rapport de cette année : il vise à introduire dans le secteur bancaire le principe du say on pay qui consiste à soumettre aux actionnaires l’ensemble des rémunérations octroyées aux hauts dirigeants, mandataires sociaux et traders.
Mes autres amendements tendent à améliorer encore le volet du texte que nous examinons relatif à la consommation.
Mes chers collègues, nous reviendrons sur tous ces points au cours de la discussion des articles. En attendant, j’ai le plaisir de vous indiquer que la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable à l’adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la commission des lois s’est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, c’est non pas pour apporter une contribution dans un domaine qui ne ressort pas de sa compétence – les enjeux de la séparation des activités bancaires utiles au financement de l’économie et des activités spéculatives, ainsi que l’organisation de la supervision et du contrôle des activités bancaires –, mais pour examiner quelques articles relevant de son champ d’intervention et concernant le droit des assurances, le droit de la consommation et le droit funéraire, ainsi que les commissions d’enquête parlementaires. En effet, dans son projet de loi initial, le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions relevant de ces domaines.
Monsieur le ministre, la plupart des dispositions qui ont attiré l’attention de la commission des lois figuraient déjà dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, examiné par notre assemblée au mois de décembre 2011 et dont notre commission s’était déjà saisie pour avis, étudiant par délégation au fond de la commission des affaires économiques certaines de ses mesures. Je pense, en particulier, au régime de l’assurance-emprunteur et aux questions relatives à la législation funéraire. Toutefois, la navette de ce projet de loi s’est interrompue en raison de la fin de la précédente législature à l’Assemblée nationale.
Je tiens néanmoins à saluer en cet instant le travail de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui avait été rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois : le travail réalisé en 2011 m’a évidemment guidé aujourd’hui.
Revenons au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont la commission des lois a examiné l’article 18, destiné à rendre plus effectif l’exercice par l’emprunteur de sa liberté de choix en matière d’assurance-crédit, l’article 23, permettant aux héritiers d’accéder dans certaines conditions au compte bancaire d’un défunt, et l’article 25, tendant à mettre notre droit en conformité avec un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui rappelle que le principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes s’applique en matière d’assurance.
L’article 18 vise à renforcer l’information de l’emprunteur sur le coût de l’assurance destinée à garantir le remboursement du crédit. En outre, concernant les crédits immobiliers, il encadre davantage les conditions dans lesquelles peut s’organiser la souscription d’un contrat d’assurance-crédit autre que le contrat de groupe proposé par le prêteur, de façon à permettre à l’emprunteur d’exercer véritablement la liberté de choix de l’assurance-crédit qui lui a été accordée par la loi Lagarde du mois de juillet 2010. Instaurée au nom de la concurrence, cette liberté de choix a pour objet de diminuer le coût de l’assurance-crédit pour l’emprunteur d’un montant pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros sur la totalité de la durée du crédit.
Je vous propose une série d’amendements destinés à clarifier ces dispositions dont la rédaction peut, en l’état, prêter à des interprétations ambiguës.
Demeure notamment la question de la liberté de choix pour les contrats de crédit souscrits antérieurement à la loi Lagarde, c’est-à-dire la possibilité pour les emprunteurs de renégocier des contrats d’assurance de groupe. Cette question est évidemment importante pour les associations de consommateurs. La réflexion doit se prolonger sur ce sujet : à ce jour, il n’y a pas de réponse évidente.
L’article 23 concerne les facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agit d’autoriser les héritiers à accéder à ce compte afin de régler les frais des funérailles. En principe, les banques devraient le permettre – d’ailleurs, elles le font parfois –, puisque le paiement des obsèques est considéré comme un acte conservatoire de la succession, mais elles peuvent le refuser, craignant de voir leur responsabilité engagée. Le présent dispositif devrait apporter une réponse adaptée en termes de sécurité juridique. La commission des finances a clarifié un point, en cohérence avec le droit civil, dans le sens souhaité par la commission des lois.
À l’article 23, il est proposé d’ajouter deux nouvelles facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agirait d’autoriser un successible en ligne directe, c’est-à-dire un enfant ou un parent, mais pas le conjoint survivant, à payer certaines dettes de la succession, voire à clôturer le compte et à prélever la totalité des fonds. Pour cela, il suffirait qu’il fasse valoir sa qualité en produisant un acte de naissance, qu’il déclare, sans qu’aucune vérification ne soit effectuée, que, à sa connaissance, il n’y a pas d’autres héritiers, pas de testament ni de contrat de mariage. Pour la clôture du compte, il devrait en outre produire une attestation des autres héritiers l’autorisant à percevoir les fonds. Ces procédures ne seraient possibles que pour des comptes bancaires d’un montant inférieur à quelques milliers d’euros.
Les auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à faire preuve de la plus grande réserve à l’égard de ces deux nouveaux dispositifs.
Tout d’abord, ils ne sont pas demandés par les associations de consommateurs. La Fédération bancaire française m’a indiqué ne pas avoir connaissance de difficultés particulières qui justifieraient des dispositifs aussi dérogatoires au droit commun. Quant au Conseil supérieur du notariat, il juge que la sécurité juridique de ces mesures est loin d’être assurée ; en outre, elles risqueraient d’exacerber certains conflits successoraux.
Ainsi, tout repose sur les déclarations d’un héritier qui n’a pas à apporter de véritable preuve de ce qu’il avance et n’est soumis à aucune procédure de vérification par l’établissement bancaire. Que se passera-t-il lorsque les enfants souhaiteront clôturer le compte et que la compagne du défunt détiendra un testament olographe non enregistré ? Verra-t-on les successibles en conflit engager une course contre la montre pour vider les comptes bancaires du défunt à leur profit, en procédant, le cas échéant à de fausses déclarations ? Comment l’intérêt des créanciers du défunt sera-t-il garanti, une fois les fonds dispersés, sans trace, entre les héritiers ?
La commission des lois vous proposera donc de supprimer ces deux dispositifs pour ne conserver que celui qui permettrait le paiement des funérailles.
Enfin, l’article 25 vise à tirer les conséquences, dans le code des assurances, de l’arrêt Test-Achats rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 1er mars 2011, lequel a invalidé l’article 5 de la directive de 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, qui prévoyait une dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de primes et contrats d’assurance. La Cour ayant considéré cette dérogation discriminatoire, elle l’a invalidée pour l’avenir et a fixé une date d’effet de sa décision au 21 décembre 2012. Désormais, le montant des primes d’assurance, notamment automobile, doit être le même pour les hommes et les femmes.
J’y insiste, nous sommes au mois de mars 2013, or depuis cette décision de mars 2011, rien n’a été fait pour mettre en conformité la législation française. La commission des lois l’a vivement déploré.
Même si cela suscite une controverse avec les assureurs, qui se fondent sur le texte d’un arrêté ministériel pris dans l’attente de la modification du code des assurances, la commission des finances a utilement clarifié la rédaction de l’article 25 sur un point d’interprétation difficile, de sorte que la commission des lois a approuvé cet article ainsi modifié.
Par ailleurs, mes chers collègues, la commission des lois vous proposera d’introduire des dispositions additionnelles concernant les contrats d’assurance-vie non réclamés et la législation funéraire qui trouvent pleinement leur place dans le présent projet de loi. Ces mesures ont déjà été adoptées par le Sénat, et certaines d’entre elles à plusieurs reprises, notamment en 2011 à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, sans jamais aboutir à ce jour.
Un premier amendement concernera la revalorisation des « contrats obsèques », car, sur ce point, la loi n’est toujours pas appliquée, en raison d’une incompatibilité supposée avec les règles prudentielles européennes en matière d’assurance-vie. Il s’agit d’effectuer quelques ajustements pour rendre enfin effective la revalorisation prévue par le législateur.
Un deuxième amendement portera sur la dénomination et le contenu des contrats obsèques pour prévenir les mauvaises pratiques de certains professionnels ; il visera à garantir l’affectation des sommes au financement des obsèques et la personnalisation des prestations d’obsèques.
Un dernier amendement tendra à préciser les obligations des assureurs en matière de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie non réclamés, en vue d’améliorer la résorption du stock de ces contrats, de limiter leur multiplication, de systématiser les bonnes pratiques de certains établissements et de renforcer la transparence des démarches effectuées par les assureurs.
Avant de conclure, j’ajoute que la commission des lois, au titre de sa compétence particulière à l’égard du règlement du Sénat et du fonctionnement des assemblées parlementaires, a également examiné les articles 11 et 11 bis, dans la mesure où, dans certains cas, ils modifient les règles de levée du secret professionnel devant les commissions d’enquête parlementaires.
Actuellement, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit qu’une personne entendue par une commission d’enquête peut lui opposer le secret professionnel. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a apporté une dérogation à ce principe dans le domaine de la régulation financière : les personnes participant ou ayant participé aux travaux de l’Autorité de contrôle prudentiel ou de l’Autorité des marchés financiers sont déliées du secret professionnel lorsque la commission d’enquête applique le secret à leur audition. Le projet de loi étend cette dérogation non seulement aux personnes participant ou ayant participé aux missions du Haut Conseil de stabilité financière, appelé à se substituer à l’actuel Conseil de la régulation financière et du risque systémique, mais aussi aux dirigeants et salariés des établissements de crédit.
Sans doute avons-nous matière à nous interroger sur la cohérence des dérogations à la règle du secret professionnel devant les commissions d’enquête, qui s’ajoutent les unes aux autres, même si le présent projet de loi ne se prête évidemment pas à une réflexion d’ensemble. Toujours est-il, mes chers collègues, que je vous proposerai deux amendements destinés, à tout le moins, à regrouper les dispositions concernées du projet de loi là où elles doivent figurer, c’est-à-dire au sein de l’article 6 de l’ordonnance de 1958, sans en modifier le fond.
Pour conclure, je vous indique que, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur applaudit également.)
(M. Charles Guené remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je puis attester du travail effectué patiemment au sein de notre commission, de la bonne ambiance et des conditions souvent consensuelles dans lesquelles il s’est déroulé, et surtout de l’investissement très actif et très efficace de notre rapporteur, Richard Yung.
Je voudrais rappeler que ce projet de loi, qui ne constitue pas une révolution, nous confirme, une nouvelle fois, que la crise financière qui a affecté nos économies depuis 2007 trouve son origine dans l’insuffisance de la régulation et de la supervision des activités financières, qu’elles soient bancaires ou non. Nous connaissons tous l’enchaînement des événements à partir de l’éclatement de la bulle immobilière américaine et de la faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, qui fut l’un des moments singuliers de cette redoutable évolution. Notre pays, comme la zone euro plus généralement, subit encore les conséquences de ses ondes de choc sur l’économie réelle.
La régulation des marchés financiers, en particulier dans le domaine de la titrisation, et la supervision des bilans bancaires demeurent donc de réelles priorités. Ce projet de loi représente assurément une étape supplémentaire dans la prise de conscience des enjeux et la recherche de solutions adaptées.
Rappelons que notre pays est loin d’être resté inactif depuis 2007-2008. Il convient de se souvenir que c’est bien la détermination du précédent gouvernement à garantir les dépôts qui a rétabli la confiance. La semaine dernière, lorsque nous avons auditionné les personnalités pressenties pour intégrer le Haut Conseil des finances publiques, j’ai noté avec intérêt les déclarations du professeur Michel Aglietta, le candidat proposé par le président du Sénat. Il a en effet souligné l’efficacité de l’action entreprise en 2008, notamment grâce aux deux sociétés qui avaient pour rôle d’apporter à nos banques les fonds propres et les liquidités dont elles manquaient cruellement.
S’agissant des réformes de structure, il convient, me semble-t-il, de remarquer que le présent projet de loi constitue une étape supplémentaire, faisant suite à la loi de régulation bancaire et financière de 2010, qui avait établi les fondations d’une meilleure régulation des marchés financiers et créé l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, par la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM. Cette loi avait également étendu de manière significative les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. J’estime donc que ce qui nous est proposé aujourd’hui se situe dans la continuité de la loi de 2010, et que l’on passe somme toute assez naturellement de l’ACP à l’ACPR, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en dotant cet organisme d’une nouvelle compétence essentielle de prévention et de traitement des défaillances d’établissements bancaires.
Par ailleurs, nous le savons, tout ce mouvement s’inscrit dans le contexte des réformes européennes lancées sous l’impulsion du commissaire chargé du marché intérieur et des services, Michel Barnier, en particulier pour préparer le règlement sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, dit règlement EMIR, et réviser la directive sur les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF.
En ce qui concerne les banques, nous sommes sans doute assez nombreux ici à estimer que l’empressement de l’Union européenne à vouloir transposer à toute force et dans de brefs délais les règles prudentielles internationales de Bâle III est surprenant, car cette transposition conduirait, me semble-t-il, à pénaliser le financement de l’économie alors même qu’il faudrait la faire réellement redémarrer. Les États-Unis font preuve d’une attitude beaucoup plus attentiste en la matière.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La réforme s’inscrit donc bien dans un mouvement international, mais il est de notre devoir de l’adapter au modèle spécifique de l’industrie bancaire de l’Europe continentale. Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne entreprend à peu près simultanément la même réforme, selon des principes assez voisins.
Nous avons certes pris connaissance des rapports qui résument la pensée anglo-saxonne. Certains érigent en un véritable totem la séparation des activités bancaires. Tout à l’heure, M. le ministre de l’économie et des finances a fait justice de ce totem, si j’ose ainsi m’exprimer, en considérant que tant la règle Volcker que la règle Vickers appartenaient à des environnements différents du nôtre, et que nous devions tenir compte, sans pour autant l’idéaliser, de la réalité de la banque universelle.
Toutes ces considérations conduisent à modifier sensiblement l’organisation des banques, afin de protéger les dépôts, de limiter les risques et de réduire la pure spéculation. Les différentes réformes menées par les différents pays ont un objectif en commun : faciliter la gestion d’une crise et rendre possible le démantèlement d’un groupe bancaire sans appel au contribuable, en particulier en cas de risque systémique.
L’Union européenne, nous le savons, prépare et négocie des projets de directive sur ces sujets. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas attendre ces textes et je m’en félicite, car j’approuve cette démarche. En effet, il vaut mieux essayer d’obtenir que les directives européennes transposent dans le droit communautaire des lois françaises et allemandes, car la situation contraire nous laisserait moins de liberté de manœuvre pour écrire ou au moins inspirer les textes.
Cela étant posé, il me semble que nous devons éviter deux écueils, résoudre deux contradictions. Il faut tout d’abord élever le niveau de sécurité financière, mais sans porter atteinte à la distribution du crédit, sans exercer une influence encore plus dépressive sur la marche de l’économie. Il importe de trouver des règles proportionnées au risque contre lequel on veut se prémunir et permettant d’éviter le retour de turpitudes condamnables, sans pour autant asphyxier la machine économique.
La seconde difficulté, ou contradiction, est que nous devons maintenir la compétitivité de la place de Paris et les emplois de l’industrie financière française tout en bridant quelque peu l’innovation financière, afin d’assurer un bon cantonnement des activités et d’empêcher certains débordements. Or, dans ces domaines, la créativité des acteurs peut toujours aller s’exprimer sous d’autres cieux, et notamment de l’autre côté du Channel – vous avez évoqué à plusieurs reprises la culture britannique, monsieur le rapporteur !
En conclusion, j’estime que cette réforme ne mérite ni excès d’honneur ni excès d’indignité. Ce projet de loi combat à juste titre les excès de la finance, mais il est vraiment très loin des accents salvateurs du discours du Bourget. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) L’ennemi, ce n’est pas la finance mais seulement ses excès.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il n’y a pas de finance sans excès !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le défi que nous devons relever consiste à trouver, au milieu des contradictions que j’ai évoquées, une ligne raisonnable et équilibrée.
On trouve dans ce projet de loi un grand nombre de mesures utiles et opportunes. Il ne s’agit pas d’imposer aux banques de se séparer de toutes leurs activités de marché, loin de là. Il ne s’agit pas non plus d’interdire purement et simplement les relations financières avec les fonds qualifiés, souvent à juste titre, de spéculatifs – les hedge funds –, car une telle interdiction serait handicapante pour le financement des investissements et la couverture des risques. Ce texte est donc très éloigné de certains accents de campagne électorale. À tout prendre, il est positif que l’on ait remis les pieds sur terre !
L’Assemblée nationale a tenu un débat riche et animé. Elle a modifié et quelque peu durci, à la marge, le texte proposé. Quant à notre commission des finances, elle a déjà, sur la proposition du rapporteur, imprimé sa marque à ce projet de loi en adoptant toute une série d’amendements.
Mes chers collègues, il faut donc considérer que ce texte ne devrait pas pénaliser le financement de l’économie, puisque les banques seront sécurisées par le cadre qu’il prévoit tout en restant en mesure de faire correctement leur travail. À la vérité, il ne s’agit pas vraiment d’une réforme structurelle,…
M. Philippe Bas. Effectivement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … mais d’améliorations sans doute utiles pour une large part. Le ministre de l’économie et des finances ayant présenté ce projet de loi comme une réforme structurelle, je m’interroge sur ce qu’il entend par réforme structurelle.
À la suite de la mise en place de la Banque publique d’investissement, la BPI, qui est un assemblage de structures préexistantes, puis de l’annonce de la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui n’est, me semble-t-il, que la réécriture ou le substitut de mesures que l’on s’était empressé d’annuler en début de législature, la preuve est encore faite du caractère erratique de la démarche de l’actuel gouvernement et de la distance importante existant entre cette politique et les espoirs qu’avait suscités le Président de la République dans l’électorat lui ayant permis d’accéder à l’Élysée.
En conclusion, s’agissant de ce projet de loi, c’est bien entendu au vu de nos débats, de leurs résultats et des amendements votés, que les membres du groupe UMP se détermineront. Cependant, au moment où nous entamons ce débat, notre attitude est ouverte et raisonnablement positive. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, à l’évidence, le contexte économique et financier du continent européen souligne avec plus de netteté encore la nécessité d’une régulation de notre système bancaire non seulement, bien sûr, dans notre pays, mais aussi, bien évidemment, au sein de l’Union européenne, cela a été dit à plusieurs reprises.
Alexandre Dumas fils disait en son temps : « La banque, c’est l’argent des autres ».
M. Philippe Bas. Quelle érudition !
M. Éric Bocquet. J’ajouterai : de tous les autres, en particulier, mais aussi des entreprises et même, aujourd’hui, des États.
Notre collègue Richard Yung, rapporteur de ce texte, rappelait utilement, le mardi 12 mars dernier, lors de la réunion de la commission des finances, que le bilan cumulé des banques françaises atteignait quelque 10 000 milliards d’euros, soit environ cinq fois le PIB de notre pays, tandis que, au niveau européen, les actifs des banques de l’Union représentaient 350 % du PIB cumulé des États membres.
Dans ce concert de l’hypertrophie bancaire, notre pays occupe une place de choix. En effet, la France ne compte pas moins de quatre banques dites « systémiques », quand nos voisins allemands, par exemple, n’en comptent qu’une seule, la Deutsche Bank. (M. Philippe Bas s’exclame.)
À cet égard, il faut également savoir que, aux États-Unis, le total de l’actif bancaire ne représente que 85 % du PIB national.
Ces quelques données chiffrées significatives illustrent de manière assez spectaculaire la folie spéculative qui s’est emparée des banques ces trois dernières décennies. Accompagnée de dérégulation et de déréglementation, celle-ci a créé les conditions de l’explosion de la dette et de l’implosion du système financier mondial.
Comme le disait de fort belle manière un journaliste d’un grand quotidien du soir, dans son édition du mardi 15 janvier dernier : « [Les banques] ont alimenté à grandes pelletées le chaudron des bulles immobilières américaines et espagnoles. Les banques fournissent le carburant de l’économie et allument la mèche en même temps. »
Il est donc tout à fait légitime, après ces trente années de dérégulation à outrance, que les États tentent « de remettre le génie dans la bouteille en imposant de nouvelles restrictions », toujours selon ce journaliste.
Un même constat fut fait le 22 janvier 2012, au Bourget, par un candidat à l’élection présidentielle, devenu depuis Président de la République : « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies ». Il poursuivait en indiquant : « Maîtriser la finance commencera ici par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives. Aucune banque française ne pourra avoir de présence dans les paradis fiscaux. Les produits financiers toxiques, c’est-à-dire sans lien avec les nécessités de l’économie réelle, seront purement et simplement interdits. Les stocks-options seront supprimées et les bonus encadrés. » Telle était, mes chers collègues, la feuille de route de l’actuel Président de la République.
Puis, en octobre 2012, un rapport rendu au commissaire européen Michel Barnier par M. Erkki Liikanen, recommandait, entre autres mesures, de mettre à l’écart les activités financières les plus risquées gérées par les banques.
Ces éléments de contexte ne peuvent pas ne pas être pris en compte au moment où nous nous engageons dans la discussion d’un texte qui doit se donner une véritable ambition pour faire en sorte que, demain, une telle crise financière ne puisse plus se reproduire, les conséquences étant trop graves pour les économies et, en dernier ressort, évidemment, pour les peuples.
En l’occurrence, la dette publique irlandaise est passée de 25 % du PIB en 2008 à 100 % en 2010, du fait du naufrage du secteur bancaire irlandais, qui obligea, au passage, plus d’un partisan d’un libéralisme débridé à revoir ses fondamentaux pour décider de nationaliser plusieurs établissements. Que de couleuvres avalées par certains ! De même, la dette publique espagnole a augmenté de 50 %, en raison, notamment, de la prise en charge d’une partie des dettes bancaires par la puissance publique. En Europe, aujourd’hui, le secteur le plus endetté est non pas le secteur public, mais – et de loin ! – le secteur financier privé.
Le modèle de la banque universelle, tant promu par certains milieux, est largement devenu un mythe. Si l’on considère les dix plus grosses pertes annuelles de banques européennes entre 2008 et 2011, 75 % des sommes en jeu relèvent des banques universelles.
Mes chers collègues, face à ce constat, la séparation des activités bancaires apparaît comme une nécessité absolue. Aussi, il y a de quoi être inquiet quant à la portée du présent projet de loi, lorsque l’on sait que le P-DG de la deuxième banque française a indiqué, face aux membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale quelque peu médusés, que le texte, en l’état, encadrerait 1 % du produit net bancaire de son établissement. Le représentant de la première banque français a établi le même constat, à peu de chose près.
Que faut-il filialiser ? Nous l’avons déjà dit, il faut, bien sûr, renoncer aux opérations de négoce à haute fréquence et aux opérations de marché sur les matières premières agricoles. Il faut réorienter la finance vers l’économie réelle, l’outil de travail, la formation, la recherche et le développement, les PMI-PME et les artisans : autant d’atouts, qui, bien plus que l’austérité mortifère, seraient facteurs de la croissance qui fait tellement défaut à notre économie aujourd’hui.
Comment ne pas s’étonner que le texte initial ne fasse pas référence à la présence de nombreuses filiales de banques françaises dans les paradis fiscaux ?
Certes, les collaborateurs du ministre nous ont indiqué, lors de notre dernière entrevue, que ce choix visait à inciter le Parlement à apporter sa contribution à la rédaction. Nos collègues députés ont entamé ce travail et notre groupe souhaite, pour sa part, l’approfondir en introduisant l’ensemble des critères indispensables à une présentation dite de reporting – pardonnez-moi cet anglicisme ! – d’une comptabilité pays par pays. Ainsi serait-il vraiment possible de juger de l’activité économique réelle des banques dans ces territoires si particuliers.
« L’interdiction d’utiliser les paradis fiscaux est également nécessaire et permettra de réduire l’évasion fiscale, notamment si la mesure est étendue à l’ensemble des grands groupes français. Enfin, la mise en place d’une véritable taxe sur les transactions financières, l’interdiction des stock-options, le plafonnement des frais bancaires et l’encadrement du crédit à la consommation répondent au souci légitime de mieux protéger des dysfonctionnements de la finance. »
Ces quelques phrases, mes chers collègues, ne sont pas tirées du bréviaire de quelque militant altermondialiste, mais figuraient en toutes lettres dans un appel publié il y a moins d’un an, le 17 avril 2012 plus précisément, par un collectif d’économistes réuni autour d’éminents professeurs comme Philippe Aghion, Michel Aglietta, Daniel Cohen, Élie Cohen, Jean-Hervé Lorenzi ou encore Julia Cagé et Thomas Piketty.
L’appel, dans son esprit et dans sa lettre, partait de l’analyse des propositions du futur Président de la République, notamment de ses soixante engagements, pour décrire la feuille de route que devaient suivre les responsables de la politique économique, budgétaire et financière de notre pays, une fois le succès électoral acquis.
Il convient aujourd’hui de nous demander si le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis participe de la vision exprimée dans cet appel d’économistes. Le texte que nous allons examiner a-t-il tiré toutes les conséquences du constat opéré et des solutions préconisées ?
Le moins que l’on puisse dire est que nous sommes, aux yeux de beaucoup, assez loin du compte !
Ainsi, lors de son audition par la commission des finances de la Haute Assemblée, Mme Laurence Scialom, économiste en charge de cours à l’université Paris X-Nanterre, soulignait : « Le paradoxe, en réalité, est que pour préserver cette spécificité, il faut mener une vraie réforme de la structure des banques. Il faut insulariser la banque commerciale – celle qui gère les dépôts et qui octroie les crédits aux PME et aux ménages – de la banque de marché. Je rappellerai que 22 % des actifs bancaires français sont consacrés au crédit aux ménages et aux entreprises non financières. Ce sont les 78 % restant qui posent problème, qui ont augmenté le plus vite et qui comprennent une large part de dérivés de crédit. Dans le projet de loi actuel, les dérivés de crédit, du fait de la définition de ce qui constitue une opération utile, ne sont pas du tout touchés par la filialisation. Or ce sont les dérivés de crédit qui font l’interconnexion dans le système et ont connu une progression totalement déconnectée de l’économie réelle. J’aurais beaucoup de mal à croire que les 750 milliards d’euros de dérivés de crédit qui se trouvent au bilan de BNP-Paribas y sont uniquement pour le financement de l’économie. »
Nous pensons également que le Politique, avec une majuscule, doit reprendre toute sa place face à la finance, en parfaite indépendance, détaché de toute influence. Si les Anglo-Saxons n’ont sans doute pas la même approche que nous de ce sujet, nous pensons que la France doit être porteuse d’un message sans ambiguïté sur cette question.
Il nous semble qu’il y va du fonctionnement démocratique de notre société. En effet, mes chers collègues, trop de nos concitoyens pensent aujourd’hui que c’est bien l’économique et, trop souvent, la finance qui dirigent nos sociétés.
Il y a là un enjeu majeur pour l’équilibre de notre République, qui rend nécessaire, selon nous, la démocratisation, en quelque sorte, des organes de régulation. Pourquoi ne pas imaginer la présence au sein de ces instances de représentants du personnel ainsi que des représentants des associations de clients des établissements bancaires ? Face à des situations exceptionnelles, ne faudrait-il pas inventer des solutions originales et novatrices ? Nous sommes convaincus que l’intérêt général serait alors pris en compte de manière beaucoup plus constante. Hâtons-nous aussi de rendre la finance accessible au plus grand nombre, car nous sommes tous concernés par ce sujet.
J’ajouterai encore un mot sur le trading à haute fréquence, qui est l’exemple type de la finance déshumanisée, avec des émissions d’ordres de bourse effectuées par des ordinateurs et des robots, qui constituent, de nos jours, l’essentiel des transactions à l’échelle de la planète.
Le projet de loi envisage d’interdire cette pratique. Malheureusement, elle resterait autorisée dans le cadre des activités dites de « tenue de marché ». Comme la quasi-totalité du trading à haute fréquence fait l’objet d’accords de tenue de marché signés entre, d’une part, les traders et, d’autre part, les places boursières, cette interdiction pourrait, à terme, se révéler sans effet. Or l’expérience récente doit nous inciter à faire preuve d’une très grande ambition dans le cloisonnement strict, étanche, entre l’entité qui collecte les dépôts et la filiale qui regroupe les activités de marché à risques.
Le projet de loi présente de réelles avancées et exprime de réelles intentions. Ainsi, les outils juridiques dont est dotée l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution visent effectivement à agir plus rapidement et à minimiser l’implication des contribuables en cas de défaillance bancaire.
Mes chers collègues, notre responsabilité de parlementaires est très grande face à ce texte qui peut représenter un tournant salutaire, correspondant à une véritable attente chez nos concitoyens, légitimement inquiets de la situation actuelle à Chypre. Selon un sondage de l’IFOP paru en décembre dernier, 71 % des personnes interrogées estimaient que les banquiers n’avaient pas tiré toutes les leçons de la crise et n’avaient pas adopté de comportements moins risqués. Une étude d’opinion du même institut, quelques mois plus tôt, en juillet, montrait que 84 % des personnes interrogées étaient favorables à une séparation au sein des banques entre les activités de détail et les activités de marché. Nous ne pouvons pas décevoir ces attentes !
Je voudrais à ce stade, avant de conclure, soumettre à la réflexion de chacun une citation – d’autres orateurs l’ont fait avant moi –, dont je ne vous dévoilerai l’auteur qu’à l’issue de la lecture.
M. Jean-Pierre Caffet. Ah, une devinette !
M. Éric Bocquet. « Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que les banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d’abord par l’inflation, ensuite par la récession, jusqu’au jour où leurs enfants se réveilleront sans maison et sans toit sur la terre que leurs parents ont conquise. » Mes chers collègues, il s’agit d’une déclaration de Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, en 1802.
Notre groupe déterminera donc sa position au terme de l’examen des articles et de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean Desessard applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où s’ouvre l’examen de ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, je voudrais remercier les rapporteurs pour avis, dont les travaux nous ont parfaitement éclairés, ainsi que le rapporteur au fond, Richard Yung, pour son investissement personnel.
La finance est sans doute l’expression la plus achevée de la mondialisation, de la volatilité des actifs et des enjeux de concurrence internationale. La faillite de Lehman Brothers a jeté sur les banques du monde entier le voile de la défiance. Une machinerie infernale s’est déclenchée. La défiance interbancaire et les faillites en série ont contaminé l’économie réelle par l’assèchement du crédit.
Les plans de relance budgétaire qui ont suivi dans toutes les économies des pays industrialisés ont achevé de creuser les déficits publics, jusqu’à ce que la défiance infecte la dette des États.
C’est cette même défiance qui lie la crise financière et bancaire de 2007 à la crise économique qui a suivi, amplifiée bien sûr par la crise des dettes souveraines.
Dès lors, le coupable était tout désigné : si le mal venait des banques, alors ce sont les banques qu’il fallait châtier !
C’était tout le sens du discours du Bourget du futur Président de la République. Son ennemi était la finance,…
M. Pierre-Yves Collombat. Incroyable discours…
M. Jean Arthuis. … il devenait donc impératif de séparer les activités financières d’une spéculation honnie. On parlait alors d’un Glass-Steagall Act à la française, d’une réforme structurelle majeure.
Monsieur le ministre, nous partageons votre souhait d’une banque saine, robuste et dédiée au financement de l’économie. C’est sans doute l’objectif de ce texte, et, dans l’ensemble, il nous semble que votre démarche va dans la bonne direction. Nous émettons pourtant des réserves sur les modalités prévues aux deux premiers titres de votre projet de loi.
Tout d’abord, il nous semble trop restrictif de juger les banques du seul point de vue national, sans voir ce qui se passe ailleurs, notamment aux États-Unis ou tout particulièrement en Europe.
Il est bien sûr politiquement très correct de désigner le monde de la finance comme le bouc émissaire pour ce qui est des difficultés que nous rencontrons à sortir de la crise. Convenons toutefois que les États ne peuvent s’exonérer trop facilement de leur propre impéritie.
Prenons le cas de la Grèce. Son surendettement met certainement en cause ses créanciers et son système bancaire, mais, à y regarder de plus près, force est de constater que les gouvernements des États membres de la zone euro portent une lourde responsabilité, en raison du laxisme qui a caractérisé la gestion de ladite zone depuis la création de la monnaie unique.
Le pacte de stabilité et de croissance était devenu un pacte de tricheurs et de menteurs.
L’actualité nous offre un nouvel objet de méditation.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !
M. Jean Arthuis. Comment se fait-il que la Commission et l’Eurogroupe se soient montrés à ce point complaisants à l’égard des banques chypriotes ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Excellente question !
M. Jean Arthuis. Y a-t-il un pilote dans l’avion ?
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que, dans les semaines ou les mois qui viennent, vous serez amené à demander au Parlement de nouvelles autorisations de crédits d’engagement pour venir en aide à Chypre. Ce qui a été défaillant, c’est la gouvernance de la zone euro. Après l’admission de Chypre dans la zone euro en 2008, la Commission comme l’Eurogroupe avaient le devoir impératif de veiller à la crédibilité du système prudentiel des banques chypriotes.
En dépit de ces considérations, vous avez l’ambition de formuler un modèle français de séparation et de régulation bancaire. Vous entendez donner à l’Autorité de contrôle prudentiel un pouvoir de résolution dès lors qu’un risque systémique est avéré. Nous en comprenons la logique, mais peut-être faudrait-il aussi, à ce stade, s’interroger sur les excès de la concentration bancaire et leur corollaire : too big to fail…
Ce n’est pas l’option que vous avez retenue. Vous vous en tenez à l’institution d’un pouvoir sidérant, le pouvoir de résolution. Il faudra pour le moins respecter une procédure contradictoire avant que de limoger les dirigeants de banques en risque de péril imminent.
Au surplus, n’y a-t-il pas incompatibilité entre l’exercice du contrôle prudentiel et la désignation d’équipes de direction après révocation de l’équipe précédente ?
Autre interrogation : comment qualifier un risque systémique et sa résolution ? Nous parlons d’opérations de plusieurs milliards d’euros.
Cette absence de définition du risque systémique n’est pas anodine. La crise financière et bancaire des années 2007 et 2008 n’a pas été causée par nos banques, qui ont même plutôt bien résisté. Peut-être, monsieur le ministre, avez-vous à l’esprit la faillite de Dexia ou bien faites-vous une fixation sur les anciens dirigeants du Crédit immobilier de France, dont les relations avec le Trésor étaient tendues, c’est le moins que l’on puisse dire ?
Cela étant, c’est une banque étrangère, Lehman Brothers, qui a été le déclencheur systémique de la défiance. C’est une cause étrangère au système bancaire français qui nous conduit ici aujourd’hui. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Dès lors, je pose la question : ce texte est-il en mesure de nous préserver d’une nouvelle crise bancaire ? Malheureusement, j’en doute. Le droit français est limité par sa propre territorialité.
Nous comprenons votre souhait de donner corps au septième engagement du Président de la République, alors candidat. Notre conviction, monsieur le ministre, est bien que l’Europe s’impose comme le meilleur cadre pour agir effectivement. Le travail a déjà commencé.
En effet, la proposition de directive dite « CRD IV », qui doit achever la mise en œuvre des accords de Bâle III, est en cours d’élaboration ; le rapport Liikanen doit donner du contenu à l’union et à la supervision bancaires continentales. Tout ce dispositif doit être en conformité avec l’architecture de l’union bancaire en devenir.
Il conviendra d’ailleurs de veiller à ce que ces mesures s’appliquent également aux sociétés d’assurance et aux organismes de prévoyance.
Pourquoi vouloir aller plus loin par une anticipation législative ? Est-ce la meilleure manière de procéder à l’égard de nos partenaires européens ? Je sais bien que, en tout état de cause, l’application ne sera pas immédiate, comme on l’a vu aux États-Unis.
Mes chers collègues, le groupe UDI-UC reconnaît que ce texte s’inscrit sur la voie vertueuse d’une réforme structurelle, attendue au niveau européen, voire mondial. Dans l’immédiat, nous craignons surtout que vous ne fassiez d’un outil de prévention des crises bancaires un cadeau à nos concurrents internationaux, en tout premier lieu aux places européennes.
Je voudrais vous mettre en garde, monsieur le ministre : toute législation nationale plus rigoureuse que la réglementation européenne est une gesticulation qui se solde fatalement par une fuite d’activités et une perte d’emplois. (M. François Marc s’exclame.)
Nous prendrons bien évidemment notre part à l’examen de ce texte en séance et nous ne manquerons pas de vous proposer des amendements en vue de parvenir à une rédaction plus conforme à nos attentes. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 septembre 2008, voilà à peine plus de quatre ans, la banque d’investissement Lehman Brothers faisait faillite avec fracas, après l’échec des plans de reprise tentés par d’autres établissements et le choix fait alors par l’administration américaine de ne pas « utiliser l’argent des contribuables pour sauver Lehman ».
La crise des subprimes, qui avait éclaté un an plus tôt, se mua alors en une crise boursière et bancaire d’une ampleur inédite, laquelle entraîna toute l’économie mondiale.
Cet épisode mit en lumière les agissements d’un secteur où régnaient sentiment d’impunité, opacité et « aléa moral », mais aussi déresponsabilisation, derrière la maxime too big to fail, en français, « trop gros pour faire faillite ».
M. Philippe Bas. Merci !
M. Jean-Michel Baylet. C’est peu de dire qu’il y avait besoin de réformes structurelles. La dernière loi de régulation bancaire et financière, celle du 22 octobre 2010, constitua certes une avancée tangible, mais bien insuffisante. Il fallait donc aller plus loin.
Reprenant les propositions faites par François Hollande durant la campagne présidentielle, le Gouvernement s’est attelé à mettre en œuvre cet engagement et à l’appliquer au modèle dominant dans le paysage bancaire français : la banque universelle.
C’est ainsi qu’est apparue la notion de séparation des activités utiles au financement de l’économie et des activités d’investissement spéculatif, afin que les épargnants et les ménages n’aient pas à payer les pertes essuyées par les banques dans leurs activités spéculatives.
Dans l’entremêlement des activités bancaires, il nous revient donc de tenter de définir ce qui relève de l’un de ce qui est du domaine de l’autre. Il y va de la portée et de l’efficacité du présent texte.
C’est l’objet de son titre Ier, dont la version initiale a été amendée par l’Assemblée nationale, mais également par la commission des finances du Sénat.
Monsieur le ministre, je comprends la posture du Gouvernement, qui souhaite concilier protection des déposants et contribuables, d’une part, compétitivité de nos établissements, d’autre part, et c’est bien naturel. Cependant, pour rendre plus opérante la séparation entre l’utile à l’économie et le spéculatif, le groupe des radicaux de gauche défendra, à l’article 1er, plusieurs amendements portant notamment sur les activités de tenue de marché et le cantonnement strict des filiales, ainsi que sur le trading haute fréquence.
Cette filialisation des activités spéculatives empêchera-t-elle les crises à l’avenir ? Elle pourra en tout cas, nous l’espérons, contribuer à les prévenir ; elle permettra d’en limiter les effets sur nos banques ; elle servira à établir une distinction entre les banques pour lesquelles la puissance publique devra intervenir et les autres.
Mais, avouons-le, reconnaissons-le, ce texte ne pourra empêcher les faillites. La preuve en est que la banque Lehman Brothers constituait un idéal type de l’établissement d’investissement spéculatif.
Cependant, l’objectif principal de ce texte est ailleurs : il est de permettre et de contenir les futures alertes, c’est-à-dire de prévoir un réseau de digues capables d’empêcher l’inondation de nos établissements de dépôt lors d’un éventuel tsunami bancaire.
C’est pourquoi je souhaite insister sur le volet du texte relatif à la résolution des crises, contenu dans les titres II et III du projet de loi. Aux termes de ceux-ci, chaque établissement doit élaborer un plan préventif de rétablissement. En outre, l’Autorité de contrôle prudentiel, qui devient l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le Fonds de garantie des dépôts, qui devient le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, et l’Autorité des marchés financiers, se voient attribuer de nouvelles missions en matière de surveillance, mais aussi, et c’est important, des moyens d’action accrus en cas de crise.
Dans votre rapport, dont je relève l’exhaustivité, cher Richard Yung, vous vous félicitez de la mise en place « d’une architecture générale qui permet à l’autorité de résolution d’intervenir de manière forte dans des conditions d’urgence ». Vous avez raison. Dans ces cas, l’ACPR est dotée de pouvoir exorbitants : elle pourra par exemple « révoquer tout dirigeant responsable » de l’établissement entré en résolution et nommer un administrateur provisoire.
