M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Je confirme mes propos, monsieur Bizet !
Permettez-moi de reprendre la formule d’Edgar Faure : « Il n’y a pas de politique sans risques, mais il y a des politiques sans chances ». Aujourd'hui, on ne voit pas quelles chances nous mettons de notre côté pour sortir l’Europe de la stagnation.
Dans ce paysage inquiétant, le nouveau traité est une touche supplémentaire de gris. En avons-nous besoin ?
Nous avons désormais le six pack, qui a durci le Pacte de stabilité et de croissance. Nous allons connaître le two pack, qui renforce la surveillance budgétaire. Faut-il, en plus, adopter la fameuse règle d’or sous sa forme la plus stricte ?
On nous dit qu’il s’agit de rassurer les marchés sur le sérieux de nos engagements. Mais il y a trois ans, lorsque ces mêmes marchés ne fonctionnaient plus, c’est en acceptant des déficits importants que les États ont empêché une nouvelle grande dépression.
Hier, on était bien content de trouver les pompiers ; aujourd’hui, il faut à toute force leur rationner l’eau. Avouez que la situation recèle certains paradoxes !
Il me semble que ce nouveau traité ne s’imposait pas. Nous tenons désormais des réunions régulières avec nos collègues français du Parlement européen et nos homologues de l’Assemblée nationale. Lors de notre dernière réunion, la semaine passée, nous avons abordé la réforme de la gouvernance économique de l’Union. Parmi les députés européens, je n’ai entendu personne affirmer que ce nouveau traité était vraiment nécessaire. Tous étaient sensibles, en revanche, aux problèmes qu’allait poser l’insertion de ce nouveau texte dans l’ordre juridique européen.
Nous avions déjà l’Europe à vingt-sept et la zone euro à dix-sept ; nous allons connaître, pour ainsi dire entre les deux, une zone à vingt-cinq, voire moins ! Trois régimes différents coexisteront donc.
De plus, le nouveau traité n’est pas un traité européen au sens strict, puisqu’il n’est pas conclu par tous les États membres. Cependant, il fait intervenir les institutions de l’Union à vingt-sept, notamment la Commission et la Cour de justice de l’Union européenne. Nous sommes dans une zone intermédiaire, qui n’est ni vraiment communautaire ni vraiment intergouvernementale, et nous mesurons mal quelles seront les conséquences de cette novation. L’objectif était d’envoyer un signal, mais je suis au regret de dire qu’il s’agira d’un signal de confusion.
Les conséquences sur l’ordre juridique national sont tout aussi difficiles à cerner. Je sais que mon propos fera plaisir à un certain nombre de nos collègues ici présents. D’après le nouveau traité, les pays membres devront assurer le respect de la règle d’or par des dispositions permanentes de valeur contraignante, « de préférence constitutionnelle ». Tout laisse donc à penser qu’une révision constitutionnelle sera indispensable en France.
Je n’ai pas le temps d’entrer dans le détail de cette question de constitutionnalité, mais je voudrais souligner une conséquence étonnante du nouveau traité.
Il appartiendra à la Cour de justice de l’Union européenne de vérifier que nous nous sommes bien dotés d’une règle d’or réellement contraignante. Si elle statue négativement, elle fixera un délai pour la mise en conformité du droit français, nous plaçant sous la menace d’une pénalité financière. La Cour de justice sera ainsi juge de notre Constitution ou de nos lois organiques ! Je vois mal comment un tel dispositif s’ordonnera avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En la matière, nous allons donc également entrer dans une phase d’incertitude et d’insécurité juridique.
Les choses auraient peut-être été différentes si le nouveau traité avait été élaboré dans d’autres conditions. L’Europe a renoué avec les anciennes méthodes de négociation. Le Parlement européen a obtenu un strapontin, quand les parlements nationaux, pourtant directement intéressés, n’ont pas été associés à la discussion. Ce n’est pas ainsi que l’on réconciliera les citoyens avec la construction européenne.
Les perspectives du prochain Conseil européen, vous l’aurez compris, ne m’incitent pas à l’optimisme. Confrontés à une crise qui dure, nos concitoyens auraient besoin que l’Europe leur apporte un message d’espoir. J’ai l’impression que nous en sommes très loin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la veille de ce Conseil européen, je souhaiterais revenir sur un certain nombre de points qui y seront abordés. J’insisterai notamment sur les mesures qui auraient dû être prises en compte dans le cadre d’un volet dédié à la croissance, qui, en l’occurrence, a été largement sous-dimensionné.
