compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
Mme Marie-Noëlle Lienemann.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une commission d'enquête
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, à la place laissée vacante par Mme Nicole Bricq, dont le mandat de sénateur a cessé.
Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
3
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Au nom du Sénat, je salue la présence au banc du Gouvernement de M. le Premier ministre (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.) et des très nombreux ministres et ministres délégués qui nous font l’honneur et le plaisir d’être ici aujourd’hui.
J’exprime de nouveau, comme je l’ai fait hier, une pensée particulière pour nos collègues sénatrices et sénateurs qui ont fait leur entrée au Gouvernement.
Je veux aussi saluer chaleureusement nos trois collègues Michel Mercier, Gérard Longuet et Henri de Raincourt, qui ont retrouvé leur mandat sénatorial après avoir été ministres du précédent gouvernement. (Applaudissements.) Je pense également à notre collègue Hélène Lipietz, devenue sénatrice après la nomination de Mme Nicole Bricq au Gouvernement. (Nouveaux applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons entendre la déclaration de M. le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Au moment où nous reprenons nos travaux, je forme le vœu que nous puissions travailler ensemble dans un souci permanent de dialogue et de concertation avec le Gouvernement, dans le respect de l’opinion de chacun, qu’il appartienne à la majorité ou à l’opposition, et avec la volonté de laisser du temps aux délibérations du Sénat.
Je puis vous assurer, monsieur le Premier ministre, que le Sénat contribuera à la qualité des textes et exercera pleinement sa fonction de contrôle, afin de jouer un rôle constructif. Nous souhaitons tenir toute notre place, car nous sommes tous attachés à un fonctionnement harmonieux de nos institutions.
Je saisis cette occasion pour dire, au nom de tous mes collègues, que le nouveau contexte politique n’entame en rien notre attachement au bicamérisme, même si celui-ci mérite d’être rénové. Le Sénat de la République est au-dessus des effets de mode et des alternances. C’est le résultat d’une longue histoire, qui fait notre originalité. Celle-ci, issue de l’expérience et de la diversité, est aussi faite d’autonomie.
Je sais que le Gouvernement prendra en considération les réflexions et analyses que nous avons exprimées au cours de la session précédente, durant laquelle le Sénat n’a pas cessé de travailler.
Alors que le temps de la législation était momentanément suspendu, nous nous sommes tournés vers celui du contrôle et de l’évaluation. Ont ainsi poursuivi leurs travaux cinq missions communes d’information et deux commissions d’enquête, sans oublier les commissions permanentes, la commission des affaires européennes, la délégation sénatoriale à l’outre-mer et la commission pour le contrôle de l’application des lois. Au total, ce sont quatre-vingt-treize actions de contrôle qui ont été menées et qui devraient aboutir dans les prochaines semaines.
Le Sénat a ainsi entendu remplir son rôle non seulement constitutionnel, mais aussi politique. Il souhaite contribuer aux débats inhérents à un changement de Président de la République et de majorité à l’Assemblée nationale.
Comme vous le savez, nous avons lancé une vaste consultation des élus locaux, car notre assemblée est au cœur du dialogue nécessaire entre l’État et les collectivités territoriales.
Après des rencontres départementales entre les élus et les acteurs du développement local au mois de septembre dernier, les États généraux de la démocratie territoriale, qui se tiendront les 4 et 5 octobre 2012, permettront aux élus d’exprimer en toute liberté leurs préoccupations et leurs aspirations.
Il est de la responsabilité du Sénat de préparer la grande réforme territoriale qui pourrait rétablir la confiance entre les acteurs locaux et l’État. Je suis sûr que le Gouvernement sera à l’écoute des attentes et des idées que la Haute Assemblée entend porter.
Dans la période importante qui s’ouvre, soyez assuré, monsieur le Premier ministre, de notre souci constant d’agir pour le bien commun et dans l’intérêt de la France, compte tenu d’une situation que nous savons tous difficile.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous saluer. Ce moment est assez impressionnant pour moi, puisque c’est la première fois que je m’exprime devant la Haute Assemblée.
Mme Dominique Gillot. Formidable !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si j’ai décidé de venir devant vous aujourd’hui, au lendemain du vote de confiance de l’Assemblée nationale, c’est d’abord pour marquer le respect de mon gouvernement envers le Sénat et tous ses membres, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UCR et de l’UMP.)
