M. Christian Bourquin. La main sur le cœur !
M. Christian Bourquin. Nous aussi !
M. Christian Bourquin. La main sur le cœur !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quand je veux le faire, si je veux enclencher un débat public sur ces questions, je sais le faire ! En l’occurrence, je ne le souhaite pas !
Toutefois, il faut bien reconnaître que, lorsqu’il a fallu renégocier l’organisation du travail (M. Christian Bourquin s’exclame.), beaucoup de pauses ont disparu, et vous le savez bien.
Je voudrais souligner un autre point : lorsque des objectifs importants sont assignés et que les manageurs n’ont pas conscience du stress supplémentaire que ceux-ci peuvent provoquer, on se trouve dans des situations à risque.
J’ai moi-même posé ce dossier sur la table en tant que ministre du travail, peut-être aussi parce que j’avais été auparavant ministre de la santé. Le sujet était tabou, éventuellement considéré comme un sujet de société. J’estime que c’est aussi une question de santé. Le rapport Légeron, que j’avais commandé, a formulé des recommandations nouvelles et un plan d’urgence sur la prévention du stress au travail a été engagé en octobre 2009, dont j’ai adressé le bilan au Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, en avril 2011.
La prévention des risques psychosociaux est en outre l’une des cibles du plan Santé au travail.
Par conséquent, je connais bien le sujet ; je sais aussi qu’il nous faut éviter tout raccourci en la matière, le sujet étant suffisamment douloureux pour les familles des victimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean-Jacques Pignard et François Zocchetto applaudissent également.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour la réplique.
Mme Catherine Génisson. Je suis très surprise de votre réponse, monsieur le ministre. Les risques psychosociaux sont effectivement un sujet très grave, qui peut avoir des conséquences dramatiques pour certains de nos concitoyens.
Il n’est pas question de pratiquer l’amalgame entre le monde de l’entreprise et celui de la fonction publique, mais le résultat est là, avec les drames individuels et familiaux que cela engendre.
Mme Sophie Primas. Les 35 heures !
Mme Catherine Génisson. Le sujet étant complexe, il ne justifie pas de votre part – ce n’est d’ailleurs pas votre habitude – une réponse partisane, monsieur le ministre. Sur un sujet particulièrement lourd, vous ne m’avez guère donné d’éléments de réponse satisfaisants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais évoquer, s'agissant du drame de l’amiante, la situation des victimes qui sont aujourd’hui contraintes de restituer une partie des sommes qu’elles ont perçues du FIVA, au titre d’indemnités. Ce point ayant déjà été évoqué par d’autres intervenants, vous avez répondu à ma question, monsieur le ministre.
Je rappelle néanmoins que la cour d’appel de Douai, le 27 octobre dernier, en application d’une décision de la Cour de cassation, a jugé que la somme perçue par les victimes de la part de l’assurance maladie devrait désormais être déduite de l’indemnisation accordée par le FIVA. Les justiciables concernés sont dans l’obligation de rembourser la somme en question.
Pour bien comprendre ce qui s’est passé, il faut savoir que les victimes de maladies professionnelles reçoivent deux indemnisations : une rente « maladie professionnelle » de la caisse primaire d’assurance maladie s’appliquant au titre du préjudice économique, et une rente d’incapacité du FIVA correspondant au préjudice personnel.
Le FIVA a toujours considéré qu’il fallait déduire du montant de ses indemnités celles qui sont versées par l’assurance maladie. Les victimes ayant la possibilité de contester le montant proposé par le FIVA devant la cour d’appel de leur domicile, en 2005, la cour d’appel de Douai a réévalué la rente. Elle a estimé qu’il ne fallait pas déduire les indemnités versées par l’assurance maladie de celles qui sont versées par le FIVA puisque les deux ne portaient pas sur les mêmes préjudices, l’un étant économique et l’autre personnel. Ainsi, jusqu’en 2009, elle a systématiquement doublé les montants des indemnités que le FIVA devait verser, et ce jusqu’à ce que la Cour de cassation prenne une position inverse, à la suite d’un pourvoi du FIVA.
On peut imaginer l’indignation de ces justiciables du Nord et leur désarroi face à un tel revirement.
Je suis conscient, monsieur le ministre, que vos pouvoirs sont limités en la matière, puisque, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, vous ne pouvez contester une décision de justice. Je vous remercie donc d’être intervenu auprès de la présidente du FIVA.
