Article 10
I. – Après le troisième alinéa du I du même article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets intégrés des collectivités territoriales et de leurs groupements réalisés dans le cadre de services d'intérêt économique général, qui sont déployés dans les zones non rentables et dans les zones rentables de leur territoire dans le cadre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, sont éligibles aux aides du fonds d’aménagement numérique des territoires à condition que ces aides ne soient assises que sur la partie de ces projets déployée dans les zones non rentables. On entend par zones rentables les zones dans lesquelles des opérateurs privés ont déjà déployé leur propre réseau de lignes de communications électroniques en fibre optique très haut débit desservant l’ensemble des utilisateurs finals de la zone considérée ou se sont engagés à le faire dans le cadre de la convention jointe en annexe du schéma directeur territorial d’aménagement numérique dans les conditions fixées par le deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 du même code. »
II. – (Non modifié) Le présent article est applicable au Fonds national pour la société numérique mis en place par le programme national « très haut débit ».
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale, l’article 10 est une disposition importante. C’est, en quelque sorte, la clef de voûte de cette proposition de loi. Je voudrais répéter les raisons pour lesquelles j’y suis opposé.
Tout d’abord, sur le plan juridique, nous connaissons bien la procédure qui permet aux collectivités d’utiliser les SIEG, les services d’intérêt économique général. Dans son avis, l’Autorité de la concurrence a été assez claire, mais elle nous invitait, dans le même temps, à être prudents, en citant le cas des Hauts-de-Seine, un département qui a fait l’objet d’une contestation devant le tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne.
Si une collectivité veut établir un SIEG sur son territoire, elle doit répondre au critère d’universalité, ce qui signifie qu’une couverture totale du territoire doit être assurée. Sinon, cela devient un nid à contentieux !
Ensuite, cet article soulève une difficulté d’ordre économique. Il témoigne bien de la volonté de la commission de s’engager dans une démarche de rupture par rapport au cadre établi depuis quatre ans, puisqu’il tend clairement à encourager les collectivités à travailler là où les opérateurs ont déjà déployé leurs réseaux, et ce de façon très extensive. En effet, les zones rentables, dans lesquelles les collectivités pourront agir, sont entendues comme « les zones dans lesquelles des opérateurs privés ont déjà déployé leur propre réseau ».
Il ne s’agit donc pas seulement des zones AMII, c'est-à-dire « appel à manifestations d’intentions d’investissement ». Bien au contraire, toutes les zones sont concernées !
Je vous rappelle que le cadre actuel prévoit, dans les 148 zones très denses, la concurrence par les infrastructures – à savoir l’existence de plusieurs réseaux d’opérateurs –, le marché permettant de soutenir cet écosystème, ainsi que, dans les zones un peu moins denses, le principe du co-investissement – les quatre opérateurs nationaux ont d'ailleurs signé des accords en la matière. Enfin, le cadre actuel prévoit la complémentarité pour les collectivités.
Je pense que, si l’on encourage les collectivités à investir là où la fibre est déjà déployée, on multipliera les dépenses. Et ce n’est pas 24 ou 25 milliards d’euros qu’il faudra : c’est beaucoup plus de 30 milliards d’euros !
La mutualisation est sans doute, pour un très grand nombre de départements et pour beaucoup de régions, une fausse bonne idée ; je m’en suis déjà expliqué. Certes, elle permet de réduire le coût unitaire de la prise, la moyenne du coût entre une zone peu rentable et une zone plus rentable.
Toutefois, ce qui compte pour les collectivités, c’est la charge nette. On constate ainsi, notamment en Auvergne, en Seine-et-Marne ou dans les Hauts-de-Seine, que j’ai citées tout à l'heure, que le choix de la redondance des réseaux – plutôt que de la seule complémentarité, conformément au cadre actuel – est défavorable à la collectivité, la mutualisation ne permettant pas à cette dernière de bénéficier in fine d’un coût moindre.
Au stade actuel, on n’a donc pas intérêt à changer fondamentalement le cadre existant, ni à encourager les collectivités à s’engager dans une mauvaise voie, qui ne pourra que conduire à des gaspillages d’argent public et privé.
Mes chers collègues, quand une même zone sera couverte par deux réseaux, croyez-vous que les opérateurs choisiront le réseau public ? Bien au contraire, ils choisiront le réseau privé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Mon cher collègue, je suis un peu étonné de l’importance, peut-être excessive, que vous semblez attacher à cet article.
