M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, madame la présidente du groupe de travail « Négociations internationales – Climat et Environnement », mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier les membres du groupe de travail, à l’initiative desquels se tient ce débat qui me donne l’occasion de faire un bilan des négociations climatiques qui ont eu lieu à Durban, ainsi que, peut-être, de tracer quelques perspectives.
Je remercie tout particulièrement Marie-Hélène Des Esgaulx, Jean-Claude Lenoir et Laurence Rossignol, qui m’ont accompagnée à Durban, ainsi que Ronan Dantec, qui faisait également partie de la délégation à un titre différent. J’associe à ces remerciements Serge Lepeltier, qui fut autrefois sénateur et qui a lui aussi participé à la conférence de Durban en tant qu’ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique.
Il existe deux manières d’évaluer les résultats de la conférence de Durban ; vos observations en témoignent.
La première est de rappeler nos objectifs au début de cette conférence. Cette dernière constitue alors un succès incontestable.
M. Jean-Claude Lenoir. Effectivement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. La seconde est de considérer les efforts nécessaires pour lutter contre le changement climatique à l’échelle planétaire. De ce point de vue, il est tout aussi incontestable qu’il nous reste beaucoup à faire et peu de temps pour agir.
Après la déception de Copenhague, la conférence de Cancún, qui s’est tenue l’an dernier, avait permis de remettre le processus onusien sur des rails. Cela étant acquis, nos objectifs en allant à Durban étaient forcément plus ambitieux.
Notre premier objectif était d’obtenir une feuille de route avec un calendrier précis pour un nouvel accord mondial juridiquement contraignant, destiné à remplacer ou compléter, tout en le prolongeant, le protocole de Kyoto. Cet accord devait absolument comprendre des engagements de réduction des émissions pour tous les pays, à l’exception des plus pauvres et des moins développés. Les engagements devaient donc également concerner les pays émergents, dans un souci d’efficacité environnementale mais aussi diplomatique, afin d’éviter que certains pays, à l’instar des États-Unis, ne continuent à se cacher derrière le manque d’engagement de grands pays émergents comme la Chine ou l’Inde.
Cette feuille de route devait aussi – c’était le deuxième objectif – s’accompagner d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto à partir de 2013, pour éviter qu’il n’existe un vide juridique entre la fin de la première période d’engagement, en 2012, et l’entrée en vigueur du grand accord global que nous attendons tous.
Notre troisième objectif, dont on a moins parlé, était d’encourager les pays à tenir et même à renforcer leurs engagements volontaires de réduction des émissions dans les années précédant l’entrée en vigueur du nouvel accord, afin d’orchestrer une montée en puissance des efforts de lutte contre le changement climatique.
Enfin, notre quatrième et dernier objectif était d’obtenir la création du fonds vert pour le climat et de tracer des perspectives raisonnables s'agissant de son financement. Pour ce faire, nous comptions sur l’unité et la force des propositions de l’Union européenne.
Je crois que, au terme d’intenses négociations, nous avons atteint ces quatre objectifs, même si, je le répète, je comprends qu’on puisse critiquer ces résultats au regard de l’ampleur des efforts nécessaires pour aller au bout de nos objectifs de lutte contre le changement climatique.
La « plateforme de Durban » constitue une feuille de route pour un accord juridique mondial s’appliquant à toutes les parties. Mine de rien, cela faisait dix ans que l’on essayait de convaincre les pays émergents tels que la Chine ou l’Inde, ainsi que certains pays développés, comme les États-Unis, qui se cachaient derrière les premiers.
Les négociations en vue d’un nouvel accord vont donc pouvoir commencer au début de l’année 2012. Elles devront aboutir avant 2015 ; le calendrier est strict. Je tiens à rassurer Marie-Thérèse Bruguière : les engagements inscrits dans ce nouvel accord auront force légale – ce point a fait l’objet de négociations particulièrement serrées –, et ils prendront effet d’ici à 2020 au plus tard.
Non seulement la conférence a permis d’engranger ce résultat, mais en outre l’accord signé par les parties reconnaît explicitement l’écart existant, au niveau mondial, entre les engagements de réduction d’émissions à l’horizon 2020 pris par les pays et l’objectif mondial de limitation de la température moyenne à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Bref, dans le même temps qu’on a fixé une feuille de route, on a reconnu l’urgence de se mettre d’accord et l’insuffisance des résultats obtenus jusqu’à présent.
