M. Jean Desessard. Dans cette affaire, le manque de dialogue social vient non pas des salariés, mais bien de la direction.
Monsieur le ministre, un préavis de grève avait été déposé le 8 décembre, mais le patronat n’ayant pas engagé de négociations, la grève a bien sûr débuté quelques jours plus tard, en pleine période de vacances scolaires.
M. Bruno Sido. Comme par hasard !
M. Jean Desessard. Mais le patron n’a donné aucun signe !
Éric Diard, auteur de la proposition de loi, reconnaît même ne pas être sûr que les employeurs aient mis tous les moyens sur la table pour négocier. Pourtant, le Gouvernement s’est mobilisé, notamment sur le terrain médiatique, pour opposer les usagers des transports aériens aux grévistes.
Afin de garantir la continuité du service, les salariés ont été remplacés par les forces de l’ordre. Mais qu’a fait alors le Gouvernement pour améliorer le dialogue social ?
M. Jean Desessard. Qu’apporte aujourd’hui cette proposition de loi en termes de dialogue social ? Rien, ou plutôt si : elle contribue à déséquilibrer le rapport entre salariés et patrons, toujours au profit de ces derniers !
Vous avez dit, monsieur le ministre, que ces grèves à répétition mettaient à mal l’entreprise.
M. Jean Desessard. Mais à qui la faute ? Croyez-vous qu’une entreprise se réduise à ses seuls patrons ? Les salariés ne la représentent-ils pas tout autant ?
Mme Éliane Assassi. Tout à fait !
M. Christian Cambon. Et les usagers ?
M. Jean Desessard. Eux aussi ont envie qu’elle fonctionne, car elle appartient à tout le monde !
Vous vous trompez de priorité. La vraie urgence, c’est de s’attaquer aux raisons des grèves, à ce qui les fait naître : la précarité et les mauvaises conditions de travail. Croyez-vous vraiment que les salariés font grève par plaisir ? Personne n’est heureux de se priver d’une partie de son salaire !
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eux le croient !
M. Jean Desessard. Les grèves permettent aux salariés de défendre leurs droits et leurs conditions de travail. Ceux qui ont lutté en décembre dernier, auxquels la droite veut aujourd'hui restreindre le droit de grève, subissent de plein fouet la libéralisation du secteur aéroportuaire, désormais à la pointe de la flexibilisation, avec un recours important à la sous-traitance et à l’intérim.
M. Charles Guené. Il faut conclure !
M. Alain Dufaut. Vous avez dépassé de deux minutes votre temps de parole !
M. Jean Desessard. Mme Procaccia n’a pas dépassé le sien, peut-être ?
À l’aéroport de Roissy, 37 % des agents de sûreté sont à temps partiel, avec des conditions de travail difficiles, de faibles salaires. Le turn-over y est de 17 %. Il est donc normal que les gens se battent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Procaccia devrait pleurer un peu plus sur la situation de ceux qui gagnent 1 300 euros par mois !
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, puisque nous disons oui au droit à l’information des usagers, oui au dialogue social, oui au combat des salariés pour l’amélioration de leurs conditions de travail, nous disons non à cette proposition de loi, qui vise à leur interdire le combat pour la dignité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la proposition de loi dont nous débattons a fait réagir les personnels concernés, du moins une partie d’entre eux, il convient d’avoir d’abord à l’esprit le point de départ de la réflexion qui y a conduit.
L’opinion a encore en mémoire les dernières grèves, qui, en décembre dernier, ont paralysé le transport aérien. Si les grèves sont, par définition, légitimes, chacun se souvient de ces deux semaines au cours desquelles des agents de sûreté aérienne ont cessé le travail dans plusieurs aéroports, entraînant des perturbations importantes.
Nous avons tous également en tête les images de passagers bloqués, souvent au moment des départs en vacances, parfois durant plusieurs jours, dans des conditions « limites » et sans aucun confort, les aéroports n’étant pas des lieux d’accueil durable du public. La situation est toujours très difficile à vivre pour les passagers obligés d’annuler leurs vacances ou leurs déplacements professionnels. Elle est aussi préjudiciable pour l’image des aéroports français et des compagnies.
