M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. L’amendement n° 20 tend à substituer à l’ARCEP le comité de gestion du fonds d’aménagement numérique du territoire. Lors du débat en commission, nous avions en effet évoqué cette possibilité, mais ce comité de gestion n’existe toujours pas : il a en effet été créé par une disposition de la loi Pintat du 17 décembre 2009 dont nous attendons depuis deux ans le décret d’application !
Confier une mission à un organisme que le Gouvernement ne semble pas vouloir mettre en place, bien qu’il soit déjà créé juridiquement, ne me paraît pas une bonne idée. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
La première phrase du 1° de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifiée :
1° Les mots : « ainsi qu’aux » sont remplacés par le mot : « aux » ;
2° Après les mots : « liberté de communication », insérer les mots : « ou en cas de constatation de l’inexécution d’une convention en application du deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par MM. Retailleau et Hérisson.
L’amendement n° 43 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Bruno Retailleau. À partir du moment où je m’oppose aux sanctions, il est naturel et logique que je demande la suppression de cet article.
Je tiens seulement à vous faire observer, monsieur le rapporteur, que l’adoption de l’article 12 entraînerait un véritable dévoiement du point de vue de la correction juridique : en effet, vous raccrochez votre dispositif à l’article L. 36-11 du code des postes et communications électroniques, qui donne à l’ARCEP le pouvoir de sanctionner les opérateurs sur la base d’obligations de nature législative ou réglementaire. Or la contractualisation que nous avons souhaité introduire dans le SDAN n’est de nature ni législative ni réglementaire : il s’agit de conventions librement consenties entre des opérateurs et des collectivités territoriales. Il me semble donc que vous ouvrez la voie à une dérive inquiétante.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Éric Besson, ministre. Selon moi, le principal problème que pose cette proposition de loi, c’est qu’elle vise en permanence à imposer, à contraindre, à sanctionner : elle obéit à une logique tournée contre les opérateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Non ! Au service de l’usager !
M. Éric Besson, ministre. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne parviendrez pas à déployer un réseau en France contre les opérateurs, vous ne pourrez le faire qu’avec eux, avec la contribution de l’État et des collectivités locales ! Cette coopération nous a permis de construire le seul cadre existant actuellement au sein de l’Union européenne.
M. Yves Rome. Mais non !
M. Éric Besson, ministre. L’article 12 tend à confier à l’ARCEP le pouvoir de sanctionner les opérateurs qui ne respecteraient pas des engagements pris sur une base volontaire, mais le résultat obtenu sera l’inverse de celui que vous recherchez.
En effet, pénaliser les opérateurs qui ont décidé d’investir les dissuadera de mener à bien leurs projets et remettra en cause la viabilité du Programme national très haut débit, empêchant donc le déploiement rapide des réseaux à très haut débit.
Je tiens à rappeler que la quasi-totalité des lignes en fibre optique installées à ce jour l’ont été par des opérateurs privés.
M. Yves Rome. Non !
M. Éric Besson, ministre. Une telle disposition ne pourra que les dissuader à investir à l’avenir dans de tels projets. L’État et les collectivités locales devront alors faire face aux investissements nécessaires au déploiement des réseaux à très haut débit : est-ce bien nécessaire, d’autant que, dans les zones où les opérateurs n’auraient pas respecté leurs engagements, il serait toujours possible aux collectivités locales, sur la base du constat de carence que j’évoquais tout à l’heure, de développer des réseaux d’initiative publique ?
Nous préférons, en tout état de cause, que l’articulation des projets publics et privés soit définie dans un cadre coopératif comme celui des commissions consultatives régionales pour l’aménagement numérique des territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je viens d’entendre M. le ministre nous reprocher de vouloir « imposer, contraindre, sanctionner » ! Toutefois, mes chers collègues, qu’y a-t-il de choquant à vouloir sanctionner une personne qui ne respecte pas ses engagements ? Ce principe se trouve à la base du fonctionnement de toute société !
Si des engagements librement consentis et contractualisés au terme d’une négociation ne sont pas respectés, cela mérite une sanction. Je suis stupéfait que des acteurs autres que les opérateurs, qui préfèrent évidemment l’immunité totale, puissent soutenir le contraire !
