M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. … comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs, de différents bords politiques.
M. Jean-François Husson. Ça vous fait mal !
M. Ladislas Poniatowski. Ce principe, hérité du Conseil national de la Résistance et qui n’avait jamais été remis en cause, permet à chacun de payer l’électricité à un tarif identique sur l’ensemble du territoire national.
D’où nous vient la rupture que vous proposez ? Elle s’inspire des expériences réalisées en Californie et au Japon, où des tarifications progressives ont été mises en place afin de lutter contre les pics de consommation. Toutefois, la diminution de la consommation d’électricité au Japon et en Californie est d’abord due à la hausse spectaculaire des prix. Par conséquent, il est difficile de prétendre que nous disposons d’une réelle visibilité sur les conséquences de ce nouveau mécanisme.
Au-delà de cette rupture profonde avec un acquis social, nous rencontrons un problème inhérent à la nature du système. Soit vous privilégiez un dispositif comportant de nombreux critères ou régimes spécifiques, et donc de nombreuses informations individuelles, et dans ce cas le dispositif est inintelligible ; soit vous privilégiez un dispositif avec peu de critères et de régimes spécifiques, mais alors vous prenez le risque de créer des effets de seuil et donc d’engendrer des injustices.
Quel choix ont fait les auteurs de la proposition de loi ? En bouleversant la rédaction de l’article 1er, ils ont apporté de nombreuses précisions, pourtant élémentaires, dont nous ne disposions pas en première lecture. De ce fait, le deuxième chapitre proposé dans l’article 1er se concentre sur la définition des volumes de base, qui intègrent les coefficients représentatifs de l’effet de la localisation géographique et les résidences secondaires. Dans le même temps, les dispositions spécifiques aux locataires, qui permettaient une diminution du loyer en cas de mauvaise isolation, ainsi que celles qui permettaient de prendre en compte l’âge des personnes et leur état de santé, ont été supprimées.
Autrement dit, le système a été précisé mais également complexifié afin de traduire la diversité des cas de figure. Soit ! Mais, dans le même temps, l’abandon de la prise en considération, dans l’élaboration du volume de base, d’autres critères, tels que l’âge des habitants, leur santé ou la vétusté des résidences en location, soulève de nouvelles interrogations.
Un sénateur du groupe UMP. Absolument !
M. Ladislas Poniatowski. Les personnes âgées malades seront-elles victimes de la double peine ? Les propriétaires peu soucieux de l’isolation de leurs biens seront-ils exemptés de tout malus ?
Chacun se rendra compte que, en vertu de considérations éthiques, nous devons intégrer un nombre important de critères, qui ajouteront mécaniquement de la complexité au dispositif. Après tout, si la complexité est le prix à payer pour bénéficier d’un système juste, pourquoi pas ? Mais dès lors que nous accumulons les critères intervenant dans la détermination du volume de base – je le répète, cette démarche se justifie pour des raisons éthiques –, une seule issue s’offre à nous : le système sera inéluctablement neutralisé.
En effet, l’immense majorité de nos concitoyens qui consomment de manière excessive le font pour des raisons bien précises : famille nombreuse, appareils médicaux, conditions climatiques, mauvaise exposition de la résidence…
M. Jean-Claude Lenoir. Ils les ignorent !
M. Gérard Longuet. C’est le fond du problème ! Ils sont dans une logique d’écologie punitive !
M. Ladislas Poniatowski. Il faut en être conscient : personne ne consomme de l’électricité à outrance par plaisir !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski. Seules les personnes qui n’auront pas une isolation acceptable se verront infliger des malus qu’ils ne pourront pas expliquer.
C’est pourquoi le système proposé doit s’accompagner d’une réflexion sur l’accessibilité financière des travaux d’isolation, qui coûtent parfois aussi cher que la propriété en elle-même. Il aurait fallu prendre le temps d’y réfléchir, mes chers collègues !
En d’autres termes, puisque votre mécanisme doit être équilibré financièrement, et en admettant votre postulat selon lequel les volumes de base seront pondérés par les critères que vous introduisez, les malus, qui seront déterminés par rapport à ces volumes de base, s’effondreront d’eux-mêmes, et le volume des bonus sera limité par l’équilibre légitime que vous souhaitez imposer au dispositif.
Par ailleurs, nous regrettons vivement que vous n’ayez pu prendre en compte les auto-entrepreneurs, les télétravailleurs, les assistantes maternelles ou encore les professions libérales. Avec ceux qui n’ont pas la chance d’habiter un logement décent, ceux-là seront – je vous le garantis – les grands perdants de votre dispositif.
Pour ma part, j’ai l’intime conviction que cet article 1er n’est pas constitutionnel. Si je me permets de le rappeler avec solennité, c’est parce que, même si nous votons en séance publique comme en commission – l’article 1er serait alors supprimé –, cet article réapparaîtra malheureusement à l’Assemblée nationale, avec tous ses défauts.
Je ne m’attarderai pas sur l’article 3, qui vise à poser les bases législatives de l’extension du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux. Le groupe UMP et moi-même y sommes favorables. C’est d'ailleurs le seul article de cette proposition de loi qui revêtait un caractère d’urgence.
M. Jean-Claude Lenoir. Oui !
M. Ladislas Poniatowski. Tout le reste pouvait attendre, tout le reste pouvait être débattu plus longuement et renforcé.
Nous regrettons toutefois que l’article 3 n’apporte pas de précisions sur l’extension du nombre de bénéficiaires, et notamment sur les conditions de revenu, qui restent du domaine réglementaire. J’ajoute que, si le tarif social est accordé automatiquement, sans qu’il soit nécessaire de le demander, nos concitoyens le doivent à la précédente majorité ; ayez l’honnêteté de le reconnaître !
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. De même, la tarification sociale inscrite dans la loi du 10 février 2000 ne fut effective qu’en 2002, grâce au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Quant au premier tarif social sur le gaz, il fut instauré par le gouvernement de François Fillon. Ce sont autant d’éléments qui nous permettent d’être aussi exigeants avec vous que nous l’avons été avec nous-mêmes.
Enfin, j’évoquerai les articles 12 bis et 15, qui procèdent de la même démarche. Dans ces articles, qui s’apparentent davantage à des cavaliers législatifs qu’à des dispositions complémentaires du reste de la proposition de loi, vous introduisez subrepticement un arsenal législatif visant à réglementer le développement de l’éolien terrestre. D'une part, vous supprimez l’obligation d’implantation au sein d’une zone de développement de l’éolien terrestre, de sorte que la planification sera désormais traitée par le schéma régional éolien, lui-même annexé au schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. D’autre part, vous supprimez l’obligation de constituer des parcs éoliens d’au moins cinq aérogénérateurs.
Le développement du secteur des énergies renouvelables, pourtant indispensable, risquerait de prendre un virage dangereux si ces nouvelles dispositions étaient adoptées. En effet, nombre de nos concitoyens, qui se montraient favorables au développement des éoliennes sur le territoire national, sont aujourd’hui de plus en plus dubitatifs quant aux bénéfices de ce développement. À l’heure où il est de bon ton de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols et de chercher à préserver les écosystèmes fragiles, nous sommes en train de recouvrir, de manière de plus en plus anarchique, de vastes portions de notre territoire de parcs éoliens et de larges routes permettant de desservir ces parcs, qui sont le plus souvent situés dans des zones peu urbanisées.
Cette dispersion des parcs éoliens, cette tendance à la dérégulation et à l’absence de cohérence dans leur développement nous amènent parfois à construire des parcs situés à quelques centaines de mètres ou même en plein milieu de parcs naturels régionaux, là même où des années de pourparlers avec l’administration peuvent être nécessaires pour changer la couleur de ses volets !
M. le président. Il serait temps de conclure, mon cher collègue.
M. Ladislas Poniatowski. J’en arrive précisément à ma conclusion, monsieur le président.
Même si certaines dispositions de la proposition de loi emportent une relative adhésion de notre groupe – je pense à l’extension du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux –, le dispositif de bonus-malus qui est au cœur du texte nous semble inefficace et parfois même injuste. Quant aux dispositions relatives à la déréglementation de la construction de parcs éoliens, nous estimons qu’elles relèvent d’un exercice de prestidigitation.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP ne pourra pas voter ce texte, ce qui ne vous surprendra pas, madame la ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jean-François Husson applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce débat, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les discussions difficiles – passionnelles et passionnées, comme l’a dit Jean-Jacques Mirassou – sur le bonus-malus ne doivent pas cacher un aspect tout aussi important de la proposition de loi : l’extension des tarifs sociaux. En effet, la précarité énergétique est une souffrance sociale trop répandue, qui risque de miner notre société. C’est sur ce sujet que je souhaite intervenir.
Vous le savez, la précarité énergétique est l’état dans lequel se trouvent les foyers qui consacrent plus de 10 % de leur budget à leurs dépenses d’énergie. La situation est si grave que la Fondation Abbé-Pierre a lancé en 2012 un manifeste intitulé : « En finir avec la précarité énergétique ! ». Elle demandait même la mise en place d’un véritable « bouclier énergétique ». Les mesures prévues par la présente proposition de loi vont dans ce sens.
Ce même manifeste montrait en outre que le fait de se chauffer n’est pas seulement un élément de confort, c’est aussi un élément de santé. Il a été calculé qu’un euro investi pour permettre à un logement d’être chauffé entraînait 0,42 euro d’économie sur les dépenses de santé. Madame la ministre, vous donnerez donc satisfaction à votre collègue chargée de la santé, qui ne pourra que se réjouir de cette inflexion des dépenses de santé.
M. Daniel Raoul, rapporteur. Très bien !
M. Claude Dilain. Une autre institution a lancé un cri d’alarme : le médiateur national de l’énergie, qui a vu le nombre de ses saisines augmenter de 14 % en 2011. Il a été saisi 8 044 fois dans l’année, soit, si j’ai bien calculé, plus de 21 fois par jour en moyenne !
Le nombre de dossiers liés à des difficultés de paiement représentait 15 % des saisines en 2011, et cette proportion est passée à 19 % en 2012. Quant à la dette moyenne, elle n’est pas négligeable puisqu’elle s’élève à 2 266 euros pour le premier semestre 2012.
Et nous nous souvenons tous que les tarifs réglementés de l’électricité ont augmenté de 8 % en deux ans, de 2010 à 2012. Quant à ceux du gaz, ils ont crû de 25 % !
Tout le monde est touché, bien sûr, mais la situation est particulièrement dramatique pour les foyers monoparentaux, les retraités qui ont de faibles pensions – malheureusement, ils sont nombreux – et les titulaires des minima sociaux, notamment les personnes en fin de droits.
À cet instant, je me permettrai d’ouvrir une parenthèse très « séquano-dionysienne », à la suite de ce que j’ai entendu ce matin : je n’aimerais pas que les ouvriers d’Aulnay-sous-Bois se retrouvent bientôt dans la longue cohorte de ceux qui souffrent de précarité énergétique.
M. Jean-François Husson. Mais il y en a combien d’autres !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une raison pour ne pas parler de ceux-là !
M. Claude Dilain. C’est pourquoi il était indispensable de proposer ce texte, qui, je le répète, répond à une urgence sociale
Certes, les tarifs de première nécessité ont été instaurés en 2005. Ils permettent d’obtenir une réduction de 90 euros en moyenne par an et, depuis 2008, le tarif spécial de solidarité du gaz permet de réduire de près de 156 euros la facture des personnes en grande difficulté.
Il y a aussi eu une étape importante, madame la ministre, avec l’arrêté du 26 décembre 2012, lequel a permis que près de 400 000 nouveaux foyers bénéficient de ces tarifs sociaux. Ainsi, les bénéficiaires de l’assurance complémentaire de santé y sont désormais éligibles, en plus des personnes relevant de la CMU. Les personnes ayant des revenus de 35 % supérieurs au plafond peuvent donc bénéficier de ces tarifs, ce qui représente 830 000 personnes supplémentaires. Comme vous nous l’avez dit, madame la ministre, il s’agit d’une amélioration concrète du pouvoir d’achat.
Mes chers collègues, aujourd’hui, il faut aller plus loin en votant cette proposition de loi, qui va nous permettre de passer de 1 million de foyers éligibles actuellement aux tarifs sociaux à 4 millions de foyers, ce qui représente près de 9 millions de personnes bénéficiaires.
Plus qu’une simple avancée quantitative, il y a là, me semble-t-il, un véritable saut qualitatif, qui s’inscrit dans une politique de la solidarité véritablement différente.
Je voudrais aborder également le sujet de la trêve hivernale. Les familles privées de chauffage en hiver vivent un drame absolu. Et quand je parle de drame, je ne force pas le trait : nous avons tous en mémoire des morts causées par des incendies ou des asphyxies liés à des chauffages de fortune tout à fait inappropriés.
L’article 8 du texte vise à étendre cette trêve à tous les usagers.
À ce sujet, je voudrais répondre plus particulièrement à notre collègue Jean-Claude Lenoir en usant d’un parallèle : il existe une autre trêve hivernale, pour les expulsions locatives ; elle n’est pas liée non plus à un niveau de revenus puisque tous les locataires sont susceptibles d’en bénéficier. Or ce dispositif est aujourd’hui accepté par tout le monde.
Si l’on présentait ce dispositif comme vous avez présenté la trêve dans le domaine de l’énergie, monsieur Lenoir, c’est-à-dire en disant qu’il existe en France une loi permettant à tous les locataires de ne pas payer leur loyer pendant tout l’hiver, ce serait manifestement exagéré. Monsieur Lenoir, faites donc attention à ne pas présenter les choses de façon, je ne dirai pas spécieuse, mais un peu orientée !
M. Jean-Claude Lenoir. Pour les expulsions, il y a une décision de justice ! Vous ne pouvez pas comparer !
M. Claude Dilain. Un Français sur dix, soit 6,5 millions de personnes, a souffert du froid durant l’hiver.
Le droit en vigueur prévoit que, du 1er novembre au 15 mars, les fournisseurs d’électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder à l’interruption de la fourniture d’énergie dans une résidence principale pour non-paiement des factures.
Monsieur le rapporteur, je me réjouis des précisions que vous nous avez apportées sur le fournisseur de dernier recours, car il est à craindre que certains opérateurs, à l’approche du mois de novembre, ne résilient les contrats par anticipation.
Mme Mireille Schurch. Eh oui !
M. Claude Dilain. Il est donc absolument nécessaire –je me félicite que vous l’ayez annoncé – qu’un opérateur, EDF en l’occurrence, si j’ai bien compris, puisse jouer ce rôle.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est EDF qui va être surpris !
M. Claude Dilain. Mes chers collègues, je le répète, les discussions autour du titre Ier ne doivent pas faire perdre de vue l’importance et l’urgence du titre II, qui élargit ce dispositif social.
Cette avancée, me semble-t-il, doit transcender les clivages habituels de notre assemblée. La position du médiateur national de l’énergie, qui est neutre, indépendant et compétent, nous montre la voie.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter largement ce titre II, quoi qu’il arrive par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Je veux d’abord remercier le président Daniel Raoul de ce qu’il a dit sur le travail que nous avons fait, sur les échanges que nous avons eus et qui nous ont permis d’apporter au texte un certain nombre d’améliorations.
Je veux saluer à mon tour le rapport très important du Conseil économique, social et environnemental sur l’efficacité énergétique, qui constitue une contribution utile au débat national sur la transition énergétique.
En revanche, monsieur Raoul, vous le savez, je ne peux pas vous suivre sur votre raisonnement quant à la disparition du bonus. À nos yeux, le risque d’avoir un dispositif qui reposerait uniquement sur un malus – nous y reviendrons dans la discussion – est que les dépenses que nos concitoyens auront consenties pour réaliser des économies d’énergie soient perçues par eux comme une taxe supplémentaire. C’est pourquoi nous tenons à un dispositif équilibré, comprenant et un bonus et un malus, porteur d’un message incitatif, favorable à l’adoption d’un comportement vertueux au regard de la consommation d’énergie.
Je vous remercie aussi, monsieur Raoul, de ce que vous avez dit sur l’importance des mesures relatives aux tarifs sociaux, à l’évolution de la Commission de régulation de l’énergie ainsi qu’à d’autres dispositions.
Monsieur Teston, au nom de la commission du développement durable, vous avez parfaitement expliqué l’articulation entre les schémas régionaux éoliens et la procédure ICPE au regard des exigences de planification et de respect des paysages.
Sur l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, les amendements qu’a fait adopter le Gouvernement ont vocation à assurer la meilleure sécurité juridique du dispositif. Je souhaite souligner que les communes et les collectivités qui ont déjà engagé des processus d’expérimentation de la tarification sociale de l’eau pourront tout à fait se porter candidates dans le cadre des dispositions prévues par la proposition de loi ; la sécurité juridique de leur démarche est donc ainsi garantie.
Je souhaite maintenant répondre de façon précise à Jean-Claude Lenoir. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Celui-ci a d’abord expliqué que nous pouvions nous accorder sur la maîtrise de la demande et la sobriété. Alors, on peut regretter que le précédent gouvernement n’ait pas engagé une politique allant dans ce sens ! (Oh ! sur les travées de l'UMP.) En effet, en matière d’économies d’énergie, la précédente majorité n’a pratiquement aucun bilan : les seules dispositions qui ont été prises portent sur la RT 2012, c’est-à-dire sur les économies d’énergie dans les logements neufs.
Pour ce qui est des passoires thermiques, des économies d’énergie dans l’ancien, aucune action n’a été entreprise par le précédent gouvernement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. C’est facile !
M. Christian Cambon. Allez-y, continuez !
Mme Delphine Batho, ministre. Absolument !
Vous dites ensuite que ce texte s’appliquera dans plusieurs années. Or nombre de dispositions contenues dans ce texte sont d’application immédiate. Il en est ainsi des mesures sur l’éolien, les tarifs sociaux, l’effacement ou l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau, entre autres.
Selon vous, des personnes dans une situation sociale difficile seraient pénalisées par le malus. C’est tout à fait faux : je vous renvoie à la lecture de l’alinéa 82 de l’article 1er ; nous avons prévu une disposition permettant de protéger les personnes bénéficiaires des tarifs sociaux de l’application du malus.
Vous dénoncez aussi la complexité du dispositif. Venant du rapporteur de la loi NOME, une telle remarque ne laisse pas de m’étonner dans la mesure où, en tant que ministre chargée de l’énergie, j’ai récemment été confrontée à quatre décisions d’annulation des arrêtés tarifaires du précédent gouvernement, sur le gaz, l’électricité, le TURPE. Et je pourrais multiplier les exemples !
M. Jean-Claude Lenoir. Un arrêté n’est pas la loi !
Mme Delphine Batho, ministre. En ce qui concerne l’organisme de gestion et de collecte des données, j’y reviendrai avec plaisir lors de la discussion des articles, mais je rappelle que de nombreux sénateurs avaient demandé que cette collecte des données soit assurée non pas par l’administration fiscale, mais par un organisme ad hoc.
S’agissant des tarifs sociaux, je signale que la précédente majorité a mis deux ans à publier les décrets sur ceux du gaz et quatorze mois pour ceux qui portaient sur l’automatisation prévue par la loi NOME.
M. Jean-Claude Lenoir. Vous, vous n’aviez rien fait !
Mme Delphine Batho, ministre. Je veux aussi vous reconnaître le mérite de la constance sur la trêve hivernale puisque, entre 2007 et 2010, le nombre de coupures de gaz a été multiplié par dix en France. Alors que les sénateurs et les députés de gauche proposaient inlassablement par des amendements la mise en place d’une mesure de trêve hivernale, la précédente majorité s’y est toujours obstinément refusée.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit, l’extension des tarifs sociaux par la loi, et pas seulement par décret, monsieur le sénateur, est absolument indispensable pour toucher 8 millions de personnes.
Monsieur Lenoir, s’agissant de la péréquation tarifaire, point très important qui est revenu dans plusieurs interventions, considérez-vous que la taxe sur la consommation finale d’électricité – TCFE – existant aujourd’hui, qui est différente dans chaque commune et selon les départements, est contraire à ce principe ?
M. Jean-Claude Lenoir. Non !
Mme Delphine Batho, ministre. Bien sûr que non ! Eh bien, le bonus-malus ne l’est pas davantage !
Monsieur le sénateur, il me semble que vous avez reproché au Gouvernement – mais je ne suis pas sûre d’avoir compris votre observation – de vouloir équilibrer les comptes du secteur de l’énergie.
Effectivement, nous avons dû entreprendre une telle démarche parce que nous avons hérité du précédent gouvernement une dette de 5 milliards d’euros sur le CSPE, c’est-à-dire 72 euros par Français. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Combien de temps cela va-t-il durer ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le nouveau gouvernement de gauche a pris la responsabilité de régler ce problème de la dette de la CSPE.
M. Jean-Claude Lenoir. Qui va payer ?
Mme Delphine Batho, ministre. En la matière, vous devriez donc faire preuve d’un peu plus de modestie, compte tenu de la charge que vous avez laissée à vos successeurs.
M. Christian Cambon. Arrêtez ! Quelle ministre ! C’est incroyable !
Mme Delphine Batho, ministre. Madame Schurch, autant je comprends que l’on puisse dire que la rédaction des dispositions du bonus-malus, pour des raisons techniques évidentes, est d’une certaine complexité, et c’est le cas de beaucoup de textes intervenant dans cette matière, autant je pense que le mécanisme est relativement simple et compréhensible. Sinon, comment se fait-il que 71 % des Français y soient favorables ?
Vous avez évoqué, notamment, la question du rapport entre le locataire et le propriétaire, qui est un sujet très important. Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, a préféré que la question de la responsabilité d’un propriétaire louant un logement qui serait une passoire énergétique, avec les conséquences que cela peut avoir sur la facture d’énergie payée par le locataire, soit traitée dans le cadre de la loi sur le logement et l’urbanisme. En effet, elle souhaite que ce problème s’insère dans une réflexion globale sur la relation entre le locataire et le propriétaire, plus précisément sur les obligations du second vis-à-vis du premier, dans le cadre d’une révision de la loi de 1989.
Je vous remercie de ce que vous avez dit sur les tarifs sociaux.
S’agissant de l’éolien, je veux souligner que les dispositions qui figurent dans ce texte, sans attendre la future loi de programmation pour la transition énergétique prévue dans un an, correspondent à des mesures d’urgence qui visent à sauver des emplois en évitant des licenciements dans un certain nombre d’entreprises du secteur industriel de l’éolien.
C’est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement a pris des mesures d’urgence, qui ne sont pas de nature législative, concernant la filière photovoltaïque française, laquelle est en proie à des difficultés entraînant des destructions d’emplois auxquelles il faut donner un coup d’arrêt.
Jean-Claude Merceron a procédé à un long rappel des étapes de la discussion de ce texte : je tiens à lui dire que le Gouvernement n’était pour rien dans son rejet en première lecture par le Sénat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
En ce qui concerne les tarifs sociaux, permettez-moi de rappeler que le vote d’une mesure législative est absolument indispensable pour que les personnes éligibles en fonction du nouveau plafond fixé par décret puissent bénéficier effectivement de ces tarifs.
Par ailleurs, l’articulation entre le déploiement du bonus-malus et le plan de rénovation thermique des logements anciens est assurée par l’article 6 de cette proposition de loi, avec la création d’un service public de la performance énergétique de l’habitat. De notre point de vue, cette manière de procéder est logique parce que la mise en œuvre du bonus-malus va de pair avec le plan de rénovation thermique, ciblé sur les 4 millions de personnes qui vivent dans des passoires thermiques, dont 35 % sont des personnes seules de plus de 60 ans, et je m’associe aux observations très justes qu’a faites Claude Dilain à ce sujet.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez affirmé que ce texte desservait l’initiative parlementaire. Je suis en total désaccord avec vous : au contraire, l’initiative parlementaire conserve toute sa place, y compris dans la conduite de réformes majeures.
Monsieur Requier, vous avez évoqué le caractère « intrusif » de cette réforme. L’épithète est inexacte, car la collecte des données sera limitée au strict nécessaire et sera strictement contrôlée par la CNIL. Il n’y a donc pas lieu d’entretenir des inquiétudes sur la question des données personnelles.
Je vous remercie d’avoir salué néanmoins les avancées réalisées dans le domaine de l’expérimentation concernant les tarifs de l’eau et l’effacement.
En ce qui concerne l’énergie éolienne, j’ai déjà indiqué pourquoi nous ne pouvions pas attendre un an.
Enfin, je ne suis pas d’accord avec vos propos sur les gaz de schiste : selon moi, le modèle français de transition énergétique, dont nous allons discuter dans le cadre du débat national, doit être un modèle décarboné.
Je remercie Ronan Dantec d’avoir souligné les améliorations apportées à ce texte, ainsi que l’importance des mesures concernant l’effacement, et d’avoir exprimé son soutien au dispositif du bonus-malus.
Je souscris aux propos de Jean-Jacques Mirassou, pour lequel « il n’est pas interdit d’être intelligent par anticipation ». Le débat national sur la transition énergétique débouchera en juin sur des recommandations, lesquelles nourriront un projet de loi qui sera déposé à l’automne et ne fera pas l’objet d’une procédure accélérée, afin de laisser tout le temps nécessaire à la discussion parlementaire. En même temps, nous devons répondre aux impatiences des Français, que j’entends parfaitement.
Le Gouvernement veut donc mener de front ces deux chantiers : agir immédiatement sur un certain nombre de points, tout en préparant l’avenir avec la loi de programmation pour la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)