En effet, vous l’avez vous-même déclaré, l’article 10 reprend les préconisations de l’Autorité de la concurrence. (MM. Yves Rome et Michel Teston manifestent leur approbation.) Il rappelle qu’une collectivité peut déployer ses réseaux sur l’ensemble de son territoire, en zone dense comme en zone non dense, et toucher des subventions, à condition naturellement que ces dernières ne portent que sur le déploiement concernant la partie non dense, et sous réserve que l’opération s’inscrive dans un SIEG.
Au final, cet article ne faire que dire le droit ! À la limite, vous pourriez plutôt me reprocher d’avoir proposé une disposition inutile, qui n’apporte rien au droit existant !
Je rappelle d'ailleurs ce que j’ai dit tout à l'heure dans la discussion générale : initialement, le Programme national très haut débit, le PNTHD, autorisait le subventionnement du déploiement portant sur la partie non dense, même lorsqu’existait en parallèle un déploiement en zone dense.
Curieusement, c’est lors d’une conférence de presse des ministres Éric Besson et Bruno Le Maire, le 27 avril 2011 – je me souviens de la date parce que j’ai vécu cet événement comme un recul du PNTHD –, que l’on a subitement mis un terme à cette situation, sans que l’on sache ni pourquoi ni sur quelles bases juridiques. On a alors menacé les collectivités qui oseraient commettre un « crime de lèse-opérateur » en déployant leurs réseaux dans des territoires déjà investis par les opérateurs d’une suppression de leurs subventions, y compris celles qui correspondent au déploiement sur la partie non dense.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Jacques Chiron. Voilà qui est bien dit !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Je le répète, l’article 10 ne fait que confirmer l’avis de l’Autorité de la concurrence. Il rétablit le dispositif que le Gouvernement avait lui-même mis en place, avant de changer d’avis, au mois d’avril dernier, pour une raison inconnue ; M. le ministre s’en expliquera peut-être tout à l'heure.
En revanche – je parle sous le contrôle des présidents de conseils généraux ici présents –, cet article répond à une attente très forte des collectivités qui souhaitent pouvoir déployer leurs réseaux sur la totalité de leur territoire, et non plus seulement là où il n’y a pas un centime à gagner et où les coûts sont élevés, de manière à arriver à une péréquation des tarifs. Ce dispositif leur permettrait de n’être plus obligées de laisser les zones un peu rentables aux seuls opérateurs, qui, comme d’habitude, écrèment le territoire pour n’en garder que les bonnes parties.
M. Yves Rome. Exactement !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Pour que les choses soient bien claires, j’ajoute que l’article 10 ne vise absolument pas à obliger les collectivités à déployer leurs réseaux sur tout le territoire ; il ne les y incite même pas. En revanche, il est vrai qu’il leur en donne la possibilité et qu’il leur fournit en quelque sorte une « arme » – ce mot me sera sans doute reproché – dans la négociation.
M. Yves Rome. Très bien !
M. Hervé Maurey, rapporteur. En effet, je le répète, toute cette proposition de loi est fondée non pas sur une volonté de rupture, mais sur un souci de rééquilibrage entre des opérateurs aujourd'hui tout-puissants – je dirais même trop puissants – et des collectivités totalement soumises.
M. Yves Rome. Très bien !
M. Hervé Maurey, rapporteur. À cet égard, une collectivité est un peu plus armée dans sa négociation avec les opérateurs quand elle peut les menacer de déployer ses réseaux sur l’ensemble du territoire !
Voilà pourquoi je suis très attaché à cet article 10, sans toutefois lui accorder l’importance que mon excellent collègue Retailleau veut lui donner. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Comme l’a indiqué Bruno Retailleau, le cadre juridique européen accorde de larges possibilités d’intervention aux collectivités locales, notamment au travers de la notion de service d’intérêt économique général, dans le respect de strictes conditions portant sur la sélection de l’entreprise chargée de fournir ce service, ainsi que sur les modalités de compensation financière de cette entreprise.
Toutefois, le soutien financier de l’État aux projets intégrés des collectivités territoriales n’est pas souhaitable, pour les raisons justement mentionnées par les auteurs de l’amendement.
En effet, un tel dispositif conduirait à une duplication inutile entre réseaux publics et privés.
M. Yves Rome. Non !
M. Éric Besson, ministre. C’est là son problème essentiel.
Il risque en outre de remettre en cause l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. Il est donc juridiquement possible, mais économiquement non judicieux.