Hier, par la voix du ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, je vous ai dit ce que seront les grandes orientations de mon gouvernement. Je vous ai exposé mes priorités, les principes qui guideront notre action, sans rien cacher des difficultés que nous aurons à affronter.
Je vous ai tenu un langage de vérité, mais je veux en même temps combattre l’esprit de résignation et appeler à la mobilisation de toutes les forces de la France.
Je suis convaincu que le Sénat est prêt à prendre toute sa part dans le redressement de notre pays.
En portant François Hollande à la présidence de la République, puis en donnant à mon gouvernement les moyens d’agir, grâce à une large majorité à l’Assemblée nationale, les Français ont fait le choix du changement.
Je n’oublie pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que les prémices de ce changement sont venues du Sénat, en septembre 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Avec tout le respect que je dois aux autres sénateurs, permettez-moi de me féliciter de l’arrivée, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, d’une majorité de gauche au sein de votre assemblée.
Monsieur le président, je voudrais ici vous saluer tout particulièrement, vous qui avez su conduire la transition dans le respect des traditions de la Haute Assemblée, tout en donnant l’image d’un Sénat modernisé et renouvelé. Vous avez dit que le Sénat de la République continue d’exister et de travailler, au-delà des effets de mode : cela me convient tout à fait.
Une majorité de gauche à l’Assemblée nationale et au Sénat constitue une situation inédite. Surtout, elle donne à mon gouvernement une responsabilité particulière, en rendant possibles des réformes cohérentes et ambitieuses, que les Français attendent.
Elle permettra, j’en suis sûr, d’améliorer la qualité du travail parlementaire entre les deux assemblées et de trouver des solutions dans le cadre des commissions mixtes paritaires, par la recherche d’un rapprochement des points de vue des députés et des sénateurs, sans forcément aller vers la domination des uns ou des autres. Un seul objectif doit guider notre action : soumettre au vote des parlementaires des lois plus efficaces, plus applicables, plus compréhensibles, et donc plus utiles aux Françaises et aux Français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis, comme vous, attaché au bicamérisme. Que vous apparteniez à la majorité ou à l’opposition, votre expérience et votre expertise nous aideront à produire des textes de qualité, c’est-à-dire utiles et applicables. Les travaux et les contributions du Sénat, qui, d’ailleurs, rejoignent très souvent les priorités du Gouvernement, doivent être pour notre action une source d’inspiration constante.
Je m’engage ici, aujourd’hui, à associer les représentants du Parlement le plus en amont possible pour préparer les grandes décisions du Gouvernement. C’est à mon avis la bonne manière de procéder pour renforcer le rôle et les droits du Parlement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a fixé le cap, avec ses engagements de la campagne pour l’élection présidentielle : le redressement de notre pays dans la justice. C’est la feuille de route du Gouvernement. Avec vous, nous relèverons ce défi et nous redonnerons à des millions de Françaises et de Français des raisons de croire à nouveau dans l’action publique.
La situation de notre économie, vous la connaissez très bien. Elle oblige mon gouvernement à agir sans tarder : agir d’abord contre le chômage, qui touche aujourd’hui près de 3 millions de personnes dans notre pays ; agir contre la désindustrialisation et le recul de notre compétitivité, qui se traduisent par un déficit commercial record et la multiplication, ces dernières semaines, de plans sociaux parfois très importants ; agir aussi contre l’augmentation massive de la dette publique, dont le poids est aujourd’hui écrasant et qui absorbe une grande partie de la richesse produite par notre pays.
Je l’ai rappelé hier, mais je le redis devant vous aujourd’hui : depuis 2007, la dette de la France a augmenté de 600 milliards d’euros. C’est une somme très importante. Et les intérêts de la dette représentent 50 milliards d’euros par an, soit plus que le budget de l’éducation nationale. Je refuse de reporter un tel fardeau sur les générations futures ! C’est une responsabilité collective non seulement du Gouvernement, mais de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont une responsabilité devant les Français. Et les parlementaires, députés et sénateurs, en ont une particulière puisqu’ils sont une partie de la souveraineté nationale.
Évidemment, je ne sous-estime pas l’impact de la crise financière mondiale, qui affecte fortement et durablement l’ensemble des pays occidentaux. Je sais que tous les gouvernements, quelles que soient les majorités en place, sont confrontés à de très dures réalités, et notamment ceux des pays de la zone euro. Mais je crois aussi que la situation économique dont nous héritons est le produit de choix et d’erreurs passés, de choix souvent injustes et inefficaces qu’il nous appartient de corriger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Avec le Président de la République, nous avons proposé un autre chemin aux Françaises et aux Français.
Mlle Sophie Joissains. Pas meilleur !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Et les Français nous ont accordé leur confiance. Les engagements que nous avons pris devant eux seront tenus.
Le Président de la République avait dénoncé, pendant sa campagne, la généralisation de l’austérité en Europe. Il avait annoncé son intention de mobiliser les dirigeants européens en faveur de la croissance. Je le redis ici devant la Haute Assemblée, le vote des Français à l’élection présidentielle, conforté par le vote aux élections législatives, a fait bouger les lignes en Europe (Rires sur les travées de l'UMP.),…
Un sénateur de l’UMP. Pas assez !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … et le Conseil européen des 28 et 29 juin a adopté un pacte de croissance. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Certains trouvent que, 120 milliards d’euros, ce n’est pas beaucoup ! Mais c’est beaucoup ! Surtout, c’est un levier de mobilisation pour tous ceux qui ont des projets. Et la France en a ! En tout cas, c’est un succès pour la France et pour tous les Européens qui croient à l’avenir de notre projet commun.
Personne n’est resté indifférent à ce qui s’est passé les 28 et 29 juin. Certains pensaient que le vote du peuple français ne servait à rien. Pour ma part, j’ai toujours dit que l’élection d’un nouveau président de la République non seulement ferait bouger les lignes, mais aussi créerait un nouvel horizon, un nouvel espoir en Europe.
M. Philippe Marini. Quelle illusion !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Eh bien nous y sommes, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
C’est la raison pour laquelle je demanderai au Parlement de se prononcer…
M. Jean-Claude Lenoir. Aujourd’hui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … sur l’ensemble des textes issus de cette renégociation européenne (Ah ! sur les travées de l'UMP.) : le pacte de croissance, la taxe sur les transactions financières. Combien de vœux exprimés et de résolutions adoptées, qui n’ont jamais débouché sur rien ? Maintenant, c’est décidé, nous allons le faire ! La taxe sur les transactions financières sera créée si le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, le décide. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. –M. Yvon Collin applaudit également.)
C’est donc sur cet ensemble, la supervision bancaire, le rôle que jouera désormais la Banque centrale européenne avec le mécanisme européen de stabilité et le traité de stabilité budgétaire, que vous serez amenés à vous prononcer.
MM. Jean Arthuis et Michel Mercier. Ah !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La règle d’or !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, je vous appellerai à approuver cette nouvelle étape de la construction européenne, celle de l’intégration solidaire. (M. Philippe Marini s’exclame.)
Je le répète – je l’ai dit hier devant l’Assemblée nationale, mais c’est un engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne –, la mission du Gouvernement, c’est de maîtriser les dépenses publiques. (Exclamations ironiques sur certaines travées de l'UMP.)
M. François Patriat. La droite ne l’a jamais fait !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il ne s’agit pas de feindre ici que nous aurions découvert une situation que nous connaissions malheureusement trop bien.
Le projet de loi de finances rectificative qui a été adopté ce matin en conseil des ministres et qui sera prochainement soumis à votre délibération, après son examen par les commissions des finances des deux assemblées, permettra de tenir un engagement pris par le Président de la République au cours de la campagne électorale, à savoir une réduction du déficit public, dès 2012, à 4,5 % de la richesse nationale. Et, conformément à nos engagements, nous reviendrons à l’équilibre à la fin du quinquennat, c'est-à-dire à l’horizon 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
L’ambition de mon gouvernement – certains en seront peut-être étonnés, mais, en démocratie, c’est une évidence – est de gouverner dans la durée ; elle est surtout de réussir le changement en profondeur. Et sans maîtrise des comptes publics, il n’y a pas d’action possible dans la durée !
