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Demande de procédure simplifiée pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Au cours de sa réunion de ce jour, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation des amendements à l’accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement soit examiné selon la procédure simplifiée, le mardi 28 février prochain.
Le délai pour revenir, le cas échéant, à la procédure normale pourrait être fixé au vendredi 24 février à dix-sept heures.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
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Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 22 février 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-239 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Loi de finances rectificative pour 2012
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 389, rapport n° 390, avis n° 398).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre du budget nous rejoindra dans quelques instants. J’ai donc l’honneur d’ouvrir la discussion sur ce projet de loi de finances rectificative.
Ce texte témoigne de la grande réactivité dont le Gouvernement fait preuve dans un contexte international encore difficile et incertain. Il aborde plusieurs enjeux qui sont déterminants pour l’avenir de la France comme pour celui de la zone euro.
Je pense à la compétitivité et à la nécessité de poursuivre à ce titre notre programme de réformes.
Je pense au soutien apporté à la Grèce et au Mécanisme européen de stabilité que nous mettons en place pour écarter durablement tout risque pesant sur les dettes souveraines des États membres.
Je pense, enfin, au projet de taxe sur les transactions financières, qui est aujourd’hui un dispositif national, mais qui fera bientôt partie des principes reconnus et défendus par l’ensemble des pays de la zone euro.
Avant de détailler ce projet, je souhaite revenir sur les dernières avancées en matière de soutien apporté à la Grèce. Nous avons négocié pendant près de quatorze heures, entre lundi après-midi et mardi matin, afin d’aboutir à un accord qui permet, me semble-t-il, de répartir équitablement le fardeau entre le public et le privé, entre la solidarité européenne et les efforts proposés par le gouvernement grec.
Ces éléments de solidarité, au même titre que les solutions que nous apportons dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, le MES, sont des preuves tangibles de notre engagement résolu en faveur de l’Europe. D’autres se satisfont d’une abstention qui ne sera et ne pourra jamais être dynamique.
Il faut d'ailleurs une certaine dose d’aveuglement ou de duplicité pour justifier un comportement aussi irresponsable par le manque d’engagement européen en faveur de la croissance. Il faut rétablir la vérité : sans l’aide apportée aujourd’hui par le Fonds européen de stabilité financière et demain par le Mécanisme européen de solidarité, la Grèce va au-devant de grandes difficultés.
Si l’on affirme vouloir aider la Grèce, si l’on compatit bruyamment aux difficultés économiques et sociales qu’elle traverse, il faut aussi s’engager en faveur de la solidarité qui, dans sa traduction administrative et budgétaire, prend la forme du fonds européen, dans un premier temps, et du Mécanisme européen de stabilité, dans un second temps. On ne peut pas tenir un double langage, d’un côté dire : « Aidons les Grecs », et, de l’autre, choisir de les laisser tomber en s’abstenant sur l’essentiel, à savoir sur le vote du Mécanisme européen de stabilité.
Comment peut-on parler du « choix de l’austérité » quand les États membres de la zone euro et le Fonds monétaire international vont mobiliser, comme les ministres des finances de la zone euro l’ont décidé, près de 130 milliards d’euros supplémentaires pour accompagner la Grèce dans son redressement ?
Dois-je aussi rappeler que le Conseil européen du 30 janvier dernier, sous l’impulsion du Président de la République et de la chancelière allemande, était consacré en priorité à la croissance et à l’emploi ? Quand j’entends dire que l’abstention vise à adresser un message en faveur d’un nouveau projet portant sur la croissance, je me dis que c’est soit de la duplicité, soit de l’ignorance, puisque l’élément constitutif de l’accord du 30 janvier dernier est, justement, la solidarité, la discipline budgétaire, mais aussi la croissance.
Tout est lié, il s’agit d’un paquet global ; c’est l’ensemble du dispositif qu’il faut naturellement valider et accompagner. Je regrette donc vraiment l’abstention des socialistes sur le MES à l’Assemblée nationale.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une attitude très surprenante !