J’ajoute que l’on confie ce pouvoir à l’ARCEP, qui n’a pas fait preuve d’excès de zèle – certains l’ont même déploré – en matière de sanction pour non-respect des engagements des opérateurs de la téléphonie mobile. Je ne vois donc vraiment pas en quoi ces dispositions pourraient choquer.
Je le répète, les opérateurs ne sont nullement obligés de prendre des engagements contractuels. Il me paraît tout à fait normal de les sanctionner s’ils ne les respectent pas, à moins de considérer que le droit français admet, dans ce domaine, que l’on puisse se soustraire à ses engagements en toute impunité.
Monsieur le ministre, vous affirmez que seuls les opérateurs ont déployé le très haut débit. Il convient tout de même de souligner que 1,6 million de prises sont actuellement en projet dans le cadre des réseaux d’initiative publique, les RIP.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Je voudrais indiquer à M. le ministre et à M. Retailleau – qui pourrait être promu secrétaire d’État ! – que, lorsqu’il s’agit de téléphonie mobile, les opérateurs acceptent de contractualiser et d’être sanctionnés. Cela ne les dissuade pas de s’engager dans de nouvelles installations, notamment dans le réseau 4G.
Figurez-vous que, malgré la contrainte, ils donnent de l’argent au Gouvernement ! Pourquoi ce qui est valable pour la téléphonie mobile ne le serait-il pas pour le très haut débit ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Je voudrais formuler une observation, après le commentaire qui vient d’être formulé sur le peu d’efficacité de l’ARCEP en matière de sanction : si elle a déjà du mal à exécuter les missions qui lui sont confiées, comme le laisse entendre M. le rapporteur, c’est une bonne raison de ne pas lui en ajouter de nouvelles.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Pierre Hérisson. Ce n’est pas la première fois que je l’entends.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. À ce point de la discussion, j’aimerais poser une question à M. le rapporteur, puisque l’on a bien compris que l’économie du texte reposait sur l’effet dissuasif de la sanction.
Pour notre part, nous avons proposé, par exemple, que le périmètre de l’AMII retombe dans le domaine public.
Si tout le dispositif de déploiement numérique repose sur la notion de sanction, je vous retourne la question : quelle est la nature exacte de cette fameuse sanction ? Quelles sont ses modalités d’application, son montant ? Comment constate-t-on, et au bout de combien de temps, que la sanction doit s’appliquer ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Retailleau, la réponse est simple : il revient à l’ARCEP, comme c’est déjà le cas en matière de téléphonie mobile, d’étudier la situation et d’estimer si les retards sont justifiés au regard des problèmes rencontrés. La sanction ne tombe pas de manière bête et méchante ! La remarque que j’ai formulée précédemment visait à montrer non pas, comme Pierre Hérisson a feint de le comprendre, que l’ARCEP ne faisait pas son travail, mais qu’elle avait fait preuve de pragmatisme.
L’ARCEP saura apprécier si un retard relève de problèmes fondés ou de la mauvaise foi. Le délai des engagements contractuels pris par les opérateurs est ramené de cinq à trois ans, en conformité avec le droit européen. À l’issue de ce délai, les collectivités pourront saisir l’ARCEP en vue de sanctionner les opérateurs qui n’auraient pas respecté leurs engagements.
M. Bruno Retailleau. Sur quelle base ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Les pouvoirs reconnus à l’ARCEP en matière de téléphonie mobile sont élargis à la question des engagements contractés dans le cadre du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, c’est-à-dire en matière de haut débit, de très haut débit et de téléphonie mobile.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. C’est simple !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser suggérer qu’il n’y aurait aucune sanction : le fait de rebasculer dans le domaine public est une sanction crainte par un opérateur privé, pour lequel la propriété de son réseau constitue une base de stabilité de son modèle économique. C’est en tout cas la pensée dominante aujourd’hui, qu’aucun contre-exemple n’est venu infirmer.
Dans ces conditions, la sanction existe, mais elle est d’une autre nature que celle que vous suggérez. Je vous répète, à défaut de vous en convaincre, que votre logique aboutirait à décourager tout investisseur privé, qui n’aurait aucun intérêt à contracter, compte tenu de la batterie de sanctions et de menaces que vous prévoyez.
Mme Cécile Cukierman et M. Yves Rome. Mais non !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je voudrais apporter une précision supplémentaire à Bruno Retailleau.