M. Yves Rome. Propos idéologiques !
M. Éric Besson, ministre. Considérant qu’il est préférable d’en rester au dispositif actuel, lequel assure la bonne articulation entre investissements publics et privés,…
M. Yves Rome. Cette articulation n’existe pas !
M. Éric Besson, ministre. … le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, je sais bien que nous sommes parfois pris dans des jeux de rôles, et que l’on peut toujours soupçonner un ministre d’être l’otage de tel ou tel lobby – celui des industriels ou celui des opérateurs, entre autres.
Néanmoins, il n’y a pas d’économie prospère sans des entreprises qui le soient également.
M. Yves Rome. C’est évident !
M. Éric Besson, ministre. Il n'y a pas de déploiement de réseau possible sans opérateurs en bonne santé.
Je ne suis pas l’avocat des opérateurs, avec lesquels nous avons un dialogue permanent. Cependant, je puis vous indiquer qu’ils doivent effectuer des investissements très lourds, non seulement pour déployer le réseau mobile de quatrième génération, au rythme que nous leur avons demandé et avec les exigences d’aménagement du territoire que j’ai rappelées tout à l'heure, mais aussi pour déployer la fibre optique.
À cet égard, vous savez que, pour accentuer la concurrence, le Gouvernement a permis à un quatrième opérateur d’entrer sur le marché de la téléphonie mobile.
M. Yves Rome. Ce n’est pas une réussite !
M. Éric Besson, ministre. Dans ces conditions, parler d’ « arme » dans le dialogue avec les opérateurs me semble inopportun.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Nous débattons ici d’un article important. Après la solution du partenariat public-privé proposée par M. Leroy, nous étions quelques-uns à penser, peut-être un peu naïvement, que nous allions nous écarter d’une idéologie concurrentielle pour nous orienter vers une complémentarité entre opérateurs privés, au regard notamment de l’article 1425-1 du code général des collectivités territoriales, qui permet d’être « opérateur d’opérateurs ».
Pour ma part, je partage complètement l’avis du Gouvernement : il faut éviter les discours trop complexes sur le sujet.
Toutefois, si l’on maintient les choses en l’état, en ne votant pas l’amendement de suppression, il est important, dès lors que les opérateurs continueront à déployer sur le territoire la fibre optique ou les moyens du très haut débit, que nous examinions assez rapidement, à une date que nous pourrions fixer ce soir, comment se feront les complémentarités et, surtout, comment s’appliquera l’article 1425-1 précité et quels opérateurs s’intéresseront au déploiement de ces réseaux.
En effet, ne l’oublions pas, en l’état actuel du texte, les collectivités auront la possibilité de déployer des réseaux, mais elles ne pourront à aucun moment se substituer aux opérateurs qui seront chargés de les exploiter.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur ce point car, dans certains secteurs, il existe déjà, depuis quelques mois, des syndicats départementaux, des régies, des conseils généraux ou des intercommunalités qui, après respect des obligations de mise en concurrence, peinent à trouver l’opérateur qui voudra bien s’intéresser à la réalité et à la précision des réseaux déjà déployés ou en cours de déploiement.
En tout cas, je forme le vœu ce soir que l’on ne se retrouve pas avec un nouveau plan câble, qui – on a essayé de le faire oublier – a coûté des centaines de millions de francs à de nombreuses collectivités, lesquelles continuent à rembourser des emprunts.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Permettez-moi de formuler deux remarques.
La première concerne la jurisprudence européenne évoquée par notre collègue Retailleau. Quelle est la définition exacte d’un SIEG ? Est-ce l’accès à une prise RJ45 ? Ou est-ce l’accès à un service qui peut être fourni par d’autres technologies ? Il ne faudrait quand même pas tout confondre, et il ne s’agirait pas d’évoquer la jurisprudence à tort et à travers.
Ce qui nous préoccupe, c’est bien l’accès de tous à un service, quels que soient la technologie et les réseaux utilisés. Or j’ai l’impression que notre discussion est polarisée sur l’établissement de réseaux à fibre optique.
Des convergences seront nécessaires, ne serait-ce que dans les zones montagneuses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Il faudra bien utiliser le satellite, voire, dans certains cas, avoir recours au câble coaxial à partir d’une dorsale en fibre !
En tout état de cause, monsieur Retailleau, un nouveau chantier doit s’engager, à l’échelon européen, sur la définition exacte du SIEG : s’agit-il de l’accès au service, ou simplement de l’accès à un tuyau ? On attend toujours une précision sur un point !
M. Yves Rome. En effet !
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. J’en viens à ma seconde remarque.