M. François Baroin, ministre. Et je ne doute pas, même si je m’efforcerai d’être convaincant, qu’il y aura un parallélisme des formes ici, au Sénat. C’est dommage, car il s'agit d’un texte qui engage la France et l’avenir de l’Europe. Je note, à ce titre, que les autres partis d’opposition européens font, eux, le choix du courage et de la responsabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs socialistes, je le dis sans esprit partisan : pas un représentant socialiste dans un pays membre de la zone euro ne rejette le message de la consolidation budgétaire, de la réduction des déficits et des mesures d’économies. Ce n’est pas être de droite ou de gauche que de faire des économies : c’est la lucidité, c’est le courage, c’est le sens de l’État ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland du Luart. C’est la solidarité !
M. François Baroin, ministre. Même les socialistes espagnols ont voté la règle d’or, comme la droite qui était dans l’opposition à l’époque. Nous devrions être animés du même esprit. L’approche de la campagne électorale ne doit pas faire perdre à la représentation nationale le sens des responsabilités. Ce vote contribuera à sauver la Grèce, à éviter la contagion, à garantir la solidité et l’unité de la zone euro et à créer les conditions d’un rebond de croissance.
Il en ira de même lors du Conseil européen du 2 mars prochain, au cours duquel la France et l’Allemagne feront des propositions.
Revenons à notre action en faveur de la Grèce, qui remplit désormais toutes les conditions requises pour le lancement du programme de soutien. Le parlement grec a adopté l’accord agréé avec la troïka – Commission européenne, Banque centrale européenne, Fond monétaire international – le 12 février dernier.
Par ailleurs, les réformes permettant la modernisation du marché du travail sont déjà engagées ; d’autres les suivront dans les prochaines semaines. Le Premier ministre grec, M. Papademos, a pris des engagements sur ce point lundi soir. Ces réformes visent à restaurer la soutenabilité des finances publiques grecques et la compétitivité de l’économie grecque, gage d’une croissance soutenable. Le 15 février dernier, les partis de la coalition au pouvoir, le Pasok et la Nouvelle Démocratie, se sont engagés par écrit à soutenir et à mettre en œuvre les réformes requises par le second programme.
En contrepartie de ces efforts significatifs et après plus de treize heures de négociations, nous sommes parvenus à un accord d’envergure sur un plan de sauvetage de la Grèce, dont je rappellerai rapidement les principaux paramètres.
En premier lieu, les États membres de la zone euro et le FMI apporteront 130 milliards d’euros de prêts – et non de subventions – d’ici à 2014, en plus du précédent programme de 110 milliards d’euros. Ces prêts seront rémunérés aux conditions de marché. Les États créanciers ont accepté de réduire les taux d’intérêt servis par la Grèce sur les prêts bilatéraux antérieurs, et ce de manière rétroactive. Le FMI décidera, au cours de la deuxième semaine de mars, du montant définitif de sa participation à ce prêt.
En ce qui concerne la participation du secteur privé, la Grèce lancera dans les prochains jours l’offre d’échange de sa dette souveraine. Cette offre implique une décote de la valeur nominale de la créance, qui représente une annulation de dette de plus de 100 milliards d’euros. Les taux d’intérêt sur la nouvelle dette seront plus faibles que ceux de la dette ancienne : cela correspond à un effort significatif de la part des créanciers privés. Je précise que cet effort est consenti sur la base du volontariat, ce qui permet d’éviter un défaut de la Grèce et, par voie de conséquence, le déclenchement des contrats d’assurance sur les titres souverains, les fameux CDS.
En deuxième lieu, la Banque centrale européenne, la BCE, et les banques centrales nationales ont pris des décisions fortes, dans le plein respect de leur mandat.
La BCE et les banques centrales nationales restitueront les plus-values réalisées sur les titres grecs dans le cadre du programme d’achat sur le marché secondaire ou dans le cadre des opérations de portefeuille. Ces deux contributions s’ajoutent aux interventions conduites par la BCE au profit du refinancement bancaire.
En troisième lieu, la mise en œuvre des engagements pris par la Grèce fera l’objet d’un suivi régulier et renforcé. Certains ont abusivement parlé de tutelle ; il s’agit en réalité du renforcement du dispositif de contrôle et de la fréquence des visites des experts de la troïka, ainsi que du maintien de leur intervention, sous forme de conseils, afin d’accompagner le Gouvernement grec dans la mise en œuvre des réformes qu’il s’est engagé à mener.