Ce mécanisme complexe, s’il reste perfectible, semble enfin avoir tiré les enseignements des dernières interventions de la puissance publique auprès des banques, en 2008.
Mes chers collègues, parmi les autres avancées du texte, je souhaite également relever les outils de lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles, alors que l’on sait l’effet dévastateur de la volatilité des prix de ces matières premières sur les producteurs comme sur les consommateurs, cependant que plane le spectre d’émeutes de la faim. Notre groupe défendra, lors de la discussion des articles, des amendements visant à renforcer la lutte contre cette spéculation.
S’agissant de la protection des consommateurs, le texte, reconnaissons-le, contient des progrès notables, notamment en direction des clients les plus fragiles, car il vient combler les lacunes des précédentes lois bancaires. Le plafonnement des commissions d’intervention prélevées sur un compte en cas de difficultés de paiement en est la disposition phare.
L’Assemblée nationale a amendé le texte initial en élargissant ce plafonnement à tous les clients particuliers, sans le réserver aux seules personnes en difficulté.
En matière de transparence et de lutte contre le blanchiment d’argent, le groupe du RDSE proposera des améliorations, en particulier quant au fonctionnement de TRACFIN et à la lutte, bien évidemment indispensable, contre les paradis fiscaux.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet. Néanmoins, il nous apparaît vain d’appréhender ce texte dans une perspective uniquement franco-française, sans prendre en compte, et c’est indispensable, le contexte international. En effet, est-il un domaine plus mondialisé et plus dématérialisé que la finance ?
C’est la raison pour laquelle je souhaite conclure mon intervention en attirant votre attention sur l’action menée au niveau européen, tout d’abord. Le groupe présidé par Erkki Liikanen, président de la Banque centrale finlandaise, a remis un ensemble de recommandations à la Commission européenne, en octobre 2012.
Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, s’est saisi de ces pistes, dont une partie se retrouve également dans le projet dont nous discutons, et prépare une série de directives sur le sujet.
Parallèlement, le conseil des ministres européens des finances réuni les 13 et 14 décembre dernier a jeté les bases d’une Union bancaire sur le plan communautaire. Cette supervision unifiée des banques de la zone euro, qui a tant fait défaut ces dernières années, comme tant d’autres dispositions, devrait se mettre en place dans les prochains mois. Même s’il eût été préférable qu’elle intervienne plus tôt, elle constitue néanmoins un pas supplémentaire sur la voie de l’achèvement d’une véritable union monétaire dont nous avons tellement besoin.
Au niveau mondial, maintenant, la crise bancaire de 2007-2008 a conduit à une remise en cause du modèle de supervision et de régulation de la finance, dont les acteurs s’étaient de surcroît largement affranchis. Les accords de Bâle III ont été conclus à la fin de l’année 2010, sur l’initiative du G20. À ce jour, ses préconisations ne sont malheureusement pas entrées en vigueur et les États-Unis semblent s’acheminer vers un report de leur application.
Mis ainsi en perspective, le projet de loi français est à la fois insuffisant et capital.
Il est insuffisant – vous connaissez l’attachement des radicaux à la construction européenne –, car, sans avancées à l’échelle européenne et même globale, il sera aisément contournable et, pire, grèvera la compétitivité de nos banques.
Il est cependant capital, car il permet d’œuvrer, comme cela a pu être le cas avec le projet de taxe sur les transactions financières, en faveur de la diffusion des mécanismes de régulation et de supervision de la sphère financière.
Les choses bougent, en Europe notamment. Le Royaume-Uni a voté, en 2011, une réforme bancaire issue des conclusions du rapport Vickers, dont l’entrée en vigueur sera progressive, jusqu’en 2019. L’Allemagne a également engagé une réforme du secteur. Et que dire du référendum suisse du 3 mars dernier sur l’encadrement des bonus et des rémunérations des dirigeants de grandes entreprises ? (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean-Michel Baylet. C’est tout de même un signal dans le monde de la finance, mes chers collègues.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs radicaux de gauche, même s’ils souhaitent que des améliorations soient apportées à ce texte, qu’ils auraient voulu plus ambitieux, voteront ce projet de loi pour les avancées qu’il présente et la légitimité qu’il donne à notre pays pour négocier à l’échelon européen comme à l’échelon international. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. - M. Jean Boyer applaudit également.)
(M. Didier Guillaume remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la réforme bancaire peut apparaître comme un sujet technique et complexe, ce qu’il est, mais c’est aussi un sujet politique qui revêt une importance essentielle pour les Françaises et les Français.
Cette réforme est aussi un enjeu démocratique. Les attentes sont fortes, car ce sujet concerne directement le contribuable, qui supporte les déboires des banques irresponsables – on l’a trop vu par le passé –, le citoyen, qui ne maîtrise plus son épargne, et les acteurs économiques auxquels on refuse des crédits pour entreprendre.
De plus en plus, la sphère financière est déconnectée de l’économie réelle, mais, lorsque la bulle explose, la réalité nous rattrape et c’est toujours le citoyen qui paye la facture !
La défiance à l’égard des banques est palpable aujourd’hui, et pour cause : nous avons assisté ces dernières années aux dérives des banques espagnoles, irlandaises, islandaises, américaines, aux emprunts toxiques, aux scandales, aussi, avec l’affaire Kerviel ou le Crédit Lyonnais. Nous pourrions remonter très loin dans le passé bancaire.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. Je vous remercie, cher collègue, de cet avis neutre et objectif ! (Sourires.)
Rappelons qu’en France, 360 milliards d’euros ont été débloqués pour le sauvetage des banques en 2008, comme l’a évoqué notre excellent rapporteur, Richard Yung, que j’ai l’occasion de saluer ainsi. Aujourd’hui, cette défiance se traduit très concrètement. À Chypre, même si tout n’est pas comparable, le Parlement a rejeté le plan de sauvetage, ne pouvant se résigner à accepter la taxe sur les dépôts bancaires. Le peuple a clairement manifesté sa colère et son opposition contre ces mesures injustes.
Les défaillances du système bancaire actuel font peser des risques trop lourds, non seulement sur l’état des finances publiques et l’épargne des citoyens, mais également sur la situation économique de l’Union européenne, dans son ensemble.
Les Français doivent savoir que les erreurs du passé ne seront pas répétées : il faut rétablir la confiance. Tirer les conséquences des échecs, c’est bien tout l’enjeu de cette réforme. La loi bancaire doit assurer un meilleur contrôle démocratique, une véritable régulation, un encadrement strict. L’État français ne peut pas continuer à récompenser les faillites bancaires et les dirigeants irresponsables. C’est un engagement fort du Président de la République, qui a promis de « mettre les banques au service de l’économie », et je salue la volonté du Gouvernement et des ministres de mettre en œuvre ces changements nécessaires.
De nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie, je pense aux États-Unis, à l’Italie, à l’Islande ou à la Suède.
Au Royaume-Unis, par exemple, pays qui ne figure pas au nombre des plus « régulationnistes », le ministre des finances, George Osborne, a clairement menacé : si une banque passe outre les règles, le régulateur – c’est-à-dire la Banque d’Angleterre – et le Trésor auront ensemble le pouvoir d’opérer, au sein de l’établissement, une « séparation totale » entre activités de détail et activités d’investissement, et non plus « juste un cloisonnement ».
Réformer les banques n’est pas chose facile, nous le savons, y compris au regard de la tradition bancaire française qui est, comme souvent, particulière. Mais ce ne sont pas des exceptions qui me choquent, je crois qu’il est bien que nous puissions avoir notre spécificité.
On ne peut pas nier les risques systémiques, la mondialisation, les normes extérieures. C’est la raison pour laquelle, bien sûr, j’aurais voulu, comme nombre d’entre vous, mes chers collègues, que le Gouvernement aille plus loin dans le sens d’une séparation stricte des activités bancaires, mais je comprends la nécessité des compromis, y compris dans une perspective européenne, j’y reviendrai.
La première lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis des évolutions positives. Je tiens d’ailleurs à saluer le remarquable travail des ministres, Benoît Hamon et Pierre Moscovici, qui est absent en cet instant, mais je ne doute pas que ces propos lui seront rapportés.
Le texte initial a été considérablement renforcé. Je pense notamment à la lutte contre les paradis fiscaux, sujet essentiel sur lequel nous souhaitons d’ailleurs aller plus loin. Nous avons abordé ce sujet en commission des finances et je sais que le rapporteur partage cette volonté.
Le rapport de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, de juillet 2012, voté à l’unanimité au Sénat, a mis en lumière l’impérieuse nécessité de la transparence.
Au sein de notre Chambre haute, je crois que d’autres points méritent d’être améliorés. Je veux en particulier attirer votre attention sur une question importante : la réforme doit s’attaquer à la spéculation sur les matières premières alimentaires.
M. Jean-Michel Baylet. Parfaitement !
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. Plusieurs orateurs, dont M. Baylet, l’ont souligné : on ne peut plus tolérer que des spéculateurs, qui ne connaissent pas les marchés agricoles, puissent parier sur l’évolution du prix des produits agricoles, à la hausse ou à la baisse, en achetant ou en vendant au moment le plus opportun, sans se soucier de la flambée des prix ou des émeutes de la faim que cela engendre. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) La volatilité et l’instabilité des prix sont un fléau contre lequel il faut se battre.
M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait !
M. Jean-Vincent Placé. Les écologistes vous présenteront leurs propositions pour aller dans ce sens, mais je sais que le rapporteur est extrêmement attentif sur ce sujet. Il en est de même du trading à haute fréquence, des rémunérations des dirigeants, des bonus des traders. S’il y a des excès, il faut les réguler, les maîtriser.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Jean-Vincent Placé. Je n’entrerai pas dans le détail, nous reviendrons sur toutes ces questions lors de la discussion des articles durant les prochaines journées qui seront, je l’espère, fructueuses pour le travail parlementaire.
M. Jean-Pierre Caffet. Elles le seront !
M. Jean-Vincent Placé. Je n’en doute pas !
Je salue, enfin, l’amendement présenté par le Gouvernement visant à autoriser les collectivités territoriales à créer un nouvel outil de financement de leurs investissements qui, je le crois, répond à une attente forte des associations d’élus. C’est une avancée extrêmement importante.
Je sais aussi que nos réflexions, au Sénat, s’inscrivent dans un débat plus large, à l’échelle de l’Union européenne. La directive européenne sur les marchés d’instruments financiers est en cours de révision, il faut garder cela présent à l’esprit.
M. Jean-Pierre Caffet. Très juste !
M. Jean-Vincent Placé. Je pense que c’est une chance pour l’Europe, une chance pour la France. Notre pays doit être à l’avant-garde, impulser une dynamique, comme il a pu le faire sur les paradis fiscaux.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a là une affirmation d’ambition et de détermination pour moraliser la finance. Il y a là aussi une capacité à écouter que j’ai pu constater au long des mois pendant lesquels nous avons, avec Jean Desessard, qui est notre chef de file, discuté avec le Gouvernement, avec les différents groupes, avec le rapporteur, avec la commission.
Comme ce fut le cas pour la Banque publique d’investissement, sur des sujets lourds, importants pour l’avenir de notre pays, je trouve sur toutes les travées une vraie volonté de discuter et de travailler en commun pour l’intérêt général, pour réaliser les ambitions que porte notre peuple aujourd’hui en souffrance.
Pour toutes ces raisons, je me réjouis à la perspective de la belle discussion que nous allons avoir, animés de la volonté d’aller tous ensemble de l’avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je veux d’emblée rassurer Jean-Vincent Placé : nous allons travailler dans un esprit constructif !
Permettez-moi de commencer mon propos par une citation de François Hollande, mais je suis sûr que vous ne m’en voudrez pas.
M. Pierre-Yves Collombat. On ne s’en lasse pas !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est parfait !
M. Albéric de Montgolfier. Le 22 janvier 2012, au Bourget, le candidat à la présidence de la République, à l’occasion de son premier grand meeting, annonçait dans une diatribe quelque peu démagogique, que son adversaire était le monde de la finance.
M. Jean-Pierre Caffet. Il avait raison !
M. Albéric de Montgolfier. Dans son engagement n° 7, il précisait qu’il entendait séparer « les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi, de leurs opérations spéculatives ».
Toutefois, nous le savons, et les Français l’ont désormais l’ont bien compris, dans ce gouvernement, on constate parfois un retour aux réalités. En conséquence, on nous propose ici non pas une séparation stricto sensu des activités bancaires, mais une simple filialisation des activités spéculatives, et uniquement pour le compte propre des établissements bancaires.
Force est donc de constater que les promesses électoralistes du candidat Hollande se heurtent au principe de réalité. En effet, nous ne pouvons pas nous affranchir du contexte et du monde dans lequel nous vivons.
Ainsi, Barack Obama n’est pas revenu au Glass-Steagall Act parce qu’il ne voulait pas fragiliser les banques américaines face aux banques européennes.
La règle Volker promue par Wall Street, et reprise par le Président américain, limite certains types de spéculation, mais établit tant d’exceptions que certains analystes parlent d’un véritable gruyère.
L’option Vickers, sortie tout droit de la City, n’instaure pas de séparation puisque les activités de dépôts et les activités spéculatives restent sous le même toit.
Le rapport Liikanen, rédigé pour la Commission européenne, est beaucoup plus strict, mais il ne touche pas plus au modèle de la banque universelle.
La réalité est que nous devons nous féliciter de disposer de grandes banques nationales qui ont su résister à la crise. Elles contribuent à notre croissance, au soutien de nos entreprises et de la consommation.
Il serait contre-productif pour la France et pour notre croissance de les fragiliser outre mesure, et par là même, de favoriser les autres banques européennes ou américaines.
Certes, il ne s’agit pas d’être naïf. La crise économique a d’abord été une crise financière et bancaire. L’excès de spéculation et de financiarisation, peut-être irraisonné, a été à plusieurs reprises incontrôlé : je rappellerai, comme d’autres avant moi, les affaires Madoff, Kerviel, UBS, la crise des subprimes, le scandale de la « baleine de Londres », celui du LIBOR, autant de crises qui montrent les excès de la finance.
La crise bancaire de 2009 a convaincu les grandes puissances de la nécessité de réformer les banques, devenues trop grosses et trop risquées pour la stabilité de l’économie mondiale.
À titre d’exemple, les actifs détenus par le secteur bancaire européen représentent aujourd’hui 300 % du PIB de l’Union européenne – le chiffre est impressionnant –, et les actifs détenus par une seule banque française, BNP Paribas, représentent à eux seuls la totalité du PIB français.
Les banques sont devenues systémiques, c’est-à-dire trop grandes pour faire faillite : en cas de défaut d’un seul établissement, les États sont contraints d’intervenir pour éviter la déstabilisation de l’économie. C’est ce que les Anglo-Saxons appellent le concept de « too big to fail » qui a été rappelé tout à l’heure.
Ainsi, entre octobre 2008 et octobre 2011, les États européens ont mobilisé 4 500 milliards d’euros en aides et garanties publiques à leurs banques, même s’il convient de noter que le sauvetage des banques en France n’a rien coûté à nos finances publiques.
M. Roland Courteau. Nous le savons !
M. Albéric de Montgolfier. Par ailleurs, les activités de marché ont connu une croissance exponentielle.
Néanmoins, nous devons nous interroger sur la nécessité et la pertinence de la mise en œuvre d’une réforme structurelle des banques dans la mesure où le modèle de banque universelle est désormais bien inscrit dans le paysage bancaire français et s’est révélé solide à l’épreuve de la crise.
Le rapport Liikanen évoque d’ailleurs l’absence de liens démontrés entre la faillite d’une banque et son modèle d’activités.
Un certain nombre d’initiatives, acceptées par les banques, ont déjà été prises au niveau européen depuis la crise, et elles entraînent des bouleversements profonds pour le fonctionnement des marchés : renforcement des normes prudentielles, exigences en capital et mise en place de nouveaux ratios de liquidité, les fameux ratios de Bâle III ; en outre, à partir du 1er mars 2014, supervision unique des banques par la Banque centrale européenne dans la zone euro, ainsi que par l’Autorité bancaire européenne dans l’ensemble de l’Union européenne, par ailleurs chargée d’établir des règles destinées à prévenir les défaillances des établissements financiers, et lancement de l’union bancaire à l’échelle de la zone euro.
Certains effets de ces différentes mesures se font déjà sentir, mais il est encore trop tôt pour en mesurer l’impact.
Les banques ont d’ores et déjà procédé à des réductions de leurs activités de marché en raison de ces nouvelles contraintes. D’aucuns dénoncent le fait que la filialisation des activités spéculatives pour compte propre, qui est au cœur de ce projet de loi, ne représentera que de 0,5 % à 2 % des actifs des banques, mais avant la crise, c’eût été plutôt de 10 % à 15 % de leurs actifs,…
M. Richard Yung, rapporteur. Et même 25 % !
M. Albéric de Montgolfier. … selon les estimations du président de l’Autorité de contrôle prudentiel.
Cela signifie bien que l’activité spéculative a été réduite. Nous pouvons nous en féliciter, mais il faut se garder de placer le curseur trop loin, car cela pourrait aussi avoir pour conséquence la réduction des activités de financement, et donc impacter le financement des entreprises et l’activité économique en général.
Il faut donc veiller à ne pas ajouter trop de contraintes, car cela réduirait clairement les capacités de financement et fragiliserait les activités de la banque de financement et d’investissement.
Cela pourrait aussi avoir pour conséquence une hausse du coût des crédits pour les entreprises, qui ne pourraient plus négocier des tarifs globaux, et sans doute une hausse du coût des opérations, du fait d’une augmentation du coût de refinancement des banques.
Il faut par ailleurs veiller à conserver des réseaux bancaires français puissants, capables de proposer aux entreprises la palette des services dont elles ont besoin, et ce à des coûts compétitifs.
Comme je l’ai déjà dit, l’existence de banques françaises et européennes puissantes et fortement internationalisées est un facteur de compétitivité pour la France et pour l’Europe.
Mais voyons ce qu’il en est de ce projet de loi au regard de Bâle III.
Vous le savez, les États-Unis ont fait savoir qu’ils renonçaient sine die, unilatéralement, à appliquer Bâle III au 1er janvier 2013, ce qui aggravera encore les distorsions de concurrence.
Je rappelle qu’ici, au Sénat, la commission des finances a réagi en votant le 20 novembre dernier une résolution n°32, proposant notamment un principe de réciprocité avec les États-Unis s’agissant de la mise en œuvre des règles de Bâle III.
En réalité, les banques européennes risquent d’être les seules à appliquer Bâle III. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas le moment de les surcharger en leur imposant des réformes structurelles qui ne seraient pas nécessaires.
Sur un tel sujet, la réflexion doit se faire au niveau international pour être efficace.
Examinons le calendrier : dans la mesure où la Commission européenne a publié en juin 2012, vous le savez tous, une proposition de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances bancaires, la France pourrait ne pas anticiper sur cette directive en cours de discussion – nous avons eu ce débat en commission – et inscrire pleinement sa réforme dans un cadre européen. Pour rappel, la réglementation bancaire en France est à 90 % d’origine européenne.
L’adoption de cette directive nous obligera de toute façon à voter un nouveau texte, donc un projet de loi l’anticipant demeure, avouons-le, un texte purement d’affichage. Le Gouvernement entend laisser croire qu’il a agi en la matière, alors qu’en réalité, sur certains aspects, la montagne va accoucher d’une souris...
Ce texte ne fait que compléter la réforme bancaire qui avait été engagée en 2011 sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, avec la loi de régulation bancaire et financière.
Pour autant, au-delà de ces considérations générales, je souhaiterais, au nom du groupe UMP, saluer certaines avancées du texte qui nous est proposé, notamment en matière de protection des consommateurs.
Certaines questions restent en débat et seront peut-être discutées lors de l’examen des amendements. Par exemple, fallait-il aller jusqu’à plafonner les frais bancaires pour l’ensemble de nos concitoyens – nous avons eu ce débat en commission ce matin, monsieur le rapporteur –, alors que le projet de loi initial le limitait simplement aux Français dont les revenus sont les plus modestes ? À titre personnel, je ne suis pas favorable à un plafonnement général.
Par ailleurs, le présent projet de loi prévoit un renforcement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel en matière de contrôle de l’honorabilité, de la compétence et de l’expérience des dirigeants des établissements de crédit. Un pouvoir d’opposition à leur nomination et à leur renouvellement serait confié à l’ACP, qui deviendra l’ACPR – R pour « Résolution » –, et ses contrôles seraient étendus, dans le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, à l’ensemble des administrateurs des banques coopératives régionales, alors qu’ils portaient jusqu’à présent sur les seuls dirigeants responsables des banques au sens du code monétaire et financier.
Le texte ne tient pas compte, me semble-t-il, de la nature même des banques coopératives et de l’existence d’un organe central qui dispose déjà de larges prérogatives.
L’Assemblée nationale a adopté un texte excluant du périmètre d’application du dispositif les caisses locales, qui bénéficient déjà d’un agrément collectif, mais pas les caisses régionales.
C’est pourquoi certains de mes collègues et moi-même avons déposé plusieurs amendements en vue de compléter cette exemption pour les caisses locales et de l’étendre éventuellement aux administrateurs des banques coopératives régionales, sauf pour les dirigeants de ces établissements.
Au-delà de toutes ces remarques, ce texte n’est donc pas révolutionnaire. Il comporte quelques points positifs, il faut le souligner, mais demeure essentiellement technique.
C’est pourquoi le groupe UMP se prononcera sur l’ensemble du projet de loi en fonction des amendements qui seront adoptés au cours de la discussion. Notre groupe pourrait s’abstenir, sauf si les nouvelles dispositions retenues durcissaient excessivement le texte adopté par la commission, dont nous partageons un certain nombre d’orientations, et je voudrais à cet égard saluer le travail effectué par M. le rapporteur sur le texte initial. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP. – MM. Jean Boyer et Aymeri de Montesquiou applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons l’examen est sans doute la traduction d’une réforme majeure de ce quinquennat.
En séparant les activités des banques qui sont utiles à l’investissement et à l’emploi de leurs opérations spéculatives, comme s’y était engagé le Président de la République, il apporte une réponse structurelle à la crise financière de 2008, la plus grave depuis celle de 1929, dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences en matière de croissance, d’emploi et d’endettement excessif.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Pierre Caffet. Souvenons-nous qu’en trois ans nous avons constaté la destruction d’environ 1 000 milliards de dollars de richesse, la progression du chômage à hauteur de 13 millions de personnes dans la zone OCDE et une augmentation moyenne de 80 % des déficits publics.
Je ne reviendrai pas longuement sur les racines de cette crise, mais il est clair pour nous que cette dernière est étroitement corrélée à la déréglementation des marchés financiers au cours des trente dernières années et à la complexification des produits financiers dont plus personne ne peut mesurer aujourd’hui les risques qu’ils comportent.
J’y ajoute le développement de certaines pratiques financières comme la titrisation, qui a favorisé une extrême interdépendance entre bilans des établissements de crédit, et donc accru le risque systémique, ainsi que les effets de levier de certaines opérations menées hors bilans bancaires qui ont été ignorés par les régulateurs.
Pendant toutes ces années d’hypertrophie des activités financières, la réponse des pouvoirs publics, tant en France qu’au niveau communautaire ou international, s’est concentrée sur le renforcement des normes prudentielles, notamment avec l’élaboration des règles dites « Bâle » ou « Solvabilité » : Bâle II, Bâle II et demi, Bâle III, Solvabilité I, Solvabilité II.
En d’autres termes, les pouvoirs publics ont cru que la régulation des activités de transformation d’une banque, c’est-à-dire l’octroi de crédits à partir de dépôts, les dispensait de réguler les activités d’intermédiation, c’est-à-dire les interventions des banques sur les marchés financiers.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Jean-Pierre Caffet. Ce fut une funeste erreur.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Caffet. Et ce n’est que très récemment que les réflexions ont dépassé ce cadre strictement prudentiel pour aborder les questions plus globales des structures mêmes des banques et de la relation aux marchés financiers.
C’est tout le sens des rapports Volcker aux États-Unis, Vickers au Royaume-Uni et Liikanen pour notre continent. En témoignent également les nombreuses discussions menées aujourd’hui au niveau européen, notamment autour des projets de directive portant sur la supervision des établissements de crédit et la résolution de crises bancaires éventuelles.
C’est donc dans ce cadre nouveau que s’inscrit ce projet de loi, qui suscite notre fierté, je tenais à vous le dire, monsieur le ministre, dans la mesure où la France sera le premier pays à se doter d’une telle législation, faisant ainsi figure de pionnière en Europe.
Ce cadre que j’évoquais à l’instant vise quatre objectifs principaux : premièrement, la réduction du risque systémique ; deuxièmement, la limitation de l’aléa moral, c’est-à-dire la garantie implicite de l’État et donc du contribuable aux banques, bref un système bien connu dans lequel les profits sont privatisés et les pertes nationalisées ;…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. … troisièmement, le meilleur financement possible de notre économie, que ce soit pour les particuliers ou les entreprises dans un contexte français, j’insiste sur ce point, où les crédits sont structurellement supérieurs aux dépôts – dans une telle situation, vouloir interdire strictement aux banques de dépôts l’accès aux marchés financiers serait à tout le moins contre-productif – ; enfin, quatrièmement, et vous avez tenu à traiter cet objectif, monsieur le ministre, alors que rien ne vous y obligeait, la protection des consommateurs.
Sur l’ensemble de ces problématiques, ce texte amendé par l’Assemblée nationale et par notre rapporteur en commission des finances nous semble équilibré. Il ne compromet pas le nécessaire financement de l’économie tout en nous prémunissant contre les excès auxquels la finance nous avait malheureusement habitués au cours des années passées.
Cela étant dit, notre groupe considère que, si les grands équilibres trouvés ne doivent pas être remis en cause, des améliorations peuvent encore être apportées sur un certain nombre de dispositions concernant les objectifs que je viens de rappeler.
Il reste quatre sujets sur lesquels nous souhaiterions avancer.
Il s’agit, en premier lieu, des relations de la société mère avec les organismes de placement collectif, notamment les hedge funds. Il nous semble que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution devrait avoir le pouvoir de s’assurer de la réalité des garanties apportées par ces derniers dans les relations qu’ils nouent avec les banques.
Il s’agit, en deuxième lieu, des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole. Certes, il est difficile de distinguer les opérations de couverture liées à une activité réelle, donc légitimes, des opérations spéculatives pures dont nous savons qu’elles ont des effets sur les prix en les tirant à la hausse et nuisent gravement aux pays en développement. Mais, en tout état de cause, nous ne pouvons ignorer ce problème.
C’est pourquoi nous soutiendrons les initiatives visant à ce que les établissements de crédit rendent compte régulièrement de ce type d’opérations à l’Autorité des marchés financiers et que cette dernière puisse, le cas échéant, imposer des limites de position sur de tels instruments.
Il s’agit, en troisième lieu, de la lancinante question des rémunérations des dirigeants des banques et de certaines professions. Le niveau parfois invraisemblable des sommes en question n’est pas étranger aux risques insensés pris, et ce sans considération pour la stabilité du système bancaire mondial.
Nous savons que l’Europe avance sur cette question et qu’une solution limitant significativement les parts variables de ces rémunérations est sur le point d’être atteinte dans le cadre du projet de directive CRD IV. Cependant, sans attendre, nous souhaitons que l’ACPR vérifie dès à présent que ces rémunérations n’encouragent pas des prises de risques dénuées de tout lien avec les objectifs assignés aux unités opérationnelles des départements bancaires.
En quatrième lieu, enfin, il s’agit de la question des paradis fiscaux, à laquelle, je vous sais, monsieur le ministre, très sensible.
Avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a entériné une avancée considérable sur le front de la transparence,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. … en imposant aux banques françaises la publication d’informations concernant leur activité – à savoir leurs implantations, leur chiffre d’affaires et leurs effectifs – dans l’ensemble des pays et des territoires de la planète.
Dès lors que se dessine - et peut-être est-il déjà acquis ? - un consensus européen sur le sujet majeur que constitue la transparence financière, nous pourrions compléter ces obligations d’information au cours de nos débats, afin de mieux lutter contre l’optimisation fiscale ou le blanchiment d’argent.
Pour ce qui concerne l’objectif de limitation de l’aléa moral couvert par les titres II et IV du présent texte, nous ne pouvons que souscrire aux mesures prévues en matière de prévention et de résolution des crises bancaires, concernant la structure et le fonctionnement mêmes des banques.
Nous sommes parfaitement en phase avec les attributions étendues confiées à l’APCR, notamment quand il s’agit du pouvoir de faire peser les pertes d’une banque sur ses actionnaires et ses créanciers et non plus, comme auparavant, sur les contribuables et les déposants. Nous saluons également la faculté de révoquer des dirigeants lorsqu’ils ont failli au point de mettre leur entreprise en danger.
Toutefois, il nous a semblé utile d’étendre les attributions de l’ACPR au contrôle des prises de participation ou des acquisitions auxquelles les établissements bancaires français pourraient se livrer, notamment hors de l’espace économique européen. De fait, à quoi serviraient ces nouveaux mécanismes de prévention et de résolution des crises si les établissements de crédit pouvaient contourner la réglementation en se développant sans aucun contrôle à l’international ?
Avant de conclure, je me dois de souligner que le titre VI est, à nos yeux, le bienvenu. De fait, il traduit une réelle avancée et tire les conséquences des limites auxquelles se sont heurtées les réglementations antérieures en faveur du consommateur de produits bancaires.
Bien entendu, nous approuvons la généralisation du plafonnement des commissions bancaires à l’ensemble des clients, ainsi que l’obligation faite aux banques de proposer aux personnes en situation de fragilité financière une offre spécifique permettant de « limiter les frais supportés en cas d’incidents ».
Néanmoins, nous souhaitons aller plus loin encore en inscrivant dans la loi que, non seulement pour les bénéficiaires de cette offre spécifique mais aussi pour les clients disposant des services bancaires de base, les commissions seront fixées à un niveau inférieur à celui du plafond général.
Mes chers collègues, au-delà des nuances d’appréciation que nos débats pourront mettre au jour, ce projet de loi, profondément équilibré, devrait recueillir un large assentiment sur toutes les travées de cet hémicycle.
Ce texte permet en effet un financement plus sain de notre économie.
Il confie des pouvoirs très étendus et coercitifs aux autorités de contrôle du système bancaire, sans pour autant lancer une expédition punitive contre un secteur d’activité dont les comportements et les excès ont souvent suscité les critiques et parfois même l’indignation.
Il protège les déposants et les épargnants et réduit l’aléa moral : à cet égard, il contribue sans doute à restaurer la confiance de nos concitoyens dans leurs banques, confiance sans laquelle toute réforme serait vaine, comme M. Placé l’a souligné il y a quelques instants.
Enfin, il tient compte des populations les plus fragiles – ce n’est pas accessoire, en ces temps de crise – et permet ce faisant de mieux répartir l’effort collectif.
Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste voteront en faveur de cette réforme, avec la conviction qu’elle influera sur les discussions en cours à Bruxelles et à Strasbourg.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous remercier de la qualité de votre écoute et de la disponibilité des équipes de Bercy, qui nous ont donné le sentiment d’un véritable travail de coproduction législative lors de l’élaboration de cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi, destiné à brider la spéculation et à mieux financer l’économie, s’inscrit dans la continuité des réformes menées par les gouvernements précédents, déterminés à protéger les dépôts des épargnants et l’ensemble des contribuables.
Comme M. le ministre de l’économie et des finances, les sénateurs du groupe UDI-UC abordent ce débat dans un esprit d’ouverture et d’écoute.
Si la démarche engagée va dans le bon sens, elle appelle néanmoins des réserves et des interrogations de notre part. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements, auxquels, nous l’espérons, le Gouvernement réservera un accueil positif.
Avant tout, comme je le répète inlassablement dans cet hémicycle, il convient de changer cette atmosphère démoralisante de défiance qui prévaut aujourd’hui dans notre pays, et qui fait fuir à la fois nos entrepreneurs et nos futurs cadres.
La déclaration du candidat Hollande – « Mon adversaire, c’est la finance » –,…
M. Aymeri de Montesquiou. … est stupéfiante. Elle est tout aussi atterrante que les propos de certains dirigeants du XIXe siècle, qui qualifiaient les ouvriers de « classes dangereuses » !
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Les banques sont des entreprises, et elles emploient près de 400 000 salariés.
Monsieur le ministre, vous en êtes convaincu comme nous tous, je l’espère : les banques sont des entreprises indispensables à toute activité économique. M. Moscovici l’a du reste souligné il y a quelques instants.
Toutefois, une part du métier de banquier n’est pas totalement dépourvue de risques pour les acteurs économiques. À cet égard, l’activité bancaire doit être encadrée par une réglementation adaptée, comparable aux normes Seveso, comme toute industrie à risque.
M. Jean Desessard. Bien vu !
M. Aymeri de Montesquiou. Redonnez l’envie, redonnez confiance. La confiance, c’est le moteur de l’économie et la condition de notre compétitivité. C’est un élément indissociable de la croissance.
Or, désormais, la croissance est devenue la priorité de chacune et de chacun d’entre nous. Toute modification législative concernant l’économie ou la finance doit concourir à la restaurer. À cette fin, il faut se départir de tout dogme et de toute idéologie.
Le présent projet de loi, à l’ambition modeste, est le reflet édulcoré du septième engagement du candidat Hollande.
Un sénateur du groupe socialiste. Depuis élu Président de la République !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est indéniable, cher collègue !
À ce titre, nous ne pouvons manquer d’exprimer certaines réserves.
M. Richard Yung, rapporteur. Il faudrait savoir : soit vous adhérez, soit vous critiquez !
M. Aymeri de Montesquiou. Premièrement, le dispositif prévu risque de pénaliser nos établissements par rapport aux banques étrangères et de les affaiblir dans la compétition mondiale en leur enjoignant de révéler des informations stratégiques. Nous avons déposé des amendements à l’article 4 bis en vue de prévenir de tels risques.
À cet égard, prenons garde de ne pas fragiliser cette industrie vitale par un encadrement trop rigide. L’amélioration des stress tests, qui ont révélé leurs insuffisances, ne constitue-t-elle pas à elle seule une première étape ?
Deuxièmement, l’ACPR se voit confier un pouvoir singulier : cette instance aura pour ainsi dire droit de vie et de mort sur de nombreuses activités bancaires,…
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Eh oui !
M. Richard Yung, rapporteur. C’est précisément ce qu’il faut mettre en œuvre !
M. Aymeri de Montesquiou. … en vertu d’une procédure dont la conformité à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est discutable.
Il s’agit, en l’espèce, d’opérations d’un montant de plusieurs milliards d’euros : cette disposition est-elle compatible avec la liberté du commerce et de l’industrie ? Pour notre part, nous présenterons des amendements destinés à garantir le respect de ce principe fondamental.
Troisièmement, et enfin, nous nous interrogeons sur la capacité de ce texte à nous préserver d’un nouveau « Lehman Brothers ».
Gardons à l’esprit que, pour ce qui est de la filialisation, les activités spéculatives des banques agissant pour leur compte propre ne représentent que 2 % de leur activité.
Monsieur le ministre, quelle sera la position du Gouvernement lors de l’entrée en vigueur de la directive issue du rapport Liikanen, attendue pour l’été prochain ? Ne légiférons-nous pas trop tôt ?
M. Jean Desessard. Non !
M. Aymeri de Montesquiou. Votre volonté de voir la France jouer un rôle précurseur ne doit pas nous conduire à placer nos banques en position de faiblesse par rapport à leurs concurrentes étrangères. L’Allemagne a engagé une réforme parallèle à la nôtre : quelle concertation menez-vous avec votre homologue allemand sur le sujet ?
M. Richard Yung, rapporteur. Nos deux réformes sont strictement identiques !
M. Aymeri de Montesquiou. Au surplus, les délais d’application de ces réformes constituent une question centrale. Les Britanniques visent 2019, date de la mise en œuvre des accords de Bâle III. Dans un souci de positionnement et de coopération à l’échelle européenne, nous proposons quant à nous l’échéance de 2017.
Le Gouvernement a annoncé que le présent projet de loi visait non seulement à changer les structures, mais aussi et surtout à peser sur les comportements. C’est un point fondamental – je vous l’accorde –, car les banques ne peuvent plus se conduire comme elles l’ont fait par le passé, surtout de l’autre côté de l’Atlantique. Dans ce cadre, il est indispensable que le ministère de l’économie commandite une étude d’impact.
La responsabilité des banques, voire leur éthique même, sera désormais engagée. Du reste, une grande banque a très récemment organisé un colloque pour faire face à la mutation des métiers bancaires et définir leur juste place dans le monde de demain.
Mes chers collègues, lors de son discours devant l’Assemblée nationale, M. Moscovici a cité Sénèque et Dumas.
M. Richard Yung, rapporteur. Bonnes références !
M. Aymeri de Montesquiou. Pour clore mon propos sur un texte austère, je conclurai pour ma part par une foucade rafraîchissante d’un aïeul controversé, l’inclassable Robert. (Exclamations amusées sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Ce dernier avait coutume de répondre, lorsqu’on lui donnait un conseil : « Je ne saurais l’écouter mais je l’entendrai toujours. » Quant à nous, nous souhaitons que le Gouvernement entende et écoute à la fois les conseils et les interrogations du groupe UDI-UC. Notre vote dépend de sa réponse. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. Mme Frédérique Espagnac et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné le temps de parole dont je dispose, je me contenterai de revenir sur les enjeux du présent projet de loi, et sur le paysage bancaire dans lequel il s’inscrit.
Plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé, à la fin de l’année 2012, le bilan agrégé du système bancaire français représentait quelque 9 000 milliards d’euros, soit plus de quatre fois le PIB de la France, vingt-huit fois les recettes et vingt-quatre fois les dépenses prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2013. Or seulement 2 400 milliards d’euros correspondent à des prêts aux entreprises et aux particuliers, soit un peu plus de 25 % du volume total : avouez que c’est peu, pour des institutions censées assurer essentiellement par leurs prêts le financement de l’économie.
Pourtant, c’est au nom de la sauvegarde des dépôts et de l’économie tout entière que l’État protégera le système bancaire de la faillite en lui accordant sa garantie en cas de crise, que celle-ci soit petite ou grande, sectorielle ou générale. C’est ce qui s’est passé en octobre 2008, l’État apportant une garantie de 320 milliards d’euros aux échanges interbancaires, paralysés, et consacrant une somme de 40 milliards d’euros à la recapitalisation des banques. On aura remarqué que ce montant est supérieur à ce que représentait alors le budget de l’État. « L’État ne laissera aucune banque faire faillite » annoncera, en ces circonstances, Nicolas Sarkozy.
La machine redémarrera cahin-caha et, au total, pour un coût moins élevé que pour d’autres pays. Je note tout de même que la facture ne se limite pas réellement aux 12 milliards d’euros de Dexia, cette affaire n’étant absolument pas soldée.
Mais les dégâts collatéraux en termes économiques, tant sur le front de l’emploi qu’en matière d’endettement public, seront, eux, énormes. En cinq ans de crise, de janvier 2008 à janvier 2013, le nombre de chômeurs de catégorie A en France aura augmenté, de fait, de 1,1 million de personnes - pour les catégories A, B et C confondues, cette augmentation s’élève à 1,6 million de personnes – cependant que l’endettement de l’État aura, lui, augmenté de 500 milliards d’euros.
Ajoutons que le groupe BNP Paribas, premier vecteur de propagation du virus des subprimes en Europe, sera quant à lui sauvé par les 18 milliards de dollars du groupe AIG, lui-même secouru par l’État américain.
Incontestablement, le système bancaire français a bien résisté à la crise,…
M. Jean Desessard. Oui !
M. Pierre-Yves Collombat.… les victimes de ces rêves de profit illimité, un peu moins !
Une question me vient : si, dans quelques mois, en 2014 ou en 2015, le système se bloquait à nouveau ? L’hypothèse est crédible au vu de la quantité de titres bizarres encore présents dans les bilans, comme de l’état de la zone euro. Combien de centaines de milliards d’euros l’État pourra-t-il alors mettre sur la table ? Et sur quels moutons prendra-t-il la laine ?