La conférence a donc permis de lancer une série de travaux qui permettront de relever progressivement les niveaux d’ambition ; ce processus devrait se trouver renforcé par le prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
Les participants à la conférence sont également convenus, en accord avec la position européenne, dite « Kyoto plus », d’adopter une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto en parallèle au lancement d’une négociation globale pour tous les pays sur la réduction des émissions. Sur ce point, l’accord n’est certes pas très clair et sa précision laisse franchement à désirer : les détails concernant les conditions de mise en œuvre ne sont pas nombreux. Il reste que cet accord existe.
Parmi les détails qui doivent être réglés dans les prochains mois, selon un calendrier qui, lui, est clair, figurent notamment les objectifs précis de réduction des émissions – les propositions de l’Union européenne sont connues, et nous espérons y associer un maximum de pays –, la durée de la période d’engagement – l’horizon sera-t-il 2017, 2018 ou encore 2020, date butoir pour la mise en œuvre de l’accord global – et un processus pour gérer les excédents de permis d’émissions. Ce dernier point est particulièrement sensible, puisqu’il est facteur de division jusqu’au sein de l’Union européenne, entre les pays d’Europe de l’Est – vous vous rappelez que la Pologne assurait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne au moment des négociations de Durban –, qui disposent de réserves de quotas d’émissions et aimeraient pouvoir les reporter sur la nouvelle période d’engagement du protocole de Kyoto, et d’autres pays, dont la France, qui se veulent garants de l’intégrité environnementale de ce protocole.
Les participants à la conférence ont également décidé la création du fonds vert pour le climat. Ce point mérite évidemment d’être développé.
Nous avons lancé un programme de travail relatif aux sources de financement à long terme dont pourraient bénéficier les pays en voie de développement ; il nous faut 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.
Ce programme de travail fait explicitement référence aux avancées obtenues par la France, durant sa présidence du G20, en matière de financements innovants. Cette jonction entre des négociations climatiques dans le cadre de l’ONU et des négociations à forte composante financière dans le cadre du G20 était très importante.
D’autres progrès ont été enregistrés sur plusieurs aspects du régime climatique international, par exemple le lancement de travaux qui viendront le compléter s’agissant du lien entre climat et agriculture, au terme d’une facilitation menée par la France, et notamment par moi-même. Ce nouveau champ d’action est essentiel ; je fais là écho à l’une des observations de Marcel Deneux.
Ces résultats sont significatifs à l’échelle des négociations internationales sur le climat, et peut-être même au-delà. Il faut se réjouir que nombre d’États d’Afrique et d’Amérique latine, le groupe des Pays les moins avancés et l’Alliance des petits États insulaires se soient joints à l’Union Européenne pour plaider en faveur de cette feuille de route pour un nouvel accord. De nouvelles convergences diplomatiques émergent donc à l’occasion de ces négociations sur le climat.
En travaillant avec nos partenaires européens, nous avons été en mesure de faire bouger les lignes et de conduire les grands pays émetteurs, qu’ils soient développés, comme les États-Unis, ou émergents, telles la Chine ou l’Inde, à cesser de se regarder en chiens de faïence.
Cependant, il ne serait pas juste de conclure sans regretter de n’avoir pu aller plus loin sur certains sujets : nous avons encore beaucoup à faire dans les mois qui viennent. Peut-être qu’une mobilisation plus forte – notamment de ceux qui ont critiqué ensuite les insuffisances de l’accord – avant la conférence de Durban nous aurait aidés à aller plus loin.
Je voudrais en tout cas souligner l’importance de deux des défis qu’il nous reste à relever.
Le premier défi concerne la période de transition jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord global.
Cette période doit être un moment de montée en puissance de la mobilisation, et non de relâchement de l’effort. Nous savons en effet, grâce notamment aux travaux du Programme des Nations unies pour l’environnement, que l’écart ne cesse de se creuser entre les objectifs retenus par la communauté internationale dans son ensemble et les actions décidées par les États. On ne peut pas attendre 2020 pour combler cet écart !
Dans ce contexte, on ne peut que regretter que trop peu de pays se soient engagés à suivre l’Union européenne dans une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto, et déplorer qu’un pays comme le Canada s’en soit même retiré dès le lendemain de la conférence de Durban – ce qui a été ressenti par beaucoup de participants comme une véritable provocation –, en escomptant ainsi échapper aux conséquences du non-respect de ses obligations au titre de la première période d’engagement, alors que cela ne fait qu’ajouter un deuxième défaut au premier.
