Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, François Fortassin.
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Débat sur la réforme de la politique de la ville
M. Claude Dilain, pour le groupe socialiste
M. Christian Favier, Mme Valérie Létard, M. Jean-Pierre Plancade, Mmes Esther Benbassa, Natacha Bouchart, M. Jean-Étienne Antoinette, Christiane Demontès, MM. Jean Germain, René Vandierendonck, Mme Dominique Gillot.
M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville.
4. Mise au point au sujet de votes
Mme Natacha Bouchart, M. le président.
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
6. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Claude Dilain, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Mmes Aline Archimbaud, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
MM. Pierre Laurent, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
M. Jean-Pierre Plancade, Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
MM. François Grosdidier, Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Mmes Valérie Létard, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
MM. Maurice Antiste, Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
MM. Alain Dufaut, François Lamy, ministre délégué chargé de la ville.
situation des chaînes locales de rfo
Mmes Karine Claireaux, Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication.
Mme Sophie Primas, M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville.
MM. Jean-François Husson, Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l’économie et des finances le premier rapport de l’observatoire des tarifs bancaires de l’Institut d’émission d’outre-mer, l’IEOM, établi en application de l’article L. 712-5-1 du code monétaire et financier.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.
3
Débat sur la réforme de la politique de la ville
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la réforme de la politique de la ville, organisé à la demande du groupe socialiste.
La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat sur la politique de ville, organisé à la demande du groupe socialiste, je voudrais évoquer le présent et l’avenir, en mettant les choses en perspective.
Vous le savez, la politique de la ville a maintenant trente ans. Il paraît donc utile d’en dresser un bilan, afin de voir ce qu’il est possible de faire et ce qu’il est souhaitable de ne plus faire…
Cette politique est née au tout début des années quatre-vingt, lorsque des élus locaux, des sociologues, des architectes et des urbanistes ont senti que certains quartiers, essentiellement des grands ensembles, souvent situés en banlieue mais pas exclusivement, dérivaient vers des processus de paupérisation et d’exclusion. Ils ont alors voulu attirer l’attention des gouvernants et de la société sur cette situation.
Deux actes fondateurs ont, me semble-t-il, marqué la politique de la ville.
Le premier fut la publication des rapports Dubedout et Bonnemaison, Hubert Dubedout et Gilbert Bonnemaison étant alors respectivement maire de Grenoble et maire d’Épinay-sur-Seine. « Déjà », serais-je tenté d’ajouter !
Le second, sur l’initiative des urbanistes et des architectes, fut la création, également au début des années quatre-vingt, de la mission Banlieues 89, avec Roland Castro et Michel Cantal-Dupart.
L’alarme a été lancée, et il y a eu des réactions.
Pour organiser la gouvernance de la politique de la ville, on a créé tout d’abord la délégation interministérielle à la ville, merveilleusement pilotée par Yves Dauge, puis le ministère de la ville, confié à l’origine à notre collègue Michel Delebarre.
Les premières actions menées ont été fondatrices et emblématiques, compte tenu des objectifs visés.
D’abord, il y a eu le programme « Habitat et vie sociale » – j’insiste : c’est « et » et non « ou » ! – initié par Jacques Barrot.
Ensuite, il y a eu le développement social des quartiers en 1981. Là encore, je crois utile de souligner les termes : « social » et « des quartiers ». La même année, Alain Savary a créé le dispositif des zones d’éducation prioritaires.
Il faut, me semble-t-il, le rappeler, la politique de la ville était intergouvernementale et s’adressait non pas à la ville, mais aux quartiers.
Le problème survenu ensuite, d’ailleurs à l’origine d’un système de balancier pour le moins ennuyeux sur lequel je reviendrai dans quelques instants, entre « l’urbain » et « l’humain » n’existait pas au début. Les fondateurs avaient d’emblée indiqué qu’il fallait non pas séparer le soft et le hard, mais traiter les deux volets en même temps !
J’ai souligné le caractère intergouvernemental de la politique de la ville. Celle-ci doit en effet concerner l’ensemble des domaines de la vie publique. C’est un point essentiel.
Il serait sans doute long et fastidieux de retracer trente ans de politique de la ville, mais j’aimerais tout de même en évoquer certains éléments marquants.
Premièrement, ne l’oublions pas, les « émeutes », « révoltes urbaines » ou « révoltes sociales » – je ne sais comment les qualifier – survenues dans des villes devenues symboliques, comme Vaulx-en-Velin, Mantes-la-Jolie, Clichy-sous-Bois, Villiers-le-Bel et Grenoble, ont marqué les esprits. Ceux qui avaient tiré la sonnette d’alarme au début des années quatre-vingt avaient raison. À chaque émeute, il y a eu une réaction gouvernementale ; je serais tenté de dire « malheureusement ». Comme s’il fallait attendre l’émeute pour agir…
Deuxièmement, la politique de la ville a consisté à créer petit à petit ce que j’appelle une « boîte à outils », en multipliant les dispositifs et en empilant les sigles : ZFU, ZUS, ZRU, GPV, GPU, PRU, CUCS... Tous ces programmes sont venus se plaquer sur tel ou tel territoire.
Cela dit, ne soyons pas trop critiques. Ces mesures avaient au moins le mérite d’introduire une innovation : promouvoir la dimension contractuelle dans les politiques publiques. À cet égard, la politique de la ville a été fondatrice : enfin une politique publique contractuelle !
Par ailleurs, et contrairement à ce qui a pu être parfois affirmé, la politique de la ville a été très largement évaluée.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Claude Dilain. Je ne suis pas certain que toutes les autres politiques publiques l’aient autant été.
À ceux qui s’interrogent sur l’utilisation des milliards dépensés dans ce cadre, je réponds que nous savons très bien ce qu’il en a été.
Ayant évoqué le rapport Bonnemaison, j’aimerais aussi mentionner le rapport Demain, la ville, que notre collègue Jean-Pierre Sueur a présenté en 1998. Ce rapport, marqué par une volonté d’évaluation prospective, a constitué, je le crois, une étape importante.
Dix-neuf ministres de la ville se sont succédé en vingt-deux ans. Mais je vous rassure, monsieur le ministre, ce n’est qu’une moyenne. Certains de vos prédécesseurs sont restés plus longtemps que d’autres en poste. (Sourires.)
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Je ne suis pas parti ! (Nouveaux sourires.)
M. Claude Dilain. Et je m’en réjouis ! (Mêmes mouvements.)
Mais, au-delà des sourires, avouons que c’est assez grave. Cela traduit une véritable discontinuité de l’action publique, aggravée par l’oscillation entre l’humain et l’urbain. Quand un ministre décidait de privilégier l’un de ces deux volets, son successeur optait pour l’autre ! Cela a été, me semble-t-il, très préjudiciable. Comme je l’ai indiqué, et je pense que vous en êtes d'accord, monsieur le ministre, il faut faire les deux. C’est ce que nous dirait un élève de CM2 ; alors, montrons-nous aussi intelligents ! (Sourires.)
La création des dotations de solidarité fut également un élément très important.
La dotation de solidarité urbaine, ou DSU, a été instituée sous les gouvernements Rocard et Cresson, avant d’être modifiée de manière importante par Claude Bartolone, puis par Jean-Louis Borloo. Elle permet de compenser la pauvreté structurelle de certaines villes. Disant cela, je veux qu’il soit bien clair que, si certaines communes sont pauvres, c’est non parce qu’elles gèrent mal leurs dépenses, mais parce que leurs recettes sont structurellement très inférieures à celles d’autres villes.
La dotation de développement urbain, ou DDU, a été créée un peu plus tard. Elle permet à des villes de pouvoir assumer les frais qu’impose la rénovation urbaine. Ce fut, là aussi, une étape notable.
Quel bilan peut-on en tirer ?
Il est difficile de répondre à une telle question : l’on ne saura jamais ce que seraient devenus les quartiers sans la politique de la ville. Néanmoins, en tant qu’ancien maire, je pense que, sans la DSU, nombre de communes seraient en réelle faillite. Ne l’oublions pas.
Cela dit, il est vrai que le bilan n’est pas entièrement satisfaisant. Deux analyses récentes viennent malheureusement de le confirmer. Je parle du rapport de la Cour des comptes, La politique de la ville : Une décennie de réformes, et du rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, qui montre, comme l’indique le Premier ministre, la permanence, et parfois l’aggravation des inégalités entre les quartiers de la politique de la ville et le reste du territoire, et ce dans tous les domaines : chômage, pauvreté, santé, éducation, insécurité…
Je souhaite d’ailleurs apporter une précision. Dans les rapports comme celui de l’ONZUS, on étudie seulement les territoires. Or certaines populations dont la situation s’améliore quittent ces territoires. Si c’est certes un motif de satisfaction pour elles, il n’y a pas lieu cependant de s’en réjouir : nous ne pouvons pas accepter que certains territoires se spécialisent dans l’accueil de la pauvreté. Ce n’est pas ma vision de la République !
Et faisons attention aux termes que nous employons : ne parlons pas de territoires « sas », comme cela figure dans le rapport, pour désigner la spécialisation de certains territoires dans l’accueil de la pauvreté et de l’exclusion !
Quelles sont les causes d’une telle situation ? En identifiant ce qui n’a pas fonctionné, nous pourrons envisager des réformes, dans une démarche prospective.
Il y a, me semble-t-il, deux catégories de causes d’insatisfaction : des causes d’ordre technique et des causes d’ordre stratégique.
J’examinerai tout d’abord les motifs d’ordre technique.
Le saupoudrage, l’enchevêtrement des zones concernées et la multiplication des plans ont rendu l’action publique peu efficace et illisible. Surtout, on a élargi le champ de l’action publique quand il faudrait au contraire recentrer cette dernière, monsieur le ministre.
J’ai évoqué le problème posé par la discontinuité de l’action publique, mais j’ai également souligné que l’aspect contractuel de la politique de la ville présentait un caractère positif. Cependant, la contractualisation n’a de sens que si le contrat va jusqu’au bout et si aucune des deux parties ne peut l’annuler unilatéralement, contrairement à ce qui a pu se produire à certains moments. Parfois, un contrat signé de la main même d’un ministre a été annulé. On m’a dit : monsieur le maire, ce contrat n’existe plus, rangez-le, on va en rédiger un autre !
Le troisième motif d’insatisfaction est plus complexe. Les dispositifs ministériels qui ont été mis en place sont souvent pertinents ; ils le sont peut-être même toujours. Néanmoins, il est illusoire de considérer qu’ils peuvent être pertinents sur l’ensemble des territoires, lesquels sont très hétérogènes en termes non seulement de priorité, mais également de situation. Un territoire qui compte beaucoup de copropriétés et qui est enclavé n’a pas les mêmes besoins qu’un territoire qui n’est pas enclavé et qui comprend de nombreux logements sociaux. Or on a souvent demandé aux territoires de s’adapter aux solutions proposées. Je ne suis pas sûr que ce soit une politique de bon sens. Peut-être vaudrait-il mieux prévoir davantage de souplesse et laisser les territoires décider de leurs projets ?
Après cette première série de motifs d’insatisfaction d’ordre technique viennent des motifs d’insatisfaction d’ordre stratégique.
La politique de la ville a quelquefois, pour ne pas dire souvent, confondu les causes avec les conséquences et s’est beaucoup appliquée, ce qui n’est déjà pas si mal, à traiter les conséquences sans trop se soucier de s’attaquer aux causes. Or il ne suffit pas de repeindre les cages d’escaliers ; encore faut-il savoir pourquoi on est obligé de le faire ! Il est absolument nécessaire de changer de cible : nous ne pouvons plus nous contenter de traiter seulement les conséquences ; nous devons également nous attaquer aux causes. C’est bien de donner de l’aspirine quand le malade a de la fièvre, mais c’est encore mieux de tuer le microbe qui est à l’origine de la fièvre !
M. Claude Dilain. Tout à fait !
Par ailleurs – et tous ceux qui s’intéressent à la politique de la ville seront unanimement d’accord avec moi –, la politique de la ville s’est petit à petit substituée aux politiques de droit commun, ce qui n’était pas sa vocation première. Je vous renvoie aux rapports de M. Dubedout et de M. Bonnemaison : la politique de la ville doit faire levier aux politiques de droit commun et non s’y substituer. C’est fondamental. Il n’y aura pas de bonne politique de la ville sans une mobilisation pertinente, efficace et juste des politiques de droit commun, y compris dans les fonctions régaliennes de l’État.
Je cite toujours l’exemple de l’échec scolaire massif enregistré dans certaines villes où les niveaux de réussite au brevet des collèges sont très loin des taux nationaux, voire départementaux. Bien sûr, de tels chiffres doivent interpeller le ministre de la ville ; néanmoins, le premier ministre concerné doit rester celui de l’éducation nationale. Monsieur le ministre, ce n’est pas parce que votre ministère aura accordé davantage d’argent pour l’aide aux devoirs que le gravissime problème de l’échec scolaire massif sera réglé. L’éducation nationale doit également être mobilisée – ce serait une illusion de penser autrement –, et ceux qui ont cru que le programme 147 était la solution à toutes les difficultés se trompent !
Enfin – et ce point fera certainement débat –, il faut s’attaquer aux causes de la ghettoïsation. Je sais que l’utilisation de ce terme, que j’emploie de temps en temps, est contestée. Quoi qu’il en soit, les ghettos ne se sont pas construits par hasard ; pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu, je renvoie sur ce point au livre clair et limpide d’Éric Maurin, Le Ghetto français. Cet ouvrage décrit comment, peu à peu, en même temps que se constituent des ghettos de riches, voire pour que ceux-ci puissent se construire, se forment des ghettos de pauvres. Cela concerne par exemple les politiques d’attribution des logements sociaux, qu’il faudra avoir le courage de regarder en face. À défaut, les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaite dire un mot de votre budget, en particulier du programme 147 que je n’ai pas pu défendre au Sénat puisque la Haute Assemblée n’a pas examiné la seconde partie du budget.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier : alors que, depuis 2007, les crédits de ce programme étaient en baisse constante – entre 2007 et 2012, ils ont diminué de 55 %, soit de plus de la moitié –, le Gouvernement a prévu que, cette année, malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits alloués au programme 147 seraient maintenus à la même hauteur que l’année dernière. Certes, les crédits du programme enregistrent une perte de 20 millions d’euros, mais cette dernière n’est qu’apparente puisque 20 millions d’euros du fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, seront consacrés à la prévention, au bénéfice de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ.
Voilà qui est satisfaisant non seulement sur le plan budgétaire, mais aussi sur le plan des principes. Nombre de personnes s’occupant de la politique de la ville considèrent que la prévention de la délinquance ne doit pas dépendre du ministère de l’intérieur, mais qu’elle doit être rattachée au ministère chargé de la ville, qui doit conduire une action interministérielle.
Le deuxième point important est la création des emplois francs. Le bilan des zones franches est plutôt satisfaisant pour la plupart des maires de banlieue, sauf en ce qui concerne le problème de l’emploi, comme l’attestent les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF. L’expérimentation des emplois francs à Marseille, à Amiens, à Grenoble et à Clichy-sous-Bois permettra probablement de relancer le processus.
Enfin, je souligne que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, va augmenter considérablement par rapport aux autres années – 120 millions d’euros –, de même que la dotation de développement urbain, ou DDU, en hausse de 75 millions d’euros. Toutes ces mesures sont extrêmement positives.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Claude Dilain. Monsieur le ministre, vous avez souvent exprimé le désir de réformer en profondeur la politique de la ville, en particulier en ce qui concerne les contrats, la réforme de la géographie prioritaire, la péréquation et les moyens de la mobilisation du droit commun. Ce débat vous donnera certainement l’occasion de nous en dire plus à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la politique de la ville comprend l’ensemble des actions soutenues par l’État visant à lutter contre les phénomènes d’exclusion des populations urbaines défavorisées, n’oublions pas que la dégradation des conditions de vie de ces populations trouve d’abord ses racines dans les politiques menées depuis des décennies. Ces politiques se sont soldées par un chômage plus important et par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires, ce qui a mis à mal notre système éducatif. Par ailleurs, ces politiques n’ont pas hésité à dresser les populations les unes contre les autres.
Dans le même temps, elles réduisaient les dépenses et les services publics, y compris en matière de sécurité, rognaient les ressources des collectivités locales et diminuaient le soutien à la vie associative.
Aussi, si l’on veut agir utilement contre les exclusions dont souffrent les couches populaires, ce sont d’abord ces politiques qu’il faut changer. C’est pourquoi les actions ciblées spécifiques devant être mises en œuvre ne pourront réellement être efficaces que si elles s’insèrent dans des actions globales de droit commun – Claude Dilain vient de le rappeler – s’attaquant réellement aux fondements de la crise durable que traverse notre pays. À défaut, nous chercherions à vider la mer avec une petite cuillère !
Pour parvenir à atteindre nos objectifs, il est nécessaire de mener des actions spécifiques labellisées « politique de la ville », mais il faut aussi que la volonté de lutter contre les discriminations sociales trouve son expression dans toutes les politiques publiques, et donc dans tous les départements ministériels.
Ce point vient d’être rappelé, cela fait près de trente-cinq ans que des actions prioritaires se succèdent. Souvent, elles n’ont d’ailleurs jamais dépassé le stade de l’expérimentation faute d’avoir, à mon avis, disposé de moyens réels, et faute d’une vision globale et cohérente. Le résultat est là : jamais les inégalités n’ont été aussi profondes dans ces quartiers.
En fait, ces actions se sont en permanence heurtées au mur de l’exclusion sociale qui se dresse toujours plus haut dans notre société. Le risque d’émeute évoqué tout à l’heure n’est aujourd’hui pas totalement écarté !
Au fil des ans, ces actions se sont développées dans quatre directions : la rénovation et le renouvellement urbain, la sécurité et la prévention, le développement social, enfin, l’emploi et la revitalisation économique.
Les gouvernements successifs ont tous mis l’accent sur tel ou tel domaine, prenant le risque de l’instabilité là où la permanence de l’action est essentielle.
Les différentes actions se sont superposées sans former une vraie politique publique cohérente, coordonnant l’action de tous les intervenants ministériels et nécessairement partagée avec les autorités locales.
Aussi, monsieur le ministre, nous soutenons la volonté affichée par le Gouvernement de mettre à plat, dans la concertation, l’ensemble des politiques publiques dans ce domaine. Les pistes ouvertes par les groupes de travail sont intéressantes bien qu’elles soient encore trop générales en termes d’action à mettre en œuvre.
Il nous faut, par ailleurs, encore préciser les critères pris en compte pour redéfinir la géographie des actions prioritaires.
Outre les données urbaines liées à la concentration de logements sociaux, à l’état du bâti, aux réseaux de transport et à l’implantation des équipements et services publics, il nous semble nécessaire de prendre en compte des indicateurs de fragilisation sociale, de précarité et de niveau de formation.
Il faut bien entendu également s’accorder sur le niveau territorial d’intervention.
Sur ce dernier point, il nous semble que le territoire communal reste l’échelon le plus pertinent, car il assure des données fiables et la coordination de l’ensemble des politiques publiques à mener, liant actions prioritaires et actions de droit commun au plus près des besoins, des attentes et des engagements citoyens, le périmètre intercommunal ne disposant pas toujours, lui, de l’ensemble des compétences nécessaires dans le domaine de l’action locale.
Cette question est importante. Prenons l’exemple du Val-de-Marne, mon département, qui compte seize contrats urbains de cohésion sociale, les CUCS, dont quatre projets intercommunaux qui rayonnent sur vingt-huit communes et concernent soixante-dix-neuf quartiers. C’est dire combien ces périmètres s’entrecroisent et combien de nombreuses communes ont parfois en leur sein plusieurs quartiers relevant de la politique de la ville.
Certaines communes comptent même jusqu’à 80 % de leur population habitant dans ces quartiers ; dans le département, c’est un quart de la population qui y vit.
Aussi, la mise en cohérence territoriale et la coopération sont nécessaires.
Une autre piste ouverte par la concertation en cours nous semble intéressante et irait dans le bon sens : il s’agit du regroupement éventuel de l’ensemble des actions en une même démarche contractuelle, ce qui en assurerait la cohérence.
Cette recherche de cohérence, doublée d’une certaine permanence dans les engagements, qui semble se dessiner, devrait être renforcée dans le domaine de l’action sociale en général, mais aussi être prise en compte dans le domaine de l’éducation, en particulier, avec l’assurance d’attribution des moyens pédagogiques nécessaires à la réussite de tous, dans le domaine de la formation et de l’emploi des jeunes. La presse, ce matin, faisait état de l’échec de la réforme de la carte scolaire. C’est un sujet extrêmement préoccupant, notamment dans les quartiers relevant de la politique de la ville. J’ai en tête des exemples précis de collèges qui, malheureusement, se trouvent vidés de leurs meilleurs élèves par des politiques d’évitement, ce qui conduit à l’appauvrissement et à une forme de ghettoïsation – ce point a été évoqué précédemment.
Cette double volonté devrait aussi, nous semble-t-il, s’inscrire dans le domaine de la rénovation urbaine. Sur ce point, je ne vous cacherai pas les inquiétudes et les espoirs des élus locaux.
Toutes les communes engagées avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, souhaiteraient avoir l’assurance que leurs projets iront bien à leur terme. Par ailleurs, la perspective d’un plan ANRU 2 est vivement souhaitée en de nombreux endroits.
En effet, certains quartiers, pour des raisons budgétaires, n’ont parfois été pris en compte qu’en partie, ce qui créé des tensions : les travaux étant maintenant très largement engagés, une partie de la population a le sentiment d’être abandonnée par rapport à celle qui habite la partie du quartier devant être rénovée. Nous avons besoin de continuité. Même si cette politique de rénovation urbaine a été engagée par un autre gouvernement, il importe de la poursuivre jusqu’à son terme.
Ainsi, dans mon département, ce ne sont pas moins de onze quartiers qui seraient concernés par de nouveaux projets de rénovation.
Sur ce sujet de la rénovation urbaine, permettez-moi de formuler deux remarques supplémentaires.
D’abord, la règle du « un pour un » – reconstruction d’un logement social pour un logement démoli – doit être revue compte tenu de la charge financière qu’elle représente pour la puissance publique. Il faudrait, à cet égard, soutenir les projets et les maires bâtisseurs, qui s’engagent à réaliser un effort plus important, en particulier en région parisienne où la pénurie de logement est insupportable. Il faut, non bien sûr dans le même quartier, mais sur le territoire communal ou intercommunal, que les constructions de logements soient plus nombreuses que les démolitions.
Par ailleurs, la rénovation urbaine ne doit-elle pas soutenir la réalisation des équipements publics structurants et le développement des réseaux de transport nécessaires au désenclavement des quartiers et des villes, en lien, bien sûr, avec les syndicats des transports et les politiques régionales ? Ne doit-elle pas aussi permettre le retour et l’amélioration des services publics ? Dans certains quartiers, on a vu des bureaux de poste supprimés, des permanences de caisses d’allocations familiales réduites, des agences de Pôle emploi disparaître. Il ne faut jamais oublier que, par-delà l’urbain, c’est l’humain qui nous intéresse.
Finalement, plus que d’une réorganisation des actions prioritaires – que nous soutenons –, c’est d’un redéploiement et d’un renforcement de celles-ci que nous avons besoin.
Et c’est bien dans la réaffirmation des droits collectifs que la question des moyens spécifiques envers telle ou telle population se pose. Aussi, agir dans cette direction nécessite de dégager des moyens supplémentaires. Je sais que ce n’est pas simple et là est bien notre inquiétude.