D’autant que notre pays est particulièrement vulnérable à une crise financière systémique. Le bilan de notre plus gros établissement bancaire, BNP-Paribas, est de l’ordre du PIB national, soit 2 000 milliards d’euros. Celui de nos cinq banques systémiques équivaut à 335 % de ce même PIB. Par comparaison, les bilans agglomérés des huit plus grandes banques des États-Unis représentent seulement 61 %, du PIB du pays. L’Allemagne ne compte, elle, qu’une seule « méga-banque » et 1 500 banques de proximité finançant le réseau des PME. Le renflouement de cette « méga-banque » a d’ailleurs coûté pas mal d’argent à l’État allemand.
Et, contrairement à ce que j’ai entendu tout à l'heure, nos financiers n’entendent nullement renoncer à leurs pratiques si juteuses. Voici un exemple tiré du dernier bilan de Crédit Agricole SA, dont on connaît les exploits. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Entre 2011 et 2012, donc en pleine crise, ses actifs financiers spéculatifs augmentent de 130 milliards d'euros, soit de 26,5 %. Dans le même temps, les prêts baissent de 70 milliards d’euros, soit de 21 %. Baissent également les capitaux propres, qui n’atteignent même plus 2,5 %, ce qui n’empêche pas le matelas des produits dérivés d’augmenter de 70 milliards d’euros, soit de 20 % !
Durant la crise, la fête spéculative continue !
Le véritable enjeu est donc non pas de séparer les activités bancaires utiles à l’économie réelle et celles qui ne le seraient pas, comme le prévoit le projet de loi, mais bien d’éviter que la prochaine crise systémique n’entraîne l’État et les déposants dans la débâcle de ceux qui l’auront provoquée, les chiffres cités parlent d’eux-mêmes. Je ne dis pas « éviter la crise », car bien malin qui dira comment y parvenir, mais éviter que, de catastrophe, elle ne tourne au cataclysme.
Comment ? Tout d’abord en séparant les banques de dépôts des banques d’investissement. Les auteurs du projet de loi préfèrent, eux, la filialisation d’une partie infime - quelques pour cent, selon les premiers intéressés -, des activités de marché des banques universelles, ce qui non seulement ôte tout intérêt au texte, mais aggrave la situation en créant une fausse impression de sécurité.
Or, en l’état actuel du texte, les difficultés des filiales directes pourront se transmettre à la maison mère. Vous me direz que, si elles n’en représentent qu’un à deux pour cent, ce n’est pas bien grave !
Contrairement à ce que l’on entend dire, une telle séparation serait bénéfique pour les banques de dépôts qui, délestées des risques inhérents à leurs activités spéculatives, pourraient se refinancer à meilleur compte. Contrairement aussi à ce qui se colporte ici ou là, la taille des établissements d’investissement français issus de cette séparation les rendrait très concurrentiels.
BNP-Paribas Investissement, c’est 830 milliards d’euros, plus que Goldman Sachs, première banque d’investissement américaine, qui pèse 740 milliards d’euros à la fin de 2011. Pour les seconds rôles, Goldman Sachs et Morgan Stanley, les chiffres sont respectivement de 524 milliards d’euros et 600 milliards d’euros, soit des ordres de grandeur très comparables.
Séparer strictement les établissements de crédit des banques d’investissement est donc non seulement une obligation de prudence, c’est aussi souhaitable pour le système bancaire lui-même et c’est donc parfaitement viable ! De là découle la série d’amendements que nous avons déposés pour palier les étonnantes déficiences de ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste. ― M. Éric Bocquet applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cela a été dit à plusieurs reprises, ce projet arrive dans un contexte favorable.
Aux États-Unis, en 2010, la règle Volcker interdit la spéculation pour compte propre. Au Royaume-Uni, en 2011, c’est la règle Vickers qui prône une filialisation des activités de dépôts en vue, certes, d’une application en 2019. Au sein de la Commission européenne, en 2012, le rapport Liikanen propose le cantonnement de nombreuses activités spéculatives.
Plus récemment encore, George Osborne, chancelier de l’Échiquier, assure que son gouvernement « séparera les activités de détail et d’investissement des banques en les cloisonnant, pour protéger l’économie britannique et les contribuables, en s’assurant qu’aucune d’entre elles n’est trop grosse pour faire faillite ».
Ajoutons la refonte de la directive européenne MiFID, concernant les marchés d’instruments financiers, qui intègre déjà la transparence sur les paradis fiscaux, ainsi que la décision du Parlement européen de produire un rapport d’initiative s’inspirant du rapport Liikanen, en vue d’une proposition législative de la Commission européenne à l’été.
L’environnement est donc favorable, et, surtout, l’attente des citoyens est forte. Ils sont en effet échaudés, scandalisés, inquiets, devant la succession des scandales financiers, l’impossibilité d’obtenir des crédits pour monter leurs projets et leur mise à contribution pour sauver de banquiers « too big to fail », trop gros pour tomber, mais qui jouent au casino pour ne pas assumer les conséquences de leurs actes.
Alors oui, cette réforme bancaire s’inscrit dans une réelle dynamique ! Elle sera également la première à être opérationnelle en Europe.
M. Richard Yung, rapporteur. Très bien !
M. Jean Desessard. La loi française servira d’étalon, elle se doit donc d’être ambitieuse ! (M. Francis Delattre s’exclame.)
Si les crises bancaire et financière nous invitent à une régulation permanente du secteur, elles nous renvoient à une question simple : quel est le rôle des banques dans l’économie ? On aimerait répondre, simplement : « financer l’activité économique des entreprises et des particuliers ». Pourtant, tous les acteurs de l’économie dite « réelle » s’accordent pour dénoncer l’assèchement du crédit.
Sur les 8 000 milliards d’euros d’actifs de bilan cumulés de nos banques françaises, soit quatre fois le PIB de la France, seuls 10 % servent au financement des prêts aux entreprises et 12 % au financement des prêts aux particuliers. M. Bocquet l’a dit, les 78 % restants correspondent à des opérations de marché dont, selon la Banque des règlements internationaux, seulement 7 % mettent en jeu un opérateur de l’économie réelle.
M. Éric Bocquet. Tout à fait !
M. Jean Desessard. On assiste donc à une inflation spéculative, alors même que les entreprises ne trouvent pas à se financer.
M. Éric Bocquet. Absolument !
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous connaissez certainement l’expérimentation du Labo de l’économie sociale et solidaire en Franche-Comté. Elle montre ainsi qu’environ 60 % de la demande spontanée de financement émanant d’auto-entrepreneurs et de TPE n’est pas satisfaite par les banques du territoire.
Que font ces banques ? Pourquoi devrions-nous accepter qu’elles prêtent aux hedge funds plutôt qu’aux entreprises ? Pourquoi les PME devraient-elles aller elles-mêmes se financer sur le marché ? Pourquoi les TPE et les auto-entrepreneurs devraient-ils se contenter de crédits aux particuliers, faute d’avoir accès aux crédits aux entreprises ?
Les banquiers nous expliquent que c’est le développement des activités de marché qui permet de répondre aux besoins de l’économie. Mais les bilans bancaires ont crû deux fois et demie plus vite que le PIB mondial au cours des dix dernières années. Le développement des produits dérivés, censés couvrir les risques réels, est devenu le véhicule de la spéculation.
En d’autres termes, mes chers collègues, il est aujourd’hui beaucoup plus rentable de jouer sur les produits dérivés que de financer l’économie !
Sans séparation des activités et sans régulation, pas de maîtrise des choix économiques pour l’avenir ! D’autant que la créativité des établissements de crédit n’est plus à démontrer. Revenons sur l’une de ses manifestations emblématiques : la spéculation sur les matières premières agricoles.
Au départ, le développement des marchés à terme a permis aux acheteurs et vendeurs de s’assurer face au risque commercial, risque lui-même lié à une production soumise aux aléas climatiques ou aux enjeux politiques. L’apport de liquidités par des spéculateurs fluidifiait alors le marché en évitant les prises de position majoritaires de gros opérateurs et les effets de distorsion qui en résultent. Mais les purs spéculateurs financiers, qui ont largement investi ce nouvel eldorado à partir des années 2000, se sont contentés de jouer sur les fluctuations de prix de manière si disproportionnée qu’ils ont créé des bulles spéculatives. Cela a abouti aux émeutes de la faim de 2008, qui ont marqué les esprits. La FAO avait alors dressé une liste de trente-sept pays touchés.
Mais les banques avaient-elles compris ? Avait-on ralenti la spéculation sur les matières agricoles ? Eh bien, non ! Tout au contraire ! Les fonds indiciels qui, basés sur les matières premières agricoles, sont proposés par les banques françaises ont été créés après la crise alimentaire de 2008 !
Jouer sur l’alimentation, voilà donc ce que l’on propose aux investisseurs, et notamment aux investisseurs institutionnels que sont les fonds de pension, les caisses de retraite, etc.
Bref, sans le savoir, à l’insu de notre plein gré, en quelque sorte, nous sommes potentiellement très nombreux à parier sur les cours du riz ou du blé !
Nous proposerons des amendements pour que ne soient autorisées que les opérations de couverture de risque pour des opérateurs physiques ― agriculteurs, coopératives agricoles, industries agro-alimentaires, négociants.
Enfin, le projet de loi s’attache à répondre à des situations d’urgence en matière de protection des consommateurs. Nous proposerons également des amendements renforçant l’accessibilité bancaire et l’exercice du droit au compte.
En conclusion, ce projet de loi nous offre l’occasion de poser à nouveau la question, essentielle, du rôle des banques dans l’économie. L’économie et la finance doivent être au service des hommes et des femmes, non pas de quelques traders, mais bien de l’ensemble de la société.
Ce projet de loi est une étape, s’inscrivant dans le cadre européen, sur la voie de la régulation de la finance. Sans faire de la finance l’ennemi, nous devons lutter contre ses dérives ! En votant pour cette loi, en proposant des amendements, les élus écologiques s’inscrivent dans cette dynamique ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, chers collègues, il y a deux lectures possibles de ce projet de loi volumineux qui, en réalité, porte diverses dispositions d’ordre économique et financier.
Une première lecture politique s’impose. Beaucoup de vos amis reprochent à votre Gouvernement un nouveau changement de cap, monsieur le ministre. On doit, objectivement, leur en donner acte.
Ainsi, notre collègue Christian Bourquin n’a pas eu tort de relever en commission, à propos de ce projet, qu’on « envoyait des messages d’intention » mais qu’en réalité « on agissait très peu sur la masse financière », ajoutant qu’il ne s’agissait que d’un « léger encadrement ».
La liste des évolutions du Gouvernement est longue, nous souhaitons qu’elle s’allonge encore !
Ce fut d’abord l’adoption du traité budgétaire européen, dans les termes mêmes dans lesquels il avait été conclu par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Ce fut ensuite l’accord sur le budget européen conclu début février à Bruxelles par le Président de la République. Loin de financer la politique de relance que vous prétendiez imposer au reste de l’Europe, cet accord consacre le recul des interventions européennes pour les sept prochaines années. Ce furent encore les 30 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires décidés depuis votre arrivée.
Il y eut aussi la suppression, toutes affaires cessantes, de la TVA anti-délocalisation, remplacée, au vu du rapport Gallois, par une réforme analogue (On le conteste sur les travées du groupe socialiste), selon d’autres modalités, il est vrai.
M. Jean-Pierre Caffet. On est dans le sujet ?...
M. Philippe Bas. Je citerai également l’introduction, malgré l’opposition de la CGT et de FO, de plus de flexibilité dans le code du travail – une flexibilité voulue par le MEDEF –, avec l’accord courageux, quoique minoritaire, de la CFDT, de la CGC et de la CFTC.
Demain, vous demanderez sans aucun doute de nouveaux efforts à chacun, notamment aux retraités et aux familles, pour poursuivre la réduction nécessaire des déficits publics, commencée par vos prédécesseurs.
Aujourd'hui, voici une réforme bancaire a minima, qui arrive à point nommé pour solder les comptes de la campagne de 2012.
Je veux être clair : que vous ne fassiez pas la politique sur laquelle François Hollande a été élu ne nous cause aucune contrariété, …
M. Albéric de Montgolfier. C’est plutôt bien !
M. Philippe Bas. … bien au contraire !
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Philippe Bas. Nous n’avons cessé d’en dénoncer le danger et l’irréalisme.
M. Charles Revet. Voilà un vrai discours !
M. Philippe Bas. Nous considérons, comme vous désormais, qu’une réforme bancaire qui se traduirait à la fois par une hausse du loyer de l’argent et par une diminution de la disponibilité du crédit, une réforme qui affaiblirait gravement les groupes bancaires français et leurs 400 000 salariés face à leurs concurrents serait une faute,…
M. Pierre-Yves Collombat. Sauver les banques, il n’y a que cela qui vous intéresse !
M. Philippe Bas. … une faute contre l’économie française, un facteur de récession et une nouvelle cause d’aggravation du chômage.
M. Jean-Pierre Caffet. Pourquoi cela les affaiblirait-il ?
M. Philippe Bas. C’est d’ailleurs pourquoi vous y avez heureusement renoncé !
Vous nous excuserez, cependant, de considérer qu’il ne suffit pas que vous ayez réussi à éviter cette sottise pour que nous approuvions aussitôt avec soulagement votre projet. (M. le rapporteur s’exclame.)
Et vous ne nous en voudrez pas non plus de penser que nombre de Français auront le sentiment d’avoir été abusés.
Les paroles ne s’envolent pas comme feuilles au vent ; elles engagent, elles obligent même.
Personne ne peut oublier le vigoureux propos tenu par le candidat François Hollande le 22 janvier 2012, un propos que je répéterai, car nos collègues qui l’ont déjà cité n’ont, curieusement, suscité aucun applaudissement sur les travées de la majorité : « Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, »…
Mme Laurence Rossignol. C’est un beau texte !
M. Philippe Bas. … « il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. »
« Cet adversaire, c’est le monde de la finance ! », disait-il. Et, pour « mettre la finance au pas », selon l’expression martiale du candidat devenu Président de la République, celui-ci s’était engagé avec audace à « séparer les activités des banques qui sont utiles à l’économie et à l’emploi de leurs opérations spéculatives ».
M. Jean Desessard. C’est bien !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez oublié le discours de Toulon !
M. Philippe Bas. Heureusement pour vous, personne ne sachant exactement ce qui distingue a priori un bon placement d’une opération spéculative, comme l’a rappelé avec franchise notre collègue Yannick Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, vous parvenez à en tirer argument pour opérer un rétablissement acrobatique en jouant sur les mots, espérant que vos amis et vos alliés vous permettront ainsi de cocher la case « banques » sur la liste des engagements tenus.
Certains salueront l’habileté. Mais la politique n’est pas un jeu de l’oie où l’on passe d’une case à l’autre en se mettant en règle. Beaucoup de Français – j’en fais partie – vous diront qu’ils ne sont pas dupes de ces artifices.
On peut aussi faire une lecture économique de votre projet. Je dis « votre projet », car j’hésite maintenant à parler de réforme. Cette lecture est heureusement un peu moins désagréable, et c’est l’essentiel.
Sur le plan économique, ce texte a au moins le mérite d’imprimer au débat un réalisme qui lui avait d’abord fait gravement défaut.
Les banques doivent être encadrées, la cause est entendue, mais il faut cesser de les désigner aux Français et aux entreprises françaises comme les boucs émissaires pour les difficultés qui sont les leurs aujourd’hui.
Nos banques en particulier ne sont nullement à l’origine de la crise financière de 2008 et des difficultés qu’ils rencontrent. La seule banque universelle qui ait coûté de l’argent au contribuable français au cours des trente dernières années, c’est le Crédit Lyonnais, du temps où il était nationalisé – et ce n’est pas nous qui avions pris cette décision !
Dans les années récentes, l’État a dû secourir deux établissements bancaires, le Crédit immobilier de France et Dexia. Or aucun des deux ne collectait de dépôts des Français. La séparation des activités économiques et des activités spéculatives aurait donc été sans aucun effet sur les difficultés qu’ils rencontraient.
M. Richard Yung, rapporteur. Les contribuables ont quand même payé !
M. Philippe Bas. L’activité bancaire doit, certes, être régulée. Nous ne vous avons d’ailleurs pas attendus pour le faire, tant avec les règles de Bâle qu’avec l’organisation progressive de la supervision bancaire, sous l’autorité de la Banque centrale européenne et, bien sûr, la loi de 2010.
La fonction bancaire est utile à l’économie, aux ménages et aux entreprises, mais elle l’est aussi – elle est même indispensable – aux États comme le nôtre, dont les déficits excessifs lui imposent de se financer auprès d’investisseurs nationaux et internationaux.
Nos institutions bancaires, au travers de leur rôle de teneurs de marché, garantissent à ces investisseurs qu’elles sont capables de solliciter partout dans le monde, et rapidement, le placement et la liquidité de notre dette.
Comme le ministre de l’économie et des finances a dû le rappeler à certains de ses alliés, la tenue de marché est donc, par essence, une activité non pas spéculative, mais économique, qui est évidemment très importante. Obliger nos banques à la cantonner dans une filiale aurait pour seul effet d’accroître l’appel à des banques étrangères et de renchérir le coût de notre dette à un moment où, hélas ! nous n’arrivons déjà pas à respecter nos engagements en matière de réduction des déficits publics.
C’est pourquoi je serai particulièrement attentif, monsieur le ministre, à l’avis que vous réserverez à l’amendement que j’ai déposé pour prévoir une proposition obligatoire de l’autorité de régulation avant toute décision réglementaire définissant les critères pour imposer une séparation d’activités.
En 2012, les administrations publiques françaises ont levé 250 milliards d’euros sur le marché obligataire, contre 70 milliards d’euros pour les entreprises ; c’est dire combien la part du secteur public est importante.
Si la régulation du système bancaire est nécessaire, il ne saurait évidemment être question de créer de nouvelles entraves, car cela compliquerait tout à la fois l’accès des Français au crédit, le redémarrage de l’économie et la gestion de la dette publique. C’est toute la difficulté de l’exercice auquel s’est livré, avec le talent et la compétence qu’on lui connaît, le ministre de l’économie et des finances, qui n’est malheureusement plus là pour m’entendre. (M. Yann Gaillard rit. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est élégant !
M. Philippe Bas. Il faut en prendre conscience, les nouvelles exigences réglementaires imposées par les accords de Bâle III s’ajoutent aux effets des accords précédents : les banques ont été obligées de doubler leurs fonds propres au cours des trois dernières années, ce qui limite fortement la possibilité pour elles de transformer des dépôts à court terme en prêts à long terme.
Couper les banques en deux pour sécuriser le système financier était donc une fausse bonne idée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) D’ailleurs, aucun pays ne l’a fait !
Je comprends, en revanche, que vous ayez souhaité limiter les activités de trading pour compte propre, c'est-à-dire les opérations que les banques accomplissent pour elles-mêmes et non pour le compte de leurs clients.
J’observe que les accords de Bâle ont déjà durci les conditions de telles interventions. La part des activités des banques françaises pour compte propre s’est d’ailleurs réduite à 5 % de leurs revenus d’activité de marché, contre 15 %, en moyenne, pour les banques anglo-saxonnes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les banques universelles françaises préfèrent déjà massivement l’activité « clients » aux opérations « spéculatives ».
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
M. Philippe Bas. Il n’y a donc pas de nécessité impérieuse, ni d’utilité majeure, mais pas d’objection fondamentale non plus, à prendre les mesures que vous proposez, dont certaines peuvent d’ailleurs paraître opportunes. C’est pourquoi, si la discussion des amendements permet d’écarter toute surenchère démagogique et de préciser un certain nombre de mesures techniques, je ne vois pas de raison majeure de s’y opposer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Beau rétablissement !
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je fais partie de ceux qui, et ils sont nombreux ici, se félicitent d’avoir aujourd'hui une discussion parlementaire d’avant-garde avec ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Alors même que l’Europe est en train de finaliser ses discussions, la France se prépare, elle, à engager l’action nécessaire. À cet égard, je veux répondre à ceux de nos collègues qui, non sans sarcasmes, ont évoqué précédemment le discours du Bourget du candidat François Hollande à la présidence de la République en leur rappelant certain discours de Toulon, de septembre 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui !
M. François Marc. Le Président de la République d’alors avait annoncé qu’il fallait s’occuper du secteur bancaire et agir en urgence, en luttant contre la spéculation et en élevant des barrières étanches.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’était pas martial, c’était guerrier ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Les résultats ont été terribles !
M. François Marc. On nous dit aujourd'hui que le Président de la République se sent obligé d’agir. Incontestablement, il y a une volonté de remettre en ordre le secteur bancaire au service de notre économie. Je ne reviendrai pas sur les grands principes, avec la séparation entre les activités bancaires traditionnelles et les activités financières spéculatives ainsi que le renforcement du contrôle de l’activité bancaire, afin de mettre fin à l’« aléa moral », évoqué à plusieurs reprises, créé par le principe bien connu du « too big to fail », dont l’anticipation des conséquences a provoqué, ces dernières années, l’engagement de fonds publics énormes.
À cet égard, j’en profite pour me féliciter des apports de nos collègues députés concernant l’obligation de transparence quant aux implantations internationales des banques, car cela permettra de connaître leurs liens avec les paradis fiscaux.
Enfin, je n’oublie pas les dispositions proposées en faveur d’une amélioration de la protection et de l’information des clients des banques, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales.
Alors, non, mes chers collègues, vraiment, ce projet de loi ne vient pas trop tôt ! Il vient à point nommé.
Permettez-moi d’ailleurs de répondre, à ceux d’entre vous qui se sont demandé si ce projet de loi n’était pas trop timoré eu égard aux exigences du moment, que nous avons trouvé un équilibre tout à fait satisfaisant.
On ne saurait l’ignorer, le secteur bancaire pèse très lourd dans l’économie française : les actifs bancaires français représentent 400 % du PIB de notre pays, contre seulement 85 % aux États-Unis. Quant à l’Allemagne, elle n’a qu’une banque universelle « systémique », la Deutsche Bank, dont les activités représentent « seulement » 85 % du PIB allemand.
On peut donc considérer que nos banques universelles constituent un levier important en matière d’économie, de croissance et d’emploi.
Toutefois, comment mieux encadrer aujourd'hui les activités bancaires ?
La question est posée à tous les pays, notamment à ceux du G20. C’est dans cette perspective que le Dodd-Frank Act a imposé en 2010 la règle Volcker.
Mais, compte tenu des récentes déclarations de M. Volcker, la mise en œuvre effective de ces mesures ne semble pas, à ce jour, acquise aux États-Unis.
Du côté du Royaume Uni, le rapport Vickers qui, résultant des travaux d’un groupe d’experts, préconise une filialisation des activités de dépôts, ne connaîtra de mise en place qu’à l’échéance de 2019.
Comparativement aux pays qui nous entourent, la France va donc incontestablement plus vite. Elle va même au-delà du contrôle micro-prudentiel, en instaurant, à une échelle macro-économique, un contrôle au service de l’économie productive et de la protection des épargnants.
Mes chers collègues, permettez-moi, pour terminer, d’insister sur un aspect essentiel de ce projet de loi, je veux parler de la protection des clients bancaires, qu’il s’agisse des particuliers, des entrepreneurs et, surtout, des collectivités territoriales, dont il important de sécuriser et de faciliter l’accès au crédit.
En effet, victimes du développement incontrôlé des produits structurés pour leurs emprunts, de nombreuses collectivités territoriales ont subi de plein fouet les effets de la crise financière et bancaire, dans un contexte déjà difficile pour elles.
Je vous rappelle que, dans le rapport relatif aux emprunts structurés des collectivités territoriales et organismes publics, remis au Parlement en juillet dernier, le Gouvernement évaluait à près de 14 milliards d’euros, sur un endettement total de l’ordre de 160 milliards d’euros, l’encours des emprunts à risque.
Pour prévenir ces problèmes à l’avenir, le projet de loi prévoit d’encadrer sérieusement l’emprunt des collectivités territoriales. Plus généralement, il doit permettre de sécuriser, mais aussi de faciliter leur accès au crédit. À cet égard, comme le Président de la République l’a annoncé lors du dernier congrès des maires, une enveloppe de 20 milliards d’euros sur cinq ans permettra de financer les collectivités territoriales sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de présenter un amendement pour créer les conditions nécessaires à la naissance de cette fameuse agence de financement que les collectivités territoriales appellent de leurs vœux. Cette agence offrira aux collectivités adhérentes un nouveau moyen de financer leurs investissements locaux sur les marchés grâce à un système fondé sur la mutualisation des risques, un principe dont nous avons bien besoin.
Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais porter à votre connaissance sur le présent projet de loi. J’espère que nos débats permettront de l’améliorer encore largement, car il vient à point pour appuyer utilement l’action que mène le Gouvernement afin de stabiliser le secteur bancaire, restaurer la confiance et, partant, donner du souffle à notre économie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention au titre VI du projet de loi, principalement au problème du surendettement.
Je vous rappelle que plus de 220 000 dossiers ont été déposés en 2012 auprès des commissions de surendettement et que près de 195 000 d’entre eux ont été déclarés recevables. La Banque de France souligne que plus de 926 000 dossiers ont été déclarés éligibles aux procédures de surendettement depuis janvier 2008 et sont toujours en cours de traitement. Ainsi, près de 5 % des ménages payant l’impôt sur le revenu sont concernés, sans parler du « mal-endettement », qui est source également de très grandes difficultés sociales.
Longtemps, le surendettement a principalement concerné des consommateurs qui s’engouffraient dans une spirale d’achats et, parallèlement, de demande de crédits. Depuis dix ans, le problème s’est étendu pour atteindre une population qui, même en l’absence d’accidents de la vie, est très fragilisée ; autrement dit, des personnes qui disposent structurellement de ressources trop faibles pour faire face à leurs charges courantes.
Devant ces deux réalités statistique et typologique, il était impératif de mettre l’accent sur l’accompagnement des ménages en difficulté. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a largement servi cet objectif.
Cependant, dans le rapport d’information intitulé Crédit à la consommation et surendettement : une réforme ambitieuse à compléter que nous avons publié, Anne-Marie Escoffier et moi-même, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, nous avons signalé que, malgré la loi de 2010, un certain nombre de problèmes procéduraux demeuraient et nuisaient à la fluidité du traitement des situations de surendettement. Ce constat nous a conduites à énoncer dix recommandations ; je remercie M. le ministre d’en avoir intégré quelques-unes au projet de loi et je me félicite que certains amendements de nos collègues du groupe socialiste reprennent certaines de nos propositions.
De mon côté, je défendrai deux amendements complémentaires.
Le premier vise à rendre obligatoire la présence du conseil général et de la caisse d’allocations familiales au sein des commissions de surendettement. Cette présence permettra de développer la coordination de leurs actions respectives et de faciliter la mise en place de mesures d’accompagnement social ou budgétaire.
Le second prévoit qu’un débiteur qui saisit de nouveau la commission de surendettement après avoir bénéficié d’une première mesure de rétablissement personnel pourra se voir imposer un suivi budgétaire ou social.
Au cours de notre mission de contrôle, Anne-Marie Escoffier et moi-même avions également travaillé sur l’assurance-emprunteur. À cet égard, je vous rappelle que la loi Lagarde a délié l’assurance-emprunteur du crédit en interdisant aux prêteurs de refuser une assurance-emprunteur souscrite auprès d’un autre établissement, pourvu que ses garanties soient équivalentes à celles de l’assurance proposée par le prêteur lui-même.
Dans la pratique, l’emprunteur ne peut entreprendre cette démarche que s’il a été informé au préalable qu’il en a la possibilité. Or cette information passe généralement par le prêteur, qui n’a pas intérêt à la donner. Les services de contrôle ont donc constaté un nombre très faible d’anomalies, car ils ne peuvent pas vérifier le respect d’une obligation essentiellement orale. C’est pourquoi je propose d’aller plus loin et présenterai un amendement prévoyant une information écrite de l’emprunteur.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les frais de recouvrement amiable réclamés de façon illicite aux débiteurs. Vous avez déjà été interpellé sur cette question par ma collègue Chantal Jouanno. Je vous propose de préciser notre arsenal législatif dans ce domaine.
Pour finir, je tiens à remercier notre rapporteur, Richard Yung, pour l’excellence de son travail et la grande qualité de son écoute. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – Plusieurs sénateurs du groupe écologiste applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « les banques, sauvées par les États, mangent désormais la main qui les a nourries […] ; ainsi, la finance s’est affranchie de toute règle, de toute morale, de tout contrôle ». J’imagine la réaction des citoyens qui ont entendu ces propos enflammés au Bourget, placés aujourd’hui devant ce tout petit cantonnement des activités spéculatives, en même temps sans doute que de leurs espérances !
M. Claude Bérit-Débat. Visiblement, Le Bourget vous a marqué !
M. Francis Delattre. Le fait est que ce projet de loi est une coquille d’intentions inabouties qui rassemble au moins autant de mesures à caractère purement réglementaire que de dispositions proprement législatives – il fallait bien le meubler un peu, et M. le rapporteur a déployé ici tout son talent pour ce faire !
Monsieur le rapporteur, vous dites que la crise de 2008 ne doit pas se reproduire ; pour cela, nous sommes tous d’accord. Il faut cependant rappeler que, contrairement à ce qui est régulièrement affirmé, les banques françaises aidées par l’État en 2008 n’ont rien coûté aux contribuables, puisque l’État a été remboursé intégralement et avec les intérêts ; du reste, M. Moscovici en est convenu en commission. En outre, comme mon collègue Philippe Bas l’a justement signalé, la plupart des banques qui ont fait faillite étaient des établissements spécialisés. C’est ainsi que Lehman Brothers, dont on parle beaucoup, était une banque de détail.
En réalité, la régulation ne nous est pas étrangère.
En 2008, alors que les liquidités interbancaires étaient gelées par la méfiance des banques les unes envers les autres, un dispositif bien plus efficace que le système ici proposé avait été mis en place : il s’agissait de redoter en fonds propres un certain nombre de banques par le biais de la société de prise de participations de l’État, la SPPE. Je rappelle qu’à l’époque la gauche n’avait pas voté pour.
Que les activités bancaires doivent être régulées, c’est évident pour tous. Nous en sommes d’autant plus d’accord sur ces travées que nous avons mis en place des régulations lorsque nous avons été aux prises avec le gros des difficultés, entre 2008 et 2010. En effet, la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière a créé l’Autorité de contrôle prudentiel et le Conseil de régulation financière et du risque systémique. En fin de compte, ce que l’on nous propose aujourd’hui n’est qu’une prolongation de ce qui a été fait – je n’ose parler d’amélioration.
M. Richard Yung, rapporteur. Voyons, dites-le donc !
M. Francis Delattre. Toujours est-il que nous sommes plutôt favorables au projet de loi, à une ou deux observations près.
Nos banques sont solides et, à vrai dire, la banque-assurance est le fleuron de notre économie. La France compte quatre banques systémiques, alors que l’Allemagne n’en a qu’une ; puisque l’on fait toujours des comparaisons, en voilà une qui nous est plutôt favorable ! Ce secteur est un atout précieux, qui représente 400 000 emplois directs. Surtout, grâce aux marges qu’elles peuvent encore réaliser, les banques sont en mesure de financer nos entreprises. Monsieur le ministre, n’oubliez pas qu’elles sont le principal moteur de l’investissement des entreprises, qu’elles financent à 75 % !
Dans ces conditions, et compte tenu de l’instabilité actuelle, toute régulation législative relative aux banques doit être envisagée avec beaucoup de prudence.
M. Richard Yung, rapporteur. Nous n’en manquons pas !
M. Francis Delattre. On peut regretter que nous, les Français, nous soyons lancés un peu seuls dans cette aventure, avec l’idée d’être à l’avant-garde de la régulation.
M. Roland Courteau. Au contraire, il est bon d’être pionnier !
M. Richard Yung, rapporteur. Nous ne sommes pas seuls !
M. Francis Delattre. Il peut être intéressant d’être à l’avant-garde si, derrière, les bataillons suivent ; car ce sont eux qui font que l’on gagne ou que l’on perd la bataille !
Pour ma part, je pense qu’il aurait été préférable de travailler en coordination avec les instances européennes et même mondiales. Pourquoi tant de précipitation, alors que nous savons tous que les propositions de M. Barnier vont être rendues publiques avant l’été ? Légiférer maintenant ne va-t-il pas à l’encontre de la future directive, fruit, elle, d’un travail collectif avec les autres pays européens ? De toute façon, nous serons tenus de la transposer dans notre droit !
En outre, comme l’a souligné le président Marini, il y a un risque de télescopage des règles. En effet, les contraintes issues des accords de Bâle III, qui visent à améliorer les fonds propres des banques, en elles-mêmes souhaitables, vont se superposer aux régulations mises en place par le projet de loi. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous nous demandons si votre tempo est bien le bon.
Vous avez la prétention de tracer la route aux autres pays.
M. Claude Bérit-Débat. Vous voulez dire l’ambition !
M. Roland Courteau. Le courage !
M. Francis Delattre. Seulement, votre bilan européen des dix mois écoulés n’est pas formidable et devrait nous inciter tous à un peu plus de modestie.
Par plusieurs aspects, le projet de loi manifeste le retour d’un interventionnisme économique qui pénalisera à terme nos banques dans le concert mondial, tant pour leurs alliances que pour leur développement international.
Certes, un superviseur bancaire est nécessaire ; mais faut-il doter l’Autorité de contrôle prudentiel de pouvoirs d’intervention aussi larges dans la structure capitalistique, et jusque dans le management des banques ?
M. Richard Yung, rapporteur. Oui !
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Bien entendu !
M. Francis Delattre. Cette autorité pourra même liquider une équipe qui, selon des critères restant à déterminer, aurait failli ! Toutes les banques françaises étant des entreprises privées, à l’exception de La Banque postale, de tels pouvoirs ne sont-ils pas exorbitants ? Monsieur le rapporteur, s’agit-il encore de régulation ou est-on déjà un peu dans la liquidation ?
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit de précaution !
M. Francis Delattre. Il est bien évident que, si nous utilisions toutes ces possibilités de remaniement en profondeur du capital et de limogeage des équipes en place, ce qui, à mon avis, ne se produira pas pour une banque systémique, nous serions accusés de nationalisation rampante.
M. Richard Yung, rapporteur. Quelle horreur ! (M. le ministre délégué rit.)
M. Francis Delattre. Ce n’est pas une horreur, mais les conséquences financières peuvent être très dangereuses pour un État !
En outre, avec le système de régulation proposé, qu’adviendra-t-il des pouvoirs traditionnels de la Banque de France, lesquels sont pour le moins dissolus, et de l’autorité de son gouverneur, qui devra appliquer des mesures prises par une instance extérieure ? J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une nouveauté, la Banque de France ayant toujours eu la mainmise sur l’essentiel de la régulation.
S’agissant de la filialisation, qui consiste à séparer les activités de banque et les activités de marché, on distingue actuellement le spéculatif du non-spéculatif. Reste que, malgré le travail approfondi de notre rapporteur, nous ne savons pas toujours très bien où est la différence.
Nous pensons, nous, qu’à tout le moins une nomenclature aurait pu être imaginée. Au lieu de s’en remettre, sans aucune concertation, à un simple arrêté du ministre, une disposition législative aurait été pour le coup nécessaire, d’autant que le projet de loi contient par ailleurs de nombreuses mesures d’ordre réglementaire dont nous aurions pu très bien nous passer !
Où placer la frontière entre les activités de trading utiles à l’économie et les activités de négociation spéculatives, qui devront être filialisées ? L’exercice est difficile, car les services financiers rendus à l’économie réelle impliquent quasi systématiquement des activités de trading pour compte propre.
En revanche, aux activités de trading à haute fréquence et sur les matières premières, qui mériteraient un traitement anti-spéculatif – c’est une préoccupation partagée sur toutes les travées de l’hémicycle –, on ne trouve aucune parade sérieuse ou limite vraie dans ce projet de loi, et les quelques amendements présentés ce matin ont été, pour des raisons diverses, écartés, monsieur le rapporteur.
Pour bien préciser les limites du texte dans le contexte mondial qui est le nôtre, j’évoquerai tout d’abord le problème des hedge funds, que l’on place souvent en tête de liste des sujets qui méritent notre vigilance.
Les hedge funds détiennent, certes, des capitaux très importants sur les États avec les fameuses dettes souveraines, mais c’est grâce à cette capitalisation qu’ils peuvent financer les banques. Dès lors que leurs dépôts sont inférieurs aux crédits qu’elles accordent, les banques vont en effet chercher auprès des hedge funds les financements nécessaires. Donc, ne l’oublions pas, les hedge funds approvisionnent financièrement les banques.
Toujours pour illustrer les limites de ce texte, comment les juges d’un pays étranger réagiront-ils, en cas de difficultés d’une filiale d’une banque française ? Croyez-vous qu’un juge américain, parce qu’on aura filialisé, fera la différence et n’ira pas rechercher la responsabilité de la maison mère ? Ces questions méritent d’être posées. Souvenez-vous de l’affaire Pinault, quelque peu scandaleuse, d’ailleurs, impliquant une filiale du Crédit Lyonnais !
Si, dans le cadre d’un système juridique de conception essentiellement anglo-saxonne, le juge américain demande des dédommagements à la société mère et non à la filiale, votre système ne fonctionnera pas ! Or les banques françaises évoluent dans un environnement mondial, dont les règles ne sont ni forcément françaises ni forcément européennes.
Monsieur le ministre, permettez-moi d’évoquer d’un mot le Fonds de garantie des dépôts, auquel nous sommes très attachés. Nous l’avions mis en place voilà déjà un certain nombre d’années, à l’occasion des problèmes rencontrés par le Crédit Lyonnais. Ce fonds visait à garantir les dépôts de tout un chacun jusqu’à un certain niveau. Or le nouveau fonds de garantie et de résolution voit ses missions élargies. Même si ce fonds est doté de deux milliards d’euros ou de six milliards d’euros,…
M. Richard Yung, rapporteur. Dix milliards !
M. Francis Delattre. … si, au nom de la régulation, on s’écarte trop de l’épure, c'est-à-dire de la garantie des dépôts, on ne parviendra jamais à régler les problèmes d’une banque systémique.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, là où il y a une horloge, il y a un horloger ! (Sourires.) Je vais donc conclure.
M. Jean Desessard. Une minute et demie de plus !
M. Pierre-Yves Collombat. Il y a deux poids, deux mesures !
M. Francis Delattre. Pour le reste, il s’agit d’un texte technique, qui n’a pas appelé d’opposition formelle de notre part. Nous souhaitons simplement préciser un certain nombre de points grâce aux amendements que nous soutiendrons, en souhaitant simplement qu’ils puissent être examinés avec attention par le Gouvernement et par toutes celles et tous ceux qui contribueront à la discussion. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. Il n’y a pas deux poids, deux mesures, mes chers collègues, chacun doit respecter son temps de parole !
M. Pierre-Yves Collombat. Proportionnellement, il y a bien deux poids, deux mesures.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, dans un premier temps, de saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, sur ce texte ô combien complexe, qui déchaîne les passions, comme on peut le constater, tant les intérêts peuvent être contradictoires.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est équilibré. Il initie une nouvelle donne dans le secteur bancaire, en France et en Europe.
Comme on put le dire les orateurs qui m’ont précédée à la tribune, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, adopté par l’Assemblée nationale le 19 février dernier, est pleinement d’actualité. En effet, alors que nous ressentons encore aujourd’hui les effets de la crise bancaire et financière née de la faillite, en 2008, de la banque Lehman Brothers et de la crise des dettes souveraines qui s’en est suivie, la réforme du secteur financier reste au cœur des préoccupations au niveau international.
On peut notamment citer les propositions de normes prudentielles issues des accords de Bâle III, ainsi que le « paquet européen » CRD IV. Ce dernier doit traduire en droit communautaire les règles de supervision bancaire européennes, ainsi que les travaux en cours au sein de la Commission européenne en vue de proposer une directive sur la résolution commune, autrement dit, la manière de faire face à la faillite d’un établissement bancaire.