Enfin, les autorités grecques modifieront leur Constitution d’ici à 2013, pour faire du paiement des intérêts et du remboursement de la dette souveraine une dépense prioritaire.
Ce plan de sauvetage permettra à la Grèce de restaurer la soutenabilité de ses finances publiques et la compétitivité de son économie.
La prochaine étape est désormais celle du renforcement des pare-feu européens : tel est l’objet de l’article du projet de loi de finances rectificative portant sur le Mécanisme européen de stabilité.
Je voudrais maintenant rappeler brièvement le contexte macroéconomique dans lequel s’inscrit ce collectif budgétaire.
En France, l’activité a rebondi au troisième trimestre 2011, mais son ralentissement s’est poursuivi dans la zone euro, où le taux de croissance s’est établi à seulement 0,1 %.
Ce ralentissement s’est confirmé au quatrième trimestre, et le PIB de nombreux pays de la zone s’est contracté. En France, en revanche, la croissance a bien résisté : elle s’est établie à 0,2 %. Sur l’ensemble de l’année 2011, la croissance du PIB est donc de 1,7 % dans notre pays, chiffre conforme à la prévision du Gouvernement.
Que n’avions-nous entendu à ce propos lors de la discussion du projet de budget pour 2012 ! On nous disait que c’était un objectif inatteignable, compte tenu du contexte mondial, du ralentissement de l’économie américaine… Les mêmes « encouragements » nous avaient été prodigués à propos des perspectives de réduction du déficit public. On nous avait affirmé que nous ne pourrions jamais ramener celui-ci de 7 % à 5,7 % ; or nous ferons mieux encore !
Cela signifie que, sur les deux points essentiels, sur les deux éléments constitutifs de la matrice de la construction budgétaire, à savoir la perspective de croissance et la réduction du déficit public, nous avons atteint ou dépassé nos objectifs, contre les prévisions des observateurs et à rebours de l’ensemble de la zone euro, puisque la France est le seul pays à avoir enregistré de la croissance au dernier trimestre de 2011. Je veux insister sur ce point, car cela renforce les arguments que nous développons à l’appui de ce collectif budgétaire. (M. René-Paul Savary applaudit.)
Reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que la stratégie adoptée par le Gouvernement dans cette conjoncture particulièrement difficile est la bonne et qu’elle a porté ses fruits. Elle a respecté un parfait équilibre entre la consolidation des finances publiques et la préservation de notre croissance.
Pour autant, nous tenons compte naturellement de l’environnement, et le Gouvernement fait preuve de la plus grande prudence.
Ainsi, nous avons retenu, pour 2012, une prévision de croissance de 0,5 %, qui reflète les incertitudes pesant encore sur l’activité mondiale. Je ne doute pas que l’accord intervenu lundi soir contribuera puissamment, dans la durée, à restaurer la confiance des investisseurs en la stabilité de la zone euro.
Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que les résultats du dernier trimestre nous donnent déjà un acquis de croissance, pour cette année 2012, de 0,3 %.
Certains indicateurs signalent une évolution plus favorable de l’activité en début d’année. Ainsi, les dernières enquêtes de conjoncture ont cessé de manifester une détérioration. En outre, le financement de l’économie demeure globalement satisfaisant, et le Gouvernement veille à ce que la consolidation des fonds propres des banques françaises ne pèse pas sur le marché du crédit.
Nous restons extrêmement vigilants sur le niveau de crédit aux ménages et aux entreprises françaises. À la fin de décembre, l’encours de crédit à l’économie française était en hausse de 5,3 % sur les douze derniers mois, contre 1,3 % sur la même période pour l’ensemble de la zone euro.
En ce qui concerne le crédit aux collectivités locales, sujet qui vous préoccupe légitimement, afin d’éviter tout risque de détérioration de l’accès au financement, nous avons décidé de mettre en place une enveloppe exceptionnelle de 5 milliards d’euros à partir des fonds d’épargne, dont 2 milliards d’euros seront disponibles dans les tout prochains jours.