Je vous pose néanmoins deux questions, monsieur le ministre. Avez-vous reçu des engagements de la part du FIVA ? Sera-t-il possible de stopper les recours ? (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, ma réponse tiendra en trois points.
Pour l’instant, dix-sept dossiers sont identifiés, mais ils pourraient s’élever à 300. Ils seront, je le répète, examinés au cas par cas. Je serai vigilant à ce que cet objectif soit tenu, mais je fais toute confiance au FIVA et à sa présidente pour travailler dans ce sens.
Je précise également qu’il est important d’écouter les organisations syndicales en la matière. Elles ont d’ailleurs écrit aux parlementaires ; je ne sais pas si elles ont écrit à tous les parlementaires… Je respecte les associations et j’écoute leur position. Mais celle des partenaires sociaux et des organisations syndicales en la matière vaut la peine d’être écoutée et entendue.
Enfin, il est un troisième aspect sur lequel j’insisterai : nous devons faire attention à la judiciarisation, laquelle n’est pas le fait du FIVA. En effet, ce n’est pas lui qui, le premier, a engagé des actions judiciaires supplémentaires. Certes, le droit d’ester en justice est garanti par la Constitution, mais nous devons mesurer toutes les conséquences de la judiciarisation, car elles pèsent aujourd'hui sur les victimes.
Je le répète : premièrement, un traitement au cas par cas, même si les victimes se comptent par centaines, est possible, et cela sera fait. Deuxièmement, la position des organisations syndicales doit être prise en compte. Troisièmement, nous devons nous interroger sur la judiciarisation, qui peut avoir pour effet de pénaliser les victimes. Je pense bien évidemment aux victimes de l’amiante. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Je vous remercie, monsieur le ministre, des différentes actions que vous menez. C’est très important. La tâche est immense, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous. Nous vous remercions. (Mme Catherine Troendle applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, vous le savez, à la suite d’un accident survenu à l’occasion du travail, les conditions d’indemnisation ne sont ni équitables ni toujours parfaitement lisibles. J’observe d’ailleurs que le droit à une indemnisation intégrale n’a jamais été érigé en norme de rang constitutionnel.
Les lois mettant en place des régimes spéciaux ou des systèmes d’indemnisation spécifiques des situations dommageables se sont multipliées, rendant parfois ardue pour les victimes la détermination des règles qui leur sont applicables, à plus forte raison lorsque leur situation spécifique les place au confluent de deux régimes d’indemnisation.
Ainsi, lorsqu’un accident de la route est également un accident du travail, rien n’est prévu pour résoudre le conflit entre les deux régimes d’indemnisation. Les victimes risquent alors d’être moins bien indemnisées.
Il résulte de cette incertitude des inégalités flagrantes entre les différents régimes d’indemnisation. Cette situation a conduit le Conseil constitutionnel – ma collègue Aline Archimbaud en a parlé – à combler les carences existantes, permettant ainsi d’assurer une meilleure cohérence en matière d’indemnisation des victimes. Je fais allusion à la décision du 18 juin 2010, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, dans laquelle le Conseil a donné une interprétation favorable aux victimes.
Ainsi, sur le fondement de cette jurisprudence, les victimes d’un accident professionnel résultant d’une faute inexcusable de l’employeur peuvent espérer prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice.
Ma question est simple, monsieur le ministre : ne conviendrait-il pas de clarifier les régimes applicables aux victimes d’accidents du travail afin de leur assurer une indemnisation plus équitable et plus lisible ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, notre système peut-il, doit-il évoluer ? La réponse est oui. Faut-il pour autant le rejeter en bloc ? Je n’en suis pas certain.
Vous évoquez le cas des accidents de la circulation survenant sur les trajets entre le domicile et le lieu de travail. Ces accidents sont-ils considérés comme des accidents du travail ? Oui.
Monsieur le sénateur, il faut éviter toute confusion. Évoquez-vous le régime d’indemnisation des accidents de la circulation, et donc le régime mis en place par la loi Badinter de 1985, lequel est dérogatoire et extrêmement protecteur – c’est l’ancien assureur et professeur de droit qui s’exprime –, notamment pour les victimes d’accidents de la route ? Ou faites-vous allusion à la confrontation entre le régime applicable aux accidents de la circulation et le régime applicable aux accidents du travail ? (M. Claude Jeannerot opine.)