Des démarches similaires ont guidé l’Allemagne et semblent inspirer le Royaume-Uni ou encore les États-Unis.
Mes chers collègues, je souhaiterais centrer mon intervention sur deux enjeux cruciaux de la réforme du système bancaire global : la transparence et la lutte contre les paradis fiscaux. Notre assemblée travaille depuis de nombreuses années sur ces sujets et maints rapports ont vu le jour. Or, force est de le constater, la mise en œuvre de leurs recommandations fut très souvent extrêmement limitée.
Mais il y a pire. Nous nous rappelons tous les G20 de Londres et de Pittsburgh, en 2009, au lendemain de la crise des subprimes, qui devait entraîner les banques et nos économies dans une spirale infernale dont nous commençons à peine à voir la fin.
À cette occasion, les chefs d’État et de gouvernement des vingt premières économies mondiales se fixent notamment comme objectif de réformer les modalités de régulation bancaire et financière.
La création d’une liste noire des paradis fiscaux, ou pays fiscalement non coopératifs, est annoncée en grande pompe. Les attentes et espoirs sont alors énormes, et le précédent Président de la République d’annoncer fièrement que « le temps du secret bancaire est révolu ».
Cerise sur le gâteau : le lendemain du sommet, une grande banque française annonce qu’elle fermera avant 2010 une douzaine de filiales figurant sur la fameuse liste grise de l’OCDE, faisant ainsi un premier pas sur la voie de la réforme des régulations bancaires et financières.
L’union sacrée est totale, décideurs politiques et acteurs de la banque main dans la main pour lutter contre les paradis fiscaux, coupables d’avoir encouragé et couvert les déviances d’un système bancaire et financier mondial devenu fou.
Mais qu’en est-il quatre ans après, mes chers collègues ? Quelques faits et chiffres viennent relativiser ce qui n’aura été qu’un ensemble de vœux pieux.
Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires datant de juillet 2012, alors que le montant des impôts sur le revenu et sur la production des banques a augmenté en France d’environ 50 % entre 1996 et 2011, le produit net bancaire a plus que doublé, l’actif total des banques françaises ayant été multiplié par trois et leurs profits, par dix.
Loin de moi l’idée de dénigrer la réussite de nos banques ! Pour autant, je rappelle également que la même étude estime que jusqu’à 20 % des filiales étrangères des grandes banques françaises sont localisées dans des centres financiers offshore, lesquels permettent aisément des transferts de fonds entre paradis fiscaux, qui sont, vous en conviendrez, de puissants facteurs d’optimisation fiscale.
Si nous en revenons à la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire, nous ne pouvons à première vue que nous réjouir de voir fondre comme neige au soleil le nombre de pays et d’États figurant sur la liste de l’OCDE. Or, loin d’être l’aboutissement de la lutte contre les paradis fiscaux, cette liste révèle le refus de ces autorités de collaborer et un travail concerté de contournement de règles trop peu contraignantes. En effet, pour être rayé de cette liste, il suffisait de contracter des accords bilatéraux d’échanges d’informations, chose que ces autorités firent avec beaucoup d’aisance, je vous rassure, mais entre membres de cette fameuse liste, nouvelle preuve qu’en matière d’opacité bancaire et financière il vaut mieux être mal accompagné que seul !
Ainsi soit-il de cette initiative intergouvernementale sacrifiée sur l’autel des égoïsmes nationaux et des intérêts particuliers de certains grands groupes !
Loin de se résigner, le candidat François Hollande, devenu Président de la République, s’est, avec son gouvernement, investi pleinement dans la lutte contre les paradis fiscaux et l’opacité bancaire. Au niveau européen, la France œuvre en ce sens dans le cadre des accords CRD IV, instaurant notamment un reporting poussé pays par pays, qui permettra aux particuliers de connaître les activités de leurs banques et d’agir en conséquence.
Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires que nous examinons aujourd’hui intègre une série de mesures concrètes qui vont dans ce sens. Nous avons travaillé en amont, avec nos collègues de la commission des finances, sous le regard bienveillant du Gouvernement, pour que ces mesures cruciales soient juridiquement les mieux cadrées et moralement les plus efficaces.
Richard Yung, notre rapporteur au fond, Jean-Pierre Caffet, Laurence Rossignol, Marie-Noëlle Lienemann et moi-même défendrons ainsi une série d’amendements permettant à ce texte d’aller encore plus loin sur la voie de la transparence financière et de la lutte in fine contre les paradis fiscaux.
Consciente que ce texte constitue une première étape vers la fin de ces pratiques et persuadée que notre action constituera un exemple pour l’ensemble de nos partenaires européens, je serai fière de voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je vous remercie d’avoir strictement respecté votre temps de parole, ma chère collègue.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on nous avait annoncé, lors des fameux G20 de 2008 et de 2009, qu’on allait moraliser le capitalisme et réguler l’économie, en particulier bancaire. La réalité, c’est que tout continue comme avant !
M. Philippe Dallier. Qu’attendez-vous ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Après avoir chuté, les bénéfices des banques sont revenus à leur niveau d’avant la crise. Les versements des dividendes n’ont enregistré presque aucun recul. La part de la rémunération variable moyenne des banques d’investissement actives au niveau mondial a, certes, diminué entre 2007 et 2011, mais les salaires fixes ont augmenté.
J’espère, monsieur le ministre, que vous y serez sensible, je me permets de citer l’excellent rapport de M. Peer Steinbrück, président du groupe SPD au Bundestag, qui prône une nouvelle approche des marchés financiers. Son diagnostic va particulièrement loin. Selon lui, les paradis fiscaux n’ont pas disparu et les produits dérivés, partout dans le monde, sont en hausse.
Ainsi, le montant global des actifs des hedge funds n’a-t-il jamais été aussi élevé dans l’histoire.
M. Francis Delattre. Et alors ?
M. Albéric de Montgolfier. « L’ennemi, c’est la finance » !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il atteint 2 300 milliards de dollars, dont 1 395 milliards offshore. En 2000-2001, on n’en était qu’à 750 milliards de dollars, dont 500 milliards offshore. Certes, ces chiffres ont reculé en 2008, mais pour mieux reprendre leur ascension, et bien plus fortement qu’auparavant.
La spéculation continue, les produits dérivés se multiplient et le système français n’est, hélas, pas en reste. Penchons-nous, par exemple, sur les montants notionnels des instruments dérivés de la BNP, la tendance étant identique pour les autres grandes banques systémiques françaises. En 2011-2012, ils ont atteint 47 000 milliards d’euros. Ils n’étaient pourtant que de 10 000 milliards d’euros dans les années 2000, et ont donc été multipliés par quatre. En 2008, ils ne représentaient encore que 38 000 milliards d’euros.
La crise n’a donc pas réduit la demande de produits dérivés, qui a continué de progresser, et plus fortement que par le passé.
Donc, la spéculation ne recule pas, elle augmente.
M. Jean Desessard. Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pendant ce temps, les PME ont de plus en plus de mal à obtenir des crédits pour développer leurs activités. Il convient donc de se réjouir de la création de la BPI ! Pendant ce temps, un nombre de plus en plus important de nos concitoyens payent des frais bancaires importants, ont des difficultés pour accéder au crédit ou se trouvent pénalisés dans le cadre de leurs opérations bancaires.
Dans ces conditions, ce projet de loi est bienvenu, car son objectif, comme ce devrait d’ailleurs être celui des textes européens, est de recentrer notre secteur bancaire sur sa mission, à savoir l’intermédiation entre le dépôt, l’épargne et l’économie réelle. Voilà la seule mission qui compte pour les banques !
Ce texte devrait assurer une seconde mission : prémunir les déposants et les contribuables des risques, en particulier les risques spéculatifs.
Pour ma part, j’estime qu’il faut être lucide. Non, les crises bancaires, qu’elles soient européennes ou mondiales, ne sont pas obligatoirement derrière nous !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je suis d’ailleurs étonnée que personne n’ait parlé de Chypre. (« Jean Arthuis ! », précise-t-on sur plusieurs travées.) Je sais bien que son système bancaire est particulier. Néanmoins, quand il y a une crise bancaire quelque part, on observe toujours un effet ailleurs : c’est l’effet domino !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Surtout, M. Philippe Wahl, président du directoire de La Banque postale, affirmait, le 26 février dernier, dans un colloque organisé par The Economist : « Il y aura une nouvelle crise bancaire, nous le savons. […] Nous savons d’où elle viendra. » Il ciblait ce que l’on appelle les « systèmes parallèles », en particulier les fonds alternatifs.
Si nous sommes d’accord sur le risque d’une nouvelle crise bancaire, il faut regarder lucidement la situation française : nous sommes particulièrement vulnérables. Notre pays compte quatre, voire cinq, mégabanques. Au classement des plus grandes banques mondiales, la BNP occupe la sixième place, le Crédit agricole la neuvième, la Société générale la dix-neuvième, le groupe Banques populaires-Caisses d’épargne la quarante et unième. Or, dans toutes ces banques, la part des activités d’investissement est particulièrement élevée. Les activités d’investissement des deux premières banques françaises, la BNP et le Crédit agricole, sont plus importantes que celles de Goldman Sachs et de Morgan Stanley réunies !
M. Pierre-Yves Collombat. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Notre secteur bancaire est donc particulièrement vulnérable.
J’ai longtemps cru que disposer de banques de taille mondiale était un atout. J’étais de ceux qui pensaient que c’était bon pour la grandeur de la France. Eh bien aujourd’hui, je pense exactement l’inverse : ce sont des colosses aux pieds d’argile ! (M. Jean Desessard applaudit.) En Allemagne, ce pays auquel on se réfère toujours lorsqu’il s’agit de réduire les droits sociaux, il y a une mégabanque et 1 500 petites banques de proximité. Les ingénieurs allemands ne se consacrent pas, comme nos polytechniciens, à l’élaboration de produits dérivés : ils vont travailler dans l’industrie, parce que les banques allemandes pratiquent bien davantage l’investissement direct dans l’économie ou dans la dette nationale que les investissements spéculatifs.
M. Jean-Pierre Caffet. Les caisses d’épargne allemandes ont fait faillite !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous devons être conscients de la réalité de la situation des banques françaises. Évidemment, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on pourra changer complètement de modèle !
Les actifs des cinq grandes banques françaises présentant un risque systémique s’élèvent à 335 % du PIB du pays. Aux États-Unis, les actifs des huit banques systémiques représentent 61 % du PIB national.
Pour ma part, j’estime que le temps est venu de tendre vers une séparation des activités. Je prends acte du fait que ce projet de loi qui, certes, ne va pas assez loin, constitue un progrès. (« Ah ! » sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP.) Ce progrès, nous devons l’approfondir, comme l’Assemblée nationale l’a déjà fait ! À cette fin, j’ai déposé trente amendements : nous devons aller le plus loin possible pour instaurer une séparation étanche entre activités utiles à l’économie et activités spéculatives. Je le dis tout net, je crains que l’accélération des crises ne renforce la nécessité d’une seconde étape. Je pense que le Gouvernement, attentif à garantir la sûreté des dépôts des Français, soucieux de l’avenir de notre économie et du redressement de notre pays, sera amené, un jour ou l’autre, à nous proposer cette nouvelle étape ; réussissons déjà la première ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Pierre Moscovici, retenu à l’Assemblée nationale par le débat sur la motion de censure.
Au terme de cette discussion générale d’excellente qualité, je voudrais d’abord saluer, au nom du Gouvernement, le travail du rapporteur, Richard Yung. À bien des égards, l’Assemblée nationale avait déjà complété et enrichi le texte du Gouvernement ; il se trouve encore amélioré grâce à vos propositions, monsieur le rapporteur.
M. Roland Courteau. Du beau travail !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. D’ores et déjà, ce projet de loi vous doit beaucoup et nous vous remercions d’avoir voulu préserver l’équilibre recherché par le Gouvernement en matière de lutte contre les dérives de la finance.
Le Gouvernement entend mener une action résolue, au travers notamment du cantonnement des activités spéculatives, du contrôle préventif des risques systémiques, de diverses dispositions sur lesquelles je reviendrai, notamment celles qui concernent la protection des consommateurs. Il s’agit de tirer les leçons de la crise financière, qui a mis en évidence la nécessité de mieux réguler la finance, tout en garantissant que les banques françaises pourront financer notre économie, car le respect des exigences des accords de Bâle III imposera de plus en plus à nos entreprises de recourir aux marchés. Pour cela, elles devront être accompagnées de partenaires bancaires solides.
Puisqu’il a beaucoup été question, cet après-midi, du discours du Bourget et des engagements pris par le Président de la République, je voudrais rafraîchir la mémoire de certains d’entre vous.
« Les paradis fiscaux, c’est fini ! », disait Nicolas Sarkozy en 2009. Mme Espagnac en parlait à l’instant : si, aujourd’hui, le Parlement européen s’est saisi, dans le cadre du règlement CRD IV, de la question des paradis fiscaux, c’est à partir des engagements pris par le Gouvernement français et du vote de la réforme bancaire à l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Delattre s’est demandé si nous étions dans le bon tempo. C’est le cas, dès lors que nous inspirons aujourd’hui l’Union européenne et le Parlement européen pour aller beaucoup plus loin qu’ils ne l’auraient fait si deux États, la France et l’Allemagne, n’avaient pas pris l’initiative.
De surcroît, dans l’attente de la proposition législative du commissaire européen Barnier, nous nous trouvons dans une période grise en matière d’initiative européenne. En effet, la plupart des textes que proposera la Commission européenne, s’ils ne sont pas déposés avant juillet, seront probablement examinés une fois celle-ci et le Parlement européen renouvelés. Nous ne pouvons donc pas espérer une mise en œuvre de ces textes avant 2017-2018. Or la crise nous impose d’envoyer dès maintenant un signal fort à la finance et au système bancaire, ainsi qu’aux déposants et aux épargnants. Il fallait donc agir sans tarder. C’est la raison pour laquelle la France a pris les devants et n’a pas souhaité attendre que la Commission européenne intervienne.
Nous sommes souverains pour décider de ce que nous voulons faire en matière de séparation des activités spéculatives des activités bancaires utiles à l’investissement et à l’emploi. Cela correspond à un engagement du Président de la République, mis en œuvre au travers de l’article 1er du présent projet de loi, qui prévoit qu’« il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes […] ». L’engagement est donc tenu.
François Hollande avait également annoncé qu’il interdirait aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. Là encore, des engagements sont pris : dès 2013, les banques françaises auront l’obligation de faire la transparence sur toutes leurs activités, pays par pays, y compris dans les paradis fiscaux.
À l’heure où nous parlons, Chypre est confrontée à une grave crise. L’économie de ce pays, entré dans la zone euro en 2008, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République, est très particulière, puisque les actifs des banques représentent à peu près huit fois le PIB. En outre, 45 % des déposants ne sont pas des résidents. Nombre d’entre eux sont des citoyens russes. L’exemple chypriote illustre bien la nécessité de mieux réguler les activités bancaires et de poser des exigences fortes à l’égard des pays qui ont une politique fiscale accommodante, pouvant mener à des pratiques douteuses.
François Hollande avait en outre déclaré qu’il interdirait les produits toxiques qui enrichissent les spéculateurs et menacent l’économie : tel est l’objet de l’article 11 ter du projet de loi, qui tend à encadrer les conditions d’emprunt des collectivités territoriales et de leurs groupements. De surcroît, le projet de loi vise à étendre les pouvoirs de l’ACPR pour interdire la commercialisation de ce type de produits.
En ce qui concerne les stock-options, l’article 7 de la dernière loi de finances les a soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, en matière d’imposition des bonus, la loi de finances pour 2013 a instauré une nouvelle tranche pour surtaxer les salaires les plus élevés servis dans le secteur financier. Je rappelle que, de plus, un projet de loi relatif à l’encadrement des pratiques de rémunération et à la modernisation de la gouvernance des entreprises est en préparation.
En ce qui concerne la taxation des bénéfices des banques, nous avons doublé la taxe pour risque systémique dès le projet de loi de finances rectificative de 2012. Elle a rapporté 500 millions d’euros.
Quant à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, son principe a été validé par onze pays lors du Conseil Ecofin. Nous avons élargi l’assiette de cette taxe, ce qui a permis d’augmenter son rendement, pour la France, de 400 millions d’euros.
Enfin, la création de l’agence publique européenne de notation – il s’agit là encore de l’engagement n° 7 du Président de la République – fera l’objet, à l’échelon européen, de l’élaboration d’un rapport, sur l’initiative de la France.
La mise en œuvre des engagements pris par le Président de la République dans le discours structurant du Bourget est donc d’ores et déjà très avancée. C’est pour moi un grand honneur de pouvoir le dire aujourd’hui devant vous.
M. Vaugrenard a évoqué l’activité de tenue de marché. L’Assemblée nationale a déjà amélioré le texte du Gouvernement sur ce point, en adoptant un amendement qui précise que c’est bien le régulateur, et non les banques, qui aura en main les outils pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. De surcroît, a été donné au ministre de l’économie le pouvoir de limiter les montants des opérations de tenue de marché conservées par les banques. Cela étant, nous sommes bien évidemment ouverts aux propositions du Sénat sur ce sujet.
M. Soilihi et Mme Dini, dont je salue la contribution, ont évoqué la protection des consommateurs. Le projet de loi manifeste la volonté de protéger les plus vulnérables d’entre eux, notamment en matière d’effectivité du droit au compte ou de lutte contre le surendettement. Des efforts considérables sont faits en vue de proposer des moyens adaptés de paiement aux consommateurs les plus vulnérables, d’introduire de la concurrence et de la transparence dans le domaine des assurances obligatoires liées au crédit immobilier. J’ajoute que le projet de loi relatif à la consommation que j’aurai l’honneur de défendre très bientôt devant vous pourra utilement compléter ces dispositions, notamment si vous jugez utile d’aller plus loin en matière de transparence des frais bancaires ou de plafonnement des commissions d’intervention, domaines dans lesquels beaucoup a pourtant déjà été fait.
Je voudrais remercier, au nom du Gouvernement, le président Marini pour son intervention, tout au moins une partie de celle-ci.
M. Philippe Kaltenbach. Point trop n’en faut ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce texte ne constitue pas une révolution, mais il traduit tout de même une volonté d’être plus dur à l’égard de ceux qui ont largement abusé du système auparavant. Le Gouvernement entend lutter résolument contre l’aléa moral ; j’insiste sur ce point : demain, qui a fauté paiera !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais non !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Qui a fauté paiera ! Ce que nous proposons, c’est de faire en sorte que les déposants ou les contribuables ne puissent pas être amenés à payer pour des fautes dont ils ne sont pas responsables : le présent texte permettra de se retourner vers les actionnaires et certains créanciers. C’est une avancée considérable.
Dans le même esprit, le Fonds de garantie des dépôts sera porté de 2 milliards à 10 milliards d’euros d’ici à cinq ans, les établissements de crédit eux-mêmes étant mis à contribution. C’est là une garantie supplémentaire, qui montre notre volonté de placer face à leurs responsabilités les établissements bancaires, leurs actionnaires et certains de leurs créanciers. Les déposants et les contribuables, c’est-à-dire les citoyens français, n’ont pas à payer pour le sauvetage d’une banque qui connaîtrait des difficultés. L’objet de ce projet de loi est précisément, monsieur Collombat, d’éviter autant que possible que le contribuable ne soit « tondu ».
Je souhaite remercier M. Bocquet de son intervention, en lui faisant cependant observer qu’il est assez normal que les pertes, en Europe, proviennent d’abord des banques universelles, puisque la plupart des banques de notre continent sont de ce type. Il faut d’ailleurs remarquer que, pour l’essentiel, les pertes ne sont pas liées aux activités de marché. Ainsi, les pertes colossales constatées en Irlande et en Espagne résultaient surtout de l’explosion d’une bulle immobilière. Je relève en outre que la phrase de Thomas Jefferson que vous citée et que j’ai moi-même reprise est tronquée…
MM. Arthuis et de Montesquiou trouvent « sidérants » les pouvoirs donnés à l’ACPR en matière de résolution. Le Gouvernement considère, pour sa part, qu’il est indispensable de lui conférer de tels pouvoirs non seulement pour répondre efficacement à l’urgence en cas de crise bancaire, mais également pour dissuader les acteurs d’adopter des comportements qui pourraient déboucher sur des situations de crise. Nous pensons que cela aurait pu permettre d’éviter les défaillances de Dexia et du Crédit immobilier de France. En tout état de cause, nous entendons prévenir ainsi la survenue, à l’avenir, de telles crises, dont on sait les graves conséquences, notamment en termes d’emploi.
Je remercie M. Baylet de ses propos et salue le travail en commun très fructueux accompli avec le groupe RDSE, qui a présenté de nombreux amendements.
La contribution du groupe écologiste n’a pas été moins décisive. M. Placé a eu raison de rappeler l’importance de la négociation en cours sur la directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF. Je tiens à le rassurer : la France est à l’avant-garde dans cette négociation, notamment sur le sujet, particulièrement sensible, des matières premières agricoles.
Monsieur de Montgolfier, vous avez souligné que la réforme Vickers, au Royaume-Uni, était issue de la City de Londres. Il est exact que cette réforme est inspirée, à bien des égards, par le souci de ne pas entraver le développement du rôle de Londres en tant que place financière mondiale.
De ce point de vue, parce qu’il opère une séparation fine entre les opérations spéculatives et les activités utiles à l’économie, le projet français est beaucoup plus ambitieux et pose les bases d’un débat avec nos amis Britanniques, qui refusent pour leur part de fixer la moindre règle pour définir et encadrer la « tenue de marché ». Tel n’est pas notre cas, puisque ce projet de loi tend à fixer, quant à lui, un cadre strict.
Je vous remercie par ailleurs, monsieur le sénateur, d’avoir bien voulu reconnaître que ce projet de loi comportait plusieurs avancées.
M. Bas, quant à lui, a émis davantage de réserves sur le texte, même si sa conclusion a été positive. Puisque nous venons de vivre une semaine « pontificale », je ferai observer que, parfois, sur les travées de l’UMP, certains sont très croyants, mais peu pratiquants en matière de lutte contre les dérives financières…
Dans ce domaine, nous avons essayé, pour notre part, de mettre nos actes en accord avec nos paroles, considérant qu’il fallait tirer toutes les conséquences de la crise financière plutôt que de s’en tenir à de grandes déclarations de principe.
Nous sommes donc passés aux actes en présentant ce texte. S’il n’est que de portée technique comme vous l’affirmez, monsieur Delattre, pourquoi ne l’avez-vous pas élaboré lorsque vous étiez aux affaires ? Vous savez bien, en réalité, qu’il a une dimension politique et engage une réforme structurelle de l’organisation du secteur bancaire français.
Mes remerciements vont aussi à M. Caffet et au groupe socialiste, qui ont accompli un travail de qualité, notamment en vue d’améliorer l’encadrement des garanties avec les hedge funds, celui des opérations sur les marchés de dérivés agricoles, la transparence des activités des banques et l’introduction d’un plafond spécifique pour les populations fragiles. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. Francis Delattre. Il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En tout cas, nous, nous avançons ! C’est ce qui nous distingue !
Monsieur Desessard, je sais votre sensibilité à la question de la spéculation sur les matières premières agricoles. L’un de vos amendements tend à permettre à l’AMF de fixer des limites aux positions prises par les opérateurs sur ces marchés. C’est une très bonne proposition, sur laquelle nous reviendrons lors de la discussion des articles.
M. Jean Desessard. Merci, monsieur le ministre !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Marc, vous avez souligné l’équilibre de ce texte et insisté sur la nécessité d’agir selon un échéancier qui soit acceptable. Le calendrier prévu est objectivement de court terme. Nous avançons assez vite, en tout cas bien plus rapidement que les autres pays d’Europe et du monde. Je crois que nous pouvons nous enorgueillir de montrer la voie.
M. François Marc. La France est à l’honneur grâce à vous !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. On a beaucoup évoqué les réformes Vickers, Volcker et Liikanen ; je me réjouis, pour ma part, que l’on parle aujourd’hui en Europe de la réforme Moscovici comme d’une réforme qui a beaucoup fait avancer les choses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Je retiens les très intéressantes remarques de Mme Dini sur la nécessaire consolidation des instruments protégeant les consommateurs, qui doivent toujours pouvoir disposer de services bancaires de base.
M. Oudéa avait affirmé que le cantonnement prévu ne concernerait que 2 % des activités bancaires. Ce propos avait suscité de nombreuses réactions. En vérité, personne ne peut dire aujourd’hui ce que représente vraiment le cantonnement des activités spéculatives.
M. Pierre-Yves Collombat. On verra à l’usage !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Les chiffres évoqués sont ceux des banquiers. Or nous ne sommes pas certains que ces derniers aient la même définition des activités utiles à l’emploi et à l’investissement que le Gouvernement. Nous pensons donc qu’il nous faudra être très prudents dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle nous dotons l’ACPR, le régulateur, de pouvoirs très étendus pour séparer le bon grain de l’ivraie. Cela prend du temps, mais nous voulons avancer dans cette voie.
Il est vrai, par ailleurs, que les banques françaises ont très fortement réduit leurs activités risquées depuis la crise, en raison même du risque qu’elles présentent et des pertes qu’elles ont entraînées. En 2006, ces activités pouvaient toutefois représenter jusqu’à 25 % du chiffre d’affaires des activités de marché. Leur cantonnement potentiel est donc loin de constituer une mesure homéopathique ; il anticipe, au contraire, l’évolution d’un certain nombre de pratiques spéculatives contre lesquelles nous voulons lutter, et qui ont été longuement décrites par Mme Lienemann.
En conclusion, je me réjouis de la qualité de ce débat et de l’esprit d’ouverture manifesté par l’ensemble des groupes à l’égard de ce texte, que certains souhaitent muscler, d’autres améliorer, enrichir ou clarifier. L’exigence d’une meilleure régulation de la finance, d’une lutte contre les dérives financières et d’un meilleur contrôle préventif des risques systémiques doit fonder un rassemblement au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
TITRE IER
SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES
Article additionnel avant l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 170 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les dispositions de la présente loi ne peuvent avoir pour conséquence d'instituer des contraintes plus exigeantes que celles en vigueur en droit européen. Les commissions des affaires européennes des assemblées parlementaires sont compétentes pour alerter le Gouvernement sur toute violation de ce principe.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Il s’agit d’un amendement de principe.
Le texte qui nous est soumis va dans un sens que nous approuvons tous, celui d’une meilleure réglementation du secteur bancaire à travers le cantonnement des activités à risque dans des filiales identifiées. Pour autant, l’un des biais majeurs de son dispositif est qu’il s’inscrit à contretemps du travail actuellement réalisé par l’Union européenne et ses États membres, ainsi que par les États-Unis.
Au plan européen, deux initiatives majeures méritent d’être rappelées.
Tout d’abord, la directive CRD IV, en cours de préparation, aura vocation à achever la mise en œuvre des accords de Bâle III, qui posent des exigences accrues en termes de fonds propres pour les banques et risquent donc de limiter leur capacité de crédit. Par ailleurs, l’élaboration de l’Union bancaire européenne permettra, à terme, à la Banque centrale européenne de centraliser la supervision des banques continentales.
Quelle est la réaction de nos partenaires européens ? Ils attendent, parce qu’une action unilatérale et non concertée aura nécessairement des conséquences lourdes à court terme sur la rentabilité des groupes bancaires et à moyen terme sur les équilibres concurrentiels qui existent entre les banques.
Nous ne pouvons pas jouer notre partition plus rapidement que l’Europe, sous peine de placer nos banques dans des situations de fragilité économique qui auront forcément un impact social. Je le répète, les banques sont des entreprises et, comme toutes les entreprises, elles souffrent du climat économique ambiant. Le secteur bancaire français a perdu, entre 2011 et 2012, près de 7 000 emplois potentiels du seul fait de la chute de rentabilité des activités de détail.
Cet amendement a donc pour objet d’articuler les dispositions du texte avec le droit européen à venir, en introduisant le principe selon lequel le droit français en la matière ne saurait créer des exigences plus contraignantes que les standards continentaux en vigueur. Respecter un tel principe nous permettrait de prendre le temps de mettre en œuvre cette réforme structurelle attendue sans compromettre l’avenir, notamment l’avenir européen du secteur bancaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Le présent amendement vise à poser le principe selon lequel la loi nationale française ne saurait être applicable si elle institue des contraintes plus exigeantes que la législation européenne en vigueur.
Cet amendement m’a laissé quelque peu perplexe…
M. Jean-Pierre Caffet. Pour le moins !
M. Richard Yung, rapporteur. Tout d’abord, il fait référence à une période transitoire, que l’on peine à déterminer.
Ensuite, selon vous, mon cher collègue, la France ne devrait rien faire et se borner à attendre que l’Union européenne légifère. Or, dans le même domaine, les Allemands en sont à leur troisième loi, et les Britanniques à leur deuxième ! Et nous devrions nous contenter de regarder les trains traverser le tunnel sous la Manche ? Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une bonne approche.
Enfin, je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait être mis en œuvre et devenir opérationnel.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je comprends l’attachement du groupe UDI-UC à la législation européenne, mais il est reconnu que celle-ci prime de toute façon sur la législation interne des États membres. Je ne comprends donc pas très bien le sens de cet amendement, qui me semble superfétatoire.
S’il s’agit de viser l’articulation de notre droit avec les suites qui pourraient être données au rapport Liikanen, je ferai remarquer que nous nous sommes calés sur la directive CRD IV. Il y a d’ailleurs une concordance de calendriers. Ne manque plus que l’adoption formelle de la directive, qui interviendra avant l’été. Nous sommes donc bien en phase, et il ne nous est pas interdit d’être précurseurs par rapport au futur droit européen.
Je vous invite donc à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur, vous n’entendez pas ce que je dis. De fait, les Allemands ont déjà élaboré trois lois et les Britanniques deux, mais ce que craignent les membres du groupe UDI-UC, c’est que le décalage entre la législation que nous mettons en place et l’action de l’Union européenne ne crée un handicap pour nos banques. Je pense qu’une coordination est tout à fait souhaitable, et je suis certain que vous ne vous élèverez pas contre cette idée. Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour ma part, je suis non pas perplexe, mais bluffé par cet amendement !
En somme, la France, qui n'avait déjà absolument plus aucun pouvoir en matière de politique monétaire, et pratiquement plus aucun en matière budgétaire depuis l’entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ne devrait également plus en avoir en matière de régulation des banques, au motif qu’il ne faudrait surtout pas créer un handicap concurrentiel pour nos banques ! Tel est l’objectif visé au travers de cet amendement : la question n’est pas de sécuriser le système bancaire, pourtant particulièrement fragile ! Le monde peut bien s'écrouler à cause d'une faillite majeure du système bancaire – ce n'est pas une simple vue de l'esprit –, la seule préoccupation de nos collègues est de sauvegarder la compétitivité des banques françaises ! Cet objectif ne me paraissant pas du tout prioritaire, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je voterai contre cet amendement, qui m’étonne moi aussi.
Nous avions discuté de ce sujet lors de la réunion du groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale et M. Arthuis avait alors souhaité que des mesures soient prises contre les dérives des banques et de certains de leurs dirigeants.
À l’heure où chaque pays fait des propositions en la matière, il est intéressant que la France tienne toute sa place et joue un rôle moteur. On sait très bien que les initiatives nationales facilitent l’émergence de mesures à l’échelon européen.
Je comprends très bien la perplexité du rapporteur : à vous entendre, monsieur de Montesquiou, ce texte entravera l'activité des banques. Or il s’agit simplement de lutter contre les dérives en matière de spéculation, objectif qui est partagé par votre groupe, comme M. Arthuis l'a expliqué à maintes reprises.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Je commencerai par souligner un paradoxe : au cours de la discussion générale, M. Arthuis a traité les signataires du pacte de stabilité et de croissance de menteurs et de tricheurs ; or, à peine entamons-nous la discussion des articles qu’il nous demande, au travers de cet amendement, de nous en remettre à eux !
Au-delà, je considère que cet amendement pose véritablement problème au regard de la souveraineté nationale. Je ne reprendrai pas les excellents propos de Mme la ministre sur la hiérarchie des normes juridiques : il va de soi que le droit européen prévaut sur le droit national. Pour autant, en quoi les négociations actuellement en cours à l’échelon européen empêcheraient-elles le Parlement français de prendre des dispositions qui ne sont d’ailleurs pas en contradiction avec celles qui sont envisagées au sein des instances européennes ?
Enfin, monsieur de Montesquiou, le principe sur lequel vous vous fondez pourrait s'appliquer à tout projet de loi. Aurait-il fallu l’invoquer, par exemple, quand le Gouvernement a présenté un amendement au projet de loi de finances pour 2013 instaurant le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi ?
Pour ces raisons de fond, cet amendement ne nous semble pas acceptable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur. Je souhaite apporter un élément de réponse à l'une des craintes exprimées par M. de Montesquiou.
Dans le cadre des travaux de la commission des finances, nous nous sommes rendus à Londres et à Berlin. J'ai été frappé par le fait que, manifestement, les échanges entre gouvernements sont intenses, et surtout par la forte convergence des réformes mises en œuvre.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Richard Yung, rapporteur. En particulier, l'autorité prudentielle britannique est tout à fait proche de l’ACPR.
Par conséquent, je n'imagine pas que ce texte puisse pénaliser le système bancaire français.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er A
(Non modifié)
Avant le 30 juin 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l’impact de la présente loi sur la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Cet article liminaire, de portée quasiment déclarative, appelle quelques observations de notre part. Si l’on en croit ses termes, il s’agit d’analyser la compétitivité de notre secteur financier et bancaire au regard de la concurrence, prioritairement américaine et européenne.
C’est cette sorte d’ethnocentrisme économique qu’il nous faudrait éviter à l’avenir. Les marchés financiers n’ont pas forcément de visage et constituent l’ennemi dont tout gouvernement devrait se méfier. Le fait est qu’ils ont connu, ces dernières années, une évolution sensible. Nous avons ainsi vu apparaître de nouveaux acteurs, les fonds souverains, émanations de certaines monarchies du Golfe ou de pays émergents dont les capacités financières sont parfois largement aussi importantes que celles de certaines banques privées européennes.
Le milieu bancaire connaît aussi d’autres acteurs, singulièrement dans les pays émergents. En 2011, parmi les cinquante premières banques mondiales en termes de résultat net, on trouvait treize banques chinoises, quatre banques brésiliennes, deux banques russes, une banque hongkongaise et un établissement singapourien. Ajoutons-y, pour faire bonne mesure, trois banques japonaises et quatre banques australiennes : nous sommes face à un paysage financier et bancaire international quelque peu polycentrique. De surcroît, toujours en 2011, les quatre premières banques au monde étaient chinoises ; la présence de ces établissements parmi les cinquante principales banques mondiales est particulièrement significative.
La France n’a sans doute pas à rougir de la douzième position qu’occupe le groupe BNP-Paribas dans ce classement, même si son résultat s’est affaissé en 2012. Si le total de bilan est important – pratiquement 2 000 milliards d’euros, soit l’équivalent du PIB marchand de la France –, la capitalisation du groupe – environ 85 milliards d’euros – est considérée comme insuffisante. Cela étant, la question de la compétitivité de nos établissements de crédit est problématique ; il faut d’abord savoir ce que l’on entend par compétitivité.
Nous pouvons attendre du rapport prévu par ce projet de loi qu’il nous permette de faire le tri entre les activités spéculatives et les activités dites « utiles » de nos établissements de crédit : utiles du point de vue de ce que l’on appelle un peu abusivement l’« économie réelle », alors même que, dans le système libéral, la réalité économique recouvre aussi l’industrie et l’activité financières.
Il me semble que l’utilité de notre secteur financier se mesurera pleinement à l’aune de l’implication de celui-ci dans le développement de l’activité, dans la croissance économique, dans le recul tant attendu de notre taux de chômage et de la précarité de l’emploi.
L’objectif n’est pas forcément que nos banques n’aient pas à rougir de la comparaison avec les établissements de crédit américains, qui vont se voir appliquer la Volcker Rule, ou avec les banques britanniques, qui devront prendre en compte les recommandations du dispositif Vickers ; l’essentiel est qu’elles deviennent ou redeviennent les partenaires de l’essor économique, de l’activité, de la croissance des entreprises, des projets des ménages salariés.
Nous attendons de nos banques qu’elles rendent à nouveau le service qu’en attendent les entreprises et les citoyens dans une économie moderne : rien de plus, rien de moins.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
1° Remplacer la date :
30 juin
par la date :
31 décembre
2° Compléter cet article par les mots :
ainsi que sur les impacts du Titre Ier de la présente loi, en particulier quant aux tailles des filiales créées et aux effets sur les volumes de trading haute fréquence, des prêts aux organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, et des opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le rapport prévu à l’article 1er A ne portera que sur l’impact de la réforme sur la compétitivité du secteur bancaire français. Pourtant, cela ne correspond pas a priori à l’objet du texte, qui est de sécuriser le système bancaire national en limitant et en contrôlant certaines de ses activités.
L’étude d’impact du projet de loi est particulièrement discrète sur ce chapitre, particulièrement en matière de données chiffrées. L’argument selon lequel, « dans le cadre de la présente étude d’impact, il est malheureusement impossible, compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires, d’exposer les ordres de grandeur correspondant à la taille de l’éventuelle filiale pro forma » est particulièrement étonnant, puisque cela aboutit à faire passer le secret bancaire avant l’information du Parlement.
Par ailleurs, les résultats de la mise en œuvre du texte dépendront largement de décisions laissées à l’appréciation du ministre de l’économie et des finances : définition du seuil d’activité au-delà duquel la tenue de marché des établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes est interdite ; qualification des instruments de couverture entrant dans le champ d’activité de ces établissements et des prêts accordés aux hedge funds.
Le niveau réel de sécurisation des déposants et du contribuable apporté par la filialisation des activités de marché des banques universelles dépendant de ces décisions ou de l’absence de décisions, on peut s’étonner que le rapport prévu ait pour unique vocation d’apprécier l’impact de l’application de la loi sur « la compétitivité du secteur bancaire français par rapport aux établissements de crédit américains et européens ». C’est à croire que l’objectif est de protéger non pas l’État, les déposants et les contribuables, mais le chiffre d’affaires des banques universelles.
Le Parlement n’ayant pas bénéficié d’une information complète avant le vote de la loi et les effets des dispositions prévues dépendant de l’usage qui en sera fait, cet amendement tend à reporter la date prévue pour la remise du rapport, afin que cette information puisse au moins être délivrée ultérieurement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 136 rectifié bis est présenté par Mme Lienemann, MM. Dilain, Chastan et Teulade, Mme Rossignol, M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung, Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Remplacer la date :
30 juin
par la date :
31 décembre
II. – Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes des opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a un double objet.
Tout d’abord, il vise à repousser la date de remise du rapport au 31 décembre 2014. En effet, le dispositif commencera à s’appliquer à compter du 30 juin 2014, et il convient donc de se donner un peu de recul.
Par ailleurs, l’amendement tend à élargir le champ du rapport, en précisant que devront y être étudiées les conséquences sur la taille et la nature des opérations des filiales mentionnées au titre Ier, sur les volumes d'opérations de négoce à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles. Il s’agit de pouvoir bien mesurer l’importance de ces filiales et déterminer si le cadre défini par le texte est pleinement satisfaisant. L’État et le Parlement seront ainsi mieux éclairés sur l'efficacité de la filialisation.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié.
M. Jean Desessard. Par un heureux hasard, cet amendement est identique à celui que vient de présenter Mme Lienemann, ce qui confirme la convergence de nos analyses !
Nous voyons ce texte comme une étape dans la construction, à l’échelon européen, d’une dynamique de lutte contre la spéculation.
À l’instar de Mme Lienemann, nous souhaitons que le rapport prévu à l’article 1er A aborde les conséquences de l’application de la loi sur la taille et la nature des opérations des filiales, ainsi que sur les volumes des opérations de négoce à haute fréquence, ces manipulations purement spéculatives d’une durée d’une fraction de seconde visant à provoquer des variations artificielles des prix. Nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée à cette pratique, ainsi qu’à la spéculation sur les matières premières agricoles.