Il est vrai que l’article 10 constitue l’un des points forts de la proposition de loi. Comprenons-le bien : c’est à une concertation, à une complémentarité avec des opérateurs privés que l’on veut aboutir, et non à une confrontation née d’une duplication des réseaux. En tout cas, notre objectif est d’arriver à un aménagement du territoire équilibré, à partir de ces fameux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
De grâce, cessons les procès d’intention ! Chers collègues, vous connaissez comme moi la façon dont les collectivités sont actuellement traitées sur le plan de leurs dotations financières. Je vous assure qu’elles ne sont pas du tout tentées par le gaspillage.
M. Pierre Hérisson. Propos de campagne électorale !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président de la commission, j’ai avec moi le mémoire en défense concernant les Hauts-de-Seine (M. Bruno Retailleau brandit un document.) ; je le tiens à votre disposition.
S’agissant des SIEG, les choses sont claires depuis que la jurisprudence Altmark a posé des critères, lesquels ont d'ailleurs été utilement rappelés par le président de l’Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, lors de son audition par notre commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Exactement !
M. Bruno Retailleau. On ne peut donc pas dire que l’on parle dans le vide ! Les choses sont précises ; elles sont écrites. Je le répète : elles font l’objet d’une jurisprudence qui a été utilisée, non seulement en matière de télécommunications, mais aussi pour d’autres réseaux. Mon but n’est pas de polémiquer. Chacun peut vérifier ce que j’affirme en lisant cette décision.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Quelle mauvaise foi !
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.
M. Philippe Leroy. J’aurais aimé faire plaisir à mes collègues Retailleau et Hérisson en souscrivant à leur amendement de suppression de l’article 10.
Si je les entends bien, il s’agit d’éviter de gaspiller l’argent public.
M. Yves Rome. Il n’y a pas de gaspillage !
M. Philippe Leroy. On oublie toutefois que l’article 10 est en fait lié au schéma directeur territorial d’aménagement numérique, lequel sert de garde-fou, puisqu’il rend obligatoire la concertation entre tous les opérateurs, y compris les opérateurs de services, autour des objectifs fixés pour le territoire donné. Ce faisant, il évite la confrontation et permet d’espérer que chacun fasse tout son possible.
M. Yves Rome. Tout à fait.
M. Philippe Leroy. On peut même imaginer des co-investissements d’opérateurs publics et privés. N’interdisons donc pas cette évolution, car elle est fondamentale ! Si nous acceptons la logique de confrontation et de concertation sur le terrain, territoire par territoire, du SDTAN obligatoire, nous devons aussi accepter la possibilité de rechercher des modes de financement respectant au mieux les différents intérêts.
M. Yves Rome. La péréquation !
M. Philippe Leroy. En tant que responsable d’une collectivité locale, je serai toujours ravi de voir des opérateurs privés se charger de réaliser un projet à ma place, car je ne suis pas fou !
M. Hervé Maurey, rapporteur. Évidemment !
M. Philippe Leroy. Il ne faut donc pas isoler cet article 10 de la logique d’ensemble de cette proposition de loi. Nous avons présenté ce texte dans l’intérêt de tous les Français, et ce débat est important dans l’année qui vient. Il ne s’agit pas d’une question politique, car l’aménagement numérique du territoire n’est ni de gauche ni de droite : il s’agit de voir comment nous pouvons, tous ensemble, acteurs publics et privés, le mener à bien.
En dépit de toute l’amitié que je porte à Bruno Retailleau et de mon souci de préserver les deniers publics comme ceux du secteur privé, je pense que cet article 10, dans sa forme actuelle, est satisfaisant et respecte la logique de notre proposition de loi. Ne tuons pas cette logique ! (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. P. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant réalisé ou lancé des projets de réseaux d’initiative publique tels que prévus par l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales à la date du 1er janvier 2011 sont éligibles au fonds d’aménagement numérique des territoires pour l’évolution de leurs réseaux vers le très haut débit. »
La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. J’attends de prendre connaissance de l’avis de M. le rapporteur pour décider si je maintiens ou non cet amendement.
J’ai le sentiment que certains réseaux d’initiative publique qui ont lourdement investi dans le passé, pour des montées en débit ou pour d’autres services, se verront privés d’aide lorsqu’ils voudront passer au très haut débit.
J’illustrerai mon propos en évoquant un élément qui n’a pas été cité jusqu’à présent dans notre débat, je veux parler des régies. En France – et c’est plus particulièrement vrai dans le département de la Moselle –, des régies municipales ou intercommunales ont créé des réseaux câblés : elles ont investi en mettant en place des gaines, notamment, et souhaitent désormais, à partir de ce réseau de base, aller plus loin et passer au très haut débit, c’est-à-dire à la fibre optique. Or j’ai l’impression, aujourd’hui, que ce cas particulier n’a pas été pris en compte.