Je tiens à préciser, pour qu’il n’y ait pas d’erreur, qu’un accident de la circulation survenant sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail est bel et bien considéré comme un accident du travail. Il n’y a pas de zone d’ombre qui conduirait à priver qui que ce soit d’une indemnisation.
Cependant, il est vrai que le système est perfectible. L’objet de la mission confiée à Mme Rolande Ruellan est d’ailleurs de faire évoluer les choses en la matière.
Je précise également que, en France, dès qu’il y a incapacité permanente, il y a indemnisation, même lorsque cette incapacité n’entrave pas la poursuite de l’activité professionnelle. Tel n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe. En Allemagne et en Autriche, une incapacité inférieure à 20 % ne donne lieu à aucune indemnisation. C’est également le cas en Finlande dès lors que l’incapacité n’atteint pas 5 %.
Si j’apporte ces précisions, c’est parce qu’il ne faudrait pas donner l’impression que le système français n’est pas bon. De nombreux autres systèmes sont moins favorables que le nôtre, comme l’a montré l’étude réalisée par EUROGIP.
Voilà pourquoi je pense que nous ne devons pas tout rejeter. En revanche, si on peut faire évoluer les choses, cela a du sens de le faire.
Notre système garantit quelque chose d’inestimable aux victimes : l’imputabilité de leur accident au travail. La charge de la preuve n’incombe pas à la victime, qui n’a pas à aller s’expliquer devant le juge. L’indemnisation revêt un caractère certes forfaitaire, mais surtout automatique. Si on va vers la réparation intégrale, tout cela volerait en éclats. Je ne suis pas sûr que les salariés s’y retrouveraient.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.
M. Claude Jeannerot. Vous l’aviez compris, monsieur le ministre, je ne rejette pas l’intégralité du droit s’appliquant aujourd'hui. En revanche, il me paraît nécessaire de revendiquer plus de justice. Je ne partage pas votre interprétation sur les deux risques, les accidents du travail et les accidents de la circulation.
Si j’en juge par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 juin 1991, ce n’est pas toujours le régime le plus favorable qui s’applique. Or, dès lors que nous sommes dans une situation de ce type, il serait légitime que la victime d’un accident du travail bénéficie du dispositif le plus équitable et le plus favorable, y compris lorsque l’accident survient sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. À cet égard, il s’avère que le classement en accident de la circulation est plus avantageux.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à l’indemnisation des victimes de maladies et d’accidents professionnels.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à dix-huit heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
Aménagement numérique du territoire
Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en dépit des affirmations officielles, l’état actuel de l’aménagement numérique du territoire, au regard des enjeux tout à fait prioritaires qui lui sont liés, n’est pas vraiment satisfaisant. En conséquence, la présente proposition de loi, déposée par nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, est bienvenue. Elle comporte des avancées notables, malgré certains oublis.
Je débuterai mon propos par un bref rappel historique, afin de dissiper l’impression selon laquelle il faut toujours tout réinventer, et notamment les manières de mener à bien un projet.
Tout au long du XXe siècle, les générations qui nous ont précédés sont parvenues à développer sur le territoire français l’accès à l’eau, au téléphone, à l’électricité, ainsi que la desserte en axes routiers et ferroviaires.
Force est de constater qu’une volonté politique forte avait alors permis la mise en œuvre d’une solidarité et d’une réelle péréquation entre nos territoires. C’était avant que l’ouverture de nos services publics au marché ne modifie totalement la manière d’appréhender l’aménagement des territoires. Nous avons partiellement perdu cette culture du bien public – dont le numérique fait partie –, des services publics à rendre à la population. C’est bien cette culture qu’il s’agit de défendre aujourd'hui.
L’engagement public implique que tous les consommateurs puissent bénéficier, entre autres choses, d’un accès à Internet avec un débit minimal fixé à 2 mégabits par seconde à l’horizon du 31 décembre 2013. Pour ce faire, le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné est nécessaire.
Les chiffres annoncés par les pouvoirs publics, en matière, surtout, de déploiement du très haut débit, ne pourront pas être tenus. Des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République en février 2010 : 70 % des foyers devront être éligibles au très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. Pourtant, au rythme de déploiement actuel, il faudra de nombreuses années afin de pouvoir desservir l’ensemble du territoire !
De fait, depuis la privatisation de France Télécom, nous sommes passés d’un monopole public à une situation monopolistique dangereuse, où quelques opérateurs privés, dont M. le secrétaire d'État a fait l’apologie tout à l'heure,…
M. Jean Desessard. Pas de provocation, monsieur Labbé !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce n’est pas un mal en soi que d’être opérateur privé ! Heureusement qu’il y en a !