C’est pourquoi, contrairement à ce que j’ai lu ici ou là, nous ne sommes pas à un tournant ; nous sommes dans la cohérence des engagements pris devant le peuple français, et ces engagements seront respectés. Il n’y aura pas de renoncements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La réforme fiscale est l’une des grandes priorités du Gouvernement. Ses objectifs sont clairs : mobiliser de nouvelles recettes, mettre à contribution ceux qui ont été exonérés jusqu’à présent de l’effort collectif (Approbation sur les travées du groupe socialiste.) tout en épargnant les classes moyennes et les classes populaires. Voilà le fil conducteur de l’action gouvernementale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le projet de loi de finances rectificative intègre ces priorités. Le Gouvernement propose de revenir sur l’allégement de l’impôt sur la fortune, qui concerne 1 % des contribuables. On dit que les ménages sont touchés, mais de quels ménages parle-t-on ? Ceux qui peuvent contribuer à l’effort national ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
Enfin, contrairement à ce qui a été avancé, le bouclier fiscal n’a pas été supprimé ; il existe toujours. Il est proposé, dans le projet de loi de finances rectificative, de le supprimer définitivement et de mettre aussi à contribution, de façon exceptionnelle, les grandes entreprises bancaires et pétrolières.
En revanche – et là sont la cohérence et la justice –, la hausse de la TVA, votée par certains d’entre vous et programmée pour le 1er octobre prochain, sera tout simplement abrogée, parce que c’était un prélèvement sur les classes moyennes et les classes populaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Qu’en pense M. Migaud ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant à la TVA sur le livre et sur le spectacle vivant, elle sera ramenée à 5,5 %.
Dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2013, les revenus du capital seront imposés au même titre que ceux du travail. L’impôt sur le revenu sera rendu plus progressif et plus juste. Pour les plus riches, une tranche d’imposition à 45 % sera créée et, pour les revenus annuels supérieurs à 1 million d’euros, une imposition supplémentaire à 75 % sera instaurée. (Mlle Sophie Joissains s’exclame.)
En nous donnant une majorité, les Français ont fait le choix de la justice sociale.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la méthode de mon gouvernement est connue : dire la vérité, dialoguer, négocier.
M. Jean-Claude Gaudin. On verra !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous jugerez sur pièces, comme tous les Français ! Je ne demande pas à être jugé à l’avance ! C’est un engagement que je prends ici, au nom du Gouvernement.
M. Jean-Michel Baylet. Absolument !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le changement ne se décrète pas ; c’est un mouvement porté par tous les corps intermédiaires, les partenaires sociaux, les élus locaux, les associations. Je sais que, toutes tendances confondues, le Sénat est attaché à cette conception de la démocratie : une démocratie apaisée, où le pouvoir d’un seul ne saurait s’imposer à la délibération collective, où l’esprit systématique de division ne saurait l’emporter sur la recherche de la cohésion sociale et nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Oui, c’est vrai, j’appelle de mes vœux une évolution de nos pratiques. Je souhaite que la culture de l’accord s’impose peu à peu. Et mon gouvernement donnera toutes ses chances au dialogue social. Tel est d’ailleurs l’objet de la grande conférence sociale qui s’ouvrira dans quelques jours, laquelle illustrera ce changement de méthode.
Dans le même esprit, d’autres actions de concertation seront organisées sur les priorités du quinquennat.
J’ouvrirai demain, avec le ministre de l’éducation nationale, une consultation sur « la refondation de l’école ». Priorité est donnée à la jeunesse. Nous ne pouvons pas accepter – et combien de missions parlementaires, notamment sénatoriales, l’ont mis en évidence – le maintien de l’échec scolaire à un tel niveau dans notre pays ni le creusement des inégalités sociales et territoriales.
Aussi, nous assumons pleinement le choix qui a été annoncé par le Président de la République de créer au cours de ce quinquennat 60 000 postes supplémentaires pour que l’école bénéficie enfin d’un soutien massif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
La stratégie que nous mettons en œuvre a pour but de redresser notre système éducatif afin de lui redonner toute sa force, toute sa puissance, et, disant cela, je pense en particulier à notre école, l’école de la République, celle qui forme les futurs citoyens.
Mlle Sophie Joissains. Ce ne sont que des mots !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le Gouvernement concentrera son action sur l’enseignement primaire.
Une voix sur les travées de l’UMP. C’est du discours !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce n’est pas du discours ! Vous, vous avez détruit de 60 000 à 80 000 postes dans l’éducation nationale ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. François Patriat. Et ils en sont fiers !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. C’est en début de cycle que se joue l’avenir des enfants, et vous le savez ! Le Gouvernement concentrera donc son attention sur l’enseignement primaire et les premiers cycles universitaires, où l’on compte trop d’échecs.
Un nouvel élan sera donné également à l’éducation prioritaire, là où les besoins sont les plus importants.
Nous ne pouvons nous résigner à cet incroyable niveau de chômage chez les jeunes dans un pays tel que la France. C’est un combat que nous voulons mener.
L’emploi des jeunes appelle des mesures urgentes. C’est le sens du contrat de génération, qui sera examiné lors de la conférence sociale. Ce contrat permettra, d’une part, le maintien dans l’emploi d’un senior – actuellement, on jette après cinquante ans ceux qui sont prétendument inutiles à la société, alors qu’ils ont tant à donner du fait de leur expérience – et, d’autre part, l’embauche d’un jeune en contrat à durée indéterminée, alors qu’un tel contrat est aujourd’hui difficile à obtenir, même avec un diplôme de haut niveau.
Parmi les mesures d’urgence, signalons la création de 150 000 emplois d’avenir destinés à permettre l’insertion professionnelle des jeunes,…
Mme Natacha Bouchart. Ce sont des emplois précaires ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … en particulier là où le taux de chômage est le plus élevé dans nos quartiers et dans nos zones rurales.
Quant à l’accès au logement, il sera facilité par la caution solidaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est un autre grand chantier auquel je vous sais attachés : celui du redressement productif. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
Nous ne pouvons pas accepter le décrochage de l’industrie française – et je sais que je parle ici à des hommes et des femmes convaincus, de bonne foi, qui l’ont souvent souligné sur une grande partie des travées de cette assemblée –, la baisse continue de notre compétitivité, les difficultés de nos PME. Vous qui êtes les élus des territoires de toute la France, en contact avec les élus locaux, qui sont vos électeurs, vous savez bien que c’est une réalité et qu’il faut aussi aider nos PME, en particulier pour accéder au financement.
Le chantier du redressement productif est immense : la part de l’industrie dans la production nationale est passée de 26 % à 13 % en dix ans,…
M. Philippe Marini. Et les 35 heures ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … et 750 000 emplois ont été détruits. Croyez-vous que cela soit le résultat de telle ou telle décision ? (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.) Non, je pense que la crise est profonde et structurelle.
Je vois, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous êtes dans la facilité, ce qui n’arrangera pas vos affaires : cela ne vous permettra pas de retrouver la confiance de ceux qui vous ont abandonnés. (Protestations sur les mêmes travées. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut mettre enfin la finance au service de l’économie réelle, en mobilisant une partie de l’épargne populaire et en créant la banque publique d’investissement qui sera opérationnelle avant la fin de l’année. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Dans tous les secteurs de l’économie, dans l’industrie comme dans l’agriculture, nous viserons l’amélioration de la qualité des produits, car nous devons renforcer notre compétitivité structurelle.
Nous mettrons en place une véritable diplomatie économique – ce sujet ayant été évoqué hier, ici par la voix de M. le ministre des affaires étrangères, je n’y reviendrai que brièvement –, de manière à regagner des parts de marché et à développer nos capacités de production nationale, en nous protégeant de pratiques commerciales déloyales. C’est l’une d’entre vous, Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, qui, avec le ministre des affaires étrangères, mènera à bien ce combat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe RDSE et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Ah oui ! Bravo ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas de fatalité au creusement de notre déficit commercial et aux plans de licenciements. C’est le sens du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi que je vous propose.
La transition écologique et énergétique est aussi l’une de nos priorités. Elle est au cœur du projet gouvernemental.
L’objectif de mon gouvernement est de développer une économie verte, fondée sur l’innovation technologique, qui sera créatrice d’emplois qualifiés et diminuera notre empreinte écologique.
Nous engagerons un programme massif d’économies d’énergie (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.),…
M. Ronan Dantec. Bravo !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … qui nous permettra de mettre en œuvre un plan ambitieux de développement des énergies renouvelables. La part du nucléaire passera, dans le mix énergétique que nous voulons réaliser, de 75 % à 50 % à l’horizon de 2025. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées. – M. Michel Delebarre applaudit également.)
M. Charles Revet. Il n’y a que les Verts qui applaudissent !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant à la solidarité et à la justice, le Gouvernement travaille pour mettre rapidement en place une tarification progressive du gaz et de l’électricité, qui ne peuvent être livrés à la seule loi du marché, avec un forfait de base. J’ai demandé au Gouvernement d’agir vite car, dans ce secteur, les inégalités sont criantes et deviennent insupportables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais terminer mon discours… (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)