M. le président. La parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, Jacques Mézard et Jean-Pierre Chevènement ont exprimé la position de notre groupe sur la fameuse « TVA sociale », une position que je partage d’ailleurs totalement, et sur le peu d’effet qu’une telle mesure aura tant sur l’emploi que sur la compétitivité de nos entreprises.
Selon nous, c’est bien l’innovation qui doit constituer la priorité. Dans le même temps, il est urgent de prendre des décisions fortes pour favoriser significativement la compétitivité hors prix de nos produits comme de nos entreprises.
Aussi, mes chers collègues, si l’article 1er de ce collectif budgétaire est emblématique et attire la lumière médiatique en ces temps électoraux, je souhaite pour ma part m’attarder sur l’article 2, qui instaure une taxe sur les transactions financières. C’est un sujet que je connais bien, puisque j’avais été, avec le soutien de mes collègues du RDSE, le premier à déposer et à défendre ici même une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières.
M. Roland du Luart. La « taxe Collin » ! (Sourires.)
M. Yvon Collin. On peut toujours rêver ! (Nouveaux sourires.)
Cette proposition de loi avait été examinée en séance publique le 23 juin 2010 et rejetée par la majorité sénatoriale de l’époque ; il convient tout de même de le rappeler. Encore une fois, nous avions sans doute raison trop tôt !
À l’époque, malgré les déclarations du Président de la République, qui voulait « moraliser le capitalisme », la commission et le Gouvernement nous avaient reproché l’irréalisme de notre proposition, qui aurait été « dommageable pour la place de Paris ». C’était là le principal argument de la majorité de l’époque, qui était d’ailleurs quelque peu embarrassée.
Force est donc de constater que, depuis l’examen de la proposition de loi du RDSE, l’idée a fait du chemin. À Bruxelles, la Commission travaille sur une version européenne de cette taxe. Il est d’ailleurs certain qu’une telle taxe ne sera pleinement efficace que lorsqu’elle sera adoptée par un maximum d’États, en Europe bien sûr, mais aussi dans le reste du monde. Cependant, ni les membres de l’Union européenne ni même ceux de la zone euro ne sont pour l’instant parvenus à un accord sur cette question. Mais il faut bien commencer un jour et donner l’impulsion ! C’était d’ailleurs le sens de notre proposition de loi.
Prenant acte des tergiversations européennes, la nouvelle majorité sénatoriale a adopté, d’ailleurs avec le soutien de certains sénateurs de l’opposition, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012 et du dernier collectif budgétaire pour 2011, un article instaurant une taxe sur les transactions financières. La Haute Assemblée avait en effet considéré, comme l’avaient fait les membres du RDSE avec leur texte de 2010, que la France devait « montrer l’exemple ».
Le Gouvernement avait alors une nouvelle fois rejeté catégoriquement cette mesure, arguant qu’« il serait contreproductif pour la France de mettre en place une telle taxe de manière isolée », selon les termes du représentant du Gouvernement en séance, le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, lors de la discussion des six amendements visant à instaurer une taxe sur les transactions financières dans le dernier projet de loi de finances. M. le secrétaire d’État poursuivait ainsi : « Faire cavalier seul serait donc peu réaliste et irait à l’encontre de la démarche engagée sur la scène internationale comme à l’échelon européen, au moment même où celle-ci commence à produire des résultats tangibles. »
Et pourtant... Le Gouvernement introduit aujourd'hui, dans ce premier collectif budgétaire pour 2012 et dernier collectif budgétaire de la législature, une taxe sur les transactions financières !
Mes chers collègues, comment faire confiance à un gouvernement qui change si souvent d’avis…
M. Roland Courteau. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
M. Yvon Collin. … à un gouvernement qui combat – avant de les reprendre ensuite à son compte ! – les propositions de l’opposition visant à renforcer la justice et l’équité et à limiter les pratiques spéculatives déstabilisant les marchés et plongeant nos économies dans des crises dont elles ont bien du mal à se remettre ?
Il en va ainsi de la taxe sur le « trading haute fréquence », proposée par Mme la rapporteure générale à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, et rejetée à l’époque, c’est-à-dire voilà deux mois à peine, par le Gouvernement.
