Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
MM. Marc Daunis, Hubert Falco.
2. Communications relatives à un groupe politique
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. Roger Karoutchi, Mme Catherine Troendle, M. François Zocchetto, Mme Valérie Létard, MM. Jean Louis Masson, Jean-Claude Lenoir, Didier Guillaume, Hervé Maurey, Jean-Vincent Placé, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
6. Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales. – Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi ; Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois ; MM. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Rémy Pointereau, rapporteur de la commission du développement durable ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Cécile Cukierman, M. François Fortassin, Mme Hélène Lipietz, M. Jean Louis Masson, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Pierre Michel, Hervé Maurey, Antoine Lefèvre.
M. Gérard Larcher.
M. le président de la commission, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 74 de M. Christian Favier. – MM. Christian Favier, Éric Doligé, Mmes la rapporteur, Marylise Lebranchu, ministre. – Rejet.
7. Décision du Conseil constitutionnel
8. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. Hubert Falco.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communications relatives à un groupe politique
M. le président. Par courriers en date du mardi 23 octobre 2012, M. François Zocchetto a informé M. le président du Sénat du changement de dénomination du groupe qu’il préside et qui s’appelle désormais « Union des démocrates et indépendants – UC ».
Il a en outre confirmé que son groupe se déclare comme groupe minoritaire au sens de l’article 51-1 de la Constitution.
Acte est donné de ces communications.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la facturation individuelle des établissements de santé, établi en application de l’article 64 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.
4
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (n° 69, 2012-2013), dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
5
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 29 ter du règlement du Sénat.
Ce matin, nous avons eu la surprise d'entendre le Premier ministre annoncer à la radio, plusieurs heures avant que le Conseil constitutionnel ne fasse part de sa décision sur la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qu'un nouveau texte sur le logement serait présenté au Parlement dans un mois et demi. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. C'est incroyable !
M. Philippe Marini. C'est inédit !
M. Jean Bizet. C'est le changement !
M. Roger Karoutchi. Le Premier ministre pense probablement pouvoir se faire le porte-parole du Conseil constitutionnel, autorité entièrement indépendante régie par le titre VII de notre Constitution… (Sourires sur les travées de l'UMP.) J'ignorais que la rue Montpensier était devenue le pavillon de musique des jardins de Matignon ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Il faut que les règles soient respectées : le Premier ministre n'a pas à annoncer les décisions du Conseil constitutionnel. Pour ma part, je ne sais pas si celui-ci décidera d’annuler le texte adopté en septembre.
En tout état de cause, je souhaite attirer l’attention de nos collègues de la majorité sénatoriale sur une autre incongruité : le Premier ministre a déclaré ce matin que cette annulation supposée était due à un « cafouillage parlementaire ». (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini. Elle est bien bonne !
M. Roger Karoutchi. M. Bel revendiquera peut-être ce cafouillage,…
M. Philippe Marini. C'est son problème !
M. Roger Karoutchi. … mais la question qui se pose est la suivante : qui fait quoi dans cette République ?
M. Philippe Marini. Pour un cafouillage, c'est un cafouillage !
M. Roger Karoutchi. C'est l'exécutif qui a convoqué le Parlement en session extraordinaire pour examiner le texte en question, avançant la date, d’abord fixée au 26 septembre, au 11 septembre.
C'est l'exécutif qui a présenté le texte en conseil des ministres six jours seulement avant de le transmettre au Sénat.
C'est l'exécutif qui n'a respecté les délais prévus ni pour la saisine des commissions, ni pour l’exercice du droit d'amendement, ni pour l'étude d'impact.
C'est l'exécutif qui n’a pas laissé à la commission saisie au fond la possibilité d’élaborer un texte en vue de la discussion en séance plénière.
Il n'y a pas eu de cafouillage parlementaire ; il y a eu impréparation et précipitation de la part du Gouvernement, peut-être dues au fait que la date d’ouverture de la session extraordinaire a été avancée. Quoi qu’il en soit, la responsabilité d’une éventuelle annulation de la loi incombera au seul Gouvernement. Le Parlement a fait son travail, que le Gouvernement fasse le sien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir demander à M. le président du Sénat d’apporter une correction aux propos tenus ce matin par le Premier ministre : il est inacceptable que celui-ci ait pu affirmer que l’annulation de la loi, si elle devait être prononcée, serait imputable au Parlement. Je ne doute pas que le Président de la République, qui est le garant de nos institutions, rappellera à l'ordre le Gouvernement. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement, ce dernier étant l'autorité souveraine en matière de loi. Ce principe doit être réaffirmé et respecté.
Je rappelle que c'est la deuxième fois que le Conseil constitutionnel censure le Gouvernement pour des pratiques qui n'ont pas lieu d'être.
Je me souviens des débats sur la révision constitutionnelle de 2008. M. Ayrault, alors président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, ne cessait d’invoquer le respect des droits du Parlement, m’enjoignant de laisser aux commissions le temps de travailler et aux députés celui d’exercer leur droit d'amendement ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) Eh bien, monsieur le Premier ministre, respectez nos droits ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je transmettrai votre requête à M. le président du Sénat, monsieur Karoutchi.
La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.
Mme Catherine Troendle. Mon rappel au règlement, que je formulerai avec sans doute moins de panache que M. Karoutchi, se fonde sur l’article 29 ter de notre règlement et concerne l’organisation de nos travaux.
Le Président de la République et le président du Sénat ont souhaité l’un et l’autre, à leur manière, rappeler leur attachement aux collectivités territoriales ; surtout, ils ont insisté sur la confiance mutuelle qui devait prévaloir entre l’État et les collectivités. Et pourtant…
Lors de la conférence des présidents du 26 septembre dernier, j’avais demandé, au nom de mon groupe et eu égard à l’intérêt que suscite le débat que nous ouvrons cet après-midi parmi les collectivités territoriales, dont nous sommes les représentants, que le Sénat siège ce soir, afin que la discussion puisse non pas s’éterniser, mais aboutir à l’adoption d’un texte apportant une réelle amélioration pour les élus locaux.
Or la conférence des présidents a décidé de figer à quatre heures le délai pour l’examen de la proposition de loi de M. Doligé, au motif, comme nous l’a rappelé le président du Sénat, que « nous avions pris la ferme résolution de ne pas dépasser les temps impartis à chaque groupe bénéficiant d’un espace réservé ».
Nous en avons pris acte, tout en décidant de rester fermes sur notre position, comme vous le verrez lors de la discussion des amendements, essentiellement sur l’article 1er, qui constitue, selon nous, la clef de voûte du dispositif, s’agissant des relations de confiance que l’État doit entretenir avec les collectivités.
Quelle n’a pas été notre surprise lorsque nous avons découvert, lundi, en milieu de journée, que le groupe socialiste avait déposé plus de trente amendements, très certainement pour améliorer substantiellement le texte… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Nous savons tous d’expérience qu’il est impossible d’examiner autant d’amendements dans le délai imparti de quatre heures, sachant que plusieurs commissions se sont saisies du texte pour avis et que deux heures seront consacrées à la discussion générale, laquelle a d’ailleurs déjà eu lieu au mois de février dernier, déjà dans le cadre de l’ordre du jour réservé à notre groupe !
Nous voyons dans ce procédé la manifestation d’une réelle volonté du groupe socialiste de ne pas permettre l’aboutissement de l’examen de ce texte d’ici à la fin de cette séance, ce qui empêchera les élus locaux de bénéficier enfin du travail que la précédente majorité a pu accomplir sur ce sujet.
Nous y voyons la volonté du groupe socialiste de faire en sorte que ce texte ne soit pas adopté, afin de privilégier, par une technique d’obstruction bien connue, de futurs textes qui seront présentés par le groupe socialiste ou par le Gouvernement sur ces sujets essentiels pour les collectivités territoriales.
Enfin, je viens d'apprendre qu'une motion tendant au renvoi du texte à la commission a été déposée par les membres du groupe CRC.
Mme Cécile Cukierman. Eh oui !
Mme Catherine Troendle. C'est faire bien peu de cas, mes chers collègues, des huit mois de travail que la commission des lois a consacrés à cette proposition de loi. Voilà une bien curieuse conception du travail parlementaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un festival, une symphonie !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est un risque réel, en effet !
M. François Zocchetto. … je voudrais formuler, au nom du groupe UDI-UC, un rappel au règlement au titre de l’article 16 de notre règlement et des articles 5, 21, 45 et 61 de la Constitution.
Cela nous a sans doute échappé, mais nous ne savions pas qu’il y avait eu une révision constitutionnelle pendant l’été. Depuis quand le Premier ministre se fait-il juge constitutionnel avant le Conseil constitutionnel lui-même ?
M. Jean-Jacques Hyest. C’est inouï !
M. François Zocchetto. J’ai eu beau relire plusieurs fois l’article 21 de la Constitution, relatif aux fonctions du Premier ministre, je n’ai trouvé aucune trace d’une disposition autorisant une telle interprétation. En revanche, l’article 5 de la Constitution est très clair : il fait du Président de la République le gardien de la Constitution. Dans les circonstances actuelles, nous attendons donc avec impatience la réaction du Président de la République.
Chers collègues, cet énième épisode alimente un feuilleton de mauvais goût, dans lequel le Gouvernement nie les règles constitutionnelles d’examen des textes et bafoue outrageusement les droits du Parlement. Nous savions déjà que le Gouvernement faisait fi des prérogatives parlementaires, mais cette fois il va encore plus loin : il bafoue aussi le Conseil constitutionnel.
Nous ne savions pas que le changement consistait à renverser les principes de base de la démocratie constitutionnelle. Nous ne savions pas que le changement permettait de mettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs. Je crois pouvoir dire que, sous la Ve République, c’est du jamais vu ! Au moins Jean-Marc Ayrault restera-t-il dans les mémoires comme le seul Premier ministre ayant réussi à bafouer le Parlement et le Conseil Constitutionnel dans la même matinée ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) La performance mérite d’être relevée ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Catherine Troendle. Exactement !
M. François Zocchetto. Dans ces circonstances difficiles, nous en appelons au président du Sénat, défenseur de nos droits et de notre assemblée. L’article 16 du règlement indique que c’est le président du Sénat qui transmet les textes aux commissions et qui doit veiller à la qualité de l’ordre du jour en conférence des présidents.
Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social nous a été présenté dans des conditions si pitoyables que la commission saisie au fond n’a pas été en mesure de présenter son rapport. Disons-le très clairement : la responsabilité n’en incombe à aucun sénateur, membre ou non de cette commission, ni à aucun fonctionnaire du Sénat ; c’est le Gouvernement qui, avec l’approbation du Président de la République, a sciemment ignoré les acquis de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, en vue d’obtenir un effet d’affichage purement politique, au moment où la presse commençait à critiquer son inaction.
Le groupe UDI-UC dénonce cette politique d’amateurs, et même de gribouille, orchestrée par le Gouvernement et jouée devant nous. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Zocchetto. Vous pouvez vous boucher les oreilles, chers collègues de la majorité, mais les circonstances sont graves !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. François Zocchetto. Pour nous tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, cette situation est absolument inacceptable ! J’annonce que mes collègues centristes et moi-même allons, dans les prochaines semaines –ce n’est certes qu’une très modeste contribution, sans doute pas à la mesure des événements que nous vivons –, déposer une proposition de résolution visant à limiter de telles dérives à l’avenir. Nous demanderons que soient inscrites une bonne fois pour toutes dans notre règlement des dispositions de nature à assurer enfin le climat de respect et de sérénité dont nous avons besoin pour conduire nos travaux. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour un rappel au règlement.
Mme Valérie Létard. Je veux formuler à mon tour un rappel au règlement au titre des articles 29 et 29 bis du règlement du Sénat.
Nous sommes scandalisés par l’attitude du Gouvernement dans l’interminable feuilleton de la discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Comme cela a été rappelé, le Gouvernement a trouvé aujourd’hui un nouveau bouc émissaire : le Parlement lui-même !
En effet, la censure, d’ores et déjà annoncée – on sait dans quelles conditions –, de ce projet de loi ne serait, selon le Premier ministre, que la conséquence d’un « cafouillage parlementaire » ! De qui se moque-t-on ? La discussion de ce texte a été assortie de délais insoutenables. Jamais encore nous n’avions eu à examiner en séance publique un texte présenté en conseil des ministres moins d’une semaine auparavant, au mépris – le président de notre groupe vient de le rappeler – de tous les délais habituels.
Pourtant, en dépit de ce calendrier ubuesque, la Haute Assemblée a produit un travail de qualité. L’opposition s’est mobilisée pour déposer les amendements qui lui paraissaient indispensables, et nos débats en séance publique ont été aussi approfondis et nourris que possible. En l’absence de conditions normales d’examen par la commission, nous nous sommes mobilisés – parlementaires, fonctionnaires et collaborateurs – pour entrer dans le détail de ce projet de loi, alors même que notre course contre la montre était rendue encore plus difficile par la perspective d’une lecture unique, du fait de l’engagement de la procédure accélérée. Or il s’agit d’un texte portant sur un sujet complexe et vital pour nos concitoyens, qui aurait mérité de bénéficier des apports que permet la navette parlementaire !
Aujourd’hui, on voudrait faire porter au Parlement une responsabilité qui incombe avant tout au Gouvernement. Cafouillage il y a eu, certes, mais c’est à n’en pas douter ailleurs que dans cet hémicycle qu’il faut en chercher les auteurs ! Après la torpeur de l’été vint le temps de l’action dans la précipitation. Or à trop vouloir se précipiter, on finit par se prendre les pieds dans le tapis ! Oui, madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a été pris en flagrant délit d’incompétence, incompétence dont les seules victimes seront les Français !
C’est au nom des Français que vous avez justifié cette parodie de procédure. C’est au nom de l’urgence à répondre à la souffrance de nos trop nombreux concitoyens mal logés que vous vous êtes assis sur le respect des représentants du peuple et des institutions de la République. Nous pouvons aujourd’hui juger des résultats d’une telle attitude. Si le Conseil constitutionnel se prononce cet après-midi dans le sens annoncé par le Premier ministre ce matin, un nouveau projet de loi devra être déposé et discuté. Certes, cette fois la procédure sera respectée, mais d’ici là ce sont nos concitoyens qui feront les frais de ce nouveau délai.
Je joins donc ma voix à celle de François Zocchetto pour que le président du Sénat prenne ses responsabilités. En effet, au travers du respect de notre institution, de nos procédures constitutionnelles, ce sont les Français, leurs droits et leurs attentes que l’on protège. L’attitude du Gouvernement est intolérable et, après une telle mascarade, la moindre des choses serait que le Premier ministre adresse des excuses à l’ensemble des parlementaires, députés comme sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Je ne m’exprimerai pas sur le même sujet…
M. Adnot, délégué des sénateurs non inscrits, est intervenu voilà environ un mois et demi auprès de différentes instances, notamment la commission des finances, pour souligner que les délais de traitement des dossiers de la réserve parlementaire devenaient rédhibitoires. On n’avait jamais vu de tels retards !
Il a été répondu à M. Adnot que tout allait s’arranger, que tout serait bientôt réglé. Or la moitié des dossiers que j’ai transmis en mai et en juin, c'est-à-dire voilà plus de quatre mois, n’ont toujours pas été traités…
Ce problème n’est pas anodin, car les communes ne peuvent pas engager les travaux qu’elles avaient prévus. Or l’hiver approche et, dans les départements du nord et de l’est de la France, il n’est pas possible de réaliser des travaux publics en cette saison à cause des conditions météorologiques.
Je ne comprends vraiment pas : en trente ans de vie parlementaire, je n’ai jamais vu de tels délais. Il est anormal que cette situation perdure en dépit de l’intervention de M. Adnot. On m’a dit qu’il suffisait de signaler les difficultés, mais comment justifier qu’il faille plus de quatre mois pour traiter des dossiers qui, de l’avis même des fonctionnaires concernés, sont complets et à jour, et auraient donc dû être réglés dans les deux semaines ? Faut-il être bien introduit pour obtenir que les choses avancent ? Le Gouvernement doit prendre conscience de la situation et faire son travail ! J’invite ses représentants ici présents à faire en sorte de résoudre ce problème. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, j’imagine que le temps consacré à ces rappels au règlement ne sera pas décompté des quatre heures imparties à l’examen de la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé…
Mon rappel au règlement se fonde sur cet article de notre règlement que nous connaissons tous, relatif à l’organisation de nos travaux. (Rires sur les travées de l’UMP.)
Les cafouillages s’ajoutent aux cafouillages, la confusion à la confusion. Cette journée est décidément très mauvaise pour le Gouvernement ; je note d'ailleurs que, dans le calendrier révolutionnaire, le 24 octobre correspond au troisième jour de Brumaire, consacré à la poire… (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)
Hier soir, sur l’initiative du groupe CRC, la commission des affaires économiques du Sénat a opposé l’exception d’irrecevabilité à la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie, devenue proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. La motion présentée par le groupe CRC a été adoptée parce que cette proposition de loi a été mise en discussion dans la plus grande confusion. Le texte que nous a transmis l’Assemblée nationale n’emportait manifestement pas la conviction de nos collègues socialistes, et c’est seulement la veille de son examen en commission qu’une nouvelle rédaction nous a été soumise. Une telle situation n’est pas admissible, s'agissant d’une proposition de loi déposée au début du mois de septembre, mise sur les rails à la fin du même mois à l’Assemblée nationale et pour laquelle le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.
Mais il y a plus grave encore : Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, s’est permis de déclarer qu’elle trouvait inadmissible que les sénateurs du groupe CRC aient mêlé leurs voix à celles de leurs collègues de l’UMP et de l’UDI-UC.
Mme Catherine Troendle. Incroyable !
M. Marc Daunis. Elle n’a pas dit que c’était « inadmissible » !
M. Jean-Claude Lenoir. Rendons à César ce qui est à César : ce sont les sénateurs de la droite et du centre qui ont joint leurs voix à celles de leurs collègues communistes. Surtout, il n’y a pas de pestiférés, dans cette assemblée.
Mme Catherine Troendle. Exactement !
M. Jean-Claude Lenoir. Il n’est pas interdit à des parlementaires de sensibilités politiques différentes de partager les mêmes convictions, de défendre les mêmes valeurs et de s’opposer ensemble à de mauvais textes.
M. Alain Fouché. Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, je demande que cette remarque soit transmise à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Mon cher collègue, je confirme que, naturellement, les rappels au règlement n’empiéteront pas sur le temps prévu pour l’examen de la proposition de loi.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour un rappel au règlement. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, c’est un éléphant dans un magasin de porcelaine ! Vos rappels au règlement portent sur une affaire désormais close : un communiqué de Matignon a précisé que les propos tenus ce matin par le Premier ministre avaient été mal compris.
Certains ont évoqué une censure de la loi sur le logement par le Conseil constitutionnel, mais nul ne sait quelle sera la décision de celui-ci. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est ce qu’a dit le Premier ministre !
M. Didier Guillaume. Le Premier ministre a retiré en partie les propos qu’il a tenus ce matin. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Il est donc clair que vos rappels au règlement répondaient à d’autres desseins… (Protestations sur les mêmes travées.)
J’en viens maintenant au sujet de fond.
Selon l’un de nos collègues, président de groupe, la loi sur le logement relèverait de l’affichage politique. Allez dire cela à tous ceux de nos concitoyens qui n’ont pas de logement ou qui vivent dans des passoires énergétiques ! Le logement est un besoin essentiel : voilà pourquoi il était urgent d’élaborer cette loi.
Il est effectivement regrettable, madame Létard, que l’adoption d’un texte sur le logement prenne du retard. Mais si l’urgence est telle, peut-être aurions-nous dû être plus nombreux à voter le projet de loi qui nous a été soumis au mois de septembre !
M. Alain Gournac. Vote d’illusion !
M. Didier Guillaume. Hier, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la transition énergétique, une majorité des membres de la commission des affaires économiques ont voté en faveur de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité. C’est le jeu normal de la démocratie ! Le texte était peut-être mal rédigé, je n’en sais rien. Mais quoi qu’il en soit, l’hiver est proche, et nombre de nos concitoyens disposant de faibles moyens auraient aimé pouvoir bénéficier de tarifs progressifs pour l’électricité.
M. Marc Daunis. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. Sur la question des normes, je pense que nous pouvons nous rejoindre assez facilement.
Madame Troendle, déposer trente amendements, ce n’est pas faire de l’obstruction.
Mme Catherine Troendle. Mais le débat ne doit durer que quatre heures !
M. Marc Daunis. Quarante amendements ont été déposés par l’UMP et l’UDI-UC !
M. Didier Guillaume. Nous pouvons également nous retrouver sur d’autres sujets, par exemple sur la proposition de loi déposée par M. Béchu, parce que c’est un bon texte.
Quant à la proposition de loi de M. Doligé, je rappelle que le président du Sénat a pris des initiatives, notamment lors de la dernière réunion du bureau. À sa demande et sous l’égide de Mme Gourault, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, des textes relatifs au statut de l’élu et aux normes vont être élaborés, dans un esprit de recherche de consensus.
Sur de tels sujets, il ne s’agit donc pas pour nous de nous opposer par principe à vos propositions. Nous avons tous la volonté de défendre les territoires, nous cherchons tous les meilleures voies pour avancer.
Qu’il s’agisse du logement, de la transition énergétique ou des collectivités territoriales, les membres du groupe socialiste voteront les textes qui iront dans le sens de l’intérêt de nos concitoyens et des souhaits des élus, tels qu’exprimés lors des états généraux de la démocratie territoriale ou à l’occasion des débats du vendredi 5 octobre dernier. Qu’ils soient enfin entendus !
En tout état de cause, mes chers collègues, le groupe socialiste entend lui aussi que le Sénat soit respecté et puisse travailler dans les meilleures conditions possibles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Maurey. Je ne reviendrai pas sur les conditions lamentables dans lesquelles a été adoptée la loi Duflot, ni sur la prise de parole rocambolesque du Premier ministre ce matin : mes collègues François Zocchetto et Valérie Létard en ont déjà très bien parlé.
Mon rappel au règlement concerne l’organisation de nos travaux.
Quelques minutes avant le début de la présente séance, nous avons été informés du dépôt d’une motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi de M. Doligé. Or, aux termes de l’article 44 de notre règlement, « une demande de renvoi en commission n’émanant ni du Gouvernement ni de la commission saisie au fond est irrecevable lorsqu’un vote est déjà intervenu sur une demande de renvoi à la commission portant sur l’ensemble du texte ». Tel est le cas en l’espèce, puisqu’une motion tendant au renvoi du texte à la commission a déjà été adoptée le 15 février dernier.
M. Roger Karoutchi. Il a raison !
M. Hervé Maurey. Selon nous, il s’agit donc là d’une manœuvre supplémentaire pour enterrer cette proposition de loi,…
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Hervé Maurey. … qui a le défaut rédhibitoire aux yeux de la majorité d’émaner d’un parlementaire de l’opposition !
M. Alain Gournac. Affreux !
M. Hervé Maurey. Depuis l’origine, tout est fait pour enterrer ce texte : au mois de février, il a été renvoyé à la commission, où l’on a fait en sorte de le vider d’une grande partie de sa substance ; aujourd’hui, le temps imparti au débat n’est que de quatre heures, la tenue d’une séance ce soir ayant été refusée ; par ailleurs, outre les représentants des groupes politiques, sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale, ce qui est tout à fait exceptionnel ; enfin, au dernier moment, on dépose une nouvelle motion tendant au renvoi du texte à la commission. C’est intolérable !
Les propos qui viennent d’être tenus le démontrent : la volonté de la majorité est de laisser la voie libre à un texte dont la gauche aura la paternité. Il est très bien que le Président de la République affirme la nécessité de combattre l’inflation des normes, mais il est dommage que la majorité ait la volonté d’enterrer la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Vincent Placé. En entrant au Sénat, je croyais rejoindre une assemblée de sages, de notables qui, attachés au bicamérisme, essaient d’élever le débat politique… (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. À une certaine époque, c’était le cas !
M. Jean-Vincent Placé. Mais aujourd’hui, devant la mobilisation massive de l’opposition sénatoriale, j’ai l’impression d’assister à un congrès de l’UMP…
Il n’y a pas eu de cafouillage parlementaire. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Comme dans toute démocratie, les uns et les autres ont exercé leur pouvoir. Le Gouvernement a décidé d’anticiper la convocation du Parlement en session extraordinaire. Lors de la réunion de la conférence des présidents, nous avons dit ce que nous avions à dire. La commission s’est réunie pour examiner le projet de loi sur le logement, et nous avons entendu de très belles interventions sur les motions de procédure. Je tiens d’ailleurs à saluer, à cet égard, l’expertise de Roger Karoutchi, dont la position était exactement contraire lorsqu’il était ministre chargé des relations avec le Parlement…
M. Roger Karoutchi. Pas du tout !
M. Jean-Vincent Placé. … et qu’il avait affaire à une majorité « godillot » sous la présidence de Nicolas Sarkozy : il est très bien placé pour connaître à la fois les arguments du procureur et ceux de la défense ! Telle est la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l’UMP.)
Tout à l’heure, le Conseil constitutionnel rendra sa décision,…
Mme Isabelle Debré. Le Premier ministre l’a précédé !
M. Jean-Vincent Placé. … qui s’imposera à tous. Je ne pense pas que l’actuel Président de la République dira, comme son prédécesseur après le débat sur le génocide arménien, qu’il se moque du Conseil constitutionnel et qu’il fera un nouveau texte !
Un sénateur de l’UMP. François Hollande a dit la même chose !
M. Jean-Vincent Placé. Oui, le Gouvernement présentera un nouveau texte, mais en respectant la procédure. Qu’y a-t-il de choquant à cela ? Vous, vous êtes des passionnés de la Ve République, des bonapartistes qui acquiescent à tout ce que veut l’Élysée ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) C’est la réalité ! Pour notre part, nous voulons faire vivre le Parlement, travailler autrement, en acceptant que des avis et des votes différents puissent à l’occasion s’exprimer parmi les groupes de la majorité : c’est sain pour la démocratie ! En ce qui concerne la tarification de l’énergie, je suis sûr que le Gouvernement sera attentif à la préoccupation sociale exprimée par nos amis communistes.
Nous entendons revaloriser le rôle du Parlement et l’image des parlementaires. Il est normal que l’opposition s’oppose, que des groupes appartenant à la majorité sénatoriale expriment de temps en temps des divergences avec le groupe majoritaire, que le groupe socialiste soit le fidèle pilier du Gouvernement. Chacun est alors dans son rôle, et c’est cela, la démocratie ! Je souhaite que nous puissions discuter dans le respect mutuel, plutôt que de donner un spectacle ridicule, comme vous le faites cette après-midi, chers collègues de l’opposition ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. Je donne acte à leurs auteurs de ces rappels au règlement.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme cela a été souligné en conférence des présidents, il importe d’être attentifs aux règles de la procédure parlementaire.
Mme Troendle a déploré le dépôt par le groupe socialiste de trente-deux amendements, y voyant une manœuvre d’obstruction. Je lui ferai observer que trente amendements ont été déposés par les groupes UMP et UDI-UC, trois par le Gouvernement, un par le groupe du RDSE et un par un sénateur non inscrit. De tels chiffres me semblent normaux pour un texte de cette importance.
