M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. … ce qui, pour être clair, signifie qu’ils n’ont pas pu se chauffer correctement au cours de la période de grand froid que nous venons de traverser ? Ceux-là subissent donc, en quelque sorte, une double peine.
M. Roland Courteau. Et ils sont huit millions !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cependant, par la voix de son PDG, le groupe Total annonce fièrement que son bénéfice net s’élève à plus de 12 milliards d’euros pour 2011, tout en évoquant comme une fatalité l’augmentation du litre de super 95 à 2 euros, à moyen terme. Force est de le constater, M. de Margerie mêle dans ses déclarations, non seulement de la détermination – on ne peut pas le lui reprocher ! – mais aussi du cynisme, voire de la provocation.
Pour ce qui le concerne, le Gouvernement avance comme explication les tensions s’exerçant sur les pays exportateurs et la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. Certes ! Mais c’est passer un peu vite sur le constat que les taxes prélevées par l’État représentent 60 % du prix du sans plomb 95, et 50 % du prix du gazole.
La semaine dernière, Mme Pécresse a d’ailleurs eu l’occasion de s’expliquer sur ce sujet ici même, et sa démonstration laborieuse n’a pas réussi à masquer l’embarras d’un gouvernement qui manque cruellement de volonté politique pour venir en aide aux ménages et aux entreprises les plus fragilisées.
Le Président de la République s’est exprimé à son tour. Dans une de ces déclarations lapidaires dont il a le secret, il a qualifié de « plaisanterie » l’hypothèse d’un blocage des prix du pétrole. Du reste, je serais curieux de savoir si cette « plaisanterie » est de nature à faire rire les Français, notamment ceux que je viens d’évoquer : je ne le crois pas.
Monsieur Besson, pour ce qui vous concerne, vous avez déclaré que le blocage d’une augmentation de 10 centimes pendant trois mois engendrerait un manque à gagner de 1,25 milliard d’euros pour l’État. En réalité, c’est là l’aveu patent d’un Gouvernement sans états d’âme et aux abois, à la recherche perpétuelle et éperdue de nouvelles recettes fiscales, qui – on l’a bien compris – pèseraient sur le dos du plus grand nombre.
M. David Assouline. Toujours ! Toujours sur le peuple !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la raison pour laquelle vous ne voulez entendre parler ni d’un blocage transitoire des prix, ni d’un retour à la TIPP flottante.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour autant, le problème reste entier pour les Français. Ma question est simple : allez-vous enfin agir et, si oui, comment ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous avez raison sur un point : c’est effectivement moi qui ai l’honneur de vous répondre ! Pour le reste, c’est moins sûr…
Tout d’abord, vous avez mis en cause les profits de Total. Ce faisant, vous illustrez parfaitement les propos que j’ai tenus précédemment. Le groupe Total gagne-t-il de l’argent en France ? Quasiment pas, notamment du fait des pertes qu’accusent ses raffineries ! Où Total gagne-t-il de l’argent ? À l’étranger,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Nécessairement, c’est là que se trouvent les ressources pétrolières !
M. Éric Besson, ministre. … sur le secteur exploration et exploitation !
Total contribue-t-il, oui ou non, à la lutte contre notre dépendance énergétique et à la sécurité de nos approvisionnements ? La réponse est oui !
Souhaitez-vous qu’un grand groupe français gagne de l’argent à l’étranger, assure nos approvisionnements et crée de nombreux emplois en France ? Vous avez le droit de répondre non, mais, pour nous, la réponse est claire : oui !
Ensuite, pour ce qui concerne les prix actuels du pétrole et donc ceux de l’essence, vous tentez de transformer un problème planétaire en une question politicienne strictement française.
Je le souligne, le prix du pétrole constitue un enjeu mondial. Partout, chacun constate et déplore l’augmentation du prix du baril de pétrole. Pourquoi ?
Premièrement, parce que la demande en provenance des pays émergents augmente sans cesse.
