M. Victorin Lurel, ministre. Je comprends que vous demandiez une étude. Il serait bon d’ailleurs qu’elle analyse l’ouverture aux pays voisins. En effet, si les échanges doivent être facilités, les relations ne doivent pas être asymétriques. Il faudra également qu’elle examine les possibles dérogations aux normes européennes.
Je suggère à la délégation sénatoriale à l’outre-mer, présidée par Serge Larcher, de s’autosaisir de cette étude. Je m’engage à examiner avec intérêt ses propositions.
Qu’il y ait un rapport pour étudier l’ouverture aux autres, faciliter les échanges et, dans le même temps, tenter de voir s’il est possible de déroger aux normes européennes, notamment pour l’alimentaire et les carburants, afin de lutter contre la vie chère, pourquoi pas ? Le Président de la République, pendant la campagne présidentielle, avait lui-même émis cette idée lors de son déplacement à La Réunion.
Il existe de vrais problèmes pour les DOM en matière d’exportation par rapport à la métropole. Le taux de TVA est de zéro en partance de l’Hexagone, contre un taux de TVA minoré chez nous. N’oubliez pas, néanmoins, que si vous êtes territoires d’exportation pour la métropole, vous faites également partie du territoire douanier européen. Il faut donc respecter la sixième directive communautaire.
Je ne suis pas favorable à la multiplication des rapports, mais, compte tenu de la complexité du dossier, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié et 44 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
L’amendement n° 42 rectifié quater, présenté par MM. Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, Patient, Tuheiava et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, dans les secteurs pour lesquels les conditions d’approvisionnement ou les structures de marché limitent le libre jeu de la concurrence, un décret arrête la liste des produits pouvant être importés des États voisins vers le territoire de chacune de ces collectivités.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement pose clairement la question de la liste des produits importables des territoires voisins de ceux des collectivités d’outre-mer.
En effet, si les normes européennes assurent à tous nos concitoyens un haut niveau en matière de santé, de protection sociale ou de respect de l’environnement, elles constituent également des freins aux échanges commerciaux entre les territoires d’outre-mer et leurs voisins, souvent moins développés économiquement que les pays de l’Union européenne. Pourtant, certains des produits issus des États voisins obtiennent le label CE permettant une commercialisation sur le territoire de l’Union européenne. Ils se voient malgré tout refouler aux frontières.
L’éloignement de la métropole est l’une des raisons du niveau élevé des prix en outre-mer. Si nous voulons réellement lutter contre la vie chère, il est nécessaire que les produits sans risque pour le consommateur puissent pénétrer les marchés ultramarins. Pour cela, ils doivent être identifiés de manière claire et intelligible afin que les commerçants puissent s’approvisionner au plus près. Peut-être que les producteurs bénéficient actuellement du manque de transparence des pratiques de refoulement, mais il est du devoir du Gouvernement de permettre que la législation européenne et interne déjà existante fasse levier sur les prix en réduisant le transport et en diversifiant les sources d’approvisionnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Larcher, rapporteur. Il y a un défaut de cohérence : on ne peut pas demander à la fois une étude sur les échanges commerciaux dans les pays de la zone et une liste des produits ! C’est soit l’un, soit l’autre. Réalisons dans un premier temps l’étude et arrêtons ensuite la liste des produits.
C’est la raison pour laquelle je suis au regret, cher collègue, d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. Je suis d’accord pour faciliter les échanges, mais pas dans un seul sens.
Je prendrai un cas précis, celui de la Guyane proche du Brésil et du Surinam. Au Surinam, on trouve des produits hollandais, et au Brésil des produits portugais et espagnols. Ils sont certifiés CE et peuvent parfaitement passer la frontière.
Pardonnez-moi de le dire, mais dresser une liste exhaustive, par conséquent forcément fermée, me paraît une procédure bureaucratique lourde.