M. Maurey, pour sa part, a jugé « exceptionnel » que sept orateurs soient inscrits dans la discussion générale, outre les représentants des différents groupes politiques. Or il est de règle, pour tous les textes, que le rapporteur au fond, les rapporteurs pour avis, le président de la commission et le ministre interviennent avant les orateurs des groupes.
M. Jean-Jacques Hyest. Le président de la commission n’est pas obligé d’intervenir… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Certes, mon cher collègue, mais il en a la faculté, et vous en avez d’ailleurs usé, en d’autres temps…
Mme Gourault et moi-même avons eu l’honneur d’être chargés par M. le président du Sénat d’œuvrer pour tenter de donner suite au travail très important qui a été effectué lors des états généraux de la démocratie territoriale. De son côté, M. Doligé a élaboré un texte, sur lequel Mme la rapporteure a travaillé. Je dirai simplement, à la suite d’un penseur du XXe siècle, que tout ce qui monte converge. Je souhaiterais que, aujourd’hui, les efforts convergent pour le plus grand bénéfice des collectivités territoriales et des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
6
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales
Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe de l’UMP, la discussion de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par M. Éric Doligé (proposition n° 779 [2010-2011], texte de la commission n° 38, rapport n° 37, avis nos 25, 26 et 58).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, diminuer les dépenses publiques est un besoin vital pour notre société. Il nous a fallu beaucoup de temps pour en prendre conscience. Pourtant, dès les années quatre-vingt-dix, nombre de pays avaient déjà pris des décisions courageuses, réformé profondément leur organisation territoriale et celle de leur administration et accepté des remises en cause structurelles.
Ainsi, le Canada, certains pays d’Europe du Nord comme la Suède, la Finlande ou encore le Danemark, n’ont pas hésité à tailler dans leurs dépenses administratives et à réduire la voilure.
Les études sur l’évolution de ces différents pays montrent clairement que leur déficit public a largement régressé et qu’ils connaissent même des excédents. Pour autant, ils n’ont pas cassé la croissance ni pénalisé l’emploi.
Le monde des entreprises a compris depuis fort longtemps que, pour être compétitif, il faut abaisser ses coûts et produire sans entraves superflues.
Parallèlement, l’État continue à produire des contraintes et des charges nouvelles, qu’il n’est en mesure de compenser que par des taxes et des impôts nouveaux, entraînant une perte de compétitivité amplifiée. De plus, il a une fâcheuse tendance à mettre au banc des accusés les chefs d’entreprise créateurs de richesses. Nous voyons chaque jour les dégâts que suscitent, dans l’industrie, la mise en cause des grands groupes. Nous en constatons l’inefficacité pour le redressement.
Lorsque le Président de la République Nicolas Sarkozy a décidé un moratoire sur toutes les normes applicables aux collectivités locales et qu’il a nommé un commissaire à la simplification, j’ai compris que nous prenions enfin la bonne direction, que nous ralliions le parti de la compétitivité. En effet, moins d’entraves de la part de la sphère publique, c’est plus de souplesse pour notre économie.
En janvier 2011, le Président de la République m’a demandé de proposer, « en prenant en considération les propositions formulées par les principales associations d’élus […], des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes et alléger les coûts excessifs qui pèsent […] sur nos collectivités territoriales, en s’attachant à identifier les normes qui doivent être prioritairement modifiées en raison de leur caractère inadapté et coûteux », l’objectif étant « de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative et à l’investissement publics ».
Durant quatre mois, j’ai pu ainsi auditionner les présidents des associations d’élus, les dirigeants de nombreux syndicats et les responsables de l’ensemble des ministères produisant des normes. Tous, quelle que soit leur sensibilité, m’ont clairement indiqué que les normes étaient un frein à la compétitivité, une source de complexité, voire une perte de temps, ainsi que, pour nos collectivités, naturellement, une cause de coûts supplémentaires, systématiquement répercutés sur les citoyens et l’économie.
Dans un contexte financier difficile, où les collectivités locales exercent de nombreuses prérogatives autrefois dévolues à l’État, la prolifération normative incarne la fracture entre, d’un côté, un État central, prescripteur de dépenses et de contraintes nouvelles, et, de l’autre, des collectivités locales devant sans cesse mobiliser des crédits nouveaux pour financer des dispositifs pensés et conçus à l'échelon national.
Devant l’empilement des textes, la perspective d’une simplification fédère l’ensemble des acteurs locaux. Ceux-ci aspirent tous à une évolution du mode de gouvernance, afin que les problèmes quotidiens que rencontrent les collectivités locales dans l’application des normes soient durablement pris en compte.
De ces multiples échanges, j’ai pu retenir vingt grands principes à respecter ; je n’en citerai que quelques-uns.
Premièrement, pas de réforme de collectivités territoriales sans une évaluation préalable partagée des politiques locales. À cet égard, il sera intéressant de voir comment seront prises en compte les propositions formulées durant les états généraux de la démocratie territoriale.
Deuxièmement, pas de nouveaux textes réglementaires sans une évaluation réaliste et un avis motivé de la CCEN, la Commission consultative d’évaluation des normes, l’objectif étant d’imposer la sincérité de l’évaluation des coûts de l’ensemble des textes par cette instance. À l’heure actuelle, nous constatons que la fourchette des évaluations fournies par les services de l’État est souvent fort éloignée de la réalité.
Troisièmement, il faut donner une véritable place aux collectivités locales dans l’élaboration de la réglementation européenne, mais ne pas ajouter nos normes franco-françaises aux règles européennes, car cela nous pénalise un peu plus encore dans la course à la compétitivité.
Quatrièmement, il importe de réduire l’instabilité juridique.
Cinquièmement, il convient d’organiser le reflux normatif. Le Président de la République vient de demander aux différents ministères de s’attaquer au stock en la matière, mais aussi de supprimer une norme chaque fois que l’on en crée une.
Sixièmement, il faut pallier l’absence de décrets d’application. Comme Bruno Sido l’exposait encore lundi dernier au Président de la République, nous attendons que des décrets déjà prêts paraissent sur les possibilités de rapprochement entre les SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, et les conseils généraux.
Septièmement, il est nécessaire d’adapter les normes à la taille des collectivités. Cette notion d’adaptabilité, si chère au Président de la République et au président du Sénat, fait l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Enfin, nous devons faire face au manque d’ingénierie publique dû à la disparition de nombreux services déconcentrés de l’État.
Des auditions auxquelles j’ai procédé, et dont résultent 262 propositions visant à simplifier le droit applicable aux collectivités, il est ressorti que la simplification était urgente : face à l’engrenage normatif qui entrave l’action des collectivités territoriales, il faut procéder à un changement de la gouvernance normative entre l’État et ces dernières.
L’allégement des contraintes supportées par les collectivités eu égard à l’existence de normes rigides et coûteuses est une nécessité. Il convient de changer en profondeur la culture normative de l’État et d’imposer une obligation de résultats plutôt que de moyens.
À ce titre, j’ai proposé, notamment, de limiter à quinze le nombre des ministères. Je le constate, les candidats à la présidence de la République se fixent souvent un objectif proche, mais ils ne parviennent jamais à le mettre en œuvre. J’ajouterai que je suis intimement persuadé qu’il faut également avoir le courage de réduire très sensiblement le nombre des parlementaires.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Éric Doligé. Cette question mériterait un véritable débat au moment de la discussion sur le cumul des mandats.
J’ai remis ce rapport sur la simplification des normes au président Nicolas Sarkozy en juin 2011 et j’ai déposé la présente proposition de loi le 4 août 2011. Gérard Larcher, alors président du Sénat, persuadé de l’importance de ce texte pour le bon fonctionnement de nos collectivités, a saisi le Conseil d'État : c’était une première pour le Sénat.
J’ai été auditionné par le Conseil d'État au début du mois de septembre 2011. Le processus a été interrompu à la suite du changement de majorité au Sénat, puis relancé par le président Jean-Pierre Bel, qui, lui aussi persuadé, je le pense, de l’intérêt de ce texte, a demandé au Conseil d’État de bien vouloir lui remettre son rapport.
La proposition de loi, comme chacun le sait, a été étudiée en séance publique au Sénat le 15 février 2012. La proximité des élections présidentielle et législatives a probablement eu une influence sur le débat. En définitive, en février dernier, soit il y a huit mois, le renvoi du texte à la commission a été décidé.
La nouvelle présentation de la proposition de loi, aujourd’hui, fait suite à ce renvoi à la commission. J’espérais que, en huit mois, la commission se ferait une idée et se déterminerait sur chacun des articles. A priori, cela n’a pas été le cas pour l’article 1er, pour lequel la commission n’a pas été en mesure de proposer une rédaction. J’ai cru comprendre que nos collègues communistes regrettaient également que ces huit mois n’aient pas été mis à profit pour approfondir la réflexion sur ce texte.
À la fin de l’année 2011, le président Jean-Pierre Bel a décidé d’organiser les états généraux de la démocratie territoriale. Comme chacun le sait, lors des différentes étapes de ces travaux – enquêtes, réunions départementales et réunions des 4 et 5 octobre dernier à Paris –, les normes ont été au centre des préoccupations des élus.
Le Président de la République, François Hollande, s’est largement exprimé sur le sujet, prononçant à plus de dix reprises le terme « normes » dans son discours. Il a clairement plaidé pour la simplification des normes. Je le cite : « La confiance, c’est enfin l’allégement des normes. J’ai compris que c’était une des préoccupations […] sorties de vos états généraux. […] Mais nous ne pouvons plus accepter cette situation en termes de coûts pour les collectivités, en termes de délais pour les procédures. »
Le président du Sénat s’est lui aussi largement exprimé sur le sujet. Dans l’édition du 4 octobre 2012 de La République du Centre, journal que M. le président de la commission des lois et moi-même connaissons bien (Sourires.), il annonçait, au sujet des deux journées des états généraux : « Nous allons faire ressortir le point de vue des élus […] sur la simplification des normes. Nos territoires sont divers. Or on fait des lois qui doivent s’appliquer partout comme si toutes les situations étaient les mêmes partout. La notion d’adaptation dans l’application des lois est essentielle. »
Ainsi, les deux Présidents de la République, les deux présidents du Sénat et les deux Premiers ministres qui se sont succédé ont tous la conviction que la simplification des normes est un élément essentiel pour améliorer le fonctionnement de nos collectivités. Il y a là une continuité parfaite !
Le point central qui a été abordé par tous les élus et par les plus hauts responsables de l’État, c’est l’« adaptabilité ». Tous sont convaincus qu’il est nécessaire d’adapter les normes aux territoires.
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à introduire dans notre droit positif le principe de proportionnalité des normes et celui de l’adaptation de ces dernières à la taille des collectivités.
J’ai pris en compte toutes les remarques formulées dans le rapport du Conseil d’État et déposé un amendement à l’article 1er de ma proposition de loi. Il a l’avantage de reprendre les orientations définies par le Président de la République, par le Premier ministre et par le président du Sénat.
Dès sa première discussion, en février 2012, j’ai pu constater que cette proposition de loi n’avait pas l’heur de plaire à la majorité du Sénat, qui à l’époque n’était pas encore la majorité tout court. J’observe que l’orientation relative à l’adaptabilité n’est pas encore totalement intégrée au Parlement, bien qu’elle le soit au plus haut niveau de l’État. Je pense qu’il faudra être patient, ce qui ne m’empêche pas de déposer de nouveau un amendement, identique à celui qu’avait présenté Mme Gourault et que je trouve tout à fait compatible avec ma conviction sur le sujet. L’adopter, ce serait adresser un signal aux élus, qui l’attendent avec impatience.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Éric Doligé. Mes chers collègues, ne les avez-vous pas entendus, lors des états généraux, réclamer à l’unisson la simplification des normes ?
Je me permettrai, à cet instant, de citer une partie de l’avis du Conseil d’État sur l’adaptabilité. Je voudrais d'ailleurs rassurer M. Alain Richard et les membres du groupe CRC : cet avis n’est pas la propriété privée d’Éric Doligé ; il appartient au président du Sénat d’en disposer. Pour ma part, ayant pu en avoir copie, je l’ai mis à la disposition de ceux qui me l’ont demandé.
À propos de l’article 1er de la présente proposition de loi, nous lisons, dans cet avis, que, « en vue de poursuivre l’objectif, justifié, de remédier aux contraintes entraînées, pour de nombreuses collectivités, par l’application de mesures réglementaires dont la multiplication est un sujet légitime de préoccupation, il appartient au législateur de prévoir les adaptations tenant compte, notamment, de la situation des collectivités territoriales de faible capacité financière ».
Je fais confiance à la majorité pour reprendre à son compte le dispositif de cet article 1er, aujourd’hui ou à l’occasion de l’examen d’un prochain texte. En effet, cette orientation est irréversible.
J’avais également évoqué, dans mon rapport, la difficulté que nous éprouverions à atteindre les objectifs que le Parlement s’est généreusement fixés, en termes de délais, dans diverses lois, d’une manière que l’on pourrait qualifier de « à responsabilité limitée ». Il s’agit de deux sujets délicats : les normes environnementales et l’accessibilité.
C’est là le motif d’inquiétude numéro un soulevé par les élus. Ceux-ci sont tous conscients que, pour des questions de coûts et des raisons techniques, ils ne seront pas au rendez-vous des échéances fixées par nos lois.
Le lundi 22 octobre dernier, lors de la réception des représentants des conseils généraux, le Président de la République a tenu les propos suivants, alors que j’avais évoqué devant lui les normes : « Sur les normes, il faudra que nous ayons une discussion franche avec les associations. Sur le handicap, l’assainissement, l’environnement, le calendrier est impossible. » Mesdames les ministres, vous étiez présentes à cette réunion.
Les débats risquent d’être tendus, me semble-t-il, lorsqu’il faudra aborder de nouveau ces sujets, ce qui est une nécessité. Mesdames, messieurs les membres de la majorité, il vous appartiendra alors de relancer ce processus.
Les articles suivants de la proposition de loi, relatifs à la CCEN et à la CERFRES, la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, ont fait l’objet d’amendements intéressants.
Je regrette toutefois que l’idée de la mise en place d’une commission consultative départementale d’application des normes n’ait pas été comprise. L’objectif n’était certes pas de créer une commission supplémentaire suscitant des contraintes nouvelles : il s'agissait de disposer d’une structure composée d’anciens élus. Avec la loi sur le non-cumul des mandats, beaucoup d’entre eux seront disponibles, me semble-t-il. Ils pourraient former un intermédiaire neutre, susceptible d’aider les maires en exercice à exposer les difficultés qu’ils rencontrent pour appliquer certaines normes inadaptées à leur territoire. Ils tiendraient là un rôle de médiation entre les collectivités et les services déconcentrés de l’État.
En ce qui concerne le fonctionnement des collectivités territoriales, de très nombreux articles de la proposition de loi ont été adoptés avec quelques modifications.
L’article 18, relatif aux CCAS, les centres communaux d’action sociale, a fait débat. Voilà quelques mois, j’avais précisé que je n’étais pas opposé à l’établissement d’un seuil au-delà duquel la création d’un CCAS serait obligatoire. A contrario, en deçà de ce plancher, il aurait été possible de choisir. Ce seuil a été fixé par voie d’amendement à 1 500 habitants. La proposition est intéressante. Je crois même qu’une obligation de création d’un CIAS a été suggérée pour les intercommunalités.
Le titre III est relatif à l’urbanisme et à l’aménagement. La commission a proposé de supprimer la plupart de ses articles. C’est un vrai sujet, et je peux comprendre qu’il suscite des interrogations. Je reprendrai à cet égard une phrase prononcée par Patrice Gélard en commission : « Des dispositions mal écrites et inapplicables donnent lieu à des procédures interminables devant les tribunaux administratifs. » Nous connaissons tous de telles situations en matière d’urbanisme et d’aménagement. Il me paraît important de revenir plus tard sur ce problème.
Le Président de la République a précisé lundi dernier que tous les ministères ont été saisis et doivent proposer des simplifications de normes.
Je puis vous confirmer que j’ai déjà réalisé ce travail avec les ministères, voilà quelque mois, et que les propositions qui vous sont soumises ont été passées au peigne fin avec toutes les administrations concernées. Il serait surprenant, me semble-t-il, que l’on aboutisse à des propositions différentes uniquement parce que la majorité a changé.
Mme Cécile Cukierman. Cela ne me semble pas surprenant !
M. Éric Doligé. En effet, ce sont là des problèmes non pas politiques, mais pragmatiques.
M. Jean-Claude Lenoir. De bon sens !
M. Éric Doligé. L’article 27, qui me tenait à cœur, avait trait à l’archéologie préventive. Son dispositif consistait à encadrer la signature de la convention afin de limiter les dérapages éventuels.
Chers collègues, j’ai constaté que vous aviez supprimé cet article au motif que le ministère de la culture préparait un nouveau texte sur l’archéologie préventive. Je vous le dis, je crains le pire en la matière !
Comme certains d’entre vous, j’ai vécu plusieurs réformes sur ce sujet, qui avaient pour objet de simplifier et d’alléger les coûts. Or, à chaque fois, elles ont conduit à plus de complexité et à des augmentations de charges, sous la pression des professionnels.
Ce problème est devenu tellement insupportable que, parmi ceux à traiter, il se situe au sommet de la hiérarchie. Les dépenses exposées avant de pouvoir accueillir une entreprise dépassent régulièrement le million d’euros et vont parfois bien au-delà.
Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que des entreprises passent leur chemin et aillent s’implanter dans des pays plus accueillants, où les surcoûts ne sont pas aussi importants et où les délais sont compatibles avec leurs exigences.
Pensez-vous que, dans une société en grande difficulté, nous puissions toujours nous permettre d’investir plusieurs millions d’euros dans une opération de fouilles très longue, alors que l’on sait à l’avance ce que l’on va découvrir ? N’y a-t-il pas des priorités à définir sur ce sujet ?
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Éric Doligé. Pour compléter cette proposition de loi, j’ai souhaité suggérer la fusion des deux réseaux intervenant dans le dépistage et la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, pour créer les centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit. Le Conseil d’État a précisé que cette mesure de simplification ne soulevait pas, en elle-même, de difficultés de principe.
J’avais prévu, pour diverses raisons, de retirer l’article 33. L’avis positif sur cette fusion rendu à l’unanimité par le Conseil national du sida et publié le 5 octobre 2012 m’a convaincu de le réintroduire. Cela dit, il se pourrait que je le retire quand même, en fonction de l’heure à laquelle nous aborderons l’examen de ce chapitre…
Je souhaite que nous puissions dépasser, sur ce dossier de la simplification des normes, les clivages politiques habituels. Au cours des six derniers mois, chacun a pu constater que tous les acteurs, à l’échelon tant de l’État que des territoires, souhaitaient avancer rapidement et voir enfin traiter cette question des normes.
Le 10 octobre 2012, le président Jean-Pierre Bel a demandé au Sénat de préparer une proposition de loi sur la simplification des normes, dans la foulée des états généraux de la démocratie territoriale. J’ai le plaisir de vous présenter ce texte, dont l’adoption devrait permettre de gagner beaucoup de temps et, surtout, de rendre irréversible la marche vers la simplification des normes.
J’ajouterai, pour conclure, que soixante-cinq amendements ont été déposés. Je m’interroge sur certains d’entre eux, notamment sur la douzaine d’amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 18 et ayant principalement trait à l’hébergement des personnes âgées. Ils m’apparaissent être des cavaliers ; certes, il est nécessaire de simplifier en tous domaines, mais ils justifieraient l’élaboration d’une loi spécifique, peut-être sur la dépendance ! J’espère simplement que ces amendements ont pour seul objet d’enrichir le texte, et non d’empêcher que la discussion de celui-ci puisse être menée jusqu’à son terme aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le parcours de cette proposition de loi, que M. Doligé vient de retracer ; je m’attacherai au fond du texte, tel qu’il se présente à nous aujourd’hui.
Bien sûr, nous sommes complètement d’accord avec l’auteur de la proposition de loi quand il met en exergue les méfaits assez terribles de l’inflation des normes dans la vie quotidienne des élus et dans le fonctionnement des collectivités territoriales, notamment d’un point de vue budgétaire.
Comme l’a dit M. Doligé, il s’agit d’une préoccupation transversale, dans la mesure où l’inflation normative affecte tous les élus de la même manière, quelle que soit leur étiquette politique.
À cet égard, pour la période récente, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation avait identifié, en 2011, sous la houlette de notre collègue Claude Belot et avec l’aide des commissions permanentes de notre assemblée, les secteurs les plus touchés par la production réglementaire.
Plus récemment encore, cela a été rappelé, ce phénomène d’inflation normative a été l’une des préoccupations majeures exprimées lors des états généraux de la démocratie territoriale, organisés les 4 et 5 octobre derniers par le président du Sénat. C’est d’ailleurs pour cette raison que M. Bel a demandé à la commission des lois et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur ce sujet, ainsi que sur celui du statut de l’élu.
Enfin, votre initiative, monsieur Doligé, a pour objet de desserrer l’étau normatif autour des collectivités territoriales. Il s’agit naturellement d’un premier pas.
Au terme de l’examen de la présente proposition de loi, la commission des lois a choisi d’appuyer le dispositif de simplification sur les outils existants, dont elle a pu mesurer les vertus et les insuffisances. Pour le reste, elle a écarté les mesures qui ne lui semblaient pas s’inscrire dans le processus d’allégement, ainsi que des propositions qui n’avaient aucun lien avec l’objet du texte ou qui ne lui apparaissaient pas juridiquement sécurisées.
Je précise, à ce stade, que la commission des lois a délégué aux commissions saisies pour avis l’examen des articles relevant de leur seule compétence.
Au préalable, elle a supprimé l’article 1er, visant à introduire, dans le code général des collectivités territoriales, un principe général de proportionnalité des normes et de leur adaptation à la situation des collectivités.
Je souhaite m’arrêter un instant sur ce sujet très important. A priori, tout le monde est d’accord sur le principe de proportionnalité des normes, mais comment le mettre en œuvre ? Le Conseil constitutionnel a précisé que ce principe ne pouvait être énoncé de manière générale et universelle. La proportionnalité des normes ne peut donc être érigée en principe dans un texte de loi : ce serait inconstitutionnel. Cela signifie que la proportionnalité des normes doit être envisagée au cas par cas, c’est-à-dire qu’il revient au pouvoir prescripteur de moduler les règles qu’il fixe, dans le respect du principe d’égalité. Cela vaut tant pour la proposition de loi de M. Doligé que pour l’amendement dont je suis l’auteur ou la proposition de loi de M. Morel-A-L’Huissier déposée à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, pour renforcer le contrôle des normes, la commission des lois a adopté plusieurs amendements destinés à étendre les compétences de la commission consultative d’évaluation des normes. Ainsi, afin que cette dernière soit également compétente pour le stock de normes – rappelons-le, sa compétence se limite aujourd’hui au seul flux, c’est-à-dire à la production des normes nouvelles –, la commission des lois a adopté le principe de l’établissement d’un rapport annuel par la CCEN, qui porterait sur un secteur déterminé par celle-ci.
L’élaboration de ce rapport serait l’occasion de dresser un bilan des normes existantes dans un domaine particulier, de recenser les normes obsolètes ou inapplicables et de présenter une série de propositions qui seraient remises au Parlement et au Gouvernement. J’insiste sur le fait que ce rapport ne doit pas être simplement « transmis » : afin de donner plus de solennité et de publicité aux conclusions de la CCEN, son président remettrait, à l’instar du premier président de la Cour des comptes, son rapport aux deux assemblées et au Premier ministre.
En revanche, la commission des lois n’a pas jugé utile d’étendre la compétence de la CCEN aux règlements des fédérations sportives. En effet, ceux-ci sont déjà soumis au contrôle de la CERFRES, dont l’activité est saluée par les élus chargés du sport. Le statut de cette instance soulève cependant trois observations : d’abord, elle n’a qu’une existence réglementaire, codifiée dans le code du sport ; ensuite, les représentants des élus locaux sont en minorité, au sein de cette commission, face aux représentants du monde sportif ; enfin, elle ne dispose que d’un délai de deux mois pour rendre ses avis.
Pour faire face à ces difficultés, la commission des lois a « légalisé » la CERFRES au sein du code général des collectivités territoriales, afin de renforcer son statut et de la placer au même niveau que la CCEN, chacune dans son domaine. En outre, elle a décidé d’attribuer aux représentants des collectivités territoriales la moitié des sièges au sein de la CERFRES. Enfin, elle a doublé la durée du délai qui lui est ouvert pour rendre ses avis, ce qui devrait lui permettre d’approfondir l’expertise des normes qui lui sont soumises par les fédérations sportives.
De même, la commission des lois a supprimé les articles 3 et 4, prévoyant la création d’une commission consultative départementale d’application des normes et d’une commission consultative des études locales, qui serait une nouvelle formation restreinte du comité des finances locales, à l’instar de la CCEN, dont je viens de parler. La suppression des dispositions relatives à ces deux nouvelles instances a été guidée par le souci de ne pas encombrer le paysage institutionnel local : en effet, combien de fois n’avons-nous pas entendu les élus locaux se plaindre de ne pouvoir assister aux réunions des multiples instances locales ?
S’agissant de la commission consultative des études locales, les missions qui lui auraient été confiées peuvent être dévolues à des commissions déjà existantes, comme la commission consultative sur l’évaluation des charges.
Au-delà du volet consacré à la régulation normative, la commission des lois a approuvé les mesures destinées à simplifier l’organisation et la gestion des collectivités, tout en encadrant ou en complétant certaines d’entre elles.
Dans cette perspective, elle s’est attachée à garantir l’accessibilité des décisions locales en conciliant le libre accès aux actes administratifs pour tous et les contraintes pesant sur les collectivités. Ainsi, elle a maintenu le principe de l’exclusivité du support papier pour le recueil des actes administratifs, en prévoyant toutefois, pour alléger la charge des collectivités, que certains d’entre eux, déterminés par décret en Conseil d’État, pourront n’être publiés que par voie électronique. Si la commune opte pour la dématérialisation de la publicité de ses actes, elle devra toutefois procéder à un affichage par extraits à la porte de la mairie.
Les syndicats mixtes bénéficieront du même dispositif allégé concernant les documents relatifs aux délégations de service public que celui qui est prévu pour les établissements publics de coopération intercommunale.
Pour garantir le respect de l’obligation de transmission des actes des collectivités territoriales au représentant de l’État, le compte de gestion sera envoyé, par voie dématérialisée, par le directeur départemental ou régional des finances publiques, à la demande non pas du préfet, mais de l’exécutif territorial.
Pour préserver le droit à l’information des élus, la commission a maintenu à douze jours le délai de transmission des rapports aux membres des assemblées délibérantes et institué un délai homologue de cinq jours pour les dossiers à l’ordre du jour de la commission permanente des conseils généraux et régionaux. Elle a harmonisé le régime d’adoption du règlement intérieur en étendant l’application proposée du principe du maintien en vigueur de l’ancien règlement du conseil général jusqu’à l’adoption du nouveau document, à la suite du renouvellement général de l’assemblée, aux deux autres niveaux de collectivités, c’est-à-dire les communes et les régions.
