M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! C’est affaire de bon sens !
M. Jean-Claude Requier. En matière d’énergie, le groupe du RDSE n’écarte pas certaines énergies au nom de craintes excessives. Nous devons jouer toutes les cartes dont nous pouvons disposer afin d’assurer la transition énergétique et développer le mix énergétique voulu par le Président de la République.
Nous affirmons donc notre soutien au maintien d’une filière nucléaire d’excellence,…
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. … au développement des énergies renouvelables et à la recherche, contrôlée par l’État, sur les gaz de schiste afin de trouver des alternatives à la fracturation hydraulique.
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous sommes tous des radicaux ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE ne pourra pas soutenir cette proposition de loi en l’état. Cependant, au vu des amendements déposés et du sort qui leur sera réservé au cours du débat que, cette fois, je l’espère, nous allons tenir, notre position pourrait évoluer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’était pas parfait, mais c’était tout de même pas mal ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. La chute était moins bonne !
M. Jean-Pierre Raffarin. Négocier, ce n’est pourtant pas le genre des radicaux ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous revoici dans l’hémicycle pour une nouvelle lecture de cette proposition de loi, qui n’avait pas passé l’épreuve automnale de la discussion sénatoriale.
Le groupe écologiste avait salué, en octobre, l’ouverture de cette discussion comme une première étape dans la mise en place du dispositif législatif complet qui accompagnera la mise en œuvre de la transition énergétique ; il avait vu dans cette proposition de loi une sorte d’introduction, de texte d’appel.
Le débat national que vous avez lancé voilà quelques semaines, madame la ministre, nous montre l’ampleur de notre tâche sur la voie de la transition énergétique, grand engagement de campagne du Président de la République.
Nos échanges sur ce texte doivent donc s’inscrire dans une réflexion plus globale, dans la perspective de cette prochaine loi.
Le présent texte vise à traiter plusieurs urgences, tout particulièrement l’urgence sociale et la nécessité de protéger les 8 millions de personnes en situation de précarité énergétique. Il s’agit d’un enjeu majeur.
Afin d’agir rapidement face à l’arrivée de l’hiver, le Gouvernement avait mis en œuvre, par voie réglementaire, en décembre,…
M. Jean-Claude Lenoir. Il aurait fallu le faire plus tôt !
M. Ronan Dantec. … le dispositif d’extension des tarifs sociaux de l’électricité et du gaz à 400 000 foyers supplémentaires.
Mais il faut évidemment aller plus loin en élargissant le champ des bénéficiaires à l’ensemble des foyers en situation de précarité énergétique. C’est le sens de cette proposition de loi. Notons d’ailleurs que la mesure d’extension de la trêve hivernale à l’ensemble des consommateurs a été enrichie, à l’Assemblée nationale, par un amendement d’André Chassaigne visant à étendre l’interdiction de l’interruption de fourniture d’énergie aux résiliations de contrat. Voilà qui prouve tout l’intérêt d’une discussion parlementaire se concluant par l’adoption d’un texte amélioré ! Prenons toutefois garde de confondre amélioration et amputation.
Nous avons relevé plusieurs autres améliorations introduites en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale : l’inclusion des résidences secondaires dans le mécanisme, la différenciation par énergie – nous y tenions –, les modifications de la composition de la CRE, introduisant notamment la parité en son sein, mais aussi les mesures concernant l’effacement.
Je me réjouis que plusieurs modifications proposées par notre groupe aient été adoptées par l’Assemblée nationale, notamment le remplacement du terme « rémunération » par celui de « versement », ce dernier étant adapté à la réalité quand le premier introduisait une confusion et des risques de contentieux.
L’article 7 bis, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, offre enfin un régime pérenne à l’effacement diffus, filière centrale de la transition énergétique puisqu’elle permet, d’une part, d’importantes économies d’énergies, et donc la modération des factures des ménages, et, d’autre part, un meilleur fonctionnement du système électrique, en le rendant plus flexible, en évitant aux fournisseurs d’énergie d’avoir recours aux centrales les plus chères lors des pics de consommation – ce qui est en lien avec les émissions de CO2 et la consommation de charbon – et en facilitant ainsi l’intégration des énergies renouvelables.
L’adoption de cette approche de type « négawatt » constitue une avancée majeure. Tous les acteurs concernés devraient tirer avantage de la mise en place de l’effacement diffus. Le régime de versement devra donc en tenir compte en ce qui concerne les fournisseurs d’électricité et le système électrique. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 7 bis.
Le point nodal du débat, aujourd’hui comme en octobre dernier, c’est le mécanisme du bonus-malus. Notre groupe soutient le principe de tarification progressive, car les surconsommations coûtent plus cher à la communauté nationale que les consommations de base. Il en va particulièrement ainsi de l’électricité, pour laquelle les pics de consommation nécessitent des moyens d’appoint onéreux. Chercher à réduire cette consommation de pointe est donc un enjeu important, car ce sont tous les consommateurs qui payent, dans le cadre d’un tarif unique, les surconsommations de certains. Il y a là une injustice sociale que cette proposition de loi tend à réduire en frappant d’un malus les consommateurs peu regardants, qui engendrent ce surcoût pour la collectivité.
Je suis, autant que d’autres, attaché à l’égalité tarifaire sur l’ensemble du territoire. Je me suis exprimé en ce sens lors des dernières assises de l’énergie, à Grenoble. Cependant, un prix strictement proportionnel à la consommation est, socialement, profondément injuste : il revient, globalement, à faire payer aux ménages les plus modestes les surconsommations des plus riches.
Toutefois, bien que le dispositif ait été, sur l’initiative de François Brottes et dans un souci de simplification, modifié en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, le groupe écologiste présentera plusieurs amendements visant à l’améliorer encore.
Il s’agit tout d’abord pour nous, bien sûr, de renforcer le malus : nous proposons d’abaisser le niveau de déclenchement de la deuxième tranche de malus à 150 %, à l’instar de la rédaction retenue dans la première version de la proposition de loi, afin de rendre le dispositif plus incitatif et, par là même, d’accroître le potentiel d’économies d’énergie. Quitte à mettre en place un nouveau dispositif, autant le régler tout de suite sur le niveau le plus efficient.
Nous défendrons également une tarification progressive sur l’abonnement, proportionnelle à sa puissance nominale. L’injustice des tarifs actuels des abonnements a été dénoncée non seulement par André Chassaigne à l’Assemblée nationale en 2009 – vous le voyez, je m’efforce de construire un axe politique (Sourires.) –, comme je l’avais relevé en première lecture, mais aussi par des associations telles que la Fondation Abbé-Pierre et l’UFC-Que Choisir.
Enfin, l’autre grand volet de cette proposition de loi concerne la filière éolienne. Là aussi, il y a urgence à contrer la destruction programmée – soutenue par le précédent gouvernement et par le travail de MM. Ollier et Poignant –, des filières industrielles des énergies renouvelables.
Selon l’ADEME, 14 500 emplois ont été détruits dans la filière photovoltaïque entre 2010 et 2012 en France. Différentes mesures d’urgence ont été annoncées par Mme la ministre, début janvier, afin de relancer la filière. Cependant, si nous n’agissons pas très vite en faveur de l’éolien, ce sont 11 000 emplois qui disparaîtront rapidement et toute une filière industrielle qui sera mise en danger. Il s’agit pourtant d’une voie d’avenir : Alstom vient, par exemple, d’annoncer la signature d’un protocole d’accord de plus d’1 milliard d’euros pour la fourniture de 440 éoliennes au Brésil !
J’ai parfois l’impression que nous ne vivons pas tous dans le même monde !
Mme Catherine Procaccia. En effet !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est clair !
M. Ronan Dantec. En Loire-Atlantique, et je vous invite à venir le constater, se trouvent des communes dans lesquelles maires et habitants sont totalement favorables à l’implantation de champs d’éoliennes et attendent les autorisations encore bloquées en préfecture. Il n’y a donc pas seulement des problèmes d’opposition locale !
Nos concitoyens sont d’ailleurs maintenant convaincus de la nécessité de développer les filières renouvelables. Un sondage IPSOS publié mi-janvier montre que 92 % des Français sont favorables à leur développement, 84 % estimant même, de manière tout à fait lucide, que les choses ne vont pas assez vite.
Adopter aujourd’hui cette proposition de loi, qui contribue à déverrouiller le développement de la filière, revient donc à sauver des milliers d’emplois.
Nous soutenons fortement les simplifications administratives acquises en première lecture : suppression de la ZDE et de la règle des cinq mâts, notamment. Nous souhaitons d’ailleurs qu’on en reste à la rédaction retenue par l’Assemblée nationale sur ce point.
En guise de conclusion, je voudrais souligner combien l’exemple allemand, créateur de centaines de milliers d’emplois, devrait ici nous éclairer. Je remercie tout particulièrement Mme la ministre d’avoir invité le ministre allemand de l’énergie, M. Peter Altmaier, à participer au « parlement » du débat sur la transition énergétique. Lors de son audition, il a tenu des propos très forts, soulignant que son pays, dont le mix électrique s’appuie aujourd’hui sur une part de 23 % d’énergies renouvelables, se fixe dorénavant un objectif de 35 % à 40 % en 2020 et de 80 % en 2050. Je crois que ces chiffres doivent nous servir d’étalon pour fixer notre propre ambition.
L’exemple de Peter Altmaier pourrait nous aider à réaliser une synthèse entre nous, compte tenu, d’un côté, de ses objectifs en termes d’énergies renouvelables et, d’un autre côté, de son étiquette politique. Il est clair que d’autres pays sont parvenus à trouver un consensus que nous avons bien du mal à créer ici même.
L’ambition du futur office franco-allemand des énergies renouvelables, qui préfigurera, je l’espère, la future communauté européenne de l’énergie que porte le Président de la République, constitue également un horizon extrêmement important.
Je rappellerai donc l’urgence face à laquelle nous nous trouvons, parce que le dérèglement climatique s’accélère, que notre facture d’importation de gaz et d’hydrocarbures plombe notre balance extérieure ainsi que notre compétitivité et que la facture électrique des ménages français est, à prestation constante, très largement supérieure à la moyenne européenne.
Le groupe écologiste soutiendra donc ce texte. Nous espérons assister, au sein de cet hémicycle, à un débat constructif sur une proposition de loi qui va dans le bon sens, sur la voie de la transition énergétique et écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est à l’issue d’un long, trop long cheminement parlementaire que ce texte nous revient aujourd’hui. Du reste, l’honnêteté intellectuelle voudrait que chacun prenne la part de responsabilité qui lui revient dans ce cheminement, que bon nombre d’orateurs ont déploré.
Adopté en octobre 2012 par l’Assemblée nationale, ce texte avait fait l’objet d’un intense travail de simplification conduit par le rapporteur de l’époque, notre collègue Roland Courteau, à qui je rends hommage aujourd’hui.
Une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité avait malheureusement été adoptée en commission, puis lors de l’examen en séance publique. Ce fut, de notre point de vue, un triste jour pour le Sénat, qui refusait non seulement de débattre mais aussi, a fortiori, de se prononcer sur un texte important, renonçant ainsi à contribuer à l’amélioration de la situation des trop nombreuses victimes de la précarité énergétique.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Un temps précieux a donc été perdu. L’échec de la commission mixte paritaire n’a fait que reporter encore la solution du problème. Je reste néanmoins persuadé qu’avec un minimum de sens des responsabilités, en prenant acte de l’urgence de la situation pour nos concitoyens, nous aurions pu rapprocher les points de vue.
Mais aujourd’hui est un autre jour. Il nous appartient désormais d’apporter les dernières modifications à ce qui est considéré comme un nouveau texte.
Ce dernier vise, je le rappelle, à poser les premiers jalons d’une politique engageant la France sur la voie de la transition vers un système énergétique sobre que vous nous proposerez, madame la ministre, dans quelques mois à travers une loi de programmation.
À ceux qui prétendent que le débat d’aujourd’hui ferait double emploi avec celui qui nous attend sur le texte que je viens d’évoquer, je répondrai, quitte à céder à la facilité, qu’il n’est pas interdit d’être intelligent par anticipation. (Sourires.)
Nous avons donc une nouvelle fois l’occasion d’arrêter, au cours de la présente discussion, nos positions sur cet enjeu majeur.
Par la suite, l’Assemblée nationale statuera soit sur le texte qu’elle a déjà adopté en nouvelle lecture, soit sur le texte amendé et discuté – nous l’espérons, en tout cas – par le Sénat au cours de nos débats.
Nous avons donc les moyens – j’allais dire : le devoir – d’améliorer significativement ce texte.
Gardons à l’esprit que c’est en jouant sur toutes les marges de manœuvre disponibles que nous accompagnerons nos concitoyens vers un mode de vie qui les protège non seulement de la raréfaction des ressources énergétiques, mais aussi des soubresauts d’un marché mondial qui échoue, au jour le jour, à les répartir équitablement. Le modèle actuel, nous le savons tous, mes chers collègues, est en crises systémique ; il est impératif d’en changer !
Le titre Ier de la proposition de loi a fait couler beaucoup d’encre et, n’ayant pas été discuté dans notre enceinte, il a suscité a posteriori des débats passionnels et passionnés.
À partir de la triple argumentation développée par le ministère concerné, le Conseil d’État et le Sénat, l’Assemblée nationale l’a amendé de façon positive : le dispositif de bonus-malus a été simplifié, l’application du malus ne sanctionnant véritablement les foyers qu’à partir d’une consommation supérieure en volume à trois fois la consommation énergétique de base ; les résidences secondaires n’échappent plus au dispositif ; le croisement des données des fournisseurs avec celles de l’administration fiscale, source d’erreurs et de coûts importants, est abandonné ; les critères de calcul des volumes de base sont rationalisés et simplifiés ; enfin, les mesures relatives aux relations entre les locataires et les propriétaires qui complexifiaient la mise en œuvre du dispositif sont supprimées.
Il s’agit là d’avancées importantes, que la plupart d’entre nous ont reconnues. Pour autant, nous restons persuadés que d’autres améliorations doivent être apportées afin de se prémunir contre les effets d’aubaine, voire les effets pervers.
Ainsi – pourquoi ne pas le dire ? –, nous ne sommes pas convaincus de l’intérêt d’un système de bonus qui pourrait conduire à donner la prime à ceux dont les logements bénéficient des aménagements et des équipements les moins énergivores. En outre, l’attribution de ce même bonus, par « effet rebond », pourrait constituer une incitation à la consommation, ce qui, vous en conviendrez, mes chers collègues, est parfaitement antinomique avec la recherche d’un système énergétique plus sobre.
C’est pour cette raison que, même si nous comprenons bien, madame la ministre, que l’affichage du tandem bonus-malus est porteur d’une approche vertueuse que nous appelons tous de nos vœux, en plein accord avec les deux rapporteurs successifs de la présente proposition de loi, il me semble que ce couplage doit être effacé afin de placer le malus au cœur du dispositif. C’est ce que nous proposons, notamment par le biais de deux amendements que M. le rapporteur a présenté en commission.
Le produit de l’application de ce malus pourrait s’élever à plus de 200 millions d’euros, comme cela a été précédemment indiqué. Il pourrait être directement et utilement investi dans l’amélioration de la performance énergétique des logements. L’emploi de ces fonds, dans le cadre d’un service public de la performance énergétique de l’habitat que tend à créer le présent texte, pourrait avoir un caractère incitatif auprès des propriétaires et des locataires de logements qualifiés de « passoires énergétiques ». Identifiés grâce au travail de l’ANAH, des services sociaux et de l’ADEME, ceux-ci bénéficieraient d’une aide pour mettre en chantier la rénovation nécessaire du bien concerné.
Alors que nous nous proposons de rénover de multiples habitations, ce qui implique un investissement très important, le malus pourrait ainsi avoir un effet de levier intéressant, cher collègue Lenoir.
La suppression du bonus présente, selon nous, un autre avantage : elle invalide les critiques portées contre le dispositif selon lesquelles il menacerait la fameuse péréquation tarifaire issue du Conseil national de la Résistance.
M. Jean-Claude Lenoir. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski. Il ne la menace pas, il la casse !
M. Jean-Jacques Mirassou. Mon cher collègue, je note avec un peu de colère que, pendant dix ans, ce sont les mêmes qui, d’une main, ont manipulé le bouclier fiscal et, de l’autre, à coup de révision générale des politiques publiques, ont menacé les conditions de vie de nos concitoyens qui, dans les campagnes comme dans les villes, ont impérativement besoin d’un service public pérenne. (Mme Catherine Procaccia proteste.)
M. Alain Néri. Vous avez raison, mon cher collègue, il faut leur rafraîchir la mémoire !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais vous n’avez aucun argument !
M. Jean-Jacques Mirassou. Vos larmes de crocodile n’ont pas réussi à m’émouvoir ! Je ne suis pas persuadé que vous ayez la légitimité pour vous pencher sur le sort de ce qu’il est convenu d’appeler les « classes sociales les plus défavorisées ».
M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes pour la péréquation tarifaire !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cette péréquation tarifaire ne peut être remise en cause dans le dispositif que je suis en train de décrire à partir du moment où le malus s’apparente à une taxation qui rend la facture totale progressive, sans aucune incidence sur le tarif de l’électricité ou sur d’autres moyens de performance énergétique.
Sa transparence ainsi que des règles d’application connues de tous servent la lisibilité et la simplicité du dispositif, ces deux caractéristiques étant indispensables à l’adoption et à la mise en œuvre de la présente proposition de loi.
Ce texte s’adresse en priorité, et dans l’urgence, à tous ceux qui sont victimes, de près ou de loin, de la précarité énergétique : je n’hésite pas à y insister, car c’est le fil conducteur qui a guidé le travail du groupe socialiste.
Selon nous, la redéfinition du malus et la suppression du bonus offrent un double avantage pour nos concitoyens que je viens de citer et que le manque de ressources contraint à vivre, comme nous le savons tous, dans des « passoires énergétiques ». D’une part, si le malus énergétique est mis en œuvre, la somme supplémentaire qu’ils devront acquitter sera purement symbolique puisqu’elle sera fortement minorée, surtout si le foyer bénéficie du tarif social. D’autre part, ils seront les premiers bénéficiaires de la mise en place d’un service public de la rénovation thermique des bâtiments, qui contribuera mécaniquement à réduire leur facture en diminuant le gaspillage et la déperdition d’énergie. Ils pourront bénéficier de conseils mais aussi d’aides financières pour leurs travaux.
In fine, ces modifications renforcent le caractère éminemment social du texte dont nous discutons aujourd’hui, et c’est l’objectif politique, au sens le plus noble du terme, que nous poursuivons.
Cet objectif concerne bien sûr le titre II de la présente proposition de loi, et peut-être même davantage que le titre Ier. La motivation initiale de ce texte, c’est-à-dire répondre à l’urgence à laquelle doivent faire face les victimes de la précarité énergétique, y apparaît clairement.
Les chiffres sont connus, mais il n’est pas inutile de les rappeler. Les données publiées par la Fondation Abbé-Pierre sont évocatrices de la grande détresse et du nombre croissant des plus démunis : 8 millions de personnes se trouvent en état de précarité énergétique. Selon le rapport de cette institution, les ménages qui sont confrontés à cette précarité doivent choisir entre, d’une part, se chauffer tout en prenant le risque de ne pas pouvoir payer la facture – avec, à la clef, l’alternative infernale d’avoir soit à subir des coupures de gaz et d’électricité, soit à réduire fortement leur chauffage, voire de s’en passer complètement ! –, et, d’autre part, de pâtir des conséquences du froid sur le plan sanitaire.
Il n’est pas non plus inutile de rappeler que plus de 15 % des saisines déposées auprès du Défenseur des droits relèvent de difficultés de paiement ; que les tarifs sociaux de l’électricité ne bénéficient qu’à 1,1 million de ménages pour 2 millions d’ayants droit ; que les réductions ou coupures d’énergie concernaient déjà au moins 500 000 consommateurs en 2011 – malheureusement, l’année 2012 ne sera pas meilleure, il s’en faut.
À ce stade de mon intervention, je me dois de rappeler ce que j’avais déjà souligné avec force en première lecture. Ce qui doit avant tout nous inciter à utiliser toutes les voies qui nous sont offertes dans le cadre du Sénat pour améliorer et voter ce texte, c’est une scandaleuse injustice sociale, à laquelle nous sommes bien, mes chers collègues, en mesure de remédier.
Notre pays est la cinquième puissance mondiale. Il peut et doit accompagner ses citoyens de façon que ceux et celles qui ne peuvent pas se chauffer faute de moyens financiers cessent de redouter chaque année l’arrivée de l’hiver. Des réponses rapides et efficaces à cette situation sont à portée de notre main depuis quatre mois maintenant.
La première d’entre elles consiste à étendre les tarifs sociaux de l’énergie à 4 millions de foyers, soit 8 millions de personnes.
Comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a pris les mesures réglementaires qui permettent d’élargir à 400 000 nouveaux ménages l’accès aux tarifs sociaux. Il ne pouvait aller au-delà. Nous avons donc besoin d’en passer par la loi pour opérer un changement d’échelle nécessaire. En l’état actuel des choses, en effet – et la Fondation Abbé-Pierre insiste sur ce point –, « l’efficacité de ce système reste limitée et ne permet pas de sortir les ménages de la précarité ».
La mise en place de la trêve hivernale est une autre mesure d’application rapide, dont on ne saurait différer davantage la mise en application eu égard à ses bénéfices importants, tout particulièrement dans le contexte de la vague de froid qui sévit dans notre pays depuis dix jours. Celle-ci nous rappelle d’ailleurs à notre devoir, montrant au passage l’inanité des méandres du cheminement parlementaire et soulignant la perte de temps qui résulte de la disqualification du Sénat en première lecture, dont chacun d’entre nous devra prendre sa part de responsabilité.
L’interdiction imposée aux fournisseurs de couper l’approvisionnement en énergie pendant les mois d’hiver protégerait aussi tous ceux qui, du jour au lendemain, rencontrent de gros problèmes financiers et ne peuvent honorer leurs factures. Par ailleurs, ces mêmes fournisseurs n’auraient pas le droit de résilier les contrats.
Ainsi, nous répondrions par anticipation à la remarque de notre collègue Jean-Claude Lenoir, nous plaçant par là même dans une logique intellectuellement plus honnête. Car nous ne pensons pas, nous, qu’un effet d’aubaine résultera mécaniquement de l’extension de la trêve hivernale à tous au motif que sommeille derrière chaque consommateur un tricheur, un fraudeur. Telle n’est pas, en tout cas, notre vision de la société.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est de l’angélisme ! Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !
M. Jean-Jacques Mirassou. En réalité, il s’agit là d’un progrès considérable en faveur de la protection de nos concitoyens les plus vulnérables. Ce dispositif pourrait pourtant ne pas être suffisant. Tout comme notre rapporteur, Daniel Raoul, il me semble nécessaire d’éviter que les ménages identifiés par leurs fournisseurs comme étant les plus fragiles ne voient plus leurs contrats résiliés à l’approche l’hiver. Je souscris à son point de vue : nous devons étudier la question de la mise en place d’un fournisseur de dernier secours. Il aurait pour rôle de pourvoir, dans des conditions prédéfinies, aux besoins énergétiques incompressibles des plus fragiles, car l’énergie est, à l’évidence, un bien de première nécessité et il faut l’appréhender comme telle.
Cette mesure correspond, je le rappelle, à un engagement de François Hollande, engagement qui a été validé par son élection à la présidence de la République. Cet engagement, parce qu’il concerne en priorité nos concitoyens les plus vulnérables, ne peut laisser personne indifférent dans cet hémicycle. Les déclarations à ce propos ont, au demeurant, été éloquentes. Reste à savoir si ceux qui appellent de leurs vœux la mise en place d’un dispositif performant pour le plus grand nombre nous permettront d’aller jusqu’au terme du débat de manière à obtenir un texte renfermant un engagement précis à l’égard de nos concitoyens faisant face à la précarité énergétique… Nous le saurons dans les prochaines heures !
Pour toutes ces raisons, et avec solennité à mon tour, monsieur Lenoir, j’en appelle à la prise de conscience du plus grand nombre pour que ce débat ait lieu, pour qu’il prenne toute sa dimension et que nous n’ayons pas à déplorer un deuxième acte manqué, qui, de surcroît, discréditerait notre assemblée et le travail sénatorial. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la présente proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie nous inspire de nombreux regrets en raison de la précipitation, de l’impréparation et de l’amateurisme qui ont prévalu lors de sa présentation devant les assemblées et qui conduisent immanquablement à son échec.
En effet, ce texte, déposé le 7 septembre 2012, poursuit deux objectifs auxquels la plupart des formations politiques peuvent souscrire sans grande difficulté. Même la nôtre, madame la ministre !
Le premier objectif est d’accélérer la transition énergétique des ménages en jouant sur deux leviers : une diminution de l’énergie consommée et une meilleure isolation des logements. Or c’est justement la tarification progressive de l’énergie qui permettra d’amorcer cette transition énergétique.
Le second objectif est d’accompagner la hausse inéluctable des prix de l’énergie, de façon à permettre aux ménages de se préparer aux tensions sur les marchés énergétiques, tensions qu’ils constateront sur leurs factures, hélas assez rapidement.
Ces deux objectifs sont ceux que les auteurs de la proposition de loi nous présentent dans l’exposé des motifs. Et force est de reconnaître qu’il nous est difficile de ne pas y souscrire.
J’ajouterai simplement qu’il n’est pas aisé de dessiner des perspectives fiables à vingt ans et plus sur ce que seront les cours des différentes matières premières et donc sur ce que sera alors le coût de l’énergie.
Je ne m’attarderai pas plus longtemps sur la finalité de ce texte, car cette finalité, même si le degré de considération pour les questions environnementales peut varier d’un gouvernement à l’autre, chacun dans cette assemblée tend à la faire sienne. C’est bien pourquoi il est regrettable que nous ne puissions pas trouver un accord sur ce texte.
Cependant, la maladresse de la majorité sur la forme et la légèreté des auteurs du texte sur le fond nous empêchent d’émettre un jugement favorable à l’endroit de cette proposition de loi.
Je dirai d'abord un mot de la forme.
Nos collègues de l’Assemblée nationale se sont plaints, à raison, de ne pas avoir eu le temps d’examiner ce texte avec toute l’attention qu’il méritait. Comme il s’agit d’une proposition de loi, nous n’avons pas pu, du moins en première lecture, bénéficier de l’expertise du Conseil d’État, ni même – Jean-Claude Lenoir l’a rappelé – d’une étude d’impact. Pourtant, s’il existe bien des textes qui nécessitent une étude d’impact, ce sont ceux qui créent des dispositifs d’incitation à adopter des comportements vertueux, quel qu’en soit l’objet. Il nous est donc impossible de connaître l’impact financier des dispositions de la proposition de loi, impossible d’appréhender la progressivité de la tarification, puisque nous ne disposons d’aucune simulation, et impossible enfin d’évaluer les tarifs sociaux. À cela s’ajoute le refus d’une phase d’expérimentation ; je regrette que vous le mainteniez aujourd'hui.
Nos collègues de la majorité peuvent s’attendre à ce que nous ne nous montrions pas particulièrement bienveillants envers ce mécanisme de malus-bonus qui est au cœur de la proposition de loi, mais qui n’en reste pas moins une totale abstraction. Cette impréparation, volontaire ou non – mais j’ai désormais tendance à préférer la seconde hypothèse –, devint explicite lorsqu’un groupe de travail de crise fut mis en place sur l’initiative de la majorité et que le Conseil d’État fut enfin saisi. Même s’il s’agit d’un aveu, nous nous félicitons que le texte ait fait l’objet d’une cure de jouvence, ou plutôt, dirai-je sans mesquinerie aucune, d’une « cure de précision ».
Enfin, et il s’agit autant d’une critique sur la forme que sur le fond, critique qui vous a déjà été formulée, madame la ministre : pourquoi ne pas avoir attendu le grand débat national sur la transition énergétique de février ? Pourquoi ne pas avoir intégré des dispositions visant à introduire un mécanisme semblable d’incitation à la consommation raisonnée dans une grande loi sur la transition énergétique qui aurait également traité de l’habitat et de la consommation énergétique des entreprises ?
Mais peu importe. Aujourd’hui, nous prenons acte de votre choix de demander au Parlement de se prononcer sur un texte dont vous admettez que ses dispositions ne sont pas encore prêtes.
Venons-en donc au cœur de cette proposition de loi : le dispositif de malus-bonus. Ce dispositif, qui doit entraîner une prise de conscience des Français quant à leur mode de consommation domestique d’énergies de réseau, devra attribuer un volume de base pour chaque résidence. Les consommateurs bénéficieront d’un bonus si leur consommation est inférieure à cette base et se verront appliquer un malus en cas de dépassement.
Cette idée selon laquelle les consommateurs dispendieux financeront les consommateurs vertueux n’est pas déplaisante. En effet, le principal levier de la transition énergétique – nous en reparlerons plus tard – est la baisse de la consommation des ménages français plutôt que les éventuels arbitrages entre différentes sources de production d’électricité.
Cependant, j’entamerai ma réflexion sur l’article 1er en rappelant que celui-ci rompt avec la péréquation tarifaire dans la mesure où il introduit ce concept de bonus-malus…