L’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques prévoit « une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos […] ». La sanction est donc très clairement précisée dans ce code.
Pour répondre à M. le ministre, je ne vois pas en quoi le basculement dans le domaine public serait une sanction : il s’agit simplement d’une conséquence. Si un opérateur ne dessert pas une zone, celle-ci revient ipso facto à la collectivité. Pour ma part, je ne considère pas cela comme une sanction. (M. Bruno Retailleau s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 43.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
I. – Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Ils fixent par ailleurs le délai dans lequel doit s’opérer, sur le périmètre qu’ils couvrent, l’extinction du réseau haut débit fixe et son basculement intégral vers le réseau à très haut débit. Ce délai n’excède pas le 31 décembre 2025. »
II. – (Non modifié) L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes établit annuellement, dans le cadre de son rapport adressé au Parlement, la liste des territoires départementaux concernés par la mise en œuvre de ce basculement.
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, elle établit les conditions dudit basculement.
Elle rend compte de l’ensemble de ces éléments aux commissions compétentes du Parlement.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Pour reprendre la métaphore employée par Hervé Maurey, les articles 13 et 13 bis de la proposition de loi sont quasiment des armes nucléaires ! L’article 13 vise en effet à dupliquer le procédé employé pour le passage du spectre hertzien à la télévision numérique terrestre, la TNT, en fixant à 2025 la date limite du basculement vers le réseau à très haut débit.
Cependant, le spectre hertzien est la propriété matérielle de l’État ; il est un bien public. C’est aussi une ressource rare, raison pour laquelle des canaux compensatoires avaient été prévus au moment de l’adoption de la loi sur la télévision du futur.
En l’espèce, monsieur le rapporteur, vous prévoyez le basculement du réseau « cuivre », qui est un bien privé appartenant à une entreprise, vers le réseau « fibre ». Il s’agit donc purement et simplement d’une expropriation ! Cette arme extrêmement puissante s’inscrit parfaitement dans une logique de sanctions.
Je comprends que vous souhaitiez, à un moment donné, basculer tout le réseau vers la fibre. Nous avions d'ailleurs lutté, à l’époque, contre un avis très défavorable du Conseil de la concurrence en matière de montée en débit.
On ne peut pas à la fois favoriser le financement de la montée en débit, qui s’effectuera de toute façon sur le réseau « cuivre », et décider du basculement généralisé vers un autre réseau. Il s’agit, sur le plan juridique, d’une expropriation.
Nous reviendrons sur la question de la séparation fonctionnelle. Quoi qu’il en soit, dans le registre des armes que vous évoquiez, nous atteignons le niveau atomique !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Dans notre esprit, le basculement n’est qu’une conséquence. Nous ne pouvons pas avoir indéfiniment deux réseaux parallèles. Il faudra bien, à un moment donné, basculer de l’un à l’autre. L’échéance a été fixée à 2025, conformément d'ailleurs à l’objectif assigné par le Président de la République.
Un certain nombre de problèmes techniques et juridiques se posent. L’article 12 prévoit donc que l’ARCEP remet un rapport au Parlement, dans un délai de six mois, afin d’établir les conditions dans lesquelles le basculement pourra s’opérer.
Il ne s’agit ici nullement d’une arme. En toute logique, nous ne pouvons pas conserver indéfiniment deux réseaux parallèles. Prévoyons donc une date butoir en 2025. Les schémas, qui sont, je le répète, un instrument de contractualisation, permettent aux opérateurs, aux collectivités et à l’État de se mettre d’accord, territoire par territoire, pour organiser ce basculement.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. Yves Rome. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Les Allemands ont choisi la technique du VDSL, qui emploie le réseau « cuivre » avec une puissance pouvant atteindre cinquante mégabits. Peut-être souhaitera-t-on conserver le cuivre, à l’horizon 2020 ou au-delà, afin de desservir certaines zones avec un débit de trente, quarante ou cinquante mégabits ? Qui peut le dire ?
M. Pierre Hérisson. Exactement !
M. Bruno Retailleau. Tel est l’argument supplémentaire que je souhaitais porter à votre connaissance, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.