C’est pourquoi on peut douter de la volonté soudaine du Gouvernement de s’engager sur cette voie. Ainsi, il nous propose aujourd’hui de taxer notamment les « CDS nus sur dette souveraine », alors que ces derniers, qui sont déjà interdits en Allemagne, le seront prochainement dans l’ensemble de l’Union européenne.
En outre, la rapporteure générale l’a démontré, cette taxe sur les transactions financières repose principalement sur une version amoindrie du droit de timbre britannique. On ne peut donc que s’interroger sur l’utilité de cette taxe sur les transactions financières a minima telle que la propose aujourd’hui le Gouvernement.
Mes chers collègues, peu convaincu par l’efficacité des mesures inscrites à l’article 1er sur l’emploi et la compétitivité des entreprises, redoutant des effets pervers sur le pouvoir d’achat des Français et quelque peu déçu de cette version très light de la taxe sur les transactions financières, j’apporterai mon soutien, avec mes collègues radicaux de gauche du RDSE, à la motion tendant à opposer la question préalable qui sera présentée avec force et talent par notre excellente rapporteure générale. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rythme des projets de lois de finances a été accéléré par la crise, et la situation budgétaire de la France nous impose la plus grande précision dans les arbitrages rectificatifs.
L’enjeu de cette discussion est simple. Si la France ne trouve pas rapidement le moyen de redresser le déficit de sa balance commerciale, il ne sera bientôt plus nécessaire de voter des projets de lois de finances, pour la simple et bonne raison qu’il n’y aura plus de finances du tout.
Dans ce contexte, ce projet de loi de finances rectificative prévoit de mettre en place ce qu’il est convenu d’appeler une « TVA sociale ». Le souci de précision devrait pourtant nous inviter à nommer ce dispositif « fiscalité anti délocalisations ».
En effet, le projet défendu par le Président de la République donne une impulsion majeure en faveur de la compétitivité française, ce qui rend la mesure incontournable sauf à faire preuve d’inconscience et d’irresponsabilité.
J’insiste bien, mes chers collègues : si toutes les entreprises françaises ferment ou partent s’installer à l’étranger, il sera vain de parler d’emploi, de modèle social ou tout simplement d’État. Eh oui, il ne sert à rien d’avoir un système fiscal juste s’il n’y a plus personne à imposer.
Permettez-moi, chers collègues, de rappeler ici quelques chiffres que vous connaissez.
Pour un même coût du travail de 4 000 euros, une entreprise française paye 1 738 euros de charges contre 841 euros en Allemagne. Le résultat est un salaire net pour les Français de 1 403 euros contre 2 324 euros pour les Allemands, soit près de 1 000 euros de plus par mois !
Cet écart pénalise nos entreprises, qui doivent faire la même course avec un boulet accroché à la cheville. Dans les courses hippiques, cela s’appelle un handicap ! Mais il pénalise aussi les salariés français, dont la part de salaire qui finance la protection sociale est beaucoup trop lourde.
Nous avons donc le choix entre deux solutions : baisser le coût du travail ou regarder les entreprises françaises faire faillite ou plier bagages.
En diminuant les charges qui pèsent sur le travail, on redonne de l’air à nos industries, on protège les emplois et on facilite les embauches.
Par ailleurs, le dispositif permet de répondre à l’urgent rééquilibrage qu’exige le financement de notre protection sociale. La situation actuelle est intenable : le poids du financement de la protection sociale de tous les Français repose de manière disproportionnée sur les salariés. Nous devons faire porter une partie de cette charge sur les produits importés, soumis à la TVA, qui ne sont pas touchés par la baisse des charges, laquelle ne concerne que les entreprises françaises.
Ce texte devrait théoriquement faire l’unanimité dans la Haute Assemblée tant le constat est évident et tant le projet défendu par le chef de l’État est, en réalité, une réponse pleine de bon sens et de pragmatisme à une situation très claire.
Cette solution permettra simultanément d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de rééquilibrer le financement de notre protection sociale sans alourdir d’un euro le budget de l’État.