M. Joël Labbé. … tous cotés en Bourse, parviennent, tout en étant concurrents, à parfaitement s’entendre, ce pour quoi ils ont d’ailleurs été condamnés en 2005 à verser une amende de 500 millions d’euros.
Le dispositif actuel repose sur ces opérateurs privés, qui ne déploient la fibre que dans les zones rentables, c’est-à-dire les zones urbaines. La situation vaut tout aussi bien pour la téléphonie que pour le haut ou le très haut débit.
De plus, leurs projets ne les engagent en aucune façon et bloquent l’initiative des collectivités territoriales, ce qui est inacceptable. En revanche, bien entendu, il revient aux collectivités territoriales de financer les investissements nécessaires, notamment pour le très haut débit, dans les territoires ruraux et semi-ruraux, qui sont les plus coûteux à desservir. Elles le font sans l’assurance d’un quelconque concours financier de l’État puisque le Fonds d’aménagement numérique du territoire, le FANT, créé par la loi du 17 décembre 2009, n’est toujours pas alimenté.
Il est nécessaire d’améliorer le dispositif en prenant en compte la péréquation entre les zones rentables et les zones non rentables et de remettre les collectivités au cœur de l’aménagement numérique du territoire. La présente proposition de loi aurait pu constituer l’occasion de mettre en place un dispositif d’aménagement plus avancé encore, fondé sur la création de sociétés d’économie mixte, afin d’assurer véritablement la péréquation et d’asseoir le rôle des collectivités de manière pérenne. Cela n’est pas le cas. Néanmoins, ce texte réaffirme les objectifs et rééquilibre les compétences en redonnant une place aux collectivités au sein du dispositif.
Je citerai ainsi deux mesures importantes.
Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, ne sont plus indicatifs et doivent donc être pris en compte dans le plan local d’urbanisme, ou PLU, et le schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, ce qui nous convient.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, peut contrôler les opérateurs, veiller à ce qu’ils respectent les engagements contractuels qui les lient aux collectivités, et les sanctionner en cas de manquement.
En ce qui concerne plus particulièrement le développement du très haut débit via la fibre optique, il est nécessaire d’établir un système de financement pérenne. Or des blocages demeurent, notamment pour abonder le FANT.
Les investissements dans la fibre optique pâtissent en outre de l’attractivité du cuivre, qui est très rentable. Or, sur ce point, les études se contredisent. Certaines pointent le fait que l’opérateur historique, Orange, toucherait une rente anormalement élevée de la location de sa boucle de cuivre. Si tel était le cas, cette situation serait effectivement anormale, dans la mesure où il s’agit d’une facilité essentielle. L’ARCEP, quant à elle, conteste l’importance de cette rente. Si elle était avérée, l’existence de cette rente pourrait justifier des mesures telles qu’une taxation du cuivre ou un traitement différencié de l’opérateur historique. La présente proposition de loi ne tranche pas le débat. Il apparaît donc d’ores et déjà nécessaire de revenir ultérieurement sur ce dispositif, car il ne serait pas acceptable que le financement repose une fois de plus sur les ménages.
La présente proposition de loi passe sous silence un autre aspect de la réalité du développement de la téléphonie mobile sur notre territoire : l’électrosensibilité. Un nombre croissant de nos concitoyens vivent des souffrances que de plus en plus de scientifiques imputent à l’exposition aux champs électromagnétiques. Sur ce sujet, les avis sont divers. Des experts constatent néanmoins un accroissement de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques.
Il serait donc intéressant que l’étude menée sur le sujet en 2009 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques soit mise à jour, car de nouvelles données existent.
Pour conclure, même si ce texte aurait pu aller plus loin, il marque une étape notable dans l’aménagement numérique de notre territoire, en permettant, surtout, que les collectivités territoriales soient davantage concernées. Le groupe écologiste votera donc la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste. – Mme Mireille Schurch applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Camani. (Mme Bernadette Bourzai et M. Jean-Luc Fichet applaudissent.)
M. Pierre Camani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’économie numérique représente un formidable levier de croissance pour notre pays. Elle constitue un enjeu majeur de compétitivité, d’aménagement et d’attractivité de nos territoires et de nos PME. On ne peut négliger, particulièrement en période de crise, le potentiel de croissance non négligeable qu’elle possède.