Je demande simplement que le Fonds d’aménagement numérique des territoires puisse cofinancer des initiatives visant à mettre en place la fibre optique, lorsque les investissements initiaux ont été réalisés par des réseaux d’initiative publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Monsieur Leroy, je comprends tout à fait votre souci, mais il me semble que la combinaison des articles 9 et 10 de la présente proposition de loi permet d’atteindre les objectifs que vous avez évoqués. C’est pourquoi je vous invite à bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Besson, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Leroy, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Philippe Leroy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
Après le troisième alinéa du I du même article 24, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut enfin attribuer des aides aux maîtres d’ouvrage pour ceux de leurs projets situés dans des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés, conformément au deuxième alinéa de l’article L. 1425-2 précité, à couvrir dans un délai de trois ans, lorsqu’il est établi, par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et à la demande de ces maîtres d’ouvrage, que les déploiements annoncés n’ont pas débuté au terme du délai précité ou qu’ils ont pris un retard significatif constaté par rapport au calendrier de réalisation initialement communiqué. »
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre. L’article 11 de la proposition de loi a pour objet de rendre éligibles au Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, les projets de déploiement de réseaux de collectivités territoriales sur des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir, dès lors que les travaux n’ont pas débuté dans les délais prévus ou qu’ils ont pris un retard significatif.
L’adoption de cette disposition ne me paraît pas nécessaire. En effet, rien n’empêche aujourd’hui les projets de déploiement des collectivités locales de prévoir des lots conditionnels portant sur des zones que des opérateurs privés se sont engagés à couvrir. Ainsi, en cas de retard significatif dans le calendrier de déploiement dû aux opérateurs privés, et en l’absence de justification valable de leur part, la collectivité peut solliciter le soutien financier de l’État pour réaliser ces lots, dans le cadre du Programme national très haut débit, et lancer effectivement les travaux de déploiement correspondants.
Par ailleurs, dans la mesure où les engagements pris par les opérateurs sont formalisés dans la convention qu’ils concluent avec les collectivités locales, il ne paraît pas nécessaire de prévoir une intervention du régulateur pour constater le non-respect de ces dispositions contractuelles.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement propose de supprimer l’article 11. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. L’article 11 de la présente proposition de loi dispose que, lorsqu’un opérateur qui devait procéder à un déploiement dans une zone où il avait annoncé son intention de le faire renonce à tenir cet engagement, la collectivité locale peut procéder elle-même au déploiement et bénéficier de subventions de l’État.
Cette substitution intervient sous le contrôle de l’ARCEP, qui constitue une véritable garantie : nous tenions en effet à introduire un arbitrage indépendant, car nul ne saurait être juge et partie. Si le Programme national très haut débit prévoit déjà cette possibilité, tant mieux ! La loi viendra le conforter sur ce point.
En revanche, comme M. le ministre l’a souligné, le Programme national très haut débit ne prévoit pas l’intervention de l’ARCEP. Or celle-ci nous paraît importante, car cette autorité, dans sa fonction d’arbitre, pourra constater que le déploiement n’a pas eu lieu. Cette disposition constitue, en quelque sorte, une garantie pour les opérateurs.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par MM. Retailleau et Hérisson, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le troisième alinéa du I de l’article 24 de la loi n° 2009-1572 relative à la lutte contre la fracture numérique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut attribuer des aides aux maîtres d’ouvrage pour ceux de leurs projets situés dans des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir dans le cadre des conventions précitées, lorsqu’il est établi par le comité national de gestion du fonds et à la demande de ces maîtres d’ouvrage que les déploiements annoncés n’ont pas débuté dans le calendrier prévu. »
La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Le présent amendement a pour objet de rendre éligibles au Fonds d’aménagement numérique des territoires, ou FANT, les projets de déploiement de réseaux de collectivités territoriales sur des zones que les opérateurs privés s’étaient engagés à couvrir, mais avec deux modifications d’importance par rapport au texte de la proposition de loi.
Tout d’abord, il n’appartient pas à l’ARCEP de constater d’éventuels manquements des opérateurs, ou alors le rôle de cette autorité mériterait d’être redéfini. Tant que ce domaine ne relèvera pas de ses compétences, il sera plus sage de ne pas lui confier cette mission.
Ensuite, l’expression « retard significatif » nous paraît imprécise. Nous aimerions obtenir davantage de précisions à cet égard, ce qui permettrait d’éclairer utilement le débat.