Se pose ensuite le problème de la réciprocité. Notre pays a signé des accords de partenariat économique dans la Caraïbe et à La Réunion avec les pays voisins. L’Afrique n’en a pas voulu. Une asymétrie a donc été imposée. Il faut réexaminer la question et tenter de faire tomber non seulement l’octroi de mer, mais aussi les negative list, c’est-à-dire les listes de prohibitions.
Deux cents produits de nos régions ne peuvent pas entrer dans les pays de la Caraïbe. Or, depuis l’accord de Lomé, tous les produits peuvent entrer chez nous. Nous devons donc prendre le temps de mener une réflexion globale. J’invite donc vos délégations à s’emparer de cette question beaucoup plus complexe qu’on ne le pense.
Je serai très prochainement en mission à Curaçao où j’ai déjà rencontré le Premier ministre. J’irai également, s’il le faut, au Surinam et au Venezuela. Ces pays peuvent raffiner le pétrole aux normes européennes à la demande.
Sous le bénéfice de ces observations et dans l’attente du rapport que nous ferons – la délégation présidée par Serge Larcher peut également s’emparer du sujet –, je vous invite à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Antoinette, l’amendement n° 42 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Jean-Étienne Antoinette. Non, je le retire, madame la présidente, au bénéfice du rapport.
Je préciserai néanmoins deux points, monsieur le ministre.
Premièrement, il était question dans mon rapport de produits ayant obtenu le label CE. Il ne s’agissait pas de dresser une liste exhaustive.
Deuxièmement, nous constatons de nombreuses aberrations. Par exemple, la viande exportée par le Brésil est expédiée en métropole avant de revenir en Guyane. Il en va de même, comme vous l’ont signalé les jeunes agriculteurs, des produits entrant réalisés au nord-est du Brésil. Certains circuits relativement longs peuvent être réduits, pour le plus grand profit du consommateur.
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 7, présenté par Mme Archimbaud, M. Labbé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Dantec, Desessard et Gattolin, Mme Lipietz et M. Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un comité de suivi est chargé d’évaluer l’application de la présente loi.
Ce comité comprend des représentants du Gouvernement, des parlementaires, des élus, des associations et des syndicats locaux.
Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux avant la discussion du projet de loi de finances initiale.
Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer donne à l’État des moyens supplémentaires pour réguler l’économie d’outre-mer dont il s’agira d’évaluer la portée.
Cet amendement vise à créer un comité de suivi de l’application de la loi, comprenant des représentants du Gouvernement, des parlementaires, mais aussi des acteurs locaux, qu’il s’agisse des élus, des associations ou des syndicats locaux, qui, par leur connaissance très fine du terrain, seront à même de guider le Gouvernement dans sa bataille contre la vie chère outre-mer.
La mise en place d’un comité de suivi répond, par ailleurs, à la nécessité d’avoir un regard transparent et démocratique sur l’application de la loi via un rapport transmis annuellement au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Larcher, rapporteur. Il est toujours utile de prévoir le suivi ou l’évaluation d’un texte une fois qu’il a été adopté.
En l’occurrence, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. J’émets un avis favorable sur cet amendement sous réserve d’une rectification portant sur la fin de l’avant-dernier alinéa, lequel précise que le comité de suivi « transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux avant la discussion du projet de loi de finances initiale ».
Il faudrait donc que ce rapport soit présenté en octobre. Je ne suis pas sûr que ce soit possible pour les premières années d’application de la loi. C’est le seul aspect qui me gêne, car la présentation d’un rapport chaque année, voire tous les deux ans – c’est au Sénat d’en décider – pourrait utilement éclairer le législateur.
Mme la présidente. Madame Archimbaud, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?
Mme Aline Archimbaud. J’y souscris et rectifie mon amendement afin de supprimer les mots : « avant la discussion du projet de loi de finances initiale », au moins pour les premières années d’exercice du comité de suivi.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 7 rectifié, ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un comité de suivi est chargé d'évaluer l'application de la présente loi.