En effet, une réduction des aides attribuées à certains semble être envisagée afin d’augmenter les soutiens à un nombre de territoires plus réduit, de manière à en renforcer l’efficacité. Certes, dans les villes qui disposeront de ces ressources supplémentaires, les capacités de répondre aux besoins seront accrues. Mais nous ne saurions accepter cette solution, qui laisserait de côté de très nombreuses communes.
Cela serait d’autant plus néfaste que les collectivités locales vont être mises au régime sec, comme chacun le sait. Aussi, dans ces territoires abandonnés par la politique de la ville, les communes ne pourront plus faire face aux désengagements de l’État. Nous ne saurions le tolérer.
Je souhaite que l’alerte que je lance soit entendue. Sachez que le Gouvernement pourra compter sur la participation de très nombreux élus locaux de ma sensibilité aux concertations en cours, élus qui formuleront des propositions sérieuses afin de renforcer la cohérence et l’efficacité des actions prioritaires en faveur de la politique de la ville ; ils sauront s’investir à vos côtés, monsieur le ministre, en s’appuyant résolument sur les experts de la vie quotidienne que sont les habitants eux-mêmes. L’un des enjeux, c’est également la manière dont la population peut être associée à la définition de ces politiques de la ville et mobilisée. Les attentes sont fortes ; j’espère que vous ne les décevrez pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, programme de rénovation urbaine, plan de cohésion sociale, création de zones franches urbaines pour dynamiser l’emploi dans les quartiers en difficulté, ACSÉ, dispositifs de réussite éducative : les interventions publiques dans le cadre de la politique de la ville ont été nombreuses et particulièrement structurantes, pour certaines. Pourtant, nous partageons le même constat, résumé dans le rapport de la Cour des comptes du mois de juillet dernier : les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qui était escompté.
Bien que tout le monde s’accorde à dire que l’ANRU, initiée par Jean-Louis Borloo, est un formidable levier pour la reconquête de nos quartiers, couronné de réussites urbaines, d’un point de vue social et humain, les inégalités n’ont pas régressé entre les quartiers prioritaires et les autres territoires.
Toutefois, il faudrait, me semble-t-il, creuser un peu la question afin de déterminer si, entre le début et la fin d’un programme, les populations concernées sont toujours les mêmes. Ne faut-il pas aussi se poser la question de l’espace d’intégration que représentent ces territoires ? Un travail doit être mené sur cet aspect : il ne s’agit pas de jeter la politique de la ville avant d’avoir crevé cet abcès et d’en avoir bien examiné les contours.
La politique de la ville est, par construction, une politique transversale, faisant appel à des acteurs multiples, à de nombreux financements croisés ; c’est une politique complexe à mettre en œuvre sur des territoires dont la crise a encore accru la fragilité sociale. Sédimentation de strates successives, elle nécessite certainement d’être revisitée et simplifiée.
C’est la démarche, monsieur le ministre, que vous avez engagée, en lançant une vaste concertation, à laquelle je suis heureuse de contribuer en tant qu’ancien rapporteur pour avis de la mission « Ville et Logement », mais aussi, au travers de mon expérience de terrain, en ma qualité de présidente de la communauté d’agglomération Valenciennes Métropole, située dans une région où nous savons, pour le vivre au quotidien, la difficulté à faire renaître des quartiers dits « sensibles », en tout cas qui ont besoin de rattraper le retard qui s’est accumulé au fil des années.
Le présent débat doit nous permettre de faire un point d’étape sur la réflexion qui est menée. Il est bienvenu car, politique ambitieuse et nécessaire, la politique de la ville appelle la mobilisation de tous, loin de tout dogmatisme et de tout a priori.
C’est à cette réflexion que je voudrais ajouter quelques pierres ce matin en reprenant les trois axes autour desquels s’articule la concertation en cours : la géographie prioritaire, la contractualisation et le partenariat, la gouvernance.
Pour ce qui concerne la géographie prioritaire, j’aimerais souligner que la logique sur laquelle vous vous appuyez, monsieur le ministre, pour définir les périmètres en cause me semble aller globalement dans le bon sens.
En effet, au regard des pistes qui se dessinent, il se pourrait que nous nous orientions vers un dispositif prévoyant, tout d’abord, une « géographie emboîtée » avec des territoires cibles, des territoires de projet et une échelle de contractualisation.
Un tel dispositif doit également inclure une vigilance préventive afin de veiller à la non-dégradation des quartiers hors géographie prioritaire. Cela est particulièrement important si l’on part du postulat que la situation budgétaire va nous amener à restreindre le nombre de quartiers éligibles à la politique de la ville. Nous avons en effet entendu le message mais, comme plusieurs de mes collègues l’ont souligné, si certains territoires dont les populations sont encore confrontées à une grande fragilité n’ont peut-être pas besoin de rénovation urbaine, ils trouveront certainement avantage à une réflexion sur l’accompagnement de leurs populations, afin d’éviter de se retrouver dans des situations de régression ou d’abandon.
Au titre de la géographie prioritaire, il faut aussi prévoir une modulation de l’aide de l’État en fonction de la capacité financière des communes. En effet – et c’est une demande que j’ai soutenue depuis longtemps –, est-il logique d’aider de la même manière un quartier sensible d’une commune disposant par ailleurs de moyens financiers importants et un quartier équivalent situé dans une commune pauvre ?
M. Claude Dilain. Très juste !
M. Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !
Mme Valérie Létard. Même s’il faut toujours être prudent lorsque l’on examine ces aspects, car on ne peut pas généraliser à partir de cas particuliers – et il y en a toujours –, globalement, ce sujet doit être pris en considération, car il soulève la question de la péréquation horizontale, débat complexe et très vaste, nous le savons !
Enfin, un tel dispositif amènerait à envisager des aides locales plus importantes lorsque la participation financière de l’État serait faible ou absente sur certains territoires. J’emploie le conditionnel car, tant que nous ne disposerons pas de la nouvelle carte des territoires cibles soutenus demain par l’État et d’un aperçu de la part du soutien de celui-ci à ces territoires, il est évidemment difficile de se prononcer autrement que sur un principe.
En revanche, tout en approuvant la théorie, je souhaite mettre l’accent sur les points sur lesquels nous devons, me semble-t-il, rester vigilants.
Tout d’abord, et c’est essentiel, il s’agit de la définition des indices. À mon sens, la géographie prioritaire doit être établie sur un panel d’indices multicritères adapté au contexte local et élaboré en concertation avec le préfet. Il nous faut sortir de la logique normative et cartésienne qui retient quelques critères identiques à l’échelon national.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il est un critère qu’il ne faut surtout pas oublier, celui de la santé. Ainsi, sur les deux cents agglomérations du classement, les dix dernières font partie de la région Nord-Pas-de-Calais. Sans vouloir stigmatiser ce territoire, on sait que certains de ses retards sont liés à son passé industriel, à ses problématiques socio-économiques. Par conséquent, occulter un critère tel que celui de la santé parce que, au niveau national, il n’est pas commun, reviendrait à passer à côté des vrais enjeux.
Comme nous le savons tous, les problèmes rencontrés dans les quartiers des villes du Nord-Pas-de-Calais, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou en région parisienne ne sont pas les mêmes. Outre le critère de santé, il y a ceux de l’emploi, de la pauvreté, de la formation, du logement. Bref, ces critères doivent être regardés avec la plus grande attention et leur effet doit être modulé en fonction de chaque région. C’est également le cas des indicateurs de mortalité.
Il me semble aussi nécessaire, monsieur le ministre, de prendre en compte la spécificité des territoires, notamment de l’habitat. Dans nos régions, l’habitat est horizontal ; dans les quartiers des banlieues, des grandes métropoles, il est vertical. Si vous devez, demain, réfléchir à la façon de travailler sur des périmètres de référence, vous ne pourrez pas vous référer à un indicateur unique de ce point de vue. Il convient donc d’adapter l’échelle d’analyse aux spécificités des territoires. La bonne échelle, celle qui me paraît pertinente, c’est celle du bassin de vie, pour ensuite descendre à un échelon plus fin, la ville pour de petites unités urbaines et le quartier pour les plus grandes.
Il faudrait pouvoir s’affranchir des analyses s’appuyant systématiquement sur le découpage en IRIS opéré par l’INSEE, découpage trop large, qui peut inclure des quartiers très différents et lisser les problèmes, car il repose sur un fractionnement par tranche de 2 000 habitants. Pour ne citer que l’exemple de mon territoire, vingt-trois des trente-cinq communes de Valenciennes Métropole n’ont pas de découpage en IRIS. La connaissance précise des situations est une première donnée indispensable.
Autre présupposé essentiel, nous devons réfléchir à la manière pertinente de mesurer le « décrochage » d’un territoire. À mon sens, comme je le rappelais tout à l’heure, le faire par rapport à l’environnement de ce territoire et de façon croisée avec un classement et des comparaisons nationales me semble indispensable.
Enfin, il est primordial que l’État central n’impose pas tout et que la géographie prioritaire soit partagée entre l’État déconcentré – le préfet – et les collectivités qui connaissent le mieux les problématiques sociales de leur territoire.
Pour ce qui concerne la contractualisation et le partenariat, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que ce qui ressort des travaux de concertation me paraît aussi aller dans le sens de la logique.
En effet, nous ne pouvons qu’adhérer à l’idée d’un contrat intercommunal, un triptyque État-intercommunalités-communes, basé sur un projet de territoire, qui définira les logiques de priorisation et articulera les échelles d’intervention sur la durée d’un mandat municipal, une évaluation étant nécessaire, me semble-t-il, à mi-parcours.
Nous souscrivons aussi au principe d’un contrat unique engageant tous les acteurs – État, régions, départements, ARS, CAF – et qui s’inscrirait dans deux niveaux de contractualisation : un socle-cadre puis un niveau opérationnel.
Si nous avançons sur un tel schéma, il est impératif de bien s’assurer d’un certain nombre de préalables.
Pour donner des règles à la contractualisation, la logique de priorisation est centrale, mais l’entrée territoriale ne doit pas être la seule façon de prioriser. Les actions de la politique de la ville pourraient cibler un type de public, un territoire, voire un public sur un territoire. Chaque objectif du projet de territoire pourrait identifier la logique de priorisation pertinente.
Il convient d’inciter chaque partenaire – État, région, département, etc. – à replacer la politique de la ville au cœur de sa stratégie d’aménagement du territoire pour permettre une convergence et une cohérence optimales avec les politiques publiques de droit commun. Cela pourrait sans doute nous aider à nous prémunir contre le risque de substitution entre crédits spécifiques et crédits de droit commun, l’un des problèmes récurrents dans la mise en œuvre de la politique de la ville par le passé.
Autre préalable, chaque partenaire doit adhérer à la logique de contractualisation qui territorialise les politiques publiques dans le cadre d’un projet de territoire urbain et social, qui identifie les objectifs communs, les moyens mobilisés, aussi bien de droit commun que spécifiques, les outils de suivi et d’évaluation, ainsi que les moyens pour la gouvernance.
Je propose ainsi l’idée d’un contrat partenarial qui distingue des objectifs et des actions par thématique. Pour chacune des actions ainsi définies, la contractualisation déterminerait le porteur, ou chef de file, le calendrier, les moyens mobilisés, les outils d’évaluation, les territoires ou les publics cibles. Nous en revenons, ici, comme sur bien d’autres politiques publiques, à la nécessité de définir précisément le « qui fait quoi ».
Cela m’amène tout naturellement à mon troisième et dernier point, la gouvernance.
Cette question de la gouvernance et de l’animation globale est certainement la plus complexe à régler. Mais, à partir du moment où l’on décide que cette politique sera fondée sur la contractualisation, il me paraît évident que le maître mot pour résoudre cette question doit être celui du travail en mode projet ; deux acteurs pertinents s’imposent pour les deux échelons définis précédemment, le niveau cadre et le niveau opérationnel.
Pour le premier, l’intercommunalité est certainement le degré le plus adéquat pour assurer la coordination de la contractualisation, sa cohérence, la solidarité financière et le respect de l’équité territoriale, voire la mutualisation sur certaines questions. C’est une échelle pertinente aussi pour nombre de sujets tels que les transports en commun en site propre mais aussi pour globaliser l’ingénierie de projets que des communes n’auraient peut-être pas les moyens de porter si elles étaient seules à devoir le faire.
Je rappelle que je suis l’élue d’un département qui comporte de petits territoires en grande difficulté financière : rien n’étant possible sans l’agglomération, nous avons donc fait ce choix, qui a permis à ces territoires d’aller au bout de leur démarche.
Pour le second, le niveau opérationnel, la commune doit rester l’échelon principal de la mise en œuvre, parce que c’est la cellule de base, au plus près des habitants des quartiers.
Pour réussir, nous avons besoin de réunir deux conditions essentielles.
Il est d’abord nécessaire d’avoir une volonté politique forte qui assure une visibilité dans la durée et stabilise les dispositifs. C’est particulièrement important pour mener un travail partenarial intelligent avec le secteur associatif.
Ensuite, il faut disposer d’équipes techniques qualifiées. L’un des enjeux primordiaux est de mettre en œuvre un processus de qualification des acteurs qui bénéficie d’un soutien fort de l’ingénierie et d’une mutualisation des moyens, laquelle sera cruciale dans les années à venir.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques réflexions que je souhaitais vous soumettre, au nom du groupe UDI-UC, dont les valeurs humanistes et centristes l’ont conduit, vous ne l’ignorez pas, à s’investir depuis longtemps dans l’avenir de la ville et de ses quartiers fragiles.
En conclusion, j’aimerais souligner à quel point la politique de la ville me semble essentielle pour construire la ville de demain et à quel point sa complexité en fait en même temps toute la richesse. En effet, l’expérience de la rénovation urbaine de certains quartiers que nous avons acquise nous a confortés dans la certitude que cette politique, pour être efficace, doit allier dans un même élan l’accompagnement humain, une vision du développement économique, des choix urbanistiques et techniques et les modes de transport nécessaires au désenclavement. Tous ces facteurs engagent l'avenir.
Pour réussir, nous devrons cependant veiller à ne pas nous éloigner des besoins des habitants, qui sont les bénéficiaires de la politique de la ville. Il faudra pour cela, monsieur le ministre, que cette dernière soit le fruit d’une coproduction entre les territoires et les institutions qui apporteront les financements.
Voilà les pistes sur lesquelles mon groupe aimerait vous voir vous engager, monsieur le ministre, puisque vous avez le courage d’essayer de changer les choses. En raison de l'expérience des territoires que nous avons les uns les autres, nous savons cependant que nous devons être attentifs aux écueils à éviter et ne pas oublier la nécessaire péréquation. Nous devons aussi être vigilants à ceux qui sont encore fragiles et qu'il ne faudrait pas, au nom du « resserrage », mettre de côté sans réfléchir à des solutions alternatives. Des systèmes intermédiaires peuvent nous permettre d’éviter la politique du « tout ou rien » ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord remercier Claude Dilain d'avoir pris l'initiative du présent débat. L’entendre retracer l'historique des politiques successives de la ville m'a ramené quelques années en arrière, à l’époque où, en tant que vice-président du conseil général de la Haute-Garonne chargé des affaires sociales, j'ai suivi le RMI, les missions locales et les PAIO, les permanences d’accueil, d’information et d’orientation.
À l'époque, il est vrai que l’enthousiasme pour l'insertion des jeunes et des personnes envers lesquelles la solidarité nationale devait s'exercer était exceptionnel. Reconnaissons cependant que, sans la détermination et le volontarisme des élus locaux, il se serait peu à peu étiolé. Mon cher collègue, vous avez eu raison de rappeler les étapes de la politique de la ville, sur laquelle j'ai beaucoup réfléchi et travaillé avec mon ami Michel Cantal-Dupart. Je suis pleinement en accord avec vous lorsque vous soulignez la nécessité de combiner l'urbain et l'humanisme.
En dix ans, « les écarts de développement entre les quartiers prioritaires et les villes environnantes ne se sont pas réduits ». Ce constat sévère, mais juste, dressé par la Cour des comptes au mois de juillet dernier lance un véritable défi à la majorité actuelle et, au-delà, à la République tout entière.
Lors de l’examen annuel du projet de budget pour la ville, dont nous avons été privés cette année, on entend souvent parler de ZRU, de ZUS, de ZFU, de DSU, de PRU, ou encore de CUCS. Autant de vocables abscons ou d’acronymes auxquels personne ne comprend rien, à part ceux qui en sont, par la force des choses et la commodité du langage, devenus les spécialistes. Cela pourrait nous faire oublier les sept à huit millions de nos concitoyens qui se cachent derrière ces sigles. Heureusement, tel n’a pas été le cas, comme vous l’avez souligné lors de votre prise de fonctions, monsieur le ministre, ce dont je vous sais gré.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et certains les ont déjà cités. Comment tolérer que, en zone urbaine dite « sensible », une personne sur trois vive sous le seuil de pauvreté et que le taux de chômage des jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans, notamment, soit deux fois plus élevé que la moyenne nationale ?
Dans ces quartiers, les indicateurs sanitaires sont aussi particulièrement préoccupants : un habitant sur quatre renonce aux soins par manque de moyens et près de 15 % des résidents ne bénéficient d’aucune couverture maladie complémentaire. La densité des professionnels de santé par habitant y est deux fois plus faible que sur l’ensemble du territoire national et trois fois plus faible que dans l’environnement urbain dans lequel ces quartiers s’insèrent. Vous avez-vous-même évoqué ce point, madame Létard.
Ces écarts en termes de pauvreté, de chômage, d’accès aux soins et de résultats scolaires ébrèchent de toute part le principe de cohésion nationale sur lequel se fonde notre République. Il est grand temps de redéfinir les contours de l’action publique dans ces quartiers et territoires où l’État a naturellement toute sa place aux côtés des collectivités locales.
Il serait injuste de ne pas reconnaître que quelques évolutions et résultats positifs ont été obtenus ces dernières années. Le programme national de rénovation urbaine, mis en œuvre sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, a certainement donné un visage plus humain à certaines banlieues et sensiblement amélioré des situations individuelles.
Malheureusement, l’empilement de dispositifs mal articulés et le caractère pléthorique des zonages et des contrats ont conduit au saupoudrage des moyens sur des territoires de moins en moins identifiés, et ce probablement au détriment des populations les plus fragiles.
Même l'énergie, sans doute sincère, de Fadela Amara n’aura pas suffi à convaincre. Son plan « Espoir banlieues » a été progressivement abandonné, faute d’une véritable volonté interministérielle affirmée et d’une définition claire de son périmètre et de ses objectifs. De même, la baisse régulière des crédits de l’ACSÉ s’est traduite par une asphyxie du monde associatif, dont je voudrais rappeler le rôle fondamental, puisqu’il est pratiquement la colonne vertébrale de l'action publique dans les quartiers.
Au fond, la politique de la ville souffre d’un défaut : elle n’a jamais été intégrée dans une politique d’aménagement globale du territoire. Cette réalité concerne d’ailleurs également la politique en faveur des zones rurales. C’est pourquoi notre groupe a inscrit sur sa niche du 13 décembre prochain une proposition de résolution plaidant pour l’adoption prochaine d’une loi de programmation relative à l’égalité des territoires.
Où qu’il réside, chacun doit avoir la chance effective de faire valoir ses mérites et de tenter de satisfaire ses ambitions, d’étudier, de trouver un emploi, un logement ou, tout simplement, de se soigner. Or cette promesse de la République n’est pas tenue aujourd’hui et ce n’est pas un hasard si nombre de nos concitoyens ont placé leur confiance dans la gauche… Nous avons donc impérativement le devoir de nous mobiliser.
Je dois d’ailleurs saluer l’action du Gouvernement qui, dès le mois d’août dernier, présentait sa « feuille de route pour les habitants des quartiers ». Nous souscrivons pleinement à ses objectifs, au premier rang desquels figure la concentration des crédits de la politique de la ville dans les territoires qui connaissent les difficultés les plus fortes.
Cela suppose évidemment de réformer la géographie, aujourd’hui trop confuse, parfois même peu pertinente. Le précédent gouvernement s’y était essayé avant d’abandonner. Monsieur le ministre, vous avez lancé une concertation en ce sens qui doit aboutir à des propositions au début de l’année prochaine. Les membres du RDSE ne peuvent que s'en réjouir.
Il faudra veiller à ne pas écarter trop vite des quartiers dont la situation, bien qu’elle se soit améliorée, resterait fragile. Ceux qui ne seront pas retenus devront être accompagnés vers une sortie progressive.
Par ailleurs, dans les villes moyennes ou dans certains centres-villes de territoires ruraux, la population s’est largement paupérisée ; la mise à plat du dispositif doit permettre de faire émerger de nouveaux quartiers.
Enfin, il me paraît légitime que la nouvelle géographie prioritaire tienne compte de la capacité d’une collectivité à assumer les besoins de ses habitants. En d’autres termes, mettons l’argent là où il y a peu de ressources, mais beaucoup de charges !
Une autre priorité consiste, vous l'avez dit, monsieur le ministre, à mobiliser les politiques de droit commun, tant il est vrai que la politique de la ville s’est trop souvent substituée à celles-ci dans les zones les plus pauvres du territoire. Il faut renforcer ces politiques et les intégrer à la politique de la ville pour avoir une vision plus globale de l'action d'insertion et éviter ainsi les ghettos, que vous avez dénoncés.
Le rapport de la Cour des comptes pointe en effet le manque de moyens déployés dans ces zones pauvres pour l’éducation et l’emploi, citant, par exemple, l’absence d’agences de Pôle emploi dans des villes aux taux de chômage records.
L’éducation est pourtant la mère de toutes les batailles ; quant à l’emploi, il demeure malheureusement un concept abstrait pour beaucoup de jeunes, de seniors et de femmes habitant dans ces quartiers. Et je n’évoque même pas des services publics démantelés, comme en zones rurales.
Vous avez pris plusieurs décisions que je veux saluer. Un quart des 1 000 postes créés dans l’éducation nationale doit permettre d’améliorer l’encadrement des élèves des ZEP, ou plutôt devrais-je dire des zones d'éducation prioritaire ; les emplois d’avenir viseront prioritairement les jeunes des ZUS ; et n’oublions pas les emplois francs et les zones de sécurité prioritaire.
Les emplois francs sont une bonne mesure ; il n’en va pas forcément de même des zones franches, sur lesquelles les avis sont plus partagés. À Toulouse, dans la zone franche du Mirail, le taux d'emploi est le plus élevé de toute la ville, mais ce ne sont pas les habitants du quartier qui y travaillent. En réalité, des entreprises de services se sont délocalisées dans ce secteur, leur personnel suivant, pour bénéficier de l’avantage fiscal. Il faut reconsidérer le concept des zones franches, même si – soyons clairs ! – l'idée ne doit pas être rejetée.
Enfin, nous serons attentifs aux discussions sur le projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement, car il existe des opportunités de création d’entreprises dans les quartiers.
Monsieur le ministre, l’attente des habitants de ces quartiers est forte. Certes, il faudra du temps pour revenir sur la « casse » des dernières années, mais nous estimons que la démarche que vous avez entreprise est la bonne.
Pour conclure, je voudrais insister sur un point qui me paraît important : la mise en place d’une véritable péréquation. La réduction des inégalités entre territoires passe également par la solidarité entre communes riches et communes pauvres, entre territoires bien dotés et territoires sous-dotés. L’insuffisance des dispositifs actuels de péréquation est avérée ; elle a été maintes fois dénoncée, notamment par plusieurs travaux du Sénat. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous répondiez plus précisément sur ce point.
