M. Marc Daunis. Sans oublier l’économie sociale et solidaire !
M. Jean Germain. Vous le voyez, mes chers collègues, la BPI doit être aussi la banque de la conversion écologique. Il faut réorienter l’investissement et l’innovation pour préserver les emplois et l’environnement.
Nous pouvons réorienter l’innovation par le biais de la recherche fondamentale et appliquée financée par l’État, et en obligeant les entreprises à payer les dégâts environnementaux dont elles sont responsables.
Bientôt, nous allons recourir à des crédits d’impôts, afin d’encourager les entreprises à investir. Ces crédits seront, nous le souhaitons, accordés pour des investissements qui économisent des ressources et qui préservent des emplois plutôt qu’ils n’en détruisent.
La création de la BPI ouvre une nouvelle voie, celle d’une économie plus dynamique et d’une société plus équitable, où l’on a le sentiment de partager le même destin.
C’est donc avec enthousiasme que le groupe socialiste soutiendra sa création. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières décennies, certains ont cru à une France sans industrie. Force est de constater combien ces adeptes de l’économie postindustrielle se sont trompés. L’analyse des difficultés que nous rencontrons aujourd’hui pour retrouver le chemin de la croissance montre, au contraire, que l’avenir de notre pays réside précisément dans nos industries productives.
Le constat dressé par l’excellent rapport Gallois est certes alarmant, mais il ne constitue en rien une nouveauté. Le commissaire général à l’investissement écrit en effet : « La compétitivité de l’industrie française régresse depuis dix ans et le mouvement semble s’accélérer ».
Faut-il rappeler que, en 2007, nous avions déjà perdu près de deux millions d’emplois industriels en un peu plus de 25 ans, et que la part de l’industrie dans le produit intérieur brut est passée de 24 % à 14 % entre 2000 et 2010 ? Quant au déficit de notre balance commerciale, il a atteint un nouveau record en 2011, en s’élevant à 70 milliards d’euros, un montant qu’il faut mettre en parallèle avec l’excédent commercial de l’Allemagne, lui aussi record, de plus de 160 milliards d’euros.
Les causes des faiblesses de notre économie sont multiples. Je n’en ferai pas l’exégèse aujourd’hui : elle a déjà été faite par des gens beaucoup plus compétents que moi.
Cependant, nous sommes convaincus que le redressement industriel passe par un tissu de PME, d’ETI, d’entreprises ayant de fortes capacités d’innovation et d’exportation.
Je rappelle que la France compte environ 90 000 entreprises exportatrices contre 184 000 en Italie et 364 000 en Allemagne ! Ces chiffres ont été cités tout à l’heure par Christian Bourquin.
Alors que la situation n’a cessé de se dégrader depuis trente ans, le Gouvernement, et nous nous en réjouissons, prend des mesures pour garantir un véritable redressement productif de la France. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté par le Premier ministre est un grand pas en avant, en direction d’une croissance soutenue et durable.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont nous aborderons l’examen à l’occasion du prochain collectif budgétaire, va aussi dans le bon sens, et doit répondre aux attentes des entreprises.
Le projet de loi relatif à la création de la BPI, dont il est question aujourd’hui, constitue une autre innovation très attendue. Elle permettra de rendre plus simples, plus lisibles et plus accessibles les dispositifs de soutien aux entreprises, qu’il s’agisse d'ailleurs d’un soutien financier, prenant la forme de prêts ou d’apports en capital, d’un soutien à l’innovation ou d’une aide à l’export.
Ce projet de loi a été amélioré par les députés, mais également par la commission des finances du Sénat, grâce, notamment, aux amendements déposés par le rapporteur général François Marc.
Les droits du Parlement ont été renforcés, ce dont je me réjouis. La proposition de loi organique que nous examinons dans cette discussion commune apporte également une précision utile en ce sens. Conformément aux dispositions prévues à l’article 13 de la Constitution, les commissions des finances de chaque assemblée auront donc à se prononcer sur la nomination du directeur général de la BPI.
Les missions de la BPI, définies à l’article 1er de ce projet de loi, ont été largement précisées à l’Assemblée nationale, à très juste titre. Elle sera la banque des PME, des entreprises de taille intermédiaire, mais aussi des très petites entreprises, les TPE. Inscrire ce point dans le projet de loi n’est pas anodin.