M. Philippe Leroy. J’en suis désolé, mais Bruno Retailleau tombe dans un excès de langage lorsqu’il invoque une « expropriation ». Le réseau « cuivre » a été donné à France Télécom, à charge pour cette entreprise, dans l’esprit de la loi initiale, de coopérer et d’ouvrir le réseau à la concurrence.
On ne peut pas dire que l’on exproprie en choisissant l’extinction du réseau « cuivre » : dans l’intérêt des populations, on bascule vers un nouveau réseau de fibre optique. C’est du reste le choix du Président de la République.
M. Hervé Maurey, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Leroy. Pour ma part, j’appartiens à l’UMP et je défends avec obstination mes opinions. Je suis fier du choix du Gouvernement et du Président de la République. C’est un argument supplémentaire.
Ne nous amusons pas, dans ce débat d’excellente tenue, à ce genre d’excès de langage. Le droit, dans cette affaire, n’est pas si évident que cela.
Par ailleurs, il faut cesser de mettre en doute la parole du Président de la République et celle des techniciens. Le scepticisme nous a déjà fait perdre beaucoup de temps durant la phase de montée en débit. Il nous avait été dit alors de ne pas nous préoccuper des technologies nouvelles, parce que le haut débit serait mis en œuvre par tous les moyens, y compris le hertzien, les satellites, le courant porteur en ligne, et qu’il existait de nombreuses techniques de substitution. Tout cela a semé le doute dans la population.
Le Gouvernement a eu le courage de dire qu’il fallait passer à la fibre optique, et c’est tout à son honneur. Or, tout d’un coup, on nous dit d’arrêter, car il existe peut-être d’autres solutions. Ce n’est pas sérieux ! Je vous le dis franchement, monsieur le ministre, mes chers collègues : je ne comprends pas bien.
Il est important de poursuivre ce débat et de ne pas l’occulter ; j’y reviendrai dans un instant lorsque je défendrai un autre amendement. Ce que nous commençons ce soir sera terminé dans un an, aussi devons-nous débattre de manière honnête, non biaisée. Nous aurons ensuite tout le temps, au cours de l’année à venir, de réfléchir à ces questions. (Très bien ! sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Voilà qui est clair !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Monsieur Leroy, je vous prie de bien vouloir m’en excuser, mais, malgré l’hommage que vous venez de rendre au Gouvernement – hommage que j’ai goûté, à cette heure tardive, à sa très juste valeur –, force est de reconnaître que, en l’espèce, M. Retailleau a raison.
Si vous fixez une date butoir et si vous interdisez d’utiliser un bien, il s’agit d’une expropriation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
Dans un délai d’un an suivant la publication de la présente loi, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet un rapport au Parlement sur les conséquences d’une séparation entre les activités de gestion du réseau et les activités de fourniture du service de la boucle locale cuivre.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Nous abordons ici un autre sujet d’étonnement. L’article 13 bis a été introduit par le groupe socialiste, lequel a pourtant toujours été farouchement opposé – en particulier M. Teston – à la séparation fonctionnelle, à juste raison d’ailleurs selon moi.
Lors de la transposition du troisième paquet Télécom, l’ARCEP s’est vu octroyer un pouvoir dont on a bien dit qu’il ne devait être utilisé que lorsque tous les autres remèdes auraient été tentés au préalable. On a bien indiqué alors qu’il s’agissait d’une arme nucléaire dissuasive, qui ne devait pas être utilisée. Nous étions tous, sur l’ensemble de nos travées, d’accord sur ce sujet.
Or, voilà que, aujourd’hui, on nous propose une séparation fonctionnelle ! Pierre Hérisson et moi proposons donc de supprimer l’article 13 bis. Les Anglais ont opté pour une telle séparation et ont créé Openreach. Or l’expérience n’est pas du tout convaincante en matière de déploiement du très haut débit, comme vous le savez d’ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La discussion générale ayant montré que l’article 13 bis était source de malentendus, les auteurs de cette disposition m’ont fait savoir tout à l’heure qu’ils souhaitaient que la commission émette un avis favorable sur l’amendement n° 22 de M. Retailleau.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Accusez, levez-vous ! (Sourires.)
M. Michel Teston. J’ai toujours trouvé que l’interprétation…
M. Yves Rome. Maladroite !
M. Michel Teston. … qui était faite des dispositions de l’article 13 bis nouveau était tout à fait anormale.
M. Yves Rome. Inadaptée !
M. Michel Teston. Qu’est-ce qui a motivé la réflexion du groupe socialiste ? Nous constatons tous les jours que la Commission européenne veut aller vers la séparation des activités d’un certain nombre d’opérateurs historiques.