M. Vincent Capo-Canellas. Pour celle de la compagnie nationale, d’abord, pourrait-on dire, tant le lien et l’attachement à Air France, dont nous connaissons la situation aujourd’hui, sont forts.
Les derniers conflits que j’ai cités en exemple nous le rappellent, le secteur aéroportuaire reste marqué par une conflictualité importante : même si la situation s’est améliorée au cours des dernières années, on compte encore 360 conflits en moyenne, chaque année, dans les aéroports français.
La proposition de loi de notre collègue député Éric Diard peut permettre, c’est en tout cas son objet principal, d’apporter une réponse à une difficulté réelle, que personne ne peut nier. Elle offre l’avantage de reconnaître les insuffisances du dialogue social entre les employeurs et les salariés, qu’ont soulignées les grèves de décembre dernier, à l’instar de celles que la RATP et à la SNCF ont connues il y a quelques années, et d’y proposer des remèdes.
D’emblée, je veux le souligner, le dispositif proposé ne revient pas à instaurer un service minimum dans les transports aériens. D’ailleurs, le voudrait-on qu’il faudrait se rendre à l’évidence : cela ne serait pas possible, car les entreprises n’ont pas, pour leur grande majorité, une obligation de service public. La proposition de loi prévoit simplement l’amélioration de l’organisation et la prévisibilité du service ; ce n’est déjà pas mal, me direz-vous.
Comment y parvenir ? L’article le plus important, l’article 2, consiste à améliorer le dialogue social dans les entreprises de transport aérien, par la mise en place d’un mécanisme de prévention des conflits largement inspiré du système dit « d’alarme sociale », qui a fait ses preuves dans les transports terrestres ferroviaires. Celui-ci a permis de favoriser la négociation et de réduire singulièrement les mouvements sociaux.
Bien sûr, étendre ce mécanisme aux transports aériens suppose de l’adapter aux spécificités du secteur, notamment de tenir compte de la multiplicité des acteurs et du cadre concurrentiel existant.
La négociation plutôt que la grève ou la négociation avant la grève n’est pas un but en soi ; c’est malgré tout un progrès pour tous, salariés et direction, dirons-nous, selon le langage consacré.
Afin de prévenir les conflits, la proposition de loi donne la primauté au dialogue social, à la négociation entre les entreprises et les organisations syndicales représentatives. Écartons une idée qui pourrait jaillir sur d’autres travées : il ne s’agit pas de mettre en cause l’exercice du droit de grève, reconnu et garanti par la Constitution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Roland Courteau. Mais si !
M. Vincent Capo-Canellas. Celui-ci n’est pas affaibli par le dispositif prévu dans le présent texte, puisqu’il s’inspire directement de celui de la loi de 2007 validé par le Conseil constitutionnel.
Respectant le droit constitutionnel de grève, il nous faut prendre tout autant en compte les attentes légitimes des usagers et respecter les droits des passagers.
Chacun, dans le transport aérien, est attaché à la finalité même de la mission : transporter le passager d’un point à un autre, dans de bonnes conditions. Au cours des récentes grèves, certains passagers ont appris l’annulation de leur vol une fois effectués les contrôles de sécurité et l’enregistrement des bagages, alors qu’ils étaient quasiment assis à bord. Face à un tel constat, il faut nous rendre à l’évidence : des progrès sont souhaitables, tant la liberté de circulation est un principe important, qu’il importe de garantir.
À Roissy-Charles-de-Gaulle, 60 % des passagers transitent par l’aéroport pour prendre un vol en correspondance. Les images d’aérogares occupées par des centaines, des milliers de personnes obligées d’y dormir sont très préjudiciables pour nos aéroports et nos compagnies. De telles situations peuvent aussi engendrer, sur place, des troubles à l’ordre public.
Comment, alors, ne pas être favorable à l’obligation imposée aux compagnies aériennes d’informer leurs clients-passagers vingt-quatre heures à l’avance, ce qu’elles sont incapables de faire aujourd’hui faute de déclaration préalable des personnels ? À l’instar de ce qui figure dans la loi de 2007, le législateur prévoit donc l’obligation pour chaque salarié de se déclarer individuellement gréviste quarante-huit heures à l’avance. C’est cette disposition qui concentre les critiques. À mon sens, elle n’est pas une atteinte au droit de grève ni une limitation, car le salarié sera, bien sûr, libre, comme actuellement, de faire grève s’il estime que ses droits sont mis en cause.