Cependant, ces très petites entreprises s’interrogent sur l’action concrète de la BPI en leur faveur. Elles rencontrent en effet des difficultés spécifiques, en particulier des difficultés de trésorerie, souvent pour de faibles montants. Quels outils la BPI développera-t-elle pour répondre à leurs besoins précis ? Monsieur le ministre, cette question était peut-être un peu prématurée à ce stade, mais je tenais à vous la poser, parce que l’inquiétude est forte parmi ces très petites entreprises, qui font la force de notre pays et dont les responsables triment chaque fin de trimestre quand ils doivent s’acquitter de leurs charges sociales.
Enfin, des réformes complémentaires seront nécessaires pour que la France retrouve croissance et compétitivité. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la réforme bancaire et celle de la fiscalité de l’épargne, qui permettront d’orienter le système financier et l’épargne vers l’économie productive.
Comme le disait notre collègue Jean Germain, la création de la BPI, avec d’autres mesures, s’inscrit dans un plan d’ensemble cohérent du Gouvernement. Cependant, les difficultés de nos entreprises, notamment pour se développer et exporter, trouvent leur origine notamment dans des problèmes liés à la fiscalité et aux effets de seuil de la réglementation sociale. Des simplifications administratives et fiscales pour les PME et les TPE seront donc également nécessaires, et même indispensables.
Plus largement, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne fait que définir les contours de la BPI, à savoir son cadre juridique et sa gouvernance. Les futures bénéficiaires sont donc en droit de s’interroger sur les effets réels de la mise en place de cette nouvelle banque, notamment sur l’efficacité du fameux « guichet unique » dans chaque région, sur lequel mon éminent collègue Christian Bourquin est intervenu.
Même si aucun orateur m’ayant précédé ne l’a évoqué, je souhaite insister sur un point : l’Europe. En effet, l’articulation entre la BPI, la Banque européenne d’investissement et les fonds européens devra faire l’objet d’une attention particulière.
C’est également à l'échelle européenne qu’il faudra agir pour rétablir plus d’équité dans le commerce international : il est urgent de faire valoir une réelle réciprocité dans les échanges, notamment en matière d’accès aux marchés publics.
La BPI constituera sans aucun doute un excellent outil au service des entreprises, dont les conditions de mise en œuvre restent néanmoins à préciser.
La grande majorité du groupe RDSE soutient les efforts du Gouvernement en faveur de la compétitivité de nos entreprises et approuvera par conséquent les deux textes relatifs à la Banque publique d’investissement, avec le sentiment, d’une part, de porter la création d’un grand groupe public d’investissement qui participera au redressement de notre pays, et, d’autre part, d’adresser un geste fort en direction de nos entreprises. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création de la Banque publique d’investissement est censée répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises françaises pour trouver des financements.
Avant de détailler les problèmes posés par une telle structure, je tiens à signaler qu’il aurait peut-être fallu commencer par ne pas dissuader les investisseurs d’investir leur argent en France en alourdissant la fiscalité sur les revenus du capital. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Marc Daunis. Comme si ce problème datait d’il y a quelques semaines !
M. Pierre Charon. En effet, si les entreprises ont effectivement besoin de capitaux pour se développer, vous conviendrez qu’il est un peu hasardeux de taxer précisément le carburant de l’activité économique dans notre pays.
Quand on taxe les cigarettes, c’est pour que les gens fument moins ; eh bien, quand on taxe l’investissement, les gens investissent moins !
M. Christian Bourquin. Vous croyez que les gens fument moins ?
M. Pierre Charon. Il faut ensuite déployer des trésors de créativité législative pour essayer de lutter contre les effets néfastes de ce genre de décisions.
Je voudrais maintenant revenir à la réponse supposément apportée par la création de la BPI.
Pour commencer, pourquoi une banque publique ? Si c’est pour faire le travail que font les banques privées, pourquoi alourdir les dépenses de l’État ? Et s’il s’agit, pour reprendre la formule de Jean-Pierre Jouyet, rappelée par Aymeri de Montesquiou, de financer les « canards boiteux », c’est confondre investissement et charité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Marc Daunis. Quel mépris vis-à-vis des entrepreneurs !
M. Pierre Charon. Alourdir la dépense publique qui pèsera inévitablement sur l’activité, c’est porter atteinte à la compétitivité.
M. Michel Vergoz. Vu l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques, vous devriez faire preuve d’un peu de décence !
M. Pierre Charon. Monsieur le ministre, je crains que le choc de compétitivité que vous proposez ne se résume à un coup de matraque fiscale et à la création d’un organisme de charité public.
