M. Jean-Vincent Placé. ... nous promettre d’améliorer la situation tout en diminuant drastiquement les moyens ? Ainsi, les crédits alloués cette année à la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France connaîtront une baisse de 50 %. L’affichage ne suffit pas !
Les leviers d’action existent pourtant, dans les filières du BTP, de la fiscalité, de la production agricole, de l’industrie verte, ou encore en matière de responsabilité juridique environnementale.
La France est toujours à la traîne dans le domaine de la fiscalité verte, laquelle ne représentait que 1,5 % du PIB en 2009, contre le double en Slovénie. Bien évidemment, je n’ai rien contre nos amis slovènes ! Au sein de l’Union européenne, notre pays se classe en la matière au vingt-quatrième rang sur vingt-sept ! À cet égard, le Gouvernement est impuissant. Qu’il laisse sa place !
Madame la ministre, je l’encourage à appliquer au plus vite les recommandations des différents rapports qu’il commande. Je citerai notamment celui de M. Sainteny, qui identifie les « aides publiques dommageables à la biodiversité ».
« C’est bien joli de critiquer, mais encore faut-il faire des propositions ! » me direz-vous. Alors en voici : pourquoi ne pas ouvrir des négociations par filière pour repenser les cycles de production ? Cela permettrait de produire mieux en tirant le meilleur parti de nos ressources et en les gérant durablement, de produire « recyclable » et de créer de nouveaux emplois d’avenir.
Pour conclure, madame la ministre, je constate avec tristesse que la préservation de la biodiversité n’est toujours pas une priorité des politiques publiques et des pratiques privées.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. Et l’honnêteté intellectuelle, n’est-ce pas une priorité ?
M. Jean-Vincent Placé. Madame, vous allez prendre la parole dans un instant pour répondre aux différents orateurs. Tous les acteurs de la biodiversité sont présents, à l’écoute. Pour le bien collectif, j’espère sincèrement que vous saurez nous convaincre que l’action du Gouvernement dépasse les simples effets d’annonce. Si tel n’était pas le cas, nous serions tous perdants, vous, nous, la planète, et probablement l’humanité ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Vincent Placé. C’est un professionnel qui parle, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. « La biodiversité s’effondre, mais impossible de préciser le rythme du collapsus... Le désastre atteint la même intensité, la même magnitude, pourrait-on dire, que lors des extinctions majeures qui ont ponctué les ères géologiques ». Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ces mots ne sont pas de moi, mais d’Yves Paccalet, compagnon de route du commandant Cousteau et éminent naturaliste, que nos collègues Verts connaissent bien, puisqu’il est l’un des leurs.
Depuis que ces lignes ont été écrites, en 2006, le bilan n’a fait que s’alourdir : du fait des activités humaines, la Terre perdrait jusqu’à 100 000 espèces par an ! L’homme défait en une heure ce que la nature met un an à accomplir. En effet, avant lui, seules dix espèces disparaissaient en moyenne chaque année tandis que dix nouvelles apparaissaient. Ainsi, la biodiversité était constante. Nous avons bouleversé cet équilibre.
Ce que nous dit Yves Paccalet est abyssal : l’homme pourrait être responsable de la quatrième grande extinction de la vie sur Terre, après, notamment, celle du Crétacé, qui raya les dinosaures de la carte du vivant. L’atteinte à la biodiversité met en cause des milliers de comportements humains, lesquels imposent une urgente et drastique correction.
Permettez-moi d’évoquer le cas de mon département, la Vendée, dont les rivières sont asphyxiées par des plantes exotiques envahissantes, lesquelles, après avoir été vendues dans le commerce, sont jetées dans la nature. Mais il ne s’agit que d’un exemple concret parmi d’autres, les multiples atteintes à la biodiversité étant aujourd’hui confirmées par le rapport Halonen-Zuma remis le 30 janvier dernier au secrétaire général des Nations unies, dans la perspective du sommet « Rio+20 », qui se tiendra au mois de juin prochain.
Ce rapport établit un constat dramatique et sans appel. Pour satisfaire l’ensemble des besoins humains, il faudrait accroître, d’ici à 2030, la production agricole de 50 % et la production d’énergie de 45 %, tout en améliorant la disponibilité en eau de 30 %. Pour l’instant, c’est impossible. Nos modèles de développement ne sont pas compatibles avec les limites naturelles de la planète.