Chaque État reste comptable de ses actes, notamment devant les pays les plus pauvres et les plus vulnérables au changement climatique. Tous doivent s’engager de manière constructive d’ici à 2015. Ces engagements pourront être mis en œuvre sans délai dans de nombreux États, d’autant que cette date correspond à des échéances importantes dans des pays comme la Chine ou les États-Unis.
Pour ce qui nous concerne, nous ferons des propositions à nos partenaires européens pour dessiner les contours du futur accord et faire en sorte que la période de transition précédant son entrée en vigueur soit mise à profit pour relever l’ambition de la communauté internationale. Ce seront, avec la capitalisation du fonds vert pour le climat, nos objectifs pour la conférence de Doha. Cette précision me permet de répondre à une question de Marie-Thérèse Bruguière.
Le second défi que nous devons relever concerne le mode de gouvernance des questions environnementales à l’échelle mondiale.
La conférence de Durban a montré encore une fois les limites d’un modèle de négociation. Certains d’entre vous l’ont d'ailleurs souligné ; d’autres ont pu s’en rendre compte sur place. Comment peut-on remettre du souffle dans la négociation ? Il faut probablement l’ouvrir pour lui donner une nouvelle respiration.
Il existe peu de négociations internationales qui présentent la double caractéristique suivante. D’une part, les bénéfices de l’action conjointe sont évidents : ce n’est qu’ensemble que nous arriverons à stabiliser la hausse des températures et, si nous n’y parvenons pas, nous aurons tous à en souffrir. D'autre part, les mesures requises pour obtenir les bénéfices importants qui nous attendent, y compris en termes d’emplois, supposent que chaque État enclenche des processus de transformation économique avec une pluralité d’acteurs qui n’y ont pas forcément été sensibilisés en amont ; elles supposent également une coopération internationale qui repose sur d’autres bases que la seule concurrence économique.
La réforme de la gouvernance mondiale de l’environnement sera pour la France l’un des grands enjeux de la conférence de Rio, qui se tiendra à l’occasion du vingtième anniversaire du Sommet de la Terre, en juin prochain.
Une des composantes essentielles de cette réforme consistera à mieux y associer les acteurs non étatiques – entreprises, syndicats, ONG, collectivités territoriales – afin de les préparer en amont aux mutations auxquelles ils seront confrontés et auxquelles ils devront participer. C’est pourquoi nous organiserons, Alain Juppé et moi-même, le 31 janvier, une réunion destinée à recueillir les propositions de ces acteurs. Ce sera aussi une manière d’aborder les questions d’environnement dans leur globalité, notamment dans leur lien avec la régulation économique – c’est une préoccupation que beaucoup d’entre vous, à l’instar de Ronan Dantec, ont exprimée –, et de travailler à une réforme de la gouvernance globale.
En conclusion, je voudrais souligner à nouveau que la conférence de Durban constitue une avancée significative.
Elle a consacré le principe selon lequel le changement climatique doit être traité dans le cadre du droit international et non du pur volontarisme national, comme l’a rappelé Marie-Hélène Des Esgaulx.
Elle a fait admettre aux grandes économies émergentes, pour la première fois, l’idée que leurs engagements en matière d’émissions doivent être inscrits dans un cadre ayant force de loi.
Elle a permis la création du fonds vert pour le climat, avec un programme de travail sur les financements innovants. Je souhaite que ce fonds soit alimenté par les financements innovants, y compris la taxe sur les transactions financières, à laquelle j’ai toujours été favorable et qui devra être appliquée de la manière la plus large possible afin d’être à la hauteur des enjeux que nous venons d’évoquer.
Le chemin qui reste à parcourir est important. Je peux faire miens certains mots – mais pas tous – de Raymond Vall. Les décisions prises à Durban ne suffiront pas à limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels. Cependant, nous avons franchi ensemble une étape, claire et essentielle ; celle-ci nous rapproche de notre objectif. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jacques Chiron et Ronan Dantec applaudissent également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’état des négociations internationales climatiques et les conclusions de la conférence de Durban.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et par France 3, des questions cribles thématiques ; nous les reprendrons à dix-sept heures précises.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
12
Questions cribles thématiques
fiscalité des collectivités territoriales
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la fiscalité des collectivités territoriales.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été mis à la vue de tous.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE a demandé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle ; de la même manière, nous avons proposé à la conférence des présidents de consacrer une séance de questions cribles au thème de la fiscalité locale. En effet, nous avons souvent relevé l’état d’impréparation totale dans lequel cette réforme a été discutée et adoptée : il en résulte un accroissement des charges de l’État et une absence terrible de lisibilité pour les collectivités locales, aggravée par des circulaires dont les auteurs ont oublié que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ».
D’ailleurs, avec l’article 40 de la loi de finances pour 2012, le Gouvernement s’est accordé deux années supplémentaires pour procéder aux ajustements de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE. En revanche, nous ne disposons toujours pas des données consolidées relatives à la répartition de la CVAE, contrairement aux engagements qui avaient été pris.
Monsieur le ministre, quelles sont les réelles intentions du Gouvernement quant à l’évolution de la CVAE ? Allez-vous revoir la clef de répartition de cet impôt ? On constate en effet que l’Île-de-France concentre la valeur ajoutée, ce qui entraînera inéluctablement des difficultés lorsque, du fait de la stabilisation du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR, les collectivités locales auront de plus en plus de mal à dégager des recettes. Comment, d’autre part, entendez-vous remédier aux inconvénients découlant du fait que vous avez créé un impôt déclaratif ? De quels moyens de contrôle les collectivités locales vont-elles réellement disposer ?
En ce qui concerne la cotisation foncière des entreprises, ou CFE, en réalité, la direction des finances publiques n’a pas été en mesure de fournir aux collectivités territoriales les éléments techniques leur permettant de prendre les délibérations adéquates. Comment, dans ces conditions, fixer de manière pertinente la base minimale d’imposition forfaitaire à la CFE, ainsi que celle concernant les entreprises réalisant plus de 100 000 euros de chiffre d’affaires ? Avez-vous l’intention de faire évoluer encore ces plafonds et planchers de base minimale ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, où en êtes-vous de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, question très importante pour les finances des collectivités locales ? Quelles sont les raisons du retard pris par ce dossier ?
Toutes ces questions démontrent les failles de cette réforme et l’impérieuse nécessité de la modifier profondément ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Mézard, votre question comprend à elle seule tout un ensemble de questions cribles. Je vais essayer d’y répondre en moins de deux minutes, mais si l’on peut poser de nombreuses questions dans un laps de temps aussi court, il est plus difficile de donner beaucoup de réponses dans la même durée.
Pour ne pas perdre davantage de temps, je vous rappellerai, premièrement, que la taxe professionnelle a été intégralement compensée. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Effectivement, cette réforme représente un coût important pour l’État : 5 milliards d’euros en année de croisière.
Mme Évelyne Didier. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. C’était le prix à payer pour alléger les charges de nos entreprises : celles-ci ne sont plus pénalisées par cette taxe qui représentait un véritable handicap dans la compétition avec les entreprises étrangères.
Deuxièmement, s’agissant de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, versée à la fois au bloc communal, au département et à la région, les collectivités locales ont eu, chacune en ce qui la concerne, les réponses relatives à la CVAE à la fin de l’année 2011. Nous allons pouvoir leur adresser les données consolidées dans les prochaines semaines, afin qu’elles disposent des informations nécessaires pour repartir sur des bases mieux connues.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, lorsque cette réforme a été engagée et débattue, on n’a pas pu procéder à une évaluation précise de ses conséquences, commune par commune, territoire par territoire, parce que, tout simplement, ces éléments d’information n’étaient pas connus et qu’il a fallu les collecter. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de communiquer ces éléments et nous le faisons : il ne s’agit donc pas d’une manifestation de mauvaise volonté de la part du Gouvernement. Vous comprendrez que le lancement d’une telle réforme, surtout lorsque le Parlement – comme il doit le faire et comme il l’a très bien fait – en modifie le texte initial, exige un temps d’adaptation pour prendre en compte ces modifications et procéder à des évaluations. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Alain Le Vern. Quel aveu !
M. Philippe Richert, ministre. Vous avez évoqué notamment le fait que le produit de la CVAE était concentré sur certains territoires, phénomène observable en particulier au niveau départemental et régional : c’est la raison pour laquelle il est prévu de mettre en place une péréquation départementale et régionale, en 2013, mais le Parlement en débattra.
Enfin, pour ce qui est des valeurs locatives, nous allons disposer prochainement des résultats des expérimentations réalisées dans cinq départements : dans les semaines qui viennent, ces résultats pourront être diffusés et débattus au Parlement, puisque tel était l’engagement pris.
M. le président. Monsieur le ministre, je sais que l’exercice est difficile, mais essayez de respecter le temps qui vous est attribué.
La parole est à M. Yvon Collin, pour la réplique.
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments d’information, mais j’ai le sentiment qu’ils ne répondent pas totalement…
M. Alain Le Vern. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Yvon Collin. … aux interrogations soulevées, à juste titre, par notre collègue Jacques Mézard. En revanche, il est évident que les collectivités territoriales essaient toujours, avec beaucoup de bonne volonté et, parfois même, de courage, de trouver leurs repères dans le maquis inextricable issu de la réforme de la taxe professionnelle. De fait, les élus sont inquiets, très inquiets même, face à l’illisibilité d’un dispositif pourtant essentiel à l’administration des collectivités locales.
S’agissant de la répartition de la CVAE, elle comporte, selon les propos tenus par la directrice de la législation fiscale lors de la réunion du Comité des finances locales du 12 juillet 2011, « une certaine dose de complexité » – je dirais même « une dose certaine » – : quel euphémisme pour qualifier une réglementation que ne comprennent même plus ses destinataires ! En ajoutant les retards préjudiciables dans la communication des données définitives, qui entraînent le report des votes de programmation pluriannuelle d’investissements, vous comprendrez, monsieur le ministre, l’inquiétude, et même l’exaspération, d’une grande partie des élus locaux, qu’il vous appartient d’essayer de rassurer et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos collectivités locales doivent voter leur budget avant le 31 mars prochain. Il existe deux types de collectivités locales : celles qui sont relativement à l’aise et peuvent voter leur budget en fin d’année précédente, ou en tout début d’année, et celles qui connaissent plus de difficultés et attendent généralement la fin du mois de mars, afin de disposer du maximum d’informations pour établir leur budget.
Or l’année 2012 comporte de nombreuses incertitudes sur un certain nombre de sujets. Tout d’abord, en ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement, puisque l’enveloppe normée a été « rabotée », cette mesure aura des conséquences sur la dotation forfaitaire. Ensuite, le Fonds de péréquation communale et intercommunale sera mis en œuvre et de nouvelles règles de fonctionnement du Fonds de solidarité de la région Île-de-France entreront en vigueur. Des incertitudes subsistent également quant au montant des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO : nous savons bien que l’année à venir s’annonce moins bonne que l’année précédente. Enfin, les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle continueront à se faire sentir, les collectivités locales rencontrant notamment des difficultés à appréhender le montant exact de leurs bases fiscales : l’année dernière, les bases n’ont été connues qu’au mois de décembre.
Monsieur le ministre, je crains donc que de nombreuses collectivités locales ne se montrent très prudentes – elles auront peut-être raison ! – en n’inscrivant pas dans la section d’investissement de leur budget tous les travaux qu’elles auraient pu envisager, par précaution. (M. Alain Le Vern s’exclame.) Effectivement, ces collectivités pourraient connaître des difficultés de financement, d’autant plus que les banques ont du mal à dégager des liquidités et à leur proposer des emprunts. La commission des finances a auditionné récemment le président de la Banque postale, qui a confirmé que son établissement ne serait en mesure de prendre le relais de Dexia défaillante qu’en juin, voire en septembre 2012.
Il est par conséquent à craindre que les collectivités locales ne se montrent très, ou trop, prudentes, ce qui aurait nécessairement des conséquences sur le rythme de la croissance économique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) En effet, chacun le sait, les collectivités locales assurent 75 % de l’investissement public, hors dépenses militaires.
Quels éléments d’information pouvez-vous nous apporter, monsieur le ministre, avant la fin du premier trimestre et, si possible, avant la fin du mois de février, afin que les collectivités locales ne soient pas trop prudentes et puissent effectivement inscrire dans leur budget, autant que possible, les dépenses d’investissement qui leur sont nécessaires, dépenses qui soutiendront la croissance ? (Bravo ! et applaudissements amusés sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me permettre d’apporter des éléments de réponse complémentaires à ceux que j’ai mentionnés tout à l’heure, en brossant le tableau de la façon dont les uns et les autres ont voté les modalités de la nouvelle fiscalité des entreprises.
M. Alain Le Vern. Vous ne répondez pas à la question !
M. Philippe Richert, ministre. Premièrement, je voudrais dire à Philippe Dallier, à titre complémentaire, que les nouvelles procédures mises en place ont effectivement engendré des régularisations de la CVAE pour 2010 qui n’ont été connues qu’en juin 2011. Par ailleurs, le Gouvernement avait pris l’engagement de se fonder sur les ultimes rôles supplémentaires de taxe professionnelle pour calculer avec exactitude la garantie de ressources dont doit bénéficier chaque collectivité…