S’interrogeant sur la capacité technique et financière des petites et moyennes communes à organiser leurs concours de recrutement dans les filières sociale, médicosociale et médico-technique, aujourd’hui de la compétence des centres départementaux de gestion, la commission a supprimé l’article 32, qui leur ouvrait cette faculté. Elle a privilégié, pour répondre aux difficultés nées de la périodicité des concours, la mutualisation par l’intermédiaire des centres de gestion, dans le prolongement des modifications qu’elle a fait adopter dans le cadre de la loi du 12 mars 2012 relative à la fonction publique. Nous avons donc considéré que point n’était besoin d’y revenir.
S’agissant de la question de la rationalisation des moyens des collectivités, la commission des lois a adopté une nouvelle rédaction des articles L. 123-4 et L. 123-5 du code de l’action sociale et des familles, afin de préciser et de clarifier les dispositions en matière de création et de dissolution des CCAS et des CIAS.
Éric Doligé l’a dit tout à l’heure, nous avons fixé à 1 500 habitants le seuil de population au-dessus duquel la création d’un CCAS serait obligatoire ; en deçà, elle serait facultative. Aujourd’hui, je le rappelle, nombre de CCAS, dans les petites communes, sont des « coquilles vides ».
M. Éric Doligé. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. En matière d’urbanisme, plusieurs articles ont été supprimés, en raison des difficultés que leur mise en œuvre pourrait entraîner ou des questions constitutionnelles qu’ils seraient susceptibles de soulever.
Par exemple, la création des secteurs de projets n’était assortie d’aucune garantie solide. En effet, la proposition de loi initiale prévoyait la possibilité, pour les préfets, d’accorder des dérogations aux règles fixées, « lorsque les caractéristiques de l’opération projetée le nécessitent » : bien évidemment, une telle formulation était tout à fait imprécise.
De même, il apparaît risqué, pour les maires, que soit autorisée la signature de promesses de vente ou de location avant la délivrance du permis d’aménager un lotissement. Cette remarque est également valable, bien sûr, s’agissant de la caducité du cahier des charges d’un lotissement en cas de non-publication au bureau des hypothèques dans les cinq ans. De telles mesures créeraient une grande insécurité juridique pour les élus, c’est pourquoi la commission des lois a supprimé les articles concernés.
En revanche, ont été précisées les dispositions relatives aux conventions de mandat, à la dispense de certains diagnostics pour la vente d’immeubles voués à la destruction et à l’évolution des projets urbains partenariaux, afin de résoudre les difficultés que nous avions repérées.
La commission des lois a en outre préféré supprimer l’article 33, relatif à la fusion des deux structures qui interviennent en matière de lutte contre les infections sexuellement transmissibles.
D’une part, la commission a considéré qu’une telle décision ne pouvait être prise sans que la commission des affaires sociales ait été consultée. D’autre part, elle a soulevé un problème de confidentialité des données. Elle a donc estimé qu’il valait mieux approfondir le sujet, même si, sur le fond, l’idée nous paraît tout à fait judicieuse.
Mesdames les ministres, mes chers collègues, nous n’allons pas régler d’un coup de baguette magique, vous le comprenez bien, les difficultés résultant du foisonnement normatif. Je considère cependant que ce texte représente un premier pas dans la bonne direction. Son adoption sera un signal très fort, même s’il faudra sûrement revenir sur le sujet.
Le renforcement du dispositif de régulation des normes qui vous est proposé par la commission des lois devrait aussi permettre de desserrer l’étau autour de la gestion locale. Encore faut-il, mesdames les ministres, que la CCEN et la CERFRES aient les moyens de mener à bien leurs missions. Or, aujourd’hui, leurs capacités d’action sont assez réduites. Même si elles accomplissent néanmoins un énorme travail, M. Alain Lambert présidant la CCEN, il est clair que ces deux commissions manquent de moyens, notamment matériels et administratifs.
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut leur en donner !
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Peut-être le savez-vous, ce sont des permanents des associations d’élus qui assurent actuellement le secrétariat. Renforcer ces instances me semble donc être une ardente obligation, pour le bon fonctionnement de la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. le président de la commission des lois et M. Jean-Pierre Michel applaudissent également.)
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, voilà maintenant plus d’un an que le Sénat examine la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé, preuve, s’il en est, que la simplification est une affaire décidément beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît… Faire simple s’avère parfois compliqué, et en voulant faire simple, on peut ajouter de la complexité à la complexité.
Je rappellerai que notre assemblée, prenant la mesure de l’inflation normative, s’est, à plusieurs reprises, saisie de cette question. Le rapport Belot, publié en février 2011 au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, évoquait, à juste titre, la maladie de la norme. Dans celui qu’il a rédigé en juin de la même année, Éric Doligé identifiait 268 dispositions, aussi variées qu’essentielles, pouvant être simplifiées.
Bien entendu, j’ai été, comme l’ensemble de nos collègues, très sensible aux résultats du sondage réalisé lors des états généraux de la démocratie territoriale, qui mettait en exergue la nécessité, aux yeux de tous les élus, de simplifier les normes, notamment en matière d’urbanisme et de marchés publics.
La proposition de loi de notre collègue Éric Doligé vise donc un objectif qui fait consensus, dans cet hémicycle comme parmi les élus. Pour autant, j’ai déjà eu l’occasion de le dire en commission et en séance, je crains que le travail réalisé ne soit pas toujours à hauteur des enjeux. Certaines des dispositions proposées, sous couvert de simplification, sont sujettes à contentieux.
La commission des affaires économiques s’est plus particulièrement intéressée aux articles 19 à 26 de la proposition de loi, qui ont trait à l’urbanisme. Partageant en cela la position de la commission des lois, elle propose de supprimer les articles 20, 21, 23, 24 et 26, pour les raisons que je vais développer.
L’article 20 instaure des secteurs de projets, dans lesquels le règlement d’urbanisme serait suspendu et où les objectifs des orientations d’aménagement et de programmation deviendraient directement opposables aux demandes individuelles.
Si un plan local d’urbanisme comporte de nombreuses contraintes, il est toutefois possible de le modifier assez facilement, d’autant que la plupart de ces contraintes sont facultatives.
En outre, la souplesse introduite par l’article 20 ne serait qu’apparente : en contrepartie de plus grandes marges de manœuvre, l’autorité administrative verrait ses décisions davantage contestées.
Les dispositions de l’article 21 relèvent du domaine réglementaire, puisqu’elles prévoient la faculté de regrouper les dossiers de création et de réalisation d’une zone d’aménagement concerté.
L’article 23 modifie les règles de caducité des clauses des cahiers des charges de lotissements. Il est, à mon sens, anticonstitutionnel, car il porte atteinte à la liberté contractuelle des colotis.
L’article 24 prévoit d’autoriser les promesses de vente ou de location d’un terrain situé dans un lotissement avant la délivrance d’un permis d’aménager. Les maires pourraient alors se trouver placés devant le fait accompli et privés de la possibilité de négocier sereinement les actes ou d’éventuelles modifications.
Enfin, l’article 26 limite les obligations imposées par le plan local d’urbanisme en matière d’aires de stationnement. Il s’agit, on en conviendra, d’un cavalier législatif.
Telles sont les propositions de modification et les réserves que formule la commission des affaires économiques.
Par ailleurs, compte tenu des amendements rédactionnels déposés par Mme la rapporteur, la commission des affaires économiques approuve l’article 10, qui simplifie le recours au mandat en matière d’aménagement, l’article 22, qui dispense, fort logiquement, d’un certain nombre de diagnostics en cas de vente d’un bâtiment voué à la destruction, et l’article 25, qui encadre la négociation d’une convention de projet urbain partenarial.
Mes chers collègues, j’exprimerai à cet instant une opinion toute personnelle.
La simplification des normes est un grand sujet. En tant que maire, je constate tous les jours la difficulté de mener à bien des projets, dont la durée de réalisation s’allonge souvent du fait de la multiplicité des normes.
Il importe donc que nous nous attelions à la simplification normative, mais de façon beaucoup plus approfondie, en nous appuyant notamment sur les résultats de l’enquête effectuée et sur les conclusions des ateliers organisés dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale.
Un travail de fond est nécessaire. Notre collègue Éric Doligé a le mérite de poser le problème. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens et doivent être encore approfondies. Il faut, pour cela, conserver une certaine distance et, surtout, ne pas ajouter de la complexité à la complexité. Combien de fois, en voulant simplifier, n’avons-nous pas complexifié les choses ?
Certains d’entre nous ont participé aux travaux de la mission commune d’information sénatoriale sur la désindustrialisation des territoires. Dans tous les territoires où nous nous sommes rendus, nous avons fait le même constat : il y a une demande pressante de simplification de la part des chefs d’entreprise et des responsables d’agences de développement, qui nous invitent à rendre plus simple la création d’entreprise et à faciliter la mise en œuvre des projets.
Nous avons appris que, dans l’industrie pharmaceutique, l’instruction d’un projet pouvait prendre deux ans, voire deux ans et demi, alors que la durée de vie d’un produit n’est que de cinq années.
Il nous faut mener ce travail en gardant la distance et la profondeur d’analyse nécessaires pour parvenir à une simplification, au bénéfice de la compétitivité de nos entreprises, de notre industrie. En effet, la question de la compétitivité est trop souvent abordée sous le seul angle des coûts, alors que ce n’est pas l’unique dimension du problème.
Mesdames les ministres, chers collègues, il convient de rendre notre société plus dynamique et plus fluide. Un travail de simplification est donc absolument nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi de M. Éric Doligé visant à simplifier les normes applicables aux collectivités locales.
La commission des lois nous a délégué l’examen au fond de l’article 27, relatif à l’archéologie préventive, tandis que notre commission a décidé de se saisir pour avis de l’article 1er, supprimé par la commission des lois, et de l’article 2.
L’article 1er posait le principe de l’adaptation des normes à la taille des collectivités ; il était notamment relatif aux dérogations aux normes d’accessibilité, au regard des contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural.
L’article 2 tend à compléter le code du sport, pour soumettre le décret et les règlements fédéraux à l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes, créée en 2008 et dont la présente proposition de loi prévoit par ailleurs une réforme.
Notre assemblée avait décidé, sur proposition de la commission des lois, le renvoi à la commission de ce texte, lors de son examen en séance publique, le 15 février dernier.
Je dois dire que ce choix de procédure a été très utile pour approfondir notre examen de la proposition de loi. En outre, le calendrier suivi se sera révélé judicieux, puisque certains sujets abordés dans ce texte sont aujourd’hui au cœur de l’actualité, à commencer par celui de l’inflation normative.
Je rappelle que l’auteur de la proposition de loi, M. Doligé, a indiqué que trois préoccupations essentielles l’avaient guidé : la réduction des coûts et des contraintes normatives, l’accélération des procédures administratives structurant les projets des collectivités et l’instauration d’un dialogue autour de l’activité normative.
Ces questions sont évidemment partagées par bon nombre d’élus locaux, toujours préoccupés par les situations complexes auxquelles sont confrontées les collectivités.
Dès le 4 septembre, à l’occasion des rencontres départementales des états généraux de la démocratie territoriale, dans la Drôme, le président du Sénat avait clairement identifié l’inflation des normes comme l’un des sujets majeurs pour nos territoires, précisant que deux batailles devaient être menées de front : « La première consiste à enrayer la machine à produire de nouvelles normes toujours plus exigeantes en ressources financières ou humaines, la seconde à simplifier le droit existant en élaguant nos codes et prescriptions obligatoires de tout ce qui n’est pas aussi nécessaire que nous l’avons cru quand ils ont été édictés. »
S’inscrivant dans cette même ligne de pensée, le Président de la République a réaffirmé, le 5 octobre dernier, à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat, que « la confiance, c’est, enfin, l’allègement des normes. […] 400 000 normes seraient applicables et on mesure, à évoquer ce chiffre, combien la décentralisation est finalement contournée, détournée dès lors qu’il y a autant de contraintes qui pèsent sur les collectivités. »
Les collectivités territoriales sont victimes de l’« inflation normative », qui pèse, en particulier, sur les compétences transférées et qui devient une source de coûts croissants : coûts liés aux investissements concernés, aux personnels à déployer, à l’organisation qui découle de l’application des mesures, etc.
Le rapport sur les relations entre l’État et les collectivités locales de notre ancien collègue Alain Lambert mettait déjà en exergue, en 2007, la problématique de la libre administration des collectivités dans ce contexte de croissance normative exponentielle. Dans bien des domaines, tels que l’environnement, la solidarité et la cohésion sociale, la sécurité alimentaire, la fonction publique ou la culture, les collectivités sont insuffisamment associées à la production normative, qui, imposée, apparaît comme une entorse à la décentralisation.
Or la gouvernance normative doit être partagée : le rôle de financeur et de maître d’ouvrage des collectivités justifie pleinement qu’elles soient des acteurs incontournables de la concertation préalable à la définition de nouvelles normes.
Comme l’a précisé Jean-Pierre Bel, le sujet de la régulation des normes est complexe, car il s’agit non de déréglementer à tout va, mais de rechercher résolument les pistes d’une réelle avancée. C’est précisément l’objectif que nous nous sommes fixé en examinant les dispositions qui figurent dans la présente proposition de loi.
L’équilibre est délicat à trouver et je crois que, plus que jamais, il faut se donner les moyens d’évaluer sérieusement les dispositifs existants, prendre le temps d’apprécier ce qui est ou non indispensable pour mener à bien une politique publique.
Je crois à la vertu de la réflexion et de l’évaluation. C’est d’ailleurs dans cet esprit que la commission de la culture a conduit son analyse des propositions relatives à l’archéologie préventive contenues dans ce texte et examiné certains amendements extérieurs, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
Nous sommes respectueux des travaux menés tant par les élus que par les experts. Nous sommes respectueux des actions de concertation conduites pour apprécier la pertinence d’un dispositif et d’un ensemble normatif. C’est la raison pour laquelle notre commission a fait le choix de ne pas approuver que l’on réforme l’archéologie préventive ou les procédures de protection prévues par le code du patrimoine au détour d’amendements extérieurs. Ces dispositions, dont on perçoit bien la logique et les motivations, nous semblent faire table rase du travail de fond considérable réalisé par notre assemblée unanime lors de l’élaboration de la loi Grenelle 2 portant engagement national pour l’environnement ou de l’examen à venir du projet de loi sur les patrimoines qui nous sera soumis en 2013, comme l’a rappelé à plusieurs reprises la ministre de la culture.
Alléger les normes sans prendre le temps de la réflexion et de la concertation peut donner l’illusion d’accorder une plus grande liberté aux collectivités territoriales. Il est certes tentant de modifier un élément circonscrit d’un dispositif ou d’une procédure, mais si cela doit susciter de nouveaux dysfonctionnements faute d’en avoir anticipé les répercussions sur l’ensemble de la politique publique, alors on ne fait que créer de nouvelles contraintes pour les collectivités, victimes de l’instabilité juridique après l’avoir été de l’inflation normative.
Comme le dit Jean-Pierre Bel, « le sujet n’est pas facile ». Je pense que le législateur doit être capable d’apprécier les paradoxes d’une démarche de simplification normative, paradoxes qui ne sont pas sans rappeler la phrase de Cicéron : « Nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres. » Faisons donc attention à ne pas créer de nouvelles entraves à la liberté d’administration de nos collectivités en croyant bien faire, en pensant simplifier leur environnement législatif et réglementaire !
J’en viens maintenant au cœur des sujets traités par la commission de la culture.
Je commencerai par l’article 27, dont l’examen au fond nous a été délégué et dont nous avons voté la suppression.
La nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine présentée initialement par cet article visait « à permettre l’aboutissement des conventions de diagnostic dans des délais compatibles avec les opérations d’aménagement ».
L’article 27 introduisait un nouveau délai : aux termes du texte de notre collègue Éric Doligé, la convention doit être signée dans un délai de deux mois à compter de sa réception par la personne projetant d’exécuter les travaux. À défaut de signature de la convention dans ce délai, le représentant de l’État dans le département peut être saisi par une des parties et fixer la date de début de réalisation des diagnostics. Si le défaut de signature est lié à un désaccord sur certaines dispositions, ces dernières sont déterminées par le préfet de département. En l’absence de décision de celui-ci dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, la prescription est réputée caduque.
Il n’est évidemment pas question pour nous d’éluder le problème des délais, que notre ancien collègue Yves Dauge et Pierre Bordier avaient déjà mis en évidence dans leur rapport de juillet 2011 relatif à l’archéologie préventive. Ils avaient d’ailleurs précisément souligné que la durée de conclusion de la convention a pu, en l’absence de contrainte normative, constituer une marge de manœuvre exploitée de façon abusive dans certains cas.
Sur le fond, nous souscrivons à toute démarche visant à améliorer le droit existant et à fluidifier la chaîne de l’archéologie préventive, depuis la présentation du projet d’aménagement jusqu’à la production du rapport de fouilles. Pour autant, il ne s’agit pas aujourd’hui d’alléger les normes au mépris de la cohérence de l’ensemble normatif ou de la sécurité juridique des différents acteurs.
Or une étape décisive pour l’archéologie préventive est en train de se dessiner. Lors des journées nationales de l’archéologie, le 22 juin dernier, la ministre de la culture a annoncé la constitution d’une commission d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive. Installée très récemment, le 5 octobre, cette commission a pour mission de remettre un Livre blanc de l’archéologie préventive au plus tard au mois de mars 2013. Ses propositions devraient être reprises dans le volet « archéologie » du projet de loi sur les patrimoines, également annoncé pour 2013.
Dans un tel contexte, il serait préjudiciable de modifier un seul article du code du patrimoine, alors que l’ensemble du système va être analysé, évalué et, éventuellement, repensé. Ce serait une source d’instabilité juridique tant pour les membres de la commission d’évaluation que pour les acteurs de l’archéologie préventive, dont les collectivités territoriales, qui risqueraient de devoir, une fois de plus, s’adapter à deux changements normatifs successifs en moins d’un an.
Si l’objectif visé au travers de l’article 27 est noble, il paraît néanmoins nécessaire de ne pas se lancer aujourd’hui dans une réforme, compte tenu du contexte que je viens d’évoquer. J’ajoute qu’une réforme du financement de l’archéologie préventive, engagée par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011, est en cours et se poursuit avec le projet de loi de finances pour 2013. Parallèlement à cette réforme, qui devrait déboucher sur un versement de la redevance d’archéologie préventive à la réalisation des travaux, et non plus en début d’ année, une réforme de la gouvernance de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, a été amorcée via un contrat de performance, afin que toutes les conditions soient réunies pour accélérer les chantiers et le traitement des dossiers par l’établissement public.
Concernant le fond de l’article 27, je rappelle que la rédaction proposée initialement pour le deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine soulevait plusieurs difficultés.
Tout d’abord, il était prévu de confier un rôle de médiateur et d’arbitre au préfet de département, alors que c’est le préfet de région qui intervient à tous les stades de mise en œuvre de la politique d’archéologie préventive.
Ensuite, ce texte imposait une signature dans les deux mois suivant la réception du projet de convention, sans préciser certaines conditions essentielles telles que les garanties de libération des terrains concernés, lesquelles constituent pourtant une information indispensable à l’arrêt d’une date de début de travaux de diagnostic. En outre, il est difficile d’apporter une réponse globale, en termes de délai, pour des projets d’aménagement très divers, dont la nature, les coûts et le caractère d’intérêt général peuvent considérablement varier.
Enfin, le fait que le préfet de département puisse imposer aux deux parties non seulement les délais, mais aussi les dispositions contenues dans la convention, peut sembler d’autant plus dangereux que, s’il ne tranche pas les différentes questions dans un délai fixé par décret, la prescription est réputée caduque.
Cette disposition me semble particulièrement critiquable, et toutes les personnes auditionnées sur le sujet partagent ce point de vue. En effet, la caducité n’efface pas les vestiges archéologiques dont on présume la présence sur les terrains pour lesquels des diagnostics ont été prescrits. Cela signifie que si l’aménageur débute les travaux et tombe sur des vestiges, alors la loi du 27 septembre 1941 modifiée portant réglementation des fouilles archéologiques s’appliquera. Son titre III, codifié aux articles L. 531-14 et suivants du code du patrimoine, prévoit que, en cas de découvertes fortuites, le chantier doit être immédiatement arrêté, les terrains étant considérés comme classés.
Autant dire que la solution proposée à l’article 27 serait pire, en termes de coûts et de perturbations pour les collectivités, que la situation actuelle.
Pour toutes ces raisons, notre commission a adopté un amendement de suppression de l’article 27. Elle a également, en toute logique, adopté un avis défavorable à l’amendement extérieur déposé sur cet article et présentant une version légèrement modifiée de la rédaction initiale.
Je souhaiterais maintenant aborder les articles dont la commission de la culture s’est saisie pour avis.
Il s’agit, tout d’abord, de l’article 1er, qui, selon M. Doligé, visait à introduire dans le droit positif, plus précisément dans le code général des collectivités territoriales, le principe de proportionnalité des normes et celui de leur adaptation à la taille des collectivités.
Cet article a été supprimé par la commission des lois. Je dois avouer que nous étions dubitatifs quant à la mise en œuvre d’un principe d’adaptation, et donc de dérogation aux lois, accordant une très large part d’appréciation au pouvoir réglementaire.
Là encore, c’est un sujet que le président du Sénat n’a pas manqué d’aborder lors de son discours de clôture des états généraux de la démocratie territoriale. Jean-Pierre Bel a défini ainsi les limites du principe d’adaptation des normes qui ont justifié la suppression de l’article 1er :
« Nous pourrons aussi réfléchir à un pouvoir d’adaptation locale de la loi, pour prendre en compte, lorsque l’intérêt général le justifie, les particularités du territoire. […] Bien sûr, le chef de l’État l’a indiqué, un tel pouvoir ne pourrait être général, car le risque d’affaiblir le principe d’égalité des citoyens devant la loi, fondement de notre République, serait trop grand. Mais l’uniformité ne garantit pas l’égalité. Il faudra trouver un équilibre. »
Sans revenir sur l’ensemble du dispositif de l’article 1er tel qu’il figurait dans le texte initial, je souhaite tout de même rappeler que le I de cet article prévoyait que la loi puisse autoriser le préfet de département à prendre des mesures dérogatoires. Les dispositions étaient ensuite déclinées dans trois domaines qui soulèvent des difficultés particulières, dont celui des établissements recevant du public. Ainsi, étaient prises en compte les contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural. Le préfet de département pouvait constater les difficultés particulières que cela induit, selon des règles précisées par décret en Conseil d’État déterminant des dérogations de plein droit, alors que celles-ci relèvent aujourd’hui d’une faculté accordée à titre exceptionnel.
Si la prise en compte des contraintes liées à la conservation du patrimoine architectural ne soulève pas de difficulté particulière de notre point de vue, nous nous étions interrogés, dès le début, sur la portée de la disposition prévoyant de façon très générale un système dérogatoire. Nous avions en effet constaté que le texte ne donnait pas d’indications précises sur la façon dont seraient définies les mesures dérogatoires. On ne peut imaginer que la loi n’encadre pas davantage le pouvoir réglementaire, afin que ce dernier puisse s’appuyer sur des critères suffisamment précis ; sinon, on risque d’aboutir à une application de la loi à la carte, chaque préfet de département pouvant apprécier différemment l’ampleur des adaptations nécessaires. Déroger à la loi nécessite un cadre juridique plus précis, que le législateur doit donner non pas de façon générale, mais à l’occasion de l’élaboration de chaque loi imposant de prévoir de telles mesures d’adaptation.
Évoquons maintenant l’article 2, sur lequel la commission de la culture a donné un avis. Le II de cet article avait initialement pour objet de soumettre les évolutions des normes sportives prévues par les fédérations à un avis de la commission consultative d’évaluation des normes.
Je n’ai pas besoin d’insister ici sur l’importance de cette question, qui constitue un enjeu réel pour nos collectivités.
Les modifications des normes relatives aux équipements sportifs peuvent en effet avoir de lourdes conséquences pour les communes, propriétaires à 80 % des structures sportives, bien souvent sans que l’intérêt d’une telle évolution soit majeur pour le sport en question.
L’Assemblée nationale avait présenté un rapport d’information sur ce thème dès 2005, qui avait conduit à la mise en place, en 2009, de la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs.
En 2011, le rapport de M. Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales dressait cependant un constat sévère sur cette question, faisant état de défauts récurrents de saisine préalable de la CERFRES, d’une représentation insuffisante des collectivités, de la perfectibilité des notices d’impact, de conditions de classement fédéral discutables, ou encore de délais d’application peu raisonnables.
Lors de ses travaux sur la présente proposition de loi, la commission de la culture s’est vu confirmer, notamment par l’Association nationale des élus en charge du sport, l’ANDES, que les évolutions ininterrompues des normes sportives, parfois dues à des fédérations sportives nationales, suscitaient de vives inquiétudes. Ces évolutions sont censées concerner les clubs, et non pas directement les collectivités, mais c’est bien, au final, les communes qui sont sollicitées pour mettre à niveau les équipements.
L’idée d’imposer que la CCEN émette un avis sur ces normes sportives posait cependant problème. En effet, cette instance n’est supposée donner d’avis que sur les normes s’appliquant directement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, ce qui n’est pas le cas des normes sur lesquelles la CERFRES formule un avis. Outre ce problème de fond, la surcharge de travail que connaît déjà la CCEN risquait de se trouver largement aggravée.
Il apparaît donc que la solution tendant à renforcer la représentation des collectivités territoriales au sein même de la CERFRES était plus pertinente, sur le fond comme en pratique. L’article 2 bis, introduit par la commission des lois, qui a, en parallèle, supprimé les dispositions relatives aux normes sportives de l’article 2, a pour objet d’améliorer cette représentation.
L’article 2 bis prévoit l’inscription dans la loi de l’existence de la CERFRES, ainsi qu’une composition à parité entre les représentants des collectivités territoriales et les autres membres.
Considérant que ces dispositions remédiaient à une lacune de notre droit et répondaient à une demande des collectivités territoriales, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les dispositions prévues par l’article 2 bis.
Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les réflexions que nous a inspirées cette proposition de loi. La commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption des dispositions présentées dans le texte de la commission des lois, au bénéfice des avis que je viens de formuler concernant les amendements qui nous étaient soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames les ministres, madame le rapporteur, mes chers collègues, la commission du développement durable a été saisie pour avis des dispositions de la proposition de loi relatives à l’environnement. Elle a ainsi examiné les quatre articles constituant le titre IV consacré à la problématique de l’environnement, dont la commission des lois a accepté de lui déléguer l’examen au fond. De même, il m’a été demandé de donner mon opinion, en tant que rapporteur pour avis, sur les amendements portant sur ces articles ou sur des sujets environnementaux additionnels.
Avant d’entrer dans le détail des dispositifs, je voudrais dire, à titre personnel, ma satisfaction d’intervenir sur ce texte majeur pour nos collectivités et leurs élus,…
M. Charles Revet. C’est vrai qu’il est important !
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. … quoiqu’il ait été amputé de plusieurs de ses articles essentiels depuis son passage en commission des lois.