À l’échelon mondial, 85 % des stocks de poissons sont surexploités.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Claude Merceron. Les océans, qui abritent 80 % de la vie terrestre, se transforment en déserts.
M. Jean Desessard. Oui !
M. Jean-Claude Merceron. Par ailleurs, les scientifiques estiment que 75 % des services rendus par la nature, tels la pollinisation des cultures, la filtration de l’eau, la protection contre les inondations, sont en déclin. Chaque année, 13 millions d’hectares de forêt sont détruits, mettant à mal le principal réservoir émergé de biodiversité.
Toujours selon les scientifiques, trois des seuils à ne pas franchir le seraient déjà. Ils concernent le réchauffement climatique, la perturbation du cycle de l’azote et l’atteinte à la biodiversité.
Si le danger paraît avéré, il est extrêmement mal connu, et c’est d’ailleurs tout son paradoxe. Le péril est là, nous le savons. Il pourrait remettre en cause jusqu’à la survie même du genre humain, mais il avance masqué, et ce pour une raison très simple : nous n’avons qu’une idée très approximative de l’étendue de la biodiversité. Combien la Terre abrite-t-elle d’espèces vivantes ? « Entre 20 milliards et 50 milliards », répondent les spécialistes. La fourchette est large ! Sur ces dizaines de milliards d’espèces, moins de deux millions ont été répertoriées… Tout se passe comme si l’on prétendait connaître l’univers après avoir marché sur la Lune.
Nous ne pouvons pas mesurer l’effet des activités humaines sur le vivant. Nous ne connaissons même pas précisément tous les maillons de l’écosystème dont nous dépendons. Et si nous en venions à détruire, par notre inconséquence, l’un des chaînons essentiels à notre existence ? C’est là que réside le risque le plus immédiat pour nous.
La catastrophe et ses conséquences possibles sont d’une telle ampleur qu’un débat aussi absurde que dramatique traverse aujourd’hui la communauté scientifique. Il s’agit de savoir qui doit être sauvé. L’homme a provoqué le déluge et tente de réinventer l’arche de Noé. Alors qu’on ne sait même pas qui peuple la Terre, il nous faut choisir qui survivra, le panda ou le ver de terre, l’ours blanc ou l’abeille, le tigre ou l’eider à duvet.
Pour effectuer ce grand tri macabre, deux considérations, parfois antagonistes, sont avancées : le facteur affectif et le service écologique rendu.
Le facteur affectif permet de mobiliser des fonds et des bonnes volontés pour sauver des espèces qui bénéficient d’un important capital de sympathie. Il profite notamment au panda. Mais quelle est l’utilité du panda en termes d’écosystème, toutes les espèces ne se valant pas de ce point de vue ? Sur un plan utilitariste, il peut paraître plus urgent de sauver le ver de terre. Voilà donc où nous en sommes !
Face à cette chronique d’une catastrophe non pas annoncée, mais en cours de réalisation, je formulerai deux questions. La première s’adresse à nos collègues Verts et la seconde au Gouvernement.
À nos collègues Verts, j’ai envie de demander les raisons pour lesquelles ils taisent ce que je viens de rappeler. J’ai en effet le sentiment que le discours écologiste dans son ensemble s’empare du problème par le petit bout de la lorgnette, en prenant la défense de telle ou telle mare aux canards, ce qui culpabilise les individus, sans que l’urgence de la situation globale soit mise en relief.
M. Joël Labbé. C’est faux !
M. Jean-Claude Merceron. Au Gouvernement, je demanderai : que fait la France ? A-t-on pris la mesure du problème ? Va-t-on rester les bras croisés ? Ne peut-on pas participer à un grand plan transnational d’inventaire du vivant et de notre écosystème ? Ne peut-on se faire, à Rio de Janeiro, les hérauts d’une politique de défense réelle du vivant, qui prendrait en compte les recommandations du rapport Halonen-Zuma ?
