M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je mets fin immédiatement à un suspense insoutenable : après la série des ralliements qu’a déjà obtenus Jacques Mézard, il serait évidemment de mauvais goût que le groupe socialiste mesure son soutien ! (Sourires.) J’indique donc tout de suite que nous approuvons cette proposition de loi et essaierons d’aider nos collègues à la faire aboutir.
Je ne reviendrai pas sur les antécédents historiques de ce régime, malgré leur intérêt. Je souhaite commencer mon intervention en évoquant la divergence, pour ne pas dire le conflit d’intérêts intrinsèque qui existe entre la section et la commune.
Telle est l’origine de la situation à laquelle nous sommes confrontés : la section est structurée pour gérer des intérêts distincts de ceux de la commune, et généralement à l’intérieur du territoire de cette dernière. Il s’agit d’une réelle difficulté, comme l’ont souligné tout à fait justement plusieurs collègues quand ils ont évoqué les raisons pour lesquelles la section avait été, sinon instaurée, en tout cas consacrée.
Il y a un fait historique qui, me semble-t-il, n’a pas encore été rappelé ce soir et que je voudrais souligner : il s'agit de la loi de 1884, qui a organisé la commune républicaine et consacré l’existence de la section comme une particularité à l’intérieur de la commune.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je l’ai rappelée !
M. Alain Richard. L’évolution de ces dernières décennies est donc double : d'une part, on note une tendance, que le rapporteur a bien décrite, à une certaine privatisation, en tout cas à un esprit d’appropriation privative des biens de la section ; d'autre part, il existe une contradiction entre l’existence des sections, qui sont tout de même des unités géographiques toutes petites et qui n’ont pas nécessairement de stratégie de long terme, et les nécessités de l’aménagement rural et de la gestion modernisée du territoire.
Au fond, si j’ai bien compris cette proposition de loi, je la résumerai en disant qu’elle introduit trois objectifs distincts dans notre droit : favoriser la gestion au nom de la section, mais par les organes de la commune, le maire et le conseil municipal ; faire obstacle à la captation de ressources par la section et ses ayants droit, au détriment de la commune ; encourager la reprise de la propriété des biens de section par la commune, auquel cas les biens entrent dans le domaine privé de la commune, sans changer l’ensemble des droits et obligations qui s’y attachent.
Sur le premier point, ce texte marque sans doute un progrès, mais, comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, il me semble que c’est un progrès partiel, dans la mesure où les différences d’intérêt subsistent. La gestion est donc conduite par la municipalité, mais pour le compte de la section, y compris si les intérêts de la section s’opposent à ceux de la commune. À cet égard, j’ai eu connaissance d’un arrêt récent du Conseil d’État faisant apparaître que si une erreur lésant des tiers est commise par le conseil municipal dans la gestion des biens de la section, c’est cette dernière qui encourt la responsabilité, ce qui peut d’ailleurs donner lieu à des actions récursoires intéressantes.
À mon sens, les mesures tendant à faciliter la reprise de la gestion par les autorités municipales, ce qui est déjà le cas pour la grande majorité des sections, représentent un progrès. La proposition de loi tend donc à prévoir, de façon judicieuse, les moyens adéquats pour atteindre cet objectif en réservant le recours à une commission syndicale aux cas où la section présente une réalité humaine et économique palpable, ce qui explique le nouveau seuil de vingt membres et le niveau d’activité économique supérieur à 2 000 euros. Dans les autres cas, c’est la commune qui gérera.
Je voudrais toutefois appeler l’attention du Sénat sur un autre point, la question clé de la qualité d’ayant droit sur les droits sectionaux.
La propriété n’est pas douteuse, c’est la personne publique de la section. Encore que celle-ci représente un territoire global et pas simplement un ensemble de biens, ce qui fait qu’il y a des biens privés sur le territoire de la section. C’est même la condition pour l’application de la nouvelle définition de la qualité de membre : en effet, s’il faut être résident à l’intérieur de la section, c’est donc qu’il peut y avoir des biens privés qui ne sont pas des biens sectionaux. Toujours est-il, donc, que la propriété ne fait pas de doute, c’est la personne publique de la section. Il s’agit d’ailleurs de son domaine privé et elle en a la pleine propriété, au sens du code civil.