M. François Marc. Vous avez mis cinq ans à trouver cette réponse !
M. Pierre Charon. Malheureusement, il semble que les calculs politiques à trois bandes de la campagne présidentielle inspirent à la majorité sénatoriale un rejet qui en dit long sur son souci de bonne gestion de notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Parlons-en de la bonne gestion !
M. François Marc. Eh oui : 500 milliards de dettes en cinq ans !
M. Pierre Charon. Nous voyons pourtant autour de nous des exemples parlants du succès de la compensation des charges pesant sur le travail par l’augmentation de la TVA.
Ces exemples ont été cités tout l’après-midi : l’Allemagne, bien sûr, mais aussi le Danemark, qui a supprimé les cotisations sociales des employeurs au titre de l’assurance chômage en finançant cette mesure par une hausse de la TVA de 3 points, de 22 % à 25%, ce qui correspond au double de la hausse proposée dans ce texte ! Grâce à cette mesure, le taux de chômage est passé de 12 % à 5 % en un peu plus de dix ans !
M. Roland Courteau. Un peu trop simple !
M. Pierre Charon. Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous inspirer des bonnes pratiques et d’éclaircir l’horizon de l’emploi et de la création de richesses, si essentiels à la prospérité de notre pays. Aussi, il est de notre devoir de parlementaire de dépasser les postures partisanes et d’avancer sans atermoiements sur le chemin des réformes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne n’est dupe. Ce projet de loi de finances rectificative n’a pour seul objet que de dissimuler le bilan catastrophique de la mandature du candidat Sarkozy.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Christiane Demontès. C’est un fiasco, car qui se porte mieux depuis cinq ans, mis à part les possédants et les dirigeants ? Où se trouve donc la France du plein-emploi et du pouvoir d’achat quand plus de 4,5 millions de personnes cherchent du travail et que la précarité explose ?
M. François Marc. Bonne question !
Mme Christiane Demontès. Où est la France des propriétaires quand notre pays compte 3,6 millions de personnes non logées ou très mal logées ? Où est la justice fiscale quand les 7 % des Français les plus riches ont perçu 60 % des sommes versées au titre du bouclier fiscal…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est supprimé !
Mme Christiane Demontès. … et que la réforme de l’ISF coûtera 2 milliards d’euros par an aux finances publiques ?
Cette politique a enrichi les plus riches, au détriment de ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler ou pour chercher du travail.
J’évoquerai plus particulièrement l’article 1er, qui vise à instaurer la TVA sociale. Le but affiché est d’augmenter le taux de TVA pour financer la protection sociale et de diminuer les cotisations sociales payées par les entreprises.
Ainsi, les cotisations alimentant la branche famille, qui représentent 5,4 % du salaire, sont supprimées jusqu’à 2,1 SMIC puis, de façon dégressive, jusqu’à 2,4 SMIC pour atteindre 5,4 % en taux constant.
Sur la forme, comment ne pas déplorer la précipitation avec laquelle le Gouvernement procède ? Cette disposition va bouleverser l’architecture du financement de notre protection sociale. À ce titre, l’absence de concertation préalable avec les partenaires sociaux n’est pas acceptable, notamment parce que des questions essentielles restent posées. Je pense, en particulier, à l’interprétation qui peut être faite de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel, sauf exception, toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État pendant toute la durée de son application.
Or, comme le souligne justement Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, la thèse la plus probable est que le dispositif prévu au IV de l’article 1er risque d’être assimilé à un nouveau mode de calcul de l’assiette des cotisations patronales famille. Il serait donc de droit commun. Dans ce cas, le mécanisme de compensation ne jouerait pas et les 13,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires escomptés ne seraient pas pérennes. Je rappelle que la branche famille, cela a été souligné par Mme Pasquet, rapporteur pour avis pour la branche famille, enregistre un déficit de 2,6 milliards d’euros et que la structuration de ses recettes a été fragilisée par le transfert vers la CADES de 0,28 point de CSG qui lui était précédemment attribué.
