M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ferai d’abord observer que cet amendement n’apporte pas de moyens nouveaux aux magistrats pour intervenir.
Ensuite, la disposition qu’il prévoit figurait dans le projet de loi que vous aviez présenté, monsieur Mercier, en mai 2012. Or cette disposition avait fait l’objet d’observations du Conseil d’État.
M. Michel Mercier. C’est pourquoi je ne l’avais pas maintenue.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour ces mêmes raisons, le Gouvernement considère qu’il vaut mieux s’en passer.
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. Quand on crée une taxe, elle s’applique de manière immédiate à tout le monde alors que, quand on crée un délit, on donne la possibilité au juge de l’utiliser le cas échéant, si nécessaire.
J’avoue que je ne comprends pas la position de mes collègues. J’ai suivi avec intérêt le débat constructif, serein et apaisé que nous venons d’avoir à propos de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et j’ai bien entendu qu’en touchant à des aspects particuliers de notre édifice juridique on est susceptible de remettre en cause certains équilibres. En revanche, s’agissant de la création d’un délit de consultation de sites Internet, alors que nous savons qu’Internet est aujourd’hui un espace où se déroule une part de l’apprentissage au terrorisme, je peine à comprendre les avis qui viennent d’être exprimés.
J’ai apprécié, madame la garde des sceaux, les propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la nécessité de renforcer certains moyens à l’intérieur des prisons afin de prévenir d’éventuelles dérives : en évitant que des gens ne soient livrés à eux-mêmes et que, par des informations tronquées, ils ne deviennent les cibles d’une propagande religieuse d’où toute réflexion soutenue est absente, on peut empêcher le passage à l’acte d’un certain nombre d’entre eux.
Or Internet est aujourd’hui un espace sur lequel, malheureusement, une propagande sans filtre, répandue grâce à des moyens visuels permettant l’imitation de gestes, peut précisément favoriser une instrumentalisation, un embrigadement susceptible d’entraîner un passage à l’acte. Et l’argument selon lequel la création de ce délit ne paraît pas nécessaire aujourd'hui, mais pourrait éventuellement être réexaminée un jour si le besoin s’en faisait sentir, ne me convainc pas.
Je préférerais que l’on décide maintenant de créer le délit, quitte à ce que les magistrats ne l’utilisent pas, de manière à ne pas laisser subsister une zone de non-droit sur Internet, alors qu’il est d’ores et déjà acquis que c’est un espace sur lequel la propagande se développe.
Je peux comprendre, je le répète, certaines des positions qui ont été défendues ce soir afin de préserver un équilibre et qui font l’objet – peut-être – d’un assez large consensus dans cet hémicycle, même s’il n’atteint pas les 75 % dont est créditée la cote de popularité de notre ministre de l’intérieur ! (Sourires.). Mais, en l’espèce, le Gouvernement s’honorerait à accepter l’ajout juridique que constitue cet amendement, qui sera à la disposition des juges et des forces de l’ordre, le cas échéant.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. À l’inverse de ce qui vient d’être dit, je pense que créer une taxe est assez simple mais que s’attaquer à l’outil Internet est beaucoup plus compliqué.
La création d’un délit de consultation de certains sites Internet entraînera inévitablement et de manière extrêmement rapide la mise au point de techniques de contournement qui gêneront l’action des forces de sécurité. Celles-ci auront en effet beaucoup plus de difficultés à remonter la piste des personnes qui consultent les sites Internet terroristes. J’avais déjà évoqué ce problème au sujet des sites pédopornographiques. On ne mesure pas, aujourd’hui, la vitesse à laquelle se développent les technologies et « contre-technologies » sur Internet !
Les services enquêteurs nous demandent de ne pas modifier le code pénal précisément parce que, nous disent-ils, la création d’un tel délit ne servirait à rien et risquerait au contraire de les empêcher de réaliser leurs enquêtes dans les meilleures conditions d’efficacité. C’est eux qu’il faut écouter. Nous ne devons pas donner l’impression que la création de ce délit empêchera l’exécution de l’action, alors qu’elle risque au contraire de la favoriser.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je ne voterai pas l’amendement n° 6 rectifié, mais je suggère au Gouvernement de poursuivre sa réflexion sur le sujet.