Cette enveloppe s’ajoute aux 5 milliards d’euros que le Gouvernement avait déjà débloqués à la fin de l’année dernière. Elle permet d’organiser la période de transition avant la finalisation de la mise en place de la nouvelle filiale commune de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque postale, issue du plan de restructuration ordonnée de Dexia. La nouvelle structure sera opérationnelle d’ici à la fin du premier semestre 2012.
Nous veillons aussi, naturellement, à ce que le secteur bancaire reste mobilisé pour financer l’ensemble des activités des collectivités locales.
Frédéric Lefebvre et moi-même avons réuni lundi dernier les principales banques françaises, la Banque de France et la Médiation du crédit. À l’issue de nos discussions, les banques se sont engagées à octroyer environ 10 milliards d’euros de crédits nouveaux aux collectivités locales en 2012, hors nouvelle enveloppe sur fonds d’épargne. Au total, entre la constitution de la joint venture de la Caisse des dépôts et de la Banque postale, l’enveloppe de 5 milliards d’euros, dont 2 milliards d’euros seront immédiatement disponibles, et l’engagement pris par le secteur privé d’accorder 10 milliards d’euros de crédits nouveaux, les besoins de financement des collectivités locales, qui sont estimés, pour l’exercice 2012, entre 17 milliards et 20 milliards d’euros, devraient être satisfaits sans difficulté.
Par ailleurs, comme ses partenaires, la France a pris l’engagement, au G20 et devant les instances européennes, de participer à la fois à la consolidation budgétaire et au soutien à l’activité économique. C’est tout le sens des propositions qui seront présentées tout à l’heure avec beaucoup de talent et d’énergie par Valérie Pécresse. À cet instant, je voudrais simplement prendre le contre-pied de quelques idées reçues.
Les cotisations sociales à la charge des employeurs sont de vingt-deux points plus élevées en France qu’en Allemagne. Un rapport publié aujourd’hui par l’INSEE montre que la France détenait un net avantage en matière de coût du travail horaire dans l’industrie en 1996 mais que l’écart avec l’Allemagne s’est entièrement résorbé depuis, les coûts étant équivalents en 2008.
On constate donc indiscutablement une perte de compétitivité, qui s’explique par l’évolution des coûts horaires. L’INSEE ne manque d’ailleurs pas de souligner que la mise en place des 35 heures a lourdement contribué à cette dynamique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. L’INSEE dit le contraire !
M. François Baroin, ministre. C’est un handicap évident, et cela ne peut plus durer !
Il est impératif d’enrayer cette évolution pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous souhaitons donc supprimer la cotisation « famille » des employeurs pour les salaires allant jusqu’à 2,1 fois le SMIC, puis la réduire de façon dégressive jusqu’à 2,4 fois le SMIC.
C’est là une mesure forte, dont les effets bénéfiques sur l’emploi sont avérés : de 200 000 à 400 000 emplois ont été créés ou préservés grâce aux allégements de charges de 1995, de 400 000 à 800 000 l’ont été grâce aux allégements de charges décidés en 2003 !
Les faits sont là, mesdames, messieurs les sénateurs : chaque fois que des allégements de charges ont été mis en œuvre en France, des centaines de milliers d’emplois ont été créés ou sauvegardés ; chaque fois, cela a profité à notre économie dans son ensemble.
Je ne préciserai que deux aspects de cette réforme ambitieuse, qui sera présentée dans le détail par Valérie Pécresse.
Ces allégements de charges concerneront d’abord les bas salaires et les PME. Ils visent les entreprises qui sont le plus exposées à la mondialisation ; 80 % des salariés de l’industrie seront concernés, et 97 % de ceux de l’agriculture.
Pour ce qui est du financement de la mesure, je veux souligner que le relèvement du taux normal de TVA n’aura pas d’incidence sur le pouvoir d’achat des Français.
M. Jean-Pierre Caffet. Tu parles !
M. François Baroin, ministre. En effet, seul le taux normal de TVA est relevé. Or 60 % de la consommation des ménages français est assujettie aux autres taux de la TVA. Par ailleurs, le montant de l’augmentation de TVA est de 25 % inférieur à celui de la réduction des cotisations sociales. Il s’agit donc d’un projet vertueux.