Pourquoi cette obligation de déclaration est-elle nécessaire ? Le secteur du transport aérien recouvre des activités et des personnels très divers, tels que les agents de contrôle et d’embarquement, les personnels navigants, les mécaniciens, les pompiers. Se constitue une véritable chaîne d’intervenants, où chacun, de l’agent de sûreté au commandant de bord, participe à la bonne réalisation des vols. Ces professionnels exercent des dizaines de métiers avec des statuts très différents, travaillent dans des entreprises de tailles très diverses, dont une bonne part de sous-traitants. Il faut donc une déclaration préalable, mais cela ne doit pas empêcher les pouvoirs publics de poser les conditions d’une meilleure pratique du dialogue social.
Assurément, la proposition de loi ne permettra pas de régler tous les problèmes sociaux des personnels des entreprises du transport aérien. Comme l’ont montré nos collègues députés Daniel Goldberg et Didier Gonzales dans leur récent rapport d’information sur la sûreté aérienne et aéroportuaire, la question de l’amélioration de la prévisibilité du service rejoint celle sur les conditions de travail des personnels. La grève des agents de sûreté du mois de décembre dernier a été, sur ce point, révélatrice de situations parfois très difficiles.
Monsieur le ministre, je crois savoir que le Gouvernement réfléchit à améliorer les conditions de travail, notamment pour les agents de sûreté, avec des mesures en termes de qualification, de formation et de certification par l’État. Nous ne pouvons que le soutenir et l’encourager dans cette voie.
M. Vincent Capo-Canellas. Le groupe de l’Union centriste et républicaine souhaite que les deux piliers – dialogue social et droit des passagers – soient respectés.
Examinant cette proposition de loi quelques jours après la grève qui a été particulièrement suivie à Air France, nous ne pouvons que constater l’inquiétude des salariés quant à leur avenir et à celui de la compagnie. Je suis, comme beaucoup d’entre vous, attaché à notre compagnie nationale. J’espère que les voies du dialogue ainsi privilégiées permettront au plan de retour à la compétitivité, engagé par le nouveau président-directeur général, d’être mis en œuvre avec l’ensemble des personnels. Ce plan est essentiel, tout comme le sont le dialogue et l’adhésion de ces derniers.
Je souhaite que la discussion de la proposition de loi aboutisse à dissiper l’inquiétude de fond qu’elle a pu susciter et que son adoption rende possible un exercice apaisé du droit de grève, mieux compris de nos concitoyens, qui ne se sentiront pas otages d’une absence de dialogue social.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union centriste et républicaine approuve cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juillet 2008, le Président de la République déclarait triomphalement : « Désormais, quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit ! »
M. Roland Courteau. C’est vrai, il l’a dit !
Mme Isabelle Pasquet. Le mouvement social de décembre dernier dans les aéroports lui a donné tort. Il fallait donc remédier à cet état de fait, et vite. C’est ainsi que la présente proposition de loi, tombée à point nommé, vise à encadrer l’exercice du droit de grève dans le secteur aérien.
Elle s’inspire ainsi très largement de la loi adoptée en 2007 concernant les transports terrestres, alors même que la situation est fondamentalement différente. Ce copier-coller et l’insertion de nouvelles dispositions permettant de sanctionner plus fortement les grévistes usant de leurs droits fondamentaux nous laissent à penser qu’elle se heurte, plus encore que la précédente, à des motifs d’inconstitutionnalité ; j’y reviendrai.
Je m’attacherai, dans un premier temps, à relever l’acharnement du Gouvernement, sous couvert de renforcement du dialogue social et même de compétitivité, à restreindre les droits des travailleurs à la portion congrue. Il faut dire que la recherche du dialogue social n’est pas sa première vertu, comme en témoigne, encore récemment, le semblant de sommet social, où tout était ficelé d’avance. Le Gouvernement se caractérise plutôt par son autoritarisme ainsi que par la volonté inébranlable d’appliquer consciencieusement le programme du MEDEF.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Isabelle Pasquet. Il n’y a qu’à voir, déjà, la méthode employée. En passant par une proposition de loi, vous vous dédouanez de l’obligation de consulter les syndicats.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Est-ce là votre conception du dialogue social ? Ainsi, et par tous les moyens, il faut briser le droit de grève, voie ultime d’expression et d’action des salariés lorsque le dialogue a échoué.
