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Organismes extraparlementaires
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite :
- la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter une candidature pour un suppléant appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel, en application de l’article 3 du décret n° 2004-532 du 10 juin 2004 ;
- la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à présenter une candidature pour un titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut des hautes études de la défense nationale, en remplacement de Mme Hélène Conway Mouret, nommée membre du Gouvernement ;
- la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique à présenter une candidature pour un suppléant appelé à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, en remplacement de Mme Anne-Marie Escoffier, nommée membre du Gouvernement ;
- et la commission des affaires sociales à présenter trois candidatures pour des titulaires appelés à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, en application des articles L. 1418-4 et R. 1418-19 du code de la santé publique.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
Mes chers collègues, je vais maintenant suspendre la séance. Elle sera reprise à partir de 18 heures, pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 3 de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 et de l’article 2 du décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004, la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière de transports, lors de sa réunion du 31 juillet 2012, a émis un vote favorable – six voix pour – en faveur de la nomination de M. Philippe Duron aux fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Acte est donné de cette communication.
7
Dépôt d’un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport recensant les emprunts structurés conclus entre les établissements de crédit et les collectivités territoriales et organismes publics qui comportent soit un risque de change, soit des effets de structure cumulatifs ou dont les taux évoluent en fonction d’indices à fort risque, établi en application de l’article 5 de la loi n° 2011-1416 du 2 novembre 2011 de finances rectificative pour 2011.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
Il est disponible au bureau de la distribution.
8
Loi de finances rectificative pour 2012
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (texte de la commission n° 727, rapport n° 726).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord. Cela ne constitue pas une réelle surprise, car les deux chambres du Parlement ont examiné ce texte dans le même état d’esprit et l’ont enrichi sans, pour autant, sortir des limites de l’exercice. Elles ont toutes deux débattu une quarantaine d’heures – un peu plus à l’Assemblée nationale, un peu moins au Sénat.
Comme nous l’avons souvent rappelé lors de nos débats, il s’agissait d’adopter des mesures susceptibles de nous permettre d’atteindre l’objectif de solde public que nous nous sommes fixé pour 2012, tout en commençant à mettre en œuvre une nouvelle politique fiscale, inspirée par les orientations qui ont été tranchées à l’issue de la campagne électorale.
Ainsi, la CMP a validé, dans leur rédaction issue du Sénat, les quatre articles qui revenaient sur les symboles de l’ancienne politique fiscale, tout en procurant l’essentiel des nouvelles recettes. Je pense à la suppression de la TVA sociale, à la suppression de l’essentiel du régime fiscal dérogatoire des heures supplémentaires, à la taxe additionnelle à l’impôt sur la fortune et à la réduction des abattements applicables aux droits de mutation à titre gratuit.
La CMP a aussi validé, sous réserve de précisions complémentaires, les dispositifs anti-abus proposés pour l’impôt sur les sociétés.
Elle a également sécurisé le régime de la nouvelle taxe sur les dividendes, en l’adaptant aux spécificités des régimes juridiques des sociétés immobilières et des groupes bancaires mutualistes – achevant, en cela, un travail entamé au Sénat.
Toutefois, comme lors de toute CMP qui réussit, il a été nécessaire de faire des compromis. Par exemple, nous avons accepté de ne pas supprimer dès aujourd’hui les « ambassadeurs itinérants » et d’attendre le projet de loi de finances pour 2013 pour réexaminer cette question, à la lumière du rapport que le rapporteur spécial de la commission des finances prépare sur le sujet.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est donc que partie remise !
M. François Marc, rapporteur. Néanmoins, nous avons préservé la plupart des apports du Sénat.
Ainsi, l’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières, adoptée sur l’initiative du groupe CRC, a été confirmée, même si la date d’entrée en vigueur de cette mesure a été repoussée pour permettre aux opérateurs de s’adapter.
De même, l’augmentation des taux des prélèvements sur les retraites chapeaux, laquelle résulte également d’une initiative du groupe CRC, est maintenue, malgré une retouche des conditions de son entrée en vigueur.