Nous avons ainsi connu la séparation comptable dans le domaine du ferroviaire. À cet égard, le gouvernement français de l’époque est allé plus loin que ne le préconisait la Commission européenne en créant RFF, Réseau ferré de France, et en séparant cette structure et la SNCF. Comme Bruno Retailleau l’a rappelé, j’ai toujours été opposé à la séparation des activités des entreprises de réseaux.
Cela étant, il nous a semblé important de demander à l’ARCEP de réfléchir aux conséquences que pourrait avoir une telle orientation si elle était confirmée par la Commission européenne, de manière à s’y préparer et à éviter les difficultés qu’elles entraîneraient pour l’opérateur historique. Tel était l’objet de l’amendement du groupe socialiste visant à insérer un article additionnel après l’article 13 dans la présente proposition de loi.
Cette démarche n’ayant pas à l’évidence été bien comprise, nous sommes favorables à l’amendement de suppression de M. Retailleau, mais que l’on ne nous intente pas de procès à ce sujet.
Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, et comme en témoigne mon engagement ici au Sénat, je n’ai jamais été favorable à l’évolution souhaitée par la Commission européenne.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations à l’occasion de ce débat intéressant.
Tout d’abord, je pense que les comparaisons avec Réseau ferré de France doivent être faites avec la plus grande prudence. Soyons honnêtes et objectifs : si nous avons créé RFF, après en avoir débattu ici au Sénat, c’est pour lui transférer et mettre en quelque sorte en apesanteur la dette de la SNCF, un point, c’est tout ! Le reste s’est arrangé du mieux possible.
M. Michel Teston. Je n’y suis pour rien !
M. Pierre Hérisson. Je parle pour ceux qui ont pris cette décision.
Ensuite, M. Lasserre, qui a récemment relancé le débat sur la séparation fonctionnelle, s’est expliqué sur ce sujet. Il a bien dit qu’il ne s’agissait pas de revenir sur les questions dont nous avons très longuement débattu ici en 1996, en 2000 et en 2004 : fallait-il séparer les réseaux de l’opérateur historique, laisser l’opérateur historique en concurrence avec les nouveaux opérateurs et créer une structure permettant de gérer les réseaux ?
Juridiquement, France Télécom est propriétaire de ses réseaux, même si certains se demandent pourquoi l’opérateur historique a pu obtenir une décision consacrant sa pleine propriété. Cette question, qui a fait l’objet d’un long débat, a été tranchée. Il est vrai cependant, il faut le reconnaître, que les collectivités locales ont investi des sommes considérables dans l’enfouissement et la mise en souterrain des réseaux.
Le problème se pose de manière un peu moins significative dans certains pays, entre autres d’Amérique du Nord, où l’on continue à déployer la fibre optique en aérien. Aujourd'hui, le déploiement de la fibre optique y coûte environ 10 % de ce qu’il coûte chez nous. Il est important que chacun ait bien conscience de ces problèmes.
Enfin, un dernier élément me paraît important. Non, monsieur Leroy, le mot que j’ai employé tout à l'heure n’est pas excessif : France Télécom étant juridiquement propriétaire des réseaux, si la loi lui supprime la possibilité de les utiliser, cela pose un problème de dédommagement.
Ce réseau devenant inutilisable, il doit être racheté par quelqu’un, dans des conditions économiques satisfaisantes. À cet égard, je vous rappelle que la Constitution consacre le droit à la propriété. On ne peut donc pas à la fois déclarer que l’opérateur historique est propriétaire des réseaux et lui interdire de les utiliser sur le territoire.
M. le président. En conséquence, l’article 13 bis est supprimé et l’amendement n° 4 n’a plus d’objet.
Pour l’information du Sénat, je rappelle que l’amendement n° 4, présenté par M. P. Leroy, était ainsi libellé :
Compléter l’article 13 bis par un alinéa ainsi rédigé :
Le même rapport devra aborder les modalités d'une affectation d'une partie des revenus générés par la boucle locale cuivre afin de permettre l'alimentation du fonds d'aménagement numérique des territoires.