Aussi, le texte porté par MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy nous donne l’occasion de débattre de ce sujet d’importance majeure pour l’avenir de nos territoires.
Une étude réalisée par le cabinet McKinsey en mars 2011 fait état de la création de 700 000 emplois dans ce secteur depuis l’année 2000 et prévoit 450 000 créations nettes d’emplois directs ou indirects à l’horizon 2015, ainsi que vous l’avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État.
L’accès au haut et au très haut débit sur l’ensemble du territoire, quelle que soit la technologie utilisée, est un défi que nous devons relever, afin de résorber les effets d’une fracture numérique devenue une réalité de plus en plus difficile à vivre pour ceux qui la subissent.
Examinons en effet l’état des lieux.
Selon les derniers chiffres publiés par l’ARCEP en septembre 2011, le nombre d’abonnements à Internet en haut et très haut débit sur réseaux fixes atteint aujourd’hui 22,4 millions, soit un accroissement net de 1,5 million d’abonnés sur un an.
Mais l’examen détaillé de ces chiffres révèle une situation contrastée, car 21,8 millions sont des abonnements à haut débit. Or le haut débit recouvre une multitude de situations. En effet, comment comparer un accès en haut débit permettant une connexion de 512 kilobits par seconde et un autre établissant une connexion de 8 mégabits par seconde ? Les services fournis ne sont pas les mêmes, notamment les possibilités d’accès aux offres triple play.
Par ailleurs, 175 000 abonnements à très haut débit sont du « Fiber to the home », ou FTTH – c'est-à-dire de la fibre optique au domicile –, et 425 000 en double système, avec un accès en fibre optique et une terminaison en câble coaxial. Difficile, là encore, de comparer la qualité d’un accès en très haut débit par le réseau « cuivre », et un accès en très haut débit par le réseau « fibre optique ».
Au regard du développement aujourd'hui embryonnaire de la fibre sur notre territoire, il est permis de s’étonner de la satisfaction affichée par le Gouvernement, qui se félicite des initiatives mises en place dans le cadre du programme national du très haut débit, le PNTHD.
L’Autorité de la concurrence, en janvier dernier, qualifiait le PNTHD de « choix d’opportunité ». Ce choix, nous ne le partageons pas. Avec le PNTHD, le Gouvernement a en effet décidé de favoriser l’initiative privée dans les zones « denses », là où une rentabilité est attendue, et de cantonner l’initiative publique aux zones dites « peu denses », c'est-à-dire là où, bien entendu, les opérateurs privés ne veulent pas intervenir.
Les appels à manifestations d’intentions d’investissement ont permis aux opérateurs privés de préempter et de geler les territoires qu’ils estiment rentables, sans aucune sanction en cas de non-respect de leurs engagements.
Aucune péréquation n’est donc possible pour les collectivités territoriales qui souhaitent investir dans l’aménagement numérique de leur territoire pour l’équilibrer, même dans le cadre de projets intégrés.
Pis encore, la mise en place du PNTHD a figé des projets régionaux programmés, qui prévoyaient un système de péréquation entre départements.
Enfin, la logique de l’écrémage, parfois même à l’intérieur de zones denses, met à mal la continuité du déploiement.
Au final, ce « choix d’opportunité » traduit un schéma libéral qui se résume en la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Je ne vois là aucune réelle ambition nationale de déploiement de la fibre optique.
Il s’agit ici non pas de se livrer à une critique aveugle et infondée des opérateurs privés, mais de mesurer les conséquences et les effets pervers sur nos territoires, et notamment les plus ruraux d’entre eux, de choix gouvernementaux particulièrement discutables en matière d’aménagement du territoire.
D’ailleurs, l’Autorité de la concurrence estime que les pouvoirs publics devraient « exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement » et « veiller de manière régulière à leur strict respect ». Le simple « rappel à l’ordre », prévu par le Gouvernement en cas de non-respect des engagements, n’est absolument pas suffisant, nous le savons tous.
Elle va plus loin encore en estimant nécessaire que, « pour la crédibilité du dispositif [...], dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».
Nous devons nous rendre à l’évidence. Le modèle et le cadre juridique actuels ne peuvent répondre aux besoins de financement colossaux – ils sont estimés entre 20 milliards et 30 milliards d’euros – indispensables au déploiement de la fibre.
La loi pour la confiance dans l’économie numérique, modifiée en 2006, créait les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, en leur donnant une valeur seulement indicative.