Ce comité comprend des représentants du Gouvernement, des parlementaires, des élus, des associations et des syndicats locaux.
Il transmet chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux.
Un décret fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Le projet de loi que nous examinons est extrêmement important en ce qu’il s’attaque à des structures très difficiles à faire évoluer. En tentant de résoudre un problème qui est pendant depuis très longtemps, il est aussi très ambitieux. L’existence d’un comité de suivi me paraît fort utile ; aussi je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Notre groupe attache beaucoup d’importance à cet amendement, qui permettra qu’une concertation s’engage avec toutes les parties concernées : les parlementaires et les élus locaux, mais aussi les consommateurs, qui sont ainsi invités, selon votre propre expression, monsieur le ministre, à « se mêler de ce qui les regarde ».
Cet amendement revêt une grande importance en termes de transparence et de démocratie dans la mesure où il contribuera à la bonne mise en œuvre de cette loi ambitieuse, que vous avez osé qualifier de « révolutionnaire », et qui permettra de s’extraire des pesanteurs historiques et des diverses sédimentations.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Tuheiava, Mme Claireaux et MM. Antoinette, Patient, Desplan, Antiste, Cornano, J. Gillot et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le gouvernement présente un rapport au Parlement tous les deux ans sur l’état d’application de la présente loi.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Cet amendement est satisfait par l’adoption de l'amendement n° 7 rectifié. Il l’est d’autant plus que je proposais une périodicité de deux ans alors que l’amendement qui vient d’être adopté prévoit un délai plus court. Par conséquent, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 54 rectifié est retiré.
L'amendement n° 31, présenté par MM. Patient, Antiste, Antoinette, Desplan et J. Gillot, Mme Claireaux et MM. Tuheiava et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement avant la fin du premier trimestre de 2013 une étude sur l’impact de l’octroi de mer en matière de prix dans les départements d’outre-mer.
La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Les incertitudes quant à l’avenir de l’octroi de mer suscitent de vives inquiétudes dans les collectivités d’outre-mer du fait de son importance. Il représente en effet le tiers des recettes de fonctionnement des communes des départements d’outre-mer.
Cette taxe fait aussi l’objet de critiques, notamment de la part des socioprofessionnels, du fait de sa prétendue variabilité et de son impact sur les prix de vente des biens importés.
Aussi, il est impératif que le Gouvernement réalise une analyse d’impact évaluant son efficacité économique et sa conformité aux traités fondateurs de l’Union européenne.
François Hollande, dans le vingt-troisième de ses trente engagements pour les outre-mer, soutenait cette idée en précisant bien qu’il défendrait une plus large utilisation de l’article 349 du traité de Lisbonne pour adapter les normes européennes aux régions ultrapériphériques.
Par cet amendement, nous proposons que cette étude soit rendue avant le premier trimestre 2013 afin que la Commission européenne dispose du temps nécessaire pour rédiger une proposition législative et qu’ensuite la procédure de décision, qui exige l’avis du Parlement européen, puisse se dérouler et aboutir avant le 1er juillet 2014, date du terme de la prorogation de cette taxe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Serge Larcher, rapporteur. Cet amendement prévoit qu’avant la fin du premier trimestre 2013 une étude soit présentée par le Gouvernement au Parlement sur l’impact de l’octroi de mer en matière de prix.
Je comprends l’objectif de cet amendement, auquel j’adhère totalement. La mission d’information sur la situation des départements d’outre-mer a d’ailleurs proposé en 2009 la réalisation d’une étude ; c’était la proposition n° 27, comme s’en souviennent très bien nos collègues de Guyane.
Cela dit, M. le ministre vient de me confirmer que le rapport sur l’octroi de mer était prêt et qu’il serait publié dans les prochains jours.