Enfin, ma modeste expérience d’élu local me permet de dire que sans engagement politique local fort, l'insertion ne peut réussir. Si la politique de la ville n'est pas portée par des élus déterminés et volontaires, elle ne fonctionne pas ! L’ajout de moyens financiers à ceux qui existent déjà peut, de surcroît, produire un effet inverse sur les élus, quelle que soit leur tendance politique : ils pourraient en arriver à se demander si tout cet argent est bien utile. Il faut donc des élus totalement impliqués pour que soit entendu le message en faveur de l'insertion et de la solidarité nationale envoyé par la République.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les remarques que je tenais à formuler, tant au nom du RDSE qu’en mon nom personnel, en raison de ma propre implication dans la politique de la ville. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport de la Cour et des chambres régionales des comptes, publié au mois de juillet dernier, constate que, en dépit des efforts réalisés par un grand nombre d’acteurs et des résultats obtenus par le programme national de rénovation urbaine, les handicaps dont souffrent les quartiers ne se sont pas atténués. Il attribue cette situation aux dysfonctionnements dans la coordination ministérielle et dans la coopération entre l’État et les collectivités territoriales.
Quant au rapport de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles de 2012, il insiste sur les écarts persistants entre ce qu’il est convenu d’appeler les quartiers et le reste des unités urbaines.
Dans les quartiers, la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 964 euros mensuels, est passée de 30,5 % en 2006 à 36,1 % en 2010, alors que, dans le même temps, elle est passée de 11,9 % à 12,6 % en dehors de ces quartiers.
La pauvreté touche particulièrement les jeunes. Sur la période 2009-2010, près d’un jeune âgé de moins de dix-huit ans sur deux vivait en dessous du seuil de pauvreté dans ces quartiers et 40,7 % des jeunes y sont au chômage.
Le taux de chômage des seniors, lui, n’a cessé d’augmenter depuis 2008, pour atteindre 14,9 %. La situation des femmes n’est guère meilleure : en 2011, moins d’une femme sur deux âgée de vingt-cinq à soixante-quatre ans occupait un emploi.
Et je ne parlerai pas de l’échec scolaire, du désert culturel, des transports, de l’habitat, de la santé, ou encore de l’impact des discriminations liées à l’origine, à la nationalité ou à la couleur de la peau.
Vendredi 30 novembre et samedi 1er décembre derniers, Le Pari(s) du Vivre-Ensemble, association dont je suis l’une des fondatrices, a organisé dans les murs du Sénat deux journées de débats citoyens sur « les quartiers ». L’idée était de faire venir les habitants des quartiers dans l’un des palais de la République, non seulement pour qu’ils s’y sentent chez eux, mais aussi pour qu’ils s’y expriment librement.
Dans les discours des participants, les maux décrits dans les rapports sont naturellement revenus. Mais on y a aussi perçu une note, forte, obsédante, d’amertume et, dans beaucoup d’interventions, de colère. Les propos théoriques – parfois incompréhensibles – tenus par les officiels invités n’ont pas suffi à apaiser cette colère.
Pourtant, l’espoir était bien présent. Il figurait dans les initiatives émergeant du terrain prises par des groupes, des associations, des individus, qui, pour reprendre le vocabulaire du gouvernement précédent, incarnent véritablement le vrai « Espoir banlieues ».
Les forums organisés dans nos banlieues par le journal Libération, les questionnaires envoyés récemment par le ministère chargé de la ville aux habitants et aux « professionnels » de la politique de la ville aideront peut-être à voir les choses d’un peu plus près. Mais permettront-ils de dégager de vraies solutions ?
De toute façon, il n’existe pas de remède miracle : seul pèsera un travail continu, de longue haleine, auquel tous devront être associés, y compris les sénateurs représentant ces territoires dont nous parlons.
D’ailleurs, c’est dans cet état d’esprit que la commission des lois vient de créer une mission d’information relative à la lutte contre les discriminations ethniques, raciales et religieuses, coprésidée par mon collègue de l’UMP, M. Jean-René Lecerf, et par moi-même. Les membres de cette mission, qui, le moment venu, vous soumettront leurs conclusions, mes chers collègues, entendent s’interroger sur l’éventuelle utilité de ces statistiques que l’on qualifie – à tort, bien entendu – d’« ethniques ». Ils souhaitent mieux mesurer l’impact réel des discriminations sur l’accès à l’éducation, à la formation, à l’emploi, au logement et à la santé, ainsi que sur l’ascension sociale, et affiner les moyens d’y remédier.
Toutefois, en tant que citoyenne, militante associative et spécialiste des minorités travaillant depuis longtemps sur – et avec – les quartiers, je me permets de formuler dès maintenant neuf suggestions.
Premièrement, il faut simplifier et clarifier le langage employé dans toute communication à destination des quartiers, des habitants et des élus. C’est une condition de l’efficacité de la démarche. En effet, comme le disait Boileau, « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ».
Deuxièmement – et inversement –, il convient de tout mettre en œuvre pour que des réponses structurées et sans compromis puissent effectivement remonter du terrain. Pour le coup, je ne suis pas sûre que « les mots pour le dire arrivent aisément » ! Je pense, en particulier, aux réponses aux questionnaires. Par exemple, monsieur le ministre, avez-vous envisagé de créer, à titre expérimental, dans quelques quartiers, des structures souples réunissant régulièrement deux ou trois dizaines de personnes – habitants, membres des associations, éducateurs, enseignants, représentants des quartiers, élus, porteurs de projets, etc. –, en étroit contact avec des représentants de votre ministère, et incluant éventuellement quelques sociologues ?
Troisièmement, je suggère que l’on songe à mettre en place un « parlement itinérant », composé de députés, de sénateurs et d’élus locaux, qui « tourneraient » dans les quartiers pour entendre les doléances, les attentes, les idées des habitants et les répercuter ensuite à l’échelon de chacun des ministères concernés.
Quatrièmement, les initiatives locales doivent être répertoriées et systématiquement valorisées pour qu’elles puissent servir d’exemples et inspirer d’autres territoires.
Cinquièmement, il est nécessaire de lancer des campagnes de lutte contre les discriminations dans les médias, comme de multiplier les formations à destination des enseignants, des fonctionnaires des administrations, des forces de l’ordre, des hommes et des femmes des médias, ou encore des directeurs de ressources humaines pour les sensibiliser à la lutte contre le racisme et les discriminations En particulier, il pourrait être utile de leur dispenser quelques heures d’initiation à la diversité des cultures et des traditions religieuses présentes sur notre sol.
Sixièmement, il faut intégrer dans tous les manuels scolaires non seulement une présentation des cultures d’origine de nos immigrés et de leurs descendants, mais aussi une histoire de ces populations qui, à leurs yeux comme à ceux de tous les Français, rende clair le parcours les ayant conduites, depuis nos anciennes colonies, à vivre dans notre pays et relate également les luttes pour l’égalité qu’elles ont menées, au fil des décennies.
Septièmement, nous devons faire en sorte que toutes les écoles des quartiers deviennent aussi les écoles des parents, en y organisant, entre autres, des cours d’alphabétisation et d’apprentissage du français. Dans le même ordre d’idées, nous devons multiplier les initiatives de créations d’internats, augmenter le nombre de classes préparatoires dans les quartiers ainsi que celui des bourses pour les élèves méritants et créer des classes de soutien assurées par ces boursiers, qui serviraient ainsi d’exemples.
Huitièmement, il est nécessaire de favoriser, par diverses mesures, l’implantation et la naissance d’entreprises dans les quartiers.
Neuvièmement, les transports doivent enfin être améliorés de manière à « déghettoïser » nos banlieues. Je pense notamment à Montreuil, qui n’est accessible qu’en contournant le périphérique.
Monsieur le ministre, je suis sûre que ces idées recoupent nombre des vôtres. Mais prenons garde : il y a urgence. Certains de nos concitoyens des quartiers sont déjà déçus de la gauche. Beaucoup ont la rage au cœur, ce qui risque d’alimenter le repli communautaire ou religieux et serait peut-être pire encore que les violences ou les émeutes.
Si nous n’agissons pas rapidement, nos quartiers deviendront de petites nations dans la Nation, et nous aurons irrémédiablement failli à notre mission républicaine.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart.
Mme Natacha Bouchart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, c’est à la fois l’élue de la Haute Assemblée et le maire de l’une des communes les plus pauvres de France, Calais, qui s’adresse à vous.
Vous le savez, la politique de la ville comprend l’ensemble des actions visant à lutter contre les phénomènes d’exclusion des populations urbaines défavorisées. Elle s’intéresse donc aux quartiers en crise.
Depuis ses prémices, dans les années soixante-dix, jusqu’aux émeutes urbaines du mois de novembre 2005, la politique de la ville est restée une « politique incertaine », quant à l’objet qu’elle se donne, à ses perspectives, à son statut dans l’action publique.
Le rappel de son histoire fait apparaître une série d’oscillations : du quartier à l’agglomération, d’un État animateur, voire autoritaire, à l’effacement de l’État au profit des maires, d’une politique d’exception à une politique à visée d’abord pédagogique, du développement autocentré du quartier à sa remise au niveau de la norme environnante.
Pour nous, la politique de la ville est d’abord une politique contractuelle, une politique globale embrassant tous les aspects de la vie quotidienne et une politique interministérielle.
Elle doit avoir pour objectif la prise en compte des territoires en difficulté au sein des villes : une politique publique adaptée doit par conséquent être conduite.
Elle repose sur trois principes fondamentaux : la mobilisation de l’ensemble des compétences et des acteurs à l’œuvre sur un territoire, la contractualisation entre ces acteurs et, pour l’État, une démarche interministérielle.
Ces principes ont été maintenus lorsque le périmètre d’action a été étendu du quartier à la ville pour permettre de mieux résoudre des dysfonctionnements structurels. Par exemple, la desserte des quartiers par les transports ne peut se traiter que dans le cadre d’un plan général de transport.
Le champ d’application de la politique de la ville concerne quatre domaines majeurs : la rénovation urbaine, la sécurité et la prévention de la délinquance, le développement social et culturel des quartiers, le développement de l’emploi et la revitalisation économique de ces mêmes quartiers.
C’est en 2003, sous la présidence de Jacques Chirac, que la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine fut votée. Pour la première fois, l’objectif de « réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires » était explicitement assigné à la politique de la ville.
Les écarts concernent à la fois la population et le territoire en tant que tel, l’urbain – avec les problématiques de l’enclavement, de la fonction des territoires, du logement, des formes urbaines, des dessertes... –, l’économique – je pense à l’emploi, à la qualité de l’offre commerciale, à l’intégration de fonctions économiques dans le tissu urbain, à l’existence de flux – et le social – dans ses dimensions insertion, formation et réussite scolaire.
La loi précitée avait pour objet de réduire les inégalités sociales et les écarts de développement entre les territoires dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, notamment avec la création d’un observatoire national de ces ZUS.
Elle a permis la mise en place du programme national de rénovation urbaine, dit « plan Borloo », visant à la construction de 200 000 logements locatifs sociaux, à la réhabilitation de 200 000 autres logements et à la démolition de 200 000 logements vétustes sur la période 2004-2008.
À Calais, pour le quartier du Beau-Marais, la mise en œuvre du plan a correspondu à la construction de 657 logements, dont 308 sur le quartier et 349 hors site, de manière à le « dédensifier ». Nous avons également réhabilité 180 logements, puis « résidentialisé » 593 autres, pour un coût total de 143,8 millions d’euros, dont 7,8 millions d’euros pour le seul budget de la ville.
C’est aussi grâce à cette même loi que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine a pu voir le jour.
Plus récemment, en 2008, nous avons soutenu le « plan banlieues » voulu par le Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, et intitulé « Une nouvelle politique en faveur des banlieues ».
La précédente majorité avait voulu faire de nos territoires en difficulté le lieu d’une dynamique collective qui mobilise l’ensemble des acteurs impliqués. Cela concernait l’État, bien sûr, avec le retour du droit commun, dans le cadre d’un programme triennal porté par chacun des ministères, mais également les collectivités locales, dans le cadre d’un partenariat responsable et ambitieux, et le monde économique, parce que l’émancipation et l’intégration passent par un emploi et parce que le retour de la croissance dépendra aussi des habitants des quartiers, qui regorgent de talents.
Par conséquent, cette dynamique rompait avec la logique curative des plans précédents. En effet, nos quartiers ne sont pas malades ! En outre, cette nouvelle politique de la ville n’énonçait pas un catalogue de mesures ; c’était une politique sur mesure, répondant aux exigences et aux besoins des habitants des quartiers. Enfin, elle se fondait sur une démarche d’évaluation et sur une culture du résultat.
À cette fin, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, que nous avions voulu indépendant, produit chaque année un rapport sur la situation des quartiers populaires, sur laquelle il apporte un éclairage sans concession.
Pour pouvoir mettre en œuvre efficacement cette politique de la ville rénovée, nous avons modifié la gouvernance. À présent, celle-ci s’articule, à l’échelon national, autour d’une instance de consultation, le Conseil national des villes, d’une instance de décision, le comité interministériel des villes, et d’une instance de préparation et d’exécution, le secrétariat général du comité interministériel des villes.
Cette réforme a permis d’améliorer la visibilité pour les décideurs et l’efficacité des interventions.
La politique de la ville agit aujourd’hui tant sur le développement urbain, grâce à la rénovation urbaine et au désenclavement, que sur le facteur humain, grâce à l’accompagnement social de tous les habitants, notamment les plus modestes d’entre eux.
Son volet le plus visible reste, bien entendu, celui de la rénovation urbaine : aujourd’hui, le beau et le vert ne sont plus l’apanage des quartiers aisés. L’ensemble du programme de rénovation urbaine est ainsi salué non seulement par les élus de tous bords, mais aussi, et surtout, par les habitants qui retrouvent considération et dignité lors de la transformation de leur quartier.
Pour que le volet urbain de la politique de la ville soit complet, il faut également articuler la rénovation urbaine avec le désenclavement. Les zones urbaines en difficulté sont trop souvent excentrées, enclavées, coupées des bassins de vie et d’emploi, fait qui isole durablement les habitants des quartiers populaires.
La réduction de cette fracture territoriale est la condition de l’efficacité des autres actions de la politique de la ville. Grâce à une meilleure desserte des territoires par des transports en commun de qualité, les habitants peuvent accéder plus simplement à l’ensemble de la ville, aux emplois, aux équipements publics et privés, aux activités, mais aussi aux services.
Le désenclavement, qui permet de relier ces quartiers aux autres agglomérations, concourt à la lutte contre le chômage, laquelle doit être au centre de nos préoccupations. La situation de l’emploi est particulièrement difficile, vous le savez. Des écarts énormes existent entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire. Le taux de chômage y est deux fois et demie supérieur : il s’y établit à 22,7 % contre 9,4 % dans les zones hors ZUS des villes qui comprennent une telle zone. Le taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans atteint 40,4 % en ZUS, contre 21,6 % sur le reste du territoire.
L’éducation doit donc être au cœur de notre démarche, avec la promotion de l’égalité dans l’accès aux filières d’excellence, l’aide aux enfants en difficulté, ainsi que le renforcement de la sécurité dans les écoles des quartiers populaires.
À Calais, par exemple, nous avons mis en place, une politique d’éducation par le sport, alliée à la construction d’équipements spécifiques dédiés : le gymnase Gauguin-Matisse, l’espace Marinot, ou encore Zap’Ados. Cette politique consiste à attirer les jeunes en difficultés vers la pratique sportive, vecteur de règles et de valeurs structurantes. Il faut également citer l’action « lecture pour tous », dont la mise en place et la réussite furent saluées récemment par la presse nationale.
Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, l’accès aux filières d’excellence s’est développé…
Mme Natacha Bouchart. Pour la première fois, les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent 30 % de boursiers. En effet, l’accentuation de nos efforts en faveur de la mixité sociale passe par l’émergence d’une élite issue des quartiers populaires.
Mais l’emploi et l’éducation ne peuvent être envisagés sans l’ordre public. Seul l’ordre républicain peut permettre l’émancipation sociale et économique des citoyens. Aussi devons-nous mener un combat de tous les jours pour faire reculer la violence dans les quartiers. Aucune politique ne peut être développée ni mise en œuvre sereinement dans un contexte local perturbé.
Le Gouvernement doit donc renforcer son action, d’autant plus que les territoires concernés par la politique de la ville ont particulièrement souffert de la crise. Leurs habitants ne doivent pas être laissés sur le bord de la route qui nous mène à la reprise économique.
Au-delà des réflexions sur les dispositifs, la politique de la ville a besoin de réformes structurantes profondes, afin d’accélérer la réduction des écarts territoriaux, donc des inégalités sociales. Je pense, bien entendu, à la réforme de la géographie prioritaire, à celle de la péréquation et à une nouvelle contractualisation.
Monsieur le ministre, l’expérience nous apprend qu’une politique trop générale dilue tout et ne résout rien. En revanche, plus on concentre les moyens sur les territoires en difficulté, plus les politiques sont efficaces. Je souhaiterais donc que votre gouvernement puisse cibler certains quartiers de façon objective : ceux dans lesquels les revenus des habitants sont les plus faibles, les taux d’emploi sont les plus bas, la proportion des jeunes est importante, la part de logements sociaux témoigne de l’absence de mixité sociale.
La réforme de la politique de la ville doit permettre de répondre à la situation de certains quartiers qui, aujourd’hui, faute d’être classés en zone urbaine sensible, ne bénéficient pas de tous les dispositifs d’accompagnement de l’État.
Si la solidarité accrue de l’État a été d’une grande aide pour certaines communes en difficulté, comme la mienne, elle n’a, en quelque sorte, réglé qu’en amont le problème des villes pauvres, en rapprochant leurs ressources du niveau de ressources moyen des communes. La réforme n’a pas été suffisante pour prendre en charge une part significative des dépenses exceptionnelles auxquelles ces collectivités doivent faire face. Dans bien des cas, les crédits spécifiques de la politique de la ville ont dû également contribuer à la remise à niveau des situations locales difficiles, avant de financer les besoins en équipements et services des populations concernées.
Je peux vous en donner quelques exemples : quand j’ai repris la gestion de la ville de Calais, abandonnée pendant trente-sept ans, j’ai dû investir chaque année environ 2 millions d’euros dans la seule réhabilitation des écoles et 1,5 million d’euros en moyenne dans celle des routes, des trottoirs. Je ne parle même pas de la vétusté de l’éclairage public, dont la seule remise aux normes m’obligerait à dépenser, si j’en avais les moyens, 19 millions d’euros.
Compte tenu de l’ampleur de la tâche, je réalise chaque année des investissements, touche par touche, afin de remettre tous les équipements à niveau au fur et à mesure. Bien entendu, je dois également appliquer mon programme d’investissements nouveaux, tout en faisant face à une dette de 100 millions d’euros. C’est pourquoi, je suis particulièrement soulagée quand je reçois une aide de 8 millions d’euros au titre de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, ou encore une aide supplémentaire de 1 million d’euros au titre de la dotation de développement urbain, la DDU, ce qui donne une petite bouffée d’oxygène à mes finances et à mon programme.
Comme dans bien d’autres domaines, ce constat relatif à l’adéquation des ressources aux charges laisse à penser que l’on demande à la politique de la ville de régler des problèmes de portée générale avec des moyens inadaptés. En effet, le vrai clivage réside d’abord dans la distorsion entre villes riches et villes pauvres. Le chemin qui doit être parcouru pour réduire les inégalités territoriales et sociales est encore long. En l’espèce, le courage politique ne suffira pas, monsieur le ministre : c’est ensemble, au-delà des clivages politiques, que nous réussirons. Afin de faire un bout de ce chemin, je me porte volontaire pour participer, avec mes autres collègues qui sont intervenus aujourd’hui, à d’autres réunions de travail en commun, car il y va de la cohésion républicaine, qui constitue le socle de notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006, j’ai suivi de près dans ma commune la préparation du contrat urbain de cohésion sociale, ou CUCS, et du projet de rénovation urbaine, ou PRU. À l’époque, ces dispositifs étaient déjà censés réformer tant la géographie prioritaire que le ciblage des thématiques d’intervention et les modalités d’implication des différents partenaires de la politique de la ville.
Le principe d’une « géographie emboîtée » y était esquissé, notamment pour la définition des projets de rénovation urbaine, de même qu’était clairement affirmée la hiérarchisation nécessaire des quartiers selon le niveau de leurs difficultés, ce dernier étant évalué à l’aide d’un certain nombre d’indicateurs objectifs et chiffrés. Toutes les questions étaient déjà posées : la gouvernance et le pilotage, le partenariat et la cohérence entre les différents dispositifs contractuels, la planification des politiques territoriales, la mobilisation du droit commun, ou encore la synergie entre le volet social – les CUCS – et le volet urbain – les PRU – de la politique de la ville !
S’agit-il donc aujourd’hui de « réformer » ou de « réaffirmer » les principes structurants qui ont été inopérants ou insuffisamment appliqués jusqu’à ce jour ?
Je souhaiterais plutôt m’arrêter sur les réelles innovations que comportent les orientations soumises aujourd’hui à débat. En particulier, j’aimerais que le Gouvernement développe davantage et concrètement ce qu’il entend par « un cadre national souple qui permette à la fois l’adaptabilité et l’expérimentation au niveau territorial ». S’agit-il d’envisager l’expérimentation en rapport avec l’initiative locale des professionnels pour aborder les problématiques de leur terrain, de leur territoire ? N’assistons-nous pas à un essoufflement dans ce domaine, à force de zonage et de cadrage de la politique de la ville durant ces dernières années ?
Je souscrirais volontiers à cette orientation si, de façon effective, on cessait de ne prendre en compte que ce qui entre dans les grilles et les nomenclatures des projets « finançables » par l’ACSÉ ou l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ! À quoi bon invoquer la territorialisation si les projets sont partout les mêmes et les crédits orientés de façon quasi systématique sur des dispositifs nationaux modélisés qui définissent tout par avance : priorités, publics cibles, modalités d’intervention !
Aujourd’hui, il s’agit de perfectionner l’architecture et le pilotage de la politique de la ville. Mais après, pour l’action au quotidien sur le terrain, que changerons-nous ?
Dans ce cadre d’application, au-delà des contraintes budgétaires qui obligent à prioriser tant les zones que les thématiques ou les niveaux de financement en fonction de critères toujours délicats à établir, j’aimerais attirer votre attention, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un problème de fond qui n’est pas encore suffisamment posé : la reconnaissance, à l’échelon national, de « l’intelligence locale » des situations à traiter.
Ainsi, pour les départements d’outre-mer, du fait de son caractère expérimental et de son droit particulier, dérogatoire au droit commun, la politique de la ville fut un véritable levier de développement local. Elle était, en effet, l’une des seules politiques publiques qui déployait un effort d’adaptation au terrain, inhérent à sa définition même et à ses modalités d’intervention.
En quoi les outre-mer, avec leurs problématiques exacerbées de « mal-développement », de retard infrastructurel, de chômage endémique, d’immigration clandestine et d’échec scolaire auront-ils la garantie de cette adaptabilité dont ils ont particulièrement besoin ?