En ce qui concerne maintenant le Mécanisme européen de stabilité, celui-ci sera mis en œuvre à partir du 1er juillet prochain, alors que l’échéance avait initialement été fixée au 1er janvier 2013. Il a été décidé d’inscrire ce dispositif dans la durée. Le montant de sa dotation n’a pas été modifié : il demeure fixé à 80 milliards d’euros, soit une quote-part, pour la France, de 16,5 milliards d’euros. Cette contribution de 16,5 milliards d’euros devait être versée en cinq annuités de montant égal. Il a été décidé d’anticiper les versements : dès 2012, la France versera deux annuités au lieu d’une, soit un montant de 6,5 milliards d’euros. Ce versement, je le rappelle, n’a aucune incidence sur le déficit public.
Davantage de solidarité européenne, cela signifie aussi davantage de discipline. C’est la raison pour laquelle le traité intergouvernemental instaure un ensemble de règles contraignantes, assorties de sanctions financières, qui s’imposeront de manière quasiment automatique. Ces règles préviendront et sanctionneront toute dérive budgétaire et tout déséquilibre macroéconomique.
Avec l’implication des parlements nationaux, la France a œuvré à l’ajout de deux volets complémentaires au traité, portant d’une part sur le renforcement de la gouvernance économique au sein de la zone euro, d’autre part sur la coordination des politiques économiques en vue de promouvoir la croissance.
En conclusion, j’évoquerai les contours de la nouvelle taxe sur les transactions financières.
La France a joué un rôle moteur, au sein du G20, sur cette question. Le Président de la République a lui-même été à l’origine d’une mobilisation générale autour de la mise en œuvre d’une contribution du secteur financier à la résorption de la crise.
Le dispositif que nous vous présentons aujourd’hui comporte deux volets.
Le premier consiste en l’instauration d’une taxe sur les acquisitions d’actions. L’objectif est de faire participer le secteur financier, comme je le disais à l’instant, au redressement des finances publiques.
Le second a trait à la mise en place de deux taxes destinées à modifier les comportements des acteurs de marché, dans la mesure où elles frapperont les activités les plus spéculatives. L’une porte sur les activités dites de « trading haute fréquence », l’autre sur la détention de certains contrats d’échange sur défaut souverain, ou CDS.
Cette dernière taxe permet de cibler spécifiquement les opérations de pure spéculation sur le défaut d’un État et de contraindre les opérateurs de marché à ne plus effectuer de telles opérations. Ce n’est en aucun cas une alternative au projet européen. Nous continuerons d’ailleurs d’apporter notre plein soutien de principe au projet de directive.
Huit autres ministres des finances de pays de la zone euro se sont joints à moi pour adresser une lettre à la présidence danoise de l’Union européenne, afin de l’inviter à accélérer le calendrier de la mise en œuvre du projet de directive. Réunir neuf États membres permet de mettre en place un projet de coopération renforcée.
C’est une avancée politique que nous devons à la détermination du Président de la République et de la Chancelière allemande. En tout état de cause, cela montre que la proposition de taxe inscrite dans ce projet de loi de finances rectificative contribue à accélérer la dynamique européenne. Nous voulons que ce nouveau dispositif entre en vigueur au 1er août 2012.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans un contexte économique difficile, le Gouvernement continue d’agir, de réformer ; il prend des mesures courageuses, pour l’avenir de la France comme pour le soutien à l’Union européenne. Je ne doute pas que la qualité de vos débats permettra d’éclairer l’opinion sur les enjeux et sur les positions des uns et des autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord rendre hommage à la commission des finances du Sénat, qui a examiné ce projet de collectif budgétaire dans des délais très serrés.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est une habitude !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Présenter ce collectif était indispensable. La France, comme la plupart des pays européens, doit aujourd’hui relever deux grands défis : celui de la croissance et celui du désendettement. Au cœur de ces deux défis, il y a une notion essentielle : la compétitivité.