En revanche, les droits de jouissance, eux, ont un caractère privatif et ils sont assez imprécisément définis. Leur définition varie même d’une section à l’autre, d’une commune à l’autre. Simplement, je le répète, ces droits ont un caractère privatif et ils constituent un élément patrimonial susceptible d’acquérir une valeur monétaire. Le Conseil d’État l’a d’ailleurs reconnu dans une décision de 2002, Commune de Saint-Martin-d’Arrossa.
La reconnaissance de la notion nouvelle de membre de la section de commune, qui est unifiante, marque un grand progrès. S’agit-il pour autant d’une simplification et d’une clarification de la notion d’ayant droit ? À mon sens, c’est l’intention du rapporteur et de l’auteur de la proposition de loi, mais il me semble que nos travaux parlementaires préparatoires seront utiles pour l’établir. Pour ma part, je comprends que la nouvelle notion de membre de la section, telle qu’elle se dégage du texte proposé, remplace la notion d’ayant droit. Ne pourront être ayants droit que les membres de la section.
S’agissant de la gestion budgétaire, les mesures prévues me semblent tout à fait judicieuses. Le texte donne formellement aux municipalités la possibilité de modifier le budget de section préparé par une commission syndicale, alors que, jusqu’à présent, la loi le leur refusait. Il leur donne également le droit de financer des dépenses communales sur le budget de la section, à la condition, qui donnera parfois lieu à quelques disputes, que les besoins de la section aient été satisfaits, ce qui suscite, philosophiquement, des interrogations d’une grande profondeur : à partir de quand des besoins sont-ils totalement satisfaits ? Néanmoins, il est évident que cette mesure s’inspire du bon sens.
Par ailleurs, cette proposition de loi recèle une autre nouveauté tout à fait opportune et judicieuse, à savoir que c’est bien la section, en tant que propriétaire, qui est assujettie au paiement de l’impôt foncier. En effet, puisque la fin d’activité de la section peut se caractériser par le constat qu’elle ne paie plus le foncier, il est nécessaire de préciser que c’est bien elle qui en est débitrice.
En outre, le texte tend à faciliter le transfert d’une section à la commune, novation qui est de nature à permettre un règlement définitif de la situation de conflit d’intérêt, mais seulement, évidemment, si ce transfert est souhaité par la commune et si des garanties suffisantes ont été données aux membres de la section pour défendre leurs intérêts. À mon avis, les mesures réduisant les obstacles ou les conditions préalables à l’engagement de la procédure de transfert sont bienvenues. Il en est ainsi de l’exigence accrue de représentation des membres de la section et de la durée moindre de non-paiement de la taxe foncière.
Je souligne au passage la curiosité qui subsistera après l’adoption éventuelle de la proposition. Au fond, l’extinction des droits d’usage par le transfert reste entièrement implicite dans ce texte : il n’est dit nulle part que le transfert met fin au droit d’usage. Il entraîne le transfert des droits et obligations de la section à la commune. Or, dans les obligations de la section, figurait le respect des droits d’usage des ayants droit ou des membres, selon la nouvelle définition. Je comprends que la pratique, en réalité, est contraire et que, de façon coutumière, on considère que le transfert met fin au droit d’usage – c’est d’ailleurs pour cette raison qu’un système d’indemnisation est instauré par la loi –, mais, assez curieusement, la loi ne le précise pas. C’est sans doute un signe de pudeur au regard du ressentiment et des mécontentements subjectifs que peut entraîner ce transfert.
Enfin, le texte prévoit la possibilité de vendre les biens. Si l’on veut rétablir une certaine fluidité, une certaine mobilité dans l’usage de ces biens, en général agricoles ou forestiers, il faut bien sûr que la vente soit possible. En principe, elle reste une compétence de la section, mais, dans la pratique, il s’agira de la commune, au nom de la section. Si le transfert a eu lieu, la commune, seule, décidera du transfert, une fois que les membres de la section auront pu faire valoir leurs droits.
Madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous n’avons aucune peine à reconnaître les avancées importantes de cette proposition de loi, qui vont, non seulement simplifier la vie quotidienne administrative des communes, mais également favoriser une mobilisation des territoires et des espaces fonciers dans des régions menacées par la déprise et l’affaiblissement du potentiel d’exploitation, en donnant aux communes une possibilité de mieux affecter les biens de leur territoire. Je remercie et félicite les auteurs de la proposition de loi, ainsi que leurs prédécesseurs ayant travaillé sur ce sujet, pour avoir fait avancer la réflexion. Au regard des modifications, sans doute trop ponctuelles, qui avaient été adoptées ces dernières années, nous aurons, cette fois-ci, fait un véritable pas en avant. Il faut, je crois, s’en réjouir. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, oserai-je dire que jusqu’à l’initiative des sénateurs du groupe du RDSE (Sourires.), emmenés par leur président, Jacques Mézard, la question des sections de commune n’a jamais suscité d’enthousiasme dans les administrations et les ministères à Paris ? Le changement est en marche.
En revanche, il est certain que cette question est au cœur des préoccupations de milliers de maires ruraux et hyper-ruraux, confrontés quotidiennement aux tensions et aux contentieux que génère la vie des sectionaux.
Comme cela a été rappelé, autrefois destinées à assurer aux plus démunis des moyens de subsistance par l’usage collectif d’un patrimoine mis en commun, de trop nombreuses sections de communes sont aujourd’hui devenues un instrument dévoyé, destiné à satisfaire les intérêts financiers des particuliers, sous couvert de protéger l’intérêt général. En d’autres termes, comme le regrettait M. le rapporteur, toute la philosophie qui sous-tendait le décret de la Convention de 1793 s’est perdue en route, par un malheureux retournement de l’Histoire, ou plutôt à cause de la cupidité de nos compatriotes.
Sur le terrain, la situation des quelque 27 000 sections de commune recensées en 1999 s’avère extrêmement complexe et différenciée. En Lozère, par exemple, 1 455 sections – elles sont encore plus nombreuses dans le Cantal, me semble-t-il – occupent 70 000 hectares. Pour vous donner un ordre d’idée, certaines communes en Lozère ont des sectionaux de 400, 500, 800 voire 1 000 hectares. Pensez que, en matière agricole, ces terres sont mises à disposition de preneurs qui sont fermiers. La question est donc d’importance.
À côté de cette espèce de mêlée ouverte des sections, il y a 200 commissions syndicales, nous dit-on, qui fonctionneraient correctement.
Le président Mézard l’a rappelé, ces biens sont l’objet de nombreux contentieux, à la source desquels on trouve des problèmes familiaux ou des litiges anciens, à propos d’un chien qui aurait divagué sur un territoire ou d’une nièce qui n’aurait pas épousé le bon mari… En réalité, le sectionnement encourage ces règlements de compte.
Si la situation semble à ce point inextricable, c’est aussi parce que le droit applicable est dépassé. En sortant de séance tout à l’heure, M. le rapporteur, avec brio, nous expliquait qu’il fallait encore, en 2012, se référer à la notion féodale de « feu » pour déterminer qui est ayant droit. Il a eu raison de se replier sur la notion d’« habitants de la section », mais c’est quand même une notion passéiste. De même, la délimitation de la section demeure incertaine.
La lecture du chapitre du code général des collectivités territoriales consacré au sujet s’apparente davantage à un empilement désordonné de normes qui se sont stratifiées au fil du temps, faisant le bonheur des avocats, qu’à un bel ordonnancement juridique permettant à la loi d’être efficiente. Les difficultés d’application sont telles que, comme certains collègues l’ont souligné, les contentieux durent, s’aggravent et justifient tous les règlements de compte.
