compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d’un ancien sénateur
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Michel Caldaguès, qui fut sénateur de Paris de 1977 à 2002.
3
Renvoi pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi (n° 751, 2011-2012) relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer (engagement de la procédure accélérée), dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
4
Adaptation de la législation au droit de l’Union européenne
Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet n° 737, texte de la commission n° 778, rapport n° 777).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis venu évoquer devant vous le DDADUE. Il ne s’agit pas d’une espèce protégée (Sourires.), d’un animal en voie de disparition, mais bien de diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, en matière économique et financière.
Derrière l’aridité de ce terme et de ce sigle, figurent des enjeux importants pour l’économie française, notamment pour ce qui concerne la monnaie électronique, ou encore les retards de paiement pour nos entreprises. J’en dirai quelques mots.
Le présent projet de loi de transposition de directives en matière économique et financière est important, non seulement par l’objet même de ses dispositions – quels qu’en soient les dehors techniques – mais aussi comme témoignage de notre volonté de parler d’une seule voix aux institutions européennes et à nos concitoyens, et enfin comme marque du respect que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault porte au Parlement.
Ce sont deux aspects sur lesquels je souhaite insister avant que nous entrions plus avant dans l’examen du texte.
En effet, le présent projet de loi a pour objet de nous permettre de transposer dans notre droit trois directives européennes adoptées par la France et ses partenaires européens en septembre 2009, novembre 2010 et février 2011, c'est-à-dire il y a déjà quelques mois ou quelques années.
La France ne l’a pas fait plus tôt : c’est une question que l’on ne saurait éluder. De fait, comment se peut-il qu’en ce début d’automne 2012 nous soyons placés face à la nécessité de rattraper des retards multipliés par le précédent gouvernement dans la traduction en droit national de ces engagements européens accumulés au cours des trois dernières années ?
Comment se fait-il qu’à la constitution du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, en mai dernier, nous ayons trouvé en jachère la transposition de la directive la plus ancienne, celle de septembre 2009 relative à la monnaie électronique, dont l’échéance était fixée au 30 avril 2011 ? Je note que la France est le dernier État membre à ne pas avoir transposé ce texte et que nous sommes partant soumis à une menace imminente de sanctions pécuniaires pour défaut de transposition. Or ce type d’amende peut atteindre plusieurs millions d’euros. En période de contraintes budgétaires, de semblables charges seraient particulièrement préjudiciables aux comptes publics !
De surcroît, comment se fait-il que la directive de novembre 2010 dite « Omnibus I », qui n’est rien de moins que le premier jalon de la réforme de la supervision financière européenne, et dont l’échéance de transposition était fixée au 31 décembre 2011, n’ait pas trouvé en temps voulu sa traduction dans notre droit ?
Je ne céderai pas à la polémique. Je soulignerai simplement ceci : le Gouvernement a la volonté de rendre la France plus exemplaire en matière de transposition des directives européennes, pour garantir la sécurité juridique à nos concitoyens et à nos entreprises, tout en écartant le risque de possibles sanctions pécuniaires liées à un retard dans la transposition de ces textes.
Pierre Moscovici l’a indiqué le 1er août dernier en présentant ce texte en conseil des ministres, il a personnellement tenu à ce que le ministère de l’économie et des finances se montre exemplaire en termes de transposition de directives et à ce que le Parlement soit saisi au plus vite des mesures nécessaires à la transposition des textes de 2009 et 2010, ainsi que des mesures de transposition de la directive de février 2011 relative aux retards de paiement dans les transactions commerciales, dont l’échéance de transposition approche puisqu’elle est fixée à mars 2013.
Il en va à la fois du crédit de la parole de la France en Europe, mais aussi – je viens de le souligner – de la sécurité juridique que nous devons à nos concitoyens et à nos entreprises.
Chacun a bien à l’esprit qu’à l’échéance de transposition les directives sont invocables devant les juridictions et que, le cas échéant, le juge peut alors écarter la loi nationale contraire. C’est donc à un embrouillamini juridique considérable que les opérateurs économiques et nos concitoyens sont confrontés lorsque surviennent de tels retards de transposition.
Les opérateurs français de monnaie électronique n’ont pas manqué de le rappeler ces derniers jours, en se plaignant de l’incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent depuis deux ans, alors que leurs concurrents européens peuvent d’ores et déjà appliquer le cadre juridique commun à l’ensemble des États membres. Voilà une mesure de compétitivité que la France aurait pu mettre en œuvre plus tôt, et que le précédent gouvernement aurait gagné à faire cheminer en temps voulu.
Je reviens à ce DDADUE, et aux trois textes qu’il comporte et que je vais évoquer successivement.
Premièrement, avec la transposition de la directive du 16 septembre 2009 relative à la monnaie électronique, nous allons permettre aux consommateurs de disposer de moyens de paiement sûrs,…
Mme Michèle André. Espérons !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … ce qui est plus que jamais nécessaire en période de crise, et ce en assurant aux opérateurs nationaux un cadre juridique stabilisé, alors qu’ils souffrent d’être les derniers en Europe à ne pas bénéficier entièrement du régime européen.
Les dispositions de transposition de cette directive comportent la création d’une nouvelle catégorie d’acteurs dans le secteur des moyens de paiement, à savoir les établissements de monnaie électronique, qui seront habilités à émettre de la monnaie électronique à destination de leurs clients. De plus, elles fixent les règles d’exercice de cette activité.