En guise d’illustration, le PRU permet à la ville de Kourou, dont je suis le maire, de reconquérir un centre-ville ancien délabré, enjeu essentiel de dynamique urbaine non seulement pour le quartier, mais pour l’ensemble du territoire de la ville. Toutefois, quelle lutte n’a-t-il pas fallu mener pour que les décideurs nationaux parviennent à comprendre la stratégie locale d’implantation de certains équipements, ou l’intérêt de certains projets !
C’est là que du temps se perd, que des énergies s’épuisent et, surtout, que les projets qui justifient toute la redynamisation d’un quartier ne sont en définitive pas retenus malgré leur portée également territoriale. Finissons-en enfin avec ce hiatus entre les normes nationales de l’intervention et la réalité du terrain !
Tel est, de façon concrète, le sens de mon intervention et de mon interrogation, monsieur le ministre : quelle place sera accordée à « l’intelligence locale » dans les nouveaux contrats ?
Cette incertitude m’amène à reposer tout simplement ma première question : qu’entend le Gouvernement, qu’entendez-vous, vous-même, monsieur le ministre, par « un cadre national souple qui permette à la fois l’adaptabilité et l’expérimentation au niveau territorial », afin de concilier le territoire, l’urbain et l’humain, éléments fondamentaux de la réflexion d’Oscar Niemeyer qui nous a quittés hier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « plus de 8 millions de nos concitoyens habitant les quartiers relevant de la politique de la ville sont confrontés au quotidien et dans tous les domaines à des inégalités persistantes que les politiques conduites depuis dix ans n’ont pas permis de réduire » : tels sont les mots d’introduction de la feuille de route du Gouvernement. Ils s’inscrivent dans une logique de rupture avec la décennie passée. Le rapport publié par la Cour des comptes en juillet dernier a constaté la baisse constante des crédits depuis 2007. Le projet de loi de finances pour 2013, dont le Sénat n’a malheureusement pas pu examiner la partie « dépenses », stabilise les crédits alloués à la politique de la ville. Dans le contexte actuel, cela confirme la mobilisation du Gouvernement en faveur des 15 % de nos concitoyens qui vivent dans les territoires concernés.
Je voudrais revenir sur le rapport de l’ONZUS de 2012, qui insiste sur le fait que, dans ces territoires, tout s’aggrave encore plus vite qu’ailleurs : le taux de chômage est au moins le double de la moyenne nationale, il est même proche de 50 % pour les jeunes de certains quartiers relevant de la politique de la ville ; les personnes vivant dans les ZUS sont trois fois plus nombreuses que les autres à se dire victimes de discriminations ; un habitant sur trois vit sous le seuil de pauvreté ; un habitant sur quatre renonce à des soins pour raisons financières.
À ce propos, en tant que maire d’une commune de la banlieue lyonnaise, j’ai fait réaliser un diagnostic par l’Observatoire régional de santé, qui révèle des situations effroyables. En particulier, le taux de mortalité chez les hommes âgés de 40 à 50 ans est bien plus élevé que les moyennes départementale et nationale.
Dans le cadre de la réflexion sur la réforme de la politique de la ville, vous avez lancé, monsieur le ministre, en accord avec le Premier ministre, une grande concertation, qui réunit plusieurs centaines d’acteurs. Vous avez mis en place des groupes de travail sur la nouvelle géographie prioritaire, les contrats territoriaux et leur pilotage, les projets de territoire et les priorités thématiques. Ces groupes rendront compte de leurs travaux dans les prochaines semaines. Vous avez par ailleurs adressé un questionnaire aux maires concernés.
Vous avez déjà évoqué, monsieur le ministre, les nouvelles orientations qui pourraient guider une nouvelle politique de la ville abordant des sujets extrêmement importants, tels que la solidarité financière à travers un certain nombre de dispositifs – à cet égard, je salue à mon tour la décision d’augmenter la dotation de solidarité urbaine et la dotation de développement urbain –, le recentrage des aides avec une réactualisation des critères et des indicateurs, ainsi qu’une redéfinition des territoires, pour permettre une concentration des crédits spécifiques de la politique de la ville sur les quartiers et les populations les plus en difficulté.
Vous avez également parlé de la territorialisation des politiques publiques, avec la mise en place de contrats uniques liant les deux problématiques de la rénovation urbaine et de la cohésion sociale, ainsi que la démocratie participative. Je voudrais insister sur ce dernier point, car, nous le savons bien, la politique de la ville est plus efficace lorsque les habitants des quartiers y sont associés dès le début de la réflexion. Je souligne que des expériences conduites sur un certain nombre de territoires ont porté leurs fruits. Il ne s’agit donc pas ici d’inventer la démocratie participative, car elle existe déjà.
Vous avez enfin insisté, monsieur le ministre, sur le retour au droit commun. C’est à ce sujet que je souhaite consacrer la suite de mon intervention.
Claude Dilain a fait l’historique de la politique de la ville depuis les années quatre-vingt, en énumérant une série de sigles. Je me souviens particulièrement du développement social des quartiers à cette époque. Bon nombre de projets ont vu le jour, renforçant ou créant de nouveaux dispositifs en matière d’insertion, d’animation sociale, d’entretien des espaces extérieurs, de sécurité et de prévention de la délinquance, de prévention sanitaire et d’éducation à la santé. Ils ont été financés, dans les territoires, grâce à des crédits spécifiques. Leur pérennisation a pu être envisagée parce que ces actions, nous le mesurions au quotidien, produisaient des effets positifs.
Malheureusement, dans le même temps, les crédits de droit commun dans les domaines de l’éducation, de la solidarité, de la sécurité, de l’emploi n’ont pas été mobilisés pour répondre à ce besoin de pérennisation. Qui pis est, monsieur le ministre, le droit commun a parfois régressé dans ces territoires. Dans ma ville, par exemple, la scolarisation des enfants de moins de 3 ans a reculé, sous le prétexte parfois invoqué par les plus hautes autorités que les parents ne travaillent pas dans ces quartiers. C’est un comble !
Aujourd’hui, le constat est sévère. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, l’échec du droit commun a laissé les quartiers populaires de côté, la seule politique de la ville devant remédier à des difficultés qui n’ont cessé d’augmenter.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que la politique de la ville devait redevenir un levier pour remobiliser les grands ministères et les agences de l’État. Pouvez-vous nous préciser, dans le cadre de ce débat, comment vous envisagez de mobiliser les ministères chargés de l’éducation nationale, de la santé, de l’emploi, de l’économie, de la sécurité pour que soit assurée l’égalité républicaine dans les territoires en difficulté, au bénéfice de leurs habitants, qui, aujourd’hui, se sentent encore abandonnés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Monsieur le ministre, conduire la politique de la ville, quelle mission enthousiasmante ! C’est une politique essentielle, mais on ne peut pas tout lui demander, à l’heure où l’exclusion s’étend dans notre pays. Je vais vous donner mon sentiment sur cette question, en tant que sénateur, mais aussi en tant que maire et président d’une communauté d’agglomération de 300 000 habitants. Un tel sujet ne doit pas se discuter uniquement dans quelques arrondissements parisiens.
J’ai lu moi aussi le rapport de la Cour des comptes, mais, sur le terrain, on voit qu’il y a eu des résultats. Où en serait-on s’il n’y avait pas eu la politique de la ville ? Il faut aussi se poser cette question !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Jean Germain. On ne peut pas avoir une vision purement comptable des choses.
Dans beaucoup de communes et d’agglomérations, la politique de la ville fait l’objet d’évaluations régulières. Les habitants des quartiers concernés sont interrogés. Il faut tenir compte de ce qu’ils disent et pensent. La stigmatisation est d'ailleurs beaucoup plus le fait de ceux qui n’habitent pas dans ces quartiers.
MM. Claude Dilain et Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !
M. Jean Germain. En effet, au sein des quartiers populaires, on constate bien souvent un esprit de communauté.
Il convient d’aborder cette question d’une façon pragmatique. Je souscris à 90 % des propos qu’a tenus tout à l’heure notre collègue Valérie Létard. Que l’on soit dans la majorité ou dans l’opposition, quand il pleut, il faut le reconnaître, et ne pas prétendre qu’il fait soleil !
Je voudrais intervenir sur trois points particuliers.
En premier lieu, dans l’élaboration de la politique de la ville, il ne faut pas oublier les agglomérations. Il convient, selon moi, de distinguer le cas très particulier de la région d’Île-de-France. La communauté de destin et de dessein y est beaucoup moins forte qu’ailleurs, mais les problèmes y sont aussi plus graves. À Tours, la communauté d’agglomération, qui regroupe dix-neuf communes de sensibilités différentes, gère la politique de la ville. Il faut tenir compte de cette disparité entre l’Île-de-France et le reste du pays dans la politique de la ville.
Si la commune est bien l’échelon de mise en œuvre des actions, ces dernières doivent être définies avec l’État dans le cadre de l’agglomération. Cela va d'ailleurs dans le sens des travaux que vous menez actuellement, monsieur le ministre, et dont nous avons été unanimes à souligner la nécessité.
Dans ce domaine aussi, je suis un fervent défenseur de la décentralisation. Il y a eu parfois la tentation de substituer les préfets ou les sous-préfets aux maires pour conduire la politique de la ville. Je me permettrai simplement de rappeler cette belle phrase prononcée par François Mitterrand en 1982 : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. » Cette citation me semble toujours pertinente aujourd’hui. Il faut tenir compte de la réalité des territoires.
En deuxième lieu, la mixité est une dimension essentielle. Il faut que des quartiers relevant de la politique de la ville réussissent. Sur ce point, les villes ne sont pas toutes logées à la même enseigne. Certaines villes de banlieue, notamment en région parisienne, sont quasiment des villes-quartiers. Dans d’autres agglomérations, les choses peuvent plus facilement évoluer. Il faut faire vivre ensemble les gens, tout en tenant compte des réalités : certaines familles sont contentes de quitter un quartier parce que c’est pour elles le signe d’une réussite. (M. Jean-Pierre Plancade approuve.)
Comment concilier ce phénomène avec notre volonté d’améliorer la situation dans les quartiers en difficulté ? Il importe, à mon sens, que l’offre de logement ne s’y limite pas au secteur locatif social : il faut promouvoir l’accession très sociale à la propriété,…
M. Claude Dilain. Nous sommes d’accord !
M. Jean Germain. … afin que des personnes de diverses conditions sociales et de tous âges choisissent de rester dans ces quartiers et soient heureuses d’y vivre. Je pense que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors du débat sur les taux de TVA : il faudra alors veiller à ce que le logement social échappe à une augmentation forte.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, MM. Claude Dilain et Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jean Germain. Enfin, l’égalité des chances, qui n’est pas l’égalitarisme, est un élément important. Tout jeune des quartiers a droit à sa chance de faire son chemin, notamment grâce à l’école et au collège, qui doivent véritablement faire vivre la mixité.
Je tenais à affirmer aujourd’hui que, sur ce sujet essentiel, les pistes de réflexion sont multiples ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en écoutant Claude Dilain, grande figure de la politique de la ville s’il en est, je ne pouvais m’empêcher de penser au Saint Sébastien du Pérugin que j’ai vu mardi dernier dans la Galerie du temps, au Louvre-Lens, aux côtés d’anciens mineurs qui me disaient : « On ne pensait pas que c’était pour nous ! »
M. Claude Dilain. C’est vrai !
M. René Vandierendonck. Le Président de la République François Hollande a eu la pudeur de ne pas revendiquer les 6 millions d’euros que l’État a investis dans ce projet. L’Union européenne, de son côté, a participé à hauteur de 30 millions d’euros. Devant cette grande aventure qui débutait, la région Nord-Pas-de-Calais, la plus pauvre de France, s’est demandé comment faire face aux charges de fonctionnement. Vous avez évoqué une mobilisation du droit commun, monsieur le ministre : le dossier est remonté jusqu’au Premier ministre, mais quelles marges vos collègues vont-ils vous concéder, dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons ? Ne pourrait-on pas imaginer que les visiteurs du Louvre de Paris paient leur entrée un euro de plus afin d’aider la région la plus pauvre de France à promouvoir la culture sur son territoire ? La culture, ce n’est pas un luxe ; c’est ce qui forge l’identité et la citoyenneté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Dilain. Bravo !
M. René Vandierendonck. Voilà un exemple de mise en œuvre de ce que l’on appelle le droit commun !
Mes chers collègues, citez-moi un seul maire ou président d’agglomération qui dénigre l’ANRU ! Il n’y en a pas : tout le monde veut bénéficier du programme de l’ANRU ! Monsieur le ministre, il vous appartient de trouver les 6 milliards d’euros de financement qui manquent encore.
Il vous revient également de travailler à la réconciliation de l’humain et de l’urbain, pour employer une expression qui a déjà été utilisée par d’autres, et de cibler votre action sur le maillon faible de la politique de la ville, dont je salue tous les acteurs, quel que soit leur bord.
M. Jean-Pierre Plancade. Vous avez raison !
M. René Vandierendonck. À cet égard, il est très important que la problématique de l’accès à l’emploi soit au cœur des préoccupations de votre ministère.
À Roubaix, comme dans de nombreuses autres villes, le premier employeur est l’hôpital. Il y a des filles issues de l’immigration qui réussissent formidablement bien, comme le montre l’étude de l’OCDE publiée le 3 décembre dernier, et veulent travailler à l’hôpital : on compte 67 % de boursiers dans les écoles d’infirmières. Mais nous devons être vigilants : une révolution copernicienne est en cours à Bercy (Sourires.), où il est question de crédit d’impôt pour les entreprises, de choc de compétitivité… Pour ma part, je préfère parler de croissance inclusive. Il serait tout de même paradoxal que les cliniques privées installées à la périphérie de ma ville bénéficient du crédit d’impôt…
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. René Vandierendonck. … et que moi, dont l’hôpital public est condamné à respecter l’ONDAM, je ne puisse pas, avec les emplois d’avenir, l’apprentissage et les parcours de formation, faire accéder les jeunes à l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur les travées du RDSE.) Il faut savoir adapter le droit commun !
Claude Dilain était déjà là, tel saint Sébastien (Sourires.), quand on parlait de la péréquation, quand on cherchait à mettre en place les zones franches. Ce dispositif a marché : dans ma ville, où 9 000 emplois avaient disparu dans le secteur du textile, 5 000 ont été créés grâce aux zones franches. Certains disent qu’il aurait fallu contrôler davantage : qu’ils relisent les textes ! Ceux-ci prévoyaient expressément que l’État, par le biais de l’URSSAF, exercerait ce contrôle. Or il ne l’a pas fait. Si ce dispositif a marché, c’est parce que les collectivités se sont engagées : faisons-leur donc confiance !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais oui !
M. René Vandierendonck. Nous n’avons pas de planche à billets à notre disposition. Comment allons-nous faire, dans ces conditions ?
Pour ma part, je pense que, pour que cela marche, il faut que la communauté d’agglomération ou la communauté urbaine, chargée de l’implantation, le conseil régional, qui assure l’aide aux entreprises, et les villes, responsables de la maîtrise d’œuvre, contractent globalement. C’est votre système des poupées russes, monsieur le ministre, que vous allez nous expliquer merveilleusement dans quelques instants. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Vous avez raison : sans intégration des différents échelons à la politique de la ville, celle-ci ne produira pas de résultats.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire, comme mon collègue maire de Tours, qu’il faut laisser aux acteurs de terrain une latitude de travail, y compris en ce qui concerne les critères. Songez aux combats que nous avons dû mener ici : il nous a même fallu convaincre notre ancien collègue Repentin, aujourd’hui ministre ! (Sourires.)
Il n’est pas besoin de faire appel à des études ou à la sociologie pour savoir que la carte de l’immigration, c’est la carte de la politique de la ville, et c’est la carte de l’abstention… Quand je suis face à un jeune issu d’un milieu très difficile mais qui a réussi à l’école, ne me renvoyez pas à un décret en Conseil d’État ou à un avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi pour savoir si je peux ou non l’embaucher ! Laissez faire les élus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Je plaide pour que l’on fasse confiance aux élus, je plaide pour que les entreprises et la Caisse des dépôts et consignations entrent de nouveau dans le jeu. Claude Bartolone, lorsqu’il était ministre de la ville, avait fait adopter un texte créant les sociétés d’investissement régional.
M. René Vandierendonck. Il en existe une dans la région Nord-Pas-de-Calais. La question est simple : comment faire revenir les investissements dans un territoire qu’ils ont déserté ? C’est à une telle question que doit répondre la politique de la ville, qu’il s’agisse de l’habitat ou de l’activité économique.
Il y a des économies à faire. Ainsi, personne n’est capable de démontrer que l’EPARECA, l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, apporte une quelconque plus-value par rapport, par exemple, à une société d’économie mixte d’aménagement.
Pour attirer un investisseur, il faut, outre une bonne contractualisation, créer des conditions de prêt telles que, malgré la conjoncture, il décide de se lancer parce qu’il peut accepter un temps de retour sur investissement long sans compromettre son bilan. L’entreprise est la grande oubliée de la politique de la ville : je plaide pour qu’elle y soit intégrée, car c’est extrêmement important. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Dilain. Bravo !
M. le président. Mon cher collègue, vous avez doublé votre temps de parole, mais cela valait la peine…
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Engager le changement pour les habitants des quartiers, voilà une belle ambition à partager, monsieur le ministre. Il nous faut lutter contre les visions fermées, négatives, défensives, car, nous le savons bien, les zonages stigmatisants, l’empilement des dispositifs diluent l’action, accentuent les fractures, et alors c’est l’imagination qui dérape et s’emballe, particulièrement quand l’ignorance mutuelle domine : l’humus de la peur, de la xénophobie, du repli sur soi prospère, bloquant toute dynamique de progrès partagé.
Or, pour construire une identité positive des quartiers, c’est la politique de la ville, projet transversal de gouvernance locale, qui peut, en s’appuyant sur une vision prospective globale, réinventer des utopies positives dans lesquelles nos concitoyens pourront se projeter.
N’oublions pas que, pour les générations antérieures, arriver en ville, habiter dans une cité neuve était synonyme d’accès au confort, aux services publics et, par suite, à la formation, à l’emploi, à la mobilité, à la modernité.
Georges Duby ne disait-il pas que la ville avait été au cœur des transformations sociales parce qu’elle était un espace de mélanges et de libertés ? Or, aujourd'hui, même si nous recherchons toujours un vocabulaire le moins stigmatisant possible, vivre dans une ville taraudée par la crainte de voir son homogénéité menacée revient à subir des mécanismes de ségrégation. Le vivre-ensemble est dégradé, constate Pierre Rosanvallon. Il faut donc repenser l’organisation, la cohérence et la vision du territoire dans son ensemble pour répondre à cette segmentation qui ne fait qu’additionner des espaces repliés sur eux-mêmes, ne communiquant pas.
Pour cela, il faut optimiser l’utilisation des fonds dédiés, mais surtout capitaliser les expériences d’ingénierie et d’intelligence du projet collectif, en associant les habitants à la démarche, pour réellement viser l’amélioration non seulement de l’habitat, mais aussi de la qualité de vie.
J’évoquerai maintenant plusieurs programmes et contrats existants, qui sont autant de dispositifs spécifiques, éminemment transversaux, faisant bouger les lignes et favorisant la mixité sociale, la cohésion autour d’un projet commun, facteur de progrès partagé, de fierté.
Les programmes de réussite éducative ont pour objectif de restaurer les adultes dans leur dignité de parents, de les soutenir dans l’exercice de leurs responsabilités, de les guider dans les réseaux d’aide et d’accompagnement institutionnels ou informels, de les encourager à la prise de parole, à l’investissement local auprès de leurs enfants, dans l’école, les centres sociaux, les équipements culturels, la cité, de les accompagner dans l’acquisition d’une citoyenneté active fécondée par leur statut de parents.
Les contrats locaux de santé publique, évoqués à plusieurs reprises, sont destinés à répondre aux besoins en santé des habitants d’un quartier, en s’appuyant sur leurs capacités à s’exprimer, à réagir, à faire, à s’impliquer. Les CLS permettent l’inscription collective dans un parcours de progrès mesurables, où la place de chacun est reconnue et mise en valeur, car c’est un gage de réussite.
Les projets éducatifs locaux devront devenir des projets éducatifs globaux dans le cadre de la mise en œuvre de la refondation de l’école. Ils devront intégrer, autour de l’éducation nationale et des temps de l’élève, les partenaires locaux de la communauté éducative, de l’action sociale, du monde culturel, du mouvement associatif local.
Les programmes locaux de l’habitat, les PLH, dont se sont dotées bien des collectivités, en particulier les intercommunalités, permettent d’atteindre les objectifs quantifiés de production de logements, avec la part de logements sociaux indispensable à l’équilibre urbain. L’évaluation des besoins et l’élaboration des programmes doivent aboutir à un constat indiscutable et à l’acceptation des PLH, dont les habitants peuvent suivre la mise en œuvre et juger la qualité.
À tous ces programmes vont s’ajouter les plans de recrutement des emplois d’avenir, l’accueil des services civiques. De nouvelles initiatives voient par ailleurs le jour, comme celle de la Fédération des étudiants volontaires, la FEV, qui dispense des cours de soutien scolaire et propose des tutorats au domicile des jeunes. Elle met en œuvre un contrat gagnant-gagnant dans les quartiers où la mobilité résidentielle est bloquée. Elle organise l’accueil d’étudiants volontaires dans un appartement en colocation, dont le loyer est pris en charge par le bailleur et les partenaires locaux, en échange de l’apport de services d’utilité sociale aux habitants, à l’école, au centre social, au quartier.
Voilà, me semble-t-il, une dynamique d’éducation populaire, d’échange de savoirs et de soutien au développement de la citoyenneté active à encourager. Je n’oublie pas, bien sûr, les contrats locaux de prévention, d’insertion et de sécurité, qui ne doivent pas seulement promouvoir une politique du chiffre.
Monsieur le ministre, la politique de la ville doit permettre d’élaborer une nouvelle urbanité, un « savoir vivre ensemble ». Véritable colonne vertébrale du projet politique des élus pour leur ville et leurs concitoyens, elle doit être une boîte à outils pour bâtir un monde où la force motrice sera non plus le ressentiment et la frustration, mais la construction d’une réalité collective, facteur d’intelligence et de fierté partagées.
En effet, il ne faut pas négliger la dimension humaine de la ville, qui dépasse la seule problématique urbaine et architecturale. La ville est bien le lieu de rencontre des individualités, dont il faut prendre en compte les singularités pour construire du commun.
La ville, c’est l’hétérogénéité que ne peut effacer aucun plan de rénovation, mais qu’il faut valoriser pour en faire un levier de réussite, élaborer une vision d’avenir.
La sortie de la géographie prioritaire ne doit pas être vécue comme une menace par les villes concernées. Le fait d’avoir bénéficié de financements spécifiques, d’avoir obtenu des cofinancements, d’avoir appris à lever des participations complémentaires pour atténuer leurs charges leur a permis de développer des compétences et une méthodologie dans la conduite de projets contractuels qui sont précieuses.
Ces acquis doivent permettre aux maires et aux préfets de mobiliser les énergies locales pour construire un projet territorial unique, avec ou sans financements particuliers, qui permettra d’activer tous les leviers des politiques publiques de droit commun. Les engagements en matière de droit commun renforcé et de rééquilibrage pris devant – et avec –les habitants et les ayants droit seront quantifiés, évalués et révisés de manière triennale.