Ont aussi étés validées l’augmentation des taux de la taxe sur les logements vacants, adoptée sur l’initiative du groupe du RDSE, ainsi que deux mesures adoptées sur l’initiative du groupe socialiste : d’une part, la création d’une taxe sur les cessions de fréquences et, d’autre part, l’exonération de hausse du taux du forfait social pour les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP.
L’abaissement du seuil de déclenchement de l’assujettissement aux prélèvements sociaux des parachutes dorés, adopté sur l’initiative de notre commission des affaires sociales, a également été validé.
Enfin, à la suite d’une initiative de François Fortassin et des membres de son groupe, une fraction du produit de la redevance sur les nouvelles concessions hydroélectriques sera désormais affectée aux communes.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. François Marc, rapporteur. La commission des finances, pour sa part, a apporté sa contribution au texte définitif dans des domaines auxquels elle accorde traditionnellement un suivi particulier. Ainsi, s’agissant de la situation de la zone euro – sujet sensible –, nous avons obtenu de disposer, avant le dépôt du prochain projet de loi de finances, d’un état global des conséquences budgétaires et financières pour la France des dispositifs de stabilité mis en place depuis 2010.
S’agissant de la régulation financière, le Gouvernement nous remettra au printemps prochain un rapport analysant les possibilités d’étendre l’assiette de la taxe de risque systémique à l’ensemble des acteurs favorisant la création et la diffusion de ces risques. Rappelons que la taxe de risque systémique elle-même est née des suites données au rapport Lepetit, qui lui-même avait été rédigé en réponse à une demande de la commission des finances du Sénat.
Dans le domaine des finances locales, les initiatives que j’ai suggérées à la commission des finances, complétées par celles du corapporteur spécial Pierre Jarlier, permettront de résoudre les difficultés concrètes que rencontrent certaines intercommunalités, mais aussi, et surtout, d’engager enfin le processus de révision des valeurs locatives professionnelles.
M. Jean-Claude Frécon. Très bien !
M. François Marc, rapporteur. C’est une réelle satisfaction pour nous d’avoir contribué au lancement de cette très importante réforme, et je suis particulièrement reconnaissant au Gouvernement d’avoir répondu sans attendre à cette préconisation forte du Sénat.
M. Didier Boulaud. C’est ça le changement !
M. François Marc, rapporteur. Mes chers collègues, ainsi s’achève notre session extraordinaire. Nous nous retrouverons à la rentrée pour un programme financier qui s’annonce fourni, puisque nous devrons nous préoccuper du traité budgétaire européen et de ses modalités de transposition en droit interne, d’un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et des deux textes financiers pour 2013, qui devront relever un défi inédit : permettre de réduire notre déficit public de 1,5 point de PIB en une seule année, ce qui représente un effort considérable, pour atteindre l’objectif d’un déficit de 3 % à la fin de l’année 2013.
M. André Reichardt. On craint le pire !
M. François Marc, rapporteur. Monsieur le ministre délégué, nous serons à vos côtés dans cette entreprise. Pour l’heure, mes chers collègues, je vous invite à approuver la première étape de cette trajectoire de redressement des finances publiques en votant les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Richard Yung. Avec plaisir !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte élaboré par la commission mixte paritaire donne pleinement satisfaction au Gouvernement. Nous n’aurons donc que des amendements rédactionnels à vous présenter, et nous ne pouvons qu’encourager la Haute Assemblée à adopter, à la suite de l’Assemblée nationale, le compromis élaboré par la CMP, afin de mettre un terme à la toute première étape du redressement de nos finances publiques entamé par le Gouvernement, conformément aux engagements du Président de la République.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, nous aurons d’autres rendez-vous après l’été : le projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques et le projet de loi de finances pour 2013 ; ce dernier engagera la réforme fiscale qui mettra enfin la justice au cœur de notre fiscalité.
En attendant, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier, au nom du Gouvernement, du travail effectué et saluer la grande qualité des débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Votre travail aura permis d’enrichir le projet du Gouvernement sans en dégrader l’équilibre.