Le constat est unanime : nos élus locaux ploient sous la charge grandissante et exorbitante des normes qu’on leur demande de respecter ou de mettre en application. Ce sujet, loin d’être nouveau, revient trop souvent au cours des réunions que nous organisons régulièrement, les uns et les autres, au sein de nos départements et dans le cadre de l’Association des maires de France. Contrairement à ce qu’a dit précédemment notre collègue Didier Guillaume, cette question n’est pas apparue lors des états généraux de la démocratie territoriale : son importance a simplement été confirmée.
Je veux saluer la qualité du travail de notre collègue Éric Doligé, initialement saisi du sujet au travers d’un rapport. Il faut rappeler que les associations d’élus avaient été très largement associées à ses travaux, dont une première traduction législative a été rejetée, en février dernier, par l’actuelle majorité de cette assemblée. Cette obstruction était plus que regrettable, sachant le caractère d’urgence de la simplification normative pour nos élus locaux. La majorité a semblé, cette fois, consentir à l’adoption du présent texte ; mais à quelles conditions ? Nous le verrons au fil de la discussion.
Le Président de la République lui-même a admis récemment que « nous ne pouvons plus accepter cette situation en termes de coût pour les collectivités, en termes de délai pour les procédures ». On ne peut évidemment que s’en réjouir.
Il a également souhaité que le droit des collectivités à expérimenter et à adapter les normes qui leur sont applicables soit étendu, ce qui est également positif. Or c’est précisément ce que prévoyait l’article 1er, que la commission des lois a souhaité supprimer.
La possibilité d’adapter les normes aux capacités des collectivités locales en fonction de la taille des communes répondait à une forte attente des élus, spécialement de ceux des départements et des communes du monde rural. Il est évident que l’application uniforme, sans aucune prise en compte de la réalité, de la loi ou du règlement sur l’ensemble du territoire crée des incohérences et des difficultés totalement injustifiées pour de petites communes !
Le président du Sénat a récemment appelé la commission des lois et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à « lui faire de nouvelles propositions » de simplification, dont les orientations ont été données, le 6 octobre dernier, par le Président de la République.
La majorité aurait pu profiter de l’examen de cette proposition de loi de M. Doligé pour apporter une traduction législative à certaines de ces orientations et donner du temps à ce débat. Tel n’est pas le cas.
J’en viens maintenant à la présentation des quatre articles dont la commission du développement durable a été saisie pour avis.
L’article 28 tend, d’une part, à reporter de six à neuf mois le délai, à compter de la clôture de l’exercice, dans lequel le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale doit présenter le rapport annuel sur le prix et la qualité du service pour ce qui concerne, notamment, les services de distribution d’eau potable et d’assainissement.
Cet article rend obligatoire, d’autre part, la transmission des données du rapport au système d’information de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. La commission du développement durable a déposé un amendement tendant à rendre facultative cette transmission pour les communes de moins de 3 500 habitants.
L’article 29 avait pour objet de faire du service de gestion des eaux pluviales, actuellement service public administratif, un service public industriel et commercial, comme le sont déjà les services de distribution d’eau potable et d’assainissement. Cette réforme semblait, a priori, de nature à homogénéiser les conditions de fonctionnement de tous les services locaux chargés de l’eau et de l’assainissement.
Toutefois, ce changement de nature impliquerait un financement par redevance. Or, le texte de l’article 29 ne prévoyait pas d’autre ressource que l’affectation de la taxe annuelle sur les eaux pluviales, qui est facultative et d’un rendement très insuffisant. La commission du développement durable a donc proposé la suppression de cette disposition, manifestement inaboutie. M. Doligé est d’ailleurs du même avis, puisqu’il a présenté en commission un amendement de suppression de l’article 29.
L’article 30 vise à unifier à l’échelon régional, en un plan unique de prévention et de gestion des déchets, les trois catégories de plans existant actuellement : le plan régional d’élimination des déchets dangereux, le plan départemental de prévention et de gestion des déchets non dangereux, et le plan départemental de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiments et des travaux publics.
À cet article, la commission du développement durable a apporté trois modifications : la première vise à faire siéger au sein de la commission consultative qui contribue à l’élaboration et au suivi du plan régional unifié des représentants des groupements de communes ; la deuxième tend à faire siéger des représentants des associations agréées de consommateurs, comme c’est actuellement le cas au niveau des plans départementaux ; la troisième a pour objet de supprimer une disposition qui autorisait la Corse à déroger à la limite de 60 % du volume des déchets produits fixée pour le dimensionnement des installations d’incinération et d’enfouissement des déchets ultimes.
Enfin, l’article 31, dans sa rédaction initiale, permettait aux communes de plus de 50 000 habitants, qui sont tenues d’élaborer un plan climat-énergie territorial, de confier cette mission à une intercommunalité dont elles sont membres.
À cet article, la commission du développement durable a proposé de reporter du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2013 la date butoir pour adopter les plans climat-énergie territoriaux, afin d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif.
Telles sont les modifications apportées à la proposition de loi par la commission du développement durable. Je donnerai aussi mon avis, au cours de la discussion des articles, sur les cinq amendements portant sur le titre IV, en m’exprimant à titre personnel puisque la commission ne s’est pas réunie pour les examiner.
J’observe avec grand intérêt que deux de ces amendements, déposés par nos collègues Hervé Maurey et Alain Houpert, abordent le problème du financement des services d’assainissement. En effet, les règles applicables en matière de service public de l’assainissement non collectif, ou SPANC, apparaissent comme un cas d’école en termes d’imposition de contraintes nouvelles aux collectivités territoriales sans que toutes les conséquences en aient été bien mesurées.
Je rappelle que le SPANC, institué par la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, devait être effectivement mis en place avant la fin de l’année 2005. Or, par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006, il a fallu repousser au 31 décembre 2012 l’entrée en vigueur du premier contrôle des installations existantes et revoir le régime du SPANC.
Aujourd’hui, alors que l’échéance du 31 décembre 2012 approche, la mise en œuvre du SPANC apparaît toujours aussi problématique sur le terrain. Je peux, à cet égard, m’appuyer sur l’analyse critique faite par le Conseil d’État dans son rapport de 2010 sur le droit de l’eau. Il y est indiqué que de 70 % à 80 % des quelque 5 millions d’installations d’assainissement autonomes seraient non conformes aux normes en vigueur, ce qui implique que, au rythme actuel des réhabilitations, estimé à 30 000 par an, il faudrait cent trente ans pour parvenir à une situation normale.
Si nous pouvions contribuer, par ces deux amendements, auxquels je donnerai un avis favorable, à faire en sorte que les normes en matière d’assainissement soient un peu plus réalistes et soutenables financièrement, nous rendrions un grand service aux communes.
En revanche, je donnerai un avis défavorable à un amendement qui tend à autoriser les communes à moduler le tarif de l’eau sur l’année en cas de variation saisonnière de la consommation. Il m’est en effet apparu que son dispositif serait d’application complexe et surtout que celui-ci excédait largement son objet, puisqu’il ouvre cette faculté de modulation à toutes les communes, qu’il y ait ou non un effet saisonnier.
Enfin, même si la commission des lois est d’un avis contraire, je ne peux pas être favorable au dernier amendement, car il tend à supprimer l’article 30, que la commission du développement durable a, pour sa part, approuvé.
En conclusion, j’espère vivement que cette séance permettra l’adoption du texte d’Éric Doligé et la réintroduction de principes essentiels pour faciliter la vie quotidienne des élus. Si nous pouvions travailler à rendre les lois plus réalistes et plus propres à répondre aux besoins quotidiens de nos concitoyens, nous rendrions un grand service à nos élus et aux collectivités locales.
À l’instar de mes collègues de l’opposition, je regrette profondément que nous ne disposions que de quatre heures pour débattre de ce texte important, alors même que certains créneaux sont inexploités. Par exemple, nous aurions pu poursuivre la discussion ce soir. Est-ce cela, cette démocratie territoriale que l’on nous a tant vantée lors des récents états généraux organisés par le Sénat ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Charles Revet. Bravo, monsieur Pointereau !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, les sociétés sans normes, ce sont des sociétés soumises à l’anarchie ; une société sans règles, c’est une société inconstituée.
À quoi sert le Parlement sinon à faire inlassablement des lois, c’est-à-dire des règles, autrement dit des normes ?
M. Charles Revet. Mais pas sur tout et n’importe quoi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue, et c’est pourquoi le Parlement, de surcroît le Sénat, doit légiférer avec sagesse.
M. Charles Revet. La sagesse sénatoriale !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. À quoi sert la politique sinon à définir les normes, les règles du vivre ensemble ? À défaut, ni les droits, ni l’égalité, ni la justice ne seraient aucunement garantis. Aussi, je ne voudrais pas qu’un mouvement se fasse jour ici qui aurait pour effet de nier ce que nous sommes, ce que nous avons pour mission d’accomplir.
Je note quelques contradictions : les mêmes qui, le matin, protestent contre l’abondance des normes se battent, l’après-midi, amendement après amendement, pour en créer davantage ! Je me suis demandé pourquoi il en allait ainsi.
En 1529, Geoffroy Tory, imprimeur, a écrit un livre intitulé Champfleury, dans lequel il a introduit une multitude de normes : des accents circonflexes, des cédilles, de la ponctuation. Les puristes se sont alors récriés contre tous ces signes qui n’avaient rien à voir avec le génie de la langue française. Quand, trois siècles plus tard, il fut envisagé de supprimer certains de ces signes et certaines de ces normes, leurs successeurs se sont indignés qu’il fût porté atteinte à l’essence même de la langue et à ce qui faisait son génie.
Je me suis demandé pourquoi il existait finalement tant de normes. J’ai pensé que la société était sans doute toujours plus complexe.
M. Charles Revet. On la complexifie beaucoup !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’ai pensé également que l’ardent désir de normes que nos concitoyens comme nous-mêmes exprimions parfois trouvait peut-être son origine – je formule là une hypothèse – dans ce principe de précaution que nous aimons tant, dit-on.
Pour ma part, je n’ai pas voté l’inscription de ce principe dans notre Constitution. Nos sociétés sont traversées d’une véritable angoisse, d’une véritable inquiétude qui les conduit à créer des normes sur tous les sujets. Le principe de précaution incite à prendre autant de précautions que nécessaire pour que personne ne puisse être accusé un jour d’avoir agi de manière irraisonnée.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’ajoute que la société sans risque n’existe pas, et qu’une telle société risque d’être aussi triste que celle régie par une multitude de normes.
Il est bon que notre collègue Éric Doligé ait fait tout ce travail.
M. Charles Revet. Un travail important qui mérite d’aboutir !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est bon que Mme Gourault, rapporteur au fond, et MM. Bourquin, Lozach et Pointereau, rapporteurs pour avis, aient eux aussi fait tout ce travail.
D’ailleurs, je me permets de faire remarquer à M. Pointereau que la plupart des amendements qu’il a présentés, à une exception près, ont été adoptés ce matin par la commission des lois.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Après tout, il n’est pas étonnant que les états généraux de la démocratie territoriale aient manifesté le même désir d’une rationalisation de ces normes, certes utiles, mais parfois exorbitantes par leur nombre.
Le souhait formulé par M. Bel de voir le Sénat tout entier reprendre et prolonger ce qui a été dit par les élus lors de ces états généraux va dans le même sens. Notre président a dit et redit, nous l’avons tous entendu, son vœu que nous nous rassemblions sur ces sujets et que des propositions soient formulées recueillant un large accord, propositions auxquelles pourrait contribuer la Sénat.
Bien entendu, je l’ai dit précédemment, ce débat s’inscrit dans ce cadre et je souhaite de tout cœur que nous aboutissions ensemble.
S’agissant du statut des élus – même si l’expression est quelque peu impropre –, il est nécessaire que des dispositions soient prises pour qu’un plus grand nombre de nos concitoyens puissent accéder aux fonctions électives. Comment ignorer, par exemple, le cas, évoqué lors de ces états généraux, de ces maires de petite commune qui n’osent pas faire voter l’indemnité à laquelle ils ont droit ou bien la situation de certains de nos collègues issus du secteur privé ou de professions libérales qui éprouvent des difficultés, lorsqu’ils ne sont pas réélus, à retrouver leur emploi ?
Toujours est-il que le président du Sénat a la volonté de faire converger des solutions, et j’espère bien que nous y parviendrons.
Mes chers collègues, le risque auquel nous confronte la présente proposition de loi est celui du syndrome des « lois Warsmann ». Lorsqu’on examine un texte qui porte sur une multitude de sujets, la tentation est grande pour tout un chacun d’en ajouter d’autres encore, au risque qu’on ne s’en sorte plus. C’est pourquoi nos collègues, à quelque groupe qu’ils appartiennent, ont été sages de ne pas multiplier les amendements comme ils auraient pu le faire.
Ensuite se pose une question centrale, celle de l’adaptabilité des normes à la taille des communes. De fait, on n’imagine pas que le code de la route s’applique différemment selon la taille des communes, selon qu’elles sont grandes, moyennes ou petites. C’est une évidence ! En matière de santé publique, de règles de sécurité, de règles de protection, on est en droit de demander que les normes s’appliquent sur tout le territoire de la République française dans le respect du principe d’égalité.
Nous ne nourrissons aucune hostilité de principe à une réflexion portant sur la proportionnalité des normes et leur adaptation à la taille des collectivités, objet de l’article 1er du texte initial, mais il nous paraît tout simplement très difficile d’envisager des règles, des normes et des lois à géométrie variable, et de surcroît je n’aime pas cette expression « la loi peut prévoir », parce qu’il va de soi que la loi peut prévoir… conformément à l’article 34 de la Constitution.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas procéder à des simplifications : la demande en la matière est forte, et tout ce qu’il sera possible de faire en ce sens sera bénéfique, même s’il faut avoir à l’esprit les limites de l’exercice qui tiennent au désir de protection, au désir de garanties, au désir de précaution, autant de désirs qui ne sont pas de simples vues de l’esprit.
Ce débat est essentiel, car il s’agit de défendre à la fois les libertés, l’esprit d’initiative et l’esprit d’entreprise – lesquels ne s’accommodent pas d’un nombre excessif de contraintes –, et, dans le même temps, ce qui fait l’essence de la politique et du travail législatif, à savoir la production de normes.
Nous sommes à la recherche de cet équilibre, cet équilibre entre le rôle de la puissance publique et la garantie des libertés et de la capacité d’initiative. Cette recherche est celle de l’esprit républicain qui nous anime toutes et tous et qui nous donne la joie d’être ici cet après-midi pour travailler sur cet important sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes appelés aujourd’hui à discuter de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales. Ce texte, déposé initialement au mois d’août 2011, faisait suite à votre mission, monsieur Doligé, au cours de laquelle vous aviez identifié pas moins de 268 mesures censées réduire les coûts et les contraintes pour les collectivités et accélérer les procédures administratives.
Votre rapport s’ajoutait à celui de votre collègue Claude Belot, qui avait évoqué, quelques mois auparavant, une maladie de la norme, et il fut suivi, en mars 2012, du rapport de M. Morel-A-L’Huissier, député de la Lozère, qui voulait, lui, simplifier les normes au service du développement des territoires ruraux. Ma collègue Anne-Marie Escoffier connaît désormais cet engagement par cœur…
Permettez-moi de réinscrire ces travaux dans leur contexte.
Dans son intervention devant le groupe de travail commun à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la qualité de la loi, en juin 2010, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, indiquait que le code général des collectivités territoriales avait été modifié quarante fois en 2009, autant qu’en 2007 et en 2005. À cette date précise, c’était sans compter les modifications apportées par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « loi Grenelle II », qui allaient être votées juste après son audition.
Tant de modifications législatives en moins de dix ans ont eu raison des meilleures volontés sur les territoires.
Pendant dix ans, les collectivités ont été vues comme une variable d’ajustement de la politique de la nation, tout juste consultées, considérées souvent comme dépensières et peu dignes de confiance, responsables, disait-on, de la situation de notre pays. On peut alors comprendre que des voix se soient élevées pour tenter de relayer l’exaspération des élus locaux, une exaspération juste, une lassitude légitime. Tous les rapports ont fait le même constat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous ces griefs forment une réalité pour laquelle les états généraux de la démocratie territoriale, organisés par la Haute Assemblée, ont été la caisse de résonance : des élus lassés des normes illisibles et changeantes, complexes et même parfois absurdes, coûteuses et jamais négociées, d’autant plus démunis que les services de l’État reculent sur leurs territoires. Nous en sommes même arrivés à l’aube du point de rupture.
Plus rien ne passera désormais sans être examiné à la loupe par votre assemblée. C’est une bonne chose ! C’est une des raisons d’être du Sénat.
Le Gouvernement, qui a compris la situation, sera à vos côtés. Pour cela, il entend travailler sérieusement sur la question de la production normative, de son coût pour les collectivités et des moyens de limiter les effets pervers des normes existantes.
Cette réforme, nous la devons aux élus locaux, qui donnent chaque jour de leur temps et de leur volonté, souvent à titre bénévole ou en contrepartie d’une très faible indemnisation ; nous la devons aux Français ; nous vous la devons, vous qui portez la voix des élus et des citoyens de nos collectivités.
Revenons à votre proposition de loi, monsieur Doligé.
Passées au tamis de la commission des lois du Sénat et au terme d’un travail extrêmement consciencieux de Mme la rapporteur, les propositions qui figuraient dans le rapport ne sont plus très nombreuses, et ce pour plusieurs raisons.
Les premières sont de pure forme : toutes les simplifications normatives ne relèvent pas du pouvoir législatif. Certains chantiers pertinents devront en effet être menés par le Gouvernement et l’administration de l’État. Je m’y engage d’autant plus fermement que le Président de la République en a fait solennellement la demande lors des états généraux de la démocratie territoriale et que le Premier ministre, immédiatement après cette déclaration, nous a confirmé, à Anne-Marie Escoffier et moi-même, cette mission.
Des raisons politiques plus profondes expliquent également la modification de votre texte : la simplification des normes doit être conduite avec prudence, sans laisser place à la moindre suspicion de dérégulation. Ministre de la réforme de l’État, je tiens à dire ici le sens de la norme, sans doute un peu moins bien que M. le président de la commission des lois…
Héritage du droit civil romain, notre système juridique est fait de normes prescriptives, énoncées par des autorités légitimes, qui sont nombreuses sous la Ve République et depuis la construction européenne : le législateur, les administrations centrales et locales, mais aussi l’Europe produisent de la norme. Je note d’ailleurs que la transposition d’une directive européenne en droit interne compte parfois jusqu’à quarante, cinquante, voire soixante articles, si ce n’est plus, là où un seul suffirait.
Les décisions de justice produisent elles aussi de la norme. À cet égard, Anne-Marie Escoffier a rappelé à juste titre la judiciarisation à laquelle sont confrontés nos élus locaux. Convenons-en ici, le juge lui-même dispose d’une capacité d’interprétation de la norme. Nous le savons tous, nous qui, amenés à écrire la loi en tant que législateur, avons un jour été conduits à expliciter nos intentions pour qu’elles soient bien comprises de ceux qui auraient un jour à interpréter la loi. Les normes sont le produit du système juridique propre à l’État de droit, et dans un État de droit, la norme est a priori légitime.
L’existence de nombreuses normes n’est pas non plus, en soi, la marque d’un dysfonctionnement du système. Faites l’exercice en ouvrant un code – le code de l’urbanisme, le code de la route, le tout récent code des transports – et posez-vous la question de l’origine de chacune des dispositions qui y figurent : organisation des services, exigence de sécurité, protection des personnes vulnérables. Toutes les normes ont eu pour origine la volonté de leur prescripteur de servir l’intérêt général. Dans ces conditions, rien n’est plus difficile que de revenir sur le passé, de réécrire ce qu’on a écrit sans craindre de défaire un arsenal juridique qui apportait, somme toute, quelques garanties.
Oui, souvent la norme protège, mais elle ne fait pas que protéger ! La normalisation a permis à des filières industrielles entières de faire des bonds de productivité ou d’innovation, en obligeant les acteurs à trouver de nouveaux processus de fabrication. La norme peut même se faire protectionniste. Nous pointons souvent du doigt l’utilisation qui en est faite outre-Atlantique, mais sommes-nous certains de ne pas avoir parfois la même intention ?
Anne-Marie Escoffier et moi-même avons eu l’honneur de parler aujourd’hui de ce sujet avec Alain Lambert ; je vous propose donc, au lieu de faire le procès de la norme, de réfléchir aux raisons pour lesquelles la machine s’est emballée,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et pourquoi certaines lois qui ont constitué de réels progrès humains, sociaux et environnementaux pèsent aujourd’hui si lourd dans le quotidien de nos collectivités. Voilà en quels termes je souhaite que soit posé le débat !
Pourquoi la loi de 2005 a-t-elle pris autant de retard dans son volet « accessibilité » ? Pourquoi n’a-t-elle pas permis le développement de nouvelles technologies, de nouveaux services ? Quelles lourdeurs, quelles rigidités ont conduit au constat d’échec que vient de faire la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois voilà quelques jours ?
Pourquoi, alors que les normes issues du Grenelle de l’environnement sont aujourd’hui montrées du doigt pour leur coût, nos collectivités, nos entreprises, les acteurs de notre territoire et l’État n’ont-ils pas réussi à s’adapter à ces nouvelles contraintes ? Que s’est-il passé entre le point de départ – une bonne volonté manifeste des uns et des autres – et le résultat, c’est-à-dire l’application de ces normes ? Trop de normes pointilleuses ? Sans doute. Peu de place laissée à la créativité ? Certainement. Est-ce un manque de confiance dans le sens de l’intérêt général et de la responsabilité des élus ? Peut-être.
Un changement de sens appelle un changement de méthode.
Ces cinq dernières années, le Parlement a examiné pas moins de quatre lois de simplification du droit portées par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Souvenons-nous ensemble des lois Warsmann : la première a été déposée le 21 septembre 2007 ; la suivante a été déposée le 22 juillet 2008 et adoptée le 12 mai 2009. Elle contenait déjà 140 articles.
La troisième proposition a été adoptée le 14 avril 2011, au terme d’un débat de près de deux ans. La loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit contenait, en bout de course, 200 articles. Sur 41 décrets nécessaires à son application, 36 n’ont pas été publiés, ni rédigés d’ailleurs…
Le quatrième texte Warsmann de 2011 ne contient pas moins de 134 articles concernant dix-huit codes différents,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On s’en souvient !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et, là encore, 30 décrets, sur les 35 qui seraient nécessaires, sont en attente de publication !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Que fait le Gouvernement ? (Sourires.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous y travaillons, monsieur le président de la commission, mais on parle souvent à mauvais escient des héritages. Celui-là est lourd !
Pis, s’il est un domaine où le mieux peut être l’ennemi du bien, c’est bien celui de la simplification des normes. Souvenons-nous également que c’est dans la loi Warsmann II qu’un article supposé supprimer des dispositions du code pénal prétendument « tombées en désuétude » avait conduit à supprimer le pouvoir du juge de dissoudre une personne morale condamnée pour escroquerie.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Négligence ? Je ne sais. Une semaine après la promulgation de la loi, le 25 mai 2009, s’ouvrait le procès de l’Église de scientologie pour escroquerie au cours duquel le procureur demandait la dissolution de l’organisation !
Voilà pourquoi il me paraît sage de prendre le temps de s’atteler à un tel chantier pour ne pas prendre des décisions qui semblent évidentes mais qui pourraient ensuite se révéler inopportunes. Nous prenons le temps avec vous, monsieur Doligé.
Comment concilier la demande d’intervention publique, qui appelle nécessairement des précisions et des adaptations pour être efficace, et le respect des principes et libertés fondamentales reconnus par la Constitution ?
Comment concilier la demande d’adaptation aux situations locales et la simplicité, la lisibilité du droit que nous devons à tous les citoyens ?
C’est tout l’enjeu de l’adaptation des normes. Que ce soit en milieu rural ou ailleurs, la question du principe d’égalité se pose, mais pas seulement. Assumer des variations d’un territoire à l’autre dans notre République, c’est assumer une autre forme de complexité. Dans un pays et à l’heure où les femmes et les hommes sont mobiles, la diversité des règles dans les territoires ne saurait faire d’ombre ni à l’égalité des citoyens face aux droits fondamentaux ni à l’égalité d’accès aux services publics, notamment en matière de droits sociaux. Le vieil adage « Nul n’est censé ignorer la loi » aurait également quelques difficultés à s’adapter à cette « adaptabilité ».
Il est temps de reconnaître la diversité de nos territoires. La diversité des droits, elle, est déjà une réalité du fait de la décentralisation : dans telle agglomération, les personnes sans emploi ne paient pas les transports, dans telle autre, elles les paient ; dans tel département, l’aide à domicile est assortie d’autres aides communales ou intercommunales ; dans telle région, une PME peut trouver des aides à l’implantation qu’elle ne trouvera pas dans une autre. C’est l’effet de la décentralisation, de la responsabilité des élus.
Cette diversité des politiques publiques locales est donc déjà une réalité pour nos concitoyens. Il ne faut pas en avoir peur. Au contraire, elle est source d’émulation et de progrès.
Pour combiner exigence de progrès et respect des principes fondamentaux de notre Constitution, nous prenons le temps de répondre à ces questions dans la plus grande sérénité. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis sur l’adaptation des normes aux réalités locales. En effet, nul n’ignore ici que nous préparons d’autres textes concernant la décentralisation. Il sera donc extrêmement important d’obtenir cette réponse bien en amont de la présentation de ces projets de loi au Sénat.
Le Gouvernement n’entend pas se limiter à la question de la simplification ou de l’adaptation. Vous l’aurez compris, sous l’impulsion du Premier ministre, il souhaite engager une véritable réforme de l’action publique dans son ensemble, qui passe par un changement des pratiques à tous les niveaux, dont la remise à plat des normes existantes.
Le Président de la République l’a évoqué dans son discours le 5 octobre, la création du Haut Conseil des territoires permettra de faire en sorte que tout nouveau texte ayant des incidences sur les collectivités soit examiné en amont de sa présentation au Parlement, sachant que le législateur veillera également article par article, alinéa par alinéa à ce qu’aucune étude d’impact sur nos collectivités ne fasse défaut.
Le stock de normes existantes fera l’objet d’une attention particulière, et tous les ministères seront appelés à faire le point sur leurs domaines de compétences, dans un délai aussi court que possible. Nous n’avons pas voulu nous enfermer dans un délai de quelques semaines ; de fait, nous savons tous ici quelle sera l’ampleur de ce travail.
Enfin, je le rappelle, le Président de la République a proposé que l’adoption de toute nouvelle norme soit assortie de la suppression d’une norme existante. Cette procédure permettra sans doute de freiner quelques élans !
M. le président de la commission des lois et Mme la rapporteur l’ont rappelé, Jean-Pierre Bel s’est saisi de cette question. Il a confié à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, d’une part, à la commission des lois du Sénat, de l’autre, la mission de formuler des propositions pour donner corps à cette feuille de route.