Pour ma part, je crois que les considérations économiques et financières ont fait passer au second plan ces questions essentielles. La France a perdu le triple A, qui est important, mais elle peut espérer le retrouver. Un écosystème détruit est, quant à lui, perdu à jamais. Je crois surtout que, sans biodiversité, il n’y aura plus jamais de triple A ni quoi que ce soit d’autre. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, une intervention supplémentaire est-elle encore utile ? L’essentiel a probablement été dit. Mais convenons-en, ce qui caractérise notre situation n’est pas un déficit de paroles ou de prise de conscience. En effet, les constats sont connus et partagés, ce qui explique peut-être d’ailleurs la désertion ce soir de nos travées... À l’évidence, le déficit réside dans l’action.
Aujourd’hui, c’est la crise qui fait l’objet de nos préoccupations et mobilise notre action. Pourtant, mes chers collègues, cette crise est non seulement financière, économique et sociale, mais aussi environnementale.
De ce point de vue, le simple constat de la situation actuelle de la biodiversité est exemplaire et alarmiste. Cela a été dit, le rythme d’extinction des espèces végétales et animales est aujourd’hui sans précédent : 50 % des espèces actuellement connues pourraient avoir disparu d’ici à la fin du xxie siècle. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois générations, ours blancs, hippopotames, gazelles, requins océaniques et poissons d’eau douce n’appartiendront qu’au domaine de la mémoire.
Face à ce constat d’urgence, quelles décisions ont mobilisé les pouvoirs publics ? Il y a eu, c’est vrai, le Grenelle de l’environnement, qui introduisait une démarche innovante et, reconnaissons-le, en rupture avec le passé. Celle-ci fixait des objectifs ambitieux, et c’est pourquoi nous l’avons soutenue.
Que s’est-il passé depuis lors ? Vous connaissez la réponse à cette question ! Trois ans plus tard, nous réalisons que les objectifs ne seront pas atteints sur au moins trois plans.
D’abord, pour ce qui concerne l’agriculture, si nous continuons de la sorte, nous ne parviendrons pas à atteindre l’objectif de réduction de moitié de l’usage des pesticides à l’horizon 2018. En effet, les consommations augmentent en volume grâce à l’emploi de produits souvent beaucoup plus actifs. Or, nous le savons, l’usage intensif de pesticides a un impact direct sur la biodiversité, ainsi que sur la pollution des eaux.
Ensuite, la trame verte et bleue, la TVB, était censée devenir un véritable outil d’aménagement du territoire. Or aujourd’hui sa mise en œuvre soulève des doutes. Le budget de l’État, sacrifié sur l’autel de la dette souveraine, n’y consacre que peu de moyens. Ce sont donc les collectivités locales, plus proches du territoire, qui sont en première ligne, alors que leurs moyens financiers – ai-je besoin de le rappeler ? – sont de plus en plus limités.
Enfin, en matière de fiscalité environnementale, nous n’avons fait que peu de progrès. Voilà quelques mois, un groupe de travail du Centre d’analyse stratégique, présidé par Guillaume Sainteny, publiait un rapport démontrant le caractère contreproductif d’un certain nombre d’aides publiques sur le plan environnemental.
Comment orienter les choix fiscaux pour limiter l’étalement urbain et les rejets industriels dans l’eau ou réduire les émissions atmosphériques de métaux lourds ? Il avait été suggéré d’étendre le champ d’application de la taxe générale sur les activités polluantes. Pourquoi ne pas avoir donné suite à cette proposition ? N’est-il pas temps de créer, comme vous l’aviez évoqué, un fonds national de préservation de la biodiversité, qui pourrait être alimenté par un redéploiement des incitations fiscales qui sont dommageables à cette dernière ?
La préservation de la biodiversité nécessite une forte volonté politique nationale, assortie d’une mise en œuvre concrète et efficace à l’échelon local. « Penser global, agir local », tel a été le credo des intervenants lors de la conférence française pour la biodiversité, qui s’est tenue à Chamonix au mois de mai 2010. Il faut établir aujourd’hui un nouveau contrat de confiance entre les territoires et l’État. Seule l’addition des volontés sera pleinement efficace.
Mon département, le Doubs, a apporté la preuve de sa capacité d’entreprendre. Je suis fier de profiter de cette tribune pour rappeler qu’il est le berceau de la première loi française de protection de l’environnement, adoptée grâce à Charles Beauquier. Ce député du Doubs, cofondateur et président de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, soutint les habitants de Nans-sous-Sainte-Anne, un magnifique village du pays de Gustave Courbet, quand ils s’organisèrent pour protéger « leur » source du Lison contre les sombres desseins d’un meunier mal intentionné.