En effet, les actes qui concourent à une entreprise terroriste sont variés et il est clair que l’utilisation de tels sites, qui à la fois encouragent et conseillent, fait partie de ces actes.
L’avis du Conseil d’État étant la « propriété » du Gouvernement, nous ne disposons pas ici de l’ensemble des éléments qui conduisent le Gouvernement à ne pas souhaiter l’instauration de cette incrimination supplémentaire, mais j’observe que notre dispositif pénal de lutte contre le terrorisme est fondé sur la sanction d’actes qui ne sont pas des passages à l’acte final. Or, si je raisonne en termes d’économie de moyens, la DCRI n’a pas les moyens humains de pister tous les apprentis terroristes. Elle est donc obligée de travailler en dégageant des priorités. Or, dans certains cas, le fait de pouvoir engager des poursuites contre une personne pourrait constituer un obstacle.
Je suis convaincu que l'existence de ce délit de consultation de sites Internet, une fois les conditions juridiques éclaircies, serait un outil supplémentaire dans la palette à la disposition de la République pour lutter contre la montée vers le passage à l'acte.
Pour autant, je ne propose pas d’improviser. C'est la raison pour laquelle je me garderai de rejoindre les collègues qui, aujourd'hui, soutiennent cet amendement. Il reste que le Gouvernement serait bien inspiré de poursuivre sa réflexion sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je l'ai indiqué, les enquêteurs des services spécialisés considèrent aujourd'hui que cette nouvelle infraction ne leur serait pas utile pour lutter efficacement contre le terrorisme. Au demeurant, l’absence de délit de consultation sur Internet ne les empêche pas de visiter les sites, d’enquêter, bref de faire leur travail.
J’ajoute que ce nouveau délit poserait d'énormes problèmes d'identification. Un avis a d’ailleurs été rendu par le Conseil d’État sur le précédent projet de loi et la réaction de M. Mercier avait été très claire.
Eu égard aux difficultés qu’elle soulèverait, la création de ce délit ne semble donc pas justifiée aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'insiste pour que le Sénat n’adopte pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J'entends bien qu’il est nécessaire de réfléchir et nous nous sommes d’ailleurs beaucoup interrogés ; ce n’est pas un aveu de faiblesse que de le reconnaître. Jusqu’où aller dans la précision, dans l’élargissement, et dans l’approfondissement de certaines incriminations ?
S'il y a une suspicion, une surveillance administrative peut être enclenchée, y compris à l’égard d’une personne isolée.
M. Alain Richard. Ce n’est pas le sujet !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Là, nous parlons de la consultation de sites. S’il y a des éléments qui permettent de penser qu’il y a un risque, nous ne sommes pas totalement désarmés. Des procédures peuvent être enclenchées et poursuivies. La question sera de savoir à quel moment il faudra passer de la procédure administrative à la procédure judiciaire, qui est la seule efficace.
M. Alain Richard. Pour passer à la procédure judiciaire, il vous faudra qu’un autre acte soit commis, et celui-là peut être très grave !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais il nous paraît difficile d’incriminer la simple consultation.
M. Alain Richard. Pour la pédopornographie, c'est un délit et personne ne le conteste !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je le dis franchement, je préfère les explications d'Alain Richard à d'autres.
J’ai entendu qu’il ne fallait surtout pas créer le délit de consultation parce que cela pourrait nuire à d’autres poursuites. Mais, si l’on considère que cette consultation est dangereuse, comme c’est le cas pour la pédopornographie, car elle peut conduire à des comportements plus dangereux, il faut le créer !
Cela n'empêchera en rien le renseignement. Lorsque ce dernier est justifié, les écoutes ont lieu. Mais sans délit, on ne pourra pas poursuivre !
Pour le principe, je maintiens donc mon amendement, même si je sais qu’il ne sera pas voté. Mais je suis convaincu que nous devrons un jour y revenir, car le débat n'est pas clos.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été excellemment développés par Christiane Taubira et par le rapporteur.