Aujourd’hui, c’est une chance que la chambre haute se propose de contribuer activement, sur la base d’un travail approfondi, à ce chantier de grande ampleur qui, comme nous le rappelait M. Lambert,…
Mme Nathalie Goulet. L’excellent M. Lambert !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … s’attaque non pas au gaspillage de l’argent public – le terme serait inapproprié – mais aux dépenses excessives, dont le montant total avoisinerait 2 milliards d’euros. Lorsque l’on connaît la situation actuelle du pays et de nos collectivités territoriales, économiser 2 milliards d’euros représenterait une bonne nouvelle !
Prendre le temps, monsieur Doligé, cela suppose d’admettre que nous ne sommes pas encore prêts pour tout. Ainsi, le Gouvernement ne souhaite pas s’engager sur le chemin de l’adaptation des normes sans disposer de l’avis du Conseil d’État.
Certes, j’ai bien lu cet avis, je l’ai même relu à l’instant avec Mme la rapporteur. Mais force est d’observer que son interprétation reste quelque peu délicate. Mme Escoffier l’a souligné il y a quinze jours à l’Assemblée nationale, lors de la discussion de la proposition de loi de Pierre Morel-A-L’Huissier, il est sans doute un peu prématuré de s’engager dans cette voie. Confortons-nous au préalable !
De fait, les juristes avertis nous l’affirment, cela reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore. De leur avis comme aux yeux de certains d’entre vous, ce choix nous exposerait à un contentieux exponentiel et très aléatoire pour les collectivités publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons prendre le temps, mais sans excès. Cela suppose de discuter du texte qui nous est présenté aujourd’hui, pour que les débats alimentent utilement toute initiative future. Nous débattrons de l’avenir de la commission consultative d’évaluation des normes et de l’ensemble de ces propositions.
Prendre le temps, cela suppose d’examiner avec vous, dans le détail, les propositions que vous avancez pour simplifier un certain nombre d’obligations et de démarches qui pèsent aujourd’hui sur les collectivités.
Vous êtes nombreux à avoir demandé la tenue de ce débat. Anne-Marie Escoffier et moi-même nous y sommes engagées.
De surcroît, vous êtes nombreux à souligner que la cherté des normes est sans doute d’autant plus dommageable et difficile à admettre que certaines dispositions actuellement en vigueur sont inutiles et engendrent des pertes de temps. À l’heure de la 4G, c’est incontestable ! Nous examinerons ces questions dans la suite de nos débats.
Prendre le temps, enfin, c’est préparer celles et ceux à qui reviendra la charge d’appliquer et de faire respecter les nouvelles règles du jeu. Une telle réforme de l’État ne se décrète pas. Nous voulons créer le service public de demain. Je le répète, nous engageons une refonte profonde de l’action publique. Nous devrons mener cette réforme avec les collectivités, mais aussi avec nos agents, fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales en particulier. Surtout, nous devrons la mener sans perdre de vue l’objectif que nous nous sommes fixé : l’amélioration de la qualité du service public, au service de tous.
La feuille de route ainsi établie, le message déposé sur le bureau de chaque directeur d’administration centrale – de chaque sous-directeur qui, comme le relevait ce matin M. Lambert,…
Mme Nathalie Goulet. L’excellent M. Lambert !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … peut parfois penser que l’écriture de la norme exige nécessairement quatre-vingts pages – ne resteront pas lettre morte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous, qui êtes si attachés aux collectivités locales, nous sommes persuadés que l’État du XXIe siècle ne ressemblera pas à l’État providence que nous avons connu. Pour autant, l’État ne doit pas oublier sa raison d’être, et vous en êtes conscients ici plus encore qu’ailleurs : au service de l’avènement d’une société plus juste, au chevet de ceux qui ont le plus besoin d’aide et que l’on nomme souvent les plus démunis, au service d’une société de progrès, en soutien aux plus créatifs et aux plus méritants. L’État doit se réformer. Il doit s’assumer comme un État régulateur, un acteur du nouveau monde et des révolutions à venir.
La réforme de l’État et celle de la décentralisation seront consubstantielles l’une de l’autre, et ces chantiers menés conjointement devront participer d’une même ambition : porter sur les fonts baptismaux l’action publique du XXIe siècle !
Au nom d’Anne-Marie Escoffier et du Gouvernement tout entier, je rappellerai, à cette tribune, une vérité trop souvent décriée : l’action publique est indispensable à la cohésion de notre société, d’autant que l’Europe nous dicte également des directives. De plus, si l’action publique est indispensable à la cohésion, à la créativité et au développement de la France, elle ne doit en aucun cas devenir un obstacle.
Tel est l’état d’esprit dans lequel le Gouvernement souhaite ouvrir cette belle discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, le flot des critiques gonfle pour dénoncer les conséquences de la prolifération normative et de l’insécurité juridique qui en résulte de facto.
Les précédents orateurs l’ont rappelé, les états généraux de la démocratie territoriale ont fourni l’occasion aux élus locaux d’exprimer leur exaspération sur ce point. Leurs critiques ont d’ailleurs été rudes. Il faut dire que pas moins de 400 000 normes s’imposent à nos collectivités, du fait des législations nationale et communautaire. Ces législations imposent trop souvent des obligations supplémentaires aux collectivités territoriales, tout en engendrant fréquemment autant de coûts et d’allongements des délais de procédure auxquels il est difficile de faire face.
L’objectif affiché de la présente proposition de loi est de dresser le bilan de l’inflation législative sur l’action des politiques locales et de tenter d’apporter des solutions. Nous ne pouvons évidemment que partager cet objectif, tant les difficultés rencontrées quotidiennement par les élus locaux sont réelles : nombreux sont ceux d’entre eux qui nous l’ont rappelé au cours de la campagne des élections sénatoriales, et régulièrement depuis lors. Néanmoins, concernant certaines solutions proposées, notre approbation sera plus mesurée.
Compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, je me contenterai de citer quelques articles.
Je songe, par exemple, à l’article 18. Dans le texte initial, il supprimait simplement l’obligation pour les communes de disposer de centres communaux d’action sociale. Finalement, après discussion, la commission a fixé un seuil de 1 500 habitants, au-delà duquel la création d’un CCAS est obligatoire. En deçà de ce seuil, le CCAS peut être créé ou dissous.
M. Éric Doligé. Mais ces centres n’existent pas dans les petites communes !
Mme Cécile Cukierman. Pas moins de 29 977 communes sur 36 784 seraient concernées par cette disposition.
M. Éric Doligé. Pas du tout !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est ridicule !
Mme Cécile Cukierman. Je formulerai une simple remarque sur ce point : compte tenu de l’extension de la précarité, qui s’accentue de manière dramatique dans notre pays, il est pour le moins dangereux de vouloir se passer des CCAS.
Par ailleurs, faut-il rappeler que les besoins sociaux d’une personne vivant dans une commune de moins de 1 500 habitants sont les mêmes que ceux d’un habitant d’une ville comptant plus de 500 000 résidants ?
M. Éric Doligé. Évidemment !
Mme Cécile Cukierman. L’Union nationale des centres communaux d’action sociale, consultée par notre rapporteur, s’oppose absolument au caractère facultatif de la création de ces centres. Toutefois, consciente des enjeux, notamment financiers, l’UNCASS a engagé avec les cabinets ministériels de tutelle un travail de réflexion qui a abouti à un projet de schémas territoriaux d’action sociale.
M. Éric Doligé. Normal, c’est leur fonds de commerce !
Mme Cécile Cukierman. On ne saurait faire état de fonds de commerce, lorsque l’on parle de la misère des gens !
Ce dispositif sera expérimenté dans certaines zones rurales, afin de permettre de tisser un maillage transversal dans ces territoires.
Des solutions alternatives à la dissolution pure et simple des CCAS sont donc envisageables et doivent être envisagées. Il faut prendre le temps de la réflexion sur ce point. De fait, quelles que soient les intentions, louables sans aucun doute, de notre collègue Éric Doligé, il est évidemment exclu d’ouvrir ainsi la porte à certains élus – aux yeux desquels l’action sociale coûterait trop cher – en leur permettant de se débarrasser à bon compte de leur CCAS.
Ensuite, plusieurs amendements, dont nous discuterons dans la suite de nos débats, tendent à réintroduire pour partie l’article 1er, que la commission des lois a supprimé.
Cet article inscrirait dans notre droit positif le principe de proportionnalité des normes.
L’un des champs d’application de cet article, si l’amendement qui vise à le rétablir était adopté, concernerait sans aucun doute les dérogations possibles aux mesures réglementaires d’application de la loi du 11 février 2005 relative à l’accessibilité des établissements recevant du public.
Même si l’article 1er réaffirme des objectifs législatifs, il est évidemment inacceptable dans son principe : son adoption ne reviendrait qu’à contourner le problème et à créer de nouvelles sources d’inégalités, selon les richesses disponibles au sein des territoires.
Mes chers collègues, sur ce point, il ne faut pas se méprendre : le véritable débat, on le voit, c’est celui des moyens financiers et non celui de la seule simplification des normes.
Si les collectivités sont mises en difficulté, ce n’est parfois pas tant du fait de la prolifération législative – pourtant réelle et considérablement accrue au cours des dernières années – que du désengagement des gouvernements qui, durant la même période, ont peu à peu restreint les soutiens de l’État : suppression de dotations et de subventions, allégements fiscaux bénéficiant aux entreprises, compétences transférées et nouvelles attributions conférées aux collectivités sans les compensations financières exigées. Là réside, à nos yeux, la principale source du problème.
M. Doligé estime que certaines collectivités, notamment les plus petites d’entre elles, ne disposent pas des outils d’ingénierie publique leur permettant d’appliquer les normes nationales. Par ailleurs, il a pu constater que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et la réorganisation des services déconcentrés, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, empêchent ces collectivités, qui ne peuvent financer des services dédiés, de bénéficier de l’ingénierie de l’État. Sur ce point, notre collègue a tout à fait raison.
M. Jean Bizet. Ah !
Mme Cécile Cukierman. Rendons aux collectivités les moyens de faire face aux exigences législatives plutôt que de les autoriser à les contourner !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si notre groupe souscrit à une clarification rapide de l’arsenal normatif pesant sur les collectivités territoriales, ce n’est qu’à condition de ne pas s’engager dans la voie de la déréglementation ou de la dérégulation, reléguant, entre autres, les objectifs d’accessibilité ou de sécurité, les normes sanitaires ou de protection de l’environnement.
Oui, les normes applicables aux collectivités locales doivent être simplifiées ! Mais ce travail d’envergure suppose un examen approfondi, comme nous l’avons encore observé pas plus tard que ce matin en commission en étudiant les différents amendements déposés.
Depuis le 15 février 2012, date à laquelle nous avons renvoyé la présente proposition de loi en commission, trois commissions sénatoriales ont été saisies pour avis et ont remis leur rapport. Toutefois, la commission des lois ne s’est réunie qu’une seule fois pour étudier l’ensemble des rapports et des amendements déposés sur ce texte. Bref, notre commission n’a pas disposé des moyens nécessaires pour évaluer l’ensemble des conséquences de ces décisions.
Mme Catherine Troendle. Huit mois de travail !
Mme Cécile Cukierman. Le texte issu de ses travaux mérite donc d’être retravaillé par elle, compte tenu de l’enjeu que soulèvent certains articles. Aussi, nous apportons notre soutien au président du Sénat, qui vient de décider de saisir la commission des lois et la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales,…
M. Jean-Jacques Hyest. Pour quoi faire ?
Mme Cécile Cukierman. … afin que ces deux instances puissent présenter au Sénat un texte de loi visant à endiguer le flux normatif auquel les élus locaux sont confrontés.
Mme Catherine Troendle. Mais il y a déjà un texte !
Mme Cécile Cukierman. Dans ces conditions, nous considérons que l’examen du présent texte devrait être mené parallèlement aux travaux de la commission des lois et de la délégation, dans la perspective ouverte par Jean-Pierre Bel.
Voilà pourquoi nous vous proposerons de voter la motion de renvoi à la commission que nous présenterons à l’issue de la discussion générale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jean Bizet. Pour nous, c’est tout vu !
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je ne peux naturellement que souscrire à l’objectif, partagé sur toutes les travées, de simplifier les normes qui viennent aujourd’hui étouffer les collectivités territoriales. L’élu local que je suis pourrait multiplier les exemples de carcans juridiques, d’absurdités administratives et autres aberrations qui viennent empoisonner la vie des élus, quels qu’ils soient, mais plus particulièrement celle des élus locaux.
Autrement dit, la cadence du productivisme réglementaire frappe de plein fouet la plupart de nos collectivités de petite taille. Si on voulait les faire disparaître, on ne s’y prendrait pas autrement !
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. François Fortassin. Aujourd’hui, le chiffre de plusieurs centaines de milliers de normes, mis en avant par l’Association des maires de France, démontre l’absurdité du système.
Les états généraux de la démocratie territoriale qui se sont tenus il y a peu ont parfaitement montré les attentes des élus, lesquels sont toujours aussi attachés à leur mission, qu’ils vivent comme un engagement civique très important.
S’ils désirent moins de lois et de contraintes réglementaires, ce n’est pas pour échapper à la norme, mais pour mieux administrer leur commune. L’État devrait avoir un rôle de garant du pacte républicain, de régulateur et de créateur d’un droit sobre, lisible, prévisible et durable. Autrement dit, il faut mettre un terme au galimatias juridico-administratif qui nous empoisonne à longueur de réception des courriers, si je puis m’exprimer ainsi.
M. Roland Courteau. Exactement ! Le mot est bien choisi !
M. François Fortassin. On se demande, en s’accrochant à la table, si, pour comprendre un certain nombre de textes, il ne faut pas être tout à la fois agrégé de l’université et docteur en droit.
M. Jean-Jacques Hyest. Agrégé ? Non, c’est de plus en plus mal écrit !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous avez raison, monsieur Hyest !
M. François Fortassin. La responsabilité de l’inflation législative et réglementaire est certes partagée entre le Gouvernement et le Parlement. Toutefois, si vous me permettez de m’exprimer de façon familière, mes chers collègues, il serait peut-être utile de balayer devant notre porte.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. François Fortassin. À force d’être pointilleux, le mieux devient l’ennemi du bien.
M. Jean Bizet. Ah !
M. François Fortassin. Et que dire encore de l’inflation des textes législatifs et des articles réglementaires du code général des collectivités territoriales ? En dix ans, 80 % des premiers et 55 % des seconds ont fait l’objet de modifications.
Cette accumulation des contraintes législatives et réglementaires rend la gestion des collectivités locales de plus en plus lourde et compliquée.
L’application de textes trop nombreux, qui se suivent, se chevauchent et, parfois, se contredisent pose des problèmes. On a parfois le sentiment que moins l’État a d’argent, plus il est tracassier. Tel n’est pas l’objectif que devrait, me semble-t-il, se fixer un État digne de ce nom.
Dans ces conditions, le travail de notre collègue Éric Doligé est relativement louable.
M. Jean Bizet. Relativement ?
M. François Fortassin. Si je relativise, c’est parce qu’un travail avait déjà été mené en février dernier en la matière. Vous réinventez l’eau tiède !
M. Jean Bizet. Vous n’êtes pas dans un bon jour, monsieur Fortassin !
M. François Fortassin. Vous dites sans doute cela parce que je n’abonde pas dans votre sens. Au demeurant, tout le monde peut avoir des moments de méforme, et je n’échappe sans doute pas à la règle. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Fortassin parle clair ! Sa belle langue des Hautes-Pyrénées est loin du galimatias qu’il dénonce à juste titre !
M. François Fortassin. Cela étant, il nous faut retravailler le texte pour qu’il soit mieux calibré.
Enfin, comment ne pas évoquer ces textes de simplification, notamment les propositions de loi Warsmann, qui, sous les auspices d’une noble intention, ont entraîné une complexification regrettable des normes ?
Les membres du RDSE l’ont toujours exprimé, et je tiens aujourd’hui à le redire : la simplification doit s’accomplir au travers de textes de loi courts, centrés sur des problématiques clairement identifiées, pour éviter des textes fourre-tout et parfois inapplicables.
Sur ce fondement, nous approuvons le travail de la commission, et la très grande majorité de notre groupe s’abstiendra sur la motion tendant au renvoi à la commission.
Nous convenons que la réflexion sur l’application réelle des normes doit être poussée. Cependant, nous ne sommes pas sûrs que le fait d’instituer, au profit du préfet, un pouvoir réglementaire général d’adaptation des lois soit la meilleure solution. Cela peut créer des disparités d’un département à l’autre, qu’il convient bien entendu d’éviter. Il ne faudrait pas que l’on aboutisse à des jurisprudences contradictoires.
Mes chers collègues, les collectivités territoriales sont le bien commun de la République. Elles sont sorties exsangues d’un cycle législatif qui les a durement éprouvées ; elles méritent aujourd’hui d’être enfin écoutées par le Parlement et le Gouvernement.
Je sais, mesdames les ministres, que la feuille de route que vous avez tracée pour la grande réforme des collectivités que nous attendons tous s’inscrit, enfin, dans cet état d’esprit de recherche d’un réel consensus. Pour notre part, nous nous en félicitons.
« Aller vers l’idéal et comprendre le réel »… J’aime beaucoup cette maxime de Jaurès. Le sentiment du modeste élu que je suis est que l’on oublie parfois de comprendre le réel. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le sujet de la simplification revient sur nos pupitres. Est-ce si utile, ou, plus exactement, est-ce vraiment le bon moment ?
Je ne conteste nullement le constat établi par notre collègue Joël Labbé lors de l’examen de cette même proposition de loi en février dernier : « L’inflation des règles entraîne un coût exorbitant. Comme vous le savez, la commission consultative d’évaluation des normes l’a estimé, pour l’année 2010, à 577 millions d’euros. L’instabilité de ces normes est également problématique : en dix ans, 80 % des articles du code général des collectivités territoriales ont été modifiés. »
Cette inflation pose un problème réel non seulement aux collectivités territoriales, mais également aux citoyens et citoyennes, car la stabilité juridique est une valeur démocratique. En effet, la sécurité juridique cohérente et fonctionnelle, portée par les cahiers de doléances avant la Révolution française, est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Mais je pense aussi aux entreprises et aux organisations qui contractent avec les collectivités, ou encore à toutes ces associations qui dépendent des collectivités pour une partie de leur budget.
Il est évident, on vient de l’entendre, que nous sommes tous ici conscients de la nécessité de simplifier l’ordonnancement législatif.
La semaine dernière, nous avons examiné une proposition de loi du groupe du RDSE visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, qui, fait assez rare pour être souligné, a été votée à l’unanimité, et dont l’application va, je l’espère, faciliter la tâche de bon nombre de conseils municipaux dans la gestion de leur patrimoine.
S’il est urgent de procéder à une réforme d’envergure des normes applicables aux collectivités territoriales, un processus est d’ores et déjà en cours actuellement. Il réserve une large place à la concertation, et nous sommes nombreux sur ces travées à y avoir participé.
Le bilan de ces états généraux est en cours d’analyse et le processus de dialogue se poursuit entre le ministère et les collectivités.
Je vous pose donc la question, mes chers collègues : devons-nous précipiter ce processus en votant un peu rapidement une loi, qui, si elle n’est pas mauvaise en soi, surtout après son examen attentif par la commission des lois et les autres commissions compétentes, risque de trancher trop vite des questions de fond dont nous aurons, selon toute vraisemblance, à traiter de nouveau au cours du printemps 2013 ?
Ce serait un bien mauvais signal adressé à tous les participants aux états généraux si nous légiférions ainsi sans tenir compte de leur avis. Nous avons besoin d’un peu de recul. En matière législative comme partout ailleurs, la précipitation est mauvaise conseillère.
Cela ne remet absolument pas en cause selon moi notre objectif de garantir l’efficacité de l’État et de tous ses échelons territoriaux. Au contraire, il serait certainement mal perçu que nous votions trois lois différentes en l’espace de quelques mois. En ce sens, je vous rappelle les propos du président du Sénat, qui, lors de la conclusion des états généraux, a évoqué une sorte de « maladie de la norme » et proposé de « s’attaquer de manière plus structurelle à l’inflation des normes ».
Or, vouloir simplifier les normes, c’est déjà, encore et toujours faire de la norme…
Je pense d’ailleurs que la position du groupe écologiste sera identique sur les deux autres textes qui seront proposés début novembre concernant l’amélioration du statut de l’élu local et la lutte contre l’inflation normative. Il est urgent d’attendre l’aboutissement d’une réflexion commune et complète sur ces sujets.
Un projet de loi relatif aux recherches en archéologie est aussi annoncé ; or le texte que nous examinons aujourd’hui viendrait bousculer certaines dispositions de ce futur projet de loi.
Pourtant, cette proposition de loi, amplement remaniée par la commission des lois et les autres commissions qui ont eu à en connaître, ne manque pas d’articles intéressants.
Je rappellerai tout d’abord l’article 1er, hélas ! supprimé par la commission des lois, qui devra évidemment être repris pour permettre une meilleure adaptation de la réglementation à la taille des collectivités, sans pour autant remettre en cause le principe d’égalité devant la loi. L’une des pistes à suivre lors de l’examen de l’acte III de la décentralisation pourrait être un approfondissement de l’expérimentation locale. Celle-ci est déjà consacrée par l’article 72, alinéa 4, de la Constitution, mais cette disposition est malheureusement trop peu utilisée.
Le renforcement du rôle de la commission consultative d’évaluation des normes, prévu à l’article 2, est également très intéressant. Cette instance aurait ainsi le pouvoir de se prononcer sur le volume des stocks normatifs et l’administration serait obligée de motiver sa décision lorsqu’elle s’écarte de l’avis rendu par cette dernière.
Je mentionnerai enfin l’article 5, qui prévoit de rendre accessibles aux citoyens toutes les décisions des collectivités sous forme dématérialisée. Cet article manque toutefois d’ambition ; il aurait pu aller encore plus loin en proposant une échéance pour la mise en place d’une plate-forme nationale permettant la publication de l’ensemble des décisions des collectivités. Cela n’empêcherait évidemment pas la consultation de ces documents sous forme papier, tout le monde n’ayant pas accès à internet.
Certains amendements devront aussi être repris dans la discussion sur les collectivités territoriales. Je pense notamment à l’amendement n° 20, qui vise à étendre aux agents des EPCI le droit de conduire des tracteurs avec un simple permis B, droit jusqu’ici réservé aux employés communaux.
Par ailleurs, les écologistes veilleront, dans les prochains mois, à ce que tous ces dispositifs soient accessibles à l’ensemble des citoyens et, surtout, à ce que tous les citoyens puissent participer à l’élaboration de la loi ou soient en mesure de mieux comprendre ses modalités d’élaboration.
Bref, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera contre la proposition de notre collègue, laquelle ne nous semble pas s’inscrire dans le tempo du travail législatif. Il votera surtout contre le renvoi du texte à la commission, car ce renvoi ne permettrait toujours pas de le replacer dans le tempo normal du processus législatif. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, cette proposition de loi est particulièrement intéressante, car elle répond à des problèmes de vie quotidienne que rencontrent nos concitoyens et nos collectivités locales.
Si nous n’arrivons pas au terme de la discussion ce soir – ce qui est quasiment certain –, il serait vraiment dommage que ce texte, qui est bien rédigé sur un certain nombre de points, même s’il n’est pas totalement exhaustif, ne soit pas de nouveau inscrit dans le cadre d’une niche parlementaire pour que nous puissions statuer définitivement, chacun prenant alors ses responsabilités.
Je profiterai de cette intervention pour évoquer trois points qui me tiennent à cœur.
Le premier concerne la loi sur l’eau. Un assouplissement de la législation est absolument indispensable, notamment pour faciliter le curage et l’entretien des fossés et des drainages existants. En effet, actuellement, les pouvoirs de la police de l’eau sont tout à fait exorbitants : elle peut tout bloquer, empêcher l’organisation de curages qui existent depuis des siècles et même poursuivre en correctionnelle les particuliers et les communes.
J’ai vu récemment dans mon département le cas d’une commune qui avait fait curer un fossé figurant au cadastre de 1811, donc un fossé existant depuis plus d’un siècle, et qui a été poursuivie en correctionnelle par la police de l’eau. C’est quelque chose de tout à fait invraisemblable, voire irresponsable, car, de surcroît, ce fossé était indispensable pour éviter qu’un certain nombre de maisons ne soient inondées lors des crues.
À un moment donné, il faut avoir un minimum de bon sens et quand, de mémoire d’homme, un drainage ou un fossé a toujours existé, je ne vois pas pourquoi un fonctionnaire, soutenu par des associations de pêcheurs qui sont, en général, plus intéressées par la perception des dommages et intérêts que par le fond du problème – ce qui les intéresse, c’est de participer à des procédures ou de les initier pour toucher de l’argent, il faut être clair et dire la vérité –, aurait le pouvoir de le remettre en cause. Il y a peut-être à ce niveau-là un élément de réflexion qui aurait mérité d’être mieux pris en compte dans le texte.
Le deuxième point concerne l’accessibilité pour les personnes handicapées. Nous sommes tous favorables à l’accessibilité pour les personnes handicapées, mais il faut, me semble-t-il, accorder des dérogations pour les équipements publics peu utilisés et dont l’aménagement serait trop coûteux.
Je prendrai là aussi un exemple dans mon département. La Moselle est un département concordataire, relevant du droit local d’Alsace-Moselle. Dans une commune de 80 habitants se trouve une chapelle à laquelle on accède par un escalier, car elle est située en haut d’une colline. Bien que cette chapelle ne soit utilisée que pour deux messes par an, c’est-à-dire le jour de la fête patronale et le jour de la fête du saint patron associé, il faudrait que la commune réalise une très longue rampe d’accès. Cela représenterait cinq années d’investissement municipal pour cette petite commune de 80 habitants. Quel est son choix ? Soit de ne rien faire, mais c’est impossible en raison de la loi, soit finalement de fermer la chapelle… La commune s’achemine vers la fermeture de la chapelle.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’en termine avec le troisième et dernier point, sur lequel je voudrais insister.
Quand on parle de la technocratie et des lourdeurs administratives, il ne faut pas penser qu’aux collectivités territoriales, il faut aussi penser à nos concitoyens. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – mais je le redéposerai –, concernant les numéros de téléphone surtaxés. Il n’est en effet pas normal que nos concitoyens téléphonant à Pôle emploi ou à un service « social » – j’y insiste – soient obligés de subir un numéro surtaxé.
M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Je termine, monsieur le président.
M. le président. Vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Soyez compréhensif : trois minutes, c’est court !
M. Jean Louis Masson. Le pire, c’est que, lorsqu’on téléphone à Pôle emploi, neuf fois sur dix l’interlocuteur n’est pas là et il faut rappeler de nouveau et repayer des surtaxes, ce qui est invraisemblable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, « Le premier principe, c’est la confiance. En effet, au-delà des mots, des intentions, l’État et les collectivités locales ont besoin d’un cadre stable pour échanger, dialoguer et décider. […]
« La confiance, c’est aussi le droit à l’expérimentation. La République est une, mais elle n’est pas uniforme. Il existe déjà aujourd’hui un droit à l’expérimentation, mais, comme souvent, il a été enserré de tant de conditions, tant de verrous ont été posés, qu’il n’est pas véritablement utilisé. Il sera donc élargi et assoupli, afin que les collectivités locales puissent mettre en œuvre des politiques nouvelles et des pratiques différentes, voire même qu’elles adaptent, comme il leur paraîtra souhaitable, des dispositifs existants.