Il n’y aura ni croissance forte et durable, ni amélioration de l’emploi, ni désendettement possible si nous ne prêtons pas une attention toute particulière à la compétitivité de notre économie et de nos entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la compétitivité est donc au cœur de ce collectif. Si nous vous le présentons maintenant plutôt qu’hier ou que demain, c’est parce qu’il y a des décisions incontournables à prendre aujourd’hui même pour l’avenir de notre pays et que la conjoncture économique est indifférente au calendrier électoral ; mais surtout, c’est parce que les Français ne peuvent pas attendre : quand il s’agit de la croissance et de l’emploi, l’attentisme ne peut pas être une politique.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ni l’abstention !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans ces conditions, accuser le Gouvernement d’agir trop tôt ou trop tard n’a tout simplement pas de sens : l’important, c’est d’agir !
Cela fait quinze ans que notre pays est pris dans une spirale de déficit de compétitivité et notre responsabilité, aujourd’hui, est de tout mettre en œuvre pour l’en sortir, en poursuivant notre ambitieux programme de réformes. En effet, notre action s’inscrit dans une continuité parfaite depuis cinq ans.
Ce collectif va donc nous permettre de réaliser une nouvelle avancée majeure en matière de compétitivité.
Les chiffres sont parlants : si l’investissement et la consommation des ménages se portent plutôt bien, avec des hausses respectives de 0,9 % et de 0,2 % au quatrième trimestre 2011, nos performances commerciales, elles, se dégradent depuis plus de dix ans. Nos exportations progressent trois fois moins vite que celles de l’Allemagne. Notre part dans les exportations de la zone euro est passée de 15,8 % en 2000 à 12,9 % aujourd’hui. Parallèlement, nous importons de plus en plus : la part des importations dans la consommation de produits manufacturés des ménages est passée de 28 % à 42 %. Nous avons perdu 500 000 emplois industriels depuis dix ans, et notre déficit extérieur s’aggrave continûment depuis quinze ans.
Nul ne peut le contester, nous avons bel et bien un problème de compétitivité, en grande partie lié à la faiblesse de nos exportations. Devant cette situation, depuis 2007, nous n’avons pas cessé d’agir.
La gauche semble aujourd’hui découvrir ce problème et voudrait s’y attaquer en agissant d’abord sur la compétitivité hors coûts. Cette conversion tardive est louable, mais je rappelle que, depuis 2007, ce gouvernement a agi sur la compétitivité hors coûts au travers de deux paramètres essentiels.
Le premier de ces paramètres est l’innovation. En triplant le crédit d’impôt recherche, en réformant en profondeur le fonctionnement de notre appareil de recherche, en lançant un programme d’investissements d’avenir de 35 milliards d’euros, nous avons posé les bases d’une amélioration considérable de notre capacité d’innovation qui se diffuse largement dans notre tissu productif, puisque 80 % des bénéficiaires du crédit d’impôt recherche sont des PME.
Le second paramètre est l’investissement. En réformant la taxe professionnelle, nous avons supprimé une taxation pesant exclusivement sur l’investissement de nos entreprises. Cet effort de 5 milliards d’euros annuels constitue, là encore, une avancée majeure, dont 80 % des bénéficiaires sont des PME. Il s’ajoute aux 30 milliards d’euros investis depuis 2007 par l’intermédiaire du FSI, le Fonds stratégique d’investissement, et d’OSEO pour aider nos entreprises à se financer.
Aujourd’hui, avec l’abaissement du coût du travail, nous ouvrons le deuxième acte de cette politique, celui de la compétitivité-prix. En effet, c’est faire preuve de beaucoup d’aveuglement que d’ignorer l’incidence du coût du travail sur notre compétitivité.
Je rappellerai quelques chiffres à cet égard : le coût du travail par unité produite a augmenté entre 2000 et 2009 de 20 % en France, contre 7 % seulement en Allemagne ; pour un même coût du travail, par exemple 4 000 euros bruts, l’entreprise allemande acquitte 695 euros de charges patronales, l’entreprise française 1 217 euros, soit presque le double, le salarié français recevant 2 400 euros nets, son homologue allemand 2 615 euros. Au final, ce sont les salariés français et l’emploi en France qui sont pénalisés.