En effet, mes chers collègues, en la matière, le compte n’y est pas ! Promouvoir la croissance et la compétitivité ne peut se résumer à une dérégulation mortifère, qui fait que nos marchés sont largement préemptés par nos concurrents hors d’Europe.
La croissance et la compétitivité ne peuvent pas plus se concevoir au travers d’une multiplication de plans d’austérité. Plusieurs rapports et plusieurs avis d’experts vont dans ce sens. Juger les États membres de l’Union européenne au trébuchet de la seule austérité sape la croissance et accroît les inégalités. La traduction politique en sera la montée des populismes et des extrêmes, auxquels succéderont les replis nationaux.
La réponse ne peut pas non plus passer seulement par des plans de relance nationaux. On le sait, dans un monde parcouru de problématiques globales et d’acteurs économiques d’envergure continentale, sinon planétaire, cet échelon manque aujourd’hui de pertinence. Sans qu’il soit nécessaire d’évoquer le cas d’Arcelor-Mittal, les acteurs auxquels je fais allusion sont évidents pour chacun d’entre vous.
Les réponses visant à compléter le volet dédié à la croissance sont connues. Il faut avoir le courage de les mettre en œuvre si nous souhaitons sortir par le haut de cette situation et ne pas assécher les finances des États membres de l’Union européenne par d’incessantes politiques d’austérité.
Je m’attarderai sur quatre de ces réponses possibles.
Tout d’abord, il semble nécessaire d’inscrire des objectifs économiques et sociaux au cœur du processus de décision politique, et donc dans le traité, au même titre que les objectifs de stabilité budgétaire et monétaire.
Ensuite, la Banque centrale européenne doit pouvoir avoir le droit d’acheter des obligations d’État quand la monnaie est attaquée.
En outre, le budget européen doit être revu à la hausse pour financer l’innovation, la recherche, le développement durable et les mesures visant à lutter contre le changement climatique. Cela signifie que l’Union européenne doit trouver de nouvelles ressources propres, qui peuvent reposer, éventuellement, sur des taxes sur l’énergie ou sur les transactions financières.
Enfin, on pourrait imaginer que les investissements européens soient financés par des project bonds. Des emprunts obligataires seraient ainsi émis par l’Union européenne et garantis par la BCE.
Accomplir cela, c’est permettre à l’Union européenne de renouer avec une croissance durable. Accomplir cela, c’est s’autoriser à relever les cinq défis posés par la stratégie Europe 2020, dont celui du changement climatique et de l’économie décarbonée.
Le conseil Energie, dans une première session formelle, traitera de la question des infrastructures et de l’efficacité énergétique. Il sera question de l’élaboration d’une réglementation visant à encourager l’investissement dans les infrastructures énergétiques transeuropéennes. Les interconnexions dans le domaine de l’énergie, des transports et des télécommunications, couvertes par le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, ou MIE, sont nécessaires mais notoirement insuffisantes.
Pardonnez-moi de jouer les Cassandre, mais si nous nous obstinons à ne pas nous doter d’une véritable politique européenne dans le domaine énergétique, nous n’atteindrons jamais ces objectifs.
Pourtant, contrairement à une idée préconçue, il est possible et souhaitable d’articuler les solutions visant à juguler les crises économiques et financières et celles répondant au défi posé à l’humanité par le réchauffement climatique. En effet, l’économie verte recèle un gisement de croissance encore largement inexploité. Cela exige, entre autres, que nous armions l’Europe d’une véritable politique énergétique.
Les actions pouvant participer à cette politique au niveau européen sont nombreuses, aussi vais-je me cantonner à l’énumération de quelques propositions.
Le seul fait que l’Union européenne importe plus de 50 % du gaz qu’elle consomme justifierait, pour le moins, une politique d’achat commune, ou à défaut une coopération structurée. Dans l’idéal, seule une agence européenne d’achat du gaz pourrait régler de façon efficiente et concertée les problèmes d’approvisionnement de gaz naturel. Il existe déjà, me direz-vous, la Caspian Development Corporation, une agence pilotée par la Commission, dédiée à l’achat du gaz. Il faut cependant élargir son périmètre. La sécurité des approvisionnements est une question géopolitique à laquelle nous sommes d’ores et déjà confrontés. Face à Gazprom, il est impératif d’avoir un acheteur unique.
Vous noterez que cette proposition n’est pas totalement déconnectée de la question de l’efficacité énergétique. Moins l’Europe consommera d’énergie, plus l’objectif de sécurité des approvisionnements sera facile à atteindre.