Deuxièmement, parce que persistent des tensions géopolitiques que vous connaissez fort bien.
Troisièmement, du fait de la parité de l’euro.
Dans ces conditions, pourquoi tenez-vous à transformer une question planétaire en un débat franco-français ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Parce que je m’intéresse aux Français !
M. Éric Besson, ministre. Pour ce qui concerne la France, vous répandez l’idée selon laquelle il existerait une sorte de baguette magique,…
M. Claude Bérit-Débat. Pas du tout !
M. Éric Besson, ministre. … qui s’appellerait blocage des prix ou TIPP flottante.
Or chacun sait ce qu’il en est : Laurent Fabius a tenté d’appliquer un tel mécanisme – je m’en souviens personnellement – et il y a lui-même mis un terme. De fait, la réduction de 2 ou 3 centimes d’euros à la pompe avait coûté entre 1 milliard et 2 milliards d’euros au budget de la France !
Aujourd’hui, baisser le prix du litre de gazole de 10 centimes en jouant sur la TIPP ou sur les autres taxes coûterait entre 4 milliards et 5 milliards d’euros aux caisses de l’État ! Qui peut estimer une seule seconde qu’il s’agit là d’une réponse structurelle ?
Quant au blocage des prix, je maintiens qu’il exige des circonstances tout à fait exceptionnelles. Il n’a d’ailleurs été employé qu’une fois, par Pierre Bérégovoy, lors de la guerre du Golfe. Au demeurant, les effets d’une telle mesure ne portent pas sur les prix – vous le savez pertinemment – mais sur les marges ! Et, puisque vous avez cité Total, sachez que la marge nette que ce groupe dégage sur un litre d’essence s’élève à 1 centime d’euro ! Dès lors, comment pouvez-vous souhaiter bloquer les marges ? À quoi cela pourrait-il servir aujourd’hui ?
La véritable réponse réside dans des véhicules propres. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré le bonus-malus, et c’est pourquoi nous avons ouvert le chantier des véhicules électriques et des véhicules hybrides, qui constituent les transports de l’avenir.
Enfin, la réponse se trouve également dans les énergies décarbonées. Voilà pourquoi, alors que nous dépendons si étroitement des hydrocarbures, nous nous battons pour défendre la filière nucléaire française, celle-là même que vous souhaitez abattre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
situation à la réunion
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la ministre, si nous pouvons nous réjouir du calme qui paraît revenir progressivement à la Réunion, nous avons tous été frappés par les mouvements extrêmement violents qui ont secoué plusieurs villes de notre territoire.
Ces émeutes ne peuvent qu’être condamnées. Néanmoins, elles sont, à plusieurs égards, révélatrices d’un profond malaise social.
Comme vous, je suis convaincu que les véritables enjeux sont la précarité et le chômage, et que la résolution de ce double problème passe indubitablement par l’emploi, qu’il soit aidé ou pérenne, public ou privé.
Aujourd’hui, je salue tout particulièrement le préfet de région de la Réunion, qui a su mener avec succès les négociations aboutissant à la baisse du prix de soixante produits de consommation courante, mesure couplée aux dispositions exceptionnelles relatives aux énergies.
Toutefois, notre devoir est de poursuivre les efforts d’ores et déjà engagés et d’apporter des réponses précises et urgentes aux attentes et préoccupations des Réunionnaises et des Réunionnais, notamment des plus jeunes d’entre eux.
Favoriser le développement endogène, ce n’est pas : « Débrouillez-vous vous-même », comme l’a lancé un de nos collègues. C’est plutôt accompagner et soutenir les mutations nécessaires de notre économie par une bonne utilisation de nos ressources locales et du potentiel extraordinaire que constitue le bassin de l’océan Indien. »
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement a déjà prises, ainsi que celles qu’il compte mettre en œuvre dans cette optique ?
Je conclurai mon propos en évoquant le dispositif de contrats aidés du secteur non marchand à la Réunion.
Savez-vous que, en 2011, le Gouvernement a attribué une enveloppe globale de 27 790 contrats aidés à notre département et que plus de 2 000 d’entre eux n’ont pas été attribués ! Parallèlement, l’enveloppe du premier semestre de cette année a cru de près de 30 %.
Cette situation constitue un paradoxe et une aberration. Elle s’explique ainsi : aujourd’hui, les collectivités locales et les associations ne sont plus en mesure d’assumer les parts résiduelles qui leur reviennent.
Madame la ministre, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : pouvons-nous, partant, envisager une augmentation de 10 % des taux d’aide de l’État pour les contrats aidés du secteur non marchand, ainsi qu’une réévaluation de la limite de prise en charge hebdomadaire à vingt-six heures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je me réjouis comme vous du retour au calme que nous constatons à la Réunion. Par ailleurs, je vous remercie de souligner le rôle joué par le préfet dans le dénouement de ces événements.
Je souhaite également rendre hommage au sens des responsabilités dont ont fait preuve les différents élus locaux, qu’il s’agisse du président du conseil régional ou de la présidente du conseil général, sans oublier votre implication, qui ne fait pas l’ombre d’un doute, notamment pour ce qui concerne les événements qui se sont déroulés dans le sud de l’île.
Avant de répondre très précisément à la question des contrats aidés, que vous venez de soulever, je tiens à dresser ce constat devant la représentation nationale : à mes yeux, le problème de fond qui se pose aujourd’hui à La Réunion comme dans tous les territoires ultramarins, concerne non seulement les prix mais aussi et surtout les revenus et l’accès à l’emploi. Pour répondre véritablement aux difficultés de nos outre-mer, il convient de leur donner la capacité de créer des emplois dans le secteur privé.
De fait, le secteur public ne peut plus, à lui seul, résorber le chômage : nous le constatons, ce modèle a atteint ses limites. Le nier reviendrait à refuser de dire la vérité et de voir la réalité !
C’est pourquoi, avec le Président de la République, nous promouvons depuis de nombreuses années un modèle économique qui consiste à tirer le meilleur du potentiel des économies ultramarines.
C’est tout le sens du développement endogène, qui se trouve au cœur de la politique que nous menons depuis plusieurs années, et qui ne signifie pas « débrouillez-vous », comme je l’ai entendu la semaine dernière.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits, notamment à la suite de la restructuration de la filière agricole. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, grâce à cette restructuration, la filière viande permet aujourd’hui de créer des emplois à la Réunion, et les prix ont pu baisser de 5 % à 20 %.
En attendant, je comprends bien évidemment votre souci d’optimiser l’utilisation des contrats aidés, le développement endogène passant aussi par la solidarité nationale.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : aujourd’hui, il n’y a pas de problème d’enveloppe, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, car le nombre de contrats aidés augmente depuis deux ans dans tout l’outre-mer, la Réunion ayant pour sa part bénéficié de 28 000 contrats en 2011.
Il faut surtout savoir consommer cette enveloppe. C’est pourquoi, avec le ministre du travail, Xavier Bertrand, nous avons donné des instructions pour réduire le reste à charge des employeurs afin qu’ils mobilisent ce dispositif au bénéfice des jeunes et des bénéficiaires du RSA.
Je suis en mesure de vous annoncer que le taux de prise en charge par l’État passera à 90 %, voire à 95 % pour les jeunes, ce qui permettra de débloquer immédiatement, dans l’enveloppe que nous avons allouée à la Réunion, plus de mille contrats pour les jeunes.
Je partage votre point de vue, monsieur Fontaine : la réponse ne passe plus par les contrats aidés, comme l’a récemment proposé le candidat socialiste.
Nous faisons au contraire le choix de changer de modèle économique, pour créer des emplois durables et donner de nouvelles perspectives d’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
régime social des indépendants
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Didier Boulaud. Et du chômage !
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le régime social des indépendants, le RSI, résulte de la fusion de trois organismes de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants. Il est, depuis le 1er janvier 2008, l’interlocuteur social unique des commerçants, artisans et professions libérales pour leur protection sociale obligatoire.
Au travers d’un partenariat entre le RSI et les URSSAF, il s’agissait donc de simplifier le quotidien et d’alléger les démarches administratives de plus d’un million et demi d’assurés, les artisans et commerçants de notre pays, sans compter leurs ayants droit.
La tâche était lourde, car la simplification n’est jamais facile dans notre pays.
Le RSI, on le sait, a connu d’importants dysfonctionnements, qui ont pénalisé de très nombreux assurés.
Les commerçants et les artisans doivent pouvoir se consacrer à faire prospérer leur activité sans être régulièrement gênés par des complications administratives, surtout s’ils ont le sentiment que ces complications constituent au fond des problèmes administratifs internes.
Je sais que, depuis votre retour au ministère du travail, vous ne ménagez pas votre énergie afin de trouver des solutions pour parachever cette simplification majeure. Le premier bilan du plan d’action ISU – interlocuteur social unique – que vous avez lancé en septembre 2011 est d’ailleurs très positif.
Cette difficulté étant réglée, une autre surgit, qui concerne les droits à retraite des artisans et commerçants affiliés au RSI qui valident moins de quatre trimestres par an d’assurance vieillesse alors qu’ils travaillent toute l’année.
Pour remédier à cette situation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait créé un mécanisme de rachat d’années incomplètes à un tarif avantageux.
Mais, là encore, la mise en œuvre de ce dispositif est difficile. Monsieur le ministre, qu’avez-vous prévu de faire pour remédier à cette situation vraiment très problématique pour les artisans et commerçants ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur Cornu, oui, il existe un projet de décret qui permettra de racheter à un tarif avantageux ces quatre trimestres pour celles et ceux qui n’ont pas eu de revenus réguliers pendant l’année. Avec Valérie Pécresse et Frédéric Lefebvre, nous transmettrons ce projet de décret avant la fin de la semaine au conseil d’administration du RSI. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je sais que le Parlement avait voté en ce sens voilà déjà un certain temps, mais ce décret s’avérait complexe à mettre en œuvre, car sa première version comportait une hausse des cotisations.
Or, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la hausse des cotisations, c’est la proposition des socialistes, et non la position du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous protestez, mais le candidat socialiste a lui-même déclaré fin janvier que son programme prévoyait des augmentations de cotisations de 2 000 à 27 000 euros par an pour les 2,5 millions de bénéficiaires du RSI.
Mme Bariza Khiari. Décidément, vous n’arrêtez pas de citer son programme !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous nous efforçons de trouver des solutions avantageuses, quand vous choisissez simplement d’augmenter les charges des bénéficiaires du RSI. Cela fait quand même une sacrée différence ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Pastor. Ce n’est pas la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est d’ailleurs pas moi, mais Gérard Quévillon, le président du conseil d’administration du RSI, qui, le premier, s’est ému de cette proposition, sur laquelle les socialistes n’ont pas fait beaucoup de publicité. Pourtant, je n’invente rien et j’invite tout un chacun à se référer aux documents officiels du parti socialiste !
Quoi qu’il en soit, ce texte sera bientôt transmis au conseil d’administration du RSI, en vue d’être publié dans les semaines qui viennent. Nous pourrons ainsi prendre en compte les disparités et les difficultés particulières. Mais, à la question de savoir s’il existe une spécificité du régime social des indépendants, je réponds clairement oui, et il ne s’agit certainement pas, comme le proposent les socialistes, d’aligner le système de cotisations des indépendants sur le régime général.
M. Jean-Marc Pastor. Avec la droite, il faudrait une élection présidentielle tous les ans pour obtenir quelques avancées sociales !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un dernier point, monsieur le sénateur : il est vrai que nous avions voulu simplifier les choses avec l’interlocuteur social unique. Malheureusement, l’informatique n’a pas suivi…
M. David Assouline. La méchante informatique !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’assume ces difficultés, monsieur Assouline. Je précise que de nombreux parlementaires de tous bords m’ont régulièrement saisi de ces questions.
La différence, c’est que nous cherchons des solutions pour répondre aux attentes des indépendants !
M. David Assouline. Arrêtez de donner des leçons !
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne les affiliations doubles, qui entraînent des appels de cotisations indus, j’ai demandé clairement à ce que l’on mette un terme à toutes les procédures de recouvrement forcé dans lesquelles il n’aura pas été vérifié préalablement l’existence d’un problème.
Car nous ne voulons pas que certains indépendants se trouvent confrontés à des difficultés dont ils ne sont pas responsables. Voilà comment nous agissons, nous, pour les indépendants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Didier Boulaud. Puisse son retour prochain au Parlement le rendre plus modeste !
mutuelles santé - surcharge des hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la santé est au cœur des préoccupations de nos concitoyens, nous constatons une progression régulière des retards ou des renoncements à l’accès aux soins pour des raisons financières, dans un contexte de pauvreté également en augmentation, un phénomène récent de démutualisation, l’embouteillage des services d’urgence des hôpitaux ou encore des pathologies souvent aggravées.
Aujourd’hui, plus d’un Français sur trois a été confronté à des problèmes d’accès aux soins, 35 % ont déjà renoncé à se soigner, 50 % ont dû reporter leurs soins. Ces proportions sont plus fortes chez les personnes disposant de faibles revenus.
Une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, confirme que le pouvoir d’achat influence directement le renoncement aux soins. Elle établit que les pratiques tarifaires en honoraires libres conditionnent ces renoncements, plus fréquents dans les départements où les tarifs sont les plus élevés.
La baisse du taux de prise en charge de la sécurité sociale, confirmée par la Commission des comptes, qui relève que « le ralentissement des dépenses reflète celui des prestations versées » et que « la décélération des prestations légales explique l’essentiel du ralentissement des charges », relativise la notion de maîtrise de l’ONDAM.
La seule raison d’être d’un système de santé et de protection sociale est de soigner, de protéger et de prévenir. Les résultats et le bilan des dix dernières années de gouvernement de droite sont, à cet égard, un triste échec.
Dans ce contexte, vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, la mise en place forcée d’un nouveau secteur tarifaire, dit optionnel, dont, à vrai dire, personne ne veut – certes pour des raisons différentes, il faut bien l’admettre.
L’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, représentant les organismes complémentaires, n’en veut pas. La Confédération syndicale des médecins s’y déclare opposée. Les conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ont majoritairement voté contre hier.
Le principal motif de rejet de ce dispositif est qu’il ne comporte aucune mesure d’encadrement des dépassements dans le secteur à honoraires libres, alors qu’il est justement supposé en permettre la maîtrise !
Ce secteur optionnel sera sans intérêt pour les praticiens dont les honoraires dépassent déjà 50 % du tarif de sécurité sociale ; il risque, en revanche, de tirer vers le haut les dépassements plus modérés. Il n’est évidemment porteur d’aucune amélioration pour les généralistes du secteur 1.
Quant à la prise en charge obligatoire par les contrats « solidaires et responsables », n’y a-t-il pas risque de renoncement ? N’est-ce pas surtout conforter et sanctuariser la pratique des dépassements d’honoraires ?
Monsieur le ministre, quelle est votre volonté réelle de lutter contre les dépassements d’honoraires, devenus un obstacle majeur à l’accès aux soins et qui installent et confortent une médecine à deux vitesses dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Vous n’êtes pas un sénateur comme les autres, monsieur Daudigny : en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous êtes en principe celui qui, dans cette Haute Assemblée, devrait connaître le mieux les chiffres et la réalité de la politique de santé.
M. David Assouline. Et c’est le cas !
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans ces conditions, avez-vous le droit de prononcer des contre-vérités et des mensonges comme vous venez de le faire pendant deux minutes trente ? Ce n’est pas la tradition du Sénat ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. David Assouline. On va se lever et sortir !
M. Xavier Bertrand, ministre. Une chose est certaine : il est faux de dire que le reste à charge a augmenté dans notre pays.
M. Yves Daudigny. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il n’est pas d’usage qu’un membre du Gouvernement lance un défi à un parlementaire. C’est bien dommage, car je vous mettrais bien au défi de prouver que le reste à charge a augmenté, monsieur Daudigny !
Mme Frédérique Espagnac. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Alain Gournac. Il dit n’importe quoi de toute façon !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut savoir que le reste à charge en France est le plus faible d’Europe après les Pays-Bas. Les chiffres sont constants et l’on a même noté un léger mieux.
Est-ce le temps de parole qui vous a manqué, monsieur le sénateur ? Dans ce cas, je suis prêt à vous céder une partie du mien…
M. David Assouline. Commencez par vous excuser !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour le reste, je tiens à remettre les pendules à l’heure. Quand il s’est agi de favoriser l’accès aux soins, nous avons mis en place une aide à la complémentaire santé pour tous ceux qui n’étaient pas assez démunis pour avoir droit à la CMU ou à la CMUc, mais qui n’avaient pas les moyens de cotiser à une forte mutuelle. C’est cette majorité qui l’a proposée ; jamais la gauche n’a voté de telles mesures ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Richard. Répondez à la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cela montre bien le décalage immense entre vos propositions généreuses et la réalité.
M. Yves Daudigny. Dites plutôt que c’est la vérité qui vous met en colère !
M. Xavier Bertrand, ministre. De la même façon, ne vous faites pas un mauvais porte-parole des syndicats de médecins libéraux comme la Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF. Ils n’ont rien dit de tel !
Il est vrai que vous avez beaucoup à vous faire pardonner auprès des médecins libéraux. Mais la ficelle est un peu grosse, monsieur Daudigny ! Je comprends pourquoi vous n’avez plus aucun crédit auprès des médecins dans notre pays !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Répondez à la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quant au secteur optionnel, il vise à permettre, sur la base du volontariat, aux médecins exerçant en secteur 2 de pouvoir faire rembourser leurs actes par le régime général et par les complémentaires. N’est-ce pas un progrès ? Bien sûr que si !
M. Alain Richard. Il n’aura aucun effet modérateur !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un document signé par l’assurance maladie, les complémentaires santé et les syndicats de médecins faisait état d’un accord. Mais, comme par hasard, la mutualité a aujourd’hui décidé de différer sa signature. Est-ce la conséquence d’un certain calendrier électoral ? Je n’en sais rien…
En attendant, je prends mes responsabilités.
Vous avez beau parler fort, vous ne parlez pas toujours juste sur les questions de santé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Alors que vous n’avez jamais fait la moindre réforme, nous agissons en réformant ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous-même, monsieur Daudigny, êtes en totale contradiction avec le candidat socialiste lorsque vous vous déclarez partisan de l’obligation et de la coercition vis-à-vis des professionnels de santé ! Mais il est vrai que votre candidat n’en est pas à un atermoiement de plus !
C’est aussi votre majorité qui, à l’époque, avait décidé qu’avec moins de médecins il y aurait moins d’actes, et donc moins de dépenses.
M. Alain Richard. Un mensonge de plus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, nous devons gérer des situations particulièrement difficiles, notamment dans le département de l’Aisne et, plus généralement, dans toute la Picardie. Mais de cela, vous ne dites rien !
Vous pouvez essayer par tous les moyens de vous montrer sympathique, mais personne n’est dupe. La vérité, c’est que vous n’avez jamais aimé le monde de la santé, en particulier les médecins libéraux, alors que nous nous efforçons de construire un système de santé.