La création de ce délit soulève une double difficulté : les magistrats estiment ne pas avoir besoin de cette incrimination et nous sommes confrontés à un problème d’ordre constitutionnel.
Avec la garde des sceaux, nous n'avons pas voulu prendre de risque sur un texte aussi important et dans un moment aussi délicat. Pour autant, et j'ai longuement évoqué ce point lors de la discussion générale, nous sommes évidemment d'accord pour reconnaître que le développement d’un djihadisme sur Internet, selon des modes très variés, est hautement préoccupant.
La comparaison avec ce qui se passe sur Internet en matière de pédopornographie m’a semblé très intéressante, même si la propagande terroriste ne peut être totalement apparentée à cet autre délit, qui a fait l'objet d'un travail tout à fait considérable d'alerte par les policiers spécialisés et par les magistrats.
En revanche, M. Hyest et M. Richard ont raison de dire que nous devrons revenir sur le sujet. Je ne sais pas si cela se fera rapidement. Au demeurant, de ce point de vue, le Parlement est souverain, mais je crois que nous devrons travailler ensemble, Gouvernement, assemblées et techniciens, et pas uniquement des spécialistes du droit. Nous le savons bien, s’agissant d’Internet, si vous faites en sorte que « plus personne ne bouge », cela peut poser un problème à ceux qui recherchent ce type de discours et de propagande, et ce serait finalement contreproductif. Il ne faudrait pas créer d’obstacle à la découverte de certains éléments. Je n'en dis pas plus.
La garde des sceaux et moi-même vous proposons donc de travailler sereinement sur les adaptations juridiques nécessaires, lesquelles devront être efficaces. Toutefois, comme l’a souligné ChristianeTaubira, discuter de cette question ce soir ne nous paraît pas opportun.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 706-25-2, les mots : « mentionnées au sixième alinéa de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » sont remplacés par les mots : « prévues par l’article 421-2-5 du code pénal » ;
3° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
4° Après l’article 706-94, il est inséré un article 706-94-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-94-1. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables au délit prévu par l’article 421-2-5 du code pénal. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. J’ai déjà longuement défendu cet amendement. Pour ne pas allonger le débat, je demande juste au Sénat de le voter ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement par cohérence avec la position qu’elle a adoptée sur les amendements nos 3 rectifié bis et 13 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Hyest et Frassa, Mlle Joissains, Mme Troendle et MM. Pillet, Bas, Reichardt, Vial, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Lefèvre et Lecerf, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa du 7 du I, après le mot : « humanité », sont insérés les mots : « , des crimes visés par les articles 421-1 à 421-2-2 du code pénal, » ;
2° Après le sixième alinéa du 7 du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la diffusion d’images ou de représentations faisant l’apologie des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal le justifient, l'autorité administrative notifie aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant aux dispositions de cet article, auxquelles ces personnes doivent empêcher l'accès sans délai.
« Un décret fixe les modalités d'application de l'alinéa précédent. »
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Dans la droite ligne du débat que nous venons d’avoir, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° Le sixième alinéa de l’article 24 est supprimé ;
2° Au premier alinéa de l’article 24 bis, les mots : « sixième alinéa » sont remplacés par les mots : « septième alinéa » ;
3° Au premier alinéa de l’article 48-1, les mots : « alinéa 8 » sont remplacés par les mots : « alinéa 7 » ;
4° Au premier alinéa des articles 48-4, 48-5 et 48-6, les mots : « neuvième alinéa » sont remplacés par les mots : « huitième alinéa » ;
5° À l’article 65-3, les mots : « huitième alinéa » sont remplacés par les mots : « septième alinéa ».
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, soit cet amendement est tombé, soit il ne va pas tarder à tomber ! (Sourires.)
M. le président. Je crois donc pouvoir considérer que l'amendement n° 15 rectifié est devenu sans objet.
L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. Hyest et Frassa, Mlle Joissains, Mme Troendle et MM. Pillet, Bas, Reichardt, Vial, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Lefèvre et Lecerf, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les mots : « le huitième alinéa » sont remplacés par les mots : « les sixième et huitième alinéas ».