Dans le secteur de l’électricité, l’existence d’un opérateur unique européen disposant d’une vision centralisée du parc de centrales et du réseau de distribution peut également être envisagée. La constitution d’un noyau dur des réseaux interconnectés partageant cette approche constituerait un premier pas. Cela ne requiert pas de nationaliser les producteurs d’électricité. Parallèlement, les tarifs pourraient être fixés par une agence spécialisée, elle aussi européenne, ce qui permettrait de prendre en compte non seulement les spécificités des clients, selon qu’il s’agit d’entreprises ou de foyers, mais également le revenu de ceux-ci.
Pour rester dans le domaine de la régulation, je ferai remarquer que les attributions de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie, ou ACER, sont notoirement insuffisantes. Plutôt que d’élaborer des systèmes de régulation fondés sur le seul objectif d’assurer la protection du consommateur et la libre concurrence, nous devrions être en mesure de stimuler les investissements en infrastructures. De fait, il faudra sans doute réformer l’ACER afin de promouvoir le développement d’infrastructures énergétiques à l’échelle de notre continent et de développer nos capacités d’investissement.
Les objectifs de la stratégie pour 2020 étaient un bon ballon d’essai. Cependant, force est de constater qu’ils ne vont ni ne voient assez loin. Il faut accorder le temps économique du secteur de l’énergie, qui va au-delà de 2020, avec le temps politique, qui ne va pas aussi loin, et les impératifs environnementaux qui s’imposent désormais à nous.
Dans le domaine nucléaire, la question de la sureté des centrales est revenue sur le devant de la scène, et avec quelle acuité ! Là encore, les risques, qui sont de nature transfrontalière, devraient nous inviter à une gestion commune.
Enfin, la création d’un marché européen de quotas d’émission, un « marché vert », avec des prix minimaux pour les émissions de CO2, peut être imaginée.
Selon moi, la priorité des priorités reste bien la lutte contre le changement climatique, et donc la réduction active et rapide de l’émission des gaz à effet de serre, afin de ralentir l’augmentation de la température terrestre. En l’état actuel de l’urgence planétaire, la responsabilité des pays développés est première. Cela suppose une action à l’échelle de l’Union européenne via l’imposition d’un cadre réglementaire draconien, qui aille bien au-delà des directives relatives à l’efficacité énergétique. Il faut mettre fin à l’hypocrisie qui prévaut à ce sujet au sein des pays de l’Union européenne. Il ne suffit pas de fermer quelques centrales nucléaires et de fabriquer de l’électricité à l’aide d’énergie carbonée. Vous voyez à quel État je fais allusion…
L’enjeu réside donc dans la liaison entre l’évolution de nos sociétés vers une économie « décarbonée » et la croissance économique. L’énergie est essentielle à la qualité de la vie de nos concitoyens. Elle est au centre du questionnement fondamental qu’est la recherche d’un autre modèle de société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe dessine notre avenir collectif, elle porte nos espérances de prospérité et de paix. Nous sommes, je le crois, bien conscients qu’elle seule peut nous permettre de prendre part à la gouvernance du monde, à la régulation des échanges commerciaux comme des transactions financières. Elle seule nous donne le crédit nécessaire pour faire partager et respecter notre vision des droits de l’homme et notre attachement aux libertés fondamentales. Et l’Union européenne est bien, en la matière, le chantier le plus audacieux et le plus prometteur.
Pourtant, la crise fait planer des menaces sur l’Europe. La défiance pèse sur les esprits et les comportements. Les résultats contredisent les promesses. Depuis une décennie, la croissance est atone, le chômage ne cesse de progresser, les déficits et les dettes publiques atteignent des niveaux insoutenables, les déséquilibres internes au sein même de l’Union européenne et de la zone euro se creusent entre les pays, du fait des écarts de compétitivité. Face aux accidents de parcours – je pense en particulier au drame qu’affronte la Grèce –, l’Europe se montre désemparée, incapable de concrétiser ses décisions, semant le doute chez les investisseurs appelés à la rescousse.
Pour venir en aide à une Commission pusillanime, elle appelle au secours le FMI et embarque la Banque centrale européenne, en contradiction avec sa vocation d’indépendance, dans une troïka de circonstance. C’est bien un signe de la faiblesse de la Commission !
À ce stade, une étape cruciale doit être franchie. Et pourtant, depuis plus de soixante ans, la construction semblait progresser avec une belle assurance.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, faute d’avoir pu emprunter d’emblée la voie politique, les pays fondateurs ont choisi le chemin de l’économie, après avoir posé des jalons dans les domaines de l’industrie lourde et de l’énergie.
Cela commence par la constitution d’un « marché commun ». Élargi, approfondi, ce marché assure la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ; il devient alors le « marché unique ».
Malheureusement, la pluralité des monnaies nationales donne lieu à une instabilité monétaire incompatible avec les objectifs de croissance et de plein-emploi. Les néfastes dévaluations compétitives, qui ont marqué la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix, brisent le dynamisme des entreprises et multiplient les cohortes de chômeurs. Pour enrayer ces mécanismes désastreux, la monnaie unique devient l’arme absolue contre l’instabilité à l’intérieur du marché unique, au moins pour ceux des États membres qualifiés pour détenir l’euro. Immense défi que de faire naître une monnaie orpheline d’État, car il n’y a pas d’État européen !
La Banque centrale européenne se met en place et, pour compenser l’absence de gouvernance de la zone euro, nous sommes dans l’obligation de forger un règlement de copropriété de notre nouvelle monnaie. En fait, il s’agit d’un ensemble de disciplines budgétaires constitutives d’un « pacte de stabilité et de croissance » ; à la vérité, c’est beaucoup plus un pacte de « stabilité » qu’un pacte de « croissance ».
M. Roland Courteau. Ça, c’est vrai !
M. Jean Arthuis. Promis, juré, chaque État respectera ce pacte ! La Commission sera vigilante, intraitable, dans l’intérêt bien compris de tous les membres de la zone euro. Les contrevenants seront sanctionnés.
Cet attelage institutionnel se met en place à la veille de l’an 2000, libérant les États membres des risques de subir l’humiliation de la dévaluation en cas de déficits excessifs. Ceux d’entre eux qui devaient jusque-là supporter des taux d’intérêt de 10 % ou 15 % ont bénéficié dès leur entrée dans la zone euro de taux voisins de 4 %.
Le miracle opère si bien que les engagements de rigueur sont allégrement et durablement transgressés, notamment par la France et l’Allemagne. Peu enclins à prononcer des sanctions, les partenaires se montrent complaisants les uns envers les autres, sous le contrôle d’une Commission européenne résignée devant les dérives, anesthésiée sans doute par l’aveuglement des marchés.
La réaction des agences de notation est étonnamment tardive. En effet, ce n’est qu’en 2009, dans le sillage de la crise de confiance apparue aux États-Unis pendant l’été 2007, crise mondiale, qu’éclate la crise des dettes souveraines. Dans l’urgence, les dirigeants de l’Union européenne et des États réagissent promptement, manifestent leur volontarisme par des annonces impressionnantes, mais font vite le constat de leur incapacité à régler les problèmes, laissant en particulier la Grèce s’enfoncer dans l’insolvabilité.
Mais les Européens se sont heureusement ressaisis, l’espoir demeure et les progrès deviennent perceptibles.
Après ce qu’on pourrait appeler « les années folles de l’euro », la sagesse commence à faire son œuvre. Les chefs d’État ou de gouvernement, le président du Conseil, la Commission multiplient les sommets et les initiatives. De nouvelles procédures de rigueur et de surveillance sont mises au point – après avoir en 2005 tordu le cou du Pacte de stabilité et de croissance, on va revenir à une rigueur renforcée –, donnant enfin à la Commission les moyens d’action dont elle a besoin pour exercer son autorité. C’est l’objet du six pack, paquet de règlements adopté à la fin de l’année 2010, mis en œuvre au mois de décembre 2011.
Vient aussi la prise de conscience de la nécessité d’un nouveau traité entre ceux des États qui entendent résoudre la crise de la zone euro parce qu’ils en sont membres ou parce qu’ils aspirent à le devenir. Ceux qui n’entendent pas rejoindre l’euro ne sont naturellement pas obligés d’adhérer aux termes de ce traité.
Le projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire arrêté le 30 janvier dernier doit être mis en œuvre dès que possible. C’est dire si les gouvernements doivent le signer ce jeudi 1er mars ! Ce texte, j’en suis convaincu, renforce les mesures contraignantes, rend compatibles les règles de majorité avec des décisions effectives et fixe le cap à tenir pour assurer à la zone euro une stabilité et une croissance durables.
En cette circonstance, mes chers collègues, je voudrais vous faire partager quatre convictions.
Premièrement, nous ne pouvons pas abandonner la Grèce. S’il est vrai que nous avons eu tort de l’admettre si tôt dans la zone euro, l’ayant admise, nous avions le devoir de lui demander compte de sa gestion.
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Jean Arthuis. Nous sommes coupables de complicité pour l’avoir laissée maquiller ses comptes publics.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais tout le monde le savait, monsieur Arthuis !
M. Jean Arthuis. S’il y avait des juridictions internationales, l’euro-groupe serait exposé à des poursuites en recherche de responsabilité et sans doute condamné à combler le passif. Le devoir de solidarité doit ici s’accomplir.
En tout état de cause, la sortie de l’euro aurait des conséquences durablement désastreuses pour la Grèce. Le choc ne laisserait pas la zone euro indemne, l’exposant à un engrenage de déstabilisations progressives et, je le crois, fatales. Autrement dit, l’abandon de la monnaie unique déclencherait le chaos.
M. Roland Courteau. C’est sûr !
M. Jean Arthuis. Deuxièmement, la zone euro, sans s’extraire de la méthode communautaire, institue un partage de souveraineté et de responsabilité aux conséquences infiniment plus lourdes que celles qui sont établies entre les membres de l’Union européenne. Au sein de la zone euro, il n’y a plus d’ajustement monétaire possible. Lorsque se déclenche une crise, les secours doivent être portés aux États menacés. S’il faut consentir des prêts bilatéraux, doter un fonds de stabilité ou liquider le capital du mécanisme européen de stabilité, l’effet est immédiat et lourd, non pas sur le budget européen, mais sur les budgets nationaux des autres partenaires. La zone euro a donc besoin d’une gouvernance spécifique.
Troisièmement, la zone euro doit mettre en synergie assainissement des finances publiques et croissance. C’est en cela que nous devons réviser nos méthodes et faire vivre une authentique coopération entre les États membres, sous la surveillance des parlements européen et nationaux. Veillons à ne pas nous accommoder d’un alibi démocratique !
L’article 13 du traité prévoit une conférence, une association des parlements nationaux. Je pense qu’il faut avoir l’audace d’aller plus loin et d’occuper cet espace de contrôle et de surveillance. Ne laissons pas les ministres des finances de la zone euro régler leurs affaires entre eux !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Jean Arthuis. Voyons ce qui s’est passé dans les années 2000 ! Exerçons cette vigilance et cette surveillance ; il y a nécessité de constituer une commission de contrôle composée de parlementaires issus des différents parlements nationaux avec une représentation du Parlement européen.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Jean Arthuis. Quatrièmement, efforçons-nous de réconcilier les consommateurs et les producteurs, de même que le marché intérieur et la zone euro, qui présentent quelquefois de vraies contradictions.
Nombre de règlements et de directives sont des activateurs de dépenses publiques ou des freins à la compétitivité des entreprises, donc à l’emploi. À l’inverse, la zone euro mène le combat pour réduire les dépenses publiques et améliorer la compétitivité. En d’autres termes, alors que le marché unique multiplie les directives, facteurs de dépenses publiques ou freins à la compétitivité, à l’intérieur de ce marché, la zone euro s’efforce de réduire les dépenses publiques et de retrouver de la compétitivité pour favoriser la croissance et l’emploi. Nous devons surmonter cette contradiction au plus vite.
À l’heure de la mondialisation, les contradictions de cette ampleur sont immédiatement sanctionnées, au détriment des citoyens.
Il est temps de nous avouer qu’en nous dotant d’une monnaie unique, nous avons pris un billet sans retour pour une Europe en voie d’intégration politique. Osons assumer notre démarche vers le fédéralisme. Tirons-en toutes les conséquences, sans attendre, pour atteindre nos objectifs de croissance, d’emploi, de stabilité financière et de paix !
Il y a urgence à agir pour rétablir la confiance en Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat de ce soir, préalablement au Conseil européen d’après-demain à Bruxelles, a quelque chose de surréaliste.
En effet, monsieur le ministre, à la suite de votre déclaration liminaire, vous solliciterez l’analyse des différents groupes de notre Haute Assemblée, puis nous vous interrogerons sur quelques points particuliers. Mais cette sympathique discussion à cette heure tardive est vraiment un théâtre d’ombres.
Les décisions ont déjà été prises avant et ailleurs, et ce que nous vous disons n’aura qu’un effet limité, voire n’aura aucun effet…
M. Roland Courteau. Eh oui !