C’est ainsi, me semble-t-il, que nous pourrons progressivement réduire les écarts sociaux et territoriaux de façon durable. En parallèle, nous devrons agir pour développer la citoyenneté active. Cela se fera en introduisant plus de lisibilité, en simplifiant les procédures, en promouvant la confiance dans les partenaires et les élus locaux, en allégeant, surtout, les pouvoirs bureaucratiques liés à l’« agenciarisation », bref en remettant de la considération humaine dans un modèle devenu par trop technocratique, illisible et impuissant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier de ce débat de qualité. Certes, je regrette moi aussi que les crédits de la politique de la ville n’aient pu être discutés dans cette assemblée, mais faisons contre mauvaise fortune bon cœur : cela a conduit à l’organisation de ce débat, qui nous permettra peut-être de dégager des lignes de consensus pour la réforme de la politique de la ville que j’ai engagée selon les directives du Président de la République et du Premier ministre.
Vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, sont nourries par votre expérience d’élus locaux, mais se fondent également sur une réflexion théorique. Je vais m’efforcer de répondre à vos interrogations et à vos craintes, sachant que les décisions devront être prises au début de l’année prochaine.
Je souhaite donc vous exposer ma démarche.
Le Président de la République et le Premier ministre m’ont confié la charge de la politique de la ville, mission que j’exerce auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement. Cette politique vise au rétablissement de l’égalité républicaine dans les territoires, l’objectif étant d’améliorer très concrètement la vie des habitants des quartiers et de réduire les inégalités dans tous les domaines.
C’est une responsabilité qui m’oblige, au service des 8 millions de nos concitoyens qui habitent les quartiers populaires. Si nous devions conduire une « politique de civilisation », ce serait bien celle-ci : raccrocher les quartiers aux dynamiques d’agglomération, les remettre au cœur du pacte républicain. Une bonne partie de l’avenir du pays dépend de notre capacité à intégrer complètement dans la société les habitants des quartiers, notamment les plus jeunes, à exploiter leur potentiel, à valoriser leurs talents, à leur donner la place et la reconnaissance qu’ils méritent.
Le défi est immense. Les différents orateurs l’ont relevé, dans les zones urbaines sensibles, le taux de chômage est près de deux fois et demie supérieur à celui que l’on constate dans les agglomérations sur le territoire desquelles elles sont situées. Les rapports de la Cour des comptes et de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles soulignent que la crise frappe plus durement dans ces quartiers populaires que partout ailleurs.
Cette situation, je la constate chaque semaine dans les quartiers que je visite. À cet instant, je tiens à saluer tous les élus, responsables associatifs, enseignants, professionnels ou simples citoyens que je rencontre sur le terrain et qui se battent pour que la vie soit plus douce dans ces quartiers sensibles et que tous les moyens et toutes les énergies soient mobilisés pour que le plus grand nombre possible s’en sorte, surtout parmi les plus jeunes. À une époque qui favorise le repli sur soi et l’individualisme, il me semble qu’il y a beaucoup à apprendre des mécanismes de solidarité qui se développent dans ces territoires urbains en difficulté.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. François Lamy, ministre délégué. Ma démarche, monsieur Dilain, ne repose pas sur la sectorisation des quartiers et des villes telle qu’elle existe actuellement. Un grand débat national est en train de s’ouvrir, avec le concours de plusieurs intellectuels, sur la fracture territoriale que l’on constate aujourd’hui en France, entre régions, mais également au sein même des villes.
Je partage votre avis : on ne peut se satisfaire de cette situation. Le rapport de la Cour des comptes montre que la situation sociale et économique est aussi difficile dans ces quartiers qu’il y a dix ans. Nous le savons, leur population a changé, mais nous ne pouvons nous satisfaire qu’il existe des quartiers « sas », permettant de passer des quartiers pauvres aux quartiers habités par une population plus aisée. C’est là une organisation du territoire et de la ville qui ne correspond pas au projet du Gouvernement, ni au vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’en crois les propos que vous avez tenus, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez.
C’est pourquoi j’ai engagé, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une réforme complète de la politique de la ville. Ses grands objectifs ont été présentés lors du conseil des ministres du 22 août dernier. Nous réfléchissons à ses orientations dans le cadre de la concertation que j’ai lancée à Roubaix, le 11 octobre.
Les conclusions de cette concertation trouveront une traduction concrète lors d’un comité interministériel des villes devant avoir lieu au premier trimestre de 2013 au plus tard, puis dans un projet de loi qui vous sera soumis l’année prochaine. La discussion de ce texte dans chacune des assemblées constituera le deuxième temps de la concertation.
Cette concertation rassemble plus de 150 participants : élus, représentants des ministères et de l’État territorial, professionnels, représentants d’associations locales et nationales, d’organismes d’HLM et d’entreprises, personnalités qualifiées. J’ai tout particulièrement souhaité que les élus soient pleinement associés à la démarche. Quatre sénateurs sont ainsi directement parties prenantes à cette concertation : Laurence Cohen, Jean Germain, Hervé Marseille et Philippe Dallier, Claude Dilain ayant pour sa part accepté de copiloter un groupe de travail sur le sujet important de la géographie prioritaire. Par leur connaissance des réalités territoriales et leur capacité à appréhender les grands enjeux nationaux, ils enrichiront les débats, j’en suis convaincu, et seront à même de faire des propositions à la fois pragmatiques et ambitieuses sur le devenir de la politique de la ville.
Parallèlement, j’ai lancé une consultation des élus et des populations concernées, par le biais de questionnaires – plus de 300 nous ont déjà été retournés –, et j’aurai également l’occasion, au mois de janvier prochain, d’organiser quelques forums réunissant des habitants des quartiers, car on ne peut concevoir une politique de la ville sans les écouter ni les associer à la réflexion.
À cet égard, j’estime que, à l’issue de la concertation, il faudra certainement mettre en place des structures pérennes de discussion et de négociation avec les représentants des habitants des quartiers, à un échelon qui reste à déterminer : local, intercommunal, voire régional. En tout cas, la concertation doit déboucher sur des propositions. (M. Claude Dilain acquiesce.)
Quels sont les objectifs de la réforme de la politique de la ville ?
L’objectif premier est de mobiliser les politiques de droit commun ou, pour le dire autrement, de mieux territorialiser les politiques sectorielles.
Cela a été dit, je dois être le dix-neuvième ministre de la ville à venir expliquer dans cette assemblée qu’il va faire tout son possible pour mobiliser les politiques de droit commun ! (Sourires.)
Des choses ont été faites dans le passé. Ainsi, le ministère de l’éducation nationale a pris en compte, voilà maintenant plusieurs années, la nécessité de territorialiser, en mettant en place les zones d’éducation prioritaires. À cet égard, il est important de souligner que le ministère de l’éducation nationale va abandonner la géographie prioritaire qu’il applique actuellement pour adopter celle qui sera définie par la nouvelle politique de la ville : voilà un premier exemple de mise en cohérence interministérielle.
Bien entendu, cela ne suffira pas. Le ministère de la ville ne peut à lui seul, avec les moyens qui sont les siens, corriger des inégalités aussi lourdes que celles dont pâtissent les quartiers populaires. En 2012, 525 millions d’euros ont été alloués à la cohésion sociale et 1 milliard d’euros à la rénovation urbaine. Je veux souligner que, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, le Gouvernement a marqué la priorité accordée aux quartiers populaires en reconduisant globalement pour 2013 les moyens alloués au ministère de la ville. Certes, ces moyens n’augmentent pas, mais un coup d’arrêt a été mis à leur baisse continue, les crédits du ministère de la ville ayant diminué de 31 % depuis 2009.
Cela ne suffira pourtant pas, je l’ai dit ; il faut donc mobiliser les politiques sectorielles et les territorialiser. Je souhaite le faire à l’aide de deux outils.
Il faut d’abord mettre en place un pilotage interministériel à l’échelon national.
Conformément à la demande que j’avais formulée devant le conseil des ministres le 22 août dernier, le Premier ministre a signé le 30 novembre une circulaire interministérielle qui va me permettre de passer, d’ici à la fin du mois de février, des « conventions d’objectifs pour les quartiers populaires » avec chacun des autres ministères concernés pour fixer leurs engagements en faveur de ces quartiers dans les champs de l’éducation, de l’emploi, de la sécurité, de la santé, de la culture, de la jeunesse, des transports, etc.
Ces conventions, qui porteront non seulement sur les objectifs, mais également sur la méthode et sur les moyens engagés à l’échelon national par les différents ministères, sont actuellement discutées entre les cabinets ministériels et le seront prochainement avec les administrations centrales.
Je souhaite que ces conventions, que je veux triennales de façon à pouvoir procéder régulièrement à des évaluations, fixent des objectifs très concrets. Je pense, pour le ministère de l’éducation nationale, à l’accentuation de la scolarisation des enfants de 2 à 3 ans dans les quartiers populaires. (Mme Christiane Demontès approuve.) Je sais Vincent Peillon très sensible à cette question : des objectifs seront fixés, en particulier quant au nombre d’enseignants devant être affectés à ces quartiers. En ce qui concerne le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, il faudra assurer la présence physique et pérenne de conseillers de Pôle emploi dans chacun des quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville. Je pourrais multiplier les exemples d’objectifs concrets et précis en matière de mise en place des politiques de droit commun dans ces quartiers.
M. Claude Dilain. Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. Dans le même esprit, j’ai demandé aux préfets, aux préfets délégués pour l’égalité des chances et aux sous-préfets à la ville de conduire un travail analogue avec l’ensemble des chefs de service de l’État pour que chaque politique sectorielle soit passée au prisme de son incidence sur les quartiers populaires et que soient concentrés les moyens de droit commun dans les territoires défavorisés.
Au cours de mes déplacements, en me fondant sur des expérimentations menées notamment à Amiens, j’exprime aux préfets le souhait qu’ils prennent en compte cette dimension de la politique de ville et mobilisent l’ensemble des services déconcentrés de l’État dans les territoires, sans même attendre les futurs contrats.
D’ores et déjà, le Gouvernement a pris plusieurs initiatives.
Le ministère de la ville a ainsi été associé à la définition des territoires où vont être organisées des zones de sécurité prioritaires, et il le sera également, je l’espère, à la mise en place des dispositifs opérationnels des politiques qui seront conduites dans ces zones.
Un quart des 1 000 postes d’enseignant créés à la rentrée de 2012 ont été affectés aux écoles relevant de l’éducation prioritaire.
Par ailleurs, nous avons pu pour la première fois, grâce aux travaux du Parlement, territorialiser une partie de la politique de l’emploi, puisque 30 % des emplois d’avenir sont réservés aux jeunes des zones urbaines sensibles, afin de prendre en compte la discrimination à laquelle ces jeunes sont confrontés, en particulier lorsqu’ils sont diplômés.
Dans la même perspective, je souhaite expérimenter les emplois francs. Il s’agira là aussi d’un dispositif anti-discrimination, destiné en particulier aux jeunes des quartiers en difficulté qui ont fait l’effort, avec le soutien de leurs parents et de leur entourage, de se former, mais ne trouvent pas d’emploi alors qu’ils ont le même niveau de qualification et, souvent, plus d’enthousiasme et de dynamisme que les jeunes issus de quartiers plus favorisés.
Cette expérimentation sera menée à Marseille, à Clichy-Montfermeil, à Grenoble et à Amiens. Ces quatre villes sont de tailles et de situations économiques différentes, ce qui nous permettra de vérifier que le dispositif ne présente pas de biais, avant de le développer dans le courant de l’année 2014.
Toujours au chapitre de la mobilisation du droit commun, nous avons veillé, avec Marylise Lebranchu, à garantir l’expression de la solidarité nationale, au travers d’une progression sans précédent de la péréquation l’année prochaine. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine est augmentée de 120 millions d’euros, principalement au bénéfice des 250 communes qui bénéficient de la « DSU cible », tandis que la dotation de développement urbain est majorée de 25 millions d’euros. Cette majoration de la DDU profitera aux cinquante communes les plus pauvres de notre pays, sachant que j’essaie de faire en sorte que cette dotation soit déplafonnée en 2013 et qu’elle soit répartie avec toute la souplesse nécessaire par les préfets.
J’ai confié à François Pupponi, député de Sarcelles, une mission sur les outils de la péréquation. Claude Dilain l’a souligné, si ces outils ont joué un rôle important pour enclencher la solidarité entre l’État et les communes en difficulté, entre les communes riches et les communes plus pauvres, nous savons tous, d’une part, qu’ils ont des effets pervers, et, d’autre part, que l’on peut faire davantage en matière de solidarité. François Pupponi rendra ses conclusions et formulera des propositions concrètes avant la fin du mois de janvier.
Le deuxième objectif est lié au premier : il est de réformer la géographie prioritaire pour la simplifier et concentrer les interventions sur les quartiers qui en ont le plus besoin.
En effet, la politique de la ville doit être le marqueur territorial pour les politiques de droit commun et pour l’action publique en général. C’est à cette seule condition que les crédits spécifiques auront un véritable effet de levier pour ces territoires.
M. Dilain a fait référence à la superposition actuelle des différents zonages – ZUS, ZRU, ZFU, ZEP… –, dont l’enchevêtrement est tel qu’il est même difficile de déterminer le nombre des villes concernés par les dispositifs de la politique de la ville ! Ainsi, certains contrats urbains de cohésion sociale ont été signés par des villes seules, d’autres par des intercommunalités, d’autres encore par quelques villes à l’intérieur d’une intercommunalité, tandis qu’un cinquième des régions et un tiers à peine des départements se sont engagés dans ce dispositif.
L’ensemble est devenu illisible, et on a saupoudré, au fil des années, les actions de la politique de la ville, ce qui l’a parfois rendue contre-productive.
Jusqu’à présent, les opérations de rénovation urbaine ont été mises en œuvre sans être nécessairement accompagnées d’un volet de cohésion sociale suffisant. Les zonages ont conduit à stigmatiser et à enclaver les populations des quartiers ; il faut donc les revoir tous. Cette réforme a été continuellement repoussée, la dernière tentative remontant à 2009. Fort du soutien du Premier ministre, je suis résolu à la mener à bien, en prenant bien sûr en compte l’ensemble des contraintes des différentes collectivités, car elle est indispensable.
Je crois qu’il faut avoir le courage de dire qu’il existe des villes dont la situation ne justifie plus aujourd’hui qu’elles bénéficient des moyens spécifiques de la politique de la ville. Cela signifie que le travail qui y a été mené a produit des effets positifs. Les élus doivent, à mon sens, s’en satisfaire.
Mme Dominique Gillot. Ils doivent en tirer fierté !
M. François Lamy, ministre délégué. Charité bien ordonnée commence par soi-même : la ville de Palaiseau, dont j’ai été maire pendant onze ans et qui a bénéficié d’un contrat urbain de cohésion sociale, devrait renoncer aux crédits qui lui sont accordés au titre de la politique de la ville et revenir au droit commun. J’espère que cela montrera le chemin à d’autres communes !
M. Claude Dilain. Bravo !
Mme Dominique Gillot. Ce sera un bel exemple !
M. François Lamy, ministre délégué. Les participants à la concertation travaillent à remettre à plat la définition des territoires prioritaires. Ils ont déjà souligné l’intérêt de retenir un nombre très restreint d’indicateurs, pour une meilleure objectivité et une visibilité accrue. Le revenu semble devoir être placé au cœur de la définition de cette nouvelle géographie, dès lors que c’est lui qui traduit le mieux un ensemble de réalités sociales et la concentration de difficultés différentes : nombre de familles monoparentales, part des logements sociaux, taux de bénéficiaires des APL, proportion des jeunes dans la population, etc. D’autres indicateurs, quantitatifs mais aussi qualitatifs, seront combinés à celui du revenu pour la définition et l’évaluation des projets de territoire.
L’idée majeure est de simplifier pour ne plus enclaver. Les participants à la concertation ont ainsi déterminé les contours d’une nouvelle architecture de la politique de la ville. En remplacement des zonages, est proposée une géographie emboîtée, centrée sur des « territoires cibles » de la politique de la ville. À partir de ces nouveaux territoires prioritaires se déploieront des territoires de projet et d’intervention, en fonction des problématiques, pour adapter l’action publique aux réalités locales et décloisonner les quartiers concernés.
Enfin, je souhaite que le territoire de contractualisation soit l’agglomération, le maire restant bien entendu le pilote opérationnel de proximité.
Sur ce point, nous devrons porter une attention toute particulière aux outre-mer, dont la situation, en termes tant de gouvernance que de spécificités thématiques, en matière d’habitat insalubre, de chômage ou de croissance démographique, doit conduire à une prise en compte et à un traitement différenciés des enjeux.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. Je travaille sur ce sujet avec le ministère de Victorin Lurel, et j’ai demandé qu’une table ronde spécifique soit organisée au mois de janvier, dans le cadre de la concertation.
De la même manière, nous devrons porter une attention particulière à la région francilienne, notamment en matière de gouvernance et de fait intercommunal. En effet, l’intercommunalité est beaucoup moins développée en Île-de-France qu’ailleurs. Dans cette région, les intercommunalités se sont souvent construites, j’en parle d’expérience, par affinités politiques ou par rejet de la commune d’à côté. Il faudra donc sans doute définir des périmètres plus larges que ceux des actuelles intercommunalités, sans attendre d’éventuelles fusions. La nouvelle politique de la ville sera une politique non pas isolée, mais complémentaire du droit commun.
Le troisième objectif est de mettre en place une nouvelle génération de contrats de ville.
Ma méthode consiste à simplifier et à mettre en cohérence tous les enjeux dans un contrat de ville unique et global, qui associe les actions en faveur de l’amélioration du cadre de vie – c'est-à-dire toutes les actions de rénovation urbaine –, les actions en faveur des habitants – soit toutes les actions de cohésion sociale actuellement menées dans le cadre des CUCS – et la mobilisation du droit commun de l’État, des collectivités locales, des agences et des organismes de sécurité sociale. Ce nouveau contrat de ville rassemble et engage les acteurs autour d’un projet de territoire, avec un diagnostic partagé et des objectifs clairs à l’échelle pertinente, à savoir l’échelle intercommunale.
Il s’agit également d’un contrat participatif, qui associe, sous la coordination du préfet et du maire, l’ensemble des acteurs, à commencer par le président de l’intercommunalité, le président du conseil régional, le président du conseil général, la caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, l’agence régionale de santé, les chambres consulaires, les organismes d’HLM, bref tous ceux qui sont investis d’une responsabilité à l’égard des habitants des quartiers.
Ces contrats de ville de nouvelle génération ont vocation à être conclus après les élections municipales de mars 2014, pour la durée du mandat municipal, soit de 2014 à 2020.
M. Antoinette a évoqué l’articulation entre cadre national et cadre local. Je suis très sensible à ce que les élus de terrain peuvent me dire sur la nécessité de fixer des orientations nationales – les priorités sont malheureusement assez faciles à déterminer : emploi, éducation, santé, culture… –, mais il est évident que les actions, la stratégie, les moyens, la méthode doivent être mis en œuvre localement. À cet égard, les contrats de développement territoriaux mis en place en Île-de-France à l’échelle de véritables bassins de vie montrent peut-être la voie à suivre pour l’élaboration des futurs contrats de ville : État et collectivités territoriales ont défini ensemble les stratégies et les moyens à mobiliser. Je serai en tout cas très vigilant à ce que l’on n’impose pas d’en haut des politiques qui ne refléteraient pas la réalité locale.
Ces contrats, je l’ai dit, intégreront les opérations de rénovation urbaine, qui sont essentielles pour transformer le cadre de vie des habitants des quartiers. Depuis mai 2012, le Gouvernement s’est efforcé d’assurer le financement du Programme national de rénovation urbaine. Une lettre d’engagement mutuel a été signée entre la ministre de l’égalité des territoires et du logement et le réseau Action logement, qui apportera annuellement un minimum de 800 millions d’euros sur la période triennale 2013-2015, le complément étant fourni par l’État en fonction des besoins. Je peux donc affirmer aujourd’hui que nous mènerons à bien le premier Programme national de rénovation urbaine. Ce dispositif est salué comme une réussite dans tous les territoires, mais sa mise en œuvre doit être correctement évaluée afin de préparer au mieux la nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain. Conformément à l’engagement pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle et confirmé au début du mois de septembre par le Premier ministre, nous y travaillons actuellement, en tenant compte, bien entendu, des erreurs qui ont été commises dans le passé et en étant attentifs à la question de la reconstitution de l’offre. Il s'agit en effet d’un sujet majeur : est-il vraiment nécessaire de démolir autant, alors que la priorité est plutôt de désenclaver ces quartiers, de les relier à l’ensemble du territoire dont ils relèvent ? Il faudra à la fois, pour cette nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, fixer plus précisément les grandes orientations et offrir plus de souplesse aux acteurs locaux –élus, associations, mais aussi habitants –, qui sont les mieux à même de définir les meilleures conditions pour créer la mixité urbaine.
L’objectif est en effet de faire émerger, à l’intérieur des territoires urbains, la ville mixte, la ville mélangée : mixité fonctionnelle, mixité sociale, mixité urbaine. Cela est plus difficile dans certaines villes que dans d’autres. Il faut également tenir compte des formes d’habitat. Je suis d’accord avec ce que disait Valérie Létard : on ne pense pas la ville de la même manière suivant que l’on se trouve dans l’agglomération lyonnaise, en Île-de-France ou dans le Nord-Pas-de-Calais. En résumé, il faudra, pour cette nouvelle génération d’opérations de renouvellement urbain, savoir allier souplesse dans la mise en œuvre et fermeté dans la définition des axes structurants.
Dans ce contexte, j’ai confié à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles une mission d’évaluation du premier PNRU, pour que nous puissions tirer tous les enseignements de cette expérience avant de prendre des décisions.
Je voudrais revenir brièvement sur la question des zones franches urbaines. Le gouvernement précédent avait décidé que ce dispositif prendrait fin en 2014. Je suis preneur de toutes les réflexions sur ce sujet. Une mission parlementaire a été créée à l’Assemblée nationale ; je ne sais pas si le Sénat prendra une initiative analogue, mais je souhaite que nous puissions disposer d’un véritable bilan.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. François Lamy, ministre délégué. Je rappelle que le dispositif des ZFU représente, cette année encore, un coût de quelque 400 millions d’euros en exemptions fiscales ou en exonérations de cotisations sociales. Ce montant est à rapprocher du budget du ministère de la ville, qui est de 525 millions d’euros. On comprend aisément qu’un dispositif qui mobilise autant d’argent public doit produire des résultats !
M. Jean-Pierre Plancade. Tout à fait !
M. François Lamy, ministre délégué. Or, ce que je constate sur le terrain, c’est que le bilan est très contrasté. Là où les élus ont mené une politique résolue, en mettant en place des actions de désenclavement des zones franches urbaines, avec l’implantation de lignes de transport en commun, là où on a fourni aux entreprises tous les outils et moyens nécessaires à leur installation et à leur fonctionnement, là où on a construit les logements qui manquaient, là où on a organisé un espace public de qualité, instauré la sécurité, les exonérations de charges ont eu un effet de levier. (M. Jean-Pierre Plancade approuve.) Par contre, là où on s’est contenté d’attendre que les emplois apparaissent, cela n’a pas fonctionné : il y a eu beaucoup d’effets d’aubaine,…
M. Jean-Pierre Plancade. Voilà !
M. François Lamy, ministre délégué. … qui ont pu déboucher sur un processus de désertification des territoires périurbains.
Je crois donc vraiment qu’il faut analyser le fonctionnement du dispositif des zones franches urbaines, ses effets positifs et négatifs, ses effets pervers. Je suis prêt à mener cette réflexion avec vous en 2013. Sur cette base, nous pourrons envisager un nouveau dispositif qui soit complémentaire des autres actions à mettre en place en matière de développement économique. La Banque publique d’investissement aura également un rôle à jouer à cet égard, puisque la définition d’une stratégie industrielle en direction des quartiers en difficulté fait partie de ses missions.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire ce matin sur la réforme de la politique de la ville. Je veux que cette réforme marque un tournant décisif en matière de participation des habitants des quartiers concernés. Ils doivent devenir des acteurs à part entière des territoires, aux côtés de l’État et des collectivités. Il s’agit là, j’en suis convaincu, de la condition première du rétablissement de l’égalité républicaine dans ces quartiers. Leurs habitants ont des choses à nous dire, sur leurs attentes, leurs projets, leurs relations avec la police, les discriminations dont ils font parfois l’objet et, surtout, sur la ville dans laquelle ils aimeraient vivre. Redonner toute leur place à ceux pour qui nous conduisons nos politiques publiques, mener notre action au plus près des besoins de la population représente un enjeu primordial. Dès le mois de janvier prochain, dans le cadre de la concertation, j’organiserai des rencontres citoyennes avec les habitants des quartiers, afin d’entendre leurs préoccupations, et surtout leurs préconisations.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ambition pour les quartiers populaires que je vous propose de partager. C’est une belle ambition collective que de vouloir rétablir l’égalité républicaine dans ces territoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Natacha Bouchart applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme de la politique de la ville.
4
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart.
Mme Natacha Bouchart. Monsieur le président, je souhaiterais faire une mise au point au sujet de deux scrutins publics.
Lors du scrutin public n° 57 sur la motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, M. Christian Cambon a été déclaré comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter pour cette motion.
Lors du scrutin public n° 58 sur l’article unique de cette même proposition de loi, M. Christian Cambon a été déclaré comme s’étant abstenu, alors qu’il voulait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour les questions d’actualité au Gouvernement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
conférence pauvreté-précarité
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le Premier ministre, le 11 février 1987, il y a vingt-cinq ans, Joseph Wresinski faisait adopter par le Conseil économique et social un rapport intitulé Grande pauvreté et précarité économique et sociale.
Dans son rapport pour 2011-2012, l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale constate que plus de 11 millions de personnes en France sont touchées par la pauvreté ou l’exclusion et que la pauvreté sous toutes ses formes n’a cessé d’augmenter. Parmi les personnes les plus vulnérables se trouvent les familles monoparentales, les jeunes, les femmes âgées, sans oublier les enfants. Il souligne aussi que « disposer d’un emploi n’est plus une condition suffisante pour franchir le seuil de pauvreté », tant l’emploi s’est raréfié et précarisé.
La pauvreté augmente et se territorialise. En France, un individu peut être considéré comme pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 964 euros. Or 33 % des habitants des banlieues sensibles vivent avec moins de 900 euros par mois. Le revenu fiscal moyen de la population des zones urbaines sensibles représente environ 60 % de celui de l’agglomération qui abrite le quartier.
Monsieur le Premier ministre, lors de la préparation de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale des 10 et 11 décembre prochain, vous avez affirmé que vous alliez dégager « une enveloppe de 50 millions d’euros [...] sur les budgets des ministères [qui] renforcera les crédits alloués à la veille sociale, l’hébergement d’urgence et la prise en charge des demandeurs d’asile ».
L’objectif de votre gouvernement est bien de réduire les inégalités et d’éviter que des hommes et des femmes ne tombent dans une précarité dramatique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre pays.
Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous indiquer, d’une part, les mesures que votre gouvernement compte prendre en urgence et, d’autre part, les actions que les ministres qui participeront aux ateliers de cette conférence avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale envisagent pour réduire ces situations sur le long terme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, comme je l'ai annoncé dans mon discours de politique générale, une conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale se tiendra lundi et mardi prochains. Elle sera l'occasion d'annoncer les axes structurants de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, la précarité et les inégalités dans notre pays.
Vous avez eu raison de souligner l'urgence des situations.
Avant d’être des statistiques, ces hommes et ces femmes sont d’abord des visages, que vous connaissez bien. Ils sont parfois stigmatisés comme s'ils étaient coupables, alors que les hasards de la vie – pas toujours les hasards – ont pu provoquer ces chutes et conduire à l'extrême pauvreté.
Cette situation qui dure et perdure s'est aggravée durant ces dix dernières années de laisser-faire économique et social et s’est traduite par un bond inégalé des inégalités dans notre pays. Par conséquent, il faut faire face, il faut faire front.
Il fallait aussi agir dans l'urgence, je vous remercie de l’avoir rappelé, monsieur le sénateur. C’est pourquoi, dans les six premiers mois qui ont suivi sa formation, le Gouvernement a pris des mesures.
Ainsi, nous avons revalorisé de 25 % l'allocation de rentrée scolaire. Cette mesure touche directement les familles les plus modestes de notre pays. Que de critiques n’avons-nous pas entendues ! Nous faisions là un cadeau qui servirait à l’achat d’iPad ou d’autres produits technologiques. C'est méconnaître la situation difficile des familles. Cette décision a directement bénéficié aux enfants, en particulier aux enfants les plus pauvres. Nous avons eu raison de la prendre !
Nous avons également débloqué une enveloppe de 50 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence.
Nous avons engagé l'encadrement des loyers.
Nous avons encore supprimé la franchise pour l'aide médicale de l'État. Là aussi, que n'a-t-on entendu !
Je tiens à souligner, et la conférence que vous avez évoquée sera l'occasion de le rappeler solennellement, que l’on ne fera pas reculer la pauvreté et l'exclusion sociale en tenant des discours moralisateurs et stigmatisants. Comme si être pauvre était un choix de vie !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le demande à tous, quelle que soit votre sensibilité politique : arrêtez d'exploiter la misère et mobilisez-vous pour la combattre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Pas d'effets de manches !
Un sénateur du groupe UMP. Ce n'est pas digne d'un Premier ministre !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est de la fumée tout ça !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La combattre à long terme, c'est précisément l'objet de la conférence qui se tiendra la semaine prochaine. Elle a été préparée minutieusement. Sept groupes de travail dirigés par des personnalités incontestables ont travaillé tambour battant, dans un esprit de concertation exemplaire : associations, collectivités territoriales, partenaires sociaux et représentants des personnes en situation de précarité ont été étroitement associés à la préparation de ces travaux.
Je sais déjà que les rapports qui seront présentés sont de très grande qualité. Ils seront exigeants aussi, j'en suis conscient ; ils le seront pour le Gouvernement comme pour tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Mais ils pourront constituer, comme ce fut le cas lors de la conférence sociale ou de la conférence environnementale, une véritable feuille de route qui servira de base aux décisions que je serai amené à annoncer à l’issue de ces journées. Quoi qu’il en soit, je laisse aux rapporteurs le soin de présenter les préconisations qui résultent de leurs travaux.
Marie-Arlette Carlotti, ici présente, mais aussi tous les autres ministres et moi-même sommes mobilisés pour trouver des solutions concrètes. Certaines pourront avoir un effet immédiat, d'autres s'inscriront dans le moyen terme et nécessiteront des réformes.
Je conclurai sur un point. J'ai parlé ces derniers temps de « nouveau modèle français » et de la nécessité de retrouver de la compétitivité pour nos entreprises, pour l'emploi.
M. Jean Bizet. Enfin !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La compétitivité n'est pas qu'économique, elle est aussi sociale. C’est pourquoi ce nouveau modèle français n'aura de sens, ne sera mobilisateur, ne redonnera confiance que s'il s'appuie sur les valeurs qui fondent le pacte républicain. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Aujourd'hui, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, une partie des Français ne croient plus à ces valeurs ni à ce pacte. (M. Claude Dilain opine.) Ils ont perdu confiance. Le défi que nous avons à relever, c'est de leur redonner toute leur place dans la République, quel que soit l'endroit où ils habitent : centres-villes, banlieues, périphéries urbaines ou quartiers plus éloignés, territoires ruraux.
Notre mission, c’est ce nouveau modèle français. Elle exige du travail. Elle réclame également du courage, de la détermination, et le Gouvernement n’en manque pas. Mais, pour cela, il a besoin de l’appui de la majorité parlementaire que je tiens ici à saluer et à remercier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Le premier rapport de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, l’INJEP, en tant qu’Observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse, présenté ce mardi 4 décembre, met en exergue un constat des plus sombres : on assiste à une fragilisation accrue de la jeunesse, à de forts risques d’exclusion et à un creusement des inégalités entre jeunes dans le contexte actuel de crise économique, dont ceux-ci sont les premières victimes. En effet, 15 % des jeunes ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi. Le taux de pauvreté des 18-24 ans atteint en moyenne 22,5 %. Au total, plus d’un million de jeunes sont désormais confrontés à une situation de grande précarité.
Le rapport montre également que les jeunes représentent 22 % de la population active, mais 40 % des chômeurs. En outre, l’augmentation du chômage de longue durée est particulièrement préoccupante chez ces jeunes. Par ailleurs, la réalité n’est pas uniforme : dans l’accès à l’emploi, le clivage se creuse entre diplômés et non-diplômés. Le taux de chômage des non-diplômés est de 46 % ; 30 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.
Madame la ministre, je souhaite vous alerter sur le dispositif du RSA jeunes, qui, il faut le constater, est un échec total. La dotation de 27 millions d'euros pour 2013 a été fortement revue à la baisse du fait de l’important taux de non-recours. En effet, seuls 8 000 jeunes sur les 130 000 initialement prévus en bénéficient, soit 6 %. Le taux de non-recours est donc de 94 % !
Il faut reconnaître que les conditions requises pour y avoir droit sont totalement irréalistes. Il est exigé que les jeunes justifient d’une activité professionnelle de deux ans à temps plein sur les trois années précédant la demande. Quand on connaît la réalité, on comprend qu’il y ait si peu de candidats !
Si nous nous réjouissons de la mise en place des 150 000 emplois d’avenir, beaucoup reste à faire.
Madame la ministre, ma question est donc la suivante : quelle réforme du RSA jeunes envisagez-vous et que comptez-vous faire pour lutter contre la précarité et la paupérisation croissante et massive de la jeunesse ?
De nombreux points méritent d’être abordés lors de la conférence qui sera organisée par le Gouvernement la semaine prochaine. Concernant la jeunesse en situation de précarité, avez-vous notamment prévu d’évoquer la possibilité de mettre en place une allocation jeunesse donnant un minimum d’autonomie et de stabilité pour construire un projet, l’impulsion d’une aide forte pour l’accès à la mobilité, au logement et à la santé ou bien le droit à la formation ?
Sur ce dernier point, il est urgent de réfléchir à la mise en place pour les jeunes précaires d’un droit de tirage automatique à des formations de qualité dans les filières d’avenir. Tous les acteurs de l’insertion, les missions locales, les mouvements d’éducation populaire, insistent sur ce point. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Aline Archimbaud. Nous connaissons bien les très grandes difficultés pour un jeune qui enchaîne les contrats de travail très courts, les stages non rémunérés et les périodes de chômage à avoir accès à de telles formations ; c’est même quasiment impossible. C’est pourtant une condition incontournable pour faire reculer le chômage. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Je vous demande de conclure, s’il vous plaît.
Mme Aline Archimbaud. La jeunesse est l’avenir de notre pays. C’est un immense potentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Elle avait des choses à dire, mes chers collègues !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, tous les rapports sur la jeunesse sont alarmants. Nous le voyons tous, tous les jours : les jeunes sont durement frappés par la misère, par le chômage. L'avenir devrait pourtant leur appartenir. C'est le résultat non seulement de la crise, mais aussi de politiques et de dispositifs qui ne se sont pas révélés totalement adaptés à la situation et aux besoins des jeunes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
C'est chez les jeunes que les inégalités sont les plus marquées. Il y a aujourd'hui des jeunes qui n’ont rien, ni emploi, ni formation, ni ressources. C’est vers eux que nous devons nous tourner en priorité. Il ne serait pas digne d’un pays comme la France de laisser tomber une partie importante de sa jeunesse. Nous devons donner une seconde chance à ceux qui ont décroché.
Vous le savez, la jeunesse c’est la priorité du mandat de François Hollande, c’est la priorité du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. D'ailleurs, la première mesure que vous avez votée après l’élection présidentielle, ce sont les emplois d’avenir, qui répondent à la situation d’urgence de ces jeunes sans qualification qui ont besoin qu’on les aide pour démarrer dans la vie professionnelle.
Le contrat de génération sera lui aussi un levier très puissant pour favoriser l’emploi des jeunes. Mais nous n’en resterons pas là. Nous devons également être solidaires avec tous ceux qui ne peuvent pas entrer tout de suite sur le marché du travail.
Vous l’avez souligné, madame la sénatrice, le RSA jeunes est un échec. Il n’est pas adapté au public auquel il était initialement destiné. L’obtenir représente désormais une mission impossible. Il n’est lié à aucune mesure d’accompagnement qui permettrait aux jeunes de retourner sur le chemin de l’emploi. Sur les 130 000 jeunes qui étaient visés par le dispositif, seuls 9 000 y ont recours aujourd'hui. Nous devons tenir compte de cet échec.
Il est de notre responsabilité de trouver de nouvelles façons de soutenir les jeunes en difficulté, ceux qui n’ont ni formation ni emploi. Ce sera l’un des grands objectifs de la conférence dont vient de parler le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
arcelormittal florange
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Laurent. Monsieur le Premier ministre, depuis hier, vous vous acharnez à défendre l’accord passé entre votre gouvernement et Mittal au nom d’un argument : vous sauvez l’emploi.
Plusieurs sénateurs UMP. Très bien !
M. Pierre Laurent. À droite, vous êtes disqualifiés sur ce sujet, alors laissez-moi parler ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Cependant, vous ne parvenez pas à convaincre. En effet, comment garantir l’emploi si l’avenir industriel du site de Florange, lui, n’est pas garanti ? Déjà, l’arrêt des hauts fourneaux de Florange prive la région de son poumon économique et menace de destruction des centaines d’emplois directs, indirects et intérimaires. Mais surtout, alors que, hier encore à l’Assemblée nationale, vous déclariez avoir obtenu la reprise du projet ULCOS, Mittal vient de donner le coup de grâce à Florange en retirant la candidature du site pour l’appel d’offres européen.
M. Mittal n’a jamais renoncé à son plan de dépeçage de l’industrie sidérurgique, notamment de sa filière chaude en Europe. Le groupe ArcelorMittal profite des aides publiques mais il organise la perte de rentabilité des sites pour les fragiliser, afin de justifier leur fermeture. Il y a donc deux visions radicalement différentes en présence : d’un côté, celle de Mittal, qui organise le déclin de l’industrie en cherchant à préserver ses intérêts financiers ; de l’autre, celle des syndicalistes et de nombreux élus du territoire lorrain ainsi que des auteurs du rapport Faure commandé par votre gouvernement, qui préconisent des investissements importants sur le site, dans le cadre d’une « option nationale » pour la sidérurgie. Pourquoi avez-vous enterré si vite ce rapport officiel ?
Monsieur le Premier ministre, entre ces deux visions, vous devez choisir !
Laisser la main à Mittal, c’est tourner le dos aux salariés, au projet ULCOS, à l’intérêt de la France. Si vous choisissez l’intérêt national, comme nous vous le demandons, vous devez rouvrir le dossier. Les prétendus engagements de Mittal, qu’il a déjà trahis en quelques heures, ne peuvent en aucun cas mettre un point final au dossier de Florange.
J’ai donc trois questions à vous poser : quelle garantie pouvez-vous donner quant à un engagement rapide et financé du projet ULCOS ? Le Gouvernement s’engage-t-il à rouvrir sans délai le dossier de l’avenir industriel du site de Florange et plus largement des sites d’ArcelorMittal en France, y compris en examinant la voie de la nationalisation ? Enfin, puisque vous avez annoncé la mise en place d’un comité de suivi, êtes-vous prêt à ouvrir sa composition à une représentation pluraliste des élus locaux et des parlementaires, afin d’élargir sa mission à la recherche des solutions industrielles d’avenir qui font toujours défaut aujourd'hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Laurent, j’ai écouté votre question avec beaucoup d’attention. J’ai notamment été très attentif à votre conclusion, qui interpelle le Gouvernement sur sa volonté d’offrir des perspectives d’avenir à la Lorraine. Je comprends cette question, et croyez bien que, en tant que chef du Gouvernement, j’y suis particulièrement attentif.
Hier soir, j’ai rencontré l’intersyndicale de Florange, avec les responsables des fédérations de la métallurgie qui l’accompagnaient. Cette rencontre a été marquée par une grande franchise et un grand respect mutuel. Chacun a exprimé son point de vue, comme nous le souhaitions les uns et les autres. J’ai expliqué les raisons du choix du Gouvernement.
Ce midi, j’ai rencontré les élus du conseil régional de Lorraine et du conseil général de Moselle, ainsi que des maires, des présidents d’intercommunalité et quelques parlementaires de sensibilités différentes, en tout cas ceux qui avaient accepté de venir. Là aussi, nous nous sommes parlé franchement.
La position du Gouvernement est conforme à l’objectif que lui a fixé le Président de la République : pas de plan social, pas de suppression d’emplois, pas de licenciement à Florange. Cet objectif a été atteint. Ce résultat est le fruit des négociations que le Gouvernement a engagées la semaine dernière avec Mittal. Ces négociations difficiles avaient été précédées d’une rencontre entre M. Mittal et le Président de la République.
Un autre objectif était d’obtenir l’engagement que des investissements de 180 millions d'euros seraient réalisés sur la partie « froid » et la partie « emballage » du site. Cet engagement a été accepté. Bien entendu, il s'agit maintenant de veiller à ce qu’il soit tenu.
J’en viens au projet ULCOS.
Vous avez dit que le groupe Mittal lui avait porté le coup de grâce. Non, il ne lui a pas porté le coup de grâce. Il n’a fait que répéter ce qui avait été dit clairement lors de la négociation. Vous avez fait allusion au rapport qui avait été commandé par le Gouvernement à M. Pascal Faure. Ce rapport soulignait que, au stade actuel de son élaboration, le projet ULCOS ne permettait pas de développer un processus industriel, à cause de difficultés techniques. C’est donc d’un commun accord que nous avons constaté que, si nous conservions le projet en l’état, cela reviendrait à mettre en péril l’avenir du projet ULCOS.
Le projet ULCOS, je le rappelle, est un projet industriel innovant, qui a pour objectif de produire de l’acier sans rejeter dans l’atmosphère autant de CO2 que les autres processus. Ces rejets de CO2 sont en effet un vrai problème dans un pays comme le nôtre, qui est confronté au grand défi de la transition énergétique. Le projet ULCOS a pour objectif de capter le CO2. Je sais que certains préféreraient qu’il n’y ait plus de CO2 du tout, mais, quant à moi, je suis partisan d’un avenir industriel pour la France.
M. Jean-Michel Baylet. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Je souhaite que notre pays dispose d’une industrie capable, lorsqu’elle produit du CO2, de ne pas le rejeter dans l’atmosphère. Le projet ULCOS est un projet innovant, un projet d’avenir, dont la réussite nécessite beaucoup d’investissements, en particulier en matière de recherche et développement.
Ce que Mittal a déclaré à la Commission européenne, c’est que le projet ULCOS serait repris. Le Gouvernement est associé à ce projet : 150 millions d'euros ont déjà été réservés au titre des investissements d’avenir. Ces fonds sont gérés par le Commissariat général à l’investissement, dirigé par Louis Gallois, qui est placé auprès du Premier ministre. Par conséquent, croyez bien que j’ai tout à fait l’intention de m’assurer que ces 150 millions d'euros seront utilisés.
J’ai d'ailleurs demandé à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, qui est également présente au banc du Gouvernement, de réunir immédiatement tous les laboratoires de recherche intéressés – ils sont nombreux – pour remettre à plat le volet recherche. C’est ce qui est en train d’être fait. Nous allons agir dans cette direction.
Comme toutes les autres régions françaises, la Lorraine a droit à un avenir.
M. Jean-François Husson. Ah oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais il y a une différence avec ce qui avait été fait avant. (Oh ! sur les travées de l'UMP.) Les engagements pris par Mittal lors de la négociation de la semaine dernière ne sont assortis d’aucune condition. Pour nous, c’était un préalable. En revanche, lorsque le gouvernement précédent avait prétendu que des engagements avaient été pris par le même groupe, ces engagements étaient conditionnés à l’amélioration de la conjoncture sur le marché de l’acier. Tel n’est pas le cas aujourd'hui ! Je le répète, les engagements pris par Mittal ne sont assortis d’aucune condition.
Monsieur Laurent, vous pourriez me demander si ces engagements seront tenus. C’est une question légitime.
M. Pierre Laurent. Surtout lorsqu’il s’agit de Mittal !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C'est la raison pour laquelle j’ai désigné le sous-préfet de Thionville, M. Marzorati… (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, l’affaire est suffisamment sérieuse et grave pour que vous évitiez les réactions simplistes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ayez un peu de modestie et de respect devant une région qui souffre et qui s’inquiète. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai donc demandé à M. Marzorati, qui sera totalement disponible dans quelques jours, puisque ses fonctions à Thionville sont sur le point de se terminer, de se consacrer entièrement à la direction d’un comité de suivi qui disposera des moyens de l’État, avec en particulier un expert chargé du projet ULCOS et un autre chargé de suivre les investissements, et qui associera tous les partenaires.
Vous avez parlé des élus, monsieur Laurent ; eux aussi – élus locaux et parlementaires – me l’ont demandé. Dans de nombreux territoires, lorsqu’un problème grave, un problème d’avenir industriel, se pose, les préfets organisent des tables rondes. Eh bien, cette fois, c’est une table ronde permanente que nous souhaitons organiser avec les partenaires sociaux,…
M. François Grosdidier. Des résultats !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … et j’espère que cette table ronde sera rapidement mise en œuvre. Je recevrai d’ailleurs M. Marzorati ce soir afin de lui donner sa feuille de route.
Par ailleurs, au-delà du nécessaire respect par Mittal de ses engagements, j’ai indiqué au président du conseil régional de Lorraine que le Gouvernement était prêt à négocier avec lui, ainsi qu’avec l’ensemble des élus des territoires concernés, un contrat d’objectifs ambitieux visant à prendre à bras-le-corps tous les autres dossiers, industriels, environnementaux et sociaux.
Mme Natacha Bouchart. Cela fait sept minutes qu’il parle, monsieur le président !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. La Lorraine, qui, comme le Nord-Pas-de-Calais et d’autres régions françaises, a particulièrement souffert des différentes phases de restructuration industrielle – crise minière et crise sidérurgique, notamment –, a droit, plus que d’autres peut-être, au soutien de l’État. Mais je n’ai pas le droit – c’est ma conception de la politique – de faire croire qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour que les recettes magiques apparaissent.
Monsieur Laurent, vous avez évoqué la perspective d’une nationalisation. Aucun sujet n’est tabou pour moi. L’État a pris, et prendra encore, des participations publiques dans des entreprises. Il aurait pu prendre des participations publiques dans ce dossier, et il en prendra dans beaucoup d’autres.
Mme Natacha Bouchart. Cela fait huit minutes maintenant !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mais je ne voudrais pas que l’on croie que le fait de prononcer le mot « nationalisation » règle tous les problèmes. En la matière, j’ai trop de souvenirs, qui remontent à la période où je n’étais pas encore parlementaire, des souvenirs que partagent également les populations concernées. Lorsque l’industrie sidérurgique a été nationalisée, cela s’est traduit par une restructuration, qui s’est accompagnée de 30 000 suppressions d’emploi.