Mes chers collègues, il faut que nous reconnaissions aujourd’hui que l’État n’a pas toujours été le gestionnaire le plus éclairé. Nous avons tous en mémoire le triste exemple du Crédit lyonnais et de ses 130 milliards de francs de pertes.
Plus récemment, nous nous souvenons tous des 31 milliards d’euros, dont la moitié fut à la charge des contribuables, de pertes de Dexia, que trois interventions successives de l’État n’ont pas suffi à sauver.
M. Marc Daunis. Vous croyez que Lehman Brothers, c’est mieux ?
M. Pierre Charon. D’autres chiffres encore, fournis par le Gouvernement en annexe du projet de loi de finances pour 2013, dans le rapport relatif à l’État actionnaire, devraient nous inviter à une certaine humilité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Christian Bourquin. Vous d’abord !
M. Pierre Charon. Chacun se reconnaîtra, cher collègue ! Libre à vous de commenter ce que vous appelez des « inepties » !
M. Christian Bourquin. Appelez cela l’héritage !
M. Pierre Charon. Ainsi, si l’on se réfère au dernier bilan de l’État actionnaire entre l’été 2011 et l’été 2012, la valeur des sociétés cotées détenues par l’État a reculé de près de 13 %. Durant la même période, les entreprises du CAC 40 progressaient de 5 %, soit un différentiel de près de 20 % !
S’agissant des participations supérieures à 1 % que l’État détient dans une cinquantaine de groupes non cotés, les dividendes ont connu un recul de 2 milliards d’euros, passant de 7,9 milliards d’euros à 5,8 milliards d’euros.
M. Marc Daunis. Quel bilan ! Ne soyez pas masochiste, ne soyez pas si sévère avec vous-même !
M. Pierre Charon. Devant ce bilan, et dans un contexte économique déjà très fragilisé par les effets de la crise, il est permis de se poser la question de la pertinence du choix d’une banque publique pour assurer la mission de financement des entreprises de demain.
Il est par ailleurs douteux que les présidents de région interviennent dans 90 % des choix des entreprises à soutenir.
Le métier de banquier, c’est l’appréciation du risque (Rires sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.),…
M. Roland Courteau. Elle est bien bonne, celle-là !
M. Pierre-Yves Collombat. Il fallait oser !
M. Pierre Charon. … et non pas l’appréciation politique inspirée par le clientélisme local.
De plus, le texte prévoit que la BPI puisse être à la fois actionnaire et prêteuse. L’histoire financière récente a montré combien ce mélange des genres était dangereux pour une banque.
Les entreprises n’attendent d’ailleurs pas de voir l’État intégrer leur capital ; elles estiment, pour la plupart, que le Gouvernement ne les aide pas de la bonne manière.
M. Marc Daunis. J’en connais beaucoup qui vont bien !
M. Pierre Charon. Elles souhaiteraient en réalité renforcer leurs fonds propres par elles-mêmes, ce qui passe par une amélioration de leurs marges, rendue impossible par le tour de vis fiscal imposé dans le budget.
Mes chers collègues, la création de richesse passe effectivement par le dynamisme de nos entreprises, et il est bien sûr à souhaiter que les initiatives entrepreneuriales se multiplient dans notre pays.
En revanche, et il faut l’accepter, toutes les aventures ne sont pas viables, et c’est tout le métier du banquier que d’évaluer la pertinence de telle ou telle idée sur le marché. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Vergoz. Et vous dites cela sans rougir !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
M. Pierre Charon. Refuser que certaines entreprises disparaissent, c’est faire peser l’échec des unes sur la naissance des autres. Les bonnes intentions d’une banque publique qui financerait tout le monde conduiraient malheureusement non pas à un succès économique, mais à socialiser les pertes et à privatiser les profits. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est déjà fait.
M. Marc Daunis. Vous êtes expert en la matière !
M. Pierre Charon. Le retour à une croissance forte passera par notre capacité à inciter les Français à investir, non à les en dissuader.
M. Jean-Pierre Plancade. Quel discours ringard !
M. Pierre Charon. Le retour à une croissance juste passera par l’acceptation des choix stratégiques des agents économiques.
Surtout, le retour à une croissance saine passera par la transparence et la sobriété de l’utilisation de l’argent public. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Banque publique d’investissement a pour vocation première de défendre les PME et les ETI de croissance. Mes collègues du groupe socialiste et moi-même souscrivons pleinement à cette orientation, dont nous trouvons ici la confirmation.
En effet, dans le cadre d’une stratégie de croissance pour la sortie de crise de notre pays, ce projet répond aux besoins d’investissement et de financement propre des PME et des ETI innovantes.
Voilà une banque qui ne sera pas comme les autres : elle exercera ses activités non pas pour son propre compte ou à des fins spéculatives, mais uniquement dans l’intérêt du tissu productif et de l’innovation.
Oui, mes chers collègues, pour parer au déclin industriel, nous devons créer des emplois d’avenir dans les secteurs innovants : ceux du numérique, qui participent de la modernisation de tous les autres secteurs industriels, ceux de la santé, de la biotechnologie, de l’alimentation et ceux de la transition énergétique et du développement durable, dont nous parlera mon ami Michel Teston.
Mes chers collègues, les drames économiques et humains, ainsi que les plans de licenciements, doivent nous faire réagir. Nous savons tous que plus de 2 millions d’emplois industriels ont disparu en trente ans, dont 500 000 cette dernière décennie. Or, au cours de cette même période, les PME ont créé 600 000 emplois net. Elles sont donc le moteur de la création d’emploi en France et le pivot de la nouvelle industrialisation.
Toutefois, dans le même temps, leur développement a été insuffisant, leur transition numérique inachevée, et elles ne contribuent que trop peu aux exportations françaises.
Le renouvellement de notre offre et sa montée en gamme vers des produits concurrentiels à forte valeur ajoutée repose sur notre capacité d’innovation dans les secteurs à forte intensité technologique. Son débouché nécessite l’élargissement du socle de la demande avec l’international.
Conjoncturellement, toutes les PME souffrent dans la crise économique, avec un accès difficile au crédit. Structurellement, ce sont les PME des secteurs dynamiques les plus innovants qui en pâtissent le plus.
Il faut donc se féliciter que la création de la BPI, outil essentiel au service de l’économie réelle et bras armé de la puissance publique, pallie leurs difficultés de financement, à la fois en fonds propres et en investissement, parce que son action cible une intervention au moment de la création, une intervention au stade crucial de la transformation d’une innovation technologique en production véritable pour sa commercialisation, une intervention au niveau de l’internationalisation et, enfin, une intervention lors de la transmission des entreprises.
Bref, la création de la BPI aura pour objet d’unifier et de simplifier l’accès des entreprises aux dispositifs publics de financement, donc de les rendre « dans la proximité, plus attractifs et plus efficaces ».
Toutefois, je formulerai une remarque : la BPI devra être exemplaire dans sa gouvernance, qu’il s’agisse des rémunérations de ses dirigeants ou encore de l’application du principe de parité. Oui, le principal actif de la BPI sera bien sa réputation.
S’il est vrai que la BPI n’a pas vocation à soutenir à fonds perdus des entreprises connaissant des difficultés financières structurelles et dont les perspectives d’avenir sont plus qu’incertaines, il importe cependant, selon moi, que des entreprises qui rencontrent des difficultés passagères ou des problèmes conjoncturels, mais dont les perspectives d’avenir sont établies, puissent être aidées financièrement.
Il est bon, également, que la BPI développe une activité de capital-risque, qui fait défaut en France, et qu’elle facilite l’accès aux ressources du programme des investissements d’avenir.
Si l’on y ajoute la responsabilité qui lui est dévolue de mettre en œuvre la garantie publique, la BPI se révèle un outil complet : une banque qui soutient quand le marché est défaillant, une banque qui investit pour l’avenir, notamment dans des secteurs où il faut pouvoir assurer des pertes pendant plusieurs années avant de percevoir les premiers retours.
Disposer d’une banque publique contre les défaillances du marché est une idée qui fait son chemin en Europe, même chez les conservateurs.
Écoutons plutôt ce que disait le secrétaire d’État britannique aux affaires, à l’innovation et au savoir-faire : « Nous avons besoin d’une banque publique […] dont le bilan soit équilibré et disposant d’une capacité rapide d’expansion de ses prêts aux producteurs, aux exportateurs et aux compagnies à forte croissance qui font fonctionner notre économie. » Sans commentaire, chers collègues de l’opposition !
Enfin, comme vous, monsieur le ministre, je pense que ce serait un beau symbole que le conseil d’administration de la BPI ne soit pas parisien, afin de montrer que cette banque « des entreprises » est aussi celle « des territoires ».
M. Christian Bourquin. Très bien !
M. Roland Courteau. La BPI devra ainsi maintenir la plus grande proximité possible avec le tissu économique local. C’est l’ancrage territorial, régional, qui permet de soutenir et de consolider des écosystèmes entiers, et pas seulement des entreprises spécifiques et isolées.
Efficacité de l’action publique, mutualisation et territorialisation, la BPI permettra de se projeter dans l’avenir, en soutenant une économie de projets, dont nous avons besoin pour relever l’immense défi qui est devant nous.
Je salue bien volontiers votre action, monsieur le ministre, et celle du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le principe, le projet de loi qui nous est présenté est tout à fait louable, puisqu’il vise à améliorer le financement public des entreprises, et l’idée d’un « guichet public unique » peut paraître attrayante.
Il est en effet impératif que notre pays accentue son aide en direction des entrepreneurs si nous voulons avoir une chance de réparer notre tissu industriel, qui a particulièrement souffert ces dernières années.
Malheureusement, tous les chiffres le montrent, les PME et les très petites entreprises rencontrent de plus en plus de difficultés pour se financer, et cela indépendamment de leur état de santé. Selon le quatorzième baromètre KPMG-CGPME, près des trois quarts des patrons de PME constatent au moins une mesure de durcissement de leurs conditions de financement. Le renforcement des contraintes prudentielles imposées aux banques avec Bâle III incite ces dernières non pas à ouvrir les vannes du crédit mais, a contrario, à les resserrer.
Par ailleurs, la crise économique qui s’accentue ne fait qu’amplifier cette politique frileuse des banques au détriment de milliers d’entreprises.
Au quotidien, dans nos territoires, de nombreux chefs d’entreprise nous font part de leurs inquiétudes sur ces questions. Les gouvernements précédents ont mis en place une kyrielle de mesures pour répondre avec la plus grande diligence aux besoins des entreprises. Dès 2005, la création d’OSEO a permis le rapprochement de deux organismes publics distribuant des aides ou octroyant des financements aux petites et moyennes entreprises : l’Agence nationale de valorisation de la recherche, l’ANVAR, et la Banque du développement des petites et moyennes entreprises, la BDPME.
Il me semble important de rappeler que près de 84 000 entreprises ont été soutenues par OSEO l’année dernière. À la fin de 2008, Nicolas Sarkozy a créé la médiation du crédit, pour aider les PME qui rencontrent des difficultés, notamment de trésorerie,…
M. Daniel Raoul. C’est à l’UMP qu’il faut une médiation ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Fournier. … ainsi que le Fonds stratégique d’investissement.
Aujourd’hui, ce que vous nous proposez est donc non pas une création, mais plutôt l’agrégation de plusieurs entités qui existent déjà : OSEO, la filiale entreprise de la Caisse des dépôts et consignations, le FSI, le FSI Régions, Ubifrance et la COFACE.
Après plusieurs atermoiements, il semble désormais qu’OSEO ne sera plus la structure faîtière de la future BPI,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela n’a jamais été envisagé !
M. Bernard Fournier. … mais que le modèle de gouvernance de cette dernière restera celui d’une holding de type « compagnie financière », chapeautant deux filiales, dédiées l’une au financement via OSEO et l’autre aux investissements en capital regroupant le FSI et CDC entreprises.
L’abandon d’un schéma plus intégré ne risque-t-il pas de nuire à l’efficacité, à la gouvernance et à la lisibilité du dispositif ? Quelle sera la plus-value de la BPI, et, surtout, cette dernière sera-t-elle bien organisée et adaptée pour accompagner les entreprises ?
La place des régions dans la BPI est aussi une question majeure et emblématique. Le président de l’Association des régions de France, M. Alain Rousset, a de nouveau demandé que la présidence des comités régionaux d’orientation et des comités d’engagement leur soit attribuée.
Certains exemples du passé nous incitent à la prudence et, sans faire preuve naturellement de défiance envers les régions, je suis tout à fait d’accord avec le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, notre collègue Gilles Carrez, qui soutient une position équilibrée et de bon sens. Les élus régionaux devraient pouvoir participer aux comités d’orientation, mais pas aux commissions d’engagement, « que ce soit pour les prêts ou pour la mise en place des fonds propres ».
Enfin, je voudrais terminer mon intervention en regrettant que, une fois de plus, les zones rurales n’aient pas été mieux prises en compte. Pis, elles ont été complètement oubliées, puisque l’article 1er du projet de loi mentionne que la BPI « apporte son soutien à la stratégie nationale de développement […] des entreprises dans les zones urbaines défavorisées ». Ce n’est pas un très bon signe envoyé à des milliers d’entreprises qui participent au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement de notre territoire.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, je voterai contre ce projet de loi, sur lequel pèsent encore beaucoup trop de questions sans réponse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’éprouve les plus grandes difficultés à situer les outre-mer dans le projet de loi. En effet, il faut attendre le dernier article concernant la BPI, l’article 9, pour les voir mentionner et, une fois de plus, par la voie d’une demande d’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relatives à l’application des dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte.
Les départements et régions d’outre-mer, les DROM, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion ne figurant pas dans cet article 9, on doit donc considérer que la loi relative à la création de la Banque publique d’investissement s’y applique de plein droit, conformément au principe d’identité législative. Tant mieux, mais il ne faut pas oublier pour autant de prendre les mesures d’adaptation nécessaires tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités, comme le préconise l’article 73 de la Constitution.
Ces adaptations sont indispensables, vous le savez bien, monsieur le ministre. C’est ce qui fait défaut dans votre projet de loi, car il n’y est fait aucune référence aux outre-mer, qu’il s’agisse des missions ou de la gouvernance de la BPI. Pourtant, dans l’exposé des motifs de ce texte, il est clairement indiqué que « la BPI développera une stratégie d’intervention spécifique en outre-mer » et que « la gouvernance de la BPI devra tenir compte de ces spécificités et de la place particulière de certains acteurs en outre-mer ».
Je tiens d’ailleurs à rappeler que l’implantation d’une représentation de la BPI dans les outre-mer qui offrirait tous les produits financiers prévus dans l’Hexagone était le premier des trente engagements de François Hollande pour l’outre-mer, un engagement qu’il a encore confirmé tout récemment devant les maires d’outre-mer réunis à la mairie de Paris, lors du dernier congrès des maires de France, en réponse à une demande très forte et très ancienne des Ultramarins.
Aussi, monsieur le ministre, vous comprendrez qu’intégrer les outre-mer dans ce projet de loi sera un signe fort envoyé aux acteurs économiques de ces territoires, aux élus et aux populations.
Dans son intervention lors de la Conférence économique et sociale des outre-mer, le Premier ministre déclarait ce matin : « Je veillerai à ce que le dispositif BPI et les produits qu’il offrira soient mis en place rapidement sans qu’aucun territoire ultramarin ne reste à l’écart, dans le respect naturellement des compétences de chacun ».
L’enjeu de la BPI est en effet considérable pour nos outre-mer, et c’est la raison pour laquelle nous insistons pour que, sur ses missions, référence expresse soit faite aux collectivités d’outre-mer : à cause de leur singularité, leurs entreprises pourraient être exclues du champ d’application de la BPI.
En effet, le secteur économique ultramarin est caractérisé par une multitude de micro et très petites entreprises artisanales et de services ; les besoins pour financer l’innovation relèvent moins de la rupture technologique, comme en métropole, que de l’adaptation technologique et de l’innovation sociétale.
Tout comme les entreprises situées dans les zones défavorisées urbaines, qui sont citées expressément dans la loi, celles des territoires d’outre-mer ont autant besoin de soutien et d’accompagnement que d’apport en financement.
En ce qui concerne la gouvernance, il n’existe aucune certitude que la voix des territoires d’outre-mer sera entendue, ni au conseil d’administration ni au conseil national d’orientation. Je tiens à rappeler que onze territoires d’outre-mer sont concernés par la BPI. Si quatre d’entre eux – les quatre DROM – peuvent être représentés par l’Association des régions de France, l’ARF, qu’en sera-t-il pour les sept autres qui n’ont pas le statut de régions ?
Aussi, monsieur le ministre, vous pouvez réparer ce que je veux bien qualifier « d’oubli » en donnant dans ce projet de loi aux territoires d’outre-mer, comme aux autres territoires de France, la possibilité de se faire entendre au sein de la gouvernance de la BPI. D'ailleurs, la vocation de la BPI n’est-elle pas d’agir en lien étroit avec les territoires ?
Dernier point, et non des moindres, le cas des outre-mer ne devra pas continuer à être réglé au travers d’une simple convention de partenariat entre OSEO et l’Agence française de développement, l’AFD, à l’instar de ce qui se fait depuis 2009. Ce système a montré ses limites, car nombre de produits d’OSEO n’ont pas été étendus aux outre-mer. Comme cela a été annoncé, la représentation de la BPI doit y être effective, avec une doctrine d’intervention et des produits financiers conçus et adaptés à leurs besoins spécifiques.
Monsieur le ministre, j’ai déposé des amendements qui visent à une meilleure prise en considération des outre-mer dans ce projet de loi. Je sais pouvoir compter sur vous pour qu’ils soient adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)