La loi Pintat, adoptée en 2009, avait prévu la mise en place du FANT. Elle fixait des objectifs ambitieux, afin de réduire une fracture numérique déjà constatée. Quelque quatre années plus tard, ce fonds n’est toujours pas alimenté, et les conditions d’éligibilité des projets sont à revoir. Nous nous interrogeons par ailleurs sur la coexistence de ce fonds fantôme avec le Fonds national pour la société numérique, le FSN, insuffisant au regard de la demande et des perspectives d’investissement que les acteurs publics et privés ont à réaliser.
Il est temps, en effet, de passer des paroles aux actes, selon la formule du rapporteur Hervé Maurey.
Je salue donc le travail que nous avons réalisé en commission avec le rapporteur pour améliorer ce texte, qui nous permet de prendre acte des insuffisances actuelles et de proposer un cadre plus efficace.
Tout d’abord, en reconnaissant que l’aménagement numérique du territoire revêt un caractère d’intérêt général, nous avons souhaité réaffirmer la nécessité d’un aménagement équilibré du territoire, d’une véritable solidarité territoriale.
Par ailleurs, il nous semblait nécessaire de renforcer le cadre juridique actuel, en rendant les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique obligatoires et en leur annexant les conventions signées entre les collectivités territoriales et les opérateurs.
Compte tenu du nouveau statut des SDTAN et des conventions, Hervé Maurey a très justement supprimé le lien entre les engagements des opérateurs dans le cadre des zones « appel à manifestations d’intentions d’investissement », ou zones AMII, et ceux qui sont reportés dans ces schémas.
Si les obligations des opérateurs ont été renforcées, les engagements des collectivités seront clairement affichés, afin d’instaurer une relation plus fiable entre les différentes parties prenantes au déploiement de la fibre, ce que nous saluons.
La proposition de loi favorise par ailleurs le déploiement prioritaire du très haut débit dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activités et les services publics.
L’attente en faveur du haut et très haut débit est très forte en milieu rural. La proposition de loi renverse de manière audacieuse la logique actuelle de déploiement dans les zones denses, où la demande est moins forte du fait de la présence du haut débit, pour la prioriser dans les zones rurales, dans lesquelles la demande est importante.
La priorisation sur ces zones rurales, sur les bassins d’activités et sur les services publics est une excellente chose.
Enfin, le texte qui nous est proposé nous a donné l’occasion de nous interroger sur l’éligibilité des projets au FANT et sur son financement. Nous sommes convaincus de l’absolue nécessité de pouvoir alimenter de manière pérenne le Fonds d’aménagement numérique du territoire.
Nous proposons qu’en cas de non-respect par les opérateurs des conventions conclues dans le cadre des SDTAN, le produit des sanctions financières, prononcées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, soit reversé au FANT. Bien sûr, nous savons que ce financement ne sera pas suffisant pour couvrir les besoins, mais il s’agit d’un premier pas vers la recherche de ressources pérennes.
Compte tenu de toutes ces avancées, les membres du groupe socialiste voteront la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission et présentée par M. le rapporteur.
Mais si ce texte a le mérite de relancer le débat, il ne résout pas le problème de fond.
Il nous faudra demain changer de « paradigme », selon le terme du président de l’ARCEP. Il nous faudra proposer une vision différente de l’aménagement numérique du territoire, en articulant les initiatives publiques et privées, en donnant une vraie place aux collectivités territoriales et en créant un système pérenne de financement accompagné d’une véritable péréquation. Dans le modèle actuel, les opérateurs privés mènent le jeu. Ils interviennent en zone très dense, un peu en zone moyennement dense et pas du tout en zone peu dense, au regard de la rentabilité estimée du territoire.
Mais la notion même de rentabilité d’un territoire devrait nous inciter à la réflexion. Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsqu’il s’agissait d’y amener l’eau et l’électricité ? Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsque nous avons bâti les routes qui maillent nos départements et nos régions ?
Chaque époque a ses besoins, ses grandes politiques d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, il nous appartient de bâtir des nouvelles routes, celles de l’information et de la communication, celles du très haut débit.
Ce texte nous donne l’occasion de réaffirmer un message essentiel : l’accès au très haut débit est un enjeu primordial d’aménagement de notre territoire bénéficiant à tous, et pas un enjeu de rentabilité profitant à quelques-uns. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – MM. Robert Tropeano, Raymond Vall, Joël Labbé et Jean Boyer applaudissent également.)