Par ailleurs, si le MEDEF voit dans cette TVA modifiée « un avantage social », nous y voyons l’augmentation des injustices car la TVA pèse d’autant plus que les revenus des ménages sont faibles. Elle représente 14 % du revenu des 10 % des ménages les plus pauvres, contre 5 % de celui des ménages les plus riches. Une fois encore, la droite entend faire endosser les efforts par les plus fragiles.
Or les deux plans de rigueur ont déjà pénalisé les Français qui ont dû faire face aux hausses des tarifs des mutuelles et du gaz, respectivement de 5 % et de 4,4 %, ainsi qu’à l’augmentation du taux réduit de TVA, passé de 5,5 % à 7 %, qui a un effet sur les prix de l’eau, des transports en commun, du logement social, des livres et des fournitures scolaires.
Mécaniquement, cette nouvelle hausse va avoir une incidence sur la consommation des ménages, notamment sur celle des plus modestes ; je pense aux bas salaires.
À défaut d’une hausse des rémunérations qui viendrait compenser l’augmentation de TVA, les salariés verront leur pouvoir d’achat de nouveau amputé. À l’inverse, dès lors que la TVA autorise la déduction intégrale des dépenses d’investissement, une bonne part des revenus du capital en sera exemptée.
En fait, comme en Grande-Bretagne en 2011, tout laisse à penser que cette hausse de TVA s’accompagnera d’une augmentation des prix. Le risque est grand de voir les entreprises, bien souvent en situation financière fragile, augmenter leur taux de marge plutôt que de répercuter cette baisse de cotisation sur les prix de vente. Le précédent du secteur de la restauration est dans toutes les mémoires.
Gageons que pour les grandes entreprises cette logique conduira à la hausse des prix des produits français et annulera le prétendu gain de compétitivité. En effet, certains se plaisent à travestir la réalité en appelant cette disposition « TVA compétitivité », mais qui peut raisonnablement penser que, dans une économie mondialisée, une baisse des prix à l’exportation de 3 %, voire de 4 % sera suffisante pour redresser le déficit de notre balance commerciale ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Donc il ne faut rien faire !
Mme Christiane Demontès. Rien n’y fait, la droite tourne le dos à une France forte. Cette mesure antisociale d’augmentation de la TVA en échange de l’abaissement, voire de la suppression des cotisations sociales patronales « famille » est rejetée par nos concitoyens à une très large majorité, et nous la rejetons avec eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendez qu’ils se soient exprimés !
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je voudrais vous parler du problème de la compétitivité des entreprises, en particulier de la nécessité absolue d’alléger suffisamment les charges sur salaires pour faciliter nos exportations et favoriser l’emploi.
Cette question est traitée dans le projet de loi de finances rectificative, mais insuffisamment selon moi. Mon idée est qu’il faudrait réduire les charges sur salaires de façon beaucoup plus importante.
Qu’il me soit permis d’avancer une proposition complémentaire pour augmenter cet allégement de charges sur les salaires. Ces charges se composent à la fois des cotisations relatives aux salariés – chômage, retraite –, de celles relatives au financement de la sécurité sociale, de l’assurance maladie, de la famille, du logement, du transport, qui n’ont rien à voir avec les salariés, et de la CSG.
Je vous propose de reporter toutes les charges relatives à la sécurité sociale et à la CSG sur les frais généraux des entreprises ; seules les charges relatives aux salariés – chômage, retraite et accidents du travail – devraient rester sur les salaires. Grâce à cette opération, les charges sur salaires diminueront de moitié, ce qui n’est pas négligeable.
Certes, cela ne changera pas les dépenses totales des entreprises, mais les charges seront réparties différemment, car il faut favoriser les entreprises de main-d’œuvre. Les coûts de production directs seront ainsi moins élevés, et cela ne coûtera rien ni à l’État ni au contribuable.
À cette fin, je propose de créer un coefficient d’activité unique qui favorisera les entreprises de main-d’œuvre et qui sera valable pour toutes les activités marchandes.
Ce coefficient sera associé au chiffre d’affaires de chaque entreprise, diminué de la masse salariale. Il sera déterminé et payé chaque année en fin d’exercice. Pendant un an, les entreprises verront effectivement les charges sur salaires diminuées de moitié, ce qui favorisera leur activité et leurs exportations.
Les entreprises paieront leurs charges en fin d’exercice pour couvrir les dépenses de sécurité sociale avec la CSG. Le coefficient à l’échelle nationale sera calculé à partir des résultats des années n-2 avec les chiffres d’affaires de toutes les entreprises marchandes nationales, diminués des masses salariales réduites pour payer les dépenses de sécurité sociale nécessaires.
J’espère que vous avez tous compris.
On voit aisément que, plus la masse salariale sera grande pour un chiffre d’affaires donné, moins l’entreprise paiera. Ce sont ainsi les entreprises de main-d’œuvre qui seront favorisées.
En revanche, les entreprises qui réaliseront un chiffre d’affaires important avec peu de personnel paieront plus. Ce sera le cas des entreprises de service, des importateurs et des entreprises qui délocalisent.
On rétablit ainsi un véritable droit de douane pour tous les importateurs et on favorise l’emploi en France de toutes les entreprises.
Cette proposition présente en outre un autre avantage important, celui de s’adapter aux besoins budgétaires. L’équilibre des dépenses actuelles permet de régler 217 milliards d’euros avec un coefficient de 6,6. En augmentant ce coefficient de 0,6 point, on obtient un total de 237 milliards d’euros, c’est-à-dire 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit le déficit actuel de la sécurité sociale.
Contrairement au système actuel, celui-ci permettrait de financer l’ensemble des dépenses de sécurité sociale, y compris le déficit actuel, ce qui est considérable.
Permettez-moi de résumer les avantages de ma proposition.
Premièrement, elle permettrait de réduire les charges sur salaires de 55 %, ce qui améliorerait les coûts de production et la compétitivité de nos entreprises.
Deuxièmement, elle pénaliserait les entreprises qui importent ou délocalisent de façon importante et favoriserait les entreprises qui emploient de la main-d’œuvre en France. C’est une véritable taxe douanière.
Troisièmement, elle permettrait d’équilibrer les dépenses de la sécurité sociale, notamment de la branche maladie et de la formation, ce qui n’est pas négligeable.
Quatrièmement, elle favoriserait l’augmentation des salaires et les embauches ; les charges sur salaires étant moins élevées, il y aurait plus d’embauche, et les augmentations de salaire se traduiraient par une hausse du pouvoir d’achat.
Enfin, je ne peux pas laisser dire que nous manquons d’esprit d’innovation et de recherche en France. En effet, nous avons des entreprises qui exportent des avions,...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Serge Dassault. … marché considérable, et des logiciels. Elles ne sont pas nombreuses, mais on les a, et elles exportent malgré des coûts de production trop élevés et, il faut le dire, un euro encore trop haut qui défavorise les activités en zone dollar.
Voilà, brièvement résumés, les termes de ma proposition.
Je sais, mes chers collègues, que, si vous votez la question préalable je ne pourrai pas déposer d’amendement. Au demeurant, cette proposition me paraît suffisamment importante pour que je la présente sous la forme d’une proposition de loi à la reprise des activités du Sénat, au mois de juillet prochain. Elle pourra rendre aux entreprises leur compétitivité, améliorer considérablement l’emploi en France et favoriser la croissance, ce qui est quand même le but recherché par tous. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, halte à la stigmatisation des « outre-mer » et aux préjugés cartiéristes sur les outre-mer ! Que l’on cesse de clamer que les outre-mer coûtent cher à la France et qu’il faut réduire systématiquement ce coût.
Hier, c’était la Cour des comptes qui, dans son rapport public annuel, proposait purement et simplement de supprimer les dépenses fiscales jugées trop coûteuses et inefficaces.
Aujourd’hui, dans ce projet de loi de finances rectificative est inscrite une annulation de 25 millions d’euros des crédits de la mission « Outre-mer », qui vient s’ajouter aux coupes successives que connait ce ministère depuis 2002, dernier exercice budgétaire du gouvernement Jospin.
Triste réalité budgétaire puisque, depuis cette date jusqu’en 2012, dernier exercice budgétaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les crédits du budget de l’outre-mer ont diminué de 219 millions d’euros alors que, dans le même temps, l’inflation cumulée entre ces deux périodes a été de 19,1%. En valeur nominale, les dépenses de l’État outre-mer ont donc diminué entre ces deux exercices budgétaires de 425 millions d’euros, soit 39,4% ! Entre 2007 et 2012, la baisse en valeur nominale du budget de l’outre-mer est de 7,7 %. Sur cette même période, la baisse de l’effort total de l’État envers les outre-mer est de 3 %.
Triste réalité budgétaire, mais aussi confirmation de la double peine que subissent les outre-mer et que nous ne cessons de dénoncer : les outre-mer sont sanctionnés une fois au même titre que la France entière et une autre fois au titre des mesures de soutien spécifiques que l’État a pourtant lui-même privilégiées par rapport aux dotations budgétaires pour leur développement.
En effet, la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales ne pèse pas de manière identique sur l’ensemble des territoires français. Ce qu’il faut réellement appréhender quand on parle de coup de rabot sur les niches fiscales outre-mer, c’est surtout la diminution nette de l’effort consenti par l’État et non pas uniquement le gain pour les contribuables.
C’est ainsi qu’en 2012 la diminution nette de 382 millions d’euros de la dépense fiscale outre-mer n’a pas été compensée – loin de là ! – par l’augmentation des crédits de la mission outre-mer. Aussi, arrêtons à juste titre d’assimiler outre-mer et niches fiscales !
Au total, les « niches fiscales outre-mer » trop souvent décriées représentaient un montant de 1,239 milliard d’euros en 2010, 1,388 milliard d’euros en 2011 et seulement 875 millions d'euros en 2012. Ce montant a donc été fortement réduit depuis 2007.
Pour ma part, j’estime que cette forme de défiscalisation, assortie d’un contrôle étroit, est nécessaire pour nos outre-mer en l’absence d’autres solutions. Elles permettent le financement d’investissements que ni l’État ni les banques ne sont en mesure d’assurer, le premier par souci budgétaire, les secondes par frilosité.
Existe-t-il de nouvelles solutions alternatives dans ce projet de loi de finances rectificative pour relancer l’économie ultra-marine ?
La TVA sociale, élément phare de cette loi, existe déjà outre-mer et a fait la preuve de son inefficacité. Les outre-mer l’ont en effet déjà expérimentée, puisque la loi Perben du 25 juillet 1994 l’avait instaurée pour exonérer de 100 % les cotisations patronales sur la partie des salaires n’excédant pas le Smic, dans des secteurs d’activité exposés à la concurrence.
À l’époque, cette exonération a été financée par un relèvement de deux points de la TVA en Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion, passée de 7,5 % à 9,5 %. Or cette mesure n’a pas créé d’emploi, ni amélioré la compétitivité des entreprises, ni soutenu l’activité ou encore favorisé l’exportation.
En revanche, cette mesure a eu des conséquences immédiates : la flambée des prix, l’augmentation du coût de la vie et la diminution du pouvoir d’achat. Les résultats ont été plus que nuancés si on se réfère aux études de l’INSEE et de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, à la Réunion : la situation économique et sociale actuelle est la preuve de l’absence d’efficacité de cette mesure pour la compétitivité de nos entreprises.
La « banque de l’industrie », autre dispositif que vous souhaitez mettre en place dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, est certainement une bonne initiative puisqu’elle est destinée aux petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire, qui, trop souvent, peinent à trouver les financements nécessaires. Mais sera-t-elle implantée dans les outre-mer, dont les entreprises connaissent avec une plus grande acuité ces problèmes ?
Depuis longtemps déjà, nous réclamons, pour son savoir-faire, l’implantation d’OSEO en outre-mer et la distribution de tous ses outils de financement à la place de l’Agence française de développement, l’AFD, peu familiarisée avec le métier de banquier. Celle-ci doit demeurer dans son champ de compétences qu’elle maîtrise très bien : le financement de la coopération et des collectivités.
En implantant effectivement des antennes régionales de cette banque de l’industrie outre-mer, voilà, monsieur le ministre, une occasion de montrer que les outre-mer font partie intégrante de la France et qu’ils ont le droit de disposer des mêmes outils pour leur développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)