« La confiance, ce peut être […] d’envisager un pouvoir d’adaptation locale de la loi et des règlements, lorsque l’intérêt général le justifie, compte tenu des spécificités du territoire.
« Cette évolution n’est pas simple ; elle pourra même être jugée périlleuse. Il est légitime de l’encadrer, mais nous avons besoin aussi de tenir compte de la diversité de nos territoires. Je ne parle pas ici simplement de l’outre-mer, qui connaît déjà cette évolution. Je parle de nos régions, qui ont besoin, avec les collectivités qui y sont présentes, de pouvoir imaginer une meilleure adaptation de la loi.
« La confiance, c’est, enfin, l’allégement des normes […]. Ainsi, 400 000 normes seraient applicables, et l’on mesure, à évoquer ce chiffre, combien la décentralisation est finalement contournée, détournée, dès lors qu’il y a autant de contraintes qui pèsent sur les collectivités. […]
« […], lorsqu’ils redeviennent – c’est encore possible pour quelque temps ! – maire, président de conseil général ou président de conseil régional, les mêmes stigmatisent l’ensemble de ces obligations et dénoncent le législateur qui a pu en avoir l’idée. Contradiction française…
« Toutefois, nous ne pouvons plus accepter cette situation, en termes de coût pour les collectivités comme de délais de procédure. […]
« […] la question des normes, ce n’est pas seulement une relation entre l’État et les collectivités, c’est aussi une affaire de mobilisation de nos atouts. »
Tels sont les propos qu’a tenus, lors des états généraux de la démocratie territoriale, le Président de la République, M. François Hollande, que vous soutenez, mes chers collègues sur les travées de la gauche.
Mme Catherine Troendle. Mon intervention sera relativement brève. Je suis d’ailleurs tentée de l’illustrer par les propos du président du Sénat : « Nous pourrons […] réfléchir à un pouvoir d’adaptation locale de la loi, pour prendre en compte, lorsque l’intérêt général le justifie, les particularités du territoire. […]
« Nous devons nous fier à l’intelligence des territoires pour apporter les réponses les plus justes et les plus adaptées à la diversité de notre pays. […]
« La liberté, c’est également […] mettre fin à l’asphyxie par les normes, qui ruine l’efficacité de l’action locale.
« En 2011, le coût pour les collectivités des décrets examinés par la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, a atteint 700 millions d’euros. Cette situation est intenable. Les décrets inutiles ou obsolètes devront être abrogés. […]
« De même, pour desserrer le carcan réglementaire, nous devons agir sur le “flux” de normes. »
Le Président de la République, le président du Sénat, et je n’oserai dire le Premier ministre, souhaitent tous trois alléger le poids des normes, faire confiance à l’intelligence des territoires et donc adapter la réglementation aux contingences territoriales. Mais ces propos ne seraient-ils, en réalité, que des postures d’affichage médiatique ? À moins que ce ne soient de nouveaux « cafouillages » ?
Le groupe socialiste du Sénat a tout simplement conditionné son vote de la proposition de loi à la suppression de l’article 1er, article pourtant approuvé, dans son principe – je viens de le démontrer – par les plus hautes autorités politiques de notre pays ; article qui vise tout simplement à introduire dans notre droit positif le principe de proportionnalité des normes et celui de leur adaptation à la taille des collectivités.
Sur les travées de l’UMP, notre position est constante depuis maintenant plus de deux ans sur ce sujet. Éric Doligé nous a rappelé l’historique de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et nous ne pouvons qu’être fiers à la fois d’avoir initié cette réforme, sous l’impulsion du Président Nicolas Sarkozy, et de vouloir la poursuivre sans a priori, tout en approfondissant le dialogue avec les élus de la nouvelle majorité.
Mes chers collègues, ne nous leurrons pas, nos concitoyens et plus particulièrement les collectivités territoriales que nous représentons n’attendent qu’une seule chose du législateur que nous sommes : lutter contre l’inflation normative et simplifier le droit. Il s’agit de deux enjeux d’autant plus d’actualité que les normes coûtent cher aux collectivités locales, qui doivent aujourd’hui faire face à un contexte financier de plus en plus tendu.
Alors oui, la question de l’adaptation des normes réglementaires d’application d’une loi en fonction de certaines circonstances locales se pose ! Il n’est pas question pour nous de méconnaître pour autant l’article 21 de la Constitution, celui-là même qui fonde l’articulation de ce pouvoir réglementaire avec le pouvoir réglementaire général confié au Premier ministre, ni même le principe d’égalité.
Mais soyons pragmatiques : depuis plus de cinq mois que vous êtes au Gouvernement, depuis plus de huit mois que cette proposition de loi survit en commission des lois, je ne peux croire un seul instant que le Gouvernement n’a pas eu la présence d’esprit de solliciter le Conseil d’État et que celui-ci mette tant de temps à rendre un avis clair sur le sujet qui nous intéresse !
En guise de conclusion, je forme le vœu que l’irresponsabilité de la nouvelle majorité sénatoriale (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) n’entrave pas l’intelligence de nos territoires et les initiatives des élus locaux. C’est pourquoi, avec les sénateurs de mon groupe, nous avons déposé un amendement visant à réécrire l’article 1er, afin que soit introduit, parmi les principes généraux de la décentralisation fixés par le code général des collectivités territoriales, un principe général d’adaptation, selon des critères objectifs, des prescriptions et procédures techniques législatives et réglementaires applicables aux collectivités territoriales.
Je serais donc profondément déçue que le seul sectarisme du groupe socialiste suffise à rejeter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Un « sectaire » « irresponsable » va s’exprimer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. Les propos de Mme Troendle ont certainement dépassé sa pensée. N’en disons pas plus…
Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la proposition de loi, qui a fait l’objet d’une motion tendant au renvoi à la commission en février dernier, a été de nouveau inscrite à l’ordre du jour par le groupe UMP. Notre rapporteur, Jacqueline Gourault, à laquelle je veux rendre un hommage particulier, a donc retravaillé ce texte et a pu procéder à des auditions que la procédure précédente ne lui avait pas permis de réaliser.
Puisqu’il faut peut-être faire quelques piqûres de rappel, souvenez-vous que cette proposition de loi a d’abord été déposée le 4 août 2011, jour anniversaire certainement… Ensuite, elle a été inscrite à l’ordre du jour par le groupe UMP à la rentrée de 2011, puis retirée, sans motif semble-t-il – après tout, un groupe a le droit de retirer sa proposition de loi –, et réinscrite dans les plus brefs délais dans une niche réservée au groupe UMP avant l’interruption des travaux due aux élections de 2012.
Au cours de cette séance, où une motion tendant au renvoi à la commission a été adoptée, avec l’accord de notre rapporteur, je me souviens – mais je ne voudrais pas avoir la cruauté de le rappeler puisqu’il est déjà passé aux oubliettes de l’histoire – que le ministre qui était au banc du gouvernement nous a dit que c’était un enterrement de première classe d’un texte d’une importance capitale… Fort heureusement, il a été battu aux élections dans la circonscription de l’étranger où il était allé se présenter.
Non, le renvoi à la commission n’était pas un enterrement de première classe puisque nous revoici pour discuter de ce texte !
M. Éric Doligé. C’est aujourd’hui l’enterrement !
M. Jean-Pierre Michel. Mes chers amis du groupe UMP, lorsque vous avez décidé, après la réforme de 2008, de modifier le règlement du Sénat, vous avez mal respecté les droits de l’opposition, car chacun voit bien que le délai de quatre heures ne permet absolument pas d’aller au bout de l’examen d’une proposition de loi qui aurait plus d’un article, et encore non polémique.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Éric Doligé. Vous l’avez fait pour le conseiller territorial !
M. Jean-Pierre Michel. Vous pouvez le constater : il sera impossible d’aller au bout de ce débat aujourd’hui, même si la discussion se déroule normalement et qu’une seule motion a été déposée, le groupe socialiste n’en ayant présenté aucune pour sa part.
Monsieur Maurey, c’est vrai que plusieurs rapporteurs sont intervenus sur ce texte, mais cela tient au fait que plusieurs commissions ont été saisies pour avis, dont celle à laquelle vous appartenez. Et vous avez, vous aussi, déposé des amendements !
Bref, tout cela démontre que le laps de temps de quatre heures est tout à fait insuffisant. Si l’on veut que les parlementaires puissent voir leur initiative aboutir, objectif tout à fait louable, il faut revoir le règlement du Sénat et prévoir une durée d’examen plus importante.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut une seconde niche !
M. Jean-Pierre Michel. Voyez ce qui se passe avec cette proposition de loi sur laquelle M. Doligé a beaucoup travaillé et qui compte de nombreux articles. Or certains d’entre eux posent problème et, comme il est normal, des amendements ont été déposés.
Tout cela prouve que notre règlement est imparfait – il ne l’est pas uniquement sur ce point ! –, et c’est d’ailleurs ce que je pense depuis qu’il a été adopté.
Cela étant, depuis la publication par notre collègue Belot, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, d’un rapport d’information qui comportait un certain nombre de préconisations, depuis le dépôt de cette proposition de loi, s’est produit un événement majeur, ne vous en déplaise : la majorité a changé ! Un nouveau Président de la République est arrivé, et il a annoncé l’examen en janvier 2013 au Sénat, saisi en premier lieu, d’un projet de loi portant acte III de la décentralisation – mesdames les ministres, nous aurons donc l’occasion de vous retrouver prochainement ! (Sourires.) –, dont les grandes lignes s’appuieront sur les conclusions des états généraux de la démocratie territoriale, organisés sur l’initiative du président Jean-Pierre Bel.
Ces états généraux ont fait l’objet d’une large participation des élus au niveau local ; la participation était moindre au niveau national le vendredi… Mais il est vrai que l’une des principales préoccupations exprimées par les élus locaux, de droite comme de gauche, concerne l’excès des normes.
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Jean-Pierre Michel. Dans son discours, Jean-Pierre Bel a d’ailleurs souligné la nécessité de « mettre fin à l’asphyxie par les normes, qui ruine l’efficacité de l’action locale » et de « desserrer le carcan réglementaire » en agissant sur le « “flux” de normes ». Il ajoutait : « Il faudra que l’avis de la CCEN soit pris en compte par les prescripteurs de normes, lesquels, n’étant pas concernés par leurs effets, font souvent preuve d’une grande imagination… » Nous reviendrons sur ce point ultérieurement. Il poursuivait : « Et pourquoi ne pas instaurer un “plafond de coût” annuel, qui serait opposable aux normes nationales affectant les collectivités ? »
Le président du Sénat a également annoncé qu’il proposerait au bureau du Sénat, qui se réunirait spécialement à cette fin le mercredi 10 octobre, « un texte qui dégagera les idées-forces qui se sont exprimées. […] Ce document, accompagné de l’ensemble des rapports des états généraux, sera rapidement transmis au pouvoir exécutif. […] La rédaction des projets de lois dont le Sénat sera saisi en premier lieu s’appuiera donc sur la contribution des états généraux ; ».
Nous savons d’ores et déjà que le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, et la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Jacqueline Gourault, rapporteur sur le texte que nous sommes en train d’examiner, travaillent d’arrache-pied sur ce nouveau texte.
Au cours de ces états généraux, le Président de la République, qui nous a fait l’honneur de sa présence, nous a fait part de certaines préconisations, que je reprendrai dans ma conclusion.
Auparavant, permettez-moi d’aborder deux sujets qui me semblent importants.
Tout d’abord, je veux parler de l’article 1er de la proposition de loi initiale, même si celui-ci a été – fort heureusement ! – supprimé à une large majorité par la commission des lois, l’amendement, appelons-le modificatif, déposé par notre collègue Doligé ayant été rejeté, à l’instar de l’amendement de bon sens et de bonne camaraderie de notre collègue Jacqueline Gourault. C’en fut fini de l’article 1er, ce dont je me félicite !
En effet, il convient de le rappeler, le Conseil d’État, que vous aviez consulté, monsieur Doligé, avait émis, le 6 octobre 2011, un avis très réservé, dont vous avez d’ailleurs été le seul destinataire,…
M. Éric Doligé. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Pierre Michel. … mais que vous avez bien voulu communiquer à Mme la rapporteur de la commission des lois, et que je me permets de citer.
Le Conseil d’État rappelle les « exigences du principe d’égalité devant la loi », qui autorise toutefois que « des différences de situation puissent justifier de différences de traitement […] à la condition que les distinctions opérées reposent sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objet de la loi qui les établit. Il en irait difficilement ainsi si les critères des mesures d’adaptation que le représentant de l’État dans le département peut prescrire devaient dépendre de la situation des bénéficiaires (cas des collectivités territoriales qui supporteraient des coûts excessifs), et non des caractéristiques propres des départements ».
À l’évidence, l’article 1er souffrait – et souffrirait si, par malheur, vous le rétablissiez ! – de trois motifs d’inconstitutionnalité.
Premièrement, l’article 1er méconnaît l’article 21 de la Constitution, qui donne au Premier ministre et à lui seul – et non pas au préfet ! – le pouvoir d’appliquer les lois. Le Premier ministre lui-même ne peut déroger à la loi que dans les cas et selon les critères que celle-ci a prévus.
Le Conseil constitutionnel, dont on a beaucoup parlé au début de la séance dans cet hémicycle qui ressemblait malheureusement plus à un théâtre d’ombres qu’à une institution destinée à servir nos concitoyens, est tout particulièrement vigilant sur cette question. D’ailleurs, Mme la ministre et d’autres orateurs ont rappelé la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 2011. Certes, on peut penser que celle-ci est extrêmement sévère, mais telle est sa décision.
Deuxièmement – le Conseil d’État l’a d’ailleurs rappelé, dans un avis balancé, comme à son habitude –, l’article 1er méconnaîtrait le principe d’égalité dès lors qu’il résulterait de son application que les usagers du service public seraient traités différemment à Aurillac, à Romorantin, dans le plus petit village de Bretagne chère à Mme Lebranchu ou à Pétaouchnok.
Non seulement les petites communes rurales prendraient des mesures dérogatoires par rapport aux normes d’ensemble, mais ces normes elles-mêmes pourraient varier d’une commune à l’autre, voire à l’intérieur d’une même commune, la fragmentation pouvant se poursuivre quasiment sans frein. Nos concitoyens, qui auraient du mal à s’y retrouver, se verraient privés d’un égal accès aux services publics.
Quelle vision désastreuse du service public et des besoins de l’usager ! Telle est la conception des libéraux, dont vous êtes, mon cher collègue, mais qui n’est pas la nôtre.
Il faut le rappeler fortement : le service public n’est pas une marchandise et, de fait, n’appartient pas au secteur marchand. On ne peut pas l’adapter aux contingences des uns et des autres. Les élus locaux sont là pour appliquer la loi, même si c’est difficile. Peut-être existe-t-il des problèmes de financement ? C’est vrai ! Mais ce n’est pas la norme qui est en cause. Ce qui pose problème, ce sont les moyens financiers dont disposent les collectivités locales pour l’appliquer.
M. Jean-Pierre Michel. Certes, il s’agit d’une question importante, mais celle-ci n’entre pas dans le champ de nos compétences.
Troisièmement, enfin, ce texte souffre d’un défaut de clarté et d’intelligibilité. Or ces principes ont valeur constitutionnelle.
D’une part, les catégories de communes en cause ne sont pas définies. Dès lors, qui les définira ? D’autre part, les cas dans lesquels il serait possible de déroger à la loi ne sont pas non plus encadrés avec suffisamment de précision, les obstacles techniques et l’impossibilité financière étant laissés à l’appréciation de chaque préfet, et nous en revenons là au deuxième motif d’inconstitutionnalité.
À cet égard, les préfets que j’ai interrogés, notamment ceux qui se sont succédé dans mon département depuis le dépôt de cette proposition de loi, étaient tous totalement hostiles au fait d’avoir un tel pouvoir entre leurs mains. D’ailleurs, cela aurait donné lieu à des contentieux en cascade.
Mme Nathalie Goulet. Il y en a déjà !
M. Jean-Pierre Michel. L’article 1er étant écarté, nous avons pu discuter sereinement de la proposition de loi et adopter en commission tous les articles proposés par Mme la rapporteur. Ce matin, nous avons même adopté un certain nombre d’amendements déposés par notre groupe ou par des groupes de l’opposition, notamment par le groupe de l’UDI-UC et, me semble-t-il, un ou deux amendements du groupe UMP.
M. René Garrec. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel. Si nous sommes contre une déréglementation sauvage de notre arsenal juridique – les normes sont en effet des facteurs de croissance –, nous ne sommes pas sourds aux inquiétudes et aux demandes des élus locaux. Mes chers collègues, il n’est pas indispensable d’être soi-même élu local ou de l’avoir été pour être à leur écoute. Les sénateurs qui détiennent un mandat unique entendent très bien ce qui se passe dans leur département. Vous le savez, je milite pour le non-cumul des mandats.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. Les élus territoriaux sont très attachés à leur mission, qu’ils vivent souvent comme un engagement civique. Bien sûr, il y a une certaine schizophrénie, car ils sont pris entre leur engagement volontaire, le désir de rendre service à leurs concitoyens, le temps qu’ils donnent, l’argent aussi, et, souvent, la difficulté financière qu’ils rencontrent pour appliquer les règles qui s’imposent à eux concernant la sécurité, notamment sanitaire. Il y a là, c’est vrai, une difficulté.
À cet égard, il convient de rendre hommage à tous les élus locaux, qui souhaitent non pas moins de contraintes, mais les moyens financiers de pouvoir les satisfaire, et ce dans l’intérêt général. Ils souhaitent certainement plus de conseils techniques, plus d’expertises, une formation et des services publics, notamment les élus ruraux. Mes chers collègues de l’opposition, vous savez à quel point la casse des services publics que vous avez organisée pendant quinze ans en milieu rural vous a valu un changement de majorité au sein même de la Haute Assemblée !
M. Robert Tropeano. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Pour desserrer le carcan réglementaire, nous devons agir sur le flux des normes, ainsi que sur les stocks. C’est dire l’importance de la CCEN. Or les compétences de cette commission ont été élargies – c’est une très bonne chose ! – grâce à l’adoption, ce matin, d’amendements déposés par Mme la rapporteur et par mon groupe.
Bien sûr, se pose la question des moyens dont elle va disposer. À cet égard, il faut bien entendu interroger et solliciter le Gouvernement, qui devra résoudre ce point. Il faudra notamment permettre aux rapporteurs de la CCEN et aux contre-rapporteurs, lorsqu’il y en aura, de solliciter l’avis d’experts issus de l’encadrement des collectivités territoriales ou d’associations représentatives des collectivités. C’est le rôle du Gouvernement de répondre à ces besoins.
Ma conclusion sera celle du Président de la République lors des états généraux de la démocratie territoriale. Il est en effet indispensable de rétablir des relations de confiance – un mot prononcé par Mme Troendle – entre l’État et les collectivités territoriales.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne suffit pas de le dire, il faut le faire !
M. Jean-Pierre Michel. Or, madame Des Esgaulx, je m’adresse à vous parce que vous m’interpellez, on le sait, ces relations ont été malheureusement malmenées par le dernier gouvernement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut le faire maintenant !
M. Jean-Pierre Michel. Tous les élus des collectivités territoriales sont de cet avis. Cela ne vous fait pas plaisir, mais c’est la réalité !
Je cite donc le Président de la République : « La confiance, ce peut être dans des limites qui devront être bien précises, » – afin de ne pas tomber sous le coup de l’inconstitutionnalité, comme je l’ai dit tout à l’heure – « d’envisager un pouvoir d’adaptation locale de la loi et des règlements, lorsque l’intérêt général le justifie, compte tenu des spécificités du territoire.
« Cette évolution n’est pas simple ; elle pourra même être jugée périlleuse. Il est légitime de l’encadrer, mais nous avons besoin aussi de tenir compte de la diversité de nos territoires. […]
« La confiance, c’est, enfin, l’allégement des normes – j’ai compris que c’était l’une des préoccupations qui ressortaient de vos états généraux. »
Le Gouvernement et le Parlement devront donc en discuter rapidement, et c’est ce que nous ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chacun en convient, le poids croissant des normes est de plus en plus insupportable pour nos collectivités, qui croulent chaque jour davantage sous les circulaires et directives européennes, les lois, les décrets, les instructions, voire les réglementations de fédérations sportives. D’ailleurs, lequel d’entre nous n’a pas constaté l’absurdité d’un grand nombre de ces normes ?
Ces normes, qui sont au nombre de 400 000 selon le Président de la République, sont une source de complexité, d’incertitudes juridiques et de perte d’efficacité. Surtout, elles sont à l’origine de coûts supplémentaires importants, d’autant moins supportables que les dotations aux collectivités territoriales, déjà gelées depuis deux ans, vont être diminuées par la volonté du nouveau gouvernement.
À cette situation qui n’est plus tenable, il est urgent d’apporter une réponse globale et efficace. C’est pour cette raison que le Président de la République Nicolas Sarkozy avait confié à notre collègue Éric Doligé, en janvier 2011, une mission destinée à identifier les normes qui devaient « être prioritairement modifiées en raison de leur caractère inadapté et coûteux » et à proposer les dispositifs de simplification attendus par tous.
Au terme d’un important travail, pour lequel le groupe centriste tient à le féliciter, notre collègue Doligé a rédigé un rapport qui comporte 268 propositions. Ce rapport est à l’origine de la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen, après avoir été renvoyée à la commission des lois le 15 février dernier.
À ce stade de nos travaux, je tiens à féliciter notre rapporteur, Jacqueline Gourault, pour son engagement et pour son travail. Nous regrettons toutefois que le texte issu des travaux de la commission des lois, en dépit de sa qualité, soit beaucoup moins ambitieux que la proposition de loi initiale.
À mon sens, cette proposition de loi méritait d’être complétée dans au moins deux domaines.
En premier lieu, des mesures complémentaires étaient nécessaires en matière de police de l’eau, car il s’agit d’un domaine où les règles font peser sur les élus des contraintes manifestement excessives.
Songez, mes chers collègues, qu’avant d’implanter une passerelle sur une rivière de ma commune, je dois réaliser deux études, la première devant permettre de déterminer la nature exacte de la seconde et la seconde devant porter sur la faisabilité et les conditions de réalisation du projet. Deux études qui coûteront au bas mot 25 000 euros !
En second lieu, j’aurais souhaité que la question sensible de l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite soit abordée. En effet, chacun sait très bien que l’échéance du 1er janvier 2015 sera, dans un grand nombre de cas, impossible à respecter, surtout dans le contexte financier que connaissent actuellement les communes.
Seulement voilà : loin d’être complétée, la proposition de loi de notre collègue Doligé a été amputée.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est très dommage !
M. Hervé Maurey. Elle a d’abord été amputée de son article 1er, qui introduisait un principe général de proportionnalité des normes et d’adaptation de celles-ci à la situation des collectivités territoriales.
Mme Catherine Troendle. Tout à fait !
M. Hervé Maurey. Notre rapporteur avait proposé un dispositif qui a malheureusement été rejeté par nos collègues de gauche en commission des lois. Nous le regrettons, car, de l’avis général, l’article 1er constituait la réelle innovation de la proposition de loi, et une innovation très attendue. En effet, comment admettre que la règle soit la même dans un village de 150 habitants et dans une commune de 150 000 habitants ?
M. Roland Courteau. Sur ce point, vous avez tout à fait raison !
M. Hervé Maurey. La proposition de loi a également été amputée des dispositions touchant à deux domaines essentiels pour les communes.
Il s’agit d’abord de l’urbanisme, dont chaque maire constate chaque jour la complexité croissante, en dépit des annonces régulières de simplification.
Il s’agit ensuite de l’archéologie préventive, dont nous savons tous qu’elle occasionne des surcoûts pour les collectivités territoriales et des retards dans la réalisation des projets, avec souvent de lourdes conséquences sur l’emploi quand il s’agit de construire des zones d’activités.
Force est de constater que l’ambition de la proposition de loi est désormais très limitée ; elle ne comporte plus que quelques mesures – pour ne pas dire des mesurettes – améliorant le fonctionnement de la commission consultative d’évaluation des normes, rendant facultative la création des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants et renforçant la dématérialisation. C’est très bien, mais c’est surtout bien peu.
Je regrette que l’insuffisance du temps prévu pour l’examen de cette proposition de loi ne nous permette pas d’essayer de la compléter sensiblement.
Notre groupe a toutefois déposé un certain nombre d’amendements. C’est ainsi qu’Yves Détraigne a déposé un amendement visant à réintroduire un droit à la mise en œuvre du principe d’adaptabilité. Il s’agit de tenter de rendre à la proposition de loi son ambition première, qui va au-delà d’un simple catalogue de simplifications ponctuelles.
Nous avons également déposé, sur l’initiative de Jean-Marie Vanlerenberghe et de Valérie Létard, des amendements relatifs au SCOT et à l’archéologie préventive, qui sont des questions très importantes pour les élus.
En ce qui me concerne, j’ai déposé des amendements relatifs à l’assainissement non collectif, à l’élagage sur la voirie départementale et à la cession de terrain à titre gratuit.
La brièveté du temps prévu pour l’examen de cette proposition de loi ne nous permettra vraisemblablement pas de l’adopter ce soir, puisqu’il nous reste à peine une heure pour examiner la motion tendant au renvoi à la commission, vingt-six articles et soixante-treize amendements… Dans ces conditions, pour ne pas contribuer à l’enterrement de cette proposition de loi, que souhaite la majorité, le groupe UDI-UC est prêt, si nécessaire et, à regret, à retirer ses amendements.
Nous constatons que le Président de la République s’est prononcé en faveur d’une simplification des normes en déclarant : « […], nous ne pouvons plus accepter cette situation, en termes de coût pour les collectivités comme de délais de procédure. » Pourtant, sa majorité manifeste la volonté délibérée d’enterrer cette proposition de loi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
M. Hervé Maurey. Tel est bien votre objectif, chers collègues de la majorité, puisque, après avoir décidé le renvoi à la commission de la proposition de loi en février dernier, vous avez fait en sorte d’en réduire considérablement l’ambition ; et, ce soir, vous faites tout pour que sa discussion ne puisse pas aller à son terme !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est faux ! Tout groupe peut réinscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour !
M. Hervé Maurey. Dernier événement en date : une motion tendant au renvoi à la commission a été déposée au dernier moment par le groupe CRC…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On méprise l’opposition !
M. André Reichardt. Ce n’est pas correct !
M. Hervé Maurey. L’objectif de la majorité est clair : se débarrasser d’une proposition de loi qui présente le grave inconvénient d’émaner d’un élu de l’opposition pour en préparer une autre dont la gauche pourra s’approprier la paternité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout ! C’est absurde !
M. Hervé Maurey. Les propos du président du Sénat, qui a annoncé il y a quelques jours la préparation d’une proposition de loi visant « à endiguer le flux des normes et à simplifier leur mise en œuvre par les collectivités », sonnent d’ailleurs comme un aveu. Ce choix démontre une fois encore que la majorité préfère une attitude politique, pour ne pas dire politicienne, au souci de l’intérêt général qui commande de simplifier les normes. (M. le président de la commission des lois proteste.)