Nous avons donc une vraie convergence de vues avec Mme Lienemann sur ce point.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et avec le parti socialiste !
M. Jean Desessard. Par ailleurs, nous demandons nous aussi que la remise du rapport soit repoussée du 30 juin au 31 décembre, afin qu’une étude sérieuse des conséquences de l’application de la loi puisse être menée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Ces trois amendements, qui tendent à élargir le champ du rapport demandé au Gouvernement, sont très proches. La commission est favorable à leur dispositif, en préférant la formulation des amendements identiques nos 136 rectifié bis et 218 rectifié, plus ramassée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je suggère à M. Collombat de se rallier aux amendements qui ont été présentés par Mme Lienemann et M. Desessard ; cela permettrait d’avoir un texte commun aux trois groupes socialiste, écologiste et RDSE.
M. le président. Monsieur Collombat, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 35 rectifié ?
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai le sentiment qu’on se moque un peu du monde… J’ai beaucoup de sympathie pour Mme Bricq, mais sa demande de retrait a-t-elle pour objet d’améliorer les statistiques du groupe socialiste ? (Sourires.) Je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 rectifié bis et 218 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er
La section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complétée par des articles L. 511-47 à L. 511-50 ainsi rédigés :
« Art. L. 511-47. – I. – Afin de garantir la stabilité financière, leur solvabilité à l’égard des déposants et leur capacité à assurer le financement de l’économie, il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État, d’effectuer autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités les opérations suivantes :
« 1° Les activités de négociation sur instruments financiers faisant intervenir leur compte propre, à l’exception des activités relatives :
« a) À la fourniture de services d’investissement à la clientèle ;
« b) À la compensation d’instruments financiers ;
« c) À la couverture des risques de l’établissement de crédit ou du groupe, au sens de l’article L. 511-20, à l’exception de la filiale mentionnée au présent article ;
« d) À la tenue de marché. Le ministre chargé de l’économie peut fixer, par arrêté et après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier, exprimé par rapport au produit net bancaire de l’établissement de crédit de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte, au-delà duquel les activités relatives à la tenue de marché d’un établissement de crédit ne bénéficient plus de cette exception ;
« e) À la gestion saine et prudente de la trésorerie du groupe, au sens de l’article L. 511-20, et aux opérations financières entre les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, d’une part, et leurs filiales appartenant à un même groupe, au sens du même article L. 511-20, d’autre part ;
« f) Aux opérations d’investissement du groupe, au sens dudit article L. 511-20 ;
« 2° Toute opération conclue pour son compte propre avec des organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, lorsque l’établissement de crédit n’est pas garanti par une sûreté. Les organismes de placement collectif eux-mêmes investis ou exposés, au-delà d’un seuil précisé par arrêté, dans les organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires visés au présent 2° sont assimilés à ces derniers. À cet effet, l’établissement de crédit transmet à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, selon des modalités qu’elle définit, les informations relatives aux engagements auprès de ces organismes.
« II. – Les seuils d’exposition mentionnés au premier alinéa du I sont déterminés sur la base de l’importance relative des activités de marché et, le cas échéant, des activités mentionnées au premier alinéa du 1° et au 2° du I dans l’ensemble des activités de l’établissement de crédit, de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte.
« III. – Au sens du présent article, on entend par “fourniture de services d’investissement à la clientèle” l’activité d’un établissement :
« 1° Consistant à fournir les services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 et les services connexes mentionnés à l’article L. 321-2 en se portant partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de répondre aux besoins de couverture, de financement ou d’investissement de ses clients ;
« 2° Et dont la rentabilité attendue résulte des revenus tirés des services fournis à la clientèle et de la gestion saine et prudente des risques associés à ces services. Les risques associés doivent répondre au strict besoin de gestion de l’activité, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« IV. – Au sens du présent article, on entend par “couverture” l’activité d’un établissement mentionné au I qui se porte partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de réduire ses expositions aux risques de toute nature liés aux activités de crédit et de marché. Les instruments utilisés pour ces opérations de couverture doivent présenter une relation économique avec les risques identifiés, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« V. – Au sens du présent article, on entend par “tenue de marché” l’activité d’un établissement qui, en tant qu’intermédiaire, se porte partie à des opérations sur des instruments financiers :
« 1° Soit consistant en la communication simultanée de prix d’achat et de vente fermes et concurrentiels pour des volumes de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité aux marchés sur une base régulière et continue ;
« 2° Soit nécessaires, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution d’ordres d’achat ou de vente de clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part.
« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle que la distinction de l’activité de tenue de marché, mentionnée aux 1° et 2°, par rapport aux autres activités est bien établie en se fondant, pour les activités mentionnées au 1°, notamment sur des indicateurs précisant les conditions de présence régulière sur le marché, l’activité minimale sur le marché, les exigences en termes d’écarts de cotation proposés et les règles d’organisation internes incluant des limites de risques. Les indicateurs sont adaptés en fonction du type d’instrument financier négocié et des lieux de négociation sur lesquels s’effectue l’activité de tenue de marché. Le teneur de marché fournit sur base régulière les indicateurs à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et à l’Autorité des marchés financiers.
« Pour les activités visées au 2°, l’établissement doit pouvoir justifier d’un lien entre le besoin des clients et les opérations réalisées pour compte propre. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle l’existence de ce lien au regard notamment de la fréquence des opérations réalisées et de l’organisation interne mise en place pour répondre aux besoins des clients. Elle informe l’Autorité des marchés financiers des conclusions des contrôles réalisés.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie fixe, après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers, la liste des indicateurs transmis à ces autorités.
« VI. – Au sens du présent article, les “opérations d’investissement du groupe” désignent :
« 1° Les opérations d’achat ou de vente de titres financiers acquis dans l’intention de les conserver durablement, ainsi que les opérations sur instruments financiers liées à ces dernières ;
« 2° Les opérations d’achat ou de vente de titres émis par les entités du groupe.
« Art. L. 511-48. – I. – Les filiales dédiées à la réalisation des activités mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comme entreprises d’investissement ou, le cas échéant et par dérogation au même article L. 511-47, comme établissements de crédit.
« Lorsqu’elles sont agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en tant qu’établissements de crédit, ces filiales ne peuvent ni recevoir des dépôts garantis au sens de l’article L. 312-4, ni fournir des services de paiement aux clients dont les dépôts bénéficient de la garantie mentionnée au même article L. 312-4.
« Les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 doivent respecter, individuellement ou de manière sous-consolidée, les normes de gestion prévues à l’article L. 511-41, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 511-41-2, les établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui contrôlent les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont tenus de respecter les normes de gestion mentionnées à l’article L. 511-41 sur la base de leur situation financière consolidée en excluant de celle-ci les filiales mentionnées au présent article, dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l’économie.
« La souscription par les établissements de crédit, compagnies financières ou compagnies financières holding mixtes qui contrôlent ces filiales à une augmentation de capital de ces filiales est soumise à autorisation préalable de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
« Pour l’application du ratio de division des risques, les filiales mentionnées au I de l’article L. 511-47 sont considérées comme un même bénéficiaire, distinct du reste du groupe. Pour l’application du règlement relatif au contrôle des grands risques par les établissements n’appartenant pas au groupe, les filiales et le groupe auquel elles appartiennent sont considérés comme un même bénéficiaire.
« Les filiales définies au présent article doivent utiliser des raisons sociales et des noms commerciaux distincts de ceux des établissements de crédit du groupe qui les contrôlent, de manière à n’entretenir aucune confusion dans l’esprit de leurs créanciers et cocontractants.
« Les personnes mentionnées à l’article L. 511-13 ou, selon le cas, à l’article L. 532-2, qui assurent la détermination effective de l’orientation de l’activité de ces filiales, ne peuvent assurer la détermination effective de l’orientation de l’activité, au sens de ces mêmes articles, de l’établissement de crédit, de la compagnie financière ou de la compagnie financière holding mixte qui les contrôlent, ou de leurs filiales autres que celles mentionnées au présent article.
« II. – Les filiales mentionnées au I ne peuvent réaliser les opérations suivantes :
« 1° Les opérations de négoce à haute fréquence taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts ;
« 2° Les opérations sur instruments financiers à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.
« III. – Ni l’État ni aucune autre personne publique contrôlée, directement ou indirectement, par l’État ne peut souscrire à un titre ni prendre aucun engagement financier nouveau au bénéfice de cette filiale dès lors que celle-ci fait l’objet d’une des mesures mentionnées à l’article L. 613-31-16 du présent code.
« Art. L. 511-49. – Les entreprises d’investissement, établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que leurs filiales mentionnées à l’article L. 511-48 qui réalisent des opérations sur instruments financiers, assignent à leurs unités internes chargées de ces opérations des règles d’organisation et de fonctionnement de nature à assurer le respect des articles L. 511-47 et L. 511-48.
« Ils s’assurent notamment que le contrôle du respect de ces règles est assuré de manière adéquate par le système de contrôle interne mentionné à l’article L. 511-41 et que les règles de bonne conduite et autres obligations professionnelles assignées à leurs services sont conformes aux III et IV de l’article L. 621-7.
« Ils communiquent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ainsi que, pour ce qui la concerne, à l’Autorité des marchés financiers la description de ces unités ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement qui leur sont assignées en application du premier alinéa du présent article.
« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’assure que les règles d’organisation et de fonctionnement comportent des limites de risques fixées aux unités internes réalisant des opérations sur instruments financiers, lesquelles sont cohérentes avec leurs mandats.
« Art. L. 511-50. – (non modifié) L’agrément mentionné à l’article L. 532-1 peut être refusé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution si l’organisation et le fonctionnement, de même que le système de contrôle interne, d’un établissement de crédit, d’une compagnie financière ou d’une compagnie financière holding mixte ainsi que de leurs filiales mentionnées aux articles L. 511-47 et L. 511-48 ne permettent pas d’assurer de manière adéquate le respect de ces mêmes articles. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Cet article, qui résonne encore des déclarations du candidat Hollande, est le moteur du nouveau modèle de régulation bancaire.
La Fédération bancaire française a qualifié son dispositif de « vraie contrainte ». Eh bien, mes chers collègues, cette vraie contrainte est la bienvenue ! (M. Jean Desessard applaudit.)
N’est-il pas légitime que l’État mette en place des règles strictes afin d’encadrer les activités de ce secteur, puisque c’est lui qui a dû venir au secours du système bancaire lorsque celui-ci était au bord de la faillite ?
Serions-nous les premiers en Europe à agir de la sorte ? Serions-nous des pionniers ? Je n’en sais rien, mais, si tel était le cas, j’en serais personnellement très fier, et je serais tenté de féliciter le Gouvernement d’avoir eu le courage de s’attaquer à cette question.
« Qui a fauté paiera », a dit M. Hamon. C’est très bien ainsi !
Nous n’avons que trop eu l’occasion de constater les conséquences néfastes, dans ce domaine, du laisser-faire, du laisser-aller et de l’autorégulation par la main invisible du marché, pour ne pas apprécier le réengagement de la puissance publique dans la maîtrise de la finance afin de parer aux défaillances du système bancaire, qui mettent en cause les dépôts des épargnants, la compétitivité de l’économie et même l’argent des contribuables.
Ce texte ambitieux, qui réformera durablement et en profondeur le secteur financier, offre des garanties pour que l’histoire ne se répète pas. Il va responsabiliser les acteurs du secteur, imposer un cadre plus strict aux activités spéculatives et accroître le contrôle des activités par les autorités, à la fois en interne et en externe.
Cet article 1er montre que le Gouvernement a souhaité suivre certaines des recommandations formulées dans le rapport Liikanen, qui définissait des pistes pour l’élaboration d’un cadre législatif communautaire, en proposant de rechercher un équilibre entre la prévention du risque systémique, le renforcement des activités d’un marché trop longtemps dérégulé et le financement efficace de notre économie.
Premièrement, il est primordial de séparer les activités utiles à l’investissement et à l’emploi des activités spéculatives afin de restaurer la confiance des clients échaudés par la crise de 2008 et de limiter les risques de faillite d’une banque.
Désormais, les établissements de crédit dont les activités de marché sont significatives ne pourront réaliser des opérations pour compte propre qu’à la condition expresse que celles-ci aient une utilité avérée pour le financement de l’économie. Ce texte définit les opérations justifiées, et donc autorisées. Je ne m’y attarderai pas davantage, mais il me paraît fondamental d’insister, dans le cadre d’une gestion saine et prudente de la trésorerie, sur les ratios de liquidité qui obligeront ces entités à détenir une réserve d’actifs liquides et sur l’interdiction de détenir des parts dans des fonds alternatifs.
Deuxièmement, cet article prévoit que les banques à forte activité spéculative devront créer des filiales spécifiques, juridiquement et financièrement séparées de la banque mère, afin de mettre un terme à toute forme de confusion et d’éviter la propagation d’une potentielle instabilité.
J’apprécie que ces filiales puissent être capitalisées et financées de manière autonome. Elles seront soumises aux exigences prudentielles en matière de grand risque et, fait nouveau dont nous pouvons nous féliciter, certaines activités spéculatives leurs seront désormais interdites, car trop préjudiciables : celles qui portent sur les matières premières agricoles ou les opérations de trading à haute fréquence.
Si nous pouvions, à l’avenir, circonscrire les crises aux marchés financiers, celles-ci auraient moins de répercussions sur les activités réelles et nous préserverions ainsi l’économie. Ces pare-feux n’éradiqueront pas les crises, mais ils limiteront les facteurs de risque.
Troisièmement, cet article va dans le bon sens en élargissant considérablement les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cette instance recevra désormais des établissements de crédit la description et les comptes rendus de leurs activités de marché, ce qui lui permettra d’en mesurer les risques. Elle pourra ainsi contrôler que les opérations en question ont une finalité utile au financement de l’économie.
En conclusion, je rejoins l’avis des commissions : ce texte va dans le bon sens, en préservant notre modèle de banque française universelle et en imposant des règles en vue de l’assainissement d’un système trop longtemps laissé libre de ses choix. Nous sommes parvenus à un texte assez équilibré, qui, je l’espère, pourra encore être enrichi d’un certain nombre d’amendements du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Élément pivot du texte, l’article 1er appelle plusieurs observations de notre part.
Le simple examen du dispositif de l’article, fondé sur la filialisation des activités spéculatives et dites d’investissement, et de la liste des amendements déposés ne laisse aucun doute quant à l’importance du sujet.
Le fait que plus de quarante amendements portent sur cet article montre bien que le travail accompli par l’Assemblée nationale doit être approfondi, notamment parce que la notion de market making ou de tenue de marché demeure équivoque : tout le débat a montré qu’elle pouvait servir de paravent commode à des opérations dont l’utilité, du point de vue du financement de l’économie, est parfois assez douteuse, mais dont le caractère spéculatif est, en revanche, beaucoup plus clairement établi.
C’est peu dire que l’article 1er, tel qu’il a été adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale, a attiré les commentaires les moins positifs quant aux objectifs du projet de loi, émanant d’analystes de tous horizons. Nous avons souligné, lors de la discussion générale, la position de Mme Scialom, mettant directement en question le titre même du projet de loi, en raison du contenu de l’article 1er, mais nous pouvons citer d’autres exemples.
Ainsi, permettez-moi de vous donner lecture d’une dépêche diffusée en ligne, le 20 février dernier, par Dow Jones, qui est, outre un indice boursier, un site d’information financière extrêmement intéressant :
« Le projet de réforme bancaire, qui obligerait les banques à cantonner une partie de leurs activités de banque d’investissement dans une entité séparée, n’affecterait qu’environ 1 % du produit net bancaire de Crédit agricole SA, a déclaré mercredi à la radio le directeur général de l’établissement, Jean-Paul Chifflet.
« Ce projet de loi a été adopté mardi par l’Assemblée nationale. Cette réforme, exposée en détail en novembre par le ministre des finances Pierre Moscovici, contraindrait les banques françaises à transférer leurs activités spéculatives au sein d’une entité financée séparément et interdirait certaines activités telles que le trading haute fréquence et certaines formes de trading sur les matières premières. »
Je pourrais également citer ici l’échange, rapporté par l’hebdomadaire Marianne, qui s’est tenu lors de la présentation du projet de loi devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, à l’occasion de l’audition de dirigeants de nos grands établissements de crédit.
Interrogé sur la part des activités des banques destinée à être filialisée, « Frédéric Oudéa, le P-DG de la Société générale, plus décomplexé sans doute que ses collègues, lâche l’aveu qui tue : “ Cela représente entre 3 et 5 % de nos activités de banque de financement et d’investissement, qui représentent elles-mêmes 15 % des revenus totaux de la banque. ” Autrement dit, 0,75 % des revenus annuels de sa banque, c’est-à-dire rien. Karine Berger pousse les feux : “ Alors cela veut dire que 99 % de vos activités ne seront pas concernés par la loi ? ” Réponse embarrassée de Frédéric Oudéa: “ Ce sera au superviseur d’en décider, moi je n’en sais rien. ” »
Marianne conclut en ces termes : « Voilà l’aveu : la loi bancaire préparée par Bercy aura l’effet du mercurochrome sur une jambe de bois. Elle impactera moins de 1 % de l’activité bancaire. Une goutte d’eau dans l’océan des profits bancaires. »
Pour ce qui nous concerne, l’ensemble des amendements que nous avons déposés sur l’article 1er relèvent d’une ligne directrice claire et précise : marquer au maximum la séparation entre activités spéculatives et financement réel de l’économie.
Reconnaissons d’emblée que notre démarche est sous-tendue par l’objectif de créer les conditions de la dévitalisation de la « banque pour la banque », de la « finance pour la finance », d’enrayer le développement continu d’un cancer qui gagne l’ensemble de la sphère économique à mesure de l’émergence de produits dérivés toujours plus sophistiqués, toujours plus nombreux, de mettre un terme à la déconnexion toujours plus évidente entre les exigences de rentabilité sans cesse accrues du monde de la finance et la réalité de l’activité productive.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Conférence des présidents
Mme la présidente. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie cet après-midi, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Jeudi 21 mars 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (texte de la commission, n° 423, 2012-2013).
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur l’Europe de la défense.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
Éventuellement, vendredi 22 mars 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Mardi 26 mars 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales.
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 203 de M. Philippe Kaltenbach à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Avenir de la résidence universitaire d’Antony) ;
- n° 212 de M. Alain Houpert à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Rétribution des heures de vie de classe) ;
- n° 242 de M. Alain Fouché à Mme la ministre chargée de la décentralisation ;
(Maintien des services de l’État dans les territoires) ;
- n° 272 de M. Marc Laménie à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ;
(Vente démembrée de terres agricoles et droit de préemption des SAFER) ;
- n° 280 de Mme Catherine Procaccia à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique ;
(Journée de carence non-respectée par le conseil général du Val-de-Marne) ;
- n° 293 de Mme Laurence Rossignol à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative ;
(Renforcement de la sécurité des salles de remise en forme) ;
- n° 294 de M. Bernard Cazeau à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Effectifs des RASED en Dordogne dans les années à venir) ;
- n° 305 de M. Yannick Vaugrenard à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Proposition d’interdire de fumer en voiture) ;
- n° 320 de M. Gérard Bailly à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Attaques du loup) ;
- n° 322 de Mme Claudine Lepage à Mme la ministre chargée des Français de l’étranger ;
(Situation des enfants français nés à Madagascar dont la transcription de l’acte de naissance est refusée) ;
- n° 323 de M. Michel Le Scouarnec à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
(Avenir des activités sociales et de santé) ;
- n° 329 de M. Jean-François Humbert à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Réforme des rythmes scolaires et conséquences financières pour les communes) ;
- n° 331 de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles) ;
- n° 332 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Langues de France) ;
- n° 334 de M. Jean-Claude Leroy à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Avenir de la plate-forme de services de la CPAM à Saint-Pol-sur-Ternoise) ;
- n° 336 de M. Robert Tropeano à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Impact de la modification des rythmes scolaires sur les communes) ;
- n° 338 de M. Yves Détraigne à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
(Pôle judiciaire spécialisé compétent pour les crimes contre l’humanité) ;
- n° 341 de Mme Colette Mélot transmise à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche ;
(Défaut de jalonnement directionnel vers Melun) ;
- n° 346 de M. Didier Guillaume à M. le ministre de l’intérieur ;
(Bilan 2012 de la délinquance dans la Drôme et mesures destinées à endiguer ce phénomène inédit en zone rurale) ;
- n° 382 de M. Jean-Vincent Placé à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Projet d’implantation d’un centre de stockage de déchets ultimes sur le site de Nonant-le-Pin).
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Suite du débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale.
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes au rapporteur de la mission commune d’information.)
À 17 heures :
3°) Débat sur le rayonnement culturel de la France à l’étranger (demande du groupe UMP).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe UMP ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 25 mars, dix-sept heures.)
À 21 heures 30 :
4°) Débat sur les enjeux et les perspectives de la politique spatiale européenne (demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 25 mars, dix-sept heures.)
Mercredi 27 mars 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge, présentée par M. Christophe Béchu, Mme Catherine Deroche et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission, n° 431, 2012-2013).
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 26 mars, dix-sept heures ;
- au lundi 25 mars, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 mars matin.)
À 21 heures :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Débat sur le droit de semer et la propriété intellectuelle (demande du groupe CRC).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe CRC ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 26 mars, dix-sept heures.)
Jeudi 28 mars 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance, présentée par M. Jean-Jacques Mirassou et les membres du groupe socialiste et apparentés (texte de la commission, n° 434, 2012-2013).
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 27 mars, dix-sept heures ;
- au lundi 25 mars, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 mars matin.)
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
3°) Proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage public, présentée par Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 440, 2012-2013).
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 27 mars, dix-sept heures ;
- au lundi 25 mars, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 27 mars matin.)
4°) Question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus.
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 27 mars, dix-sept heures.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie de leur temps de parole pour répondre au Gouvernement.)
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mardi 2 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur l’action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire (demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 29 mars, dix-sept heures.)
À 21 heures 30 :
2°) Texte de la commission des affaires sociales sur les propositions de loi :
- présentée par M. Paul Vergès, relative aux bas salaires outre-mer (procédure accélérée) (n° 414, 2012-2013) ;
- présentée par M. Michel Vergoz, visant à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer (à l’exception de Mayotte), à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy (procédure accélérée) (n° 421, 2012-2013).
(Demande de la commission des affaires sociales.)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport et le texte le mercredi 27 mars matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 25 mars, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 29 mars, dix-sept heures ;
- au mardi 2 avril, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 2 avril après-midi.)
Mercredi 3 avril 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
1°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte (n° 329, 2012-2013).
(La commission du développement durable se réunira pour le rapport mercredi 27 mars matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 25 mars, à douze heures.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 2 avril, dix-sept heures ;
- au mardi 2 avril, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le mercredi 3 avril matin.)
2°) Suite éventuelle de la question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus.
À 18 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par M. Jean-Claude Gaudin et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés (n° 385, 2012-2013) (demande du groupe UMP).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 2 avril, dix-sept heures.)
Jeudi 4 avril 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Suite de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable (n° 682 rectifié, 2011-2012).
2°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire au service d’aide à l’enfance lorsque l’enfant a été confié à ce service par décision du juge (texte de la commission, n° 431, 2012-2013).
3°) Proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l’usage des armes à feu, présentée par MM. Louis Nègre, Pierre Charon et plusieurs de leurs collègues (n° 767, 2011-2012).
(La commission des lois se réunira pour le rapport mercredi 27 mars matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 2 mars, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 3 avril, dix-sept heures ;
- au mardi 2 avril, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 3 avril matin.)
De 15 heures à 15 heures 45 :
4°) Questions cribles thématiques sur l’industrie pharmaceutique.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
De 16 heures à 20 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (texte de la commission, n° 438, 2012-2013).
(La conférence des présidents a fixé :
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 3 avril, dix-sept heures ;
- au jeudi 28 mars, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 3 avril matin.)
À 22 heures :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
6°) Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Vendredi 5 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 8 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Mardi 9 avril 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales.
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 83 de M. Philippe Dominati à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche ;
(Aménagement des voies sur berges à Paris) ;
- n° 169 de M. Michel Teston à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ;
(Droits de plantation) ;
- n° 181 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre du redressement productif ;
(Plan de développement du marché des automobiles électriques) ;
- n° 262 de M. Jean-Yves Leconte à M. le ministre des affaires étrangères ;
(Situation des enseignants contractuels de la MICEL en Turquie) ;
- n° 302 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’économie et des finances ;
(Conséquences de l’imposition en Allemagne des anciens travailleurs frontaliers) ;
- n° 306 de M. Jean-Jacques Filleul à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Indexation des redevances en résidence sociale) ;
- n° 313 de M. Jean Bizet à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Crédits en faveur de la modernisation de l’habitat dans les zones rurales) ;
- n° 315 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Pacte territoire-santé et Dordogne) ;
- n° 317 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur ;
(Difficultés et incertitudes en matière de défense incendie) ;
- n° 328 de M. Alain Gournac à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Interdiction des feux de cheminée) ;
- n° 335 de M. Daniel Reiner à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Inscription de l’usine Solvay sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante) ;
- n° 339 de M. Philippe Bas à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Situation des associations d’aide à domicile) ;
- n° 345 de M. Yannick Botrel à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Insécurité juridique et interprétations des documents d’urbanisme) ;
- n° 352 de M. André Gattolin à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Mesure de la pollution atmosphérique) ;
- n° 355 de M. Jean Besson à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Calendrier scolaire et fréquentation des stations de sport d’hiver) ;
- n° 357 de M. Pierre-Yves Collombat transmise à M. le ministre chargé du budget ;
(Règle particulière régissant le financement des interventions de l’établissement public foncier PACA) ;
- n° 368 de M. Roland Ries à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique ;
(Situation des communes isolées intégrant une communauté de communes à fiscalité additionnelle) ;
- n° 373 de M. Bernard Fournier à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Formation des masseurs-kinésithérapeutes) ;
- n° 375 de Mme Michelle Demessine transmise à M. le ministre chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage ;
(Enregistrement de l’Institut supérieur d’ostéopathie de Lille au niveau 1 du répertoire national des certifications professionnelles) ;
- n° 402 de M. Jean Louis Masson à M. le Premier ministre ;
(Attribution de subventions au titre de la réserve parlementaire).
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Mercredi 10 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Jeudi 11 avril 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 12 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Éventuellement, samedi 13 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Lundi 15 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures et le soir :
- Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (A.N., n° 819) et du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux (A.N., n° 818).
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Elle a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 12 avril, dix-sept heures.
En cas de nouvelle lecture :
- la commission des lois se réunira pour le rapport et les deux textes le jeudi 11 avril après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mercredi 10 avril, à dix-huit heures) ;
- la conférence des présidents a fixé au lundi 15 avril, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 15 avril, à quatorze heures trente.)
Mardi 16 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole commun relatif à l’application de la convention de Vienne et de la convention de Paris (n° 485, 2011-2012).
2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay (n° 709, 2011-2012).
3°) Projet de loi autorisant l’approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (n° 502, 2011-2012).
4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la répartition des droits de propriété intellectuelle dans les accords de développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire (n° 354, 2011-2012).
5°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif aux centres culturels (n° 166, 2011-2012).
6°) Projet de loi autorisant l’approbation de la convention postale universelle (n° 701, 2009-2010).
(Pour ces six projets de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 12 avril, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
7°) Suite de l’ordre du jour de la veille.
Mercredi 17 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (procédure accélérée) (A.N., n° 774).
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport jeudi 11 avril matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mercredi 10 avril, dix heures).
La conférence des présidents a :
- décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 16 avril, dix-sept heures ;
- fixé au lundi 15 avril, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 17 avril matin.)
Jeudi 18 avril 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 17 avril, dix-sept heures.)
2°) Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
De 15 heures à 15 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 19 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
Éventuellement, samedi 20 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Mardi 23 avril 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales.
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 199 de M. Jean-Patrick Courtois à M. le ministre de l’intérieur ;
(Présentation d’un titre d’identité au moment d’un vote) ;
- n° 234 de M. Christian Cambon à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Bilan à mi-parcours du plan contre les accidents vasculaires cérébraux) ;
- n° 246 de M. Raymond Couderc à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Logement ancien en centre-ville) ;
- n° 304 de M. Yves Chastan à M. le ministre de l’intérieur ;
(Conditions d’accueil des demandeurs d’asile) ;
- n° 310 de M. Didier Guillaume à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé ;
(Implantation de nouvelles pharmacies en milieu rural) ;
- n° 326 de M. Bruno Sido à M. le ministre de l’intérieur ;
(Décret relatif à la mutualisation entre les conseils généraux et les SDIS) ;
- n° 343 de Mme Sophie Primas à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Réforme de la taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux) ;
- n° 347 de M. Dominique Bailly à Mme la ministre chargée des personnes âgées et de l’autonomie ;
(Encadrement des loyers des maisons de retraite) ;
- n° 354 de M. Rachel Mazuir à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique ;
(Renouvellement du contrat d’un agent non titulaire de catégorie B) ;
- n° 356 de M. Pierre Laurent à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Boîtiers électriques dangereux installés sous les trottoirs) ;
- n° 362 de M. Georges Patient à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement ;
(Constitution d’un guichet unique en Guyane) ;
- n° 363 de M. Robert Tropeano à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Recours à des protéines animales pour les poissons d’élevage) ;
- n° 364 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
(Reconnaissance de l’usage gratuit de locaux syndicaux) ;
- n° 367 de M. Georges Labazée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;
(Concessions des usines hydroélectriques sur le territoire national) ;
- n° 370 de M. Jacques Mézard à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche ;
(Desserte régionale de la compagnie aérienne HOP et aménagement du territoire) ;
- n° 378 de M. Dominique de Legge à Mme la ministre chargée de la décentralisation ;
(Élargissement de l’autorisation de conduire un tracteur de plus de 3,5 tonnes avec le seul permis B pour les employés des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats intercommunaux à vocation multiple) ;
- n° 381 de M. Serge Larcher à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme ;
(Situation des greffes outre-mer) ;
- n° 389 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ;
(Perte de l’agrément européen par l’École nationale vétérinaire d’Alfort) ;
- n° 391 de Mme Catherine Deroche à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique ;
(Création d’un congé de reconversion pour les agents territoriaux en congé longue maladie) ;
- n° 408 de M. Roland Courteau à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche ;
(Ligne ferroviaire à grande vitesse de Montpellier à Perpignan).
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Question orale avec débat n° 4 de M. Jean Vincent Placé à M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation sur la lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée de vie des produits (demande du groupe écologiste).
(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 avril, dix-sept heures.
Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie de leur temps de parole pour répondre au Gouvernement.)
3°) Débat sur la politique vaccinale de la France (demandes de la commission des affaires sociales et du groupe socialiste).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la commission des affaires sociales ainsi qu’au groupe socialiste ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 avril, dix-sept heures.)
À 21 heures 30 :
4°) Débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales (demande du groupe CRC).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe CRC ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 avril, dix-sept heures.)
Mercredi 24 avril 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le projet de programme de stabilité (demande de la commission des finances et mise en œuvre par le Gouvernement de l’article 50-1 de la Constitution).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à la commission des finances ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 23 avril, dix-sept heures.)
À 21 heures 30 :
2°) Débat sur l’immigration étudiante et professionnelle (demande du groupe socialiste).
(La conférence des présidents a :
- décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement, un temps d’intervention de vingt minutes au groupe socialiste ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 23 avril, dix-sept heures.)
Jeudi 25 avril 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat sur la loi pénitentiaire (demandes de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, de la commission des lois et du groupe RDSE).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, à la commission des lois ainsi qu’au groupe RDSE ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 24 avril, dix-sept heures.)
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement.
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat sur la politique européenne de la pêche (demande du groupe UDI-UC).
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe UDI-UC ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 24 avril, dix-sept heures.)
Je rappelle que le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière du lundi 29 avril 2013 au dimanche 12 mai 2013.
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
8
Désignation d'une sénatrice en mission temporaire
Mme la présidente. Par courrier en date du 20 mars 2013, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L. O. 297 du code électoral, Mme Aline Archimbaud, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, en mission temporaire auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.
Cette mission portera sur les améliorations en faveur de l’accès aux soins des personnes en situation de précarité.
Acte est donné de cette communication.
9
Communications du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 717-3 du code de procédure pénale (exécution des peines privatives de liberté) (2013-320 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 717-3 du code de procédure pénale (exécution des peines privatives de liberté) (2013-321 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
10
Séparation et régulation des activités bancaires
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. Dans la suite des interventions sur l’article 1er, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Rien ne vaut un détour par l’histoire pour comprendre comment nous en sommes là, occupés à tenter de réguler un secteur que l’on a mis tant de temps et d’énergie à déréguler.
Par contraste avec l’avant-guerre, les crises financières sont rares de la Libération au tournant des années 1975-1980. La « révolution libérale » mondiale et, en France, la grande « modernisation » démarrant vraiment avec la loi bancaire de 1984 changent le paysage. Les crises recommencent à se suivre, à un rythme de plus en plus accéléré.
« Vive la crise ! » proclamait alors la gauche moderne, avec Yves Montand reconverti en monsieur Loyal d’une célèbre émission de télévision du service public. La crise est en effet la rançon de la modernité et, Rimbaud est formel, « il faut être absolument moderne ».
De gouvernements de gauche en gouvernements de droite, seront donc poursuivies l’interconnexion planétaire, la complexification et la dématérialisation, la désintermédiation et l’opacification, la privatisation et la dérégulation du système financier, la banque universelle distributrice de crédit devenant, en France, le modèle de référence.
La foi en un système aussi moderne explique pourquoi aucun responsable ne vit venir la crise, pourquoi les réactions furent tardives et pourquoi personne ne se demanda comment une banale affaire de spéculation immobilière locale, fût-elle survenue aux États-Unis, pouvait dégénérer en crise systémique globale.
Manifeste pourtant dès la fin de l’année 2006, la crise immobilière provoque une cascade de faillites dans le système hypothécaire des États-Unis et l’intervention massive de l’État. C’est au tour des banques, gorgées de créances douteuses, et des assureurs censés les garantir d’être menacés. Si l’État américain les sauve, il oublie malheureusement Lehman Brothers, dont la mise en règlement judiciaire, le 15 septembre 2008, mettra le feu aux explosifs massivement entreposés.
Dès août 2007, BNP-Paribas doit suspendre, certes temporairement, la cotation de trois de ses fonds adossés à des titres immobiliers américains ; c’est dès août 2007 que la crise est devenue européenne, ce que personne ne veut voir.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Pierre-Yves Collombat. Un mois plus tôt, en juillet 2007, Mme Lagarde, alors toute nouvelle ministre, évoquant les splendeurs passées de la place de Paris devant le conseil d'orientation de celle-ci, prononça cette phrase qu’il faudra graver dans le marbre : « L’avenir est devant nous. Il y a eu une Belle Époque ? Préparons-en de sublimes ! »
Qu’elle ait été non pas la seule des économistes surréalistes à se tromper, mais simplement la plus lyrique, ne rassure guère sur la capacité d’autocontrôle du système financier, sous le regard bienveillant de l’État et de sa technostructure.
Comme les États-Unis, les États européens puis la Banque centrale européenne, au nom de la sauvegarde des dépôts, doivent intervenir. Sous l’effet conjugué des injections de capitaux et du ralentissement de l’économie, l’endettement public augmente de l’ordre de 25 % en Europe et en France. Pour y faire face, la mobilisation en faveur de l’équilibre budgétaire est décrétée, transformant la crise financière en crise sociale. La crise est d’ailleurs déjà politique dans plusieurs pays européens, en attendant qu’elle le devienne dans les autres, y compris la France. Nous en sommes là.
La question est non pas de faire le tri entre les activités financières utiles à l’économie réelle et celles qui ne le seraient pas, mais d’éviter que, à l’occasion d’un soubresaut de la crise, la comète financière ne pulvérise la planète où vivent et travaillent les hommes. Le problème est de savoir comment limiter la casse en France, sachant que le bilan cumulé de nos banques représente quatre fois le PIB du pays, et celui de BNP Paribas huit fois le budget de l’État.
La première urgence, sauf pour les défenseurs du présent projet de loi, est de séparer banques de dépôt et banques d’investissement afin d’exclure du champ de la garantie publique la totalité des activités de marché, d’éviter que les dépôts ou la Banque centrale européenne n’alimentent la spéculation. La discussion des amendements permettra de décliner les diverses dispositions permettant d’y parvenir.
« On ne peut rien comprendre au monde de la haute finance tant que l’on n’a pas vu qu’il accorde son admiration la plus vive à ceux qui préparent les pires catastrophes », disait John Kenneth Galbraith. Constatons que le monde de la haute finance a toujours des amis, beaucoup d’amis…
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l’article.
M. François Fortassin. L’article 1er constitue le cœur du titre Ier, si ce n’est du projet de loi tout entier, puisqu’il organise la séparation des différentes activités bancaires. Mais quelles activités nous propose-t-on réellement de cantonner ?
Le projet de loi vise les activités « spéculatives », qui seront séparées des activités « utiles au financement de l’économie ». Les premières seront désormais exercées par une filiale cantonnée qui, selon l’exposé des motifs du projet de loi, « devra être capitalisée et financée de manière autonome comme si elle n’appartenait pas au groupe bancaire qui la contrôle ».
Pouvons-nous nous contenter de faire comme si les activités seront réellement séparées ? Là est la véritable question soulevée au travers de plusieurs amendements déposés sur l’article 1er, dont ceux de notre collègue Pierre-Yves Collombat, que nous soutenons.
« Reprendre la main par rapport aux dérives de la finance, répondre […] aux causes profondes de la crise financière » : telles sont, selon les propos qu’a tenus cet après-midi M. le ministre de l’économie et des finances en introduction de son discours, les ambitions, ô combien vastes, du présent projet de loi. Mais celui-ci y répond-il vraiment ? Rien n’est moins sûr…
La séparation des activités doit permettre de réduire le risque systémique et l’aléa moral, à l’origine des crises financières et causes de leur ampleur puisqu’ils renforcent le cercle vicieux des crises bancaires alimentant les crises de dette publique.
La question importante à se poser quant à la séparation des activités bancaires est la suivante : où placer le curseur ? Contrairement aux préconisations du rapport Liikanen, le projet de loi prévoit, par exemple, de ne pas filialiser a priori la tenue de marché. Un amendement adopté à l’Assemblée nationale permet désormais au ministre de l’économie et des finances de faire entrer, par un arrêté, tout ou partie des activités de tenue de marché dans la filiale spéculative.
Cependant, madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment vous allez utiliser ces fameux « ciseaux » ? Allez-vous soudainement vous rendre compte que des activités qui n’étaient pas « dangereuses » auparavant le sont devenues ? Surtout, ne sera-t-il pas trop tard ? En effet, on peut imaginer que la tenue de marché pourrait jouer un rôle important dans la prochaine crise financière, comme les produits titrisés dans la précédente. Mais quand la crise sera sur le point d’éclater, à quoi cela servira-t-il encore de filialiser cette activité ?
On peut certainement disserter sur le pourcentage exact des activités des banques qui sera concerné par la filialisation. En réalité, il sera extrêmement faible : de l’ordre de 1 % de leur chiffre d’affaires. On voit mal comment une telle séparation serait en mesure de résoudre le problème du risque systémique.
En quoi nos établissements financiers ne seront-ils plus trop grands pour tomber, autrement dit pour faire faillite ? Toutes les activités conservées par le projet de loi dans la maison mère sont peut-être « utiles à l’économie », mais si nous ne réduisons pas considérablement l’importance du bilan de nos banques, celles-ci resteront toujours systémiques. Nous serons bien obligés de venir à leur secours, le cas échéant, car leur défaillance menacerait l’ensemble de l’économie… Je vous rappelle que le bilan cumulé des banques françaises représente 10 000 milliards d’euros, soit cinq fois le PIB de notre pays ! Je ne vois donc pas en quoi le présent projet de loi prévient le risque systémique ou l’aléa moral.
