M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. En proposant de supprimer cet article, les auteurs du présent amendement veulent conserver à 12,5 % des inscrits le seuil pour le maintien au second tour.
Le Gouvernement émet un avis favorable, conformément à l’engagement pris devant la Haute Assemblée.
Mme Jacqueline Gourault. Cet amendement est meilleur que les deux premiers ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Bien meilleur !
M. le président. En conséquence, l’article 26 est supprimé et les trois amendements identiques nos 44 rectifié, 158 et 331 n’ont plus d’objet.
Cependant, pour la bonne information du Sénat, je rappelle que l'amendement n° 44 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, l'amendement n° 158, présenté par MM. Maurey, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC, et l'amendement n° 331, présenté par M. Delebarre, au nom de la commission, étaient ainsi libellés :
Alinéa 1, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Article additionnel après l’article 26
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par MM. J. Boyer et Roche, est ainsi libellé :
Chaque arrondissement conserve un sous-préfet pour les territoires situés en zone de montagne au sens de l'article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, et pour les territoires situés en zone de revitalisation rurale.
La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Mes chers collègues, vous le savez, dans les zones de montagne comme dans les zones de revitalisation rurale, ou ZRR, le sous-préfet joue un rôle déterminant au service de l’aménagement et de l’organisation du territoire. Son maintien au cœur des espaces difficiles que sont les zones de montagne représente un véritable enjeu pour l’avenir de notre pays. Il s’agit en effet de garantir l’égalité territoriale partout en France, et partant d’éviter une rupture administrative qui pourrait se révéler dévastatrice.
De plus, avec l’apparition des nouveaux cantons, le sous-préfet assurera plus que jamais le lien de l’État central avec l’administration décentralisée de notre pays. Il constituera le dernier rempart contre la désertification administrative qui risque de survenir si l’on ne maintient plus, dans leur essence même, les services publics et les services au public, en milieu rural et tout particulièrement au sein des ZRR.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je souhaite obtenir un éclaircissement de la part de M. le ministre, sur un point très précis. Actuellement, les ZRR sont découpées au niveau de cantons qui seront supprimés dans peu de temps. Quel sort sera réservé aux territoires bénéficiant du régime de la ZRR, aujourd’hui organisés en cantons, dès lors qu’ils seront englobés dans des zones plus vastes, dont l’ensemble ne sera naturellement pas classé en zone de revitalisation rurale ?
L’enjeu est important pour les entreprises, notamment sur le plan fiscal.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. J’accepte de répondre à cette question, même si je souligne que ce sujet est, en lui-même, totalement indépendant.
En effet, les politiques de revitalisation rurale concernent des communes, des communautés de communes,…
M. Jean-Claude Lenoir. Et avant tout des hommes !
M. Manuel Valls, ministre. … et des citoyens. Ces territoires ne sont donc pas définis en fonction des seuls cantons et ils seront maintenus en ZRR. Des adaptations pourront naturellement être apportées à la marge, à la suite de la révision de la carte cantonale. L’État suivra de près ces évolutions.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, avec une pointe d’ironie à cette heure avancée, je vais vous demander beaucoup d’efforts d’imagination : au-delà du binôme, je vous invite en effet à concevoir la réunion de deux personnes en une seule, puisque je vais m’exprimer au nom de mon collègue Paul Vergès ! (Sourires.)
Ces deux projets de loi préfigurent ce que sera ou ce que pourrait être l’acte III de la décentralisation. Si la volonté du Gouvernement est de ne pas toucher à l’architecture actuelle des collectivités territoriales pour la France hexagonale, il convient de rappeler que la situation à la Réunion est tout à fait singulière, et ce sur tous les plans, économique, social, politique et, bien sûr, institutionnel.
La loi du 19 mars 1946 montre aujourd’hui, de toute évidence, qu’elle n’est plus à même de répondre aux défis nouveaux du développement de l’île, et qu’elle a épuisé toutes ses possibilités.
Comme notre collègue Maurice Antiste vient de le rappeler, la Martinique et la Guyane ont opté pour une collectivité unique. Pour l’heure, la Guadeloupe et la Réunion restent dans le droit commun. Aussi voient-elles, sur leur territoire, fonctionner à la fois un conseil général et un conseil régional.
Nous n’avons jamais caché qu’il fallait procéder à une rupture historique.
Depuis quelques mois, la presse réunionnaise se fait l’écho d’analyses et de commentaires qui convergent vers une même conclusion : le statu quo institutionnel n’est plus possible. Il nous faut ouvrir une nouvelle page et tourner celle de la loi de 1946.