Mesdames les ministres, pourquoi vouloir élaborer un texte nouveau alors que cette proposition de loi existe et peut, si nécessaire, être complétée ou améliorée ?
En ce qui nous concerne, nous sommes désireux de répondre aux attentes des élus. C’est pourquoi, bien que nous la jugions très insuffisante, nous voterons cette proposition de loi qui a le mérite de constituer un premier pas, certes petit, mais dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, bis repetita placent… Voici que nous débattons, pour la seconde fois en quelques mois, de l’inflation des normes, qui est un problème récurrent depuis vingt ans.
Les états généraux de la démocratie territoriale qui se sont récemment tenus au Sénat ont fait entendre la plainte légitime des élus de nos départements, qui rencontrent des difficultés pour appliquer les normes, en particulier lorsqu’elles exigent de se doter d’équipements coûteux.
Comme plusieurs orateurs l’ont déjà rappelé, les communes doivent respecter, selon l’Association des maires de France, pas moins de 400 000 normes ! Il est matériellement impossible de les connaître toutes et de les appliquer à bon escient. Les communes sont donc les premières victimes de ce zèle normatif, qui donne aux responsables publics cette illusion : « parce que je réglemente, je suis ! »
Dans mon département de l’Aisne, je mesure au quotidien le désarroi des élus, notamment celui des maires de petites communes, lesquelles sont chez nous particulièrement nombreuses puisque, sur 816 communes, seules 90 comptent plus de 1 000 habitants.
Cette réglementation s’applique dans des domaines très divers qui touchent à l’ensemble des compétences locales. Si elle trouve sa justification dans le souci de veiller à la qualité et à la sécurité, elle occasionne des investissements lourds qui ont souvent tendance à paralyser les initiatives. En outre, les installations construites deviennent rapidement obsolètes du fait de la révision régulière de ces normes, ce qui entraîne pour ainsi dire un suraccroissement des charges financières supportées par les communes.
À ces problèmes vient s’ajouter celui de l’inadaptation des normes aux particularités locales. Cette question reste sans réponse, car le représentant de l’État craint la procédure pénale ou la sanction du juge administratif dans l’éventualité d’une dérogation.
Dépourvues de service juridique, les petites communes, dont je me fais le porte-parole, ont forcément du mal à appliquer la norme. Quelle collectivité n’a pas dû renoncer à telle ou telle opération parce que l’étude d’impact aurait coûté dix fois plus cher que les travaux eux-mêmes ?
Si une réglementation stricte est indispensable pour garantir la sécurité de tous les administrés, les politiques de prévention et de précaution se heurtent non seulement à des problèmes de financement, mais aussi à la lenteur de certaines procédures, comme les fouilles archéologiques ou les procédures d’urbanisme.
Figurez-vous que, l’an dernier, dans le cadre d’une opération de réaménagement urbain dans le quartier médiéval de ma ville de Laon, j’ai dû faire procéder à l’établissement du bilan de performance énergétique d’un immeuble voué à la destruction ! L’article 22 de la proposition de loi, qui vise à dispenser d’un certain nombre de diagnostics les bâtiments vendus en vue d’être détruits est par conséquent bienvenu.
Dans un autre domaine, la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau oblige les petites communes à créer un service public d’assainissement non collectif afin de procéder à un certain nombre de contrôles sur les installations d’assainissement autonomes. Mais comment doit-on faire quand une petite commune rurale est bâtie sur la roche-mère et que les maisons n’ont pratiquement pas de terrain ? Ce n’est pas parce qu’on est en zone rurale que toutes les habitations disposent d’un terrain suffisant pour accueillir les composantes de prétraitement, de traitement et d’exutoire qui composent un système d’assainissement. Sans compter que les travaux à entreprendre représentent un coût prohibitif pour des populations aux revenus faibles, voire très faibles, comme certains retraités. Comment ces personnes financeront-elles les milliers d’euros que coûte une installation et les centaines d’euros que coûtent les contrôles de conception, de réalisation et de fonctionnement ?
Par ailleurs, les élus sont parfois confrontés à des interlocuteurs bien éloignés des réalités.
Il faut bien le dire, la lutte contre les normes passe aussi par la responsabilisation des citoyens. Dans cet esprit, la proposition de loi présentée par notre collègue Éric Doligé prévoit de renforcer les compétences de la commission consultative d’évaluation des normes, installée par le précédent gouvernement il y a presque quatre ans, et de créer des commissions consultatives départementales d’application. C’est encore une initiative bienvenue.
Mais la proposition de loi visait surtout à introduire parmi les principes généraux de la décentralisation fixés par le code général des collectivités territoriales, qui déterminent notamment les normes opposables aux collectivités territoriales, un principe général selon lequel les prescriptions et procédures techniques législatives et réglementaires applicables aux collectivités territoriales pourraient faire l’objet d’adaptations selon des critères objectifs. Las, la majorité sénatoriale a botté en touche en février dernier, en demandant le renvoi à la commission de la proposition de loi, tout en reconnaissant qu’un certain nombre de ses dispositions allaient dans le bon sens… Puis, la semaine dernière, en totale contradiction avec les déclarations récentes du Président de la République comme du président du Sénat, qui ont tous deux entériné la nécessité d’une adaptabilité des normes, vous avez, chers collègues de la majorité, rejeté en commission l’article 1er de la proposition de loi, qui répondait pourtant exactement à ces présidentielles constatations.
Alors que nous entendons tous les élus se plaindre de la complexité excessive des normes, de leur illisibilité dans certains cas et de leur trop grand nombre, il n’est que temps que le Sénat soit un acteur des décisions qu’il faudra bien prendre à court terme.
Alors qu’un travail très important a déjà été accompli, il n’est que temps que le principe de l’adaptabilité des normes soit voté au Sénat et à l’Assemblée nationale, où votre majorité a retoqué une proposition de loi de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier il y a à peine deux semaines.
Alors que cette proposition de loi est le fruit de nombreuses auditions et d’observations de terrain, il n’est que temps d’avoir un débat d’idées et de prendre des décisions utiles pour nos collectivités territoriales et pour les Français.
On ne peut à nouveau reporter l’examen de cette proposition de loi : il y a vraiment urgence ! C’est le message des élus de tous horizons et de tous bords qui, lors des états généraux des collectivités territoriales, ont exprimé ici même leur exaspération devant la saturation de normes. Pourtant, il semble que la majorité nous propose d’attendre encore et de reporter à nouveau.
Parce que le Sénat reçoit de l’article 24 de la Constitution la mission spécifique d’assurer « la représentation des collectivités territoriales de la République », il est temps pour notre assemblée de répondre à l’attente des élus.
Mes chers collègues, représentants des communes de France, je vous adjure de soutenir les propositions de notre collègue Doligé ; vous qui siégez dans la majorité, osez déroger à cette fameuse discipline de vote qui risque d’être contre- productive pour nos collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Rappel au règlement
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après que notre collègue Jean-Pierre Michel a parlé tout à l’heure du dispositif de saisine du Conseil d’État, je souhaite éclairer notre assemblée afin d’éviter des imprécisions.
M. Doligé a déposé sa proposition de loi en août 2011. En application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, j’ai utilisé le droit reconnu au président du Sénat de saisir le Conseil d’État pour avis. En effet, j’ai estimé que, dans ce dossier complexe, son éclairage était indispensable pour prévenir le risque que des observations soient formulées ultérieurement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous avez bien fait !
M. Gérard Larcher. Lorsque le Conseil d’État a rendu son avis, ce n’est pas à M. Doligé qu’il l’a adressé, mais au président du Sénat. C’est à ce dernier qu’il appartient, s’il le souhaite, de le transmettre au président de la commission des lois, qui est compétente pour examiner la proposition de loi.
Je crois savoir que le président de la commission des lois a demandé au président du Sénat communication de cet avis.
Voilà ce que je voulais rappeler à nos collègues ! Cette prérogative appartient non pas à l’auteur d’une proposition de loi, mais au président du Sénat, et il l’exerce pleinement.
Sur le terrain, nous entendons bien qu’il est nécessaire de simplifier concrètement les normes. Aussi, au cours de cette journée qui bouleverse un tout petit peu le Parlement dans le respect notamment de la Constitution, nous aurions pu, sur un sujet de cette importance, nous rassembler plutôt que d’utiliser des procédures dilatoires aboutissant à dépasser le créneau horaire accordé pour cette discussion et, ce faisant, à ne pouvoir adopter des mesures utiles pour l’ensemble de nos collectivités territoriales.
Tel est le point que je voulais souligner, tout en rappelant à notre collègue Jean-Pierre Michel, qui est attentif aux procédures, la procédure exacte prévue par la Constitution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion générale (suite)
M. le président. Nous poursuivons la discussion générale.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux apporter une précision à la suite de certains propos qui ont été tenus, en particulier par M. Maurey.
Il est une sorte de jeu auquel je ne souhaite pas me prêter et qui consisterait à faire accroire que l’on découvre tout à coup qu’il faut plus de quatre heures pour examiner ce sujet. Enfin, mes chers collègues, tout le monde le sait, et cela depuis toujours !
La conférence des présidents, à laquelle plusieurs d’entre vous participent, a, je le rappelle, décidé qu’il fallait désormais appliquer strictement les horaires, avec tout ce qu’emporte d’inconvénients une telle décision, j’en suis bien d’accord.
À partir de ce moment-là, chacun des six groupes de notre assemblée a le choix d’inscrire le texte ou les textes qu’il souhaite dans les créneaux qui lui sont réservés. C’est ainsi que le groupe UMP a tout à fait légitimement décidé d’inscrire cette proposition de loi. Quand il l’a fait, monsieur Maurey, il n’ignorait pas qu’elle comportait une trentaine d’articles donnant lieu à débat après, forcément, les interventions des rapporteurs et la discussion générale. Tout le monde le savait !
La vérité, c’est que rien n’empêche de poursuivre ce débat non pas dans des siècles, mais à la faveur des prochains créneaux au cours desquels, chaque mois je crois, les groupes ont la faculté d’inscrire des textes.
Lorsque l’on choisit d’inscrire un texte comportant un ou deux articles, on peut espérer qu’il sera voté. En revanche, s’il en comporte trente-trois, cela devient très difficile, et il ne faut pas s’en étonner. Personne ne fait de l’obstruction, monsieur Maurey ! Vous auriez pu le dire si trois cents, quatre cents ou cinq cents amendements avaient été déposés avec la volonté que la discussion n’aboutisse pas.
Ce matin, la commission des lois, comme d’autres, s’est réunie, et le débat a été très positif. Les représentants de l’UMP ont défendu leurs amendements, tout comme ceux du groupe socialiste, du RDSE et de l’UDI-UC. Consultez le compte rendu de nos travaux : les votes ont été très transversaux, partageant même parfois les groupes. Nous avons eu un vrai débat sur les propositions concrètes qui étaient faites.
Par conséquent, il n’y a ni obstruction ni mauvaise volonté de la part de quiconque, et surtout pas de Mme la rapporteur, qui a fait un gros travail sur ce texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame Des Esgaulx, il dépendra de vous et de vos collègues que le débat se poursuive. Rien ne nous empêchera de tirer les conclusions des états généraux de la démocratie territoriale et, je le répète, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. On précisera qui apporte telle pierre, si c’est cela le sujet !
Le principal est que nous parvenions à faire avancer les choses, dans la diversité des opinions, sur l’initiative de M. Doligé et à la suite des états généraux dont M. le président du Sénat a pris l’initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens vers vous après avoir entendu, voilà quelques jours seulement, à l’occasion de la présentation de la proposition de loi de M. le député Pierre Morel-A-L’Huissier, évoquer les difficultés rencontrées dans les collectivités locales pour appliquer les normes.
Ce jour-là, j’ai entendu un certain nombre d’expressions, telles que « profusion de normes », « logorrhée normative », « incontinence normative », « profusion normative », expressions qui n’ont pas été prononcées cet après-midi, à l’exception de la première. Je peux néanmoins toutes les reprendre ce soir à votre compte, car, même si vous ne les avez pas utilisées, elles correspondent à ce que vous avez exprimé les uns et les autres, à savoir l’importance du poids de ces normes et combien ce poids est gênant en matière de temps, de coût et même d’intelligence. Ce point-là fait l’unanimité, et nous sommes parfaitement d’accord sur l’absolue nécessité d’en revenir à des dispositifs plus simples.
Madame Troendle, vous avez cité les propos du Président de la République. Ils montrent à quel point le chef de l’État, l’ensemble du Gouvernement et vous-même souhaitent aller aussi vite que possible sur des dispositions qui créeront « l’intelligence des territoires ». D’ailleurs, permettez-moi de m’arrêter un instant sur ces mots. Au sens premier, intellegere en latin, c’est ce qui nous relie et non ce qui nous différencie.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. C’est ce qui va nous permettre, ensemble, de travailler de façon intelligente, c’est-à-dire dans le même sens, avec la même cohérence et la même volonté d’avancer.
Simplification, lisibilité, pragmatisme, tels sont les objectifs de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi. Voilà des mots que vous avez utilisés et que nous reprenons aussi à notre compte, car ce sont ceux qui doivent gouverner le texte que nous allons construire ensemble.
Vous avez rappelé – ce fut l’un des points fondamentaux du débat de cet après-midi – la nécessité d’adapter le texte en fonction des spécificités de nos territoires. Je tiens à réaffirmer l’un des principes de notre République : son unicité, dans la diversité certes, mais aussi dans le respect des principes de la Constitution. Je pense en particulier au principe d’égalité, au nom duquel a été supprimé l’article 1er. Je pense aussi au pouvoir propre au Premier ministre, pouvoir qui ne peut donc en aucun cas être celui du préfet de région ou du préfet de département. Je pense enfin à l’intelligibilité du texte et à son applicabilité à tout moment.
Telles sont les règles simples sur lesquelles nous devrons absolument nous appuyer pour écrire notre prochain texte.
La richesse des propos qui ont été tenus et la sérénité avec laquelle a été rédigé le texte montrent bien l’unanimité entre nous. Avant de répondre aux différents orateurs, je reprendrai la phrase de Cicéron qui a été prononcée tout à l’heure : « Nous sommes esclaves des lois pour pouvoir être libres. » Eh bien oui, nous allons nous lancer tous ensemble vers cette liberté !
Madame la rapporteur, vous avez accompli un travail tout à fait remarquable, et je vous remercie de vos observations. Vous l’avez souligné, un certain nombre de dispositions ne peuvent pas être maintenues, car elles créent de fortes difficultés.
Vous avez en particulier évoqué le rôle des différentes commissions consultatives. Permettez-moi de vous faire observer que tant la commission consultative d’évaluation des normes que la commission consultative d’évaluation des charges ont toutes pour secrétariat, comme le Comité des finances locales, la direction générale des collectivités territoriales, qui est à nos côtés et qui travaille pour nous.
Vous avez souligné la nécessité de travailler sur le stock autant que sur le flux. Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique vous le disait tout à l’heure, nous avons rencontré ce matin M. Lambert, le président du groupe de travail.
Mme Nathalie Goulet. L’excellent M. Lambert !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. C’était un moment fort au cours duquel il a insisté sur l’importance du stock. Je ne vais pas reprendre les chiffres que vous avez tous cités, mesdames, messieurs les sénateurs : 400 000 normes a minima et un coût d’un peu plus de 2 milliards d’euros par an ! Cela explique le véritable besoin de facilitation et de simplification.
Madame la rapporteur, vous avez, entre autres points, souligné la nécessité et l’intérêt de la facilitation du modèle de fonctionnement des collectivités territoriales, par exemple la dématérialisation. Vous avez aussi évoqué les problèmes de mutualisation au sein des centres de gestion et la nécessaire clarification en matière d’action sociale. Ces points sont aujourd’hui dans le texte et seront porteurs.
Monsieur Martial Bourquin, vous avez souligné les difficultés rencontrées en matière d’urbanisme. Il est vrai que la réglementation et le code de l’urbanisme sont d’une complexité qui, aujourd’hui, rend très difficile l’application sur le terrain. Vous avez indiqué la volonté de simplification qui ressort de cette proposition de loi pour échapper à la complexification. Sur ce point, je vous remercie d’apporter votre voix au concert d’avis.
Monsieur Lozach, il est nécessaire, selon vous, de réduire les coûts et les délais, et de limiter les normes. Vous avez souligné le travail déjà approfondi qui a été le nôtre, mais qui nécessite de l’être davantage dans le respect du principe de libre administration des collectivités locales.
Vous avez souligné aussi combien il était nécessaire de consulter les élus, travail de consultation qui a tout de même été fait ! Nous en avons d’ailleurs eu des échos au sein de chaque département à l’occasion des états généraux de la démocratie territoriale. Lors de plusieurs de mes déplacements, j’ai, à chaque fois, entendu le même message, celui du poids des normes qu’il fallait simplifier.
Fluidifier la chaîne préventive, respecter la cohérence globale, tels sont les impératifs que vous avez rappelés et pour lesquels nous vous accompagnons.
M. Pointereau a souligné les difficultés en matière de droit de l’eau, avec la nécessité de trouver de nouvelles ressources, et les difficultés relatives aux plans de déchets, dangereux ou non, issus des chantiers. Aujourd’hui, les règles sont, là encore, tellement difficiles à appliquer que, dans nos collectivités territoriales, personne n’est en mesure de le faire dans des conditions satisfaisantes.
Je ne reviens pas sur le problème des SPANC. En tant qu’élue locale, je sais que la dépense est absolument insupportable. Voilà des dispositions sur lesquelles il nous faudrait absolument trouver des simplifications. Nous y sommes tous favorables.
M. Pointereau a également souligné la nécessité de mieux prendre en compte les observations de nos élus locaux. Or le travail qui est accompli depuis plusieurs mois montre bien le sens du dialogue et de l’écoute du Gouvernement.
Mme Cukierman a soutenu l’initiative législative que constitue ce texte. Elle a, bien sûr, souligné qu’il fallait absolument protéger les populations les plus fragiles, notamment les personnes handicapées, évoquant le rôle éminent des CCAS, mais sans pour autant mettre en place des dispositifs si contraignants qu’ils en deviendraient inapplicables. Elle a insisté sur le « besoin d’équilibre » qui se fait sentir au moment où les effectifs de l’État et de la fonction publique territoriale sont assez strictement encadrés, ce qui pose de réelles difficultés au regard des missions de contrôle, de conseil, d’expertise.
François Fortassin, avec son humour habituel, a mis en avant l’absurdité du système, la volonté de mieux administrer nos communes et la nécessité d’adapter à chaque niveau les dispositifs, et cela, redisons-le avec force, dans le respect de la Constitution. Il faut « aller à l’idéal et comprendre le réel », proclamait Jaurès. Nous ne pouvons que faire nôtre son vœu !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame Lipietz, vous avez insisté, en reprenant les termes de votre collègue Joël Labbé, sur le coût titanesque des mesures aujourd’hui mises en œuvre. Vous nous avez appelés à la sagesse : pas de précipitation, avez-vous dit, travaillons dans la cohérence, regardons ce que l’on peut faire en matière d’expérimentation locale. Oui, mais toujours dans le même respect de la Constitution. Vous avez également rappelé l’importance du rôle des citoyens. C’est un point de vue que nous partageons. Ce n’est en effet qu’à l’issue d’un vrai débat que nous progresserons dans l’élaboration de la loi.
M. Jean Louis Masson a évoqué les lois sur l’eau et le curage des fossés. Voilà des problématiques que chacun de nous connaît bien en tant qu’élu local, pour les rencontrer au quotidien. Ces petits problèmes ponctuels sont aussi les nôtres !
Madame Troendle, nous vous avons écoutée avec le plus grand intérêt. Vous référant aux propos du Président de la République autant qu’à ceux du président du Sénat, vous avez évoqué la notion d’« intelligence des territoires »,…
Mme Catherine Troendle. Et d’adaptation !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … dont je viens de vous donner ma propre définition, laquelle, je le crois, est largement partagée ici. C’est bien cette intelligence des territoires qui nous relie et nous permettra de progresser vers un texte consensuel.
M. Jean-Pierre Michel a beaucoup insisté sur la qualité du travail parlementaire qui a conduit au débat de cet après-midi. Il a, au passage, suggéré une révision du règlement du Sénat. C’est, en l’espèce, un sujet un peu annexe, mais il est clair que, si vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, travailler un jour dans des conditions différentes, il vous faudra vous atteler à cette question.
M. Michel a fait appel au bon sens et à la rationalité. Il a souhaité que l’on évite toute déréglementation sauvage et que l’on veille à accompagner les élus territoriaux, montrant combien, pour ceux-ci, les problèmes financiers constituent une véritable contrainte dans l’application de la norme.
Monsieur Maurey, ce texte mérite selon vous d’être complété. Vous avez signalé, en particulier, un problème relatif au coût des études préalable à l’implantation d’une passerelle destinée à enjamber une rivière. Il se trouve que j’ai connu un cas similaire dans mon village : nous avons été obligés de faire réaliser deux études coûteuses simplement pour construire un petit pont reliant les deux rives de l’Aveyron.
Vous avez également évoqué les très lourds problèmes que pose l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Nous le savons, la date butoir de 2015 sera difficile à respecter. Pour autant, nous ne pouvons accepter qu’on ne fasse pas tout pour assurer l’accessibilité de ces personnes particulièrement fragilisées.
Vous avez aussi regretté que l’ambition de ce texte soit finalement limitée. Je ne peux que vous rejoindre sur ce point. Si nous avions pu prendre un peu plus de temps pour réfléchir tous ensemble, nous aurions certainement été en mesure de bâtir un texte plus global et plus cohérent, qui aurait pris en compte l’ensemble des contraintes auxquelles sont confrontées nos collectivités.
Monsieur Lefèvre, j’ai bien entendu votre « je réglemente, donc je suis ». (Sourires.) Vous avez souligné les difficultés rencontrées par les petites communes. Celles-ci souffrent peut-être plus que les autres du poids des normes. En effet, elles ne disposent ni des outils ni des ressources humaines nécessaires pour se mettre en conformité avec la loi. Lau moins le nécessaire débat d’idées qui se tient cet après-midi nous donne-t-il l’occasion d’échanger sur cette question.
Pour conclure, j’évoquerai vos propos, monsieur le président de la commission des lois. Vous avez insisté sur les conséquences paradoxales du principe de précaution, dont la mise en œuvre nous conduit aujourd’hui à ne jamais accepter le risque. Or le risque existe, et il nous faut nous y adapter.
Vous avez parlé de liberté, d’esprit d’initiative, d’esprit d’entreprise. C’est assurément ce dont nous avons besoin pour administrer. Permettez-moi, là encore, de revenir à mon cher latin : « administrer », c’est ad, « aller vers », et minister, « le petit ». Administrer, c’est donc s’occuper du plus petit, aller vers le citoyen : c’est notre rôle, plus que jamais. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Dans ce rôle, nous restons sous les regards vigilants de Charlemagne et de Saint Louis.
Dans le magnifique triforium de l’abbatiale Sainte-Foy de Conques – pardonnez cette évocation à l’Aveyronnaise que je suis –, Charlemagne est représenté sur un chemin qui va de la terre au ciel ; c’est le chemin de la sagesse. Quant à Saint-Louis, il est presque inutile de le préciser, il représente le chemin de la justice.
C’est plus particulièrement à vous, monsieur Doligé, qui avez déposé cette très belle proposition de loi, que j’adresserai mes derniers mots : sagesse et justice, tel est le double chemin qu’il nous faudra suivre pour améliorer encore les dispositions que contient ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec et Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 74.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales (n° 38, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Christian Favier, auteur de la motion.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la ministre déléguée, le 15 février dernier, nous étions appelés à légiférer sur la proposition de loi, déposée par notre collègue Éric Doligé, de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
Après son examen par la commission des lois, nous avions majoritairement suivi l’avis de Mme la rapporteur, Jacqueline Gourault, qui avait présenté une motion tendant au renvoi à la commission de ce texte, au motif que celui-ci méritait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie eu égard à l’ampleur des questions soulevées et de la multiplicité des domaines concernés.
J’avais soutenu cette motion, tout en soulignant la nécessité de clarifier l’arsenal normatif pesant sur les collectivités territoriales. Outre que de très nombreuses précisions d’ordre rédactionnel devaient être apportées, la portée de certaines mesures soulevait des interrogations et nous étions hostiles à plusieurs dispositions. Tout cela nécessitait un travail approfondi, en concertation avec les nombreuses institutions concernées.
Or, si les trois commissions sénatoriales saisies pour avis ont rendu leur rapport, il n’en reste pas moins que la commission des lois ne s’est réunie depuis lors qu’une seule fois, voilà quelques jours, pour étudier l’ensemble des rapports et la totalité des amendements déposés sur ce texte.
Pourtant, madame la rapporteur, vous le souligniez vous-même devant la commission le 8 octobre dernier, si la démarche de simplification des normes est une nécessité absolue, « elle doit toutefois se faire avec prudence, pour des raisons de sécurité juridique. Certains dispositifs de simplification contenus dans la proposition de loi présentent en effet des risques ou des lacunes qui auraient des conséquences importantes si l’on n’y remédiait pas. » C’est dire l’importance de nos décisions !
Je ne pense pas que nous ayons pris la pleine mesure des conséquences que nos décisions vont emporter. C’est le premier point motivant notre motion tendant au renvoi de ce texte à la commission.
Notre crainte est d’autant plus vive que certains sénateurs auraient, semble-t-il, eu à leur disposition des informations dont d’autres n’ont pu disposer.
En effet, le Conseil d’État s’est penché sur le texte d’Éric Doligé. Qu’il rende un avis sur une proposition de loi est suffisamment rare pour démontrer l’importance particulière des enjeux juridiques que recouvrent les articles de ce texte. Aussi, comment interpréter le fait que nous n’ayons pas eu connaissance du contenu de cet avis ? Pou, plus exactement, pourquoi seulement certains membres de la commission des lois et non l’ensemble de ceux-ci ont-ils pu en avoir connaissance ? Les explications de notre collègue Gérard Larcher n’ont pas fait disparaître toutes nos interrogations.
Pourtant, comme le faisait remarquer en commission notre collègue Alain Richard, il ne saurait y avoir « plusieurs catégories de législateurs ». Devant la complexité des questions abordées par ce texte et les enjeux qui y sont attachés, permettre que des sénateurs puissent disposer d’un tel document sans que les autres y aient eu accès apparaît comme un déni de droit.
Nous demandons donc solennellement le renvoi de ce texte à la commission afin de permettre à tous de prendre connaissance de l’ensemble de l’avis rendu par le Conseil d’État sur la totalité du texte.
Rien ne nous assure, en effet, que les amendements retenus par la commission suffisent à satisfaire les remarques du Conseil d’État. Finalement, notre commission, se fondant sur l’avis des autres commissions saisies et sur des informations dont nous venons de dénoncer l’opacité, a adopté un texte profondément modifié, celui qui est aujourd’hui soumis à notre examen.
Bien que le nombre d’articles de la proposition initiale ait été réduit, passant ainsi de trente-trois à vingt-trois, et malgré la modification de seize articles, le texte qui nous est présenté ressemble toujours à une proposition de loi portant diverses mesures législatives : il ne constitue pas un ensemble cohérent d’articles sur un objet défini.
Comme dans la proposition de loi originelle, les modifications législatives envisagées ne sont pas des mesures de portée générale visant à simplifier les normes applicables aux collectivités locales. En effet, comme vous le déclariez en commission, madame la rapporteur, mis à part les articles 1er et 2 du texte déposé par Éric Doligé, « cette proposition de loi prévoit également des dispositions d’importance inégale, destinées à simplifier le fonctionnement des collectivités territoriales ».
En fait, il s’agit bien souvent de nouvelles règles, dont les vertus simplificatrices restent parfois, et même souvent, à démontrer.
Certes, cette proposition de loi est issue d’un travail considérable, que nous avons tous salué. Éric Doligé a réalisé un volumineux rapport de mission, à la demande du président Sarkozy. À l’issue de ses investigations, il a formulé plus de 260 propositions, dont la pertinence relevait, pour partie, de l’objectif qui lui avait été assigné.
Dans sa lettre de mission, le Président de la République dénonçait en effet ces normes qui « génèrent par leur complexité des coûts très lourds ». Il demandait à notre collègue de proposer des mesures propres à desserrer les contraintes et à alléger les coûts excessifs. En fait, l’objectif de réduction des coûts semblait être l’élément central de la mission, plus que les tracasseries et contraintes supportées par nos élus locaux, dont ceux-ci se plaignent régulièrement et que les états généraux qui viennent de se dérouler ont bien mis en relief.
Cependant, il faut le reconnaître, notre collègue a su élargir le champ de ses investigations et de ses propositions. Nous considérons d’ailleurs que ce travail mérite un débat plus large que celui auquel peut donner lieu la simple proposition de loi qu’il a déposée, un cadre qui semble bien étroit quant aux objectifs, si l’on exclut, bien sûr, son article 1er, qui constituait le cœur du texte d’origine.
En effet, cet article devait ouvrir la voie à une remise en cause de la notion même de norme, puisque, de fait, les normes auraient pu, dans certaines conditions, ne pas être réellement appliquées. Ainsi, le législateur voterait des lois créatrices de normes nouvelles et, dans le même temps, permettrait leur non-application, alors qu’il a la possibilité – sinon l’obligation – de préciser les conditions d’application de la loi.
Nous voilà bien loin de la simplification des normes ! C’est au contraire une nouvelle complexification, pouvant entraîner des suites juridiques, procédurales et jurisprudentielles sur la justification de la non-application de telle ou telle norme.
Par ailleurs, l’application de cette dérogation aux normes relevant de chaque autorité locale compétente en la matière, l’égalité des citoyens sur tout le territoire serait mise à mal, chacun en conviendra.
Autrement dit, si la proposition de loi d’origine avait été adoptée, il aurait mieux valu être handicapé dans une ville riche que dans une ville pauvre, en zone urbaine dense que dans une ville moyenne, au cœur d’une métropole que dans sa périphérie.
Cette disposition a disparu. Dont acte ! Il n’en demeure pas moins qu’elle a été envisagée sur certaines travées de cette assemblée.
Cela étant, une préconisation de ce type demeure dans le texte qui nous est présenté aujourd’hui, à l’article 18 : elle vise les CCAS. La commission aurait pu supprimer purement et simplement l'article en question ; elle ne l’a pas fait et nous le regrettons vivement. Cet article, le plus long du texte, fait, curieusement, partie du chapitre V, intitulé « Simplification des procédures », alors qu’il fait éclater le principe même de l’action sociale obligatoire dans toutes les communes.
En fait, en rendant facultatifs les centres communaux d’action sociale dans les communes de moins de 1 500 habitants, vous donnez la possibilité de supprimer ces centres dans près de 30 000 communes de France : cela pourrait toucher plus de 13 millions d’habitants !
On comprend mieux, dès lors, que le fossé ne cesse de se creuser entre les élus et la population. C’est tout sauf une simplification de procédure ! C’est un recul grave des services publics de proximité.
Je ne dresserai pas ici la liste des avis pour le moins dubitatifs que nous portons sur les autres articles, d’autant que nombre de ceux qui ont été supprimés par la commission feront malgré tout l’objet d’une discussion par le jeu normal des amendements, si la discussion se poursuit. Or, sur la plupart d’entre eux, le moins que l’on puisse dire est qu’ils mériteraient un examen approfondi, et d’abord en commission, où cet examen n’a pas été suffisant. Il faut que leur impact sur la vie des gens soit réellement étudié, en tenant compte des besoins de la population, et non pas en ayant une simple vision comptable.
Ces mesures sont si nombreuses que le temps imparti par notre ordre du jour ne permettra pas de les discuter sérieusement. C’est la troisième raison qui motive cette motion.
Il ne s’agit pas pour autant d’enterrer ces questions qui, chacun le sait, méritent un véritable débat. Nous pourrons l’avoir très prochainement, lorsque nous examinerons le futur projet de loi de décentralisation préparé par le Gouvernement et annoncé pour le premier trimestre de 2013. Les propositions de notre collègue Doligé pourront ainsi être étudiées dans un ensemble plus large et cohérent.
Enfin, la dernière raison qui motive le dépôt de cette motion de renvoi s’appuie sur les suites que le président Bel entend donner aux travaux des états généraux de la démocratie territoriale, qui viennent de se dérouler sur l’initiative de la Haute Assemblée et de tous les groupes politiques qui la composent. En effet, le président du Sénat a décidé de demander à la commission des lois ainsi qu’à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur cette question des normes et de proposer un texte afin de réduire le flux normatif qui pèse sur nos élus locaux. Nous sommes tout à fait favorables à cette proposition.
Pour mener à bien ce travail législatif qui est devant nous, nous devrons prendre en compte non seulement la proposition de loi de notre collègue Doligé, mais aussi le rapport de mission qu’il a rédigé ainsi que le rapport d’information de notre ancien collègue Claude Belot, « La maladie de la norme », qui avait une vision élargie des problématiques posées et formulait des propositions de portée générale, prenant en compte la question des stocks et celle de la création perpétuelle de nouvelles normes.
Dans cette perspective, si les élus locaux se plaignent régulièrement du poids des normes, ils affirment aussi qu’ils auraient besoin de plus de conseils techniques. Ces deux exigences, me semble-t-il, se répondent. Les élus demandent en effet plus de conseils, conscients que ces normes sont pour la plupart d’entre elles des règles de sécurité, de qualité et d’égalité et constituent de ce fait un élément de notre pacte social et républicain qu’il serait dangereux de disloquer.
Il serait, en effet, particulièrement grave que, sous couvert de simplification des normes, on favorise de nouvelles ségrégations spatiales et sociales. Nous irions alors vers de nouvelles disparités entre collectivités locales et entre citoyens, au moment où le Gouvernement vient de créer un ministère de l’égalité des territoires.
Il faudra éviter ces écueils, mais nous restons persuadés qu’un important travail est à réaliser pour desserrer des exigences normatives qui ne s’imposent pas et veiller à ce que les tracasseries administratives n’ajoutent pas des contraintes excessives et inutiles. Pour y parvenir, nous avons besoin de temps et de débats approfondis.
Aussi, mes chers collègues, je vous invite à ne pas céder à la précipitation et, pour cela, à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission, ce qui permettra de joindre l’examen du présent texte à la future proposition de loi que le président Bel nous a demandé d’écrire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, contre la motion.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je me permettrai de faire d’abord une remarque d’ordre général sur l’organisation de nos travaux et ses conséquences.
Je constate que nous disposons de quatre heures pour examiner cette proposition de loi : or ce délai arrivera à son terme dans vingt minutes, alors que nous venons seulement d’entamer la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission. Et encore, aujourd'hui, une seule motion de procédure a-t-elle été déposée ! Il est clair que, avec un tel délai, si trois motions de procédure sont déposées sur une proposition de loi – ce que notre règlement autorise –, et quand bien même celle-ci ne comporterait qu’un article affecté d’un seul amendement, aucune proposition de loi ne pourra jamais être complètement discutée et, a fortiori, adoptée.
Jean-Pierre Michel nous a aimablement proposé de revoir le règlement du Sénat. Mais rappelez-vous, mes chers collègues : il n'y a pas si longtemps – le changement de majorité avait déjà eu lieu –, lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, à l’issue des quatre heures imparties, comme nous n'avions guère avancé, une réunion s'est tenue de manière subreptice pendant cinq minutes, vers 19 heures, et il a alors été décidé que nos travaux se poursuivraient la nuit, ce qui a permis d'aller bien au-delà des quatre heures : le débat a duré sept ou huit heures ! Cela prouve bien que le règlement, tout comme les normes, peut faire l’objet d’adaptations : il suffit de le vouloir !
Je souhaite maintenant revenir sur l'avis rendu par le Conseil d'État au sujet de la présente proposition de loi, puisque M. Favier vient d’aborder ce point. Il avait déjà été soulevé en commission des lois, notamment par M. Alain Richard, qui avait affirmé en substance : « Cet avis est la propriété de M. Doligé et je ne vois pas pourquoi ce serait la propriété d’un seul sénateur. »
Je l'ai déjà indiqué dans la discussion générale, mais je le répète, car Jean-Pierre Michel ne l'a sans doute pas entendu : il y a des règles et, en l’occurrence, la règle dit que c’est le président du Sénat qui dispose de cet avis. Il se trouve que, entre le moment où l’avis du Conseil d’État a été sollicité et celui où il a été prêt, le président du Sénat a changé. Or le Conseil d’État n’a pas voulu remettre son avis au nouveau président tant que celui-ci ne l’aurait expressément demandé, montrant par là que c’est bien au président que cet avis « appartient ». Le président en fait ensuite ce que bon lui semble.
À ma connaissance, mais cela figure dans le compte rendu de la réunion de la commission des lois, le président Sueur a demandé au président du Sénat de lui remettre l’avis du Conseil d'État. J’ai eu connaissance de son contenu parce que, bien sûr, par courtoisie ou par gentillesse, on me l'a transmis, mais il ne me revenait pas de le communiquer puisqu'il s'agit d'un document qui « appartient » au président du Sénat et que celui-ci est libre de le diffuser comme il l'entend.
En écoutant les motivations qui ont poussé le groupe CRC à déposer cette motion, je viens de prendre conscience que le règlement du Sénat, à moins que ce ne soit la Constitution, permettait de renvoyer plusieurs fois le même texte à la commission. En effet, sur proposition de Jacqueline Gourault, au mois de février dernier, ce texte a déjà fait l’objet d’un tel renvoi. Et voilà qu’on propose aujourd'hui de le renvoyer à nouveau à la commission ! Cela peut durer longtemps ! À la limite, si mon groupe décidait de l’inscrire une nouvelle fois dans sa niche parlementaire dans quelques mois, il pourrait être de nouveau renvoyé à la commission…
Par conséquent, je souhaite savoir précisément si une telle procédure est réellement admise. Si c’est le cas, on sous-entend, comme l'a fait notre collègue à l'instant, que la commission n'a pas fait son travail, ce que je ne peux imaginer. Comment comprendre qu’en huit mois la commission n'ait pas pu étudier à fond l'article 1er ?
Le Président de la République, qui a été cité de nombreuses fois au cours de cette discussion – notamment par nous-mêmes, ce qui témoigne, au passage, de notre ouverture d’esprit – a, tout comme le président du Sénat, évoqué la notion d'adaptabilité. Or celle-ci est au cœur de notre réflexion et de notre démarche ! Si, en huit mois, la commission des lois n'a pas été en mesure de dire précisément de quoi il retourne, je me demande comment on parviendra à le faire en trois mois, puisque c'est a priori au mois de janvier prochain que nous examinerons une nouvelle fois ce texte.
Sur ce dossier, en vérité, un travail considérable a déjà été accompli. Des amendements très précis ont été déposés. Plus de 260 propositions ont été retenues parmi les 900 qui ont été examinées. La direction générale des collectivités locales s’est livrée à une étude approfondie, analysant tous les articles et procédant à des analyses très fouillées. Je serais donc bien surpris que l’on parvienne à des résultats différents en menant des enquêtes complémentaires !
Le Président de la République l’a affirmé voilà quelques jours : nous allons être confrontés à des problèmes d'application des lois, notamment à des problèmes de délais. La date de 2015 a été mentionnée. Eh bien, c’est vous, madame le ministre, qui allez devoir régler ce problème, et j’imagine que cela ne va pas être facile.
L’argument des CCAS a, une fois de plus, été avancé et, même si j'y ai déjà répondu des dizaines de fois dans cet hémicycle, en donnant des exemples, je veux y revenir.
Les maires des communes de 300, de 400 ou de 500 habitants sont obligés de mettre en place un CCAS parce que la loi les y oblige. Nous avons reçu un grand nombre de courriers sur ce point. Il leur faut alors prévoir un budget, dépenser de l'argent avant même d'en avoir reçu – alors que c'est le conseil municipal qui fait le travail !
Il faut le savoir, les 260 et quelques propositions ont été inspirées par des suggestions émanant au moins autant d'élus de gauche que d'élus de droite ; je pense notamment au président de l’Assemblée des départements de France ou au président de l’Association des régions de France, dont la sensibilité politique est plutôt celle de la majorité de cet hémicycle. Les propos qu’ils ont tenus lorsque je les ai auditionnés peuvent être consultés par tout le monde. Pourtant, ces propositions sont rejetées par un certain nombre d'entre vous !
Alors, madame le ministre, je vous souhaite bon courage pour la suite, car vous allez vous heurter aux mêmes difficultés.
Je souhaite revenir également sur le chiffre de 2 milliards d'euros qui a été mentionné. On nous explique qu’il y a des économies à faire. On nous a annoncé qu’en 2014-2015 l'État devrait récupérer 2,5 milliards d'euros sur les collectivités. Autrement dit, on va nous reprendre 2,5 milliards et, là, on nous explique qu’on peut « gratter » 2 milliards chaque année, alors qu’il n’était question que de 800 millions à 900 millions d'euros l'année dernière. Ce sont les chiffres de notre ancien collègue Alain Lambert.
En tout cas, si l’on est pressé de récupérer ces sommes, on ne manifeste pas le même empressement quand il s’agit de voter un texte de simplification des normes !
Vous verrez les difficultés qui nous attendent si l'on renvoie encore ce texte en commission. Je ne suis d'ailleurs pas certain que la commission ait envie de le voir inscrit très rapidement à l’ordre du jour de nos travaux : elle préfère sans doute privilégier le texte qui sera proposé sur l’initiative du président du Sénat.
Je rappelle que certains ont suggéré d’analyser les propositions qui ont été formulées en matière de normes lors des états généraux de la démocratie territoriale. Je vous invite à examiner ces propositions et à essayer d’établir un texte précis sur cette base. Dans le cadre de l’atelier n° 1, que présidait Jacqueline Gourault, j’ai entendu tous les participants se plaindre de ce que les normes étaient trop nombreuses et trop coûteuses, en un mot insupportables. Mais ce n’est pas avec ce genre de remarques que l’on rédige une proposition de loi ! Ce ne sont pas les considérations émises pendant les états généraux qui nous permettront de concevoir un texte cohérent.
Au cours de ces états généraux, les élus ont simplement dit et répété qu’ils commençaient à en avoir assez des normes, ou du moins qu’il y avait une certaine saturation en la matière, et qu’il fallait donc trouver des solutions. Ces solutions, nous les avançons. Contrairement à ce qu’ont affirmé les orateurs qui siègent sur le côté gauche de cet hémicycle, les états généraux ne nous ont pas fourni les propositions nécessaires à la rédaction d’un projet de simplification des normes. Les participants nous ont seulement dit : « Faites-nous quelque chose sur les normes. » Eh bien, ce quelque chose, il est là, et nous avons tout de même mis quelques mois à le préparer !
Tous les ministères ont travaillé de manière extrêmement fine et précise. Ce ne sont pas les ministres qui, à l’époque, m’ont fait part de leurs observations : ce sont les services des ministères. Je vous montrerai, mesdames les ministres, les tableaux qu’ils ont élaborés, indiquant, pour chaque mesure, si elle était faisable ou non, et si elle relevait de la circulaire du décret ou de la loi. Cela montre bien qu’un travail très sérieux a été réalisé.
Ma proposition de loi ne comportait que trente-trois articles. J’aurais aimé – mais nous n’en avons plus le temps –que nous profitions de ce support pour ajouter, comme l’a souhaité Hervé Maurey, un certain nombre de dispositions pertinentes. Nous aurions pu faire preuve d’imagination pour améliorer le quotidien de nos collectivités territoriales. Malheureusement, cela n’a pas véritablement été le cas. Certes, douze amendements concernant les maisons de retraite ont été déposés ; c’est intéressant, mais ce n’est pas le cœur du sujet.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne souhaite pas que cette proposition de loi soit renvoyée à la commission. La commission a eu au moins huit mois pour examiner le texte et formuler des propositions.
Mme Cécile Cukierman. Entre-temps il y a eu des élections !
M. Éric Doligé. Des propositions, la commission en a d'ailleurs formulé, et certaines d’entre elles sont intéressantes.
Quand la commission a proposé de supprimer certains articles de la proposition de loi, je n’en ai pas fait une maladie ! Mon objectif n’était pas de pouvoir me féliciter d’avoir introduit telle ou telle disposition. Mon objectif était de formuler des propositions afin qu’elles puissent être discutées, amendées, enrichies. Du reste, c’est ce qui a été fait.
Je remercie d’ailleurs Jacqueline Gourault du rôle qu’elle a joué en tant que rapporteur de la proposition de loi et présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je remercie également le président de la commission des lois d’avoir analysé le texte en détail et d’avoir accepté de travailler à partir de ce document.
Je voudrais, à titre amical, souhaiter encore une fois bonne chance à Mmes les ministres et à la commission. En effet, vous serez confrontés à tous les problèmes que l’opposition était prête à traiter, à toutes les difficultés associées à ce type de texte. De nombreux lobbies vont se manifester ; je peux même vous les citer à l’avance ! Sans même parler de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, l’UNCCAS, qui craignait que la diminution du nombre potentiel d’adhérents n’entraîne de fait une baisse du nombre de ses adhérents. Cependant, comme moins de la moitié des communes adhèrent actuellement à l’UNCCAS, elle possède encore une marge de progression. De toute façon, si le problème est exclusivement d’ordre financier, elle peut aussi augmenter la contribution des gros CCAS.
Je vous souhaite vraiment bonne chance, car, vous allez vous en rendre compte, tous ceux qui bénéficient de l’application de telle ou telle norme sont évidemment opposés à toute modification du champ de la norme considérée. Aussi bien, chaque fois que vous voudrez toucher à une norme, un groupement demandera à vous rencontrer pour vous convaincre de ne pas le faire, en vous expliquant que, grâce à cette norme, il a pu développer une activité.
Je prendrai l’exemple des normes en matière de contrôle : s’il est prévu que le diagnostic termites doit être effectué une fois par an, la vérification des ascenseurs tous les deux ans et tel autre contrôle tous les trois ans, et que vous souhaitez que ces vérifications et contrôles soient désormais réalisés tous les quatre ans, et en même temps, tous les contrôleurs concernés viendront vous voir !
Je suis ravi que vous preniez ce sujet à bras-le-corps. Quant à nous, nous continuerons à travailler sur ce document. Comme il s’agit d’économiser 2 milliards d'euros, je pense que cela vaut la peine de se précipiter un peu.
M. Charles Revet. Ce n’est pas la volonté de la majorité !
M. Éric Doligé. Je suis désolé d’avoir été un peu long, mais je disposais de quinze minutes et, comme tout à l'heure je n’ai pas utilisé l’intégralité de mon temps de parole car j’espérais que nous pourrions mener à son terme l’examen de cette proposition de loi, je me suis permis de m’exprimer plus longuement, sans toutefois dépasser le temps qui m’était imparti ; je ne l’ai d'ailleurs jamais fait au Sénat, pas plus que je n’ai essayé de proposer des textes ne présentant aucun intérêt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. La commission n’a pas examiné cette motion puisque celle-ci a été déposée après la réunion de la commission qui s’est tenue ce matin. Par conséquent, c’est à titre personnel que je dirai mon hostilité à cette motion.
Tout d'abord, nous avons beaucoup travaillé depuis le mois de février, c'est-à-dire depuis que cette proposition de loi a, une première fois, été renvoyée à la commission. Nous avons procédé à de nombreuses auditions. Par exemple, nous avons reçu le représentant de la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFES, ou encore le député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui a déposé une proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural.
Au passage, je tiens à rappeler – et je le fais très calmement – que tous les membres d’une commission sont invités aux auditions qu’elle organise. Tout le monde avait donc la possibilité de travailler à l’amélioration de la proposition de loi. Or je n’ai jamais vu personne à nos auditions…
Ensuite, si la commission des lois n’a pas prévu de réunion supplémentaire, en plus des deux qui ont été organisées ces quinze derniers jours, c’est l’effet de la procédure normale. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.) La commission ne va pas se réunir pour rien, si je puis dire !
Concernant l’article 1er et l’avis qu’a émis le Conseil d'État à son sujet, nous avons pris une position très claire. Comme je l’ai écrit dans mon rapport, la commission « a considéré que la faculté d’adapter des normes obligatoires ne pouvait être ainsi prévue : pour elle, il revient au pouvoir prescripteur de prévoir, le cas échéant, une modulation des règles qu’il fixe dans le respect du principe d’égalité. C’est en conséquence au législateur d’apprécier loi par loi l’opportunité de permettre, en en précisant les critères, des dérogations aux obligations qu’il édicte. Aussi, la loi ne peut proclamer un principe général de proportionnalité des prescriptions qui, d’ailleurs, ne comporterait pas en soi de valeur normative puisqu’il consisterait à rappeler la compétence du législateur dans le cadre fixé par la Constitution. »
Dans ces conditions, le renvoi en commission ne servirait à rien puisque nous savons déjà qu’il est impossible d’inscrire dans la loi un principe général de proportionnalité des prescriptions. C’est d'ailleurs pour cette raison que nous avons rejeté les articles et les amendements – dont un que j’avais moi-même déposé – qui prévoyaient de le faire.
Enfin, monsieur Favier, je voudrais vous répondre à propos des CCAS. La proposition de loi ne prévoit pas de supprimer les CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants, mais de laisser le choix aux conseils municipaux. Si nous avons pris cette décision, c’est parce que, dans ces communes, 50 % des CCAS sont des coquilles vides. En outre, les communes peuvent financer des mesures d’action sociale avec leur budget propre.
MM. Jean-Jacques Hyest et Antoine Lefèvre. Évidemment !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. J’ajoute qu’un seul amendement a été déposé sur ce sujet, ce qui semble indiquer que notre démarche a été comprise par presque tout le monde. Cet unique amendement, qui a été rejeté, visait à rendre obligatoire le transfert à l’intercommunalité de la compétence d’action sociale des communes qui n’ont pas de CCAS. Nous ne pouvions pas accepter un tel amendement, car cela nous aurait conduits à opérer un transfert de compétence entre les communes et les intercommunalités, alors que, vous le savez tous, la compétence d’action sociale est facultative.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre la motion tendant au renvoi en commission, et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Monsieur Favier, pour ce qui concerne l’avis émis par le Conseil d’État sur la présente proposition de loi, il est bien évident que le Gouvernement n’est pas en mesure de se prononcer quant à la manière dont les travaux doivent être conduits au sein de la commission des lois et, plus généralement, au sein de votre assemblée.
Pour ce qui est de la proportionnalité, je partage l’analyse de Mme la rapporteur.
Monsieur Favier, vous demandez un accès égal à l’aide dite « sociale » sur tout le territoire. Il m’est arrivé de seconder des élus de petites communes proches de la mienne lors de réunions du CCAS, et je sais que cet exercice est souvent l’occasion d’étudier certaines actions menées par des associations sans moyens. Mme Escoffier et moi-même devrons traiter cette difficulté, comme vous le souhaitez, en liaison avec les conseils généraux. Mais il faut garder à l’esprit que nous ne pouvons rien imposer à une intercommunalité, ne serait-ce qu’en raison du principe de la libre administration des collectivités et parce que cette compétence n’est pas transférée. Cela dit, la question que vous soulevez est juste, même si la réponse que vous souhaitez voir apporter ne nous semble pas nécessairement appropriée.
Monsieur Doligé, le travail extrêmement important réalisé par la commission des lois est pris en compte. Anne-Marie Escoffier et moi-même avons fait allusion aux rencontres que nous avons eues avec M. Lambert : nous nous sommes alors interrogés sur la façon de nous attaquer au stock considérable de normes, source de dépenses lourdes.
Nous devons cependant être extrêmement attentifs au fait que certaines normes, particulièrement celles qui concernent les personnes en situation de handicap, et qui posent de graves difficultés à beaucoup de nos collectivités, ne peuvent pas être simplement balayées, car il est légitime que les personnes en situation de handicap demandent l’accessibilité. Il convient donc de prendre toutes les précautions juridiques possibles.
Au cours de débats ultérieurs, notamment avec les conseils généraux et les intercommunalités, il faudra trouver les justes moyens pour répondre aux demandes. Il faut être conscient que, parfois, on risque d’aller trop loin. Le rejet de la norme peut aboutir à l’abandon d’un individu-citoyen, et ce serait dramatique.
Toutes les propositions qui ont été formulées et tout le travail qui a été réalisé au sein de la commission des lois seront très précieux pour l’ouvrage que nous allons mettre sur le métier. D’ores et déjà, Anne-Marie Escoffier et moi-même savons qu’il ne sera pas achevé lorsque nous quitterons nos fonctions.
Pour ce qui concerne le flux des normes, le conseil des ministres fera une communication à l’intention de tous les ministères, et chacun d’eux devra en mesurer tout le poids et toute la signification. J’ai d’ailleurs bien noté que, au Sénat, on s’était engagé à ne plus déposer d’amendements aboutissant à créer de nouvelles normes. Il reste que de nombreuses normes naissent du travail administratif lui-même et de la transposition de textes européens. Le Gouvernement s’engage donc, de son côté, à ce que la création d’une nouvelle norme corresponde à la suppression d’une ancienne norme.
Monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, je vous remercie de nouveau du travail que vous avez fourni. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 74, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
7
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du mercredi 24 octobre 2012, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
Acte est donné de cette communication.
8
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas pour ce qui est d’Aruba, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale ;
- du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Sultanat d’Oman en vue d’éviter les doubles impositions.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 25 octobre 2012 :
De neuf heures à treize heures :
1. Proposition de loi visant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, présentée par de Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 756, 2011-2012) ;
Rapport de M. David Assouline, fait au nom de la commission de la culture (n° 56, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 57, 2012-2013).
2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (n° 188, 2001-2002) ;
Rapport de M. Alain Néri, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 60, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 61, 2012-2013).
À quinze heures :
3. Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures quinze à vingt heures quinze :
4. Proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, présentée par MM. Gérard Roche, Christian Namy, Jean-Léonce Dupont, Jean Arthuis, Louis Pinton, Philippe Adnot, André Villiers, René-Paul Savary et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine (n° 391, 2011-2012) ;
Rapport de M. Gérard Roche, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 59, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART