M. Éric Besson, ministre. Tel n'a pas été le cas en France. Le Président de la République, il l’a dit, aurait aimé que nous puissions faire davantage, mais ces résultats sont appréciables compte tenu de l’ampleur de la crise.
S’agissant des entreprises du CAC 40, il convient de distinguer deux aspects. D'abord, on peut se réjouir qu’elles réalisent des profits, ce qui est le signe de leur bonne santé.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Éric Besson, ministre. Comme l’avait théorisé le chancelier Helmut Schmidt, les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain, qui font les emplois d'après-demain.
Un certain nombre d'entreprises du Club 40 (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)…
Lapsus très révélateur ! J’avais créé ce club voilà vingt ans ; je l’assume et j'en suis très fier !
Je disais donc que les importants profits réalisés par les entreprises du CAC 40 sont une bonne nouvelle pour l'économie française.
S’agissant des rémunérations, convenez d'abord que c'est le Gouvernement, à la demande du Président de la République, qui a favorisé ce qu'on appelle le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, élaboré par l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, à la fin de l’année 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. Pour quel résultat ?
M. Éric Besson, ministre. Le Président de la République a agi sur deux fronts : d’une part, il a été le fer de lance d’une tentative de régulation internationale, qui a connu des succès et rencontré des limites, mais il n'était guère possible d’aller plus vite ; d’autre part, sur le plan interne, il a promu ce code de gouvernement que j’évoquais à l’instant.
Ce code porte ses premiers fruits. Par exemple, dans certaines banques ou dans certains établissements de crédit, les bonus ont diminué de 40 %.
De même, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu une taxe sur les retraites chapeaux et une taxe sur les rémunérations les plus importantes, celles qui dépassent 500 000 euros. (Mme Annie David s’exclame.)
Telle est la voie qui a été tracée.
Cela étant, vous avez raison, le niveau de certaines rémunérations est choquant. À cet égard, le Président de la République a fait d’importantes propositions. Ainsi, il souhaite aller plus loin et demande que les retraites chapeaux soient supprimées…
M. Jean-Pierre Michel. On a déjà entendu ça !
M. Éric Besson, ministre. … que les rémunérations soient désormais validées par l'assemblée générale et non plus seulement par le conseil d'administration et que des représentants des salariés siègent au sein du comité des rémunérations.
Monsieur le sénateur, c’est du bon sens ! En revanche, vous savez comme moi que la création d’une tranche marginale de 75 %, auxquels s’ajouteraient les 8 % de CSG, soit un total de 83 %, provoquerait instantanément la fuite de tous ceux qui ont ce niveau de revenus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je ne parle pas seulement des footballeurs, mais c’est un fait que, lorsque ceux-ci partiront, alors vous réclamerez des mesures d’aide en faveur du football professionnel ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Ne masquez pas la réalité : cette tranche de 75 %, c’est un écran de fumée. Vous ne ferez croire à personne que vous parviendrez à toucher le haut de la pyramide sans affecter les étages intermédiaires. Or chacun sait que la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, ce serait le matraquage fiscal pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville et porte sur la situation des banlieues.
Monsieur le ministre, M. Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle, ne s’est pas déplacé, contrairement à ses homologues de gauche, au « ministère de la crise des banlieues », installé dans un hôtel particulier abandonné qu’a investi la semaine dernière, sans violence, l’association ACLEFEU, née à Clichy-sous-Bois à la suite des émeutes de 2005.
Je viens donc, ici même, porter la voix de ces citoyens des banlieues pour interpeller le Gouvernement sur la situation d’urgence dans laquelle se trouvent nos quartiers populaires, pour rappeler à son bon souvenir ces oubliés qui ne sont pas la « racaille karchérisable » que certains se plaisent à évoquer.
Qu’a donc fait la majorité présidentielle pendant ces dernières années,…
M. David Assouline. Rien !
Mme Esther Benbassa. … pour ces familles négligées par les pouvoirs publics, réduites à vivre dans des logements vétustes et exigus, victimes d’un chômage touchant 40 % de leurs jeunes, pour ces populations abandonnées par l’école (M. Alain Gournac s’exclame.) en dépit des efforts d’enseignants vaillants mais à bout de souffle, pour ces populations humiliées par les contrôles au faciès récurrents, régulièrement stigmatisées dans leur culture ou leur mode de vie par votre gouvernement et par certains médias à la botte, trop heureux de dénoncer un monde de délinquants, de dealers, de barbares à la religion primitive ?
Nos banlieues sont en colère depuis des années. Pire, aujourd’hui, elles sont désabusées. Que ferez-vous donc si, par malheur, vous restez au pouvoir,…
M. Roger Karoutchi. Un malheur n’arrive jamais seul ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Esther Benbassa. … pour que ces jeunes, qui ont la rage au ventre, deviennent enfin ce qu’ils sont, à savoir les dignes enfants de notre République, ses citoyens actifs et respectés ?
Quand donc romprez-vous avec le laisser-aller, les effets rhétoriques, les mesurettes, les nominations d’affichage, les prétendus « plans Marshall » se dégonflant comme des baudruches ?
La désespérance est mauvaise conseillère. Elle pousse vers les extrêmes. Si l’on continue ainsi, ce seront deux nations distinctes, détachées l’une de l’autre, qui, à terme, se feront face, engendrant une situation pire que la pire des émeutes : une nation dans la nation ; des Français étrangers chez eux, que l’on pourra toujours abandonner aux initiatives du Qatar, ainsi que s’en réjouissait, voilà peu, M. Guéant. Les Arabes n’ont qu’à s’occuper des Arabes, n’est-ce pas ?
M. le président. Ma chère collègue, il est temps de conclure !
Mme Esther Benbassa. Éducation, emploi, logement, pratiques policières et judiciaires, démocratie locale, responsabilisation citoyenne, santé, ascension sociale, lutte contre le racisme, tout cela est de notre responsabilité. En ces domaines, qu’avez-vous fait ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Que ferez-vous ?
Cette question, je vous la pose, monsieur le ministre. Mais je la pose aussi, vous l’aurez compris, à tous nos responsables politiques, présents et à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville.
M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la sénatrice, grâce à vos propos d’une modération sans commune mesure, tout en nuances (Rires sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Pierre Sueur. L’ironie est facile !
M. Maurice Leroy, ministre. Sur la question des banlieues, monsieur Sueur, vous devriez le savoir, nous n’avons besoin ni d’ironie ni de caricature ; ce qu’il faut, c’est s’inscrire dans la durée et dépasser les clivages partisans ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ne commencez pas par ironiser sur les propos de Mme Benbassa !
M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur Sueur, vous le savez parfaitement, tout comme M. Claude Dilain que j’ai plaisir à saluer ici, si nous avions, sur ces travées, osé simplement dire le millième de ce que vous dites, vous seriez debout et vous auriez raison ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Maurice Leroy, ministre. Madame Benbassa, les choses sont assez claires : vous auriez pu relever que la rénovation urbaine est un succès reconnu sur toutes les travées de cet hémicycle, et qu’il faut s’en réjouir.
Mme Dominique Gillot. Le nettoyage au karcher !
M. Maurice Leroy, ministre. Permettez-moi de vous dire que les 43 milliards d’euros d’intervention pour la rénovation urbaine, comparés aux 50 millions d’euros du Qatar qui, je le sais, défraient beaucoup la chronique, c’est un peu plus sérieux !
En outre, nous faisons en sorte de conjuguer l’humain et l’urbain dans l’ensemble de ces quartiers populaires.
M. Roland Courteau. Ce sont des mots !
M. Maurice Leroy, ministre. Non, ce sont des engagements.
J’étais hier, avec Xavier Bertrand, au Campus des métiers et de l’entreprise de Bobigny. Nous y avons salué la présence de 50 grandes entreprises,…
Mme Éliane Assassi. Et des élus !
M. Maurice Leroy, ministre. … qui se sont mobilisées, parce qu’il faut se mobiliser pour l’emploi. En effet, si l’emploi se décrétait au Journal officiel de la République, cela se saurait !
Franchement, la politique de la ville mérite nettement mieux que la caricature ou des invectives.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Maurice Leroy, ministre. En tout cas, il est une constante que, depuis Michel Delebarre, vous devriez saluer : tous les gouvernements successifs se sont battus avec plus ou moins de difficultés pour les valeurs de la République. Ce combat mérite une union nationale, et non les propos négatifs que nous avons entendus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
petroplus
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, des milliers d’emplois industriels, vous le savez, ont été supprimés au cours des cinq dernières années. Depuis 2007, l’industrie a perdu plus de 300 000 emplois. Notre pays compte aujourd’hui 4,25 millions de chômeurs.
Pour 2011, plus de 40 milliards d’euros de dividendes ont été servis aux actionnaires des entreprises du CAC 40. Vos politiques, qui demeurent tournées vers une économie au service des actionnaires, saccagent l’industrie.
Monsieur le ministre, Renault, qui poursuit sa politique de délocalisation et dont l’État est actionnaire, a versé 324 millions d’euros de dividendes pour 2011, soit une hausse de plus de 38 % par action par rapport à 2010. Vous indiquiez tout à l’heure que le pouvoir d’achat des salariés avait augmenté, mais, depuis trois ans, les salariés du constructeur ont vu, eux, leur salaire n’augmenter que de 1,8 %.
Mme Éliane Assassi. Et voilà !
M. Thierry Foucaud. C’est pourquoi nous disons : plus la droite en rajoute à la droite, plus l’argent va à l’argent ! L’hémorragie continue. Chaque fois qu’un site industriel ferme, c’est tout un bassin d’emplois et de vie qui bascule dans les difficultés. Je pense ici à l’industrie automobile avec la fermeture prévisible du site de PSA d’Aulnay-Sous-Bois, aux salariés de Sevelnord et à ceux de Bosal.
La raffinerie Total de Dunkerque, qui, selon vos affirmations, devait fonctionner, est désormais fermée. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Que proposez-vous pour que la politique du raffinage en France garantisse notre indépendance énergétique ?
Dans le secteur de la sidérurgie, le constat est le même. Après Gandrange, Nicolas Sarkozy récidive à Florange. Il promet, ce matin, le redémarrage des hauts fourneaux au second semestre.
Monsieur le ministre, le Président Sarkozy, qui, hier, promettait de moraliser le capitalisme – on sait ce qu’il en est aujourd’hui ! –, qui promettait aux salariés de Renault Sandouville de revenir les voir – il n’est jamais revenu –, continue de faire des annonces électoralistes. Cela ne suffit pas ! Il faut des engagements pour une politique industrielle forte.
Êtes-vous prêts, messieurs les ministres, à poser une obligation de réinvestissement des bénéfices des groupes pour pérenniser et développer les sites ? Êtes-vous prêts à donner aux salariés dans le code du travail, comme dans le code de commerce, des droits nouveaux afin qu’ils soient impliqués dans la gestion des entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, votre question balayait un spectre tellement large qu’il me faut choisir parmi les thèmes que vous avez évoqués.
M. Thierry Foucaud. Vous êtes très fort !
M. Éric Besson, ministre. Tout à l’heure, je vous ai dit que, si l’on était de bonne foi, on devait reconnaître que la situation de notre industrie méritait un jugement contrasté.
Des pans entiers de notre industrie se portent bien, se développent, exportent, entraînant avec eux les PME et les PMI. C’est vrai dans le secteur des transports, de l’aéronautique et de l’espace, du luxe, de la cosmétique, etc. Or ces secteurs florissants, nous les avons largement encouragés par la suppression de la taxe professionnelle, par le triplement du crédit d’impôt recherche, par les investissements d’avenir, par toute la politique d’encouragement à l’innovation, à la recherche et à l’investissement qui a été menée depuis cinq ans.
Certains secteurs rencontrent effectivement des difficultés, qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles. Notre action est permanente : le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, aide en permanence les entreprises en difficulté. La médiation du crédit, la médiation de la sous-traitance permettent de sauver ou de consolider chaque année des dizaines, voire des centaines de milliers d’emplois.
Par conséquent, la politique industrielle qui est menée mérite mieux que la caricature que vous en faites.
Le deuxième aspect de mon propos porte sur nos constructeurs automobiles. Il me faudrait du temps pour vous exposer la situation, mais je tiens à vous le dire, soyez justes et ne caricaturez pas nos constructeurs nationaux !
Prenons le cas de Peugeot, que vous venez d’évoquer et qui est d’actualité. Ce constructeur produit deux fois plus de voitures en France qu’il n’en vend à travers le monde : 40 % des investissements mondiaux de PSA sont localisés en France, comme 80 % de la recherche. En dépit de difficultés conjoncturelles, cette entreprise contribue positivement au solde de notre balance commerciale.
Mme Annie David. Pourquoi Peugeot va-t-il fermer des sites ?
M. Éric Besson, ministre. Par conséquent, le sujet mérite d’être nuancé.
S’agissant de Petroplus et du raffinage, réjouissons-nous ensemble, avec les sénateurs de gauche qui ont accepté de voter ce matin la proposition de loi visant à empêcher le détournement d’actifs d’une entreprise défaillante, d’avoir franchi aujourd’hui une étape très importante pour le sauvetage de l’entreprise. La raffinerie va redémarrer. Nous allons pouvoir utiliser l’argent des stocks qui étaient jusque-là gelés, et dès la semaine prochaine, nous organisons une réunion pour le futur. Or le futur, c’est déjà le début des discussions avec les repreneurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
décision du conseil constitutionnel sur la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais M. Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, pourra y répondre.
Saisi en application de l’article 61 de la Constitution par 82 sénateurs appartenant aux six groupes politiques de la Haute Assemblée, le Conseil constitutionnel a rendu mardi une décision aussi importante qu’attendue : il a déclaré contraire à la Constitution la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.
Indépendamment des clivages partisans et sans remettre en cause la loi de 2001, pour tous les auteurs de cette saisine, il s’agit avant tout d’une victoire du droit. C’est la raison pour laquelle nous saluons l’analyse du Conseil, qui s’impose au Parlement comme au Gouvernement, aujourd’hui mais également demain.
En se fondant sur les articles VI et XI de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a jugé que, en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication, valeur républicaine fondamentale. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
En conséquence, il a censuré logiquement cette loi, sur laquelle, d’ailleurs, nous étions un certain nombre à vous avoir mis en garde dans cet hémicycle le 23 janvier dernier,…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jacques Mézard. … comme certains membres de votre Gouvernement, d’ailleurs. Mais vous ne nous avez ni écoutés ni entendus, et il n’est pas raisonnable de faire voter en toute connaissance de cause un texte que l’on sait contraire à la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jacques Mézard. Aujourd’hui, force est de constater que nous avions raison ! Monsieur le ministre, puisque la période est aux mea-culpa, allez-vous reconnaître l’erreur du Gouvernement ?
Nous pouvons entendre que les candidats de différentes sensibilités veuillent conforter leur électorat, mais nous comprenons mal la réaction surprenante du Président de la République, qui doit être le garant de nos institutions, lorsqu’il a déclaré, avant même la décision du Conseil constitutionnel, que, en cas de censure, il récidiverait, puis, après la décision, lorsqu’il a demandé au garde des sceaux de préparer un nouveau texte sur le même sujet... Pourquoi autant d’obstination ?
N’est-il pas temps d’arrêter une aventure qui n’aboutit qu’à renforcer les communautarismes, qu’à opposer entre eux nos concitoyens, qu’à raviver les conflits dans une région du monde sensible ?
Allez-vous faire preuve de sagesse comme vous y invite la décision du Conseil constitutionnel ? Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur diverses travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, ce qui est inacceptable, c’est la négation du génocide !
De tels agissements sont une insulte à la mémoire des personnes défuntes et disparues, une atteinte à la dignité de leurs descendants et un facteur de fragilisation de notre cohésion sociale. Il faut en être conscient.
La République doit se donner les moyens de réprimer ceux qui nieraient l’existence des génocides ou qui les banaliseraient. C’est ce qu’elle a essayé de faire.
Le texte censuré par le Conseil constitutionnel, voté par des membres de la majorité comme de l’opposition, monsieur Mézard,…
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Patrick Ollier, ministre. … répondait précisément à cette exigence pour tous les crimes de génocides reconnus par la loi comme le génocide arménien, solennellement reconnu par le législateur français en 2001.
Le Conseil constitutionnel se penchait pour la première fois sur cette question. Sa décision, dont le Gouvernement prend acte,…
M. Jean-Pierre Sueur. Elle s’impose !
Mme Bariza Khiari. À tous !
M. Jean-Pierre Sueur. Elle s’impose à toutes les autorités de la République !
M. Patrick Ollier, ministre. Bien évidemment !
Cette décision ne remet nullement en cause la reconnaissance solennelle de l’existence du génocide arménien par le législateur en 2001. Nous sommes d’accord sur ce point. En outre, elle ne nous empêche pas d’avancer. Elle laisse au contraire ouvertes de nombreuses pistes de réflexion que le Gouvernement est en train d’explorer afin d’élaborer un nouveau texte, comme l’a souhaité le Président de la République, dans le strict respect de nos institutions.
C’est précisément ce à quoi nous invite la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2008, relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, adoptée sous la présidence française.
Cette décision-cadre nous fait obligation, je vous le rappelle, de pénaliser la négation des génocides et des autres crimes contre l’humanité. Elle comporte toutefois de nombreuses options, réserves et conditions laissées à la discrétion des États membres. Nous devons les étudier attentivement et sereinement pour que l’absolue nécessité de réprimer les comportements négationnistes se conjugue pleinement avec le respect de la liberté d’expression garantie par notre Constitution. C’est ce que le Gouvernement s’apprête à faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
florange
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le ministre, il n’est pas de grand pays, de grande nation sans une industrie puissante, vous venez d’ailleurs de le rappeler. Notre voisin allemand en est un bel exemple.
La vision de court terme qui domine depuis plus de trente ans chez une partie de notre élite politique et administrative – quel que soit son bord, d’ailleurs – a conduit notre pays à abandonner des pans entiers de son tissu industriel ; je songe en particulier à la machine-outil et au textile.
Pour les mêmes raisons, la sidérurgie se trouve aujourd’hui dans une situation difficile. Dans les années quatre-vingt, alors que l’Allemagne engageait la deuxième restructuration de son industrie sidérurgique, nous restions passifs !
Or ce secteur est stratégique, au niveau tant économique que politique ! De fait, il est indispensable au fonctionnement de filières qui comptent parmi les plus beaux fleurons de notre industrie : l’automobile, l’aéronautique, le BTP, le nucléaire, ainsi que des milliers d’entreprises de sous-traitance.
Monsieur le ministre, il est de notre devoir de sortir de la seule vision de la rentabilité à court terme et d’engager des actions de plus long terme afin d’assurer la pérennité et le développement de ce premier maillon du « produire en France ».
Les annonces importantes faites ce matin même par le Président de la République, concernant le site Arcelor de Florange, s’inscrivent dans cette démarche.
Les salariés de ce site sont inquiets depuis la mise en arrêt temporaire du haut-fourneau en octobre 2011. En effet, le site de Florange emploie 2 900 salariés, dont environ 500 travaillent dans ce haut-fourneau.
Je sais que, dès l’origine, vous vous êtes personnellement saisi de ce dossier : à plusieurs reprises, vous avez reçu le PDG français d’Arcelor, qui a pris devant vous l’engagement de relancer dès que possible l’activité du haut-fourneau.