Si le constat des dysfonctionnements est unanimement partagé, les réformes votées en 2004 et 2005 n’ont pas permis d’atteindre l’objectif affiché. En déposant une proposition de loi, notre collègue Pierre Jarlier a fait, l’an dernier, un premier pas. Aujourd’hui, l’initiative du président Mézard est relayée par la commission des lois, dont je salue le président et le rapporteur. Confortés par la confiance que nous plaçons en Mme la ministre – de par ses origines aveyronnaises, elle connaît bien le problème des sections –, nous pensons que la présente proposition de loi va restructurer complètement la gestion et l’avenir de ces biens de section.
Il s’agit d’offrir aux maires un outil juridique simple et rapide. Peut-être, dans un premier temps, ne sera-t-il pas complètement simple, ni rapide, ni exhaustif… Néanmoins, il représentera une avancée importante. Les solutions s’imposent petit à petit, en marchant. Jaurès disait qu’il suffit d’améliorer micrométriquement les choses chaque jour pour bien faire son travail.
Nous nous réjouissons donc que la commission des lois ait approuvé cet objectif et l’ait même dépassé, puisqu’elle a considérablement modifié la proposition de loi. Je le répète, le travail de M. le rapporteur a été remarquable.
Dans l’hypothèse où, comme je le souhaite, cette proposition passe le filtre de l’Assemblée nationale, il faudra veiller, dans le cadre des textes d’application, à protéger les intérêts des communes tout en garantissant la bonne gestion, l’équité et la simplification administrative. L'objectif est de permettre d’éviter les blocages liés à l’existence même des biens sectionaux.
Je reprendrai l’exemple, cité précédemment, de cette station d’épuration qui n’a pu être construite car se trouvant sur le territoire d’un bien sectional. Ailleurs, ce sont des terrains à bâtir qui ne pourront pas l’être, et ce pour la même raison. Et n’oublions pas la situation des agriculteurs !
Dans mon département, nous voyons arriver des gens qui se disent agriculteurs mais ne le sont pas. Ils s’immatriculent à la MSA, alors même qu’ils ne respectent pas le cadre d’une installation classique, au regard, notamment, de la dotation jeune agriculteur ou des diplômes requis, dans le seul but de pouvoir accéder aux biens sectionaux.
Imaginez le tableau. J’arrive dans une commune qui me plaît. J’achète une ruche, je la pose au fond de mon jardin. J’ai la chance de pouvoir acheter 5 000 mètres carrés attenant à ma propriété. Je vais me déclarer à la MSA et me fais passer pour un agriculteur. Après enquête, je découvre que la commune compte 400 hectares de biens sectionaux et que la section compte 8 habitants. Eh bien, j’en réclame 50 hectares ! Voilà un cas de figure que nous rencontrons régulièrement en Lozère.
Il faudra donc veiller à ce que l’attribution des biens sectionaux, laquelle relève aujourd'hui le plus souvent des sections et des syndicats ou, en cas de défaillance, des communes elles-mêmes, bénéficie, en priorité, aux véritables agriculteurs. À mon sens, la qualité d’agriculteur se définit par le fait non seulement que l’installation est accréditée par la commission départementale d’orientation agricole, notamment dans le cadre de la dotation jeune agriculteur, mais aussi par le fait que le professionnel tire l’essentiel de son revenu de l’agriculture. Il faudra donc être vigilants sur la rédaction des textes d’application, qui devront aller dans ce sens.
En tout état de cause, monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, il s’agit d’une bonne proposition de loi. Plus conforme au droit général, elle met fin à certains passe-droits, qui n’étaient pas compatibles avec notre bonne République ! (Applaudissements.)
MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Article 1er (supprimé)
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Afin de faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, un ou plusieurs maires des communes intéressées peuvent demander au représentant de l’État dans le département, d’établir après enquête publique, un inventaire des sections de communes et de leurs biens, droits et obligations. Cet inventaire est communiqué, pour la partie les concernant, aux maires des communes intéressées.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a pour objet de rétablir partiellement l’article 1er, dont la suppression a été actée en commission.