Charles Beauquier fit voter le 21 avril 1906 la célèbre loi qui porte son nom. Comme quinze autres sites, la source du Lison fut classée site naturel le 2 mai 1912. Ces premiers classements, plus précoces et plus nombreux qu’ailleurs, font du Doubs le champion de la protection de la nature.
En tant que président du conseil général de ce département – je profite de mon intervention pour saluer mes collègues présidents de conseils généraux ici présents –, je m’attache aujourd’hui à poursuivre l’héritage que j’ai reçu, en préservant la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels, ainsi qu’en assurant la sauvegarde des habitats.
Mes chers collègues, j’achèverai mon propos en soulignant que seul un nouveau pacte de confiance entre l’État et les territoires nous permettra de mieux protéger la biodiversité. Il faut sortir de la dictature de l’urgence et penser à long terme. Nous ne pouvons pas continuer, année après année, d’augmenter la dette écologique et de transmettre un tel fardeau aux générations futures. N’est-il pas temps d’agir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier le groupe écologiste d’avoir organisé ce débat sur la biodiversité, sujet qui nous tient à cœur, puisque nous sommes réunis ce soir à cette heure tardive.
Sans méconnaître les pressions qui s’exercent, de manière croissante, sur la biodiversité – Ronan Dantec a lu un extrait de Moby Dick, Évelyne Didier a évoqué la sixième vague d’extinction, Jean-Claude Merceron y a fait allusion –, je voudrais mettre ce débat en perspective, en examinant les récentes évolutions intervenues ces derniers temps.
Comme l’a dit Jean-Vincent Placé, ce thème n’est pas une « lubie d’écolo », sinon vous ne seriez pas aussi nombreux ce soir !
Comme l’a indiqué Alain Houpert, la société française a évolué dans ce domaine. Le terme même « biodiversité » est passé progressivement du statut d’obscur charabia technocratique à celui de notion connue, au moins vaguement, d’un grand nombre de Français.
Un sondage réalisé en Europe en 2011 a révélé que, en France, 98 % des personnes interrogées avaient entendu parler de biodiversité et que 35 % d’entre elles pouvaient en donner une définition correcte. C’est mieux qu’en Allemagne – 23% – et qu’au Royaume-Uni – 22%.
Cela correspond à une tendance de fond, madame Didier. La prise de conscience a bien progressé et elle nous permet d’arriver plus forts au sommet « Rio+20 », grâce, notamment, à la mobilisation de la société civile.
Vous me permettrez de penser que l’année internationale de la biodiversité, particulièrement animée en France avec plus de 2 800 manifestations labellisées par mon ministère, a contribué à cette prise de conscience.
Le monde économique a, lui aussi, apprivoisé progressivement les enjeux de la biodiversité, même si ce fut parfois plus long : d’une prise en compte d’abord imposée par des normes environnementales vécues comme des contraintes, certaines entreprises ont su passer à une politique plus volontariste, à une politique d’anticipation et même à une politique de valorisation économique de leur savoir-faire écologique.
Raymond Vall a eu raison de souligner que tout notre développement économique et social est basé sur la biodiversité. Comme l’a dit Jean-Vincent Placé, protéger la biodiversité n’est pas une option ; c’est une obligation. Je souscris à ces propos, même si j’aurais beaucoup à dire sur d’autres passages de son intervention...
En politique, ce mouvement de fond a alimenté le Grenelle de l’environnement, qui, je le rappelle, a été voulu par le Président de la République. Le Grenelle lui-même a bénéficié de l’effet d’entraînement du changement des mentalités.
C’est aussi ce même mouvement planétaire, poussé par l’Europe, en particulier par la France, qui a permis le succès de la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique de Nagoya, au mois d’octobre 2010.
Dans un climat de négociations internationales sur l’environnement assez morose, en raison de la déception suscitée par la conférence de Copenhague, ont été adoptés le plan stratégique de la convention fort des vingt objectifs d’Aichi, le protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages qui découlent de leur utilisation – comme le souhaite Ronan Dantec, nous travaillons à des dispositions législatives en la matière – et, enfin, une stratégie de mobilisation des ressources.