Vous laissez entendre que le droit de grève est uniquement exercé pour gêner les usagers. Sachez que les salariés préféreront toujours un accord à un conflit.
Pour contourner ce droit constitutionnel, vous n’avez eu par ailleurs de cesse d’invoquer de nouveaux droits, invoquant même un pseudo-« droit aux vacances ».
Mme Isabelle Pasquet. Il faut dire que, juridiquement, cette atteinte au droit de grève ne tient pas la route. Si vous avez pu arguer, lors de la discussion de la loi sur les transports terrestres, de la continuité du service public, ce principe ne peut s’appliquer au secteur aérien, où les obligations de service public sont devenues mineures à la suite des différentes politiques de déréglementation et de privatisation.
Vous faites donc appel à la liberté de circulation des voyageurs, et même à l’ordre public. Pourtant, une grève dans le secteur aérien n’empêche, en rien, la circulation des voyageurs ; elle les prive simplement d’un moyen de circulation.
De plus, nous avons entendu que ces salariés avaient pris en otage les vacanciers. Mais que dire, alors, des augmentations continues des loyers, du prix de l’énergie ?
Mme Catherine Procaccia. Quel rapport ?
Mme Isabelle Pasquet. Vous pleuriez tout à l’heure, madame, sur les usagers. Nous, nous pleurons sur les personnes qui ne peuvent pas se loger ou qui ont des difficultés au quotidien ! (M. Claude Dilain applaudit.)
Mme Catherine Procaccia. Cela n’a rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous devriez pleurer un peu plus sur ceux qui n’ont pas de vacances, madame Procaccia !
Mme Isabelle Pasquet. Votre volonté d’opposer les salariés ne fonctionne pas non plus. La lutte de certains salariés pour obtenir des conditions de travail dignes dans leurs entreprises permet de faire évoluer notre droit au bénéfice de tous. En 1968, à la suite des grèves, le salaire minimum a été revalorisé de 35 % et les salaires réels ont augmenté, en moyenne, de 10 %.
Le droit de grève est effectivement un droit, certes individuel, mais qui trouve son efficacité dans un exercice collectif. Cette proposition de loi cherche à individualiser le lien des salariés à la grève, à les isoler, facilitant par là même la pression des employeurs sur leurs agents.
En outre, ces dispositions restent inefficaces face aux maux qui affectent bel et bien le transport aérien, tout comme les transports terrestres. En effet, comme le souligne l’excellent rapport de nos collègues députés, ce qui mine le secteur aérien, notamment son service de sécurité, largement sous-traité, ce sont les conditions de travail déplorables et l’absence de dialogue social.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Il est remarquable que le P-DG d’Air France, M. Alexandre de Juniac, juge urgent, quelques jours seulement avant la discussion de cette proposition de loi, de renégocier les accords sociaux, afin de retrouver un « cash flow confortable ». Il montre ainsi sa grande ouverture d’esprit en matière d’amélioration des conditions de travail… La seule réponse du patronat consiste toujours à compresser les salaires ou à mettre en œuvre des plans sociaux.
Ce n’est pas en instaurant un système d’alarme sociale rallongeant la durée du préavis que vous contraindrez les employeurs à négocier, a fortiori dans un secteur où les salariés ne bénéficient pas d’un statut protecteur de leurs droits, comme c’est encore le cas à la SNCF ou à la RATP.
Il faut d’ailleurs préciser que la loi de 2007 a conduit à la multiplication des demandes de consultations immédiates, qui ont augmenté de 213 % entre 2007 et 2010, sans pour autant diminuer le nombre de grèves. La conflictualité reste toujours aussi présente et le dialogue social n’est aucunement à l’œuvre. Cette loi n’est donc pas un exemple à suivre.
En outre, la nouvelle obligation imposée aux salariés ayant déclaré leur intention de faire grève de déclarer, vingt-quatre heures à l’avance, s’ils y renoncent et aux salariés en grève de respecter la même procédure avant de reprendre le travail, contraint ceux-ci, en dehors de toute exigence de continuité du service, à prolonger de vingt-quatre heures leur action. Une telle mesure laisse penser que, vingt-quatre heures avant le début d’une action, on ne discute plus !
Par ces nouvelles dispositions, qui s’apparentent à une mesure de rétorsion, vous faites payer à l’ensemble des salariés les pratiques contestables de syndicats minoritaires.
Sur le fond, ces mesures sont loin de répondre à une exigence d’amélioration du dialogue social dans les entreprises. Elles ne constituent pas non plus une réponse efficace à la demande de transport de qualité exprimée par les usagers des transports.
La « galère » actuelle des usagers du train, du métro, du RER ou de l’avion est le résultat de dysfonctionnements sans lien avec les grèves, mais dus au désengagement de l’État de ses missions d’intérêt général et de service public.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Oui, la mobilité est bien un droit pour les usagers, mais c’est à la puissance publique de le garantir. La qualité de service s’obtiendra non par une mise au pas des salariés et le musellement des syndicats, mais bien par des investissements permettant sa réalisation.
Il nous faut également réfléchir à la construction d’un cadre modernisé du dialogue social.
Par cette proposition de loi d’affichage, en parlant d’instaurer un service minimum ou un service garanti, vous leurrez également nos concitoyens. Le véritable service garanti ne peut en effet exister sans recours à la réquisition, une procédure inapplicable en l’espèce.
Nous pensons, pour notre part, que le droit de grève est un droit utile, nécessaire à toute démocratie, au même titre que le droit de vote, qui fut acquis de haute lutte par les salariés eux-mêmes.
Pour toutes ces raisons, nous sommes frontalement opposés à cette proposition de loi, comme nous l’étions à la loi de 2007. Loin de renforcer la qualité du service, ce texte se révélera contre-productif et inefficace, tout en portant une atteinte caractérisée à une liberté fondamentale des salariés, qui a rendu possibles nos plus belles avancées sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
6
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire des Comores
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation du Parlement monocaméral des Comores, conduite par son président, M. Bourhane Hamidou. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Cette délégation, au cours de sa visite en France, a pu mesurer l’apport du bicamérisme aux institutions françaises et s’intéresse plus particulièrement, s’agissant du Sénat, aux relations entre le Parlement et les collectivités territoriales.
Je souhaite un bon séjour parmi nous à cette délégation d’un parlement francophone, accompagnée dans sa visite par notre collègue Éliane Assassi, présidente déléguée pour les Comores de notre groupe régional France-Madagascar et pays de l’océan Indien. (Applaudissements.)
7
Transport aérien de passagers
Suite de la discussion en procédure accélérée et rejet d'une proposition de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi présenter aujourd’hui cette proposition de loi relative au transport aérien de passagers ? Et pourquoi avoir exclu le transport aérien de la loi du 21 août 2007 dite de « service minimum dans les transports » ? Après cinq années d’exclusion, il faut absolument faire passer cette proposition de loi, à l’aide de la procédure accélérée. C’est de la provocation pure et simple ! Ce faisant, vous ne réussissez qu’à déclencher des conflits. On sent que les élections approchent...
En précipitant les choses, en passant en force, vous faites une belle démonstration de dialogue social !
En 2007, vous estimiez que le service minimum ne pouvait concerner que les transports terrestres, dans la mesure où ceux-ci assurent une mission de service public, tandis que les transports aériens concernent des entreprises privées. Vous voulez donc réglementer, aujourd’hui, le droit de grève au sein des entreprises privées !
Vous dites vouloir instaurer le « service minimum » dans le transport aérien. Il n’en est rien ! Cette proposition de loi tend, en fait, à encadrer, ou plutôt à restreindre, l’exercice du droit de grève, à l’instar de la loi du 21 août 2007 dont l’objet n’était pas non plus la mise en place d’un service minimum. Les dispositions en vigueur prévoient en effet une déclaration préalable, et non un service minimum. Or les contrôleurs aériens, s’ils ne sont pas soumis à une déclaration préalable, sont déjà astreints à un service minimum contraignant. Oui, les conditions d’exercice du droit de grève des contrôleurs sont d’ores et déjà très encadrées !