Il nous semble cependant important de permettre aux maires qui en feront la demande de bénéficier de l’aide de l’État pour établir, après enquête publique, un inventaire des sections de commune et de leurs biens, droits et obligations. Ceux-ci seraient alors à même de surmonter un certain nombre de problèmes, que plusieurs d’entre nous ont évoqués à l’occasion de la discussion générale et sur lesquels nous sommes d’ailleurs régulièrement interpellés. Il est effectivement des communes où la situation n’a malheureusement pas évolué depuis longtemps.
L’un des atouts de cette proposition de loi, qu’avaient en tout cas décelé les élus locaux, figurait justement dans la rédaction initiale de cet article 1er. C'est la raison pour laquelle nous proposons de le rétablir, mais seulement en partie, puisque l’inventaire ne pourrait être établi qu’à la demande des élus concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. C’est une question dont nous avons longuement débattu. Madame Cukierman, si vous avez la logique pour vous, permettez-moi de vous rappeler les termes de l’article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales : « Constitue une section de commune toute partie d’une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. »
Dès lors, quelle est la partie de commune à considérer ? Que faut-il entendre par ces biens dont l’usage est exclusif ? Que recouvre l’expression « droits distincts » ? À l’évidence, quand on commence à gratter pour savoir exactement ce qu’il y a derrière ces notions générales, les difficultés apparaissent.
De notre point de vue, toute généralisation de la mesure, même si telle n’est plus votre intention, risquerait d’encombrer, sans plus de résultat, les différents services concernés. S’il ne s’agissait que de ceux des préfectures, à la limite, cela pourrait être amusant…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ne soyez pas sadique, monsieur le rapporteur !
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Les difficultés perdureraient et la question resterait entière. La seule façon d’en sortir, c’est d’aller au contentieux pour demander au tribunal de trancher les conflits.
Nous faisons un effort de clarification. En posant le principe que, finalement, tout se résume à savoir qui est habitant de la section, nous facilitons tout de même grandement la résolution du problème.
Par conséquent, madame Cukierman, si vous aviez l’amabilité de retirer votre amendement, cela m’éviterait d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Sur cet amendement, dont chacun a bien compris la logique, je reprendrai les arguments que vient de développer M. le rapporteur. Il est vrai que, aujourd’hui, le fait de prolonger une telle activité, dont on ne mesure pas tout à fait l’intérêt, ne ferait qu’alourdir le dispositif. À mon tour, je sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. La logique étant avec moi, je le maintiens, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de permettre l’évolution des biens sectionaux, les communes concernées établissent une délimitation du territoire de la section de commune, de leur propre initiative ou à l’initiative de la seule section de commune.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Dans la mesure où nos arguments respectifs sur cet amendement seront les mêmes que ceux qui viennent d’être avancés, pour le bien-être de chacun, nous le retirons !
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
I. – Le second alinéa de l’article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La section de commune est une personne morale de droit public.
« Sont membres de la section de commune les habitants ayant leur domicile réel et fixe sur son territoire. »
II. – L’article L. 2411-11 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section ».
III. – Au dernier alinéa de l’article 1401 du code général des impôts, les mots : « ces habitants » sont remplacés par les mots : « la section de commune ».
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Collombat, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
II. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2411-3, les mots : « la moitié des électeurs » sont remplacés par les mots : « la moitié des membres » ;
2° Au septième alinéa (5°) de l’article L. 2411-4, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;
3° L’article L. 2411-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « électeurs » est remplacé par le mot : « membres » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « ayants droit » sont remplacés par les mots : « membres de la section ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, dans notre souci d’unifier un certain nombre de notions telles que « habitants », « ayants droit » et « électeurs », qui étaient à peu près semblables, mais pas partout, nous avons été amenés à harmoniser la terminologie dans l’ensemble du code général des collectivités territoriales. Vous voici proposée, par cet amendement, la liste des différents changements de dénomination prévus dans ce cadre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement ne peut être que favorable à cette harmonisation.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’article.
M. Alain Richard. Alors que le Sénat s’apprête à adopter une nouvelle définition de « membres de la section de commune », il est une petite question de droit qui reste pendante, puisque, dans l’esprit de tous ceux qui, comme moi, l’ont adoptée en commission, cette définition établit, me semble-t-il, une nouvelle notion d’ayants droit.