La flexibilité et la souplesse sont certainement des qualités pour un texte tendant à encadrer et à réguler le secteur financier et les pratiques spéculatives déstabilisantes. On le constate bien aux États-Unis, où le régulateur peine à appliquer la loi Dodd-Frank de 2010 interdisant strictement les activités pour compte propre. En effet, un dispositif législatif trop rigide et précis présente un risque de contournement rapide par le secteur financier, dont nous ne devons pas sous-estimer la créativité.
Des réformes ont été engagées ou sont en cours de négociation au niveau européen, qui nous semble plus adapté que l’échelon national pour traiter ce type de problématique. Je note d’ailleurs que si les améliorations de la supervision et de la régulation des systèmes financiers ont déjà été largement abordées par Bruxelles, notamment à travers le projet d’union bancaire, la réforme des structures des banques a pour l’instant été mise de côté, ce qui est regrettable. Les suites qui seront données au rapport Liikanen sont incertaines. C’est pourquoi il est du devoir du Gouvernement français, madame la ministre, de redoubler d’efforts pour faire aboutir une réforme européenne des banques.
C’est justement la raison pour laquelle le présent projet de loi, qui a le mérite d’exister, doit être véritablement plus ambitieux, car il a vocation à « servir d’exemple » au reste de l’Europe.
Mes chers collègues, permettez-moi une petite digression. Tout à l’heure, un certain nombre de sénateurs de l’opposition ont fustigé, avec un talent oratoire certain et quelque véhémence, l’approche retenue dans le présent projet de loi. Le béotien que je suis s’étonne que ces experts confirmés, particulièrement avertis des choses de la finance, ne se soient pas aperçus que l’homme providentiel qu’ils ont soutenu avec enthousiasme avait doublé en cinq ans la dette de la France !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un peu facile ! Je vous ai connu mieux inspiré !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.
M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes ici au cœur de la problématique de la régulation des banques, puisque l’article 1er porte sur la séparation entre les activités bancaires utiles à l’économie réelle, à l’investissement et à l’emploi et les opérations spéculatives.
Pour ma part, je considère que la ligne de partage qui a été tracée est la bonne, d’autant que l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant au ministre de l’économie et des finances de transférer à la filiale spéculative les opérations de tenue de marché dès lors que leur montant atteint un certain seuil. C’est à mon sens une avancée considérable.
Rien n’indique, dans le rapport Liikanen, que toutes les opérations de tenue de marché doivent être affectées à la filiale. De surcroît, les propos qu’a tenus M. Liikanen sur cette question sont sinon contradictoires, du moins ambigus. C’est la raison pour laquelle je considère que le texte du Gouvernement est satisfaisant sur cette question du partage des activités.
Cela étant, dans le monde global de la finance, il n’y a pas que les banques. Il y a aussi, par exemple, les organismes de placement collectif à effet de levier, dont la principale caractéristique est de ne pas être régulés ou, en tout cas, d’échapper aux normes prudentielles des accords de Bâle III. Il y a également les marchés financiers, qui depuis trente ans ont été dérégulés, déréglementés et libéralisés. Enfin, il y a toute une série de produits et de techniques financières – je pense notamment à la titrisation – qui comportent un certain nombre de dangers.
Je suis de ceux qui considèrent que, si nous voulons avancer vers la maîtrise et la régulation du monde de la finance, il faut s’intéresser aux banques, bien évidemment, mais aussi aux autres acteurs que je viens de citer.
Je comprends que l’on puisse avoir la tentation d’interdire certaines activités aux banques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ira vers le shadow banking !
M. Jean-Pierre Caffet. Mais que fait une banque, mes chers collègues ? Elle fait ce que lui permet la réglementation des marchés financiers, avec les instruments financiers à sa disposition. Nous ne pouvons donc ignorer la régulation des marchés financiers et d’un certain nombre d’instruments et de techniques financiers, en particulier la titrisation, qui pose un certain nombre de problèmes. À titre d’exemple, pour s’affranchir des ratios de solvabilité fixés par les accords de Bâle III, les banques espagnoles ont titrisé massivement des créances dont un certain nombre étaient totalement pourries.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jean-Pierre Caffet. La régulation du monde de la finance doit donc être envisagée de façon globale. Bien évidemment, il faut réguler les banques, mais si nous décidons de leur interdire un certain nombre d’activités de manière unilatérale, uniquement en France, cela aura pour conséquence que ces activités se déplaceront hors de nos frontières, au profit d’organismes financiers étrangers.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Jean-Pierre Caffet. Nous devrons être très attentifs à cette question quand nous parlerons, par exemple, des marchés de produits dérivés liés aux matières premières agricoles. Il convient de s’intéresser non seulement aux banques, mais aussi à l’ensemble de leur environnement. Ainsi, une directive européenne visant à réformer les marchés des instruments financiers est en préparation. Je considère qu’un certain nombre d’éléments vont dans le bon sens, en particulier la proposition de limiter les positions des banques, mais il faut que nous avancions sur tous les fronts, et pas simplement sur la question bancaire, car sinon nous ne ferons que déplacer le problème.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances, et M. André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 24
Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 511-47. – I. – Afin de garantir la stabilité financière, leur solvabilité à l'égard des déposants, leur absence de conflit d'intérêts avec leurs clients et leur capacité à assurer le financement de l'économie, il est interdit aux établissements de crédit :
« 1° Les activités de négociation portant sur des instruments financiers, à l'exception des activités relatives :
« a) À la couverture des risques de l'établissement de crédit ;
« b) À la couverture des risques de taux et des risques de change pour le compte d'entreprises non financières et par le biais d'instruments simples ;
« c) À la gestion saine et prudente de la trésorerie de l'établissement de crédit et de celle de ses filiales ;
« d) Aux opérations d'investissement du groupe au sens de l'article L. 511-20 ;
« 2° Toute opération conclue par l'établissement de crédit avec des organismes de placement collectif à effet de levier ou autre véhicules d'investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie.
« II. – Les activités interdites au I peuvent être exercées uniquement par une compagnie financière, ou par une filiale d’une compagnie financière ou d’une compagnie financière holding mixte dédiée à ces activités. La compagnie financière ou compagnie financière holding mixte détenant une telle filiale, ne peut compter un établissement de crédit à son capital.
« III. – Au sens du présent article, on entend par « couverture » l'activité d'un établissement mentionné au I qui se porte partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de réduire ses expositions aux risques de toute nature liés aux activités de crédit et de marché. Les instruments utilisés pour ses opérations de couverture doivent présenter une relation économique avec les risques identifiés. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. L’histoire récente a montré que le système financier mis en place ces trente dernières années, libre de poursuivre ses propres finalités et de rechercher le profit maximum, représentait un risque majeur pour notre économie – ce n’est pas contestable ! –, pour la cohérence de notre société et, demain, pour notre démocratie. Les établissements financiers ne courent de surcroît aucun risque, l’État et la collectivité ne pouvant faire autrement que de les sauver de la faillite, dans la mesure où ils sont trop gros pour tomber.
Si elle ne peut à elle seule nous protéger, la disparition des banques bénéficiant, quoi qu’elles fassent, de cette garantie automatique de l’État et du contribuable, au nom de la protection de déposants pris en otages, n’en est pas moins une absolue nécessité. Telle est en tout cas ma conviction.
Autrement dit, il s’agit de séparer les activités de banque de dépôt liées à l’économie réelle – prêts à l’économie, achat et vente de titres acquis dans l’intention de les conserver durablement, activités de couverture d’opérations économiques, etc. – des opérations de marché, qu’elles soient effectuées pour compte propre ou pour tiers, ces deux activités étant indiscernables en pratique.
C’est en effet cette garantie de fait accordée par l’État aux établissements trop gros pour faire faillite qui a permis l’explosion des activités de marché, qui sont devenues les activités essentielles des banques dites « universelles ».
Qu’est-ce qu’une banque universelle aujourd'hui ? C’est une banque commerciale, plus une compagnie d’assurances, plus un casino, plus un bureau de conseil et d’ingénierie financière, plus un gestionnaire d’actifs et même parfois un supermarché vendant divers produits. Une banque universelle, c’est aussi l’institutionnalisation du conflit d’intérêts, les règles prudentielles de l’établissement de crédit orientées vers la protection du déposant s’opposant à la recherche du profit maximum par la banque d’investissement et les teneurs de marchés.
Sur les 9 000 à 10 000 milliards d'euros de bilan cumulé des banques françaises – soit quatre fois le PIB du pays –, de l’ordre de 25 % seulement représentent des prêts à l’économie et aux ménages et environ 10 % des titres obligataires. Telle est, à quelques pourcents près, l’importance des activités de marché en rapport avec l’économie réelle, c'est-à-dire de la contribution des banques à notre appareil productif. Je ne parle pas des transactions sur produits dérivés, dont les montants, qui se chiffrent en milliers de milliards d’euros, ont littéralement explosé ces dernières années.
Le projet de loi faisant passer l’intérêt immédiat des banques françaises avant la stabilité économique, la sécurité des finances publiques et celle des contribuables de ce pays, il évite soigneusement d’opérer une coupure entre banques de dépôt et banques d’investissement. Au final, de 1 % à 2 % seulement des activités de marché devront être cantonnées dans des filiales : autant dire qu’il s’agit d’un texte d’affichage.
Pour faire simple, cet amendement vise à interdire aux établissements de crédit les activités de négociation portant sur les instruments financiers autres que directement nécessaires au fonctionnement des établissements et à la couverture des risques auxquels sont exposées les entreprises non financières dans le cadre de leur activité, ce qui exclut donc l’essentiel des transactions sur les produits dérivés. Il tend à interdire également toutes les opérations d’investissement à caractère spéculatif, notamment pour le compte de hedge funds – le moindre des paradoxes du projet de loi n’étant pas qu’il ne prévoit nullement une telle interdiction.
Il s'agit donc de réserver les activités interdites aux compagnies financières, à leurs filiales ou à celles d’une holding dédiée. Cela ne signe pas la fin des banques d’investissement dans notre pays : simplement, elles ne bénéficieront plus de la garantie de l’État. Elles mèneront leurs activités à leurs risques et périls.
Je terminerai en citant le Président de la République.
M. Philippe Marini. C’est une citation normale !
M. Pierre-Yves Collombat. « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. » J’espère que nous allons desserrer un peu cette contrainte…
M. André Reichardt. Le Bourget !
Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
déposants
insérer les mots :
, leur absence de conflits d’intérêt avec leurs clients
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Avec l’examen de l’article 1er du projet de loi, nous abordons de plain-pied la problématique de la séparation des activités bancaires, dont le candidat François Hollande avait fait un de ses engagements principaux lors de la dernière campagne présidentielle.
Nous avons vu que, pour l’essentiel, le texte restait quelque peu au milieu du gué, et même plus près de la rive de départ que de la rive d’arrivée, ne serait-ce qu’en raison du flou entretenu sur la notion de « tenue de marché », qui limite sérieusement la portée des mesures dont nous débattons.
Je me bornerai à insister sur quelques points, sans chercher à présenter de manière exhaustive et approfondie l’ensemble des amendements que nous avons déposés sur cet article.
À propos du contenu de la filialisation, solution choisie par le Gouvernement pour réaliser la séparation, je ne peux manquer de vous donner lecture de la retranscription d’un entretien accordé, en février 2012, par l’un de nos dirigeants bancaires les plus éminents, François Pérol, P-DG du groupe BPCE,…
M. André Reichardt. Un excellent P-DG !
M. Thierry Foucaud. … à un site d’information en ligne :
« Depuis le début de la crise financière, les banques sont pointées du doigt par la classe politique, qu’elle soit de droite ou de gauche. Est-ce justifié ? »
« Je ne me reconnais pas dans cette “finance sans visage” dont il est parfois question. Dans le groupe que je dirige, qui regroupe les Banques populaires, les Caisses d’épargne, Natixis, le Crédit foncier, la Banque palatine, etc., la finance doit être au service de l’économie. Sur la base d’un projet coopératif, nous sommes la propriété de 8 millions de sociétaires qui sont aussi nos clients. Nous nous contentons de faire notre métier de banquier et d’assureur en étant au service de nos clients. »
« Pourtant, les affaires des taux révisables du Crédit foncier et les activités spéculatives de Natixis ont fait beaucoup de bruit… »
« C’est vrai, mais les gens ne se rendent pas compte à quel point les banques ont changé depuis la crise. Elles ont tenu compte des dérives passées. À nous d’expliquer le travail que l’on fait et comment on le fait. Depuis la création de BPCE en 2009, nous n’avons plus d’activité spéculative en compte propre. Nous n’avons pas de stock-options, ni d’activité dans les paradis fiscaux. Le groupe BPCE n’est pas né de la crise financière mais il est né pendant la crise financière. Quand une banque utilise ses fonds propres pour essayer de faire mieux que le marché, ou lorsqu’elle achète de la titrisation, comme avec les “subprimes”, elle sort de son rôle : ce n’est pas ce qu’attendent les clients. »
« Êtes-vous d’accord avec la proposition de François Hollande de séparer la banque de détail, celle que nous connaissons tous, de ses activités de marché afin d’éviter la spéculation ? »
« Je suis d’accord pour interdire aux banques toute activité spéculative lorsqu’elles agissent pour leur compte. Une initiative en ce sens est menée aux États-Unis, sous la dénomination “ règle Volcker ”, du nom de l’ancien président de la banque centrale américaine. Il faudrait bien sûr l’adapter au marché français mais, sur le principe, on a le droit de demander aux banquiers de se consacrer à leurs clients et de ne pas spéculer avec leur argent. Il faut également mieux réguler les produits complexes et spéculatifs, ce que l’on appelle les produits dérivés. »
« Ces produits sont dans le collimateur de la taxe sur les transactions financières prônée par Nicolas Sarkozy. Que pensez-vous de cette taxe Tobin ? »
« C’est une cause qui mérite d’être soutenue, mais qui ne prend tout son sens qu’à la condition d’être suivie par le plus grand nombre. Je suis d’accord avec le fait de taxer tout ce qui ne finance pas l’économie, comme le trading à haute fréquence ou les CDS sur la dette souveraine. Le fait que la France donne l’exemple ne me choque pas. »
Pouvons-nous, mes chers collègues, aller moins loin que celui qui, avant d’être placé à la tête du groupe BPCE, exerçait ses talents au secrétariat général de l’Élysée ? Le projet de loi dont nous débattons ne saurait rester en deçà de ce que d’autres grands pays, notamment les États-Unis, que mentionnait François Pérol, peuvent accomplir.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter nos amendements nos 69, 70, 71, 72, 78 et 73.
Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent des seuils définis par décret en Conseil d’État,
Cet amendement a été défendu
L'amendement n° 219, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
autrement que par l’intermédiaire de filiales dédiées à ces activités
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
faisant intervenir leur compte propre
III. – Alinéas 4 à 7
Supprimer ces alinéas
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Depuis la crise financière de 2008, qui a mis à genoux les économies européennes, la politique entreprend laborieusement de reprendre la main sur une sphère financière qu’elle avait elle-même dérégulée.
Au-delà du renforcement des règles prudentielles relatives à la capitalisation, avec les accords de Bâle III et leurs déclinaisons, des réformes structurelles des banques ont été entreprises. Il apparaît en effet que le modèle de banque universelle, qui engendre des établissements dont les bilans dépassent largement le PIB d’un État, présente des inconvénients majeurs.
Tout d'abord, la certitude, pour la banque d’investissement, de bénéficier des garanties publiques accordées à la banque commerciale à laquelle elle est adossée ne l’incite pas à agir avec prudence et renforce le risque que la faillite d’un établissement privé soit finalement assumée par les citoyens.
En outre, lorsque les activités commerciales sont plus rentables que l’activité de prêt, les liquidités sont orientées vers les marchés plutôt que vers l’économie réelle ; inversement, la possibilité de vendre sur les marchés des produits de la banque de détail, par exemple en titrisant des prêts, peut, dans un contexte d’euphorie financière, conduire à un octroi déraisonnable de prêts, comme cela s’est produit en Espagne en matière de crédits immobiliers.
À partir de ces analyses, plusieurs modèles alternatifs ont été envisagés pour limiter la confusion entre activités bancaires de détail et activités de marché.
Le modèle Volcker, aux États-Unis, interdit aux banques commerciales toute activité de marché pour compte propre ; il s’agit donc, sur ce point, d’une séparation complète.
Le modèle Vickers, au Royaume-Uni, n’encadre pas la spéculation mais sanctuarise les activités de dépôt en les isolant dans une structure filialisée entourée d’une « clôture électrifiée », pour reprendre l’expression anglaise. De plus, le régulateur a le pouvoir de décréter la séparation complète d’un groupe bancaire s’il le juge nécessaire.
Le modèle Liikanen, décrit dans un rapport rendu à la Commission européenne afin d’alimenter la réflexion sur une future directive, préconise de filialiser une grande partie des activités de marché, notamment l’ensemble des activités pour compte propre et de tenue de marché, c’est-à-dire de cotation d’actions en continu. La société mère et la filiale seraient détenues par une holding, de manière à éviter la contagion à la première d’une éventuelle faillite de la seconde.
Par comparaison, le modèle français qui nous est proposé semble être celui qui sépare le moins nettement les activités bancaires. Cet amendement vise donc à rappeler que les écologistes auraient préféré une réforme plus audacieuse.
Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
faisant intervenir leur compte propre
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 72, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 78, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans la limite d’un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 73, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) A la couverture des risques de taux et des risques de change pour le compte d'entreprises non financières et par le biais d'instruments simples ;
Cet amendement a déjà été défendu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 37 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 220 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour défendre l’amendement n° 37 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons déposé plusieurs amendements de repli au cas, fort probable, où l'amendement n° 36 rectifié ne serait pas adopté.
M. André Reichardt. On a quand même le droit d’espérer !
M. Pierre-Yves Collombat. L'amendement n° 37 rectifié vise à interdire toute activité de tenue de marché, même pour compte de tiers, aux banques commerciales, conformément aux recommandations de la commission Liikanen, du Fonds monétaire international et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE.
Contrairement à ce que laisse entendre le projet de loi, le problème essentiel est non pas de savoir quelles sont les activités de marché utiles à l’économie et celles qui ne le sont pas, mais d’identifier lesquelles doivent bénéficier d’une garantie publique. En effet, qu’une activité soit utile ne suffit absolument pas à justifier qu’elle bénéficie de la garantie publique : les boulangeries sont très utiles, mais elles peuvent néanmoins faire faillite, sans que l’État vienne à leur secours !
M. André Reichardt. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Outre qu’opérer la distinction entre activités de tenue de marché pour compte propre et activités de tenue de marché pour compte de tiers est impossible en pratique, interdire toute activité de tenue de marché aux banques de dépôt est la seule manière d’écarter le risque de conflit d’intérêts et le meilleur moyen de garantir la viabilité des filiales dédiées à cet objet, en leur ouvrant un champ cohérent d’activités et en leur assurant un volume d’activité équivalent à celui des banques de marché étrangères. Il convient en effet de permettre à ces filiales d’affronter la concurrence des banques d’investissement étrangères.
Selon les déclarations mêmes des intéressés devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, la tenue de marché pour compte propre représente quelques pourcents des revenus de marché des groupes bancaires : on mesure l’étendue de la réforme.
En l’état actuel du projet de loi, le ministre et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, peuvent définir un seuil, en fonction notamment de l’importance du produit net bancaire, au-delà duquel les activités de tenue de marché sont interdites. Un certain nombre d’indicateurs sont d'ailleurs prévus. Ces dispositions sont manifestement insuffisantes, la complexité du dispositif étant inversement proportionnelle à son efficacité. Une claire interdiction de mélanger les genres est largement préférable. Tel est l’objet de cet amendement.
Très franchement, quand on constate l’aveuglement de tous nos responsables, incapables de voir venir une crise qui s’annonçait au son des trompettes, on se demande comment ils pourraient maintenant, au nom de la compétitivité de nos banques, éviter la survenue d’une nouvelle catastrophe : c’est absolument impossible ! En tout cas, je ne voudrais pas être ministre et devoir assumer une telle responsabilité.
M. Philippe Marini. Mais cela viendra peut-être ! Il n’y a personne pour s’occuper de la formation professionnelle !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 220.
M. Jean Desessard. Au travers de l’amendement n° 219, je proposais de séparer les activités de banque de détail des activités de marché. Avec l’amendement n° 220, il s’agit de renforcer la portée de la filialisation afin d’atteindre l’objectif d’une réelle séparation entre banques de dépôt, bénéficiant de la garantie des pouvoirs publics, et banques d’investissement. À l’instar de M. Collombat, nous proposons ainsi de filialiser les activités de tenue de marché, comme le préconise le rapport Liikanen.
L’article 1er vise à restaurer la confiance dans les grandes banques en imposant qu’elles placent dans une filiale leurs activités de marché. Or cette contrainte est assortie, au même article, d’une exception qui vide le texte de l’essentiel de sa substance.
Le présent amendement tend à revoir le périmètre de la filiale dédiée aux activités spéculatives, en y incluant les opérations de tenue de marché, ce qui implique de ramener de six à cinq le nombre des exclusions prévues à l’article L. 511-47 du code monétaire et financier, en supprimant de la liste la tenue de marché. L’amendement prévoit la suppression, en conséquence, des alinéas 16 à 21 de l’article 1er du projet de loi.
Atteindre l’objectif de stabilité financière passe par une meilleure maîtrise des activités de marché et de leur volume. Pour cela, il importe d’imposer aux banques de capitaliser séparément la majeure partie de leurs activités de marché. Atteindre l’objectif de solvabilité à l’égard des déposants, et donc des contribuables, garants en dernier ressort, impose d’exclure l’ensemble des activités de marché du bénéfice de la garantie de la collectivité.
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Ces amendements relatifs à la tenue de marché sont essentiels.
La principale critique adressée au dispositif du projet de loi tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale est qu’il n’opère guère, en pratique, la séparation des activités, comme ont d’ailleurs pu le souligner un certain nombre d’acteurs du secteur bancaire, évoquant une filialisation forcée d’une part négligeable de leur activité.
D’autres amendements déposés sur l’article 1er, notamment les amendements nos 36 rectifié et 219, mettent en exergue une volonté de marquer plus nettement la séparation entre banques de détail et banques d’investissement, allant jusqu’à prévoir une distinction comptable du capital dont la pertinence est, au fond, assez discutable ; mais là n’est pas le propos.
Je ne peux que rappeler, s’agissant de la tenue de marché, ce que nous disait la professeure Laurence Scialom lors de la table ronde de la commission des finances tenue le 30 janvier dernier :
« Dans le projet de loi actuel, les dérivés de crédit, du fait de la définition de ce qui constitue une opération utile, ne sont pas du tout touchés par la filialisation. Or, ce sont les dérivés de crédit qui font l’interconnexion dans le système et ont connu une progression totalement déconnectée de l’économie réelle. J’aurais beaucoup de mal à croire que les 750 milliards d’euros de dérivés de crédit qui se trouvent au bilan de BNP-Paribas y sont uniquement pour le financement de l’économie.
« Le projet de loi ne répond pas à ces risques. L’article 1er est à la fois son cœur et son talon d’Achille. Les autres articles seront efficaces seulement si la filialisation est étendue à la tenue de marché, comme le préconise le rapport Liikanen. Il faut une simplification de la structure des groupes bancaires et une autonomie des activités. Une véritable réforme de la structure des banques passe obligatoirement par là et est indispensable pour protéger la communauté nationale des risques que je viens de décrire. Cela est d’autant plus important que la situation des finances publiques ne nous permet plus aujourd’hui de faire face à une crise bancaire du type de celle de 2007. La crise de la dette souveraine en Europe est largement le résultat de la crise financière. Nous ne pourrions plus, en l’état actuel, soutenir nos banques universelles. Si nous ne procédons pas à une véritable réforme structurelle, nous pourrons dire que nous avons souffert du syndrome des “ habits neufs de l’Empereur ”, en référence au conte d’Andersen : le roi est nu, mais personne n’ose le dire. »
En vertu de ces observations tout à fait judicieuses, je vous invite, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 74.
Mme la présidente. L'amendement n° 80, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« …) à la tenue de marché, dans la limite d’un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie, après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.
Mme la présidente. L'amendement n° 208, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le ministre chargé de l’économie peut fixer, par arrêté et après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un seuil valable pour un établissement, exprimé par rapport au produit net bancaire consolidé de l’établissement de crédit, de la compagnie financière, de la compagnie financière holding mixte ou de l’organe central et des entités qu’il consolide pour les groupes mutualistes, au-delà duquel la part des activités de tenue de marché de cet établissement de crédit qui excède ce seuil ne bénéficie plus de l’exception.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à encadrer la tenue de marché. S’il constate que celle-ci abrite des activités spéculatives, le ministre de l’économie et des finances pourra, par arrêté, placer lesdites activités, en tout ou partie, dans la filiale cantonnée.
Cet arrêté ministériel, pris après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fixera un seuil exprimé par rapport au produit net bancaire : toutes les activités de tenue de marché excédant ce seuil devront être transférées à la filiale. La prise de l’arrêté et la définition de son contenu relèveront de la libre appréciation du ministre. Ainsi, le seuil pourra être défini « pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier », aux termes du texte adopté par l’Assemblée nationale.
Je souhaiterais, par le biais de cet amendement, apporter une clarification. Il me semble, en effet, que la démarche la plus appropriée consisterait à prendre un arrêté pour chaque groupe bancaire.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. Philippe Marini. La France compte six groupes bancaires majeurs. Il me semble contestable de raisonner à partir d’un seul et même seuil, qui s’appliquerait à l’ensemble de ces établissements.
En effet, nous le savons, chaque banque possède ses caractéristiques propres en termes de risques, de solvabilité, de liquidité et d’interconnexion. La place de la tenue de marché est, en outre, très variable selon le groupe bancaire considéré.
C’est pourquoi l’adoption du présent amendement, qui ne fait à la vérité que reprendre une idée formulée en commission des finances par notre excellent rapporteur, permettrait d’opérer un « réglage » plus fin dans la régulation des acteurs bancaires. À mon sens, compte tenu du nombre limité des groupes concernés, une telle rédaction ne réduirait pas excessivement la capacité d’action du ministre. Je serais donc heureux que cette suggestion puisse être accueillie positivement par le Gouvernement.
M. André Reichardt. Excellent !
Mme la présidente. L'amendement n° 223, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer les mots :
peut fixer
par le mot :
fixe
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps l’amendement n° 225, qui relève du même esprit.
Mme la présidente. Je vous en prie, mon cher collègue.
M. Jean Desessard. Ces amendements visent à limiter l’exception permise par l’alinéa 7 de l’article 1er concernant la tenue de marché, laquelle dissimule bien souvent des activités spéculatives.
Grâce à l’adoption par l’Assemblée nationale de l’amendement dont a parlé M. Marini, le ministre de l’économie et des finances aura la possibilité de limiter le poids des activités de tenue de marché dans la maison mère de chaque banque par simple arrêté.
Cette avancée est toutefois à relativiser, puisque l’exercice de cette prérogative reste facultatif et que certains établissements pourraient être exonérés d’une telle limitation, ce qui crée une incertitude non seulement quant à l’encadrement de la tenue de marché, mais également sur l’environnement réglementaire des banques.
Nous proposons donc de poser le principe que le ministre chargé de l’économie et des finances fixera par arrêté un seuil au-delà duquel les activités relatives à la tenue de marché d’un établissement de crédit ne feront plus l’objet de l’exception prévue à l’alinéa 7 de l’article 1er.
Une telle rédaction ne retirerait rien à la liberté du ministre, qui pourra fixer des seuils n’entraînant de fait pas de filialisation. Elle permettrait simplement d’affirmer que la fixation de tels seuils est la règle, et non l’exception.
Mme la présidente. L'amendement n° 110, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer les mots :
après avis
par les mots :
sur proposition
La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. La rédaction actuelle de l’alinéa 7 prévoit que le ministre de l’économie et des finances pourra prendre, après avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, un arrêté fixant le seuil au-delà duquel les activités de tenue de marché devront être filialisées.
Le projet de loi renforce les prérogatives et les pouvoirs de l’APCR. Dans cette perspective, il me semblerait pertinent de prévoir que l’arrêté en question sera pris non pas après avis de cette autorité, mais sur sa proposition.
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer les mots :
pour un établissement en particulier
par les mots :
un seuil différent pour chaque établissement
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 224, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
. Chaque année, le Gouvernement remet en annexe du projet de loi de finances un rapport justifiant les seuils en vigueur de l'année écoulée ;
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. L’alinéa 7 de l’article 1er permettra au ministre de l’économie et des finances de fixer un seuil au-delà duquel les activités de tenue de marché devront être filialisées.
Le présent amendement vise à améliorer la transparence de l’action du ministre quant à la fixation de ce seuil, en prévoyant qu’il informera chaque année le Parlement des raisons qui ont déterminé sa décision. Le Parlement disposera alors des outils nécessaires à l’exercice de sa mission de contrôle et pourra travailler en bonne intelligence avec le Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Toute opération conclue par l’établissement de crédit avec des organismes de placement collectif à effet de levier ou autres véhicules d’investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement ne porte pas sur une question mineure, puisqu’il s’agit tout simplement d’enclencher le déclin de la pratique de l’investissement par les hedge funds, ces fonds spéculatifs à effet de levier qui constituent l’une des armes les plus dévastatrices, pour l’activité économique, mises en œuvre par l’ingénierie financière ces dernières années.
Les destructions massives d’usines, d’entreprises et d’emplois que connaît notre pays depuis une bonne trentaine d’années doivent beaucoup, dans nombre de cas, à l’action de ces hedge funds, qui obéit en général à quelques règles assez simples de rentabilité financière.
Le principe est connu : l’investisseur n’apporte que fort peu de cash et finance l’entreprise par l’endettement soit auprès d’un établissement de crédit, soit auprès d’une autre entité du groupe, en général domiciliée sous des cieux fiscalement accueillants.
Le plus souvent, c’est par le biais du règlement de cette dette que les bénéfices tirés de l’exploitation de l’entreprise remontent peu à peu vers le hedge fund, au détriment de l’emploi et des capacités de développement de l’entreprise, privée de fonds propres et dont le bilan se trouve dégradé par son endettement de moyen et long terme.
Dans bien des cas, des établissements de crédit ont prêté la main à ce type de montages financiers d’autant plus volontiers que le rendement de l’activité de prêt compense très largement la faiblesse, voire l’absence de rendement, de l’activité de placement.
C’est ainsi que notre pays a perdu des entreprises comme Samsonite ou Freescale, des emplois dans des entreprises comme Wolters Kluwer France, éditeur de Liaisons Sociales, ou Picard Surgelés, et nul doute que la liste est particulièrement longue en la matière.
D’ailleurs, plus qu’avec l’outil des fonds à effet de levier, c’est à partir d’une nouvelle allocation du crédit bancaire que nous pourrons trouver le moyen de financer nos entreprises et notre économie.
Ce que nous devons donc attendre d’une réforme bancaire digne de ce nom, c’est qu’elle fasse décliner ce type de véhicule financier et qu’elle permette de revenir à des modes de financement plus ordinaires et plus éthiques : l’actionnariat, le crédit bancaire en tant que de besoin et l’affectation aux fonds propres de l’essentiel des bénéfices réalisés dans le cadre de l’activité.
C’est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 115 rectifié, présenté par Mme Lienemann, MM. Chastan et Godefroy, Mme Rossignol et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Supprimer les mots :
pour son compte propre
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit là encore d’élargir le champ des interdictions de prêts aux hedge funds. Nos collègues ont montré à quel point leurs activités n'étaient pas favorables à l'économie réelle et avaient été sources de risques majeurs pour notre système financier.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi s'en tient à interdire les opérations conclues par l’établissement bancaire pour son compte propre avec des hedge funds, alors que l'essentiel de ces activités sont réalisées pour le compte des clients. Mes collègues Chastan, Godefroy, Rossignol, Vandierendonck et moi-même souhaitons donc que l’on soit beaucoup plus rigoureux et que soient interdites également les opérations pour le compte des clients. Pourquoi ?
On nous donne habituellement comme argument que les hedge funds – c'est tout l'enjeu du shadow banking – représenteraient 20 % des actifs financiers et donc 20 % de l’activité économique. C’est faux ! On ne peut pas comparer les actifs financiers et ce qui correspond à l'activité économique. De fait, cette part n'est pas fondamentale pour notre économie et la preuve n'a pas été faite que les prêts directs des banques aux agents économiques seraient moins intéressants pour l’activité économique que le recours, extrêmement risqué, aux hedge funds.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié, présenté par Mme Lienemann, M. Godefroy, Mme Rossignol et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Après le mot :
économie
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On nous explique, ce qui peut paraître rassurant en apparence, que les opérations conclues par les établissements bancaires pour leur compte propre avec des hedge funds ne seront autorisées que dès lors qu’elles seront sécurisées. Si tel est le cas, alors tout le monde pourra dormir tranquille… Or il se trouve que l'essentiel des hedge funds sont déjà sécurisés par un mécanisme qu'on appelle la collatéralisation. Le seul problème, c’est que les actifs qui sont apportés à ce titre peuvent voir eux-mêmes leur valeur s'effondrer, comme un château de cartes. On fait croire que les risques sont assumés, alors qu’ils ne le sont pas en réalité.
Cet amendement vise donc à faire tomber ce mythe de la sécurisation des hedge funds pour le compte propre des banques.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 164 rectifié bis est présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Mirassou, Daudigny, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy et Vincent, Mme Lepage et MM. Rome et Vandierendonck.
L'amendement n° 222 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10, première phrase
Supprimer les mots :
, lorsque l’établissement de crédit n’est pas garanti par une sûreté
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié bis.
Mme Laurence Rossignol. Les hedge funds sont depuis plusieurs années très prisés des banques, lesquelles ne rechignent pas à leur prêter de l’argent ou à leur confier le leur.
Au cours des nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé, il nous a été dit que ces fonds spéculatifs étaient utiles à l'économie réelle, à laquelle ils apportent de la liquidité. Il n’en est pas moins vrai également que cette fameuse liquidité, aussitôt apportée, est bien souvent aussitôt reprise, quelques minutes, quelques heures ou quelques jours plus tard et qu’elle est bien souvent virtuelle. Car la finalité d’un hedge fund est non pas d’investir durablement dans l’économie, mais de parier sur des évolutions de prix à court terme afin d’en tirer un profit maximum !
En présentant ce projet de loi, le Gouvernement nourrissait deux ambitions : premièrement – cela a été largement exposé cet après-midi –, nous prémunir de futures crises bancaires, et l’objectif semble à peu près atteint ; deuxièmement, transformer notre économie et profiter de cette occasion pour définanciariser notre économie, qui souffre terriblement de cette financiarisation, la réindustrialiser et recréer des emplois.
Les quelques amendements que nous présentons peuvent nous aider à atteindre ces deux objectifs de prévention et de transformation.
L’objet de celui-ci est non pas d’interdire ces fonds spéculatifs, mais simplement de faire en sorte que les établissements bancaires ne puissent plus utiliser les dépôts de leurs clients pour les financer, ce que ne permet pas le projet de loi dans sa rédaction actuelle.
En effet, le présent texte filialise des activités de prêt aux fonds à effet de levier dans l'hypothèse où ces opérations ne seraient pas garanties par une sûreté. Or la quasi-totalité des prêts aux hedge funds sont aujourd’hui sécurisés. Les banques, conscientes que ces fonds ne sont pas, par nature, de bons emprunteurs, demandent dans la plupart des cas des garanties.
Lorsqu’on observe les difficultés croissantes que rencontrent nos territoires et nos entreprises à obtenir des financements – nous avons moins évoqué aujourd’hui cet aspect de l’activité des banques, à savoir leur soutien à l'activité économique réelle –, nous ne pouvons qu'essayer d'inciter et de contraindre les banques à encourager les activités réelles sur les territoires. C’est pourquoi nous proposons de rendre obligatoire la filialisation des activités de prêt aux fonds à effet de levier, que ceux-ci fassent ou non l’objet d’une garantie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 222.
M. Jean Desessard. Mme Rossignol et moi-même faisons la même analyse et, puisque ma collègue a brillamment présenté ses arguments, je me contenterai de faire un peu de pédagogie à l’adresse des deux millions de téléspectateurs qui suivent nos travaux. (Sourires.)
Plusieurs d’entre nous ici souhaitent que l'activité de banque traditionnelle soit séparée de l'activité de spéculation. Voilà l’objectif ! En réalité, on se tourne vers autre chose : il est question non plus de séparer ces activités, mais de créer une filiale dans laquelle les fonds investis seront limités. Ainsi, la banque sera responsable à hauteur du capital investi, mais pas au-delà. Les clients et les contribuables pourront dormir tranquilles, on ne fera pas appel à eux !
Cette filiale sera dédiée aux activités de « spéculation » que la banque mènera pour son propre compte. Mais puisque les hedge funds resteront dans la maison mère, seule une partie de ces activités sera filialisée. Cela signifie que la banque ne spéculera pas pour elle-même, mais elle permettra la spéculation sur d’importants fonds.
Pour notre part, nous tenons simplement le raisonnement suivant : puisqu’il y a spéculation, il y a risque. Comme cela a été souligné, les garanties n’en sont pas vraiment puisque tout cela est virtuel. Un moment donné, quand ça s'effondre, ça s'effondre ! Tant que les gens y croient, ça marche, mais dès qu’ils n’y croient plus et retirent leur argent, tout s’effondre. Puisque ces hedge funds sont des instruments spéculatifs, ils doivent être filialisés ! (M. Joël Labbé et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.)
Mme la présidente. L'amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, dont les caractéristiques, contrôlées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, satisfont à des exigences de quantité, de qualité et de disponibilité, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. La question de la relation des banques avec les hedge funds est complexe et doit être clarifiée.
Que dit le projet de loi ? Premièrement, les participations que les banques ont dans les hedge funds sont filialisées. Deuxièmement, sont autorisées les opérations de la maison mère – je dis bien de la maison mère – avec les hedge funds à la seule condition que ces derniers apportent dans cette opération une garantie de sûreté.
Les amendements qui ont été défendus précédemment visent purement et simplement à interdire toute relation entre la maison mère et les hedge funds, au nom d'une conception tout à fait respectable, mais que je conteste au moins en partie, selon laquelle les hedge funds sont des instruments spéculatifs.
Qu’ils soient des instruments spéculatifs ne fait aucun doute. En revanche, ils ne sont pas que cela : ils sont également utiles à l'économie réelle. Pour ne prendre que cet exemple, les hedge funds participent au financement de l'économie tout simplement parce que ce sont des acteurs importants dans le placement des titres des entreprises, notamment sur le marché obligataire, et que les entreprises ont parfois besoin de recourir à eux pour accéder à des financements.
Je reconnais en tout cas qu’il est très difficile de faire la part des choses entre les opérations spéculatives des hedge funds, qui sont absolument incontestables, et les opérations utiles à l'économie réelle.
Par ailleurs, il est exact que les hedge funds présentent cette particularité que j'évoquais à l'instant : ils ne sont pas régulés et, plus particulièrement, ils ne sont pas soumis aux normes prudentielles, comme le sont les établissements de crédit. C'est un vrai sujet !
Si l'on ne s'intéresse qu'aux banques et que l’on se contente d’interdire à celles-ci un certain nombre d'opérations, nous faisons fausse route. La régulation dans l’objectif de maîtriser la finance internationale doit être beaucoup plus large. Par exemple, je suis entièrement d’accord pour que nous progressions dans la régulation des hedge funds au niveau européen, de manière qu'ils soient soumis à un certain nombre de normes prudentielles. Mais, je le répète, se concentrer sur les banques pour leur interdire un certain nombre d'opérations est, à mon avis, une erreur. Cela ne fera que déplacer le problème et, en réalité, cela favorisera nos concurrents internationaux, qui seront très contents de tirer profit des opérations que les banques françaises réalisent avec les hedge funds.