Nier notre problème de coût du travail, comme le fait aujourd’hui la gauche, n’est tout simplement pas possible. Il y a quinze ans, elle disait d’ailleurs strictement l’inverse : ainsi, à l’époque, M. Jospin écrivait à Edmond Malinvaud que le niveau des prélèvements sur le travail était l’un des problèmes majeurs de l’économie française et il avait fait de la réduction du coût du travail la sixième proposition du programme du parti socialiste en 2002.
Que dire de la proposition de François Hollande d’augmenter les cotisations sociales d’un point au minimum pour financer un retour en arrière sur la réforme des retraites, au risque de détruire des dizaines de milliers d’emplois ? Aucun gouvernement en Europe, de gauche ou de droite, ne s’aventure à soutenir un tel contresens ! Nous proposons de baisser le coût du travail, vous préconisez de l’augmenter : les Français sauront choisir entre ces deux politiques !
Dans cette perspective, le Gouvernement propose de supprimer totalement les cotisations « famille » pour les salaires allant jusqu’à 2,1 fois le SMIC, puis de les réduire de manière dégressive jusqu’à 2,4 fois le SMIC. Cette réduction des charges sociales, qui apportera un avantage de compétitivité de 13,2 milliards d’euros, sera financée d’une part par une augmentation de 1,6 point de la TVA à taux normal, ce qui représente une somme de 10,4 milliards d’euros – la hausse de la TVA est donc plus faible que la baisse du coût du travail –, d’autre part, dans un souci permanent d’équité, par une augmentation de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, soit une recette supplémentaire de 2,6 milliards d’euros, apportée à hauteur de 50 % par les 5 % de ménages les plus riches. C’est là une nouvelle preuve que l’équité fiscale est au cœur de notre action.
Ce basculement de charges sociales vers la fiscalité représentera un gain de compétitivité majeur pour les entreprises, puisque la baisse de la masse salariale pourra aller jusqu’à 5,4 %. Ses effets seront immédiats. Dans un contexte de croissance ralentie et de concurrence accrue, l’intérêt des entreprises sera, dans la grande majorité des cas, de répercuter immédiatement la baisse des charges sur les prix, afin de gagner des parts de marché. J’ai accompagné le Premier ministre lors de son déplacement dans la Somme, la semaine dernière : les industriels de ce département étaient unanimes pour dire qu’une différence de prix de 1 % à 2 % décidait de l’attribution ou de la perte d’un marché. Une diminution de 5,4 % de la masse salariale représente donc un gain de compétitivité considérable pour nos entreprises.
Il résultera de l’application de cette mesure que les produits français seront avantagés par rapport aux produits importés, puisque les produits fabriqués en France verront leur prix baisser, sur le marché national et à l’exportation, alors que les produits importés subiront la hausse de la TVA sans bénéficier de la baisse de charges.
J’ajoute que le ciblage que nous avons retenu assure qu’il y aura un lien étroit entre emploi et compétitivité.
Le barème des allégements de charges doit d’abord être simple, pour pouvoir s’appliquer facilement aux PME et aux TPE. C’est pourquoi nous avons prévu une suppression intégrale des charges sociales familiales jusqu’à 2,1 fois le SMIC et dégressive jusqu’à 2,4 fois le SMIC. Ce ciblage nous permet de donner aux PME et aux TPE un avantage plus important que celui dont bénéficieront les grands groupes. Je sais que la Haute Assemblée est très attachée à un tel rééquilibrage fiscal entre PME et grands groupes.
Les PME et les TPE bénéficieront en effet de la moitié de la baisse du coût du travail : le gain immédiat sera pour elles de 6,5 milliards d’euros. L’essentiel des salariés des TPE seront concernés. Or, on le sait, ce sont d’abord elles qui créent l’emploi en France.
Le barème retenu nous permet en outre de cibler la baisse des charges sur les secteurs les plus exposés à la concurrence, au premier chef l’industrie, puisque notre barème permet d’alléger le coût du travail de 3,3 milliards d’euros dans ce secteur, soit 25 % de l’allégement global. Je m’étonne donc d’entendre dire que l’industrie serait insuffisamment concernée par cette mesure.