Les deux textes que nous examinons aujourd’hui ne prennent en compte ni la réalité géographique de l’île – je songe notamment aux possibilités d’intégration dans l’environnement immédiat – ni sa réalité économique, ni sa réalité institutionnelle.
Comme nous l’avons souligné en première lecture, contrairement à la Guadeloupe, qui a la faculté de réunir un Congrès, la Réunion, en vertu d’une disposition spécifique et particulière, se voit privée du droit d’exprimer son opinion. Pour que ce droit ne lui soit plus interdit, il faudrait mener à bien une réforme institutionnelle. Il appartient au Gouvernement d’en prendre l’initiative, aboutissant à la consultation de la population réunionnaise sur les modalités et les objectifs d’une réforme des institutions adaptée à la situation de cette île.
Dès lors, il est évident que ces deux textes ne sont pas adaptés à la situation spécifique de la Réunion.
L’ensemble de ces raisons expliquent notre position sur ce projet de loi, qui n’a pas changé depuis la première lecture.
Je précise que Paul Vergès n’a pris part à aucun des votes sur les amendements et qu’il ne prendra pas part au vote final de ces deux textes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le binôme était notre principal sujet de divergence avec le Gouvernement. Sans doute ce dispositif sera-t-il adopté, étant donné qu’il y a une majorité à l’Assemblée nationale pour ce faire et que nos collègues députés pourraient avoir le dernier mot.
Toutefois, l’opposition sénatoriale a rappelé son hostilité à ce système. Mieux, le Sénat a confirmé, sur ce point, le vote qu’il avait émis en première lecture.
Néanmoins, sur le volet relatif à l’intercommunalité, nous avons abouti à un compromis concernant les questions du seuil et du fléchage. Cet enjeu me semble important. Bien sûr, telle ou telle commune pourra émettre des réserves, mais, en définitive, le présent texte atteint un bon équilibre et traduit un certain consensus.
En outre, grâce notamment à Alain Richard et à notre rapporteur, nous avons assoupli les conditions de désignation des conseillers intercommunaux. Je pense qu’il s’agit d’une avancée. L’Assemblée nationale avait en effet conservé le système initial sans s’arrêter sur cette question. Mais il est vrai qu’alors il n’y avait pas de texte du Sénat !
L’avancée est claire également en ce qui concerne la délimitation des cantons. Pour l’instant, leur nombre ne change pas, mais cela évoluera peut-être. Je crois qu’il est bon d’avoir élargi à 30 % la possibilité de variation par rapport à la moyenne des cantons du département, tout en respectant l’esprit des décisions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. À ce sujet, monsieur Richard, vous n’avez pas cité la décision du Conseil constitutionnel sur la réforme du Sénat, aux termes de laquelle le Sénat peut représenter des territoires, et pas seulement une population !
M. Alain Richard. Exactement ! Ainsi que les diverses catégories de communes !
M. Jean-Jacques Hyest. Cette décision est extrêmement importante, car elle limite les possibilités de tripatouillage pour ce qui est de la représentation au Sénat…
Enfin, monsieur le ministre, en émettant un avis favorable sur l’amendement n° 271 rectifié de notre collègue Albéric de Montgolfier à l’article 26, vous tenez fidèlement l’engagement pris devant le Sénat de favoriser une ouverture sur le sujet. De ce fait, l’abaissement du seuil de maintien au second tour à 10 % des inscrits ne s’appliquera pas tout de suite. Nous avons bien compris que nous n’avions pu examiner ce point sérieusement en première lecture, du fait des conséquences des votes précédents, mais que vous étiez prêt à faire une ouverture sur ce sujet, et vous l’avez aujourd’hui prouvé.
En revanche, nous le répétons, nous ne sommes pas satisfaits des dispositions qui concernent Paris.
Monsieur le ministre, en première lecture, on peut tout rejeter, mais, en deuxième lecture, il me paraît important que le Sénat aboutisse à un texte. Celui-ci ne nous satisfait pas complètement, mais il contient beaucoup d’avancées positives ; aussi le groupe UMP s’abstiendra-t-il.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos débats sur ce projet de loi auront une nouvelle fois été particulièrement riches. Ils n’auront pas duré trente-deux heures, comme en première lecture, mais je crois que nous avons largement débattu de l’ensemble des dispositions qui nous étaient soumises.
Le Sénat a encore su démontrer sa fine connaissance des territoires. Je me félicite que nos débats aient été plus apaisés qu’en première lecture, notamment sur la question de la parité. Je veux remercier pour son travail précieux le rapporteur, Michel Delebarre, et saluer l’attachement du président de la commission des lois, notre collègue Jean-Pierre Sueur, à favoriser le dialogue entre sénateurs et la convergence sur des points forts, d’abord en commission puis tout au long de l’examen de ce texte en séance publique.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Oui !
M. Philippe Kaltenbach. Je voudrais également attirer l’attention sur la volonté du ministre de l’intérieur et du Gouvernement de prendre en compte les travaux de la Haute Assemblée durant la deuxième lecture de ce projet de loi.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez su souvent entendre les revendications du Sénat, qui s’emploie à relayer les attentes des élus locaux. Vous avez eu à cœur d’associer, par un certain nombre de concessions sur le contenu de votre texte, la chambre haute à la définition du futur projet de loi. Vous avez démontré par là votre grand sens de l’écoute et du compromis. Vous avez fait preuve d’un profond respect pour le rôle que doit jouer notre institution. Je tenais à vous en remercier.
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
M. Philippe Kaltenbach. Je pense qu’il est essentiel que ce texte soit adopté, et je suis rassuré par l’intervention de M. Hyest qui, en annonçant l’abstention du groupe UMP, lève le suspens sur le vote final. Il est très important que le Sénat soit présent dans la suite du débat parlementaire, et ce sera le cas s’il peut se prévaloir d’un texte qu’il aura voté.
Malheureusement, l’article 2 n’y sera pas. Je regrette que la Haute Assemblée n’ait pas souhaité s’associer à la révolution de la parité dans les conseils départementaux que représentera l’instauration du scrutin binominal.
La Haute Assemblée a toutefois su adopter de nouvelles propositions fortes, que nous aurons à cœur de défendre dans la suite du débat parlementaire. Je pense au « tunnel » à plus ou moins 30 % pour le redécoupage des cantons, qui va donner beaucoup plus de souplesse pour prendre en compte la spécificité des territoires, et notamment des territoires ruraux. C’était une demande forte des élus locaux et je crois que notre assemblée a su se faire entendre du Gouvernement.
Je vois une autre avancée consacrée par notre texte, et qu’il faudra préserver, à savoir le fléchage pour l’intercommunalité, qui ne sera pas limité au début de la liste mais qui pourra être plus large. C’était également une demande forte de tous ceux qui seront amenés, dans un an, à constituer des listes et à mener des campagnes électorales. Ils ne voulaient pas être contraints à suivre l’ordre de la liste pour désigner les élus communautaires. Par ce vote et ce fléchage intercommunal, nous offrons des marges de souplesse pour la constitution des listes municipales.
Concernant l’élection des conseillers municipaux au scrutin de liste, le consensus s’est fait autour d’un seuil à 1 000 habitants. C’est un juste compromis entre ceux qui souhaitaient 0 ou 500 et ceux qui voulaient 1 500. Nous avons là un point d’équilibre qu’il nous faudra maintenir.
Nous avons enfin souhaité revenir sur la diminution de deux unités des effectifs des conseils municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, votée par l’Assemblée nationale. Le texte revient à la situation antérieure, et je crois qu’il fallait rendre hommage à l’action de ces élus municipaux, totalement bénévoles et souvent indispensables à la vie locale.
Là encore, le Sénat a démontré qu’il savait entendre l’inquiétude de celles et ceux qui œuvrent quotidiennement, dans nos territoires les plus ruraux, à faire vivre l’action publique.
Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore puisque le débat a été riche et le texte largement amendé, l’adoption de ce projet de loi permettra de moderniser la vie démocratique de nos territoires. Le groupe socialiste est extrêmement satisfait que nos travaux conduisent en seconde lecture à l’adoption d’un texte au Sénat ; il convient maintenant de continuer à le faire vivre.
Mes chers collègues, le groupe socialiste vous invite soit à adopter ce projet de loi ainsi modifié, soit, si vous n’êtes pas complètement convaincus, à vous abstenir ― je pense ici aux élus centristes ainsi qu’à nos partenaires ― pour permettre ainsi au débat parlementaire de se poursuivre.
M. Jacques Mézard. Vous devriez également féliciter le président du groupe socialiste ! (Sourires.)
M. Philippe Kaltenbach. Et je félicite, à la demande du président Mézard (Nouveaux sourires.), le président Rebsamen, qui a su suivre ce texte avec attention et qui, grâce à ses interventions particulièrement pertinentes, fait aujourd’hui que le Sénat peut se rassembler sur un texte qui lui permet de continuer à défendre nos territoires et les élus locaux.
Le groupe socialiste votera donc ce texte et le débat pourra se poursuivre : que tous ceux qui ont d’ores et déjà contribué à l’animer soient remerciés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Cette réforme n’est pas consensuelle, particulièrement en ce qui concerne le binôme, mais cela, nous le savions avant même de commencer nos travaux.
Je tenais cependant à dire qu’en dépit de ce désaccord de fond la qualité du climat et du travail en commission des lois a participé très largement à l’amélioration de ce texte. Nous avons retrouvé cette qualité dans l’hémicycle, à la fois dans le travail et dans le climat, et je crois que l’on peut rendre hommage sur ce point également au ministre.
J’ajoute que j’ai ressenti de la tristesse en entendant tout à l'heure le président Mézard invoquer une sorte de crépuscule de l’institution parlementaire et l’impuissance du Parlement.
Je ne partage pas entièrement cette opinion ― quoique… ―, parce qu’il me semble que la récente révision constitutionnelle a plutôt augmenté les pouvoirs du Parlement, en renforçant les pouvoirs des commissions ou en supprimant un certain nombre de méthodes de « rationalisation du parlementarisme ».
Il n’en reste pas moins que nous en sommes aujourd’hui à nous demander si le passage du « tunnel » de 20 % à 30 % ne risque pas d’encourir la censure du Conseil constitutionnel. Je me permets tout de même de rappeler qu’il est inscrit dans la Constitution que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Si nous allions vers un gouvernement des juges, il resterait tout de même la possibilité au Parlement, et vous savez que, sur ce point, le Sénat dispose de pouvoirs équivalents à ceux de l’Assemblée nationale, de faire préciser dans le texte de la Constitution ― après tout, nous serons bientôt saisis d’une révision constitutionnelle ― que la représentation du territoire est également fondamentale.
Mes chers collègues, les chiffres sont sans doute assez grossiers, mais ne dit-on pas que 80 % des personnes vivent en secteur urbain sur 20 % du territoire ? Cela signifie qu’il y a, certes, 20 % des personnes qui vivent en secteur rural, mais sur 80 % du territoire.
M. Pierre-Yves Collombat. Et 50 % entre les deux !
M. Jean-René Lecerf. Cette proportion ne peut aller qu’en progressant. Cela prouve que les territoires ruraux deviennent fondamentaux, non seulement pour les ruraux, qui y habitent, mais également pour les citadins, qui en ont besoin pour leur détente, leurs loisirs et leur oxygène.
Si le Conseil constitutionnel ne parvenait pas à le comprendre, il faudrait peut-être que le Parlement l’y aide en modifiant la Constitution…
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Nous arrivons donc au terme de nos débats avec le sentiment, malgré l’heure tardive, d’un travail inachevé et même, pour partie, précipité.
Dans la discussion générale, nous parlions déjà d’un rendez-vous manqué. Cependant nous noterons avec satisfaction que nos débats furent à la hauteur des enjeux, tant dans le contenu des diverses propositions portées par toutes les sénatrices et sénateurs qui se sont exprimés, que dans l’écoute dont chacune et chacun d’entre nous a fait preuve.
Il est d’autant plus regrettable que nos débats n’aient pas débouché sur des modifications substantielles de ce texte.
Vous aviez pourtant, monsieur le ministre, une majorité prête à soutenir des propositions que vous auriez pu entendre. Si vous n’aviez pas refusé de bouger sur les articles importants, il eût été possible de parvenir à un accord, nous en sommes encore persuadés.
Malgré des conditions d’examen limitées en termes de temps, voire presque irrespectueuses pour la Haute Assemblée, nous avions dès le début tenu à souligner les nombreux points d’accord sur lesquels nous nous retrouvions, et qui demeurent.
Oui, nous restons favorables au changement de nom des conseillers généraux, à la nécessité de revoir le mode de scrutin et de modifier le périmètre des cantons, compte tenu d’insupportables inégalités, notamment démographiques.
Oui, nous vous soutenons dans votre objectif de favoriser le franchissement d’un pas décisif vers la féminisation de nos assemblées départementales, mais d’autres solutions existaient qui ne nécessitaient pas de recourir à ce scrutin binominal dont on ne tardera pas à découvrir les limites.
Oui, nous vous soutenons quand vous repoussez les dates des futures élections départementales et régionales, ou quand vous élargissez le nombre des communes qui dorénavant éliront leur conseil municipal au scrutin de liste, même si nous regrettons que beaucoup de communes soient encore exclues d’un mode de scrutin pourtant au service du développement de notre démocratie locale et renforçant la parité dans les conseils municipaux.
Certes, les articles 2 et 20, au cœur de ce projet de loi, nous semblaient devoir être fortement revus.
S’agissant de l’article 20 et la désignation des délégués communautaires, il suffisait de faire vôtre le choix majoritaire exprimé par les élus locaux à qui nous avions donné la parole à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat, il y a quelques mois.
Aussi notre proposition, loin d’être dogmatique, était raisonnable et respectueuse d’un avis largement partagé par des élus de divers horizons.
Pour ce qui concerne l’article 2, relatif au mode de scrutin pour les élections départementales, il est vrai que le chemin de l’accord était plus difficile. Toutefois, vous auriez dû regarder de plus près notre position de repli, y compris en engageant un dialogue tant en amont de ce projet de loi qu’à l’occasion de l’examen des propositions que nous avons formulées.
La liste départementale, que nous avions proposée, corrigeant, grâce à la proportionnelle, les excès du scrutin majoritaire s’appliquait, rappelons-le ici, sur la base d’un scrutin territorialisé, qui aurait d’ailleurs pu être « binomique ». D’autres de mes collègues ont aussi suggéré de sectoriser les départements pour introduire un scrutin proportionnel au plus près des électeurs, en vue de répondre au besoin de proximité que vous avez tant évoqué.
Chacun le sait – vous-même, monsieur le ministre, tout comme les sénateurs socialistes –, les solutions ne manquaient pas pour trouver une solution qui aurait pu réunir une majorité sénatoriale. Malheureusement, le chemin de la concertation ne fut pas le vôtre. Assuré d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale, vous avez fait le choix de passer ici en force, ce que nous regrettons. Eu égard à l’importance numérique et à l’hégémonie du groupe socialiste, vous pouvez rester sourd aux propositions de vos partenaires…
M. Jean-Claude Lenoir. Eh bien !...
M. Christian Favier. … et parfois aussi aveugle aux réalités qui vous entourent et aux opinions qui s’expriment. Nous le regrettons.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, nous ne pourrons voter en faveur de ce texte. Pour cette deuxième lecture, il nous a fallu choisir entre un vote « pour » ou un vote « contre ». En effet, notre position d’abstention, synonyme d’ouverture au dialogue, en première lecture, n’est plus de mise en deuxième lecture, dans la mesure où vous n’avez pas saisi la perche que nous vous avons tendue.
C'est pourquoi nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, tout en déplorant que les dispositions adoptées n’aient pas plutôt trouvé leur place dans un futur projet de loi de décentralisation. Comme certains de nos collègues l’ont souligné, nous aurions ainsi pu mettre en adéquation le nouveau mode de scrutin pour les conseillers départementaux avec les missions de la collectivité territoriale qu’ils seront appelés à gérer. Cela nous aurait sans doute permis de parvenir à des solutions plus satisfaisantes.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Au terme de ce débat de grande qualité, qui s’est déroulé dans une ambiance sereine, le Sénat a dégagé une position. Le Sénat aboutit ce soir à un texte, et il est important qu’il en soit ainsi.
En effet, dans un système bicaméral, il faut que les deux chambres puissent dialoguer dans l’enceinte où elles sont seules, c'est-à-dire lors de la réunion de la commission mixte paritaire. C’est là que le Parlement exerce la plénitude de son pouvoir. Pour ce faire, encore faut-il que chacune d’entre elles présente un texte,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Michel Mercier. … identique ou différent. En l’espèce, le Sénat présentera un texte différent, et c’est bien ainsi.
Je veux avant tout remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à l’élaboration de ce texte : le président de la commission des lois, le rapporteur, le ministre, qui a fait les efforts nécessaires, ainsi que tous nos collègues, ceux de la majorité, un tout petit peu, ceux de l’opposition, beaucoup plus,…
M. Michel Delebarre, rapporteur. Énormément !
M. Michel Mercier. … sinon, cela n’aurait pas de sens !
Quoi qu’il en soit, le Sénat a dégagé une position.
Il faut le rappeler, le Sénat a rejeté, par deux fois, le système binominal. On peut s’en réjouir ou le regretter, mais c’est ainsi, et telle est la position du Sénat.
En revanche, toutes les questions relatives aux élections des conseils municipaux et de l’intercommunalité ont fait l’objet d’un accord assez large. Le seuil d’application du scrutin de liste fixé à 1 000 habitants, un mode de scrutin maintenant complètement entré dans nos mœurs, est une bonne chose. Nous avons pu dire haut et fort ce que nous en pensions, et, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, cette position sera défendue non pas de manière un peu subreptice, mais comme le fruit assumé d’une véritable décision de l’assemblée qui représente les collectivités territoriales. Nous pouvons nous en réjouir.
Nous avons également su adopter un certain nombre de mesures, sur l’intercommunalité, avec, notamment, une désignation des conseillers communautaires qui sera un peu plus liée au suffrage universel, même s’il nous faudra probablement, un jour, aller encore plus loin, et sur le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ainsi que du Conseil d’État.
En la matière, ne regrettons pas de devoir appliquer les décisions du Conseil constitutionnel. Nous sommes – on s’en gargarise assez souvent ! – dans un État de droit, ce qui implique que le Parlement ne peut pas faire ce qu’il veut ; il doit respecter les règles constitutionnelles. Elle est assez récente dans notre système institutionnel, mais cette juridiction est chargée de faire appliquer la Constitution, ce qui est, me semble-t-il, là aussi un progrès.
Sans revenir sur tous les points qui ont fait consensus – car ce texte contient d’autres dispositions satisfaisantes –, je me félicite, en tant qu’élu centriste, que l’on ait décidé de retenir, pour le maintien au second tour, non pas les deux candidats arrivés en tête, mais tous ceux qui auront réussi à obtenir les suffrages de 12,5 % des inscrits. C’est très bien ainsi, et c’est aussi en quelque sorte une avancée de la démocratie.
Même s’ils ont des divergences de vues sur certains points, les membres du groupe centriste sont satisfaits que le Sénat dispose, à l’issue de nos travaux, d’un texte clair et, en s’abstenant, ils vont faire en sorte que ce projet de loi puisse exister. (M. Philippe Kaltenbach applaudit.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Notre groupe votera majoritairement ce projet de loi.
Il fallait qu’il y ait un texte du Sénat, et la rédaction qui nous est proposée satisfait, je dois le dire, la majorité d’entre nous, l’article 2 n’ayant pas été adopté.
Je note par ailleurs des évolutions tout à fait positives grâce aux efforts de chacun, aux propositions formulées par les uns et les autres, et à votre sens de l’écoute, monsieur le ministre.
Je pense, pour les élections municipales, au seuil de 1 000 habitants retenu pour l’application du scrutin de liste à la proportionnelle. Je pense également au nombre de conseillers municipaux, qui reste stable. En la matière, vous avez entendu ce que nous avions dit en première lecture ; il importait d’écouter nos collègues conseillers municipaux et maires dans nos territoires. Je pense, enfin, au fléchage ; les dispositions retenues vont dans le bon sens et recueillent une large majorité.
L'Assemblée nationale rétablira le principe du binôme, nous en prenons acte, mais vous avez bien voulu faire un effort, monsieur le ministre, en nous indiquant que le Gouvernement essaierait de maintenir les équilibres démographiques en prévoyant un écart de plus ou moins 30 %. Cela correspond à un progrès évident au regard de la situation de nombre de nos départements. En effet, nous le savons pertinemment, si l’on en était resté à l’écart de plus ou moins 20 %, les zones de montagne n’auraient pas été les seules concernées : cela aurait été pire encore pour les zones littorales. Avec la densification des grandes villes du littoral, on peut penser que le reste du territoire départemental aurait suffi à former un seul ou deux cantons, ce qui est absolument inacceptable et contraire à l’intérêt général.
Cette disposition constitue donc un progrès, mais n’évacue pas, pour autant, le problème du nombre des cantons. Pour ma part, je regrette l’absence d’un véritable débat sur ce point, puisque l’article 40 de la Constitution nous a été opposé, ce qui ne me paraît pas être une excellente chose. Nous verrons en fonction de l’évolution du texte à l'Assemblée nationale.
Le texte qui nous est proposé dans sa rédaction actuelle constitue, pour l’essentiel, un progrès, que nous saluerons en le votant majoritairement. (Applaudissements au banc des commissions. – MM. Alain Richard et Philippe Kaltenbach applaudissent également.)