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Puisqu’on ne veut manifestement pas d'un délit spécifique, il faudrait au moins prévoir dans la loi de 1881 des délais de prescription raisonnables. Si cette loi a ses vertus, elle a aussi de graves défauts : s’agissant d’actes graves, le délai de trois mois est extrêmement bref. C'est la raison pour laquelle je propose de porter à un an le délai de prescription.
M. le président. Le sous-amendement n° 26, présenté par M. Mézard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2 de l'amendement n° 4 rectifié bis
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° À l’article 52, les références : « (par. 1er et 3) » sont remplacées par les références : « (2ème, 3ème, 4ème et 6ème alinéas) » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Comme vient de le dire Jean-Jacques Hyest, on peut considérer que le délai de prescription de trois mois prévu par la loi de 1881 est, en l’espèce, trop court. L'allongement de ce délai à un an paraît donc être une excellente idée, d’autant qu’il ne s’agirait pas d’une nouveauté, la loi de 1881 prévoyant déjà un tel délai pour les infractions les plus graves comme la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne en raison de son origine ou de sa religion.
Il paraît donc logique, au regard de la gravité des faits incriminés et de l'efficacité de la répression, de prévoir un allongement du délai de prescription.
Nous proposons de compléter cet amendement par un sous-amendement tendant à autoriser le placement en détention provisoire en cas de provocation ou d’apologie d’actes de terrorisme. Il faut le souligner, cette possibilité existe déjà, notamment pour les provocations aux attentes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne. Il pouvait apparaître paradoxal, dans ces conditions, que la provocation aux actes de terrorisme ne puisse explicitement donner lieu à un placement en détention provisoire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 26. Il n'est pas souhaitable que cette disposition concernant la détention provisoire soit introduite dans la loi de 1881. La possibilité d’une garde à vue permet déjà la poursuite des investigations et des interrogations nécessaires.
En revanche, nous sommes favorables à l'amendement n° 4 rectifié bis, relatif à la prolongation du délai de prescription, à la fois en raison de la gravité de l'acte d'apologie et de provocation aux actes terroristes et par souci d’alignement avec les dérogations déjà prévues par la loi de 1881 pour les incriminations rappelées à l'instant par le rapporteur, notamment l'incitation à la haine en raison de l’origine ou de la religion ; à l’origine, cela visait d’ailleurs essentiellement la propagande antisémite.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Mézard, rapporteur. Je voudrais simplement apporter une précision : aux termes de l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881, si la personne mise en examen est domiciliée en France, elle ne pourra être préventivement arrêtée, sauf dans les cas prévus aux articles 23, 24, 25, 27, 36 et 37 de cette loi. La détention provisoire est donc possible. Il suffit de se référer aux articles 23 et 24 pour voir les délits auxquels peut s'appliquer cette disposition.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié bis, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 3
I. – L'article L. 522 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 34 des ordonnances n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la commission n’a pas émis son avis dans un délai d’un mois à compter de la convocation de l’étranger, cet avis est réputé rendu. Ce délai peut toutefois être prolongé d’un mois par la commission lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime. »
II. – Après le dixième alinéa de l'article 32 des ordonnances n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna et n° 2000-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Si la commission n’a pas émis son avis dans un délai d’un mois à compter de la convocation de l’étranger, cet avis est réputé rendu. Ce délai peut toutefois être prolongé d’un mois par la commission lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Anziani et Sueur, Mme Klès et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Lorsque la procédure d’expulsion est engagée du fait d'activités à caractère terroriste visées à l’article L. 521-3, la commission émet son avis dans le délai d'un mois à compter de la convocation. Toutefois, lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission accorde un nouveau délai qui ne peut dépasser un mois. À l'issue du délai fixé, les formalités de consultation de la commission sont réputées remplies. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement tend à affiner les précisions déjà apportées par la commission des lois sur le fonctionnement de la commission qui se réunit pour entendre les personnes faisant l’objet d’une mesure d’expulsion.