Je sais également que vous vous êtes rendu à Bruxelles en novembre 2011 pour plaider auprès de la Commission européenne la cause du projet ULCOS, chantier innovant de captage et de stockage de CO2 qui, s’il obtient une aide de l’Union européenne, permettra de faire du site de Florange l’un des plus compétitifs d’Europe.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler, dans ce cadre, les importants engagements complémentaires que le Président de la République a annoncés ce matin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement résumé la situation. Le Président de la République l’a souligné : la France a besoin de sa sidérurgie, l’acier revêt une importance stratégique et nous n’abandonnerons pas cette filière. (M. Alain Gournac acquiesce.)
M. Didier Boulaud. Il faut surtout des nerfs d’acier !
M. Éric Besson, ministre. La France a été confrontée – ainsi, bien entendu, que le groupe Arcelor-Mittal – à une difficulté conjoncturelle : du fait de la situation internationale, la demande d’acier a baissé en 2011, tout particulièrement en Europe, par rapport au reste du monde.
Aujourd’hui, on observe un mouvement de reprise, assez fort en Asie mais malheureusement très faible et très limité sur notre continent.
Dans ce contexte, des doutes persistaient quant aux engagements d’Arcelor-Mittal, et quatre questions ont été portées sur la place publique.
Premièrement, le groupe Arcelor-Mittal considère-t-il sa présence en France comme stratégique ? Désormais, sa réponse est claire : oui. Son PDG, Lakshmi Mittal, l’a affirmé hier après-midi au Président de la République, avant de le confirmer publiquement.
Deuxièmement, Arcelor-Mittal est-il prêt à investir dans ce haut-fourneau ? La réponse est également dénuée d’ambiguïté : oui. Quelque 2 millions d’euros ont d’ores et déjà été investis et 2 millions d’euros supplémentaires seront engagés pour assurer le redémarrage du haut-fourneau, dès que la conjoncture le permettra : l’objectif est fixé au début du second semestre 2012.
Troisièmement, Arcelor-Mittal continuera-t-il d’investir sur l’ensemble du site de Florange ? Là encore, la réponse est très clairement affirmative : 15 millions d’euros supplémentaires seront investis. À ceux qui, il y a encore quarante-huit heures, se disaient certains qu’Arcelor-Mittal souhaitait se désengager de ce site, je réponds ceci : il est assez rare qu’un grand groupe industriel investisse 17 millions d’euros dans des infrastructures dont elle est sur le point de se défaire. Ce raisonnement relève tout simplement du bon sens !
M. Didier Boulaud. On en a vu d’autres !
M. Michel Le Scouarnec. Paroles… Paroles…
M. Didier Boulaud. Ce ne serait pas la première fois !
M. Éric Besson, ministre. Le groupe Arcelor-Mittal, comme l’État français, croit au projet ULCOS : c’est précisément pour cette raison que, le 8 novembre dernier, je suis allé plaider cette cause auprès des trois commissaires européens concernés. Le captage et le stockage du CO2 constituent un enjeu majeur pour l’acier, dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre.
Le Président de la République et le Premier ministre l’ont réaffirmé : le Gouvernement mobilisera 150 millions d’euros au titre des investissements d’avenir, et les négociations sont en cours avec la Commission européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces jours derniers, vous avez examiné une proposition de loi tendant à obliger Arcelor-Mittal à vendre le site de Florange, tandis que le Président de la République et le Gouvernement tout entier ont négocié avec les représentants de ce groupe, afin que ce dernier investisse et qu’il s’engage au bénéfice de Florange ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
politique du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, j’ai comme l’intuition que c’est M. Besson qui va me répondre.
Tout récemment, nous avons assisté à une hausse record des prix du carburant, puisque le litre de super sans plomb 95 s’élève désormais à 1,60 euro tandis que le litre de gazole coûte aujourd’hui 1,44 euro. Cette augmentation pénalise considérablement tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont prisonniers de l’utilisation de leur voiture et subissent donc de plein fouet la hausse du prix des carburants.
Faut-il également préciser que les plus modestes de nos concitoyens sont victimes de ce que l’on nomme pudiquement la précarité énergétique,…