Ce nouveau régime doit contribuer au développement de la monnaie électronique en fixant un cadre simplifié pour ces établissements et sécurisé pour ses utilisateurs, dans le respect des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Deuxièmement, avec la transposition de la directive du 24 novembre 2010, dite « Omnibus I », nous allons contribuer au renforcement de la régulation financière européenne – à l’ordre du jour de l’important Conseil de juin dernier, qui a permis d’évoquer diverses mesures supplémentaires en matière de régulation financière européenne –, à laquelle le Gouvernement et le Président de la République sont tout particulièrement attachés.
Les dispositions de transposition s’inscrivent en effet dans le cadre de la régulation de la finance voulue par le chef de l’État. Elles tirent les conséquences de la création, à l’automne 2010, des autorités européennes de supervision, à savoir l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, l’Autorité européenne des marchés financiers et le Comité européen du risque systémique, chargé de la supervision macro-prudentielle. Elles renforcent les échanges d’informations entre les autorités de supervision nationales – l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, et l’Autorité des marchés financiers, l’AMF – et ces autorités européennes de supervision, contribuant ainsi à l’efficacité de la supervision des acteurs financiers.
Troisièmement, et enfin, avec l’achèvement de la transposition de la directive du 16 février 2011 sur la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, nous allons contribuer au soutien aux PME.
Les dispositions de transposition de la directive tendent à renforcer les sanctions prévues en cas de retard de paiement des sommes dues en exécution d’un contrat de la commande publique, afin de réduire les délais de paiement de la sphère publique et d’améliorer, partant, la situation de trésorerie des entreprises. En période de crise, il s’agit évidemment d’une exigence naturelle, forte et légitime de la part des PME. La transposition de cette directive répondra précisément à cette préoccupation. Ces dispositions instaurent notamment une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en sus des intérêts moratoires, dont le taux sera augmenté par décret.
La question des délais de paiement, en premier lieu ceux de la puissance publique, est un sujet de doléances maintes fois évoqué par les PME – je l’ai dit à l’instant –, dont le développement est au cœur de la stratégie économique du Gouvernement. Bien sûr, cette directive ne résoudra pas tous les problèmes, mais elle concourra assurément à la sécurisation d’une partie des conditions de financement de ces entreprises.
J’en termine par un dernier point, sur lequel je souhaite insister, celui de la méthode.
Le Président de la République l’a rappelé à plusieurs reprises : le Gouvernement est attaché au respect des parlementaires.
Telle est l’autre préoccupation qui nous a animés dans ce contexte. Face à l’accumulation de retards dont ils étaient le plus souvent les premiers responsables, on sait à quels expédients les précédents gouvernements ont fréquemment eu recours par le passé, quitte à placer le Parlement au pied du mur en lui demandant de voter en toute urgence des habilitations à transposer, par voie d’ordonnances, des directives dont ils avaient manqué de préparer en temps utile les mesures nationales de mise en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons choisi de procéder différemment, pour respecter le droit du Parlement de délibérer de la teneur des modifications de la loi française qu’appelle la transposition de telles directives. Le présent projet de loi comprend bien l’intégralité des mesures législatives qui restent nécessaires à la transposition des trois directives « monnaie électronique », « Omnibus I » et « retards de paiement ».
Entendons-nous bien : dans ce domaine de la transposition des directives, le plus important est que, comme en l’occurrence, le Gouvernement et le Parlement engagent un dialogue étroit pour déterminer les voies et moyens les plus adaptés en termes d’articulation du droit de l’Union européenne et du droit national.
En toute hypothèse, l’association du Parlement français à la négociation des directives et règlements au titre de l’article 88-4 de la Constitution constitue une étape essentielle en matière démocratique. À cet égard, je salue les travaux de la commission des affaires européennes du Sénat sous la présidence de Simon Sutour. Le Gouvernement veillera à ce que, dans ces phases précédant l’adoption des textes européens, le Parlement soit mis à même de disposer des éléments qui lui sont nécessaires.
Dans les temps qui suivent l’adoption des directives, la nécessité d’un dialogue étroit entre le Gouvernement et le Parlement est également capitale.
Le Président de la République et le Gouvernement œuvrent activement depuis quatre mois à une réorientation du cours de la construction européenne qui nécessitera, notamment, une profonde réforme de la régulation financière. Nous savons d’ores et déjà que notre diligence quant à la traduction en droit national de certaines de ces règles constituera un élément crucial de cette réorientation.
À la faveur du dialogue étroit qui a commencé à se nouer entre le Gouvernement et le Parlement au sein d’un comité de liaison de la transposition des directives, en accord entre, d’une part, le Premier ministre et, d’autre part, les présidents Bartolone et Bel, nous aurons donc à vérifier, ensemble, si certaines transpositions appellent des solutions particulières comme le recours aux ordonnances. Évidemment, cette procédure ne devra pas être engagée pour pallier les retards que le Gouvernement aurait lui-même laissé naître faute d’avoir préparé en temps utile les mesures d’adaptation de notre droit.
Je me réjouis d’ores et déjà du travail effectué sur le présent projet de loi par la commission des finances, en particulier par son rapporteur, Richard Yung. En anticipant sur la suite de la discussion, je puis indiquer dès à présent que le texte de la commission recueille le plein accord du Gouvernement.
J’en viens, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à ma conclusion. Les mesures qui sont aujourd’hui soumises à votre examen, outre qu’elles répondent à une nécessité juridique, permettent aussi une modernisation de notre droit attendue par nombre de consommateurs et d’opérateurs économiques.
Je souhaite donc qu’elles recueillent le plus large assentiment de votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.