Par conséquent, je demande à M. Patient de bien vouloir retirer cet amendement, qui est en quelque sorte satisfait, sinon j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. Nous avons le devoir de présenter un rapport à la Commission de Bruxelles pour la possible reconduction de l’octroi de mer. J’ai déjà eu plusieurs versions du dernier tome de ce rapport, que j’ai renvoyé au cabinet Lengrand. Les présidents de collectivités ont déjà dû émettre un avis, et ce rapport sera distribué très largement aux parlementaires.
Par ailleurs, comme cela a été dit dans la discussion générale, ce texte est une boîte à outils, qu’il faudra ensuite compléter par beaucoup d’autres textes, notamment des décrets, et peut-être une loi sur le dispositif de l’octroi de mer rénové. Comme je l’ai déjà dit, rien ne se fera sans une concertation préalable et approfondie avec les élus locaux, en particulier avec les maires et les présidents des conseils régionaux.
Plusieurs propositions ont déjà été faites.
Premièrement, il est question de revoir les tarifs, les listes A, B et C, le taux interne et le taux externe.
Deuxièmement, il est envisagé d’étendre l’assiette de l’octroi de mer. Aujourd’hui, cette taxe s’applique aux produits importés et à la production locale et, contrairement à ce qu’ont dit deux ou trois intervenants, la production locale en a été exonérée pendant dix ans.
Troisièmement, il a aussi été proposé d’étendre l’octroi de mer aux services.
Quatrièmement, sont assujetties à l’octroi de mer les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 550 000 euros. Il y a environ 40 000 entreprises et établissements en Martinique et à peu près autant en Guadeloupe, mais il n’y en a que 175 qui acquittent l’octroi de mer. L’ensemble des entreprises bénéficient d’exonérations. Il y a là une réflexion nouvelle à engager.
Une dernière proposition – rien n’est arrêté, c’est avec vous que nous prendrons les décisions – consiste à revoir le mécanisme de déduction. Aujourd’hui, l’octroi de mer porte sur l’entièreté des prix, contrairement à la TVA, impôt qui ne porte que sur la seule valeur ajoutée. Il y a là aussi une réflexion nouvelle à mener.
Mme la présidente. Monsieur Patient, maintenez-vous votre amendement ?
M. Georges Patient. Les gouvernements se suivent et, heureusement, ne se ressemblent pas ! (Sourires.) Toutefois, force est de constater que cela fait plusieurs années que l’on nous dit que cette étude d’impact est prête et qu’elle a été transmise aux instances européennes. Pour l’heure, je constate que, personnellement, je ne dispose toujours pas de cette étude, ce qui me laisse perplexe sachant l’importance de l’octroi de mer pour nos collectivités d’outre-mer.
Une échéance est prévue en 2014 ; or l’on sait que, tant sur le plan national que sur le plan européen, l’adaptation d’un texte requiert au préalable une longue procédure. Je commence donc sincèrement à m’inquiéter sur le devenir de cette taxe ou sur l’éventualité qu’une autre puisse lui être substituée et, surtout, sur le sort réservé aux collectivités d’outre-mer, qui sont très dépendantes de l’octroi de mer.
Je retire donc mon amendement mais je resterai vigilant : je souhaite que l’étude d’impact nous parvienne avant 2013 et, surtout, que l’on obtienne des certitudes quant au sort réservé à cette taxe.
Mme la présidente. L’amendement n° 31 est retiré.
L'amendement n° 50, présenté par M. Tuheiava, Mme Claireaux et MM. Antoinette, Patient, Desplan, Antiste, Cornano, J. Gillot et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La tarification des services bancaires de base en Polynésie française est alignée sur celle de la France métropolitaine.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Cet amendement a trait à l’alignement des tarifs des services bancaires applicables en Polynésie française sur les tarifs de France métropolitaine.
Je ne peux pas, hélas, m’exprimer au nom de la Nouvelle-Calédonie. Je pense bien sûr que la voix de cette collectivité s’exprimera devant l’Assemblée nationale si mon amendement est adopté.
En réalité, le problème est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît.
L’état du droit applicable à la collectivité d’outre-mer de Polynésie française laisse apparaître une confusion sur la compétence statutaire en la matière, si bien qu’un avis a été sollicité auprès du tribunal administratif de Polynésie française.
Dans un avis rendu le 21 mai 2012, celui-ci a finalement indiqué que ce domaine relevait non pas de la compétence du gouvernement polynésien mais de celle de l’État. Cela tient au fait que ce domaine est considéré comme indissociable des activités touchant à la monnaie, au crédit et au change.
Pourtant, force est de constater que les coûts bancaires sont sensiblement supérieurs dans les collectivités ultramarines du Pacifique, notamment la Polynésie française, à ceux de la France métropolitaine. Cette anomalie, qui résulte d’une régulation insatisfaisante du secteur bancaire dans le Pacifique, liée à la confusion que je viens d’évoquer, contribue assurément, même si ce n’est encore que partiellement, au renchérissement du coût de la vie pour l’ensemble des usagers des banques locales.
Un observatoire des tarifs bancaires a été mis en place au sein de l’Institut d’émission d’outre-mer, et son premier rapport, paru en avril 2012, n’est malheureusement pas de nature à rassurer les autorités du pays.
En effet, il y est constaté que, globalement, comme je viens de le dire, les tarifs de prestations bancaires en Polynésie française augmentent, alors même qu’ils sont plutôt orientés à la baisse en Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, ces tarifs restent plus élevés dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique qu’en France métropolitaine, notamment pour deux tiers des tarifs standards en ce qui concerne la Polynésie française.
Il importe que l’État ne se satisfasse pas de la mise en place d’un simple observatoire mais qu’il envisage plus concrètement des mesures – puisque cela ressortit à sa compétence et qu’il faut s’attaquer à la vie chère – pour limiter la hausse des tarifs bancaires, ou tout au moins les réguler, dans nos collectivités.
Il serait donc pertinent – et c’est l’objet de l’amendement que je vous propose – de prévoir un alignement de ces tarifs sur ceux de la France métropolitaine.
Mme la présidente. L'amendement n° 51, présenté par M. Tuheiava, Mme Claireaux et MM. Antoinette, Patient, Desplan, Antiste, Cornano, J. Gillot et Vergoz, est ainsi libellé :
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conventions signées et ratifiées par la France au titre du régime juridique de l’assistance mutuelle administrative internationale s’appliquent au bénéfice des services douaniers de la collectivité d’outre-mer de la Polynésie française. Un décret en Conseil d’État vient préciser les accords bilatéraux ou multilatéraux applicables.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Nous sommes, cette fois-ci, dans un cadre un peu différent, puisque cet amendement concerne ce que l’on appelle les marges arrière, notamment celles qui sont développées à l’étranger, c'est-à-dire hors des collectivités et départements d’outre-mer.
L’Assistance administrative mutuelle internationale, l’AAMI, est constituée par l’ensemble des mesures arrêtées par les États, dont la France, en vue de faciliter la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières. Ce dispositif, qui s’applique en matière fiscale et économique, passe par la signature d’accords multilatéraux, signés notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes, et bilatéraux.
Ainsi, la France a signé, et ratifié, des conventions d’assistance administrative mutuelle internationale avec une trentaine de pays, représentant toutes les zones du monde.
Or, en Polynésie française, la direction des douanes, qui est seule compétente en matière de répression et de taxation, est un service d’État, rattaché au ministère en charge du budget, notamment à la direction générale des finances publiques, la DGFIP, travaillant pour le compte de la collectivité ultramarine polynésienne.
La direction des douanes de Polynésie française n’a pas de faculté légale de coopération douanière en matière économique et fiscale avec les pays exportateurs vers la Polynésie française.
En effet, le dispositif d’assistance administrative mutuelle internationale en matière de douane n’existe pas pour les îles du Pacifique.
Pourtant, du point de vue de la formation des prix, l’une des causes de la cherté de la vie se trouve être la fameuse pratique, illicite en termes de concurrence, des marges arrière. Ces marges sont en réalité des ristournes déguisées demandées par les distributeurs à leurs fournisseurs au titre d’une coopération commerciale qui est le plus souvent inexistante ou fictive.
Ce phénomène généralisé, qui échappe véritablement au contrôle des pouvoirs publics locaux, participe directement au surenchérissement des prix commerciaux notamment pratiqués sur les marchés des collectivités que je viens de citer. Il est donc plus que nécessaire de faire bénéficier les services douaniers opérant sur l’ensemble du territoire de la collectivité d’outre-mer de la Polynésie française des avantages et de l’expertise de l’assistance administrative mutuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 50 et 51 ?
M. Serge Larcher, rapporteur. L'amendement n° 50 vise à aligner la tarification des services bancaires de base en Polynésie sur celle de l’Hexagone.
Je comprends bien le sens de cet amendement. Pour autant, pourquoi limiter son champ à la Polynésie ? Pourquoi ne pas viser également les départements d’outre-mer ? Il me semble que nombre de nos concitoyens ultramarins souffrent du niveau des frais bancaires.
Je souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ce point.
Quant à l'amendement n° 51, il a pour objet d’appliquer au bénéfice des services douaniers de la Polynésie française les conventions signées et ratifiées par la France au titre du régime juridique de l’assistance mutuelle administrative.
Cette assistante mutuelle est constituée par l’ensemble des mesures arrêtées par des États, dont la France, pour faciliter la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières. Elle n’est pas applicable aujourd’hui en Polynésie. Sur ce point également, je souhaite entendre l’avis de M. le ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Victorin Lurel, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à l'amendement n° 50 relatif à l’alignement de la tarification des services bancaires de base sur celle de la France métropolitaine.
Il est vrai que les questions de monnaie, de crédit et de change relèvent de la compétence de l'État central. Mais vouloir un alignement sur la tarification et les prix pratiqués en métropole, c'est méconnaître la différence de places et les risques qui sont attachés à chacune d’elles. Nous ne pouvons donc accepter cet amendement, même si j’en comprends bien le fondement.
J’ai été à l’origine d'un amendement qui avait été accepté par la ministre concernée de l’époque, Mme Lagarde. Il existe un observatoire des tarifs bancaires, qui a rendu récemment son premier rapport. Il ne faut pas oublier de citer les organisations de consommateurs, qui font du bon travail – je pense notamment à la CLCV, association nationale de consommateurs et usagers, qui publie régulièrement les barèmes de différences de prix.
Mais la situation est compliquée. Ce qui est vrai en Polynésie l’est aussi dans les autres départements où les banques justifient des différences absolument faramineuses par les risques de places, d'incidents de cartes bancaires, de créances non recouvrées… Bref, il serait plus risqué de faire affaire dans ces régions-là !
Je ne vous cache pas que ce point est à l'étude, mais au, au regard de sa technicité, nos investigations ne seront achevées que pour l’examen du texte par l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons prétendre procéder à un alignement ou une harmonisation tenant compte de la différence de risques de places dès aujourd'hui. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Quant à l'amendement n° 51, il porte lui aussi sur un sujet très technique, et nous estimons préférable de reporter également le traitement de cette question. Nous tentons de comprendre ce qui se passe avec les marges arrière. Nous soupçonnons un certain nombre de grands groupes de domicilier ces marges arrière dans des paradis fiscaux, ce qui justifierait effectivement le recours à une assistance douanière internationale. Mais on ne peut pas le prévoir comme cela, à la faveur d'un simple amendement, même fondé et de qualité. Nous devons aller plus loin dans les investigations.
J'espère que, d'ici au 10 octobre, nous serons plus au fait des choses et que nous pourrons traiter la question que vous évoquez à l'Assemblée nationale. Je sollicite donc également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Tuheiava, les amendements nos 50 et 51 sont-ils maintenus ?