Aux termes de l’article 1er bis, seuls les résidents de la section peuvent en être ayants droit, c’est-à-dire avoir accès au droit d’usage s’attachant à cette qualité. Voilà qui devrait beaucoup simplifier le règlement des disputes au sujet de la qualité d’ayant droit, étant donné que, dans nombre de situations, celle-ci devenait difficile à justifier.
Même si je fais toute confiance à l’auteur de la proposition de loi et au rapporteur pour trouver la bonne solution, je rappellerai que, dans les autres cas, lorsque des personnes perdent la qualité d’ayant droit à la suite d’un transfert, la loi prévoit une indemnisation. Cette dernière est logiquement à la charge de la commune, laquelle récupère les droits sur la section et se trouve ainsi libre d’en disposer.
Du fait de la nouvelle définition légale, un certain nombre d’ayants droit, du moins s’ils peuvent justifier de leur titre, perdent cette qualité. Si aucune précision n’est apportée, il conviendra de se référer à ce qu’a précisé le Conseil constitutionnel dans la décision qu’il a rendue l’année dernière : auraient droit à une indemnisation à la suite de la perte de ce bien immobilier particulier qu’est le droit d’usage ceux qui peuvent justifier de leur qualité antérieure d’ayants droit, mais seulement dans les conditions habituelles de la responsabilité du fait des lois, c’est-à-dire s’ils subissent un préjudice anormal et spécial. Or l’existence d’un tel préjudice ne peut être constatée que par une juridiction : autrement dit, on en arriverait à fabriquer du contentieux.
Selon moi, un autre système pourrait être envisagé, dans lequel la qualité d’ayant droit ne serait perdue qu’à terme. Ce ne serait qu’au moment des transferts auxquels procéderaient les communes que pourrait être mise en route une demande d’indemnisation.
En tout cas, il convient de trancher explicitement la question par la loi, ce que j’avais imaginé de faire au travers d’un amendement, qui a été, à bon droit, déclaré irrecevable. À défaut, on se retrouverait dans un cas de figure délicat, où la responsabilité de l’État serait engagée. J’espère donc qu’il sera possible, d’ici à la lecture du texte à l’Assemblée nationale, de trouver une solution à cette petite difficulté.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Monsieur Richard, je ne fais pas du tout la même lecture que vous du texte. Non, aucune nouvelle définition de la notion d’ayant droit n’est donnée au travers de l’article 1er bis. Relisez-le bien ! Je peux vous l’assurer car je me suis moi aussi posé la question, au point même d’en avoir quelques sueurs froides !
C’est l’appartenance à la section qui fait l’ayant droit, et non l’inverse. (M. Jean-Pierre Vial acquiesce.) Cela peut paraître bizarre, c’est ainsi, il suffit de lire ce qui est écrit.
Vous évoquez par ailleurs le cas où les ayants droit feraient état d’un titre. En réalité, le titre appartient à la collectivité, et non à ses membres pris individuellement. C’est donc le fait d’appartenir à la collectivité qui confère la qualité d’ayant droit.
Notre cheminement a été très simple, nous avons raisonné par défaut. En l’absence de définition, je le souligne une nouvelle fois, c’est l’appartenance à la collectivité qui fait l’ayant droit, et non l’inverse. À partir de là, cherchant ce qui se rapprochait le plus de la collectivité originelle, nous en sommes arrivés à la notion d’« habitants ayant leur domicile réel » sur le territoire concerné.
Ce raisonnement est peut-être un peu troublant si l’on continue à s’appuyer sur le concept, moderne, d’un droit personnel que l’on tiendrait d’un héritage, mais une telle interprétation n’a strictement rien à voir avec la notion d’ayant droit d’une section de commune.
En tout cas, après moult hésitations, voilà la solution à laquelle nous sommes parvenus. C’est non seulement la plus simple, la plus pragmatique et la moins susceptible d’engendrer des contentieux, mais aussi la plus proche à la fois de la logique originelle et de la logique profonde de ce que recouvrent les notions de section et d’ayant droit.