M. François Grosdidier. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Moi, je me bats pour l’emploi, je me bats pour la compétitivité, je me bats pour l’avenir industriel, mais mon devoir est de dire la vérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Dire la vérité, c’est respecter les gens. Si le Gouvernement a conclu cet accord avec Mittal, c’est parce que, en conscience, il a considéré que c’était la meilleure solution.
Pas de plan social, préservation de l’emploi, investissement industriel, préparation de l’avenir et – je le confirme aujourd'hui – soutien à la région Lorraine par un système de contractualisation, voilà la position du Gouvernement, une position de franchise, de respect et, je le crois, de courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation en syrie
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne les dernières évolutions du conflit armé en Syrie.
Depuis quelques jours, et même depuis quelques heures, plusieurs informations indiquent que la situation s’aggrave encore en Syrie et qu’un nouveau palier est en train d’être franchi, avec l’utilisation d’armes chimiques par les hommes de Bachar el-Assad à l’encontre de la rébellion et du peuple syrien.
Hier encore, l’artillerie et l’aviation syriennes ont bombardé la périphérie de Damas et des bombes chargées, semble-t-il, avec du gaz sarin auraient été larguées sur les rebelles. Lundi, un responsable américain affirmait que Damas mélangeait les composants chimiques à la militarisation du gaz sarin.
Dans le même temps, le secrétaire général des Nations unies a appelé toutes les parties à arrêter « immédiatement » les combats et a de nouveau écrit à Bachar el-Assad pour l’avertir que l’utilisation d’armes chimiques serait « un crime scandaleux aux conséquences désastreuses ». (M. le Premier ministre quitte l’hémicycle. – Mouvements divers sur les travées de l’UMP.)
Je voudrais que mes collègues de droite se calment un peu et écoutent les orateurs des autres groupes comme ces derniers les écoutent quand ils s’expriment. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. François Grosdidier. Il faut le dire au Premier ministre !
M. Jean-Pierre Plancade. Bien évidemment, l’OTAN et les pays occidentaux, dont la France, ont condamné la perspective de voir le régime en place utiliser de tels moyens.
Si toutes ces mises en garde sont nécessaires et indispensables, on est en droit de s’interroger sur leur efficacité. Selon les experts, le conflit entrerait dans une phase décisive et des combats se déroulent désormais au cœur de la banlieue de Damas, son contrôle constituant un enjeu majeur pour le régime avant, semble-t-il, d’éventuelles négociations vers une issue. Or je rappelle que ce conflit a fait plus de 41 000 morts en vingt et un mois, essentiellement des civils, notamment des femmes et des enfants.
Bachar el-Assad semble donc décidé à franchir la « ligne rouge » – ne l’a-t-il pas déjà franchie ? – telle qu’elle avait été fixée par le Président Obama, à savoir l’utilisation d’armes de destruction massive contre le peuple syrien.
Le Gouvernement peut-il informer la représentation nationale sur la situation du conflit et particulièrement sur l’utilisation récente, ou non, d’armes chimiques ? Que sait-on des stocks d’armes de destruction massive dont dispose la Syrie ? Il faut se souvenir que lesdits stocks avaient été essentiellement fournis, à l’époque, par l’Union soviétique et l’Iran. La Russie disposerait donc d’une connaissance précise de leur localisation.
Dans ces conditions, peut-on encore éviter une intervention militaire de l’OTAN en Syrie ? Les événements s’accélérant sur le terrain, en est-il de même des efforts diplomatiques pour parvenir à une issue rapide et à la chute de ce tyran ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur Plancade, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Laurent Fabius, en déplacement à l’étranger.
Vous avez raison de parler de la Syrie. Nous sommes aujourd’hui à un tournant de la crise ; les combats s’étendent désormais à Damas, dont l’aéroport a été, pour la première fois, fermé pendant trois jours.
Malgré la répression féroce, l’opposition continue de gagner du terrain. Elle souhaite maintenant prendre le contrôle de la capitale, ce qui pourrait entraîner l’effondrement du régime.
Comme vous l’avez rappelé, plus de 41 000 morts ont déjà été dénombrés et il est à craindre que l’approche de l’hiver aggrave les souffrances de la population syrienne, déjà cruellement éprouvée.
Vous avez soulevé la question de l’utilisation des armes chimiques. Nous devons rester très vigilants, alors que des informations font état de préparatifs entrepris par le régime en vue d’une éventuelle utilisation de ces armes, que l’armée syrienne détient en nombre important. Nous suivons la situation en étroite collaboration avec nos partenaires, notamment américains, lesquels ont fermement mis en garde Bachar el-Assad contre tout franchissement de cette « ligne rouge ».
Les informations auxquelles vous faites allusion quant à la possible militarisation de sarin continuent de faire l’objet de vérifications. Notre message reste ferme et inchangé : tout emploi de ces armes chimiques par les autorités syriennes serait inacceptable et la communauté internationale ne resterait pas inactive dans un tel cas de figure.
Dans ce contexte, vous posez la question d’une intervention de l’OTAN. Comme vous le savez, cette organisation ne pourrait intervenir qu’au titre de l’article 5 du traité de Washington, à la demande d’un allié qui serait victime d’une attaque contre son territoire, ou sur la base d’un mandat, qui ne peut venir que du Conseil de sécurité de l’ONU. C’est dans le cadre de cette légalité internationale que nous devons agir.
Comme a eu l’occasion de le rappeler Laurent Fabius, je veux souligner ici que le déploiement de missiles Patriot à la frontière entre la Turquie et la Syrie n’obéit qu’à une stricte logique défensive et ne préfigure en rien une hypothétique intervention de l’Alliance atlantique.
Sur le plan diplomatique, enfin, la France reste fortement engagée auprès de l’opposition syrienne. Il faut rappeler que notre pays a été pionnier dans l’appui aux comités révolutionnaires locaux. Nous avons aussi été les premiers à reconnaître les membres de la coalition syrienne comme seuls représentants légitimes du peuple syrien. Certains de nos partenaires se sont, depuis, ralliés à cette position.
Laurent Fabius participera, le 12 décembre, à la réunion du Groupe des amis du peuple syrien à Marrakech, pour réaffirmer l’engagement de la France aux côtés du peuple syrien. Nous espérons que l’ensemble du groupe reconnaîtra, à cette occasion, la coalition, ce qui confortera sa légitimité et sa crédibilité.
La perspective d’un gouvernement provisoire se rapproche. Il faut souhaiter qu’une Syrie libre et démocratique émerge de ces évolutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, qui vient courageusement de s’éclipser. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le Gouvernement a conclu un accord avec Mittal qui sonne le glas de la filière chaude à Florange. Il avait pourtant déclaré Mittal indésirable en France. Il a même effrayé les investisseurs étrangers en brandissant l’arme suprême de la nationalisation.
M. Jean-Louis Carrère. Il est courageux, lui !
M. François Grosdidier. Tout cela pour finalement capituler ! Il n’y a même pas eu la vente des hauts fourneaux, que Mittal était pourtant d’accord pour céder.
Après avoir vilipendé Nicolas Sarkozy, le Gouvernement a obtenu moins que lui et perd sur les deux tableaux.
Pour masquer les zones d’ombre de cet accord, le Premier ministre a multiplié les contrevérités. J’en ai relevé cinq.
M. Jean-Louis Carrère. Relevez, relevez, mon cher collègue !
M. François Grosdidier. Premièrement, M. Ayrault dit que Nicolas Sarkozy avait promis de sauver Gandrange. C’est faux ! J’étais présent le jour où il a déclaré qu’il essaierait de faire changer Mittal d’avis et que, à défaut, il soutiendrait un plan de reprise. Il avait en tout cas annoncé qu’il y aurait zéro licenciement et que des mesures de compensation seraient prises. Cela a été fait ! Avez-vous seulement lu le verbatim ?
Deuxièmement, le Premier ministre a déclaré qu’il n’y aurait pas de suppressions d’emplois. C’est faux ! Il oublie les sous-traitants et, s’agissant de Mittal, il confond délibérément suppressions d’emplois et licenciements secs. Ce sont plus de 600 emplois qui sont condamnés et, pour la première fois dans l’histoire des restructurations industrielles, aucun emploi de substitution n’est prévu.
Par deux fois, hier, M. Ayrault a fait cette remarque cynique que les autres régions enviaient à la Lorraine ses dispositifs sociaux. Sachez que cette région a perdu, en une génération, 100 000 emplois directs dans les houillères et la sidérurgie. Trouvez-vous ce sort enviable ?
Troisièmement, il a dit hier soir qu’il était optimiste pour ULCOS. Ce matin, nous avons appris le retrait de Mittal de ce projet. N’était-il pas au courant ?
M. David Assouline. C’est simpliste !
M. François Grosdidier. Quatrièmement, il a affirmé avoir obtenu 180 millions d’euros d’investissements nouveaux. C’est faux ! Si l’on enlève les investissements de maintenance, il n’y a que 50 millions d’euros sur cinq ans, sans engagement pour 2013. Pensez-vous qu’avec si peu, et sans ULCOS, il est possible de pérenniser l’activité ?
Cinquièmement, il a prétendu que le projet de reprise aurait coûté plus de 1 milliard d’euros, sans certitude de viabilité. C’est encore faux ! Même une nouvelle usine à froid n’aurait coûté que la moitié de cette somme, avec des débouchés assurés. C’était à la portée des investisseurs qui étaient candidats à la reprise, avec un abondement du Fonds stratégique d’investissement, lequel aurait été moins cher qu’une nationalisation. Et je ne parle pas des 150 millions d’euros prévus pour ULCOS, qui pourraient être rebasculés sur ce projet.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi avez-vous écarté le projet de reprise et conforté le quasi-monopole de Mittal en France ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question extrêmement nuancée. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je vous remercie surtout d’avoir rappelé, en toute objectivité, que le problème industriel touchant la Lorraine n’était pas apparu avec l’élection de François Hollande et l’arrivée d’un gouvernement socialiste.
M. François Grosdidier. En 1982, vous avez supprimé 30 000 emplois !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Cela fait dix-huit mois que les hauts fourneaux sont fermés.
Je vous ai entendu proposer une sorte de solution miracle, d’évidence. Il m’est alors venu une question saugrenue : pourquoi ne l’avez-vous pas mise en œuvre avant ?
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Pourquoi, pendant les douze mois, au moins, pendant lesquels les hauts fourneaux étaient arrêtés, n’avez-vous rien fait ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Probablement n’avez-vous pas été entendu…
Vous évoquez l’action de Nicolas Sarkozy pour dire que nous n’avons rien obtenu de plus. Je souhaite nuancer cette approche.
Il suffit de se rappeler la teneur du communiqué de presse qui a été publié lorsque le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez était venu, au mois de mars, sur le terrain pour annoncer le résultat merveilleux qui allait aboutir au sauvetage de Florange ; l’investissement financier extrêmement important, qui semblait vous satisfaire à l’époque, était de 17 millions d’euros…
M. François Grosdidier. C’était un investissement immédiat, pas pour dans cinq ans !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Aujourd’hui, la somme est de 180 millions d’euros. On voit le ridicule de la comparaison. Vous en êtes même réduit à dire que ces 17 millions d’euros devaient intervenir tout de suite pour sauver Florange…
Immédiatement après l’annonce du président-candidat, ArcelorMittal a fait savoir que l’investissement ne serait réalisé que si les conditions économiques de la filière s’amélioraient. C’est exactement le contraire de ce qui a été négocié par le Gouvernement, qui a exigé un plan qui ne soit pas conditionné par des aléas économiques. Voilà une différence majeure !
Enfin, vous dites de manière étonnante qu’il n’y avait aucun plan social ni aucun licenciement prévu à l’époque. C’est totalement faux !
M. François Grosdidier. Qu’a dit François Hollande ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je vous renvoie au communiqué de votre candidat, qui, espérant sans doute être réélu,…
M. François Grosdidier. Qu’a dit François Hollande ?
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Ne vous énervez pas, même si c’est dur de s’entendre rappeler des vérités !
Je vous renvoie, disais-je, au communiqué de votre candidat, qui, espérant sans doute être réélu– j’ai d’ailleurs ici la dépêche – expliquait qu’avec ces 17 millions d’euros on allait éviter 500 licenciements.
M. François Grosdidier. Il s’agissait de reclassements !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Or, quelques mois après, vous affirmez qu’il n’y avait aucun licenciement prévu.
M. François Grosdidier. Vous ne connaissez pas le dossier ! Vous confondez tout !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Que cela vous plaise ou non, le Gouvernement a négocié de façon à atteindre les trois objectifs qu’a rappelés le Premier ministre.
Premièrement : éviter les licenciements. Il n’y en aura pas, malgré l’héritage que vous nous avez laissé.
Deuxièmement : faire des investissements. Nous avons obtenu 180 millions d’euros, contre 17 millions d’euros pour vous.
Quant au projet ULCOS, le Premier ministre vous a déjà répondu.
M. François Grosdidier. Rappelez-vous ce qu’a dit François Hollande !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Si vous ne voulez pas vous référer au communiqué du Gouvernement, reportez-vous à celui d’ArcelorMittal, publié ce matin, qui explique que le retrait de leur dossier devant la Commission est exactement l’application de l’accord puisque « ULCOS 1 » ne répondait pas à ses objectifs. Grâce à l’investissement, notamment les 150 millions d’euros apportés par le Gouvernement,…
M. François Grosdidier. C’est sur la filière à froid !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … un nouveau dossier ULCOS va s’inscrire dans un projet, qui devrait normalement vous mobiliser en tant qu’élu de Lorraine, consistant à donner à cette région, qui le mérite, des perspectives d’avenir.
Mme Natacha Bouchart. C’est un écran de fumée !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit aussi d’offrir aux salariés, qui se sont beaucoup battus pour arriver à cette solution satisfaisante, la possibilité de contrôler le respect par Mittal de ses engagements, et ce sera le rôle du comité de suivi.
Par ailleurs, il a été décidé, aujourd’hui, à midi, de mettre en place un contrat de développement industriel pour la Lorraine.
M. le président. Merci de conclure, monsieur le ministre !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. C’est probablement un détail qui vous aura échappé dans la réponse du Premier ministre,…
M. François Grosdidier. Il a oublié d’inviter les sénateurs UMP ce matin !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. … mais je pense que, pour les salariés, les habitants et les élus de cette région, c’est bien plus important que les petites polémiques partisanes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
autisme
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Le Sénat organise aujourd’hui un colloque dédié à l’autisme, déclaré cette année grande cause nationale. Je rappelle que l’autisme et les troubles envahissants du développement touchent 350 000 à 600 000 personnes, adultes et enfants, dans notre pays. Cette question est donc loin d’être anecdotique et concerne pratiquement autant de personnes que la maladie d’Alzheimer. Il faut également savoir que le taux de prévalence observé est de 1 sur 150, c’est-à-dire que 1 enfant sur 150 naît atteint de ce handicap.
Madame la ministre, vous avez annoncé trois axes de travail pour le futur troisième plan Autisme : la recherche, le parcours de vie, la sensibilisation et la formation.
La nouvelle phase de concertation que vous avez engagée a créé simultanément des attentes et des inquiétudes chez les familles, comme le constatent les associations. Très impatientes, elles souhaiteraient être associées plus en amont de l’élaboration de ce nouveau plan, dont elles espèrent surtout un démarrage rapide.
Le bilan du plan précédent existe ; le diagnostic a été posé sur la base non seulement de ses avancées, mais aussi de ses insuffisances. En matière de formation, par exemple, tout n’est pas qu’une question de moyens financiers. Il faut surtout réorienter notre système pour former prioritairement les professionnels qualifiés en intégrant les nouvelles méthodes attendues depuis longtemps, en l’absence desquelles les familles partent en Belgique pour bénéficier d’une prise en charge que nous devrions être capables de leur offrir.
Tout cela n’est pas simple et suscite beaucoup d’attentes des familles en détresse, laissées à l’abandon face à un véritable sujet de société. Une forte volonté politique est donc nécessaire. Elle doit être portée au plus haut niveau, à l’instar de celle qui s’est manifestée pour le plan Alzheimer, après que cette maladie a été déclarée grande cause nationale.
Madame la ministre, je souhaiterais que vous transmettiez aujourd’hui à François Hollande cette proposition, partagée très largement par les défenseurs et les acteurs de cette cause : « Monsieur le Président de la République, êtes-vous prêt à lancer, à porter et à suivre un plan Autisme, tout comme le plan Alzheimer l’avait été par votre prédécesseur, c’est-à-dire en exigeant qu’un compte rendu vous soit fait tous les trois mois des avancées que tous les ministères doivent être capables de mettre en œuvre ? » En effet, cette maladie doit être traitée dans toutes ses composantes et tous les ministères, que ce soit l’éducation nationale, la recherche, la santé ou le secteur médico-social, doivent se sentir concernés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialise, du RDSE et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la sénatrice, nous avons effectivement abordé le sujet ce matin, ensemble, dans le cadre d’un colloque organisé ici même, au Sénat. Je profite d’ailleurs de ma présence dans cet hémicycle pour remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs, qui se sont engagés de façon très volontariste sur la question du handicap en général et sur celle de l’autisme en particulier.
L’autisme est un handicap qui a trop longtemps été gardé sous silence. Nous devons mieux en parler, pour mieux le faire connaître et accepter dans notre société.
Madame Létard, je connais votre engagement auprès des personnes avec autisme et de leurs familles. L’année 2012 a vu l’autisme consacré grande cause nationale. L’année 2013 verra la mise en place du troisième plan Autisme, qu’il me revient effectivement de préparer dès à présent.
Nous devons aborder sereinement les enjeux de la prise en charge des personnes avec autisme et laisser toute sa place à la concertation, en particulier avec les familles qui connaissent ce handicap de très près et en souffrent. C’est ce que je suis venue leur dire ce matin.
Dans le cadre d’une telle concertation, il nous faudra à la fois nous appuyer sur les apports, réels, des plans précédents, pour en tirer les conséquences et savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous devrons véritablement faire un travail avec les familles, tous ensemble. C’est ce à quoi je me suis engagée ce matin auprès d’elles et devant vous.
En vue de l’élaboration de ce troisième plan Autisme, j’ai réuni, dès le mois de juillet, le Comité national de l’autisme, et demandé à une députée, Mme Martine Pinville, de piloter les groupes de travail mis en place à cette fin.
Le Comité national de l’autisme travaille sur trois axes : la recherche, la formation et le développement d’une offre d’accompagnement non seulement pour les enfants et les adolescents, mais aussi pour les adultes, parce qu’il y a un énorme manque dans ce domaine.
Premier axe : je veux renforcer la recherche dans le champ épidémiologique et clinique comme dans le champ social, car nous ne connaissons toujours pas la population réellement touchée par les troubles autistiques. Nous ignorons ainsi les raisons pour lesquelles la prévalence augmente. Vous-même citiez le nombre d’enfants atteints. Nous avons donc besoin d’évaluer les bénéfices procurés par les différentes méthodes, et nous le ferons, sans exclusive et dans le cadre d’un débat pacifié.
Deuxième axe : je veux que les professionnels soient formés, comme vous le disiez, à une meilleure prise en charge de l’autisme. Nous voulons parallèlement diffuser les connaissances que nous avons sur l’autisme à l’ensemble de la population, pour construire une société plus accueillante et plus tolérante.
Troisième axe : je veux que l’élaboration du plan soit l’occasion d’améliorer la continuité des parcours. Les ruptures, pour les autistes, sont terriblement pénalisantes. L’offre de soins devra être développée, coordonnée, afin de mieux répondre aux besoins des personnes prises en charge.
Le détail du plan sera annoncé par le Gouvernement dès le début de 2013, une fois toutes les consultations d’usage effectuées et le Comité national de l’autisme entendu.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est à l’écoute de tous ceux – parents, familles, associations, médecins – qui vivent l’autisme au quotidien. Nous nous appuierons sur l’expertise de chacun pour dessiner les solutions de demain, pour permettre aux enfants et aux adultes de retrouver un peu le sourire.
Madame la sénatrice, l’action gouvernementale sera portée, sachez-le, par le Premier ministre, dans le cadre d’un comité interministériel du handicap où l’autisme aura toute sa place. Cette question concerne en effet l’ensemble des ministres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
formations en alternance
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage et porte sur la problématique des études en alternance, qui s’avèrent de plus en plus difficiles pour des jeunes souhaitant poursuivre leurs cursus mais qui se retrouvent contraints, par la force des choses, d’y renoncer.
En effet, le problème du chômage des jeunes est très présent en Europe, comme l’a rappelé la Commission européenne en septembre dernier, à l’occasion de la publication d’un rapport sur la jeunesse, relevant que ce chômage les expose à un risque de pauvreté et d’exclusion sociale. En France, trois ans après leur sortie du système scolaire, 40 % des jeunes sans diplôme sont au chômage, contre 9 % pour les jeunes diplômés du supérieur.
Je sais, monsieur le ministre, que le Gouvernement a pris en compte cette donnée préoccupante, puisque vous tentez de mettre en place une véritable politique en faveur de l’emploi des jeunes, au travers notamment du développement des formations en alternance. C’est ainsi que le Premier ministre, dans son allocution portant sur le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, a donné comme objectif de porter à 500 000 le nombre d’apprentis à l’horizon de 2017.
Je me félicite de cette politique ambitieuse, qui démontre que l’alternance constitue un outil indispensable et intéressant pour l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle. En leur permettant de poursuivre une formation qualifiante, cet outil devient, dès lors, un véritable passeport pour l’emploi.
En France, l’alternance permet au final, dans huit cas sur dix, d’obtenir un emploi pérenne, et l’apprentissage augmente en moyenne de sept points les chances d’un jeune d’être en emploi. Malgré ce constat, les entreprises françaises sont peu disposées à miser sur des jeunes non qualifiés et à leur proposer des parcours de professionnalisation, alors même qu’il y a en France un véritable potentiel de développement de l’apprentissage que le secteur public comme le secteur privé pourraient mieux exploiter.
À la Martinique, et plus généralement aux Antilles-Guyane, il faut savoir que 62 % des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage. Parmi ceux-ci, se trouvent un grand nombre de jeunes bacheliers voulant continuer leurs études en alternance mais qui sont contraints d’y renoncer, faute d’une volonté des entreprises de les accueillir. Eu égard à la situation économique et au marché de l’emploi, très difficiles, un jeune dans cette situation devient, par la force des choses, un nouveau chômeur. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)
M. Roland du Luart. Le temps de parole est écoulé !
Mme Natacha Bouchart. Respectez le règlement !
M. Maurice Antiste. C’est pourquoi je souhaite savoir, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement compte prendre pour inciter les entreprises à accueillir beaucoup plus, et plus facilement, les jeunes demandeurs qui veulent suivre une formation en alternance.
M. le président. Merci de conclure, cher collègue !
M. Maurice Antiste. En cette période limite d’inscription pour l’année prochaine, ces jeunes, ainsi que leurs parents, sont proches du désespoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le sénateur, quarante-huit heures après un débat qui s’est tenu dans ce même hémicycle sur l’emploi, la formation et l’insertion professionnelles des jeunes, je vous remercie de me redonner la possibilité de préciser les actions mises en place par le Gouvernement pour favoriser l’accompagnement des jeunes vers l’emploi.
Sans tirer de conclusions définitives, puisque nous ne sommes qu’au début du mois de décembre, je peux d’ores et déjà vous indiquer que la baisse des contrats en alternance, qui nous était annoncée pour le début de l’année prochaine, ne sera pas au rendez-vous. En effet, à l’issue des dix premiers mois de 2012, le nombre de contrats d’apprentissage affiche une croissance de 8 % pour l’ensemble de la France, même s’il est effectivement en baisse dans votre département, la Martinique, lequel connaît une dynamique beaucoup plus forte sur les contrats en alternance.
Un tel résultat au niveau national est, il faut le dire, remarquable dans une situation de crise économique.
M. François Marc. C’est vrai !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Les TPE et les PME montrent, en intégrant davantage d’apprentis dans leurs effectifs, qu’elles ont confiance et espoir en l’avenir.
Grâce à un certain nombre de dispositions, nous allons conforter l’apprentissage et l’accueil des jeunes dans les entreprises.
Cela étant, monsieur le sénateur, je comprends votre inquiétude. Elle est légitime, car de nombreux jeunes n’y trouvent pas suffisamment de place, alors même que des métiers sont en tension.
Vous le savez, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de passer de 400 000 à 500 000 apprentis d’ici à la fin du quinquennat. Au vu de la situation actuelle, cet objectif est crédible.
Nous développerons l’apprentissage dans trois directions.
Nous ciblerons, tout d’abord, les secteurs où il est peu utilisé, parmi lesquels je veux citer l’économie sociale, les collectivités, la fonction publique et certaines branches professionnelles.
Nous ferons, ensuite, évoluer les différentes aides allouées aux entreprises, pour favoriser la signature de contrats d’apprentissage.
Nous accompagnerons, enfin, les jeunes vers l’apprentissage, car, vous avez raison, certains d’entre eux, issus de territoires défavorisés, n’y accèdent pas spontanément.
Ces mesures s’ajouteront non seulement aux 150 000 emplois d’avenir, que je signe, partout, sur le territoire national, mais également aux contrats de génération, que vous aurez à voter au printemps prochain. Ce sont là des exemples très concrets de la volonté du Gouvernement de faire de la jeunesse et de l’emploi sa première priorité, aidé en cela par la majorité parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Un sénateur du groupe UMP. Elle n’est pas là !
M. Alain Dufaut. Dans un entretien au Parisien, lundi, Mme Cécile Duflot a en quelque sorte stigmatisé l’église catholique,…
M. Christian Cambon. C’est vrai !
M. Philippe Bas. Eh oui !
M. Alain Dufaut. … en évoquant la réquisition de locaux « quasi-vides » leur appartenant en vue d’abriter les SDF. Heureusement, la Querelle des inventaires est loin et personne ne demandera « l’ouverture des tabernacles »,… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
Un sénateur du groupe UMP. Ça, ce n’est pas sûr !
M. Alain Dufaut. … comme une circulaire de 1906 le fit imprudemment après le vote de la loi de séparation des églises et de l’État.
Mal lui en a pris, si j’ose dire, au vu des réactions que ses propos ont soulevées de toutes parts. Je dis bien de toutes parts !
Vouloir faire accréditer l’idée que, dans ce domaine, les églises, puisque toutes se sentent concernées, n’en faisaient pas assez, relève de la politique politicienne…
M. Jean-Vincent Placé. Vous en connaissez un rayon !
M. Alain Dufaut. … et ne saurait avoir cours, comme cela lui a été reproché.
M. David Assouline. À tort !
M. Alain Dufaut. Mme Duflot se trompe d’adresse. Vouloir faire de la politique de cette manière, envers et contre tous, quand il s’agit de solidarité, de générosité, de bénévolat, n’est pas convenable.
Le peuple français tout entier est solidaire de ces populations en grandes difficultés, et il le montre bien.
Mettre en doute la mobilisation depuis toujours de l’Église et de ses dizaines de milliers de bénévoles envers les plus démunis, plus spécialement depuis l’abbé Pierre à l’époque moderne, pour les loger, les entourer, s’occuper d’eux, c’est avoir recours à la manipulation, celle du bouc émissaire,…
Mme Hélène Lipietz. C’est dans la religion juive, pas catholique !
M. Alain Dufaut. … qui, comme le dit la définition, permet au groupe de se laver symboliquement de toutes ses fautes, comme une manière de ne pas se poser les bonnes questions, de ne pas rechercher où sont les responsables, les vrais responsables. Car ils existent bien, les vrais responsables !
M. David Assouline. C’est vous !
M. Alain Dufaut. Ne faudrait-il pas, avant tout, se pencher sur les surfaces disponibles dans les grandes entreprises, les banques, les compagnies d’assurance, les administrations, l’État donc ? Ceux qui sont sur le terrain le savent bien aussi, ce dernier ne finance plus les institutions dédiées à un niveau suffisant.
M. François Marc. La question !
M. Alain Dufaut. Mme la ministre est bien placée, à Paris même, pour faire libérer des logements sociaux ou de fonction qu’occupent des personnes qui ne devraient pas les avoir.
M. David Assouline. Ah oui ? Allez donc dans le XVIe pour voir ce qu’est le logement social dans cet arrondissement !
M. Alain Dufaut. Concrètement, qu’a-t-elle fait pour anticiper tout cela ? Il est temps aujourd’hui de le dire à la représentation nationale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser Cécile Duflot, qui participe à un colloque important puisqu’il a pour objet de célébrer le trentième anniversaire de la loi Quilliot, loi importante pour le logement social dans notre pays.
Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement l’a rappelé mardi à l’Assemblée nationale, il n’y a qu’une seule question qui vaille : comment s’attaquer et quelles réponses apporter à la crise du logement, ou plutôt aux crises du logement ?
Aujourd’hui, il y a 1 500 demandes par jour pour lesquelles on ne trouve pas de solution en matière de logement d’urgence. Les services du 115 sont saturés dans plusieurs régions, comme l’Île-de-France et Rhône-Alpes.
Alors que 47 000 familles sont reconnues prioritaires au titre de la loi sur le droit au logement, elles sont toujours en attente d’un tel logement, qui leur permettrait, tout simplement, de vivre dignement.
Malheureusement, plutôt que de nous aider à trouver des réponses à cette question majeure, vous préférez faire dans la provocation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Vous préférez alimenter une polémique stérile et indigne.
M. Alain Dufaut. Qui a polémiqué ?
Mme Natacha Bouchart. Duflot !
M. François Grosdidier. C’est vous qui y êtes tombé !
M. François Lamy, ministre délégué. Soyons clairs : il nous faut un choc de solidarité pour être à la hauteur des enjeux ; il y va de notre responsabilité collective.
Le Premier ministre l’a rappelé le 1er novembre dernier, nous devons apporter une réponse à celles et ceux qui se trouvent aujourd’hui dans la rue, alors que, dans le même temps, on recense un certain nombre de bâtiments vides dans le patrimoine de nombreuses personnes morales. C’est le sens de l’appel qui a été adressé à tous les propriétaires, à toutes les personnes morales, à commencer par l’État, pour mettre à disposition ce patrimoine vide et l’utiliser comme lieu d’hébergement.
Pas plus tard qu’hier, Cécile Duflot s’est rendue avec Guillaume Pépy dans un ancien foyer de cheminots, situé à Ivry-sur-Seine, que la SNCF a mis à disposition de l’État pour cet hiver afin d’accueillir des personnes sans domicile fixe. C’est là un signe encourageant.
M. François Grosdidier. Quel beau rétropédalage !
M. François Lamy, ministre délégué. Vous le voyez, l’appel de Mme la ministre a produit ses premiers résultats. S’ils ne sont pas suffisants, nous en viendrons, bien entendu, aux réquisitions, sur la base de l’inventaire réalisé par le préfet de la région d’Île-de-France, lequel a recensé une soixantaine de bâtiments appartenant à des personnes morales vacants depuis plus de deux ans.
Sachez, monsieur le sénateur, que la réquisition est une solution d’urgence. Mais nous ne limiterons pas notre action à ces mesures, loin s’en faut !
L’objectif du Gouvernement, c’est de tenir l’engagement du Président de la République de construire 150 000 logements sociaux par an. Telle est l’ambition du Gouvernement, qui saura faire preuve du volontarisme nécessaire pour parvenir à apporter une réponse concrète à la crise du logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation des chaînes locales de rfo
M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Le président de France Télévisions, Rémy Pfimlin, a adressé à la direction générale d’outre-mer première-France Ô des directives mentionnant un programme d’économies drastiques à effectuer par l’outre-mer. France Ô deviendrait la chaîne dédiée des enfants pendant la journée et serait la chaîne vitrine des outre-mer la nuit.
Les neuf stations régionales d’outre-mer verraient leur outil de production disparaître totalement, tandis que les journaux télévisés régionaux seraient diffusés en décrochage sur France 3. Dans un premier temps, la direction envisage de fermer complètement deux stations : Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon.
Du fait de la mise en place du décrochage et de la disparition des « télés pays », le siège de Malakoff perdrait la direction des programmes du réseau outre-mer première. Il perdrait aussi, puisque sa fermeture est envisagée, l’Agence internationale d’images de télévision, l’AITV, filiale du réseau outre-mer première, en totale contradiction avec le travail initié par l’Institut national de l’audiovisuel.
Ce plan d’économies signifie tout simplement la fin de l’audiovisuel public d’outre-mer, qui serait réduit à sa plus simple expression. Plus aucune collectivité ultramarine n’aurait d’émissions d’actualité ni d’autres productions locales. Cette hypothèse, vous en conviendrez, n’est pas envisageable ! Cela signifierait aussi que nombre d’emplois seraient supprimés dans nos collectivités ultramarines, alors que les agents participent largement à l’économie des DOM-COM.
L’État, je l’espère, ne saurait se laisser imposer ce genre de décisions aussi discriminatoires qu’injustifiées par le président de France Télévisions, en ce qui concerne la gestion des collectivités d’outre-mer.
Fermer ces stations reviendrait à ignorer la réalité sociale et économique de l’outre-mer français. Cette décision inadmissible éteindrait la voix des outre-mer. Elle nierait non seulement l’existence, mais aussi l’intérêt, de par leur richesse, des cultures ultramarines. Ce serait, de plus, éteindre la voix de la France sur toute la surface du globe.
Madame la ministre, sachant qu’il ne saurait y avoir de différence de traitement entre les neuf stations, le Gouvernement laissera-t-il s’éteindre la voix des outre-mer à l’heure même où les collectivités ultramarines sont mises en avant parce qu’elles participent à la richesse et au rayonnement de la France dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame Claireaux, vous le savez, France Télévisions doit prendre toute sa part dans l’effort de redressement des finances publiques que le Gouvernement a initié. Nous travaillons donc avec la direction du groupe à un avenant au contrat d’objectifs et de moyens afin de redéfinir un certain nombre de périmètres, de rechercher des économies et de rendre plus efficace l’action des programmes sur les chaînes du service public.
Les craintes que vous avez exprimées ici concernant le réseau outre-mer première, je peux vous le dire, ne sont pas fondées. En effet, nous sommes extrêmement satisfaits du développement des neuf chaînes du réseau outre-mer première, qui ont eu à faire face à un contexte difficile depuis deux années qu’elles existent puisque, avec la télévision numérique terrestre, les chaînes du service public national de France Télévisions, qui, auparavant, étaient diffusées sur le réseau outre-mer première, sont maintenant directement accessibles. Il a donc fallu repenser les programmes de ce réseau. Cela s’est fait depuis deux ans, et cela s’est plutôt bien fait ! Le public est au rendez-vous. Les missions de service public sont assurées. Il n’est donc pas question pour le Gouvernement de remettre en cause le fonctionnement des outre-mer première.
Je profite de cette occasion pour vous dire que la présence des outre-mer sur les chaînes du service public, y compris dans l’Hexagone, doit être renforcée. J’ai donc demandé au président de France Télévisions de réfléchir au moyen de parvenir à ce résultat.
À l’occasion de l’année des outre-mer, un effort a d’ailleurs été fait. Je crois que tout le monde en a été extrêmement satisfait et l’on a pu voir à quel point cette richesse de nos outre-mer était attendue par l’ensemble de nos concitoyens, et partout sur notre territoire. Tout le monde a vu à quel point la présence des outre-mer, outre qu’elle est tout à fait naturelle, est une source d’enrichissement et de diversité pour l’ensemble des programmes des chaînes du groupe France Télévisions.
Madame la sénatrice, je veux vous rassurer : malgré les efforts budgétaires nécessaires, la vocation du réseau outre-mer première ne sera pas remise en cause. L’outre-mer reste bien une priorité pour le Gouvernement, y compris sur le service public ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
grand paris
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé de la ville.
Monsieur le ministre, le 2 septembre dernier, il a été confié à M. Pascal Auzannet une mission visant à fixer les priorités concernant les équipements de transport du Grand Paris.
La présentation du rapport a été différée, et le Gouvernement fait preuve d’un étonnant mutisme sur le sujet. Même si, parfois, l’attente suscite le désir, il génère, en l’occurrence, une véritable angoisse, partagée par de nombreux élus locaux, quelles que soient leurs tendances politiques.
Ce sentiment est naturellement alimenté par le choix du Gouvernement de renoncer à inscrire dans la loi de programmation budgétaire le milliard d’euros nécessaire à la poursuite de ce projet, par la suppression du Commissariat général pour le développement de la vallée de la Seine, présidé par M. Antoine Rufenacht, par le gel des grands travaux engagés – je citerai, à titre d’exemple, le canal Seine-Nord ou le port d’Achères – et par les nombreux questionnements sur l’avenir des lignes de métro et de RER du Grand Paris des transports.
Aussi mon interrogation portera-t-elle particulièrement sur l’une de ces infrastructures, le RER E, dit Eole, et son prolongement à l’ouest jusqu’à Mantes-la-Jolie, que certaines hypothèses remettraient en cause. Une telle décision, monsieur le ministre, serait dramatique, et je pèse mes mots, pour le développement du territoire Seine-Aval décrété « opération d’intérêt national ».
M. Gérard Larcher. Absolument !
Mme Sophie Primas. Tous les élus de ce territoire se sont engagés avec volontarisme dans la construction de logements, 2 500 par an. Ils ne pourront pas défendre ces projets d’urbanisation si l’État ne tient pas ses engagements et si le projet de RER est abandonné.
Or ce territoire industriel est particulièrement touché par les difficultés des constructeurs automobiles Renault et Peugeot et de l’ensemble des sous-traitants. Il connaît une vive accélération des pertes d’emplois ainsi qu’une dégradation très forte et continue des conditions des transports, véritable frein à l’implantation de nouvelles entreprises. Pourtant, paradoxalement, ces entreprises contribuent, pour une large part, au financement du Grand Paris par la taxe spéciale d’équipement et la taxe sur les bureaux, qui grèvent leur compétitivité et, en contrepartie, ne leur apportent pas d’attractivité.
Dans un tel contexte, monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous nous confirmer votre engagement en faveur du prolongement du RER E, dit Eole, qui, vous l’aurez compris, conditionne la construction de plusieurs milliers de logements par an ? Pouvez-vous nous assurer, en particulier, que la phase 1 du projet sera en priorité la ligne Mantes-la-Jolie-La Défense, promesse historique de l’État ?
Cette décision rejoindrait vos propres objectifs en matière de logements et permettrait d’améliorer l’attractivité industrielle et économique de ce territoire du nord des Yvelines, qui en a un besoin vital. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Madame la sénatrice, le Gouvernement a en effet nommé Pascal Auzannet pour accomplir une mission sur le Grand Paris, sur des options de séquencement de l’ensemble de ce projet, qui tient à cœur au Gouvernement, attaché à ce qu’il soit mené à bien. M. Auzannet va rendre ses conclusions dans quelques jours. Vous n’avez donc plus longtemps à attendre pour que vos désirs soient exaucés.
En ce qui concerne Eole, qui consiste à prolonger le RER E vers l’ouest de Paris, c’est un projet structurant et important. Il participe des enjeux du transport quotidien pour les Parisiens et les autres Franciliens. Outre son intérêt en termes de report modal, il permettra une meilleure desserte des territoires et participera à leur développement économique. Il est, par ailleurs, l’un des éléments clés pour mettre un terme à la saturation de la ligne A du RER, qui assure aujourd’hui la plupart des trajets quotidiens entre l’est et l’ouest de la région parisienne.
Ce projet ambitieux a été amené à évoluer dans le temps et, surtout, dans son évaluation. En effet, lors du débat public en 2010, le coût du projet avait été estimé entre 2,2 milliards et 2,8 milliards d’euros. En 2012, l’enquête publique a été menée sur une base d’études plus précises. Un nouveau chiffrage a été établi à hauteur de 3,7 milliards d’euros.
Vous connaissez les priorités du Gouvernement en termes de déplacements : amélioration des conditions de transport quotidien, réduction de la fracture territoriale et rénovation des réseaux existants. Soyez donc assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement soutient fortement ce projet, partie intégrante du plan de mobilisation de la région Île-de-France. Ses premiers financements sont, d’ailleurs, prévus dans la convention spécifique signée avec le conseil régional.
En lien avec le syndicat des transports d’Île-de-France et la région, le Gouvernement fera donc tout son possible pour que ce projet soit, malgré son coût, mené à bien, car il est l’un des éléments clés de l’amélioration des transports au quotidien en région Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
photovoltaïque
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le ministre, certaines communes rurales du Grand Est rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre de leur projet d’installation photovoltaïque. Dans un contexte de transition énergétique, les pouvoirs publics, au premier rang desquels l’État, n’ont cessé d’œuvrer pour la promotion de cette technologie, y voyant une réponse pertinente au problème de la production d’électricité inscrite dans une démarche de développement durable.
Les collectivités territoriales, faut-il le rappeler, ont un rôle majeur à jouer dans la maîtrise de l’énergie ainsi que dans la promotion des énergies renouvelables. En effet, cette filière permet à la fois de développer une politique territoriale de production d’énergie propre, d’apporter une valorisation environnementale aux terrains et de mobiliser les acteurs locaux, entraînant ainsi de nouvelles dynamiques de développement pour ces territoires ruraux.
Ces projets constituent de véritables investissements d’avenir. C’est le cas de Badonviller, en Meurthe-et-Moselle, où la communauté de communes s’est fortement mobilisée. En effet, l’économie de ce bassin a été profondément marquée par plusieurs activités industrielles, telles que la verrerie, la faïencerie, le textile. Les pouvoirs publics ont été unanimes pour encourager et accompagner la reconversion de ce territoire, et plus particulièrement de ses friches industrielles.
Ainsi, la ville de Badonviller a entrepris la requalification du site désaffecté des faïenceries pour l’orienter vers une utilisation à vocation d’activités économiques. Grâce au portage effectué par l’établissement public foncier de Lorraine, ce site industriel de quatorze hectares a été réhabilité. À l’issue de la rétrocession du site, la communauté de communes du Badonvillois a choisi d’implanter une centrale photovoltaïque sur une partie de ce terrain.
La Commission de régulation de l’énergie, la CRE, qui s’est réunie au mois de juin, devait, après analyse, statuer sur ce projet proposant une utilisation moderne, exemplaire et durable des friches industrielles. Malheureusement, les résultats de l’instruction du dossier menée par la CRE ont exclusivement privilégié les projets situés au sud de la France, écartant par là même tous les projets situés dans la partie nord de l’Hexagone. Si le taux d’ensoleillement est un critère à prendre en considération, il ne me semble pas équitable qu’il soit un critère exclusif.
La validation de ces projets ne doit pas reposer sur la seule valeur de rachat ou sur le seul coût fixe en euros du kilowattheure produit ; elle doit être regardée à un niveau plus global, intégrant notamment la création d’emplois et la confortation de l’attractivité territoriale. Une attention particulière et un soutien renforcé doivent être apportés par l’État lorsque ces projets se situent en zone de revitalisation rurale, ce qui était le cas de Badonviller.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer quelles mesures seront mises en œuvre pour permettre aux territoires ruraux de s’inscrire véritablement à la fois dans la dynamique de transition énergétique que vous appelez, tout comme nous, de vos vœux et dans le cadre d’une reconversion industrielle.
Je souhaite également connaître la place que vous entendez donner à ces mêmes territoires qui souffrent, objectivement, d’une rupture d’égalité, alors même que le ministère dont Mme Duflot a la charge porte explicitement le principe d’égalité des territoires dans son intitulé.
Le défi consiste aujourd’hui à passer des paroles aux actes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Delphine Batho, qui représente actuellement la France à la XVIIIe Conférence des États parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tient actuellement à Doha.
Le précédent gouvernement, je le rappelle, est revenu en catastrophe sur les tarifs d’achat de l’électricité solaire. Le résultat en est la destruction de 10 000 emplois dans notre pays, au sein du secteur photovoltaïque, en deux ans.
La politique du Gouvernement vise à développer massivement les énergies renouvelables dans le cadre de la transition énergétique, ce qui créera des emplois dans nos territoires.
Des mesures d’urgence pour la filière ont été annoncées par le Président de la République lors de la conférence environnementale, dans l’attente du cadre tarifaire stable attendu par les professionnels, qui sortira du débat national sur la transition énergétique lancé la semaine dernière par Delphine Batho.
Le Gouvernement a ainsi pris un certain nombre de mesures pour redonner un souffle à la filière photovoltaïque, tout en maîtrisant leur coût, en privilégiant la qualité et l’innovation, et en s’assurant que le développement de cette filière bénéficie le plus possible au tissu industriel et économique français et européen. Le prochain appel d’offres pour les grandes installations, qui sera très prochainement lancé, répondra à ces objectifs. Il privilégiera aussi les installations sur grandes toitures pour éviter la consommation d’espaces agricoles.
Pour les petites installations, plusieurs mesures d’urgence sont proposées, notamment la bonification pour les équipements produits en Europe.
Ces mesures d’urgence visent à sécuriser l’activité des entreprises qui créent de la valeur ajoutée dans nos territoires, en cohérence avec le patriotisme écologique que nous souhaitons promouvoir.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, l’appel d’offres pour les grandes installations, dont Delphine Batho a annoncé les résultats en juillet dernier, ne prévoyait pas de critère géographique susceptible d’encourager le développement de projets photovoltaïques dans les zones moins ensoleillées, comme la Lorraine. Néanmoins, cet appel d’offres a globalement tenu ses promesses en termes de soutien à l’innovation et de création de filières industrielles françaises compétitives. Parmi les cinq fabricants de modules photovoltaïques ayant remporté les volumes les plus importants, quatre produisent en France.
Toutefois, le Gouvernement vous entend et vous rejoint sur la nécessité de favoriser la création de valeur ajoutée locale et l’utilisation de terrains en reconversion pour les centrales solaires au sol. Mme Delphine Batho s’engage à examiner leur prise en compte pour la définition des conditions lors du prochain appel d’offres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 10 décembre 2012, à quatorze heures trente et le soir :
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme ;
Rapport de M. Jacques Mézard, rapporteur pour le Sénat (n° 191, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n° 192, 2012-2013).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la création de la banque publique d’investissement (n° 176, 2012-2013) et proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de BPI-Groupe (n° 175, 2012-2013) ;
Rapports de M. François Marc fait au nom de la commission des finances (n° 187 et 189, 2012-2013) ;
Textes de la commission (n° 188 et 190, 2012-2013) ;
Avis de M. André Vairetto, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (n° 186, 2012 2013) ;
Avis de M. Martial Bourquin au nom de la commission des affaires économiques (n° 185, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART