M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Laurent. Monsieur le Premier ministre, depuis hier, vous vous acharnez à défendre l’accord passé entre votre gouvernement et Mittal au nom d’un argument : vous sauvez l’emploi.
Plusieurs sénateurs UMP. Très bien !
M. Pierre Laurent. À droite, vous êtes disqualifiés sur ce sujet, alors laissez-moi parler ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Cependant, vous ne parvenez pas à convaincre. En effet, comment garantir l’emploi si l’avenir industriel du site de Florange, lui, n’est pas garanti ? Déjà, l’arrêt des hauts fourneaux de Florange prive la région de son poumon économique et menace de destruction des centaines d’emplois directs, indirects et intérimaires. Mais surtout, alors que, hier encore à l’Assemblée nationale, vous déclariez avoir obtenu la reprise du projet ULCOS, Mittal vient de donner le coup de grâce à Florange en retirant la candidature du site pour l’appel d’offres européen.
M. Mittal n’a jamais renoncé à son plan de dépeçage de l’industrie sidérurgique, notamment de sa filière chaude en Europe. Le groupe ArcelorMittal profite des aides publiques mais il organise la perte de rentabilité des sites pour les fragiliser, afin de justifier leur fermeture. Il y a donc deux visions radicalement différentes en présence : d’un côté, celle de Mittal, qui organise le déclin de l’industrie en cherchant à préserver ses intérêts financiers ; de l’autre, celle des syndicalistes et de nombreux élus du territoire lorrain ainsi que des auteurs du rapport Faure commandé par votre gouvernement, qui préconisent des investissements importants sur le site, dans le cadre d’une « option nationale » pour la sidérurgie. Pourquoi avez-vous enterré si vite ce rapport officiel ?
Monsieur le Premier ministre, entre ces deux visions, vous devez choisir !
Laisser la main à Mittal, c’est tourner le dos aux salariés, au projet ULCOS, à l’intérêt de la France. Si vous choisissez l’intérêt national, comme nous vous le demandons, vous devez rouvrir le dossier. Les prétendus engagements de Mittal, qu’il a déjà trahis en quelques heures, ne peuvent en aucun cas mettre un point final au dossier de Florange.
J’ai donc trois questions à vous poser : quelle garantie pouvez-vous donner quant à un engagement rapide et financé du projet ULCOS ? Le Gouvernement s’engage-t-il à rouvrir sans délai le dossier de l’avenir industriel du site de Florange et plus largement des sites d’ArcelorMittal en France, y compris en examinant la voie de la nationalisation ? Enfin, puisque vous avez annoncé la mise en place d’un comité de suivi, êtes-vous prêt à ouvrir sa composition à une représentation pluraliste des élus locaux et des parlementaires, afin d’élargir sa mission à la recherche des solutions industrielles d’avenir qui font toujours défaut aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Laurent, j’ai écouté votre question avec beaucoup d’attention. J’ai notamment été très attentif à votre conclusion, qui interpelle le Gouvernement sur sa volonté d’offrir des perspectives d’avenir à la Lorraine. Je comprends cette question, et croyez bien que, en tant que chef du Gouvernement, j’y suis particulièrement attentif.
Hier soir, j’ai rencontré l’intersyndicale de Florange, avec les responsables des fédérations de la métallurgie qui l’accompagnaient. Cette rencontre a été marquée par une grande franchise et un grand respect mutuel. Chacun a exprimé son point de vue, comme nous le souhaitions les uns et les autres. J’ai expliqué les raisons du choix du Gouvernement.
Ce midi, j’ai rencontré les élus du conseil régional de Lorraine et du conseil général de Moselle, ainsi que des maires, des présidents d’intercommunalité et quelques parlementaires de sensibilités différentes, en tout cas ceux qui avaient accepté de venir. Là aussi, nous nous sommes parlé franchement.
La position du Gouvernement est conforme à l’objectif que lui a fixé le Président de la République : pas de plan social, pas de suppression d’emplois, pas de licenciement à Florange. Cet objectif a été atteint. Ce résultat est le fruit des négociations que le Gouvernement a engagées la semaine dernière avec Mittal. Ces négociations difficiles avaient été précédées d’une rencontre entre M. Mittal et le Président de la République.
Un autre objectif était d’obtenir l’engagement que des investissements de 180 millions d'euros seraient réalisés sur la partie « froid » et la partie « emballage » du site. Cet engagement a été accepté. Bien entendu, il s'agit maintenant de veiller à ce qu’il soit tenu.
J’en viens au projet ULCOS.
Vous avez dit que le groupe Mittal lui avait porté le coup de grâce. Non, il ne lui a pas porté le coup de grâce. Il n’a fait que répéter ce qui avait été dit clairement lors de la négociation. Vous avez fait allusion au rapport qui avait été commandé par le Gouvernement à M. Pascal Faure. Ce rapport soulignait que, au stade actuel de son élaboration, le projet ULCOS ne permettait pas de développer un processus industriel, à cause de difficultés techniques. C’est donc d’un commun accord que nous avons constaté que, si nous conservions le projet en l’état, cela reviendrait à mettre en péril l’avenir du projet ULCOS.
Le projet ULCOS, je le rappelle, est un projet industriel innovant, qui a pour objectif de produire de l’acier sans rejeter dans l’atmosphère autant de CO2 que les autres processus. Ces rejets de CO2 sont en effet un vrai problème dans un pays comme le nôtre, qui est confronté au grand défi de la transition énergétique. Le projet ULCOS a pour objectif de capter le CO2. Je sais que certains préféreraient qu’il n’y ait plus de CO2 du tout, mais, quant à moi, je suis partisan d’un avenir industriel pour la France.
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je souhaite que notre pays dispose d’une industrie capable, lorsqu’elle produit du CO2, de ne pas le rejeter dans l’atmosphère. Le projet ULCOS est un projet innovant, un projet d’avenir, dont la réussite nécessite beaucoup d’investissements, en particulier en matière de recherche et développement.
Ce que Mittal a déclaré à la Commission européenne, c’est que le projet ULCOS serait repris. Le Gouvernement est associé à ce projet : 150 millions d'euros ont déjà été réservés au titre des investissements d’avenir. Ces fonds sont gérés par le Commissariat général à l’investissement, dirigé par Louis Gallois, qui est placé auprès du Premier ministre. Par conséquent, croyez bien que j’ai tout à fait l’intention de m’assurer que ces 150 millions d'euros seront utilisés.
J’ai d'ailleurs demandé à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, qui est également présente au banc du Gouvernement, de réunir immédiatement tous les laboratoires de recherche intéressés – ils sont nombreux – pour remettre à plat le volet recherche. C’est ce qui est en train d’être fait. Nous allons agir dans cette direction.
Comme toutes les autres régions françaises, la Lorraine a droit à un avenir.
M. Jean-François Husson. Ah oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais il y a une différence avec ce qui avait été fait avant. (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Les engagements pris par Mittal lors de la négociation de la semaine dernière ne sont assortis d’aucune condition. Pour nous, c’était un préalable. En revanche, lorsque le gouvernement précédent avait prétendu que des engagements avaient été pris par le même groupe, ces engagements étaient conditionnés à l’amélioration de la conjoncture sur le marché de l’acier. Tel n’est pas le cas aujourd'hui ! Je le répète, les engagements pris par Mittal ne sont assortis d’aucune condition.
Monsieur Laurent, vous pourriez me demander si ces engagements seront tenus. C’est une question légitime.
M. Pierre Laurent. Surtout lorsqu’il s’agit de Mittal !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C'est la raison pour laquelle j’ai désigné le sous-préfet de Thionville, M. Marzorati… (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, l’affaire est suffisamment sérieuse et grave pour que vous évitiez les réactions simplistes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ayez un peu de modestie et de respect devant une région qui souffre et qui s’inquiète. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai donc demandé à M. Marzorati, qui sera totalement disponible dans quelques jours, puisque ses fonctions à Thionville sont sur le point de se terminer, de se consacrer entièrement à la direction d’un comité de suivi qui disposera des moyens de l’État, avec en particulier un expert chargé du projet ULCOS et un autre chargé de suivre les investissements, et qui associera tous les partenaires.
Vous avez parlé des élus, monsieur Laurent ; eux aussi – élus locaux et parlementaires – me l’ont demandé. Dans de nombreux territoires, lorsqu’un problème grave, un problème d’avenir industriel, se pose, les préfets organisent des tables rondes. Eh bien, cette fois, c’est une table ronde permanente que nous souhaitons organiser avec les partenaires sociaux,…
M. François Grosdidier. Des résultats !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … et j’espère que cette table ronde sera rapidement mise en œuvre. Je recevrai d’ailleurs M. Marzorati ce soir afin de lui donner sa feuille de route.
Par ailleurs, au-delà du nécessaire respect par Mittal de ses engagements, j’ai indiqué au président du conseil régional de Lorraine que le Gouvernement était prêt à négocier avec lui, ainsi qu’avec l’ensemble des élus des territoires concernés, un contrat d’objectifs ambitieux visant à prendre à bras-le-corps tous les autres dossiers, industriels, environnementaux et sociaux.
Mme Natacha Bouchart. Cela fait sept minutes qu’il parle, monsieur le président !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La Lorraine, qui, comme le Nord-Pas-de-Calais et d’autres régions françaises, a particulièrement souffert des différentes phases de restructuration industrielle – crise minière et crise sidérurgique, notamment –, a droit, plus que d’autres peut-être, au soutien de l’État. Mais je n’ai pas le droit – c’est ma conception de la politique – de faire croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour que les recettes magiques apparaissent.
Monsieur Laurent, vous avez évoqué la perspective d’une nationalisation. Aucun sujet n’est tabou pour moi. L’État a pris, et prendra encore, des participations publiques dans des entreprises. Il aurait pu prendre des participations publiques dans ce dossier, et il en prendra dans beaucoup d’autres.
Mme Natacha Bouchart. Cela fait huit minutes maintenant !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais je ne voudrais pas que l’on croie que le fait de prononcer le mot « nationalisation » règle tous les problèmes. En la matière, j’ai trop de souvenirs, qui remontent à la période où je n’étais pas encore parlementaire, des souvenirs que partagent également les populations concernées. Lorsque l’industrie sidérurgique a été nationalisée, cela s’est traduit par une restructuration, qui s’est accompagnée de 30 000 suppressions d’emploi.
M. François Grosdidier. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Moi, je me bats pour l’emploi, je me bats pour la compétitivité, je me bats pour l’avenir industriel, mais mon devoir est de dire la vérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Dire la vérité, c’est respecter les gens. Si le Gouvernement a conclu cet accord avec Mittal, c’est parce que, en conscience, il a considéré que c’était la meilleure solution.
Pas de plan social, préservation de l’emploi, investissement industriel, préparation de l’avenir et – je le confirme aujourd'hui – soutien à la région Lorraine par un système de contractualisation, voilà la position du Gouvernement, une position de franchise, de respect et, je le crois, de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation en syrie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les dernières évolutions du conflit armé en Syrie.
Depuis quelques jours, et même depuis quelques heures, plusieurs informations indiquent que la situation s’aggrave encore en Syrie et qu’un nouveau palier est en train d’être franchi, avec l’utilisation d’armes chimiques par les hommes de Bachar el-Assad à l’encontre de la rébellion et du peuple syrien.
Hier encore, l’artillerie et l’aviation syriennes ont bombardé la périphérie de Damas et des bombes chargées, semble-t-il, avec du gaz sarin auraient été larguées sur les rebelles. Lundi, un responsable américain affirmait que Damas mélangeait les composants chimiques à la militarisation du gaz sarin.
Dans le même temps, le secrétaire général des Nations unies a appelé toutes les parties à arrêter « immédiatement » les combats et a de nouveau écrit à Bachar el-Assad pour l’avertir que l’utilisation d’armes chimiques serait « un crime scandaleux aux conséquences désastreuses ». (M. le Premier ministre quitte l’hémicycle. – Mouvements divers sur les travées de l’UMP.)
Je voudrais que mes collègues de droite se calment un peu et écoutent les orateurs des autres groupes comme ces derniers les écoutent quand ils s’expriment. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. François Grosdidier. Il faut le dire au Premier ministre !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien évidemment, l’OTAN et les pays occidentaux, dont la France, ont condamné la perspective de voir le régime en place utiliser de tels moyens.
Si toutes ces mises en garde sont nécessaires et indispensables, on est en droit de s’interroger sur leur efficacité. Selon les experts, le conflit entrerait dans une phase décisive et des combats se déroulent désormais au cœur de la banlieue de Damas, son contrôle constituant un enjeu majeur pour le régime avant, semble-t-il, d’éventuelles négociations vers une issue. Or je rappelle que ce conflit a fait plus de 41 000 morts en vingt et un mois, essentiellement des civils, notamment des femmes et des enfants.
Bachar el-Assad semble donc décidé à franchir la « ligne rouge » – ne l’a-t-il pas déjà franchie ? – telle qu’elle avait été fixée par le Président Obama, à savoir l’utilisation d’armes de destruction massive contre le peuple syrien.
Le Gouvernement peut-il informer la représentation nationale sur la situation du conflit et particulièrement sur l’utilisation récente, ou non, d’armes chimiques ? Que sait-on des stocks d’armes de destruction massive dont dispose la Syrie ? Il faut se souvenir que lesdits stocks avaient été essentiellement fournis, à l’époque, par l’Union soviétique et l’Iran. La Russie disposerait donc d’une connaissance précise de leur localisation.
Dans ces conditions, peut-on encore éviter une intervention militaire de l’OTAN en Syrie ? Les événements s’accélérant sur le terrain, en est-il de même des efforts diplomatiques pour parvenir à une issue rapide et à la chute de ce tyran ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur Plancade, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Laurent Fabius, en déplacement à l’étranger.
Vous avez raison de parler de la Syrie. Nous sommes aujourd’hui à un tournant de la crise ; les combats s’étendent désormais à Damas, dont l’aéroport a été, pour la première fois, fermé pendant trois jours.
Malgré la répression féroce, l’opposition continue de gagner du terrain. Elle souhaite maintenant prendre le contrôle de la capitale, ce qui pourrait entraîner l’effondrement du régime.
Comme vous l’avez rappelé, plus de 41 000 morts ont déjà été dénombrés et il est à craindre que l’approche de l’hiver aggrave les souffrances de la population syrienne, déjà cruellement éprouvée.
Vous avez soulevé la question de l’utilisation des armes chimiques. Nous devons rester très vigilants, alors que des informations font état de préparatifs entrepris par le régime en vue d’une éventuelle utilisation de ces armes, que l’armée syrienne détient en nombre important. Nous suivons la situation en étroite collaboration avec nos partenaires, notamment américains, lesquels ont fermement mis en garde Bachar el-Assad contre tout franchissement de cette « ligne rouge ».
Les informations auxquelles vous faites allusion quant à la possible militarisation de sarin continuent de faire l’objet de vérifications. Notre message reste ferme et inchangé : tout emploi de ces armes chimiques par les autorités syriennes serait inacceptable et la communauté internationale ne resterait pas inactive dans un tel cas de figure.
Dans ce contexte, vous posez la question d’une intervention de l’OTAN. Comme vous le savez, cette organisation ne pourrait intervenir qu’au titre de l’article 5 du traité de Washington, à la demande d’un allié qui serait victime d’une attaque contre son territoire, ou sur la base d’un mandat, qui ne peut venir que du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est dans le cadre de cette légalité internationale que nous devons agir.
Comme a eu l’occasion de le rappeler Laurent Fabius, je veux souligner ici que le déploiement de missiles Patriot à la frontière entre la Turquie et la Syrie n’obéit qu’à une stricte logique défensive et ne préfigure en rien une hypothétique intervention de l’Alliance atlantique.
Sur le plan diplomatique, enfin, la France reste fortement engagée auprès de l’opposition syrienne. Il faut rappeler que notre pays a été pionnier dans l’appui aux comités révolutionnaires locaux. Nous avons aussi été les premiers à reconnaître les membres de la coalition syrienne comme seuls représentants légitimes du peuple syrien. Certains de nos partenaires se sont, depuis, ralliés à cette position.
Laurent Fabius participera, le 12 décembre, à la réunion du Groupe des amis du peuple syrien à Marrakech, pour réaffirmer l’engagement de la France aux côtés du peuple syrien. Nous espérons que l’ensemble du groupe reconnaîtra, à cette occasion, la coalition, ce qui confortera sa légitimité et sa crédibilité.
La perspective d’un gouvernement provisoire se rapproche. Il faut souhaiter qu’une Syrie libre et démocratique émerge de ces évolutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, qui vient courageusement de s’éclipser. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le Gouvernement a conclu un accord avec Mittal qui sonne le glas de la filière chaude à Florange. Il avait pourtant déclaré Mittal indésirable en France. Il a même effrayé les investisseurs étrangers en brandissant l’arme suprême de la nationalisation.
M. Jean-Louis Carrère. Il est courageux, lui !
M. François Grosdidier. Tout cela pour finalement capituler ! Il n’y a même pas eu la vente des hauts fourneaux, que Mittal était pourtant d’accord pour céder.
Après avoir vilipendé Nicolas Sarkozy, le Gouvernement a obtenu moins que lui et perd sur les deux tableaux.
Pour masquer les zones d’ombre de cet accord, le Premier ministre a multiplié les contrevérités. J’en ai relevé cinq.
M. Jean-Louis Carrère. Relevez, relevez, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. Premièrement, M. Ayrault dit que Nicolas Sarkozy avait promis de sauver Gandrange. C’est faux ! J’étais présent le jour où il a déclaré qu’il essaierait de faire changer Mittal d’avis et que, à défaut, il soutiendrait un plan de reprise. Il avait en tout cas annoncé qu’il y aurait zéro licenciement et que des mesures de compensation seraient prises. Cela a été fait ! Avez-vous seulement lu le verbatim ?
Deuxièmement, le Premier ministre a déclaré qu’il n’y aurait pas de suppressions d’emplois. C’est faux ! Il oublie les sous-traitants et, s’agissant de Mittal, il confond délibérément suppressions d’emplois et licenciements secs. Ce sont plus de 600 emplois qui sont condamnés et, pour la première fois dans l’histoire des restructurations industrielles, aucun emploi de substitution n’est prévu.
Par deux fois, hier, M. Ayrault a fait cette remarque cynique que les autres régions enviaient à la Lorraine ses dispositifs sociaux. Sachez que cette région a perdu, en une génération, 100 000 emplois directs dans les houillères et la sidérurgie. Trouvez-vous ce sort enviable ?
Troisièmement, il a dit hier soir qu’il était optimiste pour ULCOS. Ce matin, nous avons appris le retrait de Mittal de ce projet. N’était-il pas au courant ?
M. David Assouline. C’est simpliste !
M. François Grosdidier. Quatrièmement, il a affirmé avoir obtenu 180 millions d’euros d’investissements nouveaux. C’est faux ! Si l’on enlève les investissements de maintenance, il n’y a que 50 millions d’euros sur cinq ans, sans engagement pour 2013. Pensez-vous qu’avec si peu, et sans ULCOS, il est possible de pérenniser l’activité ?
Cinquièmement, il a prétendu que le projet de reprise aurait coûté plus de 1 milliard d’euros, sans certitude de viabilité. C’est encore faux ! Même une nouvelle usine à froid n’aurait coûté que la moitié de cette somme, avec des débouchés assurés. C’était à la portée des investisseurs qui étaient candidats à la reprise, avec un abondement du Fonds stratégique d’investissement, lequel aurait été moins cher qu’une nationalisation. Et je ne parle pas des 150 millions d’euros prévus pour ULCOS, qui pourraient être rebasculés sur ce projet.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi avez-vous écarté le projet de reprise et conforté le quasi-monopole de Mittal en France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question extrêmement nuancée. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je vous remercie surtout d’avoir rappelé, en toute objectivité, que le problème industriel touchant la Lorraine n’était pas apparu avec l’élection de François Hollande et l’arrivée d’un gouvernement socialiste.
M. François Grosdidier. En 1982, vous avez supprimé 30 000 emplois !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela fait dix-huit mois que les hauts fourneaux sont fermés.
Je vous ai entendu proposer une sorte de solution miracle, d’évidence. Il m’est alors venu une question saugrenue : pourquoi ne l’avez-vous pas mise en œuvre avant ?
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pourquoi, pendant les douze mois, au moins, pendant lesquels les hauts fourneaux étaient arrêtés, n’avez-vous rien fait ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Probablement n’avez-vous pas été entendu…
Vous évoquez l’action de Nicolas Sarkozy pour dire que nous n’avons rien obtenu de plus. Je souhaite nuancer cette approche.
Il suffit de se rappeler la teneur du communiqué de presse qui a été publié lorsque le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez était venu, au mois de mars, sur le terrain pour annoncer le résultat merveilleux qui allait aboutir au sauvetage de Florange ; l’investissement financier extrêmement important, qui semblait vous satisfaire à l’époque, était de 17 millions d’euros…
M. François Grosdidier. C’était un investissement immédiat, pas pour dans cinq ans !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Aujourd’hui, la somme est de 180 millions d’euros. On voit le ridicule de la comparaison. Vous en êtes même réduit à dire que ces 17 millions d’euros devaient intervenir tout de suite pour sauver Florange…
Immédiatement après l’annonce du président-candidat, ArcelorMittal a fait savoir que l’investissement ne serait réalisé que si les conditions économiques de la filière s’amélioraient. C’est exactement le contraire de ce qui a été négocié par le Gouvernement, qui a exigé un plan qui ne soit pas conditionné par des aléas économiques. Voilà une différence majeure !
Enfin, vous dites de manière étonnante qu’il n’y avait aucun plan social ni aucun licenciement prévu à l’époque. C’est totalement faux !
M. François Grosdidier. Qu’a dit François Hollande ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je vous renvoie au communiqué de votre candidat, qui, espérant sans doute être réélu,…
M. François Grosdidier. Qu’a dit François Hollande ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ne vous énervez pas, même si c’est dur de s’entendre rappeler des vérités !
Je vous renvoie, disais-je, au communiqué de votre candidat, qui, espérant sans doute être réélu– j’ai d’ailleurs ici la dépêche – expliquait qu’avec ces 17 millions d’euros on allait éviter 500 licenciements.
M. François Grosdidier. Il s’agissait de reclassements !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Or, quelques mois après, vous affirmez qu’il n’y avait aucun licenciement prévu.
M. François Grosdidier. Vous ne connaissez pas le dossier ! Vous confondez tout !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Que cela vous plaise ou non, le Gouvernement a négocié de façon à atteindre les trois objectifs qu’a rappelés le Premier ministre.
Premièrement : éviter les licenciements. Il n’y en aura pas, malgré l’héritage que vous nous avez laissé.
Deuxièmement : faire des investissements. Nous avons obtenu 180 millions d’euros, contre 17 millions d’euros pour vous.
Quant au projet ULCOS, le Premier ministre vous a déjà répondu.
M. François Grosdidier. Rappelez-vous ce qu’a dit François Hollande !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si vous ne voulez pas vous référer au communiqué du Gouvernement, reportez-vous à celui d’ArcelorMittal, publié ce matin, qui explique que le retrait de leur dossier devant la Commission est exactement l’application de l’accord puisque « ULCOS 1 » ne répondait pas à ses objectifs. Grâce à l’investissement, notamment les 150 millions d’euros apportés par le Gouvernement,…
M. François Grosdidier. C’est sur la filière à froid !