Parmi les modifications importantes que vous avez adoptées figurent celle de l’article 5, destinée à mieux prendre en compte la situation des groupes mutualistes, et celle de l’article 6, afin de rendre plus efficace la taxe sur les transactions financières tout en renvoyant à la discussion européenne le soin de lui donner la portée que nous lui souhaitons, c’est-à-dire celle d’une vraie taxe sur les transactions financières dont le rendement permettra d’améliorer, notamment, la prise en charge du développement, selon le vœu émis sur l’ensemble des travées de cette assemblée.
L’article 8 a été modifié pour prendre en compte la situation des raffineries en difficulté, pour répondre notamment à une sollicitation de M. Philippe Marini. Vous avez également amendé l’article 14, pour tenir compte de la situation des entreprises en difficulté, et l’article 29, afin de faciliter les démarches d’admission à l’aide médicale de l’État.
Enfin, plusieurs articles additionnels ont été introduits, notamment sur les parachutes dorés et les retraites chapeaux, ainsi que sur certaines plus-values. Je n’oublie pas non plus les articles additionnels relatifs aux finances locales, sujet auquel votre assemblée est particulièrement attentive, au premier rang desquels figure celui qui résulte de l’adoption d’un amendement déposé par votre rapporteur général relatif à la révision des valeurs locatives.
Permettez-moi ensuite de me réjouir, à titre personnel, de la prise en compte de la problématique des SCOP, à l’article 10, sur l’initiative de l’Assemblée nationale, et à l’article 27, grâce à un amendement de la sénatrice Frédérique Espagnac.
Au nom de Pierre Moscovici et de Jérôme Cahuzac, je tiens à remercier les présidents de séance et les fonctionnaires des assemblées de leur contribution à la clarté de nos débats et du temps qu’ils y ont consacré.
Je remercie également M. le président de la commission des finances et, au-delà, l’ensemble de l’opposition dont la contradiction a été nécessaire et utile, car elle a fait avancer la discussion et donné de la vigueur, contribuant ainsi à la vitalité du débat démocratique.
Je remercie enfin M. le rapporteur général et son équipe de leur engagement constant et de la qualité de leur travail, grâce auquel ce texte est si satisfaisant.
Au nom du Premier ministre, du ministre de l’économie et des finances et du ministre délégué chargé du budget, je dois enfin adresser un grand merci aux parlementaires de la majorité pour le soutien qu’ils ont apporté à ce projet de loi de finances rectificative. Ce texte permettra en effet de trouver les ressources nécessaires à l’équilibre de nos comptes et de montrer à tous que les engagements du Président de la République seront tenus, à commencer par la suppression, à l’article 1er, de la TVA dite « sociale », qui n’était en réalité qu’une augmentation du taux de la TVA. Ce n’est que le premier exemple d’une longue liste d’engagements qui seront tenus devant les Français !
Merci à tous de votre patience et de votre implication. Avant que ne commence véritablement ce débat, je me permets de vous souhaiter à tous d’excellentes vacances, ainsi qu’à vos familles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012 répond d’abord à une urgence, celle du redressement de nos comptes publics. Face au constat d’une croissance de plus en plus faible et instable, et des sous-budgétisations chroniques de la période précédente,…
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. François Fortassin. … la nouvelle majorité a donc proposé une série de mesures qui doivent permettre d’apporter 7,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2012, conformément aux besoins soulignés par la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Ce rapport nous rappelle d’ailleurs combien il est nécessaire de poursuivre notre trajectoire de réduction du déficit public pour le ramener à 3 % dès l’année prochaine. La Cour souligne en effet que « le redressement de nos comptes conditionne la maîtrise future par la collectivité nationale de ses choix en matière économique et sociale ».
Son Premier président a insisté non seulement sur la nécessité, mais aussi sur l’urgence de l’action à entreprendre. En effet, si le coût du redressement est important aujourd’hui, il serait encore plus élevé s’il était différé aux années futures. Une sortie de la trajectoire de réduction du déficit aurait des conséquences très graves pour notre pays. Dans ces conditions, mes chers collègues, ne remettons pas à demain, ce que nous pouvons et devons faire dès aujourd’hui !
M. François Marc, rapporteur. Très bien !
M. François Fortassin. Ce projet de loi de finances rectificative est le premier pas dans le sens du retour à l’équilibre de nos comptes publics, prévu pour 2017. Un certain nombre d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat et confirmés par la commission mixte paritaire contribueront à accroître les recettes nouvelles attendues des différentes mesures de ce projet de loi.
Trouver des recettes supplémentaires n’est pas une tâche facile, mais la véritable difficulté consiste à répartir équitablement l’effort entre les Français. C’est là où le précédent gouvernement a échoué, et c’est là où il nous faut impérativement réussir ! L’ensemble des mesures contenues dans ce projet de loi va dans ce sens, même si les véritables réformes, comme nous l’ont rappelé M. le ministre délégué et M. le rapporteur général, auront vocation à s’inscrire dans le projet de loi de finances pour 2013.
Ce collectif apporte d’abord des solutions d’urgence qui visent à colmater les « brèches » creusées dans la période précédente. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Il n’est donc qu’une amorce de ce que sera la politique du Gouvernement et de sa majorité, tandis que le projet de loi de finances pour 2013, nous l’espérons, réorientera véritablement notre système fiscal, pour le rendre plus juste, plus transparent et plus efficace, tout en garantissant des recettes fiscales suffisantes pour poursuivre le redressement de nos comptes publics et faire face aux aléas.
Aujourd’hui, mes chers collègues, du fait des errements du passé, il est urgent de restaurer la confiance des Français ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Il ne faut pas exagérer !
M. Philippe Dallier. Tout en finesse !
M. Roger Karoutchi. Un homme de qualité comme vous…
M. François Fortassin. C’est sur cette confiance que repose la croissance. Sans elle, tous les collectifs budgétaires et les négociations européennes ne pourront rien ! Cette croissance, je le rappelle au passage, reste bien terne, puisque l’INSEE nous annonce qu’elle sera de 0,4 % ; le Gouvernement, avec prudence, a retenu une hypothèse de 0,3 %.
La nouvelle majorité, en choisissant l’axe de la justice fiscale, et non celui des cadeaux fiscaux aux privilégiés – je sais que cette appréciation fait réagir, mais elle correspond à une réalité ! –, est en bonne voie pour restaurer cette confiance.
Je me permets néanmoins d’appeler votre attention, monsieur le ministre délégué, sur le fait que beaucoup de nos concitoyens restent inquiets et que leurs inquiétudes sont entretenues par l’habileté de certains de nos collègues qui se donnent bien du mal pour leur faire croire que le Gouvernement va pénaliser non pas les plus aisés, mais une large partie d’entre eux.
M. Philippe Dallier. Et les neuf millions de salariés qui bénéficiaient des heures supplémentaires ?
M. François Fortassin. Nous savons que tel n’est pas le cas, car nous avons écouté avec attention les excellents arguments de votre collègue ministre délégué chargé du budget sur lesquels vous vous êtes appuyé, qui montrent bien que les classes moyennes et défavorisées seront préservées.
M. Roger Karoutchi. Non !
M. François Fortassin. Il faudra néanmoins rester vigilants,…
M. Philippe Dallier. Ô combien !
M. François Fortassin. … et c’est à nous désormais qu’il incombe de rétablir la vérité et de permettre aux Français de garder espoir dans l’avenir. D’ailleurs, messieurs qui vociférez, selon quelle justification les heures supplémentaires devraient-elles être défiscalisées alors que les heures normales ne le seraient pas ? Il n’y en a aucune ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Reichardt. Si, les 35 heures !
M. François Fortassin. Pour ma part, je sais que nos concitoyens sont prêts à faire des efforts, efforts qu’ils savent nécessaires ; mais ce qu’ils demandent, c’est la justice, l’équité dans la répartition des efforts. Quoi de plus normal ! C’est tout ce qui a manqué ces dernières années. (Mme Odette Duriez applaudit.)
M. Jackie Pierre. Oh !
M. Roger Karoutchi. Allons donc !
M. François Fortassin. Rétablir la justice, comme s’y emploie le nouveau gouvernement, passe aussi par une plus grande transparence et une plus grande honnêteté. Cela a fait cruellement défaut par le passé. Je ne prendrai que l’exemple du contentieux européen sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, que l’on nous a caché et qui, au passage, pourrait nous coûter 9 milliards d’euros !
M. Richard Yung. Ça, ce n’est pas bien !
M. François Fortassin. Voilà sans doute la transparence !
En des temps difficiles comme ceux que nous connaissons, c’est une perte de recettes qui est loin d’être négligeable, d’autant que celle-ci aurait pu être évitée si la précédente majorité avait pris ses responsabilités en temps et en heure.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. François Fortassin. Le nouveau gouvernement devra assumer les responsabilités que ses prédécesseurs ont rejetées sur d’autres.
M. Jacques Mézard. Absolument !
M. François Fortassin. Je voudrais revenir désormais brièvement sur quelques points du débat qui a eu lieu la semaine passée, ainsi que sur des sujets qui sont très chers aux membres du groupe du RDSE.
M. Roger Karoutchi. Ah ça, ils sont chers !
M. François Fortassin. En particulier, je tiens à remercier le rapporteur général d’avoir reconnu le rôle de pionnier joué par notre groupe sur le sujet, notamment par notre collègue Yvon Collin. Certes, l’amendement que nous avons défendu à l’article 6, qui visait à élargir l’assiette de la taxe en rétablissant la version adoptée par la majorité sénatoriale à deux reprises, n’a pu être adopté. Cependant, nous soulignons que M. le rapporteur général a dit partager « la philosophie de cette proposition » et que M. le ministre délégué au budget a déclaré à l’issue de la discussion générale que M. Collin avait « raison d’appeler de ses vœux une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse ».
Au RDSE, nous sommes très heureux de ces propos, qui ont longtemps fait défaut, au-delà des clivages politiques partisans, sur la nécessité d’un dispositif ambitieux. Nous sommes bien sûr très favorables au développement d’une possible coopération renforcée entre au moins neuf États européens. Mais nous pensons qu’il faudra rester vigilants et que la France devra se battre ardemment pour que la taxe soit un dispositif à la hauteur de l’enjeu et non une pâle copie du droit de timbre britannique, qui est le plus petit dénominateur commun entre les États membres, comme le rappelait notre excellente collègue devenue ministre Nicole Bricq.
Mes chers collègues, à l’issue de l’examen de ce collectif par la Haute Assemblée la semaine dernière, les amendements du RDSE auxquels nous tenions ont été adoptés, et nous nous en félicitons. Je remercie encore M. le rapporteur général de l’avoir souligné.
Le premier de nos amendements portait sur la taxe sur les logements vacants. Le second sur l’électricité. Ce sont des points extrêmement importants dans une optique d’équité et de justice.
Enfin, les membres de mon groupe ont souligné, comme l’avait fait précédemment la Cour des comptes, que la lutte contre les niches fiscales et sociales inefficientes reste une priorité très importante.
Une autre question chère aux radicaux de gauche est celle de la refonte de l’impôt sur le revenu, et j’espère qu’elle sera mise en chantier par le Gouvernement, monsieur le ministre délégué, car la création de tranches d’imposition supplémentaires ne sera pas à même, vous le savez, de résoudre les faiblesses de notre impôt sur le revenu, dont l’assiette est sérieusement « mitée ».
Nous sommes bien entendu pour un élargissement de l’assiette, qui comporterait la fusion de l’impôt sur revenu, de la contribution sociale généralisée et d’une grande partie des cotisations sociales salariales. La Cour des comptes estime d’ailleurs que l’augmentation des prélèvements obligatoires devra reposer prioritairement sur « l’élargissement de l’assiette […] plutôt que sur des hausses de taux, pour des raisons d’efficacité économique ».
Voilà les quelques éléments de réflexion que je tenais à apporter sur ce collectif, qui constitue un premier pas très encourageant concernant les orientations prises par le nouveau gouvernement. C’est pourquoi la majorité des membres du groupe du RDSE lui apporte son soutien aujourd’hui, comme elle l’a fait vendredi dernier.
Enfin, avant de quitter cette tribune, je tiens à souligner la qualité des arguments développés par le rapporteur général et par les ministres, notamment le ministre délégué au budget. J’ai particulièrement apprécié la clarté, la pertinence et la profondeur de leurs interventions,…
M. Philippe Dallier. Quel flatteur !
M. Roger Karoutchi. Encore !
M. François Fortassin. … comme j’ai d’ailleurs goûté l’excellent climat et la sérénité qui ont prévalu lors de nos débats en commission mixte paritaire hier, majorité et opposition confondues. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, premier acte politique majeur du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité choisie par les électeurs au printemps dernier, ce collectif budgétaire a été discuté dans un climat économique assez largement marqué par l’incertitude.
Si les taux d’intérêt de notre dette publique sont marqués par une inflexion à la baisse, rendant négatif le taux grevant les bons du Trésor à court terme – mais est-ce vraiment une bonne nouvelle à plus long terme ? –, des éléments ne manquent pas d’inquiéter.
La croissance économique est loin d’être au rendez-vous, et nous voyons clairement que les décisions budgétaires et économiques prises ces cinq dernières années, voire ces dix dernières années, n’ont pas évité à notre pays de connaître une forme de récession caractérisée par l’atonie de la croissance du PIB, mais surtout par la progression du chômage, dont les derniers chiffres montrent combien elle est lourde, la recrudescence des plans sociaux et la détérioration des prévisions économiques pour 2013.
L’atonie de la croissance va de pair avec la tension sur les comptes publics, mais cette tension sur les comptes publics prouve qu’une certaine forme de gaspillage est encore à l’œuvre, s’agissant de nos finances collectives. L’État supporte trop le poids de la crise.
Ainsi que le soulignait la présidente de notre groupe, Nicole Borvo Cohen-Seat, lors de l’explication de vote sur le texte issu des travaux du Sénat, cela fait une bonne trentaine d’années que notre pays est engagé dans une course au moins-disant fiscal et social, qui, avec le temps, est le moteur principal de l’endettement public, sans que cet endettement constitue un outil de progrès économique et social.
Rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission « Remboursements et dégrèvements », je ne peux que m’interroger sur les sommes considérables que nous mobilisons tous les ans pour alléger les impôts et les cotisations sociales des entreprises – sans trop de discernement, puisque le plus souvent au profit des plus importantes d’entre elles – ou des ménages les plus aisés.
Vous recherchez, monsieur le ministre délégué, des économies pour le budget de 2013. En procédant, ainsi que nous l’avions souhaité dans certains de nos amendements, à l’analyse critique de quelques-unes des niches fiscales qui polluent notre code général des impôts sans que leur pertinence absolue soit avérée, je pense que nous pouvons trouver des sources de diminution de la dépense fiscale.
Vous souhaitez mettre en place une banque publique d’investissement permettant d’aider les PME à innover et, qui sait, à exporter. Nous pourrions commencer par nous demander s’il est juste de dépenser plus de 730 millions d’euros pour le dispositif ISF-PME, qui ne met que 1,5 milliard d’euros, et encore pas tout à fait, au service des PME et des fondations d’utilité publique, alors que le coût fiscal d’un doublement du livret de développement durable serait moindre et l’effet levier des fonds recueillis autrement plus spectaculaire.
Se poser cette question peut évidemment se reproduire pour bien d’autres dispositifs, notamment pour ce qui est des « bilans organisés » autour d’un surendettement des entreprises, dans le cadre des opérations de LBO, comme des relations entre une société mère et ses filiales, telles qu’elles sont régies par notre code. On peut d’ailleurs parfois s’interroger pour savoir si ce sont les entreprises qui sont tenues de respecter la loi ou si c’est la loi qui se conforme aux attentes et aux desiderata des entreprises…
Nous avons, dans le cadre de la discussion de ce collectif, présenté certaines propositions. Nous y reviendrons, bien sûr, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2013. Cependant, il nous semble nécessaire d’engager dès maintenant, en amont, dans le cadre de la consultation des forces politiques constituant la nouvelle majorité parlementaire, un certain nombre de réflexions. Je crois que vous l’envisagez également.
Nous souhaitons, pour ce travail futur, partir de trois axes essentiels : la justice du prélèvement fiscal, la limitation des niches fiscales au seul avantage des plus modestes, le recyclage d’une part significative de la dépense fiscale, devenue inflationniste et inefficiente, en crédits budgétaires nouveaux, pour une politique publique efficace apportant des réponses aux besoins de nos concitoyens. C’est ainsi que nous préférons, par exemple, voir disparaître les heures supplémentaires imposées aux enseignants dans les collèges et les lycées, et apparaître des postes complémentaires d’enseignants renforçant les équipes pédagogiques en place, pour œuvrer dans le sens de la réussite de nos jeunes, ouvrant de vraies perspectives d’avenir.
Il y a sans doute quelques chapitres budgétaires qu’il convient aujourd’hui de maîtriser, voire de réduire, mais nous pensons clairement que le principal gisement de redressement budgétaire n’est pas dans la collection de sacrifices imposés aux personnels, comme le gel du point d’indice, ou aux usagers du service public, mais bien plutôt dans une démarche délibérée, volontaire et décidée de justice fiscale, sachant revenir sur les trop nombreuses dispositions dérogatoires qui existent dans notre législation.
De la même manière, le rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale a mis en évidence que les bases d’imposition avaient quelque peu tendance à être détournées, de temps à autre, de leur lieu normal de prise en compte et à échapper à toute contribution légitime. Notre législation prévoit d’aider nos entreprises à s’implanter à l’étranger, quand bien même cette implantation peut parfois confiner à la délocalisation.
S’attaquer aux niches fiscales et livrer une action résolue contre la fraude et l’évasion fiscales, contre l’optimisation fiscale au détriment de l’intérêt général, voilà ce qui doit animer l’action du Gouvernement dans les semaines et les mois à venir, et qui peut contribuer à donner à notre pays les moyens de réduire durablement les déficits publics.
Venons-en au texte du projet de loi de finances rectificative. Il comporte un certain nombre de mesures assez fortes : la suppression de la TVA dite « sociale », la mise en question du dispositif « heures supplémentaires », l’imposition plus forte des patrimoines. Pour l’essentiel, ces mesures visent clairement à assurer des recettes fiscales complémentaires pour un budget général que l’atonie économique de ce début d’année 2012 ne lui permet pas d’assurer a priori.
Nous avons évidemment partagé les intentions du Gouvernement, de manière générale, sur ces articles essentiels, mais il est aussi important pour l’avenir que l’objectif de ces nouvelles recettes ne soit pas la seule réduction du déficit budgétaire. La suppression de la TVA dite « sociale » est une bonne mesure, mais une réflexion plus générale sur les produits et services qui sont soumis au taux normal et ceux qui sont soumis au taux réduit sera nécessaire.
La mise en cause du dispositif « heures supplémentaires » doit être prolongée.
Tout d’abord, il faut mettre un terme à la défiscalisation et à la suppression des cotisations sociales des heures supplémentaires, ne serait-ce que parce que leur exécution prive les salariés de droits nouveaux en termes d’assurance maladie, d’assurance chômage ou de retraite.
Ensuite, il faut clairement donner des signes plus forts sur la question des salaires. Nous ne pourrons pas sortir la France de l’ornière économique dans laquelle elle végète, notamment depuis dix ans, tant que le salaire médian dans notre pays sera péniblement de 1 600 et quelques euros et que des millions de salariés, entre SMIC et temps partiel imposé, seront à peine au-dessus du seuil de pauvreté.
La France est malade des bas salaires. L’État dépense, en lieu et place des entreprises, des milliards d’euros à alléger les cotisations sociales, ouvrant en grand la trappe à bas salaires dans laquelle est depuis trop longtemps tombée l’égalité salariale entre les hommes et les femmes.
Le constat est clair : le débat doit s’engager sur le coût du travail qui ne doit pas être, comme ce fut trop souvent le cas dans cette dernière période, la seule variable d’ajustement. C’est un vrai choix de société qui nous est posé : à qui doit profiter la richesse produite ? La rémunération des capitaux, les frais financiers doivent-ils absorber l’amélioration de la productivité ? Nous ne le pensons pas.
Cet objectif politique essentiel, que nous avons porté lors de la discussion de ce collectif, doit être inscrit dans le programme de la nouvelle majorité.
