M. Alain Le Vern. Ne lisez pas votre papier, répondez à la question !
M. Philippe Richert, ministre. Évidemment, pour cette année, cette situation ne se reproduit pas. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) C’est la raison pour laquelle je puis vous indiquer que les collectivités territoriales devraient disposer des évaluations de la CVAE avant la fin du mois de janvier…
M. Daniel Raoul. Pour quelle année ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur, vous devriez plutôt vous réjouir de cette bonne nouvelle : vous savez que vous disposerez des éléments nécessaires pour construire vos budgets.
Deuxièmement, les états de notification n° 1259, établis par les services du ministère des finances et comportant toutes les données utiles concernant la CVAE, la CFE, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou IFER, les taxes sur les ménages, la dotation de compensation de la taxe professionnelle et le Fonds national de garantie individuelle de ressources, ou FNGIR, seront notifiés à la fin du mois de février ou au début du mois de mars.
Enfin, vous savez que la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a été gelée. Mais la mise en place de la péréquation aura des conséquences pour certaines collectivités, malgré ce gel. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu d’encadrer cette baisse, en garantissant le montant des dotations à hauteur de 90 % de celui qui a été versé l’année passée. Cette garantie s’élève parfois à 100 % en ce qui concerne la DSU, la dotation de solidarité urbaine.
Vous avez également évoqué les emprunts aux banques. J’aurais sans doute l’occasion d’aborder ce point en répondant aux questions ultérieures. Je reviendrai également sur la question de la nouvelle banque destinée au financement des collectivités locales, issue du regroupement de La Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, je vous remercie votre réponse. Il est évident que nous avons besoin de connaître le maximum d’informations avant la fin du mois de février pour établir nos budgets. Nous attendons par conséquent ces informations.
Chers collègues de gauche, vous vous êtes bruyamment réjouis de la question posée. (La question était bonne ! sur les travées du groupe socialiste.) Nous partageons, sur toutes les travées, les mêmes préoccupations. (Exclamations sur les mêmes travées.) Nous avons tous intérêt à soutenir l’investissement public sur nos territoires. Donc, écoutons le ministre, réjouissons-nous des informations qu’il vient de nous transmettre et faisons notre travail d’élus locaux afin que notre pays se porte le mieux possible, quels que soient ceux qui le gouvernent ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la crise prend un tour plus aigu dans nos territoires, le rôle des collectivités sera déterminant pour retrouver la croissance nécessaire au redressement de notre pays, car, comme cela a été précisé il y a quelques instants, elles réalisent plus de 70 % de l’investissement public.
Encore faut-il que leurs moyens le leur permettent et que ceux-ci soient mieux répartis sur notre territoire.
Avec ces investissements, de nombreux emplois ont été créés et de nouveaux services rendus, en cohérence avec les attentes de notre population, et c’est tant mieux !
Pour que la dynamique se poursuive, ne stigmatisons pas les principaux acteurs de l’aménagement du territoire que sont nos collectivités (M. Christian Namy applaudit.), mais veillons plutôt à une répartition plus équitable de leurs ressources.
La mise en place cette année du fonds national de péréquation des recettes intercommunales et communales, le FNPIC, constitue une avancée significative en ce sens ; il faut le souligner.
Cependant, pour que cette solidarité entre les collectivités soit efficace et juste, elle doit s’inscrire dans le contexte des réformes de notre fiscalité locale.
Le récent débat budgétaire a parfaitement illustré ce propos, notamment sur la question de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle.
Si les ressources initiales des collectivités ont été garanties, il faut reconnaître que la prise en compte des outils péréquateurs de la nouvelle contribution économique territoriale, la CET, dans leurs nouveaux indicateurs de richesse a des effets pervers.
Le fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, la DCRTP, bouleversent la hiérarchie de leurs richesses, alors que la masse de leurs recettes fiscales réelle est la même. De ce fait, des territoires industriels qui souffrent ou des territoires ruraux à faibles bases d’impôt économique se trouvent fortement pénalisés.
A contrario, ceux qui sont potentiellement gagnants voient leurs potentiels financiers baisser alors que leurs ressources sont inchangées et plus dynamiques.
La