Je rappelle que le droit de grève est un droit constitutionnel. Conquis par les contrôleurs aériens, ce droit leur fut retiré en 1964, avant de leur être rendu en 1985, assorti d’un service minimum régi par une loi spécifique. Le service minimum existe donc bel et bien, j’y insiste, dans le secteur du transport aérien. Il permet d’assurer, par exemple, les vols d’État, de défense nationale, de sauvegarde des personnes et des biens, la moitié des survols du territoire français par les vols internationaux, ainsi que le trafic suisse à l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
Le but de ce texte n’est donc pas d’instaurer un service minimum, mais bien d’encadrer le droit de grève, ou plutôt de le remettre en cause.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Patricia Schillinger. Par ailleurs, la prévention des conflits par le biais d’un dispositif d’alarme sociale existe déjà sous la forme d’une « charte », en vigueur depuis 2009.
Je vous le demande donc à nouveau, monsieur le ministre : pourquoi présenter cette proposition de loi aujourd’hui ?
Quant à l’obligation pour les grévistes de se déclarer individuellement quarante-huit heures à l’avance, il s’agit d’une mesure inacceptable visant à permettre le fichage et à entraver le dialogue social.
Si une grève est déclenchée, c’est à cause d’un manque de dialogue social. Ainsi, le Gouvernement ayant choisi de passer en force, un conflit s’est déclenché, qui a pris la forme des grèves de la semaine passée.
Je vous suggère, monsieur le ministre, de lire le rapport que j’ai publié avec Joël Bourdin sur la prospective du pacte social dans l’entreprise.
M. Roland Courteau. Bonne lecture !
Mme Patricia Schillinger. Nous y présentons le malaise qui règne actuellement dans les entreprises, ainsi que des propositions visant à restaurer la qualité de l’emploi et du travail.
Les nouvelles organisations du travail et de management sont néfastes, car trop orientées vers une logique financière à court terme ; elles engendrent ainsi un stress accru. Ce réel inconfort des salariés est préjudiciable à la performance des entreprises.
Le management exerce des tensions renforcées sur le travail. On observe de plus en plus fréquemment une flexibilisation des salaires et des emplois, qui a pour conséquence une explosion des inégalités de répartition minant le contrat social dans son ensemble. Bien évidemment, toutes ces variables pèsent sur les salaires, tout en permettant aux propriétaires du capital de défendre efficacement leur part du revenu national.
Vous avez décidé de proposer ce texte à la suite des mouvements de grève de décembre dernier. Or pourquoi les agents de sûreté, pour ne citer qu’eux, ont-ils lancé une grève ? Ils voulaient obtenir une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail, car celles-ci se dégradent de plus en plus !
Oui, leurs emplois sont précaires, et leurs rémunérations trop faibles pour leur permettre de vivre dignement. Or personne n’a voulu les entendre ! Faute de dialogue social, une grève a donc été déclenchée.
Un agent déclarait, en décembre dernier : « Nos conditions de travail empirent chaque jour, on subit de plus en plus de pression, on est de moins en moins nombreux sur les filtres, et notre pouvoir d’achat ne cesse de baisser. ». Que fait M. Sarkozy, président du pouvoir d’achat ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Il fait grève !
Mme Natacha Bouchart. Hors sujet !
Mme Patricia Schillinger. Nous nous orientons vers un effritement du droit social et des conditions de travail. L’emploi devenant un bien rare, le rapport de forces dans la négociation est radicalement déséquilibré, et ce aux dépens des salariés. Il est important de revaloriser le travail, tant financièrement que qualitativement, tout en respectant « les mécanismes du marché ». Il faut réguler les excès de concurrence et favoriser un développement continu du capital humain. Enfin, il est essentiel d’impliquer les salariés dans toute « conduite du changement ».
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Patricia Schillinger. Comme vous le savez, sans une amélioration significative du pacte social au sein de l’entreprise, dans le sens d’une meilleure reconnaissance des salariés et d’une revalorisation du travail, l’économie et la société pourraient s’exposer à de sérieux revers au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)