Pas d’aide publique pour les entreprises qui nient l’égalité salariale !
Pas d’aide publique pour celles qui négligent la négociation collective sur la juste rémunération du travail !
Suspension, voire remboursement, des aides publiques dès lors qu’une entreprise met simultanément en œuvre, ou presque, un plan social en France et une délocalisation de tout ou partie de ses activités à l’étranger.
Tels sont les grands axes de la politique que nous souhaitons voir mise en œuvre.
En ce qui concerne l’impôt de solidarité sur la fortune, nous aurions souhaité aller plus loin que ce que prévoit le collectif budgétaire, comme en attestent les amendements que nous avons déposés. Ce n’est que partie remise. Il conviendra, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, de mettre en œuvre le nouvel ISF dont notre pays a besoin. Il faudra ainsi revenir sur la fixation de son tarif, sur sa progressivité et procéder à une approche critique des exonérations actuelles, ainsi que des modalités de calcul et de recouvrement.
Enfin, nous devrons nous interroger sur les conditions d’évolution du tarif de l’impôt, ne serait-ce que parce que les dix dernières années ont montré que la valorisation des patrimoines prenait d’autres voies que celle des revenus, et surtout beaucoup plus rapidement.
Pour notre part, nous sommes partisans d’une déconnexion de l’ISF de l’évolution de l’impôt sur le revenu – la même réflexion vaut d’ailleurs pour les autres droits d’enregistrement. Nous pensons que l’évolution du tarif doit être propre à chaque loi de finances.
Certains de nos amendements, et M. le rapporteur général l’a rappelé, ont été adoptés. Nous ne pouvons que nous féliciter que la commission mixte paritaire ait validé ces propositions. Quelques questions ne sont toutefois pas tranchées, notamment le gel du barème de l’impôt sur le revenu, avec ses multiples conséquences, et le plafonnement de la taxe d’habitation, ces deux questions étant liées.
Comme nous l’avons indiqué, il est indispensable que la nouvelle majorité parlementaire adresse un signe aux catégories sociales les plus modestes. Si le texte prend acte de la fin de la TVA sociale – la consommation populaire se portera mieux dans les mois à venir –, il faut cependant aller plus loin.
Les réponses à la question du pouvoir d’achat ne relèvent pas exclusivement de la responsabilité de l’État et des politiques publiques. La négociation collective, sur les salaires comme sur les classifications ou les qualifications, est bien sûr aussi l’affaire des partenaires sociaux.
Si l’État doit agir, peut-être peut-il réserver certaines aides publiques aux entreprises ou aux branches respectant les principes d’égalité salariale entre hommes et femmes ou conduisant à la valorisation du travail ?
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu est d’abord un problème pour les revenus qui composent la plus grande partie de l’assiette, c’est-à-dire les salaires, les traitements, les pensions et les retraites. Il incite également fortement les détenteurs de revenus du capital ou du patrimoine à ne pas passer sous le régime du barème progressif. Dans ce contexte se pose donc la question de savoir si le redressement des comptes publics peut passer par une ponction sans cesse accrue des revenus du travail, ce que provoquera immanquablement le gel du barème, et des droits connexes. Selon nous, cette question doit être débattue lors de l’examen du projet de loi de finances initial.
L’affaire, si l’on en croit le rapporteur général, outre la question de principe – que nous devons résoudre en ne perdant pas de vue que la valeur locative cadastrale n’est bien évidemment pas fondée sur le revenu des contribuables –, est une question de 220 millions d’euros environ. C’est à la fois beaucoup et peu par rapport à d’autres éléments du projet de loi de finances rectificative. C’est beaucoup pour les contribuables concernés et peu au regard de bien des cadeaux fiscaux accordés sur d’autres lignes de notre droit fiscal.
Vous l’aurez compris, nous sommes très désireux de trouver une réponse à cette question.
C’est donc avec à la fois un regard critique et une volonté constructive que nous voterons le projet de loi de finances rectificative. Nous souhaitons que, très rapidement, des transformations d’une autre ampleur viennent répondre aux attentes de nos concitoyens qui se sont exprimés pour le changement lors des dernières élections. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)