Tout cela a été une bouffée d’air pour la communauté internationale.
Je voudrais maintenant vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France, qui a voté pour ce plan stratégique et adopté les deux lois Grenelle, travaille à une meilleure prise en compte de la biodiversité et s’appuie sur un ensemble cohérent d’objectifs et de moyens.
En premier lieu, nous disposons d’un cadre pour la mobilisation de tous : la stratégie nationale pour la biodiversité. Celle-ci a fait entrer la biodiversité dans tous les ministères. Forte de cette expérience, forte de la dynamique du Grenelle et des résultats de la conférence de Nagoya, la France a élaboré, de mai 2010 à mai 2011, une nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité. Pour la première fois peut-être, nous l’avons véritablement conçue avec l’ensemble des partenaires – élus, associations, entreprises, universitaires, syndicats, établissements publics et services de l’État – dans une logique de coopération.
Cette stratégie, que j’ai présentée le 19 mai 2011, est faite pour donner à chacun l’envie et les moyens de s’engager, dans un esprit proche de celui des Agendas 21.
Plus de 230 structures ont déjà adhéré à la nouvelle stratégie – et j’aimerais qu’elles soient plus nombreuses –, c’est-à-dire officialisé leur adhésion aux principes et valeurs qu’elle contient. Ces adhérents sont appelés, dans un deuxième temps, après signature, à proposer un programme d’actions et à valider ainsi concrètement leur ambition.
Ces programmes, que chacun des signataires doit porter, seront eux-mêmes labellisés par mon ministère afin de servir de modèle et de bénéficier de moyens. Je lancerai très prochainement le premier appel à reconnaissance de ces programmes. Les premiers programmes « reconnus SNB » – stratégie nationale pour la biodiversité – seront ainsi rendus publics au mois d’octobre prochain.
M. Jean-Vincent Placé. C’est loin !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. En second lieu, nous nous sommes fixé des objectifs clairs en matière de conservation du patrimoine naturel.
Par exemple, la loi Grenelle 1 a prévu une stratégie de création d’aires protégées terrestres. Celle-ci a été élaborée et est en cours de déclinaison à l’échelon régional. L’objectif est de combler les lacunes du réseau actuel et d’atteindre, d’ici à 2020, un taux de couverture du territoire, par le biais de protections fortes, de 2 %. Plus de 200 nouvelles aires protégées potentielles ont été identifiées.
Dans ce cadre, la création de trois nouveaux parcs nationaux est engagée : le Conseil national de la protection de la nature a donné, le 3 février – je le souligne avec d’autant plus de plaisir que cela n’a pas toujours été facile –, un avis favorable au projet de décret et de charte du parc national des Calanques. Le parc sera effectivement créé au premier semestre de cette année.
Le projet de parc national de forêt feuillue de plaine a été retenu sur le site « entre Champagne et Bourgogne », dans les départements de la Côte-d’Or et de la Haute-Marne.
Le premier semestre 2012 devrait également voir la signature de l’arrêté de prise en considération par le Premier ministre.
Enfin, le travail d’identification du secteur retenu pour le parc national de zones humides est en cours. Je ne vous cache pas que ce travail a été rendu plus difficile, car il était nécessaire de ménager un temps d’appropriation par les élus territoriaux. Ce processus devrait aboutir cette année.
La dynamique de création de réserves naturelles nationales est également poursuivie : pas moins de quatorze réserves ont été créées et deux ont été étendues depuis 2007 ; trois autres seront créées au premier semestre 2012.
La loi Grenelle 1 prévoyait enfin l’acquisition de 20 000 hectares de zones humides d’ici à 2015 : entre 2007 et 2010, les agences de l’eau en ont acquis 15 000 et le Conservatoire du littoral, au cours de la seule année 2010, en a acquis 3 400.
Pour que la préservation de la biodiversité soit bien une priorité de l’action publique, comme l’appelle de ses vœux Jean-Vincent Placé, une stratégie pour la création d’aires marines a également été élaborée en 2007 et révisée en 2011. L’objectif fixé par le Grenelle de la mer est de placer, en 2012, 10 % des eaux sous juridiction française en aires marines protégées, en y incluant les sites Natura 2000. D’ici à 2020, ce taux devra être porté à 20 %.