Si, véritablement, ce qui pose problème notamment à M. Desessard, ce sont les garanties de sûreté qu’apportent les hedge funds dans leurs relations avec la maison mère, faisons en sorte que le régulateur français et l’ACPR puissent contrôler la réalité et la qualité de ces garanties de sûreté.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, MM. Chastan, Teulade et Dilain, Mmes Rossignol et Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Toute opération conclue par l’établissement de crédit pour son compte propre avec une contrepartie située dans les États ou territoires non coopératifs au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts ou dans les États ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale de la France.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec cet amendement, nous quittons les hedge funds pour aborder les opérations dans les territoires dits « non coopératifs », autrement dit les paradis fiscaux.
En cohérence avec les engagements de transparence bancaire pris par le Gouvernement, le présent amendement vise à cantonner dans la filiale les activités réalisées avec des contreparties situées dans des juridictions non coopératives.
Mme la présidente. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Une filiale mentionnée au I ne peut être détenue directement par un établissement de crédit. Elle doit obligatoirement l'être par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte, qui ne peut alors compter un établissement de crédit à son capital.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je défendrai en même temps l'amendement n° 40 rectifié.
Nous préférons que les activités de dépôts et de prêts à l’économie soient séparées des activités d’investissement des banques. Sachez que si vous coupez en deux BNP Paribas, d’un côté vous aurez de l’ordre de 1 200 milliards d'euros de bilan et, de l’autre, de 800 à 900 milliards d'euros pour la branche investissement. Ce n'est tout de même pas la petite banque du coin ! Chaque établissement sera parfaitement de taille à affronter la concurrence internationale.
La seule chose que nous demandons, c'est que, pour la part de leur activité d’investissement, les banques travaillent avec leurs fonds : elles gagnent quand elles doivent gagner et elles perdent si elles font de mauvais choix. Je croyais que c’était cela le libéralisme…
Si cette solution n’était pas retenue, je propose des amendements de repli visant à préciser la forme juridique – le statut des filiales, le rapport avec la maison mère – qui pourrait permettre de limiter la casse en cas de pépin.
L’amendement n° 38 rectifié tend à préciser que la filiale doit être détenue par une société financière, dont c’est la fonction, ou par une compagnie financière holding mixte. Cette disposition neutraliserait les effets en cas de faillite.
Pour mettre les points sur les i, l’amendement n° 40 rectifié vise à interdire aux sociétés de crédit et aux compagnies financières holdings mixtes qui contrôlent ces filiales de leur apporter quelque soutien financier que ce soit, ni sous la forme d’accord de garantie, ni sous la forme d’apport de liquidités, ni en souscrivant des titres de dettes. Si, par un biais ou un autre, la filiale se retrouve en difficulté, la maison mère connaîtra elle aussi des difficultés, ne serait-ce que parce que sa capitalisation sera mise en cause ou du fait d’une panique bancaire.
Plus la coupure juridique sera stricte et claire, mieux cela vaudra.
Mme la présidente. L'amendement n° 221, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Une filiale mentionnée au I ne peut être détenue directement par un établissement de crédit. Elle doit obligatoirement l’être par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte, qui ne peut alors compter un établissement de crédit à son capital. La faillite d’une telle filiale ne doit pas avoir d’impact direct ou indirect sur une participation quelconque d’un établissement de crédit du même groupe.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, nous proposons que les banques de dépôt ne puissent pas détenir directement les filiales, mais que ces dernières soient détenues par une compagnie financière ou une compagnie financière holding mixte.
L’objectif de cet amendement est d’empêcher qu’un établissement de crédit soit impacté par l’éventuelle faillite de l’une de ses filiales. Puisque les filiales regroupent les activités considérées comme nuisibles à l’économie, elles comportent, intrinsèquement, un risque de faillite. Il n’est alors pas concevable que l’établissement de dépôt, garant du financement de l’économie réelle, puisse subir les conséquences des pertes de sa filiale.
Créer une compagnie financière, maison mère des filiales, serait le meilleur rempart contre une contagion des risques entre les activités de marché et les activités de crédit.
Mme la présidente. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux établissements de crédit et aux compagnies financières holding mixtes qui contrôlent ces filiales de leur apporter quelque soutien financier que ce soit, ni sous la forme d'accord de garantie, ni sous la forme d'apport de liquidités, ni en souscrivant à aucun titre de dette émis par ces filiales quelle qu’en soit la forme ou la nature.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 76, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 14
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 77, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter ces deux amendements.
M. Thierry Foucaud. Ces deux amendements procèdent aux ajustements rédactionnels induits par les positions que nous avons précédemment exprimées.
Il s’agit ici de traiter l’équivoque qui demeure sur la question des seuils qui seront retenus pour caractériser le périmètre effectif de la filialisation de chaque établissement de crédit.
Dans cette affaire, nous sommes confrontés à un risque systémique particulièrement sérieux. L’arrêté ministériel fixant les différents seuils pourrait en effet finir par constituer une sorte de menu à la carte pour chacun de nos groupes bancaires en raison de leur histoire propre, de leurs habitudes ou de leur structure même.
Pour reprendre un exemple que nous avons déjà cité, François Pérol, P-DG de la BCPE, a d’ores et déjà procédé à une séparation étanche des activités de son groupe. Il a isolé les activités de détail des opérations de financement et d’investissement de sa filiale Natixis, délibérément transformée en bad bank, si l’on peut dire, et chargée de mener toutes les opérations à risques du groupe.
Cette judicieuse opération s’est également révélée assez rentable, notamment pour les actionnaires, qui ont perçu rien moins que 2 milliards d’euros de dividendes exceptionnels dans l’opération. Les cadres de Natixis allocataires de stock-options actuellement présents dans l’établissement auront sans doute, eux aussi, beaucoup apprécié l’affaire.
Au-delà du cas de ce groupe bancaire créé par la loi, les problèmes posés par l’arrêté ministériel, comme par les effets de seuil qui ne manqueront pas d’en découler, sont identifiés.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er donne au Gouvernement une sorte de chèque en blanc pour négocier avec la Fédération bancaire française les contours effectifs de la filialisation et de la séparation des activités.
Que l’autorité de régulation soit éventuellement partie prenante de la définition des seuils ne change pas grand-chose à l’affaire. Le caractère endogamique de l’autorité, le fait que ses membres pourraient se recruter dans un petit entre-soi, n’apporte au fond aucune garantie supplémentaire. Dans l’absolu, on pourrait même presque craindre qu’un membre de l’autorité passé par tel établissement de crédit plutôt que par tel autre soit tenté de favoriser la position de son entreprise d’origine.
De notre point de vue, il est donc crucial que toute équivoque soit levée. Tel est le sens des amendements nos 76 et 77.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. L’amendement n° 36 rectifié renvoie au débat général que nous avons eu sur la séparation des activités bancaires. Largement développés, tant ici qu’à l’Assemblée nationale, les grands thèmes évoqués portaient sur la séparation complète des activités – commerciales, d’investissements et d’affaires –, comme dans le système américain institué par le Glass-Steagall Act, voilà une quinzaine d’années, ou sur la suppression de la séparation des activités utiles à l’économie et des activités spéculatives.
Il est proposé par les différents amendements de supprimer tout ou partie des exceptions figurant à l’article 1er du projet de loi, que ces exceptions soient conçues largement, au sens de l’ensemble des activités, ou de façon plus restreinte, en particulier sur la tenue de marché.
Sur ce dernier point, plusieurs orateurs ont mentionné le rapport Liikanen, ce qui m’inspire deux observations.
En premier lieu, il ne s’agit que d’un rapport. Reste à savoir ce qui adviendra.
En second lieu, ce rapport n’a pas fait l’objet d’un avis unanime. Si les hautes personnalités compétentes qui l’ont rédigé ont soutenu la position de la filialisation générale de tenue de marché, ce soutien n’a été obtenu qu’à une courte majorité.
Vendredi dernier, a été publié en Angleterre le rapport de la commission parlementaire spéciale sur le secteur bancaire, présidée par Andrew Tyrie. Ce rapport, qui n’est pas très long – je vous invite à le consulter –, expose combien il est difficile de définir la tenue de marché.
Les banques affirment que cette activité a beaucoup baissé. Les auteurs du rapport ne remettent pas en cause cet état de fait, mais ils soutiennent qu’il faudra exercer une surveillance étroite de ces banques. Or, comme ils ne savent pas très bien le faire, il suggère d’observer ce que font les Américains et, accessoirement, les Français, afin de décider s’il convient d’adopter une législation spécifique. Les avis sont donc pour le moins divergents, comme vous pouvez le constater.
Je tiens à le rappeler, l’alinéa 19 de l’article 1er dispose que les activités pour compte propre, considérées comme spéculatives, sont bien cantonnées dans une filiale et surveillées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
J’ajoute que, à l’Assemblée nationale, a été adopté un amendement permettant au ministre de l’économie de modifier les limites en fonction de la situation. Si l’on peut débattre de la nature de ce seuil, l’important est qu’il existe.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement n° 36 rectifié…
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis étonné !
M. Richard Yung, rapporteur. … et aux amendements nos 70, 219, 71, 72, 78, 73, 37 rectifié, 220, 74, 80, 76 et 77.
L’amendement n° 69 vise à préciser que la filialisation a également pour but de garantir l’« absence de conflits d’intérêt » entre les banques et leurs clients.
À vrai dire, je ne vois pas très bien comment insérer cette disposition dans l’article 1er, qui a trait à la séparation des activités bancaires. Au demeurant, je ne suis vraiment pas persuadé que l’objet de l’article 1er soit d’empêcher les conflits d’intérêts.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est bien dommage !
M. Richard Yung, rapporteur. C’est ainsi ! C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Aux termes de l’amendement n° 208, le ministre chargé de l’économie ne peut fixer qu’un seuil valable pour un établissement de crédit en particulier.
J’ai défendu un amendement analogue en commission la semaine dernière. Néanmoins, le ministre m’a répondu qu’il souhaitait conserver la possibilité soit d’avoir un seuil général, soit de fixer des seuils spécifiques ou particuliers par banque.
Compte tenu de cette explication, j’ai retiré mon amendement. Vous comprendrez, monsieur Marini, que je ne puisse que vous demander de faire de même.
L’amendement n° 223, qui vise à obliger le ministre à prendre un arrêté fixant des seuils à l’activité de tenue de marché, me paraît contraire à l’esprit du dispositif prévu à l’article 1er. En effet, le ministre doit utiliser son pouvoir lorsqu’il constatera que des activités spéculatives ou risquées se développent sous couvert de la tenue de marché. En outre, il doit conserver sa liberté d’action afin d’être à même de s’adapter aux différentes situations qui pourraient se présenter. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 110 prévoit que l’arrêté du ministre relatif à la tenue de marché est pris, non pas après avis, mais sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Je suis défavorable à cette disposition,…
M. Philippe Bas. J’en suis surpris ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Richard Yung, rapporteur. … qui est contraire à la volonté exprimée clairement par l’Assemblée nationale…
M. Philippe Bas. La volonté de l’Assemblée nationale ne s’impose pas à nous !
M. Jean-Claude Lenoir. Je dirai même au contraire !
M. Richard Yung, rapporteur. … et par notre commission des finances. Il est en effet prévu de donner un pouvoir nouveau au ministre de l’économie et non pas au régulateur. La primauté doit rester au politique !
M. François Marc. Très bien !
M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 225 tend à prévoir que le ministre peut fixer un seuil différent pour chaque établissement. Cette mesure étant déjà inscrite dans le texte, je sollicite le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 224 impose au Gouvernement de remettre chaque année, en annexe au projet de loi de finances, un rapport justifiant les seuils en vigueur l’année écoulée.
Cette disposition ne me paraît pas s’imposer pour des raisons de fond et de forme.
Sur le fond, le ministre n’est pas obligé de prendre un arrêté sur les seuils. Dès lors, la valeur ajoutée d’un rapport annuel n’est guère évidente.
Sur la forme, on peut se demander si ce rapport a sa place en annexe du projet de loi de finances.
Par conséquent, je sollicite également le retrait de cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 75, qui a pour objet les hedge funds.
M. Caffet a très bien présenté la situation, et je n’ai aucun argument supplémentaire à ajouter. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur les amendements nos 115 rectifié, 114 rectifié et les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
L’amendement n° 138 rectifié vise à prévoir que les contreparties apportées aux banques par les hedge funds satisfont à des exigences fixées par le ministre et seront contrôlées par l’ACPR.
Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je suis favorable à cet amendement, qui permet de s’assurer que les garanties apportées par ces hedge funds sont solides.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 113 rectifié bis vise à ce que les relations d’affaires conduites avec une contrepartie installée dans l’un des huit paradis fiscaux inscrits sur la liste française soient traitées dans la filiale cantonnée.
Je comprends la philosophie de l’amendement. Cependant, je souhaiterais connaître l’avis du Gouvernement, car, comme je l’ai dit en commission, son adoption pourrait avoir conséquences sur les entreprises françaises établies dans ces territoires. Je pense en particulier aux Philippines dans la mesure où il s’agit d’un grand pays, avec une économie importante et où les investissements français sont significatifs. Le problème se pose moins pour les petites îles…
M. François Marc. Ou la Micronésie !
M. Richard Yung, rapporteur. Les amendements nos 38 rectifié, 221 et 40 rectifié prévoient que la filiale cantonnée est nécessairement détenue par une holding et ne peut pas l’être par un établissement de crédit ; en cas de difficulté, il est interdit à cette holding de lui apporter un quelconque soutien financier.
Je sollicite le retrait de ces amendements, car, dans l’esprit, ils sont satisfaits.
Aux termes de l’article 1er, les activités spéculatives peuvent être détachées de la maison mère sans conséquence pour celle-ci. L’application des règles prudentielles, y compris les règles d’exposition sur les contreparties, assure que la maison mère ne sera jamais exposée au-delà du raisonnable à sa filiale cantonnée. En revanche, il n’y a pas de raison d’interdire à la maison mère de renflouer sa filiale si cette opération est effectuée dans le respect de ses propres ratios prudentiels. J’ajoute que l’autorisation de l’ACPR sera exigée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Une première série d’amendements a trait au périmètre. D’autres portent sur les facultés d’appréciation laissées au ministre et certains font un sort spécial aux hedge funds. J’exposerai la position du Gouvernement sur les premiers avant de laisser la place à Pierre Moscovici, qui vient de nous rejoindre.
Je tiens avant tout à rappeler que l’objet du projet de loi est triple : cantonner strictement les activités à risques dépourvues de liens avec le financement de l’économie, renforcer le régime de contrôle des activités de marché et mettre en place un régime de résolution des crises bancaires permettant d’appeler d’abord les actionnaires et les créanciers avant de faire appel aux fonds publics, c’est-à-dire d’exclure la garantie implicite.
L’amendement n° 36 rectifié a pour objet de faire basculer au sein de la filiale cantonnée la quasi-totalité des activités de marché de la banque. Cette démarche se justifierait, selon son auteur, par la protection des déposants ; objectif noble s’il en est, que je partage, mais qui n’est pas rempli par l’amendement. Celui-ci porte au contraire atteinte à la capacité des banques à financer l’économie.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bricq, ministre. Je vais expliquer pourquoi.
Un enseignement majeur de la crise est qu’il n’est nul besoin d’être une banque de dépôt pour avoir un caractère systémique. Des banques spécialisées, y compris des grandes banques d’investissement, peuvent tout à fait menacer la stabilité du système financier et bénéficier par conséquent de la garantie implicite de l’État. Les bons outils pour répondre à ce problème sont ceux proposés par le projet de loi, à savoir le cantonnement des activités spéculatives pour compte propre, l’encadrement des activités de marché, qu’elles soient ou non filialisées, et, enfin, la mise en place d’un régime de résolution bancaire.
Par ailleurs, même avec une filialisation plus large, que vous appelez de vos vœux, monsieur Collombat, et compte tenu du poids limité de ces activités dans le bilan des banques françaises aujourd’hui, aucune filiale de banque française n’atteindrait la taille critique nécessaire pour être viable. Votre amendement conduirait de fait à l’abandon de ces activités par les banques françaises pour le plus grand profit de leurs concurrents étrangers et au détriment de nos entreprises, qui ont intérêt à avoir des banques françaises capables de leur offrir ce type de services. Il faut aussi protéger nos banques !
En outre, la viabilité des banques d’investissement pures en tant que telles me semble pour le moins douteuse. La crise a en effet démontré que ces acteurs étaient très fragiles, en plus d’être dangereux. Il n’existe ainsi pratiquement plus aucune grande banque d’investissement indépendante.
Contrairement à l’objectif que nous visons tous, votre amendement aboutirait finalement à une interdiction de fait pour les banques françaises, universelles ou pas, d’exercer de telles activités, au détriment des intérêts de leurs clients, c’est-à-dire des entreprises, et du financement de l’économie.
Concernant l’amendement n° 69, je rejoindrai M. le rapporteur en m’en remettant également à la sagesse du Sénat, que je sais grande. En effet, il n’est pas absurde de chercher à prévenir les conflits d’intérêts avec les clients.
S’agissant de l’amendement n° 70, qui vise à généraliser l’obligation de filialiser, que le projet de loi n’impose que si les activités visées dépassent une certaine taille, je n’y suis pas favorable.
L’amendement n° 219 tend à mettre en œuvre une forme de Glass-Steagall Act. La réflexion qui a été menée par le Gouvernement l’a conduit à la conclusion qu’une telle réforme n’est pas la réponse adaptée.
Tout d’abord, elle ne permet pas de répondre efficacement à ses propres objectifs, notamment celui de casser la garantie implicite que l’État est contraint de donner à certaines banques et qui les pousse à prendre des risques excessifs.
Ensuite, elle ne tient pas compte du fait que les banques d’investissement pures ont montré leur grande fragilité pendant la crise et ont presque toutes disparu depuis lors.
Enfin, elle conduirait à faire disparaître une offre de services que les banques françaises peuvent aujourd’hui proposer aux entreprises pour leur fournir un accès aux marchés financiers ou aux produits sophistiqués dont elles ont besoin et qu’elles devront donc aller chercher ailleurs – on tuerait la place de Paris ! –, et ce alors même que les banques sont déjà de plus en plus contraintes dans leur capacité à leur apporter des financements par le crédit.
Pour toutes ces raisons, la séparation stricte conduirait surtout à favoriser, contrairement à ce que vous souhaitez, monsieur Desessard, le développement du « système bancaire parallèle », ou shadow banking, en dehors du périmètre réglementé des banques et, pour l’essentiel, en dehors de notre champ de réglementation et de supervision. Voilà pourquoi l’approche du projet de loi est de cantonner strictement les activités à risques dépourvues de liens avec le financement de l’économie.
L’amendement n° 71 vise à étendre l’obligation de filialisation aux activités de négociation conduites pour compte de tiers. Une telle mesure n’aurait aucun sens au regard des objectifs du projet de loi : par construction, lorsqu’une entité négocie pour compte de tiers, elle n’expose pas son bilan et donc n’affecte pas la sécurité des déposants ni la stabilité financière. En pratique, une telle disposition serait même extrêmement dommageable pour les sociétés de gestion de portefeuille, qui agissent pour le compte des investisseurs dont elles collectent les fonds. Je n’y suis donc pas favorable.
L’amendement n° 72 ne peut être accepté, car il vise à transférer à la filiale les activités de prestations de services d’investissement et de compensation. Compte tenu des contraintes fortes qui pèsent sur la filiale, qui sera privée de toute garantie de la maison mère, et du caractère modeste de ces activités dans le bilan des banques françaises, le cantonnement des activités de services d’investissement les condamne à ne plus être compétitives, voire tout simplement à ne plus être viables. Cet amendement porterait donc atteinte aux banques françaises. Or ce n’est pas ce que vous souhaitez, monsieur Foucaud.
L’amendement n° 78 vise à plafonner par arrêté le montant unitaire des services d’investissement qui peuvent être offerts en dehors de la filiale. Les services d’investissement qui sont conservés dans la maison mère correspondent aux activités pour lesquelles la banque agit en tant qu’intermédiaire entre investisseurs et émetteurs. La mesure proposée réduirait à néant la capacité des banques à accompagner les entreprises vers les marchés. J’y suis donc défavorable.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 73.
Les amendements identiques nos 37 rectifié et 220 tendent à faire basculer au sein de la filiale cantonnée les activités de tenue de marché. Ces amendements ne peuvent pas être acceptés, pour des raisons que j’ai déjà exposées : leur adoption aboutirait à une interdiction de fait et porterait ainsi atteinte à la capacité des banques françaises à financer l’économie. Or le projet de loi a pour objet d’encadrer ces activités.
L’amendement n° 74 est de même nature. En conséquence, le Gouvernement y est défavorable, ainsi qu’à l’amendement n° 80, qui tend à faire basculer l’activité de tenue de marché dans le cantonnement, ce qui reviendrait à empêcher les banques françaises de soutenir l’activité économique.
Voilà pour la série d’amendements qui ont trait à la filialisation. Je passe maintenant le relais à M. Moscovici.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à remercier Mme Bricq de m’avoir suppléé avec brio dans ce débat. En tant que ministre de l’économie et des finances, chacun le comprendra, je me devais d’être au côté du Premier ministre au moment de l’examen de la motion de censure à l’Assemblée nationale. Cette séance exigeait la présence de nombreux ministres – Nicole Bricq aurait pu y être également –, notamment ceux qui ont la charge, comme moi, de la politique économique. Je me suis toutefois tenu informé du déroulement de vos débats, et je vous garantis que je serai désormais personnellement présent jusqu’à la fin de l’examen du texte.
Je reprends donc le fil des amendements.
L’amendement n° 208 tend à supprimer la possibilité de fixer un seuil unique pour l’ensemble des établissements. Il précise également que l’activité à filialiser correspond à la part de l’activité qui excède ce seuil.
Si ma mémoire est bonne, nous avons déjà examiné un amendement semblable en commission des finances présenté par M. le rapporteur.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je me dois aujourd’hui d’apporter la même réponse, monsieur Marini, non que je ne comprenne pas le souci que vous exprimez, mais parce qu’il vaut mieux que le ministre puisse conserver une palette de choix. En effet, dans certains cas, le ministre peut souhaiter intervenir en fixant un seuil applicable pour l’ensemble des établissements. Cette hypothèse n’exclut pas que l’on puisse intervenir établissement par établissement. Aussi la rédaction actuelle me semble-t-elle offrir des possibilités plus larges.
Telle est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit retiré, à l’instar de celui qui avait été examiné en commission des finances. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable. Je le répète, il ne s’agit pas de s’opposer à l’esprit de cet amendement, mais de préserver les marges de manœuvre dont le ministre doit disposer.
L’amendement n° 223 est de même nature. Il tend à ce que le ministre fixe une limite au-delà de laquelle les activités de tenue de marché seraient obligatoirement filialisées.
La logique du texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, est la suivante : le ministre doit pouvoir déterminer les cas où les activités d’un ou de plusieurs établissements seraient manifestement excessives et de nature à détourner l’esprit de la loi. Il ne s’agit pas de fixer ex ante une limite quantitative mais de prévoir la possibilité que le ministre puisse intervenir en cas de dérive. C’est cet outil que Mme Berger, rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale, a qualifié de « ciseaux ». Il s’agit d’un mécanisme à la fois souple et précis. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 110 tend à ce que la faculté accordée au ministre de forcer la filialisation des activités de marché au-delà d’un seuil de matérialité ne puisse être exercée que sur proposition de l’ACPR. Cette mesure ne s’inscrit pas dans la logique du texte adopté par l’Assemblée nationale, à laquelle je souscris : laisser la main au politique en donnant clairement au ministre l’initiative de cette décision.
Il n’y a là aucune contradiction. Je rappelle que la décision du ministre est prise après avis de l’ACPR, ce qui assure que ses compétences techniques seront bel et bien mises à contribution dans l’élaboration de la décision. Sur ce point encore, le texte adopté par la commission des finances du Sénat me conduit à demander le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Par l’amendement n° 225, M. Desessard propose de supprimer la possibilité de fixer un seuil unique pour l’ensemble des établissements. Il précise aussi que l’activité à filialiser correspond à la part de l’activité qui excède ce seuil. Sur ce sujet, j’ai déjà donné l’avis du Gouvernement : retrait ou, à défaut, défavorable.
Aux termes de l’amendement n° 224, le ministre doit remettre au Parlement un rapport concernant l’usage de son pouvoir de fixer une limite au-delà de laquelle les activités de tenue de marché seraient obligatoirement filialisées.
M. Jean Desessard. Exact !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il ne me semble pas nécessaire de mettre en œuvre une procédure aussi lourde pour assurer la bonne information du Parlement sur ces mesures dès lors que le ministre aura décidé de fixer un seuil. Le Parlement dispose déjà de tous les moyens d’obtenir l’information nécessaire quant à l’usage des pouvoirs qu’il délègue au Gouvernement. Je demande en conséquence le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
La série d’amendements qui suit concerne la filialisation compte tenu de l’exposition des banques aux hedge funds. Je développerai un peu plus cet aspect.
Le projet de loi filialise les participations que les banques pourraient détenir dans des hedge funds. Plus largement, il filialise leurs opérations avec des hedge funds, sauf lorsque celles-ci sont garanties par une sûreté. La loi fixe ainsi une norme prudentielle visant à imposer aux banques l’obligation de réduire au maximum les risques qu’elles peuvent prendre en traitant avec un hedge fund.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le sais, les hedge funds sont souvent perçus comme les principaux acteurs de la spéculation sur les marchés. Cette interprétation n’est pas fausse en soi. Toutefois, sur cette question, il convient de faire preuve de pragmatisme et de réalisme. En effet, il ne faudrait pas adopter des mesures qui pénaliseraient inutilement les banques françaises sans atteindre les hedge funds eux-mêmes.
Faire preuve de pragmatisme, c’est réaliser que la filialisation de toutes les activités conduites avec des hedge funds aboutirait en pratique à interdire aux banques françaises de traiter avec ce type de contreparties. Or force est de constater que celles-ci sont incontournables du fait de leur poids et de leur capacité à prendre des risques lorsque aucun autre investisseur ne l’accepte. Je ne l’admets pas sans un certain regret : les banques françaises doivent pouvoir traiter avec les hedge funds si elles veulent jouer leur rôle dans le financement de nos entreprises.
À cet égard, je rappelle que le présent texte répond à une logique de régulation, de moralisation et de contrôle, et non à une logique de punition de nos entreprises ou de pénalisation de leur capacité de financement. Il faut dépasser tout rapport affectif aux hedge funds ; qu’on les aime ou non, ces derniers sont des acteurs clefs du placement des titres d’entreprise, comme, par exemple, les obligations convertibles. Vous le savez, il s’agit là d’un instrument très utilisé par les entreprises de taille intermédiaire françaises lorsqu’elles émettent sur les marchés.
Faire preuve de réalisme, c’est admettre que ce n’est pas à l’échelle nationale et en pénalisant les banques françaises que nous améliorerons la réglementation des hedge funds. De fait, ces derniers trouveraient sans peine des banques non françaises avec qui traiter. Nous n’avons donc rien à y gagner.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut pas être favorable à l’amendement n° 75. A contrario, l’amendement n° 138 rectifié déposé par le groupe socialiste – j’y reviendrai – va dans le sens d’un durcissement des exigences posées par la loi. Il tend en effet à ce que l’ACPR fixe des règles encadrant les sûretés permettant à ces opérations d’échapper à la filialisation.
Pour les raisons exposées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 115 rectifié, 114 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement n° 138 rectifié présenté par M. Caffet au nom du groupe socialiste. Je le répète, ce très bon amendement tend à confier à l’ACPR la mission de contrôler la qualité, la quantité et la disponibilité du collatéral. Voilà une mesure qui fait preuve à la fois de pragmatisme et de réalisme !
À mon sens, cette disposition permettra de répondre dans la pratique aux préoccupations exprimées par les auteurs de tous les autres amendements relatifs à cette question, lesquels risqueraient fort, hélas, de manquer leur cible ! De fait, la mise en œuvre de ces préconisations pénaliserait nos banques sans pour autant atteindre les hedge funds. Or c’est bien ces derniers qu’il s’agit de juguler, ou du moins de maîtriser et de contrôler.
L’amendement n° 113 rectifié bis, qui tend à filialiser toutes les opérations des banques dans des juridictions non coopératives au sens fiscal, appelle le même type de raisonnement.
Madame Lienemann, il va sans dire que je souscris pleinement à votre volonté de lutter contre la fraude fiscale. Toutefois, la filialisation vise un but bien précis : cantonner des risques de marché que la banque assume pour son compte propre. Le fait que les contreparties d’une banque soient domiciliées dans des juridictions non coopératives au sens fiscal n’emporte, à cet égard, aucune conséquence.
De surcroît, il faut veiller à ne pas empêcher les exportateurs français de continuer de travailler avec des pays visés par la liste fiscale française. Les entreprises en question doivent pouvoir continuer à bénéficier d’un soutien financier depuis la France, par exemple sous la forme de crédits à l’exportation. Or l’adoption du présent amendement rendrait de facto une telle solution impossible.
Je le répète, le projet de loi contient d’ores et déjà plusieurs mesures à même de renforcer la lutte contre les paradis fiscaux, le blanchiment et la fraude fiscale. Ne perdons pas de vue le but visé : assurer la moralisation et le contrôle de l’activité bancaire, tout en garantissant le financement de nos entreprises.
L’amendement n° 38 rectifié vise à imposer la création d’une structure holding détenant, d’une part, la filiale cantonnée et, d’autre part, le reste du groupe bancaire.
Cette mesure altérerait profondément la philosophie du projet de loi. De plus, elle aurait un impact majeur sur la structure des groupes français, notamment des groupes mutualistes, sans effet utile sur la limitation des risques : le cantonnement de la filiale est déjà assuré par des dispositions instituant des règles prudentielles strictes, notamment en matière de respect des exigences en termes de capital et de ratio d’exposition de la mère par rapport à sa filiale. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement. Il en va de même pour les amendements nos 221 et 40 rectifié.
Les amendements nos 76 et 77 tendent à transférer à la filiale les activités de prestations de services d’investissement et à supprimer la notion de seuil d’application de l’obligation de filialiser. Leur adoption aurait pour conséquence de faire basculer l’essentiel des activités de marché au sein de la filiale, notamment la fourniture de services d’investissement. Ces activités correspondent, au sens large, à l’ensemble des services visant à faciliter l’accès des clients de la banque aux marchés, soit en tant qu’émetteurs soit en tant qu’investisseurs.
En procédant ainsi, compte tenu des fortes contraintes pesant sur la filiale et de la nature même de ces activités, cantonner ces dernières reviendrait à les condamner. Je crains donc que l’adoption de tels amendements ne porte gravement atteinte à la capacité des banques françaises à financer l’économie, tout particulièrement dans un contexte où le recours direct au marché par les entreprises devrait devenir plus fréquent, sous la pression des nouvelles normes internationales en matière de régulation bancaire. Ce n’est pas là la logique de la filialisation des activités utiles qu’adopte le présent texte. Voilà pourquoi le Gouvernement préconise le retrait ou, à défaut, le rejet de ces amendements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réflexions que je tenais à vous livrer, qui s’inscrivent dans une perspective plus large : via le projet de loi, nous devons viser un équilibre intelligent, permettant à la fois de moraliser la finance, de lutter contre l’aléa moral, de contrôler, de réguler et de prévenir les risques, qu’ils soient individuels ou systémiques. Cependant, nul ne doit avoir pour but de pénaliser l’accès de nos entreprises aux financements : elles en ont plus que jamais besoin !
La politique du Gouvernement, notamment celle que je mène en tant que ministre de l’économie et des finances, c’est précisément de faciliter l’accès des entreprises aux différentes sources de financement. Tel est le sens de la création de la Banque publique d’investissement. Tel est le sens de cette réforme bancaire. Tel est également le sens des mesures que nous mettons en œuvre en faveur de la compétitivité de l’économie française. Dans ce cadre, veillons à ne pas nous contredire.
Le projet de loi, enrichi des amendements que je vous suggère d’adopter, des dispositions votées à l’Assemblée et complété par la commission des finances du Sénat, aboutit à un équilibre dont nous ne devons pas trop nous écarter.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 36 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis fasciné par la sérénité pleine de certitude avec laquelle tous les ministres des finances que j’ai vu se succéder dans cet hémicycle affirment que leur mesure va tout régler, qu’il n’y a pas de problème et qu’ils ont pris les bonnes décisions… Ceux-là même qui n’ont rien vu venir et qui continuent à ne rien voir venir – qui a prévu ce qui se passe à Chypre ? Qui sait ce qui se passera demain ? – nous disent : « Tout est sous contrôle », « Nous surveillons », « Nous allons mettre en place une autorité », etc.
M. Bouton ne savait pas que M. Kerviel faisait des trucs bizarres, mais l’autorité de contrôle, elle, verra tout à l’avance et mettra un terme à ces pratiques qui nous mènent au bord de la faillite, n’est-ce pas ? Franchement, nous sommes chez Molière : « Le poumon, le poumon, vous dis-je ! »
Le problème n’est pas de trier entre les activités utiles et inutiles, mais de distinguer entre les activités de financement qui méritent la garantie de la collectivité et les autres. Car vous l’avez dit, monsieur le ministre, même parmi les activités spéculatives, même dans les hedge funds, il peut y avoir des éléments extrêmement intéressants… quand ça marche. (Marie-Noëlle Lienemann s’esclaffe.)
M. Jean-Pierre Caffet. Ah oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Parce que quand ça ne marche pas, c’est un peu plus embêtant. Mais, dans votre idée, ça ne peut que marcher : ce système est si merveilleux ! Et puis, on n’en a pas d’autre… Il faut dire qu’on le construit depuis trente ans, je comprends que vous y soyez attaché.
Revenons à ce que disait Maurice Allais : il faut empêcher les banques de spéculer avec l’argent qu’elles créent comme il faut empêcher les filiales des banques ou les fonds d’investissement de spéculer avec l’argent prêté par les banques.
On n’empêchera pas la spéculation, mais ceux qui prennent des risques, voire des risques entrepreneuriaux tout à fait légitimes, tant mieux s’ils gagnent de l’argent. Mais s’ils en perdent, ce n’est pas au contribuable d’en payer le prix !
Certes, dans l’état où se trouve le pays, séparer strictement l’activité des banques de dépôt de celle des banques d’investissement pose problème. Mais, à part déposer des cierges à la Bonne Mère, avez-vous d’autres solutions ?
La mesure que je propose n’empêcherait pas l’économie de tourner. Regardez donc ce qui s’est passé entre la fin de la guerre et les années quatre-vingt. On n’a jamais connu une telle croissance ! Je m’abstiendrai de faire des comparaisons, parce qu’elles sont toujours hasardeuses, mais nous ne nous trouvions pas alors dans une situation plus calamiteuse qu’aujourd’hui.
Nous nous sommes mis dans la nasse, en sortir est difficile, j’en conviens volontiers. Mais ne nous dites pas que ces quelques personnes éminentes, qui n’ont d’ailleurs jamais pu livrer d’expertise précise et qui vont surveiller à la loupe ce qui se passe, régleront le problème.
Je veux bien accepter qu’on me dise que des banques d’investissement ont dû être sauvées. C’est simplement parce que les bilans de toutes les banques d’investissement ou de crédit étaient gorgés de titres douteux, opaques, et la méfiance était donc généralisée. Retrouver des subprimes dans des SICAV monétaires, cela bloque tout le système, c’est certain. C’est peut-être là qu’il faudrait mettre un peu d’ordre !
Évidemment, monsieur le ministre, ce que vous faites, c’est mieux que rien. Reste à savoir si trois fois rien, c’est encore quelque chose. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’esclaffe.)
Quand la droite était au pouvoir, ma foi, je m’en donnais à cœur joie. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas. Le jour où la crise va repartir de plus belle, et il n’y a pas de raison que cela n’arrive pas, ce n’est certainement pas avec ce type de dispositions que l’on pourra y faire face. C’est difficile, j’en conviens volontiers, mais encore faut-il essayer ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean Desessard et Thierry Foucaud applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais un peu prolonger vos propos, mon cher collègue.
Vous affirmez que les hedge funds peuvent être intéressants quand tout marche bien. Mais même quand c’est le cas, il faut savoir ce que cela signifie ! Ces fonds rachètent des entreprises en difficulté et les vendent à la découpe. Il faut dire qu’ils cherchent une rentabilité maximale pour les retraites, ce qui part d’une bonne intention, mais ces processus entraînent des conséquences très lourdes pour le tissu industriel des territoires.
Ces fonds n’investissent pas sur le long terme parce qu’il faudrait alors acquérir des machines plus chères ou offrir des formations, toutes choses qui grèveraient la rentabilité sur une année. Ils privilégient le court terme et n’ont donc aucun intérêt au développement de ce type d’entreprises.
J’ai bien entendu que tous ces capitaux circulant seraient nécessaires à l’économie, mais je n’en suis pas du tout certain !
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Cette intervention vise tous les amendements proposant une séparation stricte entre les activités de banque de détail et les activités spéculatives, l’amendement n° 36 rectifié comme l’amendement n° 219 ainsi que quelques autres.
Je rends bien sûr hommage à l’insistance toute particulière de M. Collombat. Cette proposition de séparation peut, à n’en pas douter, sembler séduisante, compte tenu des excès du marché et de la spéculation dont nous avons été témoins par le passé. Pour autant, je suis de ceux qui pensent qu’il faut d’autant moins jeter l’opprobre sur toutes les activités de spéculation que leur part dans l’origine des revenus des banques demeure relativement faible.
M. Jean Desessard. Justement !
M. André Reichardt. Elle est naturellement évolutive, mais, par exemple, elle correspond tout au plus à 20 % du revenu de la Société générale, une des banques françaises qui a le plus d’activités de marché.
L’essentiel des revenus provient donc toujours de la banque de détail, notamment de l’activité de prêt aux entreprises. Malheureusement, cette part s’amenuise pour de très nombreuses raisons, notamment à cause des ratios de liquidités imposés aux établissements bancaires, qui sont particulièrement suivis dans notre pays. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une proposition d’amendement précédemment.
Dans ce contexte, les activités de marché deviennent d’autant plus stratégiques pour financer l’économie. Comme l’a dit M. le ministre, la séparation stricte poserait le problème de la rentabilité des banques de dépôt, qui, en abandonnant les activités à risques fortement rémunératrices, se paieraient uniquement par la différence entre taux prêteurs et taux emprunteurs. Cela entraînerait subséquemment une augmentation du prix des services bancaires, que nous devons prendre en compte.
Enfin, n’oublions pas que les marchés ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années trente, au moment du Glass-Steagall Act. Dans les marchés mondiaux d’aujourd’hui, les masses importantes d’épargne financent même les dettes souveraines. C’est pourquoi filialiser les activités de spéculation pour compte propre apparaît comme une solution certes insatisfaisante, mais aussi équilibrée que possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre l’amendement n° 36 rectifié et les amendements qui iraient dans le même sens.
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié et 220.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Marini, l’amendement n° 208 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, je n’ai pas l’impression que nos positions soient très éloignées.
Ma suggestion, me semble-t-il, permettrait à la fois une clarification et un assouplissement. Faire en sorte que l’arrêté s’applique de manière distincte à chaque groupe n’interdit pas au ministre d’y intégrer des dispositions de portée générale. On pourrait ainsi avoir à la fois un plafond susceptible de s’appliquer à l’ensemble des groupes et une déclinaison tenant compte des variables d’activité et de bilan de chaque groupe.
Il ne me semble donc pas que l’amendement que je propose soit de nature à restreindre la liberté du ministre. C’est la raison pour laquelle, à toutes fins utiles, je le maintiens.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Marini. Quelle déception !
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 223 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 223 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 110.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Desessard, les amendements nos 225 et 224 sont-ils maintenus ?
M. Jean Desessard. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 225 et 224 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l'amendement n° 115 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien entendu le plaidoyer de M. le ministre, mais je ne suis pas totalement convaincue par l’argumentaire qu’il a développé selon lequel les hedge funds auraient des vertus utiles pour l’économie réelle. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il faudrait que l’État garantisse le risque.
À cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une citation : « Par contre, les transactions sur produits dérivés, toutes catégories confondues, qui représentaient moins de 1 trilliard de dollars (soit mille milliards de dollars) au début des années 1980 se montent vingt-cinq ans plus tard à 1,406 trilliard de dollars (soit un million quatre cent six mille milliards de dollars !). On le voit, l’économie mondiale marche sur la tête, une tête financière hypertrophiée et malade. Le capitalisme, désormais seul mode de production sur la planète, est aspiré et déréglé par sa finance. […]
« Un fossé entre la sphère financière et la sphère productive, une finance globale à la dérive et en proie à la spéculation, un oligopole de grandes banques devenu facteur d’instabilité et une “élite” financière qui crée d’immenses inégalités : tel est l’un des germes de l’instabilité de l’économie globalisée.
« Que faire alors ? Face à une finance globale qui s’est libérée des contraintes, il faut rétablir un contre-pouvoir global à travers un nouveau système de régulation, à légitimité incontestable. »
C’est Lionel Jospin qui a tenu ces propos dans Le Monde en septembre 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. Excellente référence !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il avait raison à l’époque, et il a encore raison aujourd'hui !
M. Philippe Marini. Quel témoignage de fidélité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement ainsi que l’amendement n° 114 rectifié.
Mme la présidente. Les amendements nos 115 rectifié et 114 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
Mme Laurence Rossignol. Je ne résisterai pas à la demande de retrait émanant à la fois de M. le ministre, de M. le rapporteur et de M. Caffet.
Néanmoins, je formulerai une remarque.
Nous légiférons aujourd'hui pour réguler et moraliser le système bancaire classique. Nous en conviendrons, nous légiférons a posteriori. Entre le début de la crise et maintenant, le système bancaire classique s’est lui-même doté de quelques règles internes et de quelques outils d’autorégulation. Au reste, si nous avions eu cette discussion avant la grande crise bancaire, on ne peut pas exclure qu’il nous aurait été également répondu que nous disposions de nombreux outils pour éviter une crise.
Aujourd'hui, nous ne discutons a posteriori que du système bancaire classique. Toutefois, une partie des fonds qui poseront demain problème se trouvent dans le système bancaire parallèle. Ce n’est pas moi qui le dis ! Ce sont des personnes aussi sérieuses et respectées dans cette enceinte que Michel Barnier ou Philippe Wahl, le président du directoire de la Banque postale, qui appellent à la régulation du système bancaire parallèle.
Je crains que nous ne nous privions aujourd'hui d’un outil de régulation du système bancaire parallèle et que nous nous retrouvions dans quelque temps à légiférer a posteriori sur ce sujet. J’espère que nous aurons de la chance – simplement de la chance ! – et que cela ne se produira pas.
Cela étant, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 164 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 222.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 138 rectifié.
M. Jean Desessard. Cet amendement a non seulement recueilli l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, mais il a été salué comme une mesure très pertinente. Moi aussi, je suis vraiment d’accord avec l’objectif poursuivi : en prévoyant des exigences de quantité, de qualité et de disponibilité, vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère, vous avez mis le paquet, monsieur Caffet !
M. Jean-Pierre Caffet. Il faut que les trois soient réunies !
M. Jean Desessard. Toutefois, j’aurais aimé savoir ce que recouvrent les notions de quantité, de qualité surtout, et de disponibilité. Il aurait été intéressant que vous définissiez dans l’objet de l’amendement vos critères dans ces domaines. J’ai cru comprendre qu’il était difficile de savoir, par exemple, pour ce qui concerne les frais de tenue de compte, s’il s’agissait d’activités spéculatives ou simplement bancaires.
Je vous félicite de l’analyse très fine que vous avez faite, monsieur Caffet. Je voterai bien entendu cet amendement dont l’objectif est fort louable, mais, pour juger du bien-fondé de la réalisation de ces exigences, j’aurais aimé disposer d’une grille d’évaluation.
Cet amendement va très loin, et je vous remercie de l’avoir déposé, monsieur Caffet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Je n’ai pas vingt ans d’expérience bancaire comme vous ou vos conseillers, mon cher collègue. Je suis, c’est vrai, dans l’incapacité de définir ces critères, mais je fais confiance à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Si on ne lui fait pas confiance pour définir un certain nombre de critères relatifs à la qualité, à la quantité et à la disponibilité des garanties de sûreté que les hedge funds doivent apporter dans leurs opérations avec les banques, pourquoi lui faire confiance quant aux autres fonctions et aux responsabilités qui lui ont été confiées ?
M. Pierre-Yves Collombat. On ne lui fait pas confiance !
M. Jean-Pierre Caffet. Dites-le alors, monsieur Collombat !
M. Pierre-Yves Collombat. Je l’ai dit ! Ils sont bien incapables de contrôler !
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur Desessard, cet amendement vise à répondre à un certain nombre d’arguments que nous avons entendus.
Figurez-vous que, moi aussi, j’ai, comme vous, rencontré le responsable de Finance Watch, Thierry Philipponnat. Or celui-ci n’a pas soulevé le problème moral que vous avez évoqué en demandant que l’on interdise toute relation entre la maison mère et les hedge funds, au motif qu’il s’agit d’instruments spéculatifs. Il a indiqué que les hedge funds apportaient certes des garanties de sûreté, mais que la valeur de ces placements pouvait diminuer au fil du temps.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Absolument !
M. Jean-Pierre Caffet. Il m’a même donné l’exemple d’actions qui avaient été apportées en garantie, mais dont la valeur avait diminué de moitié quelques mois plus tard.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Caffet. Dans ce cas, les garanties ne sont bien évidemment plus les mêmes que celles qui avaient été données au départ.
Je puis vous dire, monsieur Desessard, que c’est M. Philipponat lui-même qui m’a suggéré cet amendement.
M. Jean Desessard. J’avais déjà envie de le voter, mais alors là…
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voterai cet amendement, qui paraît raisonnable et cohérent avec des pratiques de marché correctement régulées.
Toutefois, je tiens à souligner l’étendue des contradictions qui émanent des travées de la majorité : les points de vue qui se sont exprimés semblent vraiment assez éloignés les uns des autres. C’est parfaitement naturel, et il ne viendrait à l’esprit de personne de présenter de manière négative cette diversité…
M. Jean-Pierre Caffet. Au contraire, c’est notre richesse !
M. Philippe Marini. Mais, il y a moins d’un an, les propos, très racoleurs sur le plan politique, que l’on entendait offraient plutôt une vision très idéale et très morale, faisant fi de la réalité des marchés et du pouvoir d’appréciation relativement étroit que l’on peut utiliser dans le seul espace national avec la seule législation nationale.
Aujourd'hui que le réalisme l’emporte, nous ne pouvons que nous en réjouir. Je constate que cela crée, dans ce domaine, comme dans d’autres, des incompréhensions et des frustrations chez certaines personnes, à qui je veux manifester toute ma sympathie et ma solidarité. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Merci, mais ce n’est pas la peine !
Mme Laurence Rossignol. Si M. Marini commence à s’intéresser à nos frustrations, la soirée ne fait que commencer !
M. Jean Desessard. Il cherche à mettre du liant dans la majorité ! (Sourires.)
M. André Reichardt. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l'amendement n° 113 rectifié bis.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je sens que cet amendement risque de ne pas être adopté…
Je reste sur ma faim quant aux arguments qui ont été développés. On nous explique qu’il serait bénéfique pour l’économie nationale de pouvoir continuer à avoir des activités bancaires dites normales avec des territoires qui figurent sur la liste des paradis fiscaux. Je veux bien qu’il faille distinguer entre fiscalité et marchés, mais telle n’est pas ma philosophie.
Toutefois, n’ayant pas un goût prononcé pour la solitude, je retire mon amendement, mais je ne doute pas qu’il fera, un jour ou l’autre, son chemin.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 221 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je veux faire carton plein, madame la présidente. Je le maintiens !
Mme la présidente. Monsieur Foucaud, l'amendement n° 76 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Tout établissement de crédit assujetti est tenu de respecter en permanence un rapport maximum de 10 % entre le risque maximal qu'il encourt, au titre de l'ensemble des filiales dédiées à la réalisation des activités qu’il ne peut effectuer directement aux termes de l'article L. 511-47, et le montant de ses fonds propres. Ce risque maximal comprend la perte maximale possible en raison notamment des opérations réalisées avec ces filiales, du montant des participations dans celles-ci et des garanties accordées.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’une autre façon d’aborder le problème, en contraignant les établissements de crédit assujettis à respecter en permanence un rapport maximum de 10 % entre le risque maximal qu’ils encourent, au titre de l’ensemble des filiales dédiées à la réalisation des activités qu’ils ne peuvent effectuer directement, et le montant de leurs fonds propres. C’est un moyen d’éviter que les établissements de crédit ne prennent des risques trop élevés.
Mme la présidente. L'amendement n° 116 rectifié, présenté par Mmes Lienemann et Rossignol et MM. Teulade et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout établissement de crédit assujetti est tenu de respecter en permanence un rapport maximum de 10 % entre le risque maximal qu’il encourt, au titre de l’ensemble des filiales dédiées à la réalisation des activités mentionnées au I de l’article L. 511-47 et le montant de ses fonds propres. Ce risque maximal comprend la perte maximale possible en raison notamment des opérations réalisées avec ces filiales, du montant des participations dans celles-ci et des garanties accordées.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement procède de la même philosophie que celui de M. Collombat. Il s’agit d’appliquer l’arrêté « grands risques » aux filiales réalisant des activités pour compte propre, que le projet de loi considère comme des entités n’appartenant pas au groupe.
À ce propos, j’entends des bruits contradictoires. On me dit que cette règle serait déjà prévue dans le projet de loi. Monsieur le ministre, pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?
En tout cas, je trouve important que le risque maximal pris par chaque établissement de crédit à travers ses filiales soit plafonné à 10 % de ses fonds propres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Ces amendements, à vrai dire identiques, visent à limiter l’exposition de la maison mère à 10 % des risques de la filiale cantonnée. Il me semble qu’ils sont satisfaits par le projet de loi et, surtout, par la pratique constante de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Monsieur le ministre, pourriez-vous le confirmer ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement raison : dans la pratique, cette règle est déjà observée.
Je comprends les auteurs de ces deux amendements : ils souhaitent s’assurer que la limite de 10 % sera bien respectée par les établissements de crédit. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui fait déjà appliquer une règle de ce type pour toutes les expositions à l’égard des entités extérieures au groupe, aura tous les pouvoirs nécessaires pour la faire respecter.
Je signale malgré tout qu’une telle limite peut être compliquée en pratique. En effet, les expositions peuvent prendre des formes très différentes d’un établissement financier à l’autre. Il faut donc les qualifier précisément pour bien prendre en compte l’ensemble des cas de figure.
Au bénéfice de ces explications, j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, l'amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je me trompe peut-être, mais je crois que, en l’état actuel du droit, les établissements peuvent être exposés jusqu’à 25 %. Or il me semble qu’on parle de grand risque – j’ai un peu de mal avec le patois de Bercy – à partir d’un risque de 10 % sur un seul engagement.
Je ne doute pas que les autorités chargées de cette surveillance se montrent diligentes, mais s’il était possible d’inscrire dans le marbre que les filiales des établissements de crédit ne pourront pas entraîner un engagement de plus de 10 % des fonds propres de la maison mère, je crois que tout le monde serait rassuré. Cela donnerait de la crédibilité à la volonté du Gouvernement de prévenir les débordements dans les engagements pris par les maisons mères dans leurs filiales.
Mme la présidente. Monsieur Collombat, devons-nous comprendre que vous maintenez votre amendement et que voulez continuer à faire carton plein ? (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Si M. le ministre avait pris l’engagement que le plafond de 10 % serait appliqué, j’aurais retiré mon amendement parce que je n’ai pas de raison de mettre en doute sa parole. J’aimerais donc que cet engagement soit pris clairement afin qu’il soit consigné au Journal officiel.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Collombat, je veux bien être plus précis : c’est un engagement que je prends. La règle de 10 % correspond bien au principe et à la pratique.
M. Pierre-Yves Collombat. Dans ces conditions, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié est retiré.
Madame Lienemann, l'amendement n° 116 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je préfère toujours qu’une règle soit inscrite dans la loi, lorsque cela est possible, plutôt que de me fier à la pratique. Néanmoins, l’engagement du ministre étant sérieux, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 116 rectifié est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 68, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 33 à 35
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
« II. – Les filiales mentionnées au I ne peuvent réaliser les opérations de négoce à haute fréquence taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts.
« II bis. – A. Il est interdit aux établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes dont la résidence fiscale est établie en France, ainsi qu’à toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, dont les activités de négociation sur les instruments financiers dépassent des seuils définis par arrêté du ministre chargé de l’économie de réaliser :
« - tout investissement dans des fonds indexés, même partiellement, sur des matières premières agricoles ;
« - toute opération financière spéculative sur les contrats financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole.
« Il est interdit pour ces mêmes établissements et leurs filiales de sous-traiter ces opérations financières spéculatives à une institution financière tierce résidente fiscale française ou étrangère.
« B. Les établissements et les filiales mentionnées au A du présent II bis doivent en revanche pouvoir passer des contrats sur les marchés dérivés de matières premières agricoles lorsque ceux-ci répondent à des besoins de couverture légitimes des risques liés à l’activité agricole.
« C. Les établissements et les filiales mentionnées au A du présent II bis doivent tenir une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion des contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles, comme au indiqué au B du présent II bis. Avant le 5 du mois, ils doivent communiquer ces informations à l’administration fiscale. Chaque année, un rapport contenant ces informations est rendu public. Un décret ministériel détermine les modalités d’application du présent C.
« D. Tout contrat manquant aux obligations liées aux A et B du présent II bis est réputé invalide en justice, et il est fait défense à leurs adhérents de les exécuter.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 226, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Remplacer les mots :
Les filiales mentionnées au I
par les mots :
Les entreprises d’investissement, établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que leurs filiales mentionnées à l’article L. 511-48 qui réalisent des opérations sur instruments financiers
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je défendrai en même temps l’amendement n° 227.
L’article 1er du projet de loi interdit le trading à haute fréquence et la spéculation sur les matières premières agricoles réalisée pour compte propre dans une filiale de cantonnement.
L’interdiction de la spéculation sur les matières premières agricoles est une avancée remarquable, car cette pratique met en péril des millions d’êtres humains sur la planète ; la crise alimentaire mondiale que les pays les plus pauvres ont subie de plein fouet en 2007 et en 2008 l’a cruellement rappelé.
Quant au trading à haute fréquence, il s’agit d’opérations algorithmiques très éloignées de l’économie dite réelle, qui prospèrent dans l’abstraction de l’économie financière et présentent des risques systémiques importants.
Comme mon temps de parole n’est pas écoulé, je vais en profiter pour donner quelques explications plus précises aux millions de téléspectateurs qui suivent avec intérêt nos débats. (Sourires.) Le trading à haute fréquence consiste en l’envoi automatique, sans intervention de quiconque, de signaux destinés à titiller un cours et à donner une valeur à un titre que, généralement, on désire vendre. L’émission de ces signaux permet de simuler une activité de marché qui n’existe pas. La plupart de ces opérations sont annulées, les donneurs d’ordres ne voulant pas les exécuter. Cette spéculation à la seconde est complètement inutile.
L’amendement n° 226 tend à étendre aux maisons mères les interdictions faites aux filiales. En effet, si certaines activités ne sont pas réalisées dans les filiales, il n’y a pas de raison qu’elles le soient dans la maison mère.
L’amendement n° 227 renforce l’interdiction du trading à haute fréquence dans la filiale en étendant le champ de l’interdiction au trading dont la période est inférieure à une seconde et le taux d’annulation des offres supérieur à 66 %. L’existence de ces seuils est prévue par l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts, qui prévoit différents critères – analyse, qualité, disponibilité et autres – pour la définition du trading à haute fréquence.
J’insiste sur le fait que l’amendement n° 227 vise le trading à haute fréquence pour compte propre, auquel, même en cherchant bien, il est difficile de trouver une utilité pour l’économie réelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 227, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 34
Supprimer les mots :
taxables au titre de l'article 235 ter ZD bis du code général des impôts
II. - Après l'alinéa 34
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Constitue une opération de négoce à haute fréquence, au sens du précédent alinéa, le fait d'adresser à titre habituel des ordres, en ayant recours à un dispositif de traitement automatisé de ces ordres caractérisé par l'envoi, la modification ou l'annulation d'ordres successifs sur un titre donné, séparés d'un délai inférieur à une seconde et présentant un taux d'annulation ou de modification excédant, sur une journée de bourse, deux tiers des ordres transmis.
« Constitue un dispositif de traitement automatisé, au sens du précédent alinéa, tout système permettant des opérations sur instruments financiers dans lequel un algorithme informatique détermine automatiquement les différents paramètres des ordres, comme la décision de passer l'ordre, la date et l'heure de passage de l'ordre ainsi que le prix et la quantité des instruments financiers concernés. Ne constituent pas des dispositifs de traitement automatisé, au sens du précédent alinéa, les systèmes utilisés aux fins d'optimiser les conditions d'exécution d'ordres ou d'acheminer des ordres vers une ou plusieurs plates-formes de négociation ou pour confirmer des ordres.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Les opérations de négoce dont la fréquence est inférieure à 0,5 seconde ;
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement porte sur le trading à haute fréquence, au sujet duquel M. Desessard vient de donner quelques explications. L’article 1er du projet de loi pose le principe d’une interdiction de ce trading, qui peut déstabiliser les marchés et qui pose des problèmes de sécurité et de loyauté.
Seulement, cette interdiction est largement vidée de sa substance par les modalités prévues à l’article 1er, qui la limitent aux seules opérations taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts. En pratique, 80 % à 90 % des opérations de trading à haute fréquence seront exonérées, puisque les opérations supérieures à 0,5 seconde ne sont pas taxables, ni celles qui, inférieures à 0,5 seconde, ont un taux d’annulation ou de modification inférieur à 80 % du volume des ordres d’achat ou de vente passés sur une journée. Autrement dit, si l’on s’arrange pour que ce taux soit de 79 %, on est tout à fait dans les clous !
C’est pourquoi je propose, d’une façon certes peut-être un peu brutale, que soient interdites toutes les opérations de trading à haute fréquence dont la fréquence est inférieure à 0,5 seconde. On aura du mal à me faire croire que maintenir l’existence de ce type de pratiques est absolument nécessaire à l’économie !
Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Supprimer les mots :
taxables au titre de l'article 235 ter ZD bis du code général des impôts ;
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le trading à haute fréquence constitue de manière évidente l’une des formes les plus avancées de la dérive des pratiques d’ingénierie financière.
Nous savons que la France a décidé, de façon originale, de mettre en place une taxation de ces opérations de trading. Pour l’heure, cette taxation repose sur l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts. Elle est appelée à devenir, à compter de 2015, une taxation de caractère européen, un certain nombre de nos partenaires ayant décidé de suivre la voie ainsi tracée. Ce n’est pas la toute première fois, depuis 1789, que la France est à l’avant-garde de l’Europe !
Au sujet de la taxation des transactions financières, nous avons quelques observations à formuler. La taxation prévue par l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts a fait l’objet de critiques nombreuses. À l’aune d’un certain nombre de constatations, il semble bien que le rendement de cette taxe pour sa première année sera plus faible que le rendement attendu. Cette situation est regrettable et rend encore plus discutable le choix d’universaliser la recette de la taxe au détriment de l’affectation prioritaire au développement du tiers-monde, principe fondateur de la taxe Tobin auquel nous étions favorables.
Le problème vient sûrement de la définition du trading à haute fréquence issue de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts, qui prévoit que la taxe sur les transactions financières n’est applicable que sous certaines conditions. En réalité, en l’état actuel de notre droit, la taxation du trading à haute fréquence n’existe pas ou presque. C’est pourquoi nous proposons que la référence explicite à l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts soit retirée de l’article 1er du projet de loi. Par ailleurs, nous défendrons un autre amendement visant à modifier cet article du code général des impôts.
Le fait de clarifier et de simplifier l’article 1er du projet de loi aurait l’avantage d’interdire purement et simplement l’ensemble des opérations de trading à haute fréquence. Il faut mettre un terme à ces pratiques financières particulièrement spéculatives et coûteuses !
Mme la présidente. L'amendement n° 117 rectifié, présenté par Mme Lienemann et MM. Chastan et Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Remplacer les mots :
taxables au titre de
par les mots :
telles que définies par
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mon objectif est le même que celui de nos collègues qui viennent d’intervenir, mais ma méthode est différente.
L’interdiction introduite par le projet de loi ne porte que sur les seules opérations « taxables au titre de l’article 235 ter ZD bis du code général des impôts ». Or 80 % à 90 % des opérations de trading à haute fréquence ne sont pas visées par cette taxe. Par cet amendement, il s’agit de supprimer la référence au trading taxable, et donc d’interdire toute forme de trading à haute fréquence.
Mme la présidente. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 35
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Les transactions impliquant un instrument financier dont l'élément sous-jacent est une matière première agricole, à moins que la contrepartie de la transaction puisse faire la preuve que ledit instrument couvre un risque lié à une activité commerciale ou industrielle effective.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à interdire toute opération de couverture de risque portant sur des matières premières agricoles qui ne serait pas liée à une activité commerciale ou industrielle réelle. Il appartiendra à l’autorité de contrôle de s’assurer que ces couvertures, qui peuvent être nécessaires, correspondent à une véritable activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. La commission demande le retrait des amendements nos 227, 41 rectifié, 81, et 117 rectifié, qui traitent du trading à haute fréquence. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable. Je rappelle d’ailleurs que ces amendements ont été examinés et rejetés par la commission des finances.
Comme je l’ai expliqué la semaine dernière, la méthode retenue ici n’est pas la bonne pour juguler le trading à haute fréquence. L’unité de temps, à savoir la seconde ou le dixième de seconde, n’est pas le bon critère. En réalité, l’unité de mesure serait plutôt de l’ordre du millionième, voire du milliardième de seconde ! L’adoption de ces amendements ne permettrait donc pas de limiter le trading à haute fréquence.
J’ai proposé un amendement, qui a été adopté par la commission et intégré dans l’article 4 sexies, utilisant une méthode différente. Celle-ci permet de pénaliser financièrement le trading, en frappant les annulations d’ordres. Car le vrai problème, c’est qu’un ordre exécuté s’accompagne de dizaines, voire de centaines de contrordres ou d’ordres d’annulation, qui perturbent le marché.
Il est donc envisagé que les plates-formes boursières sur lesquelles opèrent les traders à haute fréquence mettent en place un système de tarification pour les annulations d’ordres et les contrordres. Cela devrait permettre de répondre ainsi à votre préoccupation, mes chers collègues.
Quant aux amendements nos 68, 226 et 42 rectifié, ils traitent de la question du négoce sur matières premières, qui est interdit dans la filiale cantonnée. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir les retirer, au profit de ceux qui seront discutés après l’article 4 quater.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Au fond, il y a là deux familles d’amendements : la première porte sur le trading à haute fréquence et la seconde sur les produits dérivés de matières premières.
S’agissant du trading à haute fréquence, la pratique des acteurs des marchés financiers repose presque exclusivement aujourd’hui sur une assistance par des ordinateurs chargés de faire fonctionner des algorithmes à grande vitesse. Ce sont l’organisation et le fonctionnement même des marchés qui la rendent nécessaire. Il s’agit de modalités opérationnelles, qui ne sont pas, en elles-mêmes, mauvaises.
Ce qui est nuisible, en revanche, c’est ce qu’on appelle le trading à haute fréquence. Il s’agit de stratégies particulières et très sophistiquées d’arbitrage visant, en utilisant des transactions au millième de seconde, à dégager un profit sans apporter de bénéfice pour le marché. Telle est la définition qu’il convient d’en donner.
Ces pratiques spéculatives brouillent le marché et peuvent perturber gravement son fonctionnement. C’est bien cela que le Gouvernement entend réguler et, dans toute la mesure du possible, interdire.
La définition fournie par le code général des impôts ne doit pas être remise en cause. Vos amendements conduiraient à élargir largement le champ de l’interdiction à l’essentiel des activités de trading, ce qui n’a jamais été l’objectif recherché et irait beaucoup trop loin.
J’ajoute que plusieurs amendements adoptés à l’Assemblée nationale et par la commission des finances du Sénat sont de nature à répondre aux questions que vous soulevez.
Ainsi, la définition de la tenue de marché a été strictement encadrée ; l’adoption d’un amendement a permis de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’AMF ; un autre vise la sanction des tentatives d’abus de marché ; M. le rapporteur Yung a introduit l’obligation, pour les plates-formes de négociation, de se doter des moyens de faire face à ce type de transactions ; enfin, l’amendement n° 202 déposé par Mme Espagnac, sur lequel j’émettrai un avis favorable au moment de son examen, tend à parfaire ce dispositif déjà très complet.
Dans ces conditions, la discussion ayant déjà eu lieu devant la commission des finances, laquelle a considérablement amélioré les choses et trouvé un bon équilibre, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Quant aux amendements relatifs au négoce sur matières premières agricoles, auxquels je suis défavorable, ils visent à étendre les interdictions applicables à la filiale en matière de produits dérivés de matières premières agricoles, en interdisant toute opération, sauf à faire la preuve qu’elle assure la couverture d’un risque économique.
L’objet principal des transactions à terme sur les matières premières est de faciliter le transfert de risque des agents cherchant à se couvrir contre les fluctuations de cours vers des agents prêts à assumer ce risque. Ces derniers sont des opérateurs financiers qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché et dont l’intervention n’est pas, en soi, néfaste.
L’interdiction générale que vous proposez aurait à mon sens un effet pervers, qui serait de rendre très difficile, voire impossible la poursuite de leurs activités par les banques françaises actives auprès des acteurs de la filière agricole, ce qui n’est pas, manifestement, ce que recherchent les auteurs de ces amendements.
Là encore, le bon niveau de réglementation est européen, dès lors qu’on veut aller au-delà de l’interdiction prévue dans le projet de loi. Les discussions sont en cours dans le cadre de la directive sur les marchés d’instruments financiers. La France y défend une série de mesures ambitieuses pour mieux encadrer les activités sur les marchés dérivés de matières premières agricoles.
Les amendements nos 140 rectifié bis, 230 rectifié et 214 rectifié, déposés respectivement par les groupes socialiste, écologiste et du RDSE, reprennent les dispositions qui sont en cours de discussion à Bruxelles. J’y serai favorable lorsque nous en viendrons à leur examen. Ils permettent en effet la mise en place d’un dispositif très complet de mesures visant à assurer la transparence de ces marchés, leur suivi par l’AMF et l’encadrement des opérations sur ces marchés pour garantir leur bon fonctionnement et éviter les perturbations sur les marchés agricoles qui leur sont liés.
Il me semble que, si l’on arrive à combiner les dispositions de ces différents amendements avec ce qui est déjà dans le texte, on parviendra à renforcer à la fois le contrôle et la régulation, sans pour autant créer une interdiction, qui serait préjudiciable aux acteurs du secteur agricole.
Telles sont les raisons pour lesquelles, sans entrer dans le détail de ces amendements, que j’ai regroupés en deux familles, je demande leur retrait au bénéfice des autres amendements que je viens de citer. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 68.
M. Thierry Foucaud. M. le ministre vient de reconnaître qu’il y a de la spéculation. Or, justement, l’amendement n° 68 vise à prendre en compte cette situation, par la formulation d’un certain nombre de propositions.
Je souhaite auparavant rappeler quelques éléments de fond, qui justifient pleinement notre volonté de tordre le cou à la spéculation sur les matières premières agricoles.
Tout d’abord, cette spéculation s’est particulièrement développée et sophistiquée depuis plusieurs décennies, atteignant un très haut niveau de dématérialisation des échanges et transformant radicalement les modalités habituelles de transaction pour ces matières.
Comme nous l’avions souligné dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, nous sommes aujourd’hui confrontés à un certain nombre de paradoxes. Par exemple, la riante et verdoyante île de Jersey est devenue, de fait, la première exportatrice de bananes en Europe ! (Exclamations ironiques sur plusieurs travées.) La commission d’enquête, s’étant rendue sur place, n’a toutefois pas pu constater la présence du moindre bananier sur le territoire de l’île anglo-normande. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) C’est ainsi, monsieur Caffet ! Nous proposons des solutions et vous les refusez !
Ensuite, le prix des denrées agricoles, et singulièrement des céréales, a connu, depuis le développement des marchés de vente à terme sur ces produits, une progression continue, alors que le nombre des exploitants avait tendance à se réduire et le revenu des agriculteurs à stagner ou baisser. L’organisation non gouvernementale Oxfam l’a d’ailleurs souligné dans un rapport récent, qui met en question l’attitude de banques telles que BNP Paribas, BPCE Natixis – cette banque d’investissement est désormais juridiquement séparée des activités de détail de BPCE –, le Crédit agricole et la Société générale. Comme par hasard, il s’agit de nos quatre établissements considérés comme « too big to fail », bien qu’ils présentent les caractéristiques du risque systémique, puisqu’ils participent à des fonds d’investissement dont une partie des actifs consiste en produits financiers dérivés de matières agricoles.
Pour aller vite, pendant que les planteurs de bananes du Costa Rica, de Colombie ou de Martinique sont rançonnés, les fonds d’investissement œuvrant sur les matières premières agricoles engrangent des bénéfices destinés à augmenter le rendement de fonds de pension, peut-être ceux des retraités floridiens ! De la même manière, alors qu’une partie des pays d’Afrique subsaharienne souffre d’une couverture insuffisante de leurs besoins alimentaires primaires, la moindre sécheresse temporaire australienne offre l’opportunité d’un relèvement des cours du blé ou du maïs à terme rapproché, ce qui dégage une rentabilité complémentaire pour les fonds d’investissement.
La spéculation peut évidemment toucher d’autres produits, non seulement les céréales, mais aussi, par exemple, les fruits, les agrumes en vrac ou préparations, les produits de l’élevage. Peut-être direz-vous que là n’est pas la question. Mais le problème, selon nous, c’est que la moindre information, la moindre pénurie, qu’elle soit potentielle ou avérée, est l’occasion de dégager un profit complémentaire. Et ce profit, il va au fonds d’investissement, non au producteur !
La France doit clairement donner l’exemple, en se refusant à laisser pratiquer cette spéculation sur la faim, qui accompagne, comme notre collègue Desessard l’a dit tout à l’heure, les fonds souscripteurs de produits financiers dérivés ou, plus encore peut-être, de produits purement indiciels dans le droit fil des activités notamment du MATIF, le Marché à terme des instruments financiers de la Bourse de Paris, ce lieu où se déroule une bonne part des transactions sur matières agricoles.
Il nous semble, d’ailleurs, que nous aurions un autre rôle à jouer sur le plan de la santé et de la sécurité alimentaire de l’ensemble des populations de la planète. Et il serait, bien sûr, préférable d’emprunter d’autres voies que celles de la spéculation sur dérivés et indices !
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous avons proposé cet amendement auquel vous êtes défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l’amendement n° 226 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Le principe de la filiale, c’est d’intégrer les actions de spéculation de la banque. Et l’on a été jusqu’à dire que les banques ne pourront spéculer sur les matières premières agricoles, même au sein de la filiale.
Notre amendement tendait à étendre cette interdiction à la maison mère. Nous visions non les spéculations de la banque elle-même sur ses fonds propres, mais d’autres spéculations. M. le ministre affirme qu’il faut examiner cette question à l'échelon européen. Le propos est sensé, parce qu’il y a un degré de risque dans la négociation. Et il est vrai que les matières agricoles ne doivent pas faire l’objet de multiples transactions, car elles peuvent être à l’origine de crises alimentaires.
Monsieur le ministre, il m’a été agréable de vous entendre dire deux choses : tout d’abord, vous êtes bien conscient du problème, même si vous vous réservez de le traiter au niveau européen. Ensuite, vous serez favorable à nos amendements ultérieurs, qui tendent vers davantage de contrôle et qui ont pour objet de réduire le nombre de transactions.
Je ne puis être entièrement satisfait, parce que j’aurais aimé que M. le ministre et M. le rapporteur nous donnent raison et soient d’accord pour nous rejoindre. Or ils se sont contentés d’accepter de faire une partie du chemin avec nous, mais sans aller aussi loin que nous.
Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 226 est retiré.
Monsieur Desessard, l’amendement n° 227 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. M. le rapporteur a souligné qu’il comprenait très bien l’objet de cet amendement, mais qu’il était difficile de compter au millième de seconde près. Et il nous fait une proposition, dont nous avions discuté et qui semble techniquement possible : taxer l’ensemble des opérations qui n’ont servi à rien, afin d’éviter qu’elles ne se reproduisent. Il s'agirait, en quelque sorte, d’un frein à la spéculation.
Je me range à cette proposition de M. le rapporteur, car elle prend ce problème en considération et constitue une première alerte. Et comme nous l’avons souligné au cours de la discussion générale, il faut avoir conscience qu’un ensemble de mesures seront prises au niveau européen. Aujourd’hui, nous franchissons un palier qui, à défaut d’être suffisant, nous place en bonne position pour participer à cette concertation européenne.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 227 est retiré.
Monsieur Collombat, les amendements nos 41 rectifié et 42 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Pierre-Yves Collombat. J’ai un peu de mal à comprendre la logique des propos qui nous sont tenus. Le texte était clair, en apparence : les filiales peuvent réaliser deux opérations particulières, le trading haute fréquence et des opérations sur un instrument financier à terme dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole.
À première vue, il s'agit véritablement d’une innovation extraordinaire. Toutefois, après lecture attentive du texte, on s’aperçoit que la définition même de ce qui est interdit au titre de l’article 235 ter Z bis du code général des impôts conduit à exclure une bonne partie de ces opérations, de sorte que la disposition puisse être contournée.
Convenant de la complication du dispositif, le rapporteur envisage plutôt de créer une taxe sur les annulations. Celles-ci sont, en effet, révélatrices de manœuvres spéculatives. Pourquoi pas ? Mais alors, il faut rédiger le texte autrement et dire que l’on taxe. Et il faut préciser que l’on ne taxe pas seulement les filiales, mais tous les opérateurs de ce type de pratiques.
S’agissant des produits dérivés sur les produits agricoles et des transactions sur les matières premières agricoles, le sens de mon amendement était plutôt d’autoriser les opérations liées à une véritable activité. On me dit que ce n’est pas du tout cela, que cette proposition n’empêchera pas de continuer à trafiquer et à fournir des produits dérivés sur les produits agricoles.
Ainsi, les transactions fictives en matière de produits agricoles pourraient continuer. Je n’y comprends plus rien ! Je veux bien suivre le rapporteur qui m’affirme que l’on essaiera de régler ce problème plus tard, après l’article 4 quater. Cela reviendrait à dire que l’on ne peut pas faire de spéculation sur les produits et les matières premières agricoles. Pour ma part, je veux bien vous suivre et vous faire confiance, monsieur le rapporteur, mais je n’ai guère de certitudes en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur. Je veux apporter deux précisions pour tenter de clarifier le débat.
S'agissant du trading à haute fréquence, ce qui a été proposé et accepté, puisque cela figure dans le texte, c’est de mettre en place non une taxation, c’est-à-dire une sorte d’impôt, mais un tarif. On demande aux entreprises qui gèrent ces systèmes de mettre en place un tarif dissuasif pour les annulations, mais le produit recueilli ne reviendra pas à l’État.
M. Jean Desessard. D’accord !
M. Richard Yung, rapporteur. Quant à l’autre question, monsieur Collombat, à savoir le négoce des matières premières, nous sommes saisis d’une série d’amendements dont la discussion a été renvoyée à l’article 4 quater. C’est la raison pour laquelle je vous proposais de reprendre la discussion à ce moment-là, mais je ne puis vous garantir que l’ensemble de ces propositions vous donneront complètement satisfaction.
Mme la présidente. Après ces explications, maintenez-vous vos amendements, monsieur Collombat ?
M. Pierre-Yves Collombat. Je retire l’amendement n° 42 rectifié. En revanche, je maintiens l’amendement n° 41 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Lienemann, l’amendement n° 117 rectifié est-il maintenu ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On le voit bien, nous en sommes encore aux balbutiements quant à la capacité à réguler de manière efficace ce trading haute fréquence. J’en conviens, mon amendement n’était pas forcément d’une opérationnalité totale !
Je m’en tiens à ce que nous dit notre rapporteur, qui a cherché une première voie pour essayer d’améliorer ce dispositif. Toutefois, lorsque j’entends M. le ministre, je ne puis m’empêcher d’être dubitative.
On nous explique tous les jours à la radio ce que les marchés demandent et ce qu’il faudrait faire pour les satisfaire. Passionnée de mathématiques, je sais que les marchés sont des algorithmes mathématiques. Or je ne confierai pas la destinée de l’humanité et de nos économies à des algorithmes qui, à epsilon près, peuvent changer du tout au tout ! Je pense que ce trading haute fréquence est particulièrement nocif à nos économies.
Un premier pas est franchi. Il faudra aller plus loin. Je me range à l’avis du rapporteur de débattre de ce sujet à l’article 4 quater et je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 117 rectifié est retiré.
L'amendement n° 139 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Filleul, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 40
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’assure également que les rémunérations des personnels chargés de ces opérations sont fixées de façon cohérente avec les règles d’organisation et de fonctionnement assignées aux unités internes mentionnées au présent article, et n’encouragent pas la prise de risque sans lien avec leurs objectifs.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les dispositions de cet amendement concernent la rémunération et le contrôle par l’Autorité de contrôle prudentiel de la rémunération de ce que l’on appelle le desk.
Deux objectifs sont ici visés. D’une part, faire en sorte que la part variable des rémunérations des traders soit liée au résultat réel et au fait qu’ils aient tenu les objectifs qui leur ont été fixés ; d’autre part, permettre à l’ACPR de mieux vérifier que les objectifs donnés correspondent bien à ceux qui sont annoncés.
Je vous rappelle que, la semaine dernière, la commission des finances a introduit un contrôle de l’ACPR dans les limites de risques fixées aux unités internes de banque. L’efficacité de l’article 1er repose, en effet, sur la capacité de l’ACPR à contrôler l’organisation interne des banques concernées, qui doit assurer une distinction claire entre les services aux clients et les activités spéculatives pour leurs comptes propres.
Or la rémunération des traders, notamment leurs parts variables, est l’un des critères essentiels à partir desquels l’ACPR pourra identifier les intérêts poursuivis, notamment en matière de tenue de marché.
En attendant la pleine transposition de la directive CRD IV dont les négociations s’achèvent aujourd’hui, il nous semble essentiel d’inscrire dès maintenant dans la législation française le principe selon lequel le calcul de l’assiette des rémunérations variables évaluées au niveau du desk devra tenir compte de la part des revenus directement tirés de l’activité pour laquelle le desk a été constitué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Mme Lienemann a bien expliqué son amendement. Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Cette disposition de bon sens s’explique par son texte même. Elle est orientée plus précisément vers les traders, vers le desk.
Nous examinerons plus tard d’autres amendements sur les problèmes plus généraux de rémunérations.
En l’état actuel des choses, j’émets, au nom de la commission, un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. J’approuve totalement cet excellent amendement, madame Lienemann. L’avis du Gouvernement est donc favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. C’est un excellent amendement, que j’ai très envie de voter. Néanmoins, j’ai besoin d’une petite précision.
Lorsque vous écrivez, madame Lienemann : « et n’encouragent pas la prise de risques sans lien avec leurs objectifs », de quels objectifs s’agit-il ? Pour les traders, l’objectif peut être de gagner le plus d’argent possible.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est cela !
M. Jean Desessard. D'accord.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 21 mars 2013 :
À neuf heures quarante-cinq :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 365, 2012-2013) ;
Rapport de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des finances (n° 422, tomes I et II, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n°423, 2012-2013) ;
Avis de M. Yannick Vaugrenard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 427, 2012-2013) ;
Avis de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois (n° 428, 2012-2013).
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
2°) Questions cribles thématiques sur l’Europe de la Défense.
À seize heures et le soir :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 21 mars 2013, à zéro heure quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART