Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le livre Ier du code électoral, il est ajouté un livre préliminaire ainsi rédigé :
« Livre préliminaire
« Décompte des suffrages
« Art. L. 1A. - Est un suffrage exprimé le vote par un bulletin nominatif ou par un bulletin blanc.
« Pour le second tour de l'élection présidentielle, est un suffrage exprimé le vote par un bulletin nominatif. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés dans la discussion générale pour expliquer la position des écologistes en faveur du décompte des votes blancs parmi les suffrages exprimés, que le présent amendement tend à instaurer.
J’avais l’impression d’être isolée dans cette démarche. Finalement, je m’aperçois qu’il n’en est rien, car il apparaît que nous sommes tous conscients, au fond, que cette proposition de loi ne va pas jusqu’au bout et ne résout pas tous les problèmes.
Même si les votes blancs n’ont jamais été très nombreux, imaginons qu’un jour, lors d’une élection, on en décompte un nombre considérable parce que les électeurs se sont sentis encouragés à voter blanc sachant que leur vote est désormais spécifiquement et systématiquement décompté… Imaginons qu’il y ait 10 %, voire 15% de votes blancs. Qu’en fera-t-on ? Rien ! On se contentera de se livrer à des élucubrations sur ce qu’ont voulu dire les électeurs, sur leur sagesse, ou leur absence de sagesse, etc.
Pourtant, une telle masse de votes blancs compromettra, quoi qu’on en dise, la légitimité de l’élection. Or, comme l’électeur saura que son vote blanc n’est pas comptabilisé parmi les suffrages exprimés, il n’en sera que plus encouragé à émettre un tel vote !
Je propose donc, non pas de rendre l’électeur libre – à aucun moment, je n’ai pensé qu’il ne l’était pas ! –, mais de lui dire : « Vous avez le droit de voter blanc, mais sachez que cela aura des conséquences sur l’élection. » Voilà ce qu’entraînerait le fait de reconnaître, au titre des suffrages exprimés, le vote blanc.
Quant aux conséquences de cette mesure sur nos différents scrutins, il suffit tout simplement, dans un premier temps, de modifier le dernier amendement qui sera examiné – l’article additionnel après l’article 4 proposé par M. Alain Richard – et qui prévoit que la présente loi entrera en vigueur au 1er mars 2014. Rien ne nous empêche de décider que le vote blanc décompté comme suffrage exprimé ne s’appliquera qu’à partir de 2016 ou 2017…
On ne doit donc pas se contenter de signaler un problème. Il faut aller jusqu’au bout de la logique de la proposition de loi et dire que les bulletins blancs valent suffrages exprimés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La proposition de Mme Lipietz constitue une option que la commission des lois ne souhaite pas retenir. Cette position procède d’une réflexion affinée, chacun l’aura compris à l’écoute des précédents orateurs à cette tribune. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Sans revenir sur un argumentaire largement développé, chacun ayant pu s’exprimer sur ce point, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le troisième alinéa de l'article L. 65 du code électoral est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre VI du titre Ier du livre Ier du code électoral est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Une information sur les modalités du vote blanc est affichée à l'entrée du bureau de vote. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Compte tenu de l’incidence des modifications que notre vote de l’article 1er aura sur la pratique des électeurs, leur information sur les modalités de décompte du vote blanc me semble essentielle, au même titre que d’autres explications affichées pour toutes les élections.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission partage le souci exprimé par Mme Lipietz de faire en sorte que les électeurs soient informés au mieux et je la remercie d’attirer l’attention du pouvoir exécutif sur ce point. Cependant, comme il a été dit en commission, cette question relève du domaine réglementaire et non pas du domaine législatif. Il sera possible de prévoir l’information des électeurs par voie de circulaire. C’est pourquoi je suggère à notre collègue de retirer son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. La question soulevée à travers cet amendement trouvera sa réponse dans les dispositions de l’article R. 56 du code électoral, dans le cadre de l’information qui devra être délivrée à l’ensemble des électeurs sur les conditions du vote. Je vous suggère donc à mon tour, madame Lipietz, de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Lipietz, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Hélène Lipietz. Je retire bien sûr cet amendement. J’espère que le Gouvernement n’oubliera pas de modifier les affiches d’information, qui sont parfois anciennes…
Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié ter est présenté par MM. Cointat, Buffet, Détraigne, Fleming et Frassa, Mme Troendle et M. Vial.
L'amendement n° 5 est présenté par Mme Lipietz.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des bulletins blancs sont mis à la disposition des électeurs dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Christian Cointat, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié ter.
M. Christian Cointat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis assez décontracté en présentant cet amendement, car le texte qui nous est soumis ne correspondait pas à ma vision première des choses. En effet, j’inclinais à considérer que la situation actuelle était préférable, qu’un électeur avait la possibilité d’exprimer son mécontentement par un vote blanc ou nul et que les deux comptabilisés ensemble permettaient de savoir exactement ce qu’il souhaitait.
Mais les arguments que m’ont opposés les uns et les autres sont arrivés à me convaincre, et je me suis rallié à leur position dès lors que j’ai eu la certitude que ces votes blancs ne seraient pas considérés comme des suffrages exprimés, mes préoccupations rejoignant celles de M. le ministre telles qu’il les a exposées toute à l’heure.
Seulement voilà : si l’on décide de comptabiliser les votes blancs, on doit le faire bien. Et pour le faire bien, il faut permettre à l’électeur qui veut voter blanc de glisser dans l’urne un bulletin blanc ! À défaut, on n’aura fait qu’amuser la galerie avec une loi de plus, qui ne servira à rien !
M. René Garrec. Un trompe-l’œil !
M. Christian Cointat. En fait, elle sera même dangereuse parce qu’elle fera croire qu’on a fait quelque chose alors qu’en l’absence de bulletins blancs disponibles, on n’aura rien fait !
Je vous donnerai un exemple. Grâce aux « écolos », des mesures ont été prises concernant les sacs en plastique : ils ne sont plus proposés gratuitement dans les magasins. Comme beaucoup de consommateurs, j’accumule ainsi une quantité phénoménale de sacs en plastique, car j’oublie toujours chez moi ceux que j’ai achetés et je dois ensuite en racheter un chaque fois que je fais des courses ! (Sourires.) Mais, au moins, je peux toujours faire mes courses puisque je trouve des sacs sur place !
Eh bien, c’est la même chose pour le vote blanc : si je ne trouve pas de bulletins blancs sur place, je ne voterai pas blanc car je ne le pourrai pas. Quant à imaginer qu’il suffirait de demander à chacun d’emporter des bulletins blancs avec lui… Les électeurs ne le feront pas !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils le font aujourd’hui !
M. Christian Cointat. Si l’on veut donner un sens au vote blanc, il faut véritablement permettre à l’électeur de faire ce choix.
Il ne s’agit pas, monsieur le ministre, d’envoyer les bulletins blancs au domicile de l’électeur : on ne va tout de même pas faire de la publicité pour le vote blanc ! Il suffit qu’on en trouve dans le bureau de vote.
Comme un décret un conseil d’État est prévu, on peut parfaitement calibrer des bulletins blancs qui soient les mêmes pour tous les scrutins et toutes les élections ; cela ne coûtera pas très cher dans la mesure où les bulletins blancs non utilisés seront réutilisables.
La démocratie a un coût. Si l’on veut vraiment faire des économies, on supprime toutes les élections ! Là, on fera des économies à grande échelle ! (Sourires.) Mais je ne pense pas que ce soit la solution.
Il faut donc incontestablement prendre les mesures qui s’imposent pour que cette loi ait un sens ; sinon, j’y insiste, elle ne sera que de la poudre aux yeux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour présenter l'amendement n° 5.
Mme Hélène Lipietz. Nous sommes animés par la même préoccupation que M. Cointat.
J’ai entendu dire, de façon un petit peu moqueuse, que mon amendement était « anti-écologique » parce qu’il allait conduire à abattre de pauvres arbres pour fabriquer des bulletins blancs… Mais depuis quand les écologistes seraient-ils opposés à la démocratie et à son exercice effectif ? Penser que fabriquer des bulletins blancs serait une démarche anti-écologique, c’est se moquer des véritables problèmes que rencontre notre planète. La question n’est évidemment pas là !
Ce qui importe, c’est que les électeurs sachent qu’ils peuvent voter blanc, et il faut pour cela qu’ils aient les moyens de le faire. Le coût des bulletins blancs serait d’ailleurs infime par rapport au coût global d’un scrutin.
Si ces amendements n’étaient pas votés, il conviendrait que M. le ministre prévoie de rappeler, sur sa fameuse affiche concernant les modalités de l’élection, que les électeurs doivent venir avec des bulletins blancs. Et je me demande si un électeur qui vient voter, qui ne trouve pas de bulletins blancs et doit donc repartir chez lui fera l’effort de revenir au bureau de vote…
Il me paraît abusif d’exiger des électeurs qu’ils viennent avec leur bulletin blanc. Il faut que les bulletins blancs soient sur les tables, comme les autres bulletins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Comme souvent – je pourrais même dire comme toujours –, l’apport de M. Cointat aux travaux de la commission a été important puisque c’est grâce à lui que nous avons eu le débat sur les enveloppes vides. Un consensus s’est dégagé sans trop de difficultés pour ne pas suivre la proposition de l’Assemblée nationale concernant la prise en compte des enveloppes vides comme bulletins blancs.
Nous nous sommes ensuite demandé comment formaliser le bulletin blanc et la discussion a, alors, été plus mouvementée. Nous avons envisagé, dans un premier temps, que des bulletins blancs soient mis à la disposition des électeurs dans les bureaux de vote, voire envoyés à l’avance à leur domicile. Cette solution, qui peut paraître judicieuse en première analyse, n’a cependant pas été retenue. Nous avons réfléchi, les uns et les autres, à la question, mais nous ne sommes pas parvenus à la même conclusion, pour les raisons que je vais vous exposer.
Tout d'abord, autant je suis pour l’identification du vote blanc, autant je ne soutiens pas l’égalité de traitement entre le vote blanc et le vote en faveur d’un candidat ou d’une opinion exprimée par oui ou par non. Il ne fait aucun doute que, si les bulletins sont disponibles dans des conditions strictement identiques, il en résulte une sorte d’égalité de traitement. Or je n’y suis pas favorable, je le dis clairement : comme je l’ai indiqué précédemment, le vote est également un processus décisionnel qui doit permettre de désigner quelqu’un. Nous pouvons évoquer les conditions de l’élection, mais sa légitimité ne peut être mise en cause. De la même manière, lors d’un référendum, la réponse est oui ou non. Pour avancer, dans une démocratie, on a besoin de décider, et tout ce qui pourrait conduire à paralyser l’exercice de la démocratie me paraît mauvais.
La commission est donc défavorable à ces amendements, considérant qu’il faut éviter de créer matériellement une équivalence entre le suffrage exprimé et le bulletin blanc.
Ensuite, je le dis tout aussi clairement, il n’est pas dans l’esprit de la proposition de loi d’encourager le vote blanc. Ni son auteur, François Sauvadet, avec lequel je m’en suis entretenu, ni moi-même, pas plus que la très grande majorité de la commission des lois du Sénat, ne le souhaitons. Nous voulons le reconnaître, l’identifier, afin de pouvoir l’analyser, mais nous ne voulons pas l’encourager. Or il est certain que, si des bulletins blancs sont disponibles au même titre que les autres bulletins, ce sera un encouragement au vote blanc.
Les études sont rares sur le sujet. Je citerai celle qui fut réalisée lors des élections régionales de 1998, qui demeure digne de crédibilité. Interrogés à la sortie des urnes, 27 % des électeurs déclaraient qu’ils auraient voté blanc si des bulletins avaient été à leur disposition, alors que 5 % seulement l’avaient fait. J’attire donc l’attention du Sénat sur le risque considérable d’encouragement au vote blanc. Je ne pense pas qu’il soit de notre responsabilité d’y contribuer.
Se pose, enfin, la question matérielle et financière. Vous me direz que la démocratie peut en supporter le coût de bulletins blancs. Cependant, la mise à disposition, pour chaque élection, de plus de 44 millions de bulletins blancs, aussi cocasse que cela puisse paraître, aurait un coût significatif.
Telles sont les trois principales raisons pour lesquelles la commission est défavorable à ces amendements.
Je précise, pour que votre information soit complète, mes chers collègues, que je pensais à l’origine que c’était une bonne idée. D’autres sénateurs, notamment du groupe UMP, le pensaient également : je citerai Jean-Jacques Hyest et Patrice Gélard, qui se sont exprimés à ce sujet en commission, comme en témoignent les comptes rendus de nos réunions. Ils ont eu l’occasion, l’un et l’autre, d’expliquer les raisons pour lesquelles ils avaient décidé de retirer leur signature de cet amendement qu’ils avaient d’abord soutenu, jugeant finalement que c’était une mauvaise idée. Je le dis pour que chacun puisse se prononcer en pleine connaissance de cause.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements identiques. Aux excellents arguments développés par M. le rapporteur, j’ajouterai que ces amendements, s’ils étaient adoptés en l’état, poseraient de sérieux problèmes, leurs auteurs n’étant pas allés jusqu’au bout de la démarche, ce que l’on peut comprendre eu égard à la complexité de la chose.
Je dois d’abord dire que je suis heureux que nous débattions de ces amendements, qui ont échappé à l’application de l’article 40 de la Constitution parce qu’ils concernaient une question électorale,…
Mme Catherine Procaccia. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … conformément à une tradition respectable et respectée dans cette assemblée. Il reste que nous n’en connaissons pas l’impact financier, et je serais bien incapable de donner une indication, même approximative, du coût de cette mesure consistant à mettre des bulletins blancs à la disposition des électeurs dans chaque bureau de vote.
En l’état, la rédaction proposée dans ces amendements ignore les dispositions de l’article R. 34 du code électoral qui prévoient l’envoi des bulletins de vote chez les électeurs. On considère en effet à juste raison qu’un certain nombre d’électeurs, souvent âgés, préfèrent se rendre dans leur bureau de vote en ayant le bulletin dans la poche. Or ces amendements ne prévoient pas cette possibilité, car sa mise en œuvre serait effectivement très compliquée.
Par ailleurs, sauf lors de l’élection présidentielle, les bulletins sont imprimés par les candidats. Dès lors, qui se chargera des bulletins blancs ? Vous supposez sans doute que l’État assumera cette dépense supplémentaire, mais ce n’est pas simple. Ainsi, pour aller au bout de la démarche, il faudrait modifier également l’article R. 34 du code électoral, afin que les électeurs ne puissent pas nous reprocher de ne pas recevoir l’ensemble des bulletins chez eux.
Il nous semble, par conséquent, qu’aux arguments de fond développés par M. le rapporteur, qui ont nourri le débat de votre commission, s’ajoutent des arguments pratiques qui font que cette proposition est aujourd'hui inachevée. Même si la démocratie le mérite, le coût des bulletins blancs pour l’ensemble des élections ne serait sans doute pas négligeable, surtout par les temps qui courent.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet, à ce stade, un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Même si, dans une première approche, la démarche de M. Cointat est d’une logique implacable, il faut que les choses restent lisibles pour les électeurs, et la mise à disposition d’un bulletin blanc laisserait supposer que le bulletin blanc est une option possible pour peser sur le résultat du vote.
M. Christian Cointat. C’est le cas puisqu’on l’inscrit dans la loi !
M. Jean-Yves Leconte. Non, ce ne sera pas le cas : seuls les suffrages exprimés exerceront une influence sur le résultat.
Pour la bonne lisibilité des opérations, autant il est souhaitable de comptabiliser les votes blancs, comme le prévoit la présente proposition de loi, autant il faut se garder de laisser penser aux électeurs qu’ils peuvent peser par ce vote sur le résultat de l’élection. Ils doivent avoir conscience qu’en votant blanc ils laissent les autres décider.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Ne pas mettre des bulletins à disposition des électeurs alors que nous adoptons une proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc me semble relever de la tartufferie, monsieur le ministre ! Je suis d’accord avec M. le rapporteur pour ne pas favoriser le vote blanc, mais nous sommes précisément en train de le mettre en valeur en prévoyant de le décompter. Si vous reconnaissez le vote blanc, allez jusqu’au bout en mettant à la disposition des électeurs des bulletins blancs !
Vous avez invoqué un article du code électoral, monsieur le ministre, mais nous sommes des législateurs et nous avons la faculté de le modifier. Chaque candidat pourrait, par exemple, fournir un dixième de bulletins blancs, ce qui éviterait que ceux-ci soient à la charge de l’État. Les solutions techniques ne manquent pas si nous voulons vraiment mettre en œuvre une telle disposition.
Dès lors que vous soutenez ce texte, je le répète, il faut prévoir des bulletins blancs. Sinon, mieux vaut voter contre, car les électeurs pourraient exiger d’avoir les moyens de voter blanc, comme le prévoit la loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Il n’est pas question de faire la publicité pour le vote blanc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Le bulletin blanc peut très bien ne pas être envoyé précisément parce que le vote blanc n’est pas un suffrage exprimé, contrairement aux bulletins imprimés. C’est donc une faculté et non une obligation.
Je le répète, je suis d’autant plus à l’aise pour défendre cette solution que, pour ma part, je préfère la législation en vigueur, estimant que l’électeur a aujourd'hui le choix entre un bulletin blanc ou nul pour exprimer sa désapprobation. Cependant, dès lors qu’on veut que le vote blanc ait un sens, il faut prévoir les moyens propres à lui donner ce sens. Sinon, cela veut dire qu’on est en train de gruger les citoyens !
Vous savez que des associations et des lobbies œuvrent très activement en faveur du vote blanc. Si la loi est sérieuse, ils pourront s’en contenter. Sinon, ils vont de nouveau insister pour que le vote blanc fasse partie des suffrages exprimés. Vous serez alors bien obligés d’en passer par la mise à disposition de bulletins blancs ! Je vous mets donc en garde, mes chers collègues, sur le danger de la rédaction actuelle.
Notre rapporteur a fait remarquer que, au cours des élections régionales de 1998, 5 % des personnes interrogées avaient voté blanc, mais qu’elles auraient été 27 % si elles avaient disposé de bulletins blancs. Eh bien, moi, je prétends que ces électeurs-là doivent pouvoir exprimer leur position, parce que c’est gravissime ! C’est un thermomètre que nous ne pouvons pas ignorer ! Il ne faut pas se voiler la face pour ne pas voir la réalité !
Si l’on veut que le vote blanc ait un sens, il faut donner aux citoyens les moyens de faire savoir ce qu’ils pensent vraiment ! Sinon, à quoi cela sert-il ?
En droit, la faute n’existe que lorsqu’elle est constatée. Alors, en tant que législateurs, débrouillons-nous pour que personne ne puisse constater que nous violons le droit des gens ! Grâce à Nicolas Sarkozy, la question prioritaire de constitutionnalité permet de remettre en cause cette violation. Dans ces conditions, si l’on veut reconnaître que les citoyens qui votent blanc expriment quelque chose, il faut mettre à leur disposition les documents qui leur permettent de l’exprimer.
La classe politique est mal vue par les citoyens ; elle leur semble manquer parfois de sérieux. Franchement, si nous ne donnons pas un bulletin à ceux qui veulent voter blanc, nous ne serons pas crédibles ! Il faut faire confiance aux électeurs et se méfier de nos travers.
« N’insulte pas le crocodile avant de traverser la rivière », dit un proverbe africain. Eh bien, là, nous sommes en train d’insulter les citoyens alors que nous devons nous présenter devant eux. Cette situation est extrêmement dangereuse : ou cette loi sera inutile, ou elle se retournera contre nous.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter ces amendements, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Les deux derniers orateurs qui viennent de s’exprimer appartiennent à l’opposition, mais je souscris à leurs propos, dont la cohérence m’apparaît absolue.
Dans la mesure où nous reconnaissons le vote blanc, nous devons poser le principe de la parfaite égalité de traitement de ce vote par rapport aux autres types de vote. Cela signifie qu’il faut mettre à disposition des électeurs des bulletins blancs dans les bureaux de vote et les inclure dans les envois postaux préélectoraux officiels, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, je rappelle que certains départements, par exemple celui des Hauts-de-Seine, utilisent des machines à voter. Aujourd'hui, soixante-trois communes, dont des communes de grande taille, représentant environ deux millions d’électeurs, utilisent de telles machines. Or celles-ci proposent le vote blanc.
Il serait donc incohérent qu’il n’y ait pas de bulletins blancs dans les bureaux de vote et dans les envois postaux, alors que les machines offrent la possibilité de voter blanc. Il n’y aurait donc pas égalité de traitement ! Je n’ai certes pas une connaissance parfaite de la Constitution, mais je crois tout de même savoir qu’il y a un certain nombre de principes fondamentaux à respecter. Si celui de l’égalité n’est pas mis en cause dès lors que des bulletins blancs ne sont pas proposés, qu’on m’explique pourquoi !
Ensuite, la question du coût a été évoquée. Eh bien, parlons-en ! Oui, le fait de proposer des bulletins blancs, donc non imprimés, a aussi un coût. Mais si l’on veut faire des économies, pourquoi ne pas limiter à dix le nombre de candidats par élection ?
Au reste, le vote blanc présente un avantage économique indiscutable : par définition, il ne nécessite pas de profession de foi ! Or les professions de foi, surtout si elles sont imprimées en quadrichromie, coûtent très cher, d’autant que ce sont généralement des documents assez longs.
On nous dit aussi que la mise à disposition de bulletins blancs va contribuer augmenter le nombre de suffrages non exprimés. Or notre système de financement des partis, que je trouve d’ailleurs très injuste, repose sur le nombre de voix recueillies aux élections législatives et sur le nombre de parlementaires élus. Les partisans du vote blanc n’auront jamais d’élus : l’État n’aura donc pas à verser la contribution de 44 000 euros par an due pour chaque parlementaire. Par ailleurs, les partis ne seront pas remboursés.
Soyons donc cohérents, allons jusqu’au bout de notre démarche et ne faisons pas de demi-mesure !
C’est donc au nom de la cohérence, de l’intelligence et du respect des principes constitutionnels que, mes chers collègues, nous vous appelons à voter ces amendements identiques. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je pense que nous extrapolons un peu l’objectif de la proposition de loi et que nous nous trompons de débat. En outre, nous discutons de questions d’ordre finalement très réglementaire.
J’ai bien entendu ce qui a été dit sur la question de l’égalité, mais je rappelle qu’il est aujourd'hui possible, pour les élections européennes, de présenter une liste, de ne pas envoyer de bulletins de vote et de laisser aux électeurs le soin de les imprimer en respectant certaines règles. Ces bulletins peuvent ensuite être utilisés dans l’isoloir et sont comptabilisés comme les autres.
Si l’on veut assurer une totale égalité, il faut tout remettre à plat. Ainsi, le code électoral prévoit que tout citoyen peut se présenter aux élections ; or nous savons tous ici que l’avance des frais de campagne constitue un frein pour beaucoup de candidats ; il n’y a donc pas d’égalité !
Dès lors, on peut effectivement envisager de tout remettre à plat, à l’occasion d’un autre texte, sur la question de l’égalité en matière électorale, y compris sur les bulletins et sur l’information des électeurs. Mais il serait bien risqué d’adopter ces amendements sans mesurer toutes les conséquences d’un tel vote. Et disant cela, je ne pense pas du tout aux incidences financières : seule m’importe l’efficacité au regard de la démocratie. Quand il est question de démocratie, mes chers collègues, ce ne sont sûrement pas des considérations financières qui doivent nous guider.