Dans ce cadre, trois parcs naturels marins ont d’ores et déjà été créés : ceux de la mer d’Iroise, de Mayotte, et du golfe du Lion.
Le parc naturel marin des Glorieuses sera très prochainement créé et quatre autres parcs font actuellement l’objet d’études ou de consultations. Par ailleurs, les parcs nationaux de Port-Cros et de la Guadeloupe ont vu leur territoire étendu en mer.
En complément de ces réseaux d’aires protégées, deux outils territoriaux permettent de mener une action à grande échelle : il s’agit de Natura 2000, qui couvre 12 % du territoire, et des parcs naturels régionaux, qui en couvrent 14 %.
Le réseau Natura 2000 s’est déployé en mer, passant de 7 000 kilomètres carrés en 2007 à plus de 40 000 aujourd’hui, répartis dans 207 sites.
Plus de 80 % des sites ont désormais un comité de pilotage – j’espère que nous atteindrons bientôt 100 % – et la barre des mille contrats Natura 2000 pour réaliser des travaux de restauration des milieux naturels a été franchie.
Évelyne Didier l’a souligné, le modèle des parcs naturels régionaux est reconnu comme un dispositif original et souple permettant à un ensemble de communes d’organiser collectivement un développement durable respectueux du patrimoine naturel et culturel. Ce modèle continue à susciter l’enthousiasme. Trois nouveaux parcs ont ainsi été créés depuis 2007 : celui des Alpilles, celui des Pyrénées ariégeoises et, tout récemment, celui des Ardennes. Deux autres devraient être créés en 2012 : celui des Préalpes d’Azur, dans les Alpes-Maritimes, et celui des Baronnies provençales.
Pour parfaire ce réseau et le transformer en une véritable infrastructure écologique pour notre pays – je m’adresse plus particulièrement à Rémy Pointereau, qui, ce matin, s’est rendu à mon ministère, accompagné d’une délégation d’élus, pour évoquer avec moi la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand, c'est-à-dire le doublement de la ligne Paris-Lyon par le Centre –, la loi Grenelle 1 a prévu la création d’une trame verte et bleue, dont les principes ont été fixés par la loi Grenelle 2.
Aujourd’hui, il n’est plus question uniquement d’infrastructures ferroviaires ou routières ; la nature elle-même devient infrastructure.
Le comité national a été créé et installé au mois d’octobre 2011 et les orientations nationales sont en cours d’examen par le Conseil d’État. Enfin, les comités régionaux, copilotés par l’État et les régions, sont pleinement engagés dans l’élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique.
Madame Didier, messieurs Dantec et Jeannerot, vous vous en êtes inquiétés, aussi, je tiens à vous dire que la trame verte et bleue est en marche avec les collectivités locales.
Pour contribuer à ce projet, un plan de restauration de la continuité des cours d’eau, qui fait suite à l’adoption des schémas directeurs d’aménagement des eaux, a été adopté. C’est dans ce cadre qu’ont été prises les décisions d’effacement des barrages de la Sélune, dans la Manche, en 2009, et d’arasement partiel du barrage de Poutès, en Haute-Loire, en 2011. Je sais que cela ne fait pas plaisir à tout le monde ! En tout, 506 barrages de moindre importance ont déjà été mis aux normes sur des cours d’eau classés afin d’atténuer les effets de discontinuité qu’ils créent.
Un autre type d’outil, toujours d’actualité, vise à protéger directement les espèces animales et végétales et leur habitat : conformément aux prescriptions de la loi Grenelle 1, les plans nationaux d’action en faveur des espèces menacées d’extinction, qui complètent la protection réglementaire, ont été développés et concernent désormais plus de 70 espèces, contre 17 en 2006.
Le choix des espèces s’effectue désormais suivant des critères établis avec le Muséum national d’histoire naturelle.
Les textes encadrant la protection des espèces ont été révisés pour inclure la protection des aires de repos et des sites de reproduction.
Enfin, une stratégie nationale en faveur des poissons migrateurs a été adoptée.
En matière de préservation des terres agricoles et naturelles, messieurs Dantec et Vall, nous avons déjà modifié les textes sur les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et les plans locaux d’urbanisme, les PLU, afin de favoriser la densification.
La loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a par ailleurs créé un observatoire national et des outils départementaux. Les élus locaux ont désormais la possibilité de mettre en place une taxe, le versement pour sous-densité, afin d’éviter l’étalement urbain et une mauvaise utilisation du territoire.
En matière d’organismes génétiquement modifiés, le Gouvernement fait preuve d’unanimité dans son action et ses choix : avant la fin du mois de février, nous prendrons une nouvelle clause de sauvegarde, puisque la précédente a été annulée par le Conseil d’État.
Pour ce qui concerne le plan Écophyto 2018, monsieur Jeannerot, le Gouvernement poursuit son effort : la somme mobilisée est passée de 60 millions d’euros en 2009 à 140 millions d’euros en 2011, en dépit des contraintes budgétaires.
Après le cadre et les objectifs, le troisième étage de la fusée est constitué par l’amélioration de la connaissance. Jean-Claude Merceron l’a souligné.
Pour donner à chacun – en premier lieu, aux services du ministère – les moyens d’agir efficacement en faveur de la biodiversité, il faut connaître et comprendre.
Dans le domaine de la recherche, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité a été créée. Mon ministère, pour sa part, continue à financer des appels à projets de recherche thématiques.
En matière d’inventaire, nous avons lancé en 2011 le projet de cartographie nationale des habitats. C’est la première pierre d’une cartographie mondiale telle qu’elle a été souhaitée par Jean-Claude Merceron.
D’ici à 2018, une cartographie au 1/25 000 de la végétation sera réalisée. Elle sera intégrée au référentiel géographique à grande échelle de l’IGN et disponible gratuitement pour toutes les personnes publiques.
Cette cartographie sera utile à la définition des continuités écologiques comme des choix d’implantation d’infrastructures et d’aménagements. Nul doute que Rémy Pointereau la consultera pour promouvoir sa ligne à grande vitesse. (Sourires.)
D’autres types d’inventaires évoluent : l’inventaire des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, les ZNIEFF, devient continu ; les atlas de la biodiversité dans les communes sont en cours de rodage.
J’en viens maintenant au quatrième étage de la fusée, à savoir les moyens financiers : il nous fallait développer des ressources nouvelles.
Pour aller plus loin dans la restauration de la biodiversité, l’État s’était engagé, dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité, à explorer des mécanismes de financement nouveaux.
Monsieur Jeannerot, j’ai le plaisir d’annoncer ici, après l’avoir fait hier devant tous les acteurs de la biodiversité, la création du Fonds d’investissement pour la biodiversité et la restauration écologique, le FIBRE. (MM. Rémy Pointereau et Pierre Hérisson applaudissent.) Doté cette année de 25 millions d’euros, il permettra la réalisation de travaux de restauration des milieux, de rétablissement des continuités écologiques et d’inventaires qui y sont associés. L’utilisation du fonds sera soumise à l’avis d’un comité inspiré du Grenelle de l’environnement. Il ne s’agit donc pas d’affichage, monsieur Placé, contrairement à ce que vous vous plaisez à répéter. (M. Jean-Vincent Placé s’exclame.)
Enfin, le dernier étage de la fusée est constitué par la rénovation de la gouvernance de la biodiversité. Cette gouvernance est aujourd’hui éclatée en une multitude de comités et commissions. Dans un souci de simplification, j’avais confié au préfet Dominique Schmitt le soin d’animer un groupe de travail entre novembre 2011 et janvier 2012 – je remercie d’ailleurs M. Ronan Dantec d’y avoir participé – en vue de me présenter des propositions : c’est chose faite. Je me réjouis que ces propositions aient fait l’objet d’un large consensus. Compte tenu de la complexité du sujet, c’était une gageure. J’ai indiqué au préfet Dominique Schmitt qu’un tel succès, dans ce que l’on peut appeler une « médiation », l’exposait au risque d’être de nouveau sollicité.
Le groupe de travail a réussi à converger sur les grands principes d’une rénovation, à savoir : la création, sur le mode de fonctionnement du Grenelle de l’environnement, d’un comité national de la biodiversité unique – il regroupera de nombreuses institutions existantes – pour les négociations entre parties,…