La commission des lois a déjà procédé à d’utiles ajouts : d’une part, l’inscription du délai d’un mois dans la loi, et non pas uniquement dans le règlement ; d’autre part, la possibilité, pour la commission, lorsque l’étranger demande le renvoi pour motif légitime – et uniquement dans ce cas – de bénéficier d’un mois supplémentaire pour rendre son avis.
Néanmoins, par cet amendement, nous proposons d’apporter deux modifications à ce dispositif.
La première est une modification de fond. Elle vise à préciser que les dispositions concernées ne pourront s’appliquer que lorsque la procédure d’expulsion est engagée du fait d’activités à caractère terroriste visées à l’article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non sur la base de n’importe quelle disposition de ce code.
La seconde précision est plus formelle : en cas de non-réunion de la commission, les formalités de consultation de la commission seraient réputées remplies, formulation qui nous semble plus adéquate que celle qui consiste à prévoir que l’avis est réputé rendu.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blondin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard et Labbé, Mme Lipietz et MM. Placé et Gattolin, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La commission émet son avis dans un délai d’un mois à compter de la convocation de l’étranger.
II.- Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La commission émet son avis dans un délai d’un mois à compter de la convocation de l’étranger.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’administration de statuer en cas de carence de la commission d’expulsion.
Cette dernière doit statuer dans un délai d’un mois à partir de la date de sa convocation. Aux termes du texte de la commission, ce délai pourra désormais être prolongé d’un mois si l’étranger fait valoir un motif légitime, et je salue cet apport.
Toutefois, le texte prévoit également que, si la commission n’a pas émis son avis dans un délai d’un mois, cet avis est réputé rendu. Les commissions d’expulsion rendant leur avis dans des délais bien plus longs qu’un mois, cette disposition aurait mécaniquement pour effet que des expulsions en nombre significatif se feraient sans avis préalable et sans que l’étranger ait pu s’exprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Mézard, rapporteur. Dans l’hypothèse où il ne serait pas tombé du fait de l’adoption de l’amendement n° 23 rectifié, l’amendement n° 21 rectifié recueille un avis défavorable de la commission émet.
L’amendement n° 23 rectifié, qui a reçu un avis favorable de la commission, malgré l’opinion de son rapporteur, tend à limiter les cas dans lesquels la décision de la commission serait réputée rendue, passé un délai d’un mois, aux expulsions d’étrangers ayant eu des activités terroristes, alors que, dans le texte de la commission des lois, cette mesure s’applique à tous les étrangers en instance d’expulsion du fait de comportements menaçant gravement l’ordre public. Mais la commission a souhaité, elle aussi, que soient spécifiquement distingués, parmi les cas d’expulsion, ceux qui sont liés à des activités à caractère terroriste.
Cet amendement précise en outre que, lorsque l’étranger demande le renvoi pour un motif légitime, la commission d’expulsion accorde obligatoirement un nouveau délai ; il ne s’agirait plus pour elle d’une simple faculté. C’est ainsi que nous avions initialement prévu de modifier le texte initial du Gouvernement, afin que les droits de la personne qui risque une expulsion soient davantage respectés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Vous le savez, la procédure d’expulsion vise à protéger la société contre des comportements très dangereux d’étrangers qui menacent gravement l’ordre et la sécurité publics. Il peut s’agit non seulement d’activités à caractère terroriste évident, mais aussi de propos incitant à la haine ou à la violence, d’atteinte à la sécurité et à l’intégrité des personnes, de vols à main armée ou encore de gros trafics de stupéfiants.
Dans tous ces cas, il est impératif de permettre à l’autorité administrative de statuer dans un délai raisonnable.
À cet égard, réserver la mise en œuvre des dispositions de l’article 3 aux seuls cas de comportements à caractère terroriste n’était ni suffisant ni opportun.
Toutefois, le travail réalisé en commission des lois et la sagesse des sénateurs ont permis d’améliorer les garanties accordées à la personne menacée d’expulsion, notamment en précisant qu’une prolongation du délai pouvait être légitime.
Pour cette raison, à ce stade, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 23 rectifié.
Sur l’amendement n° 21 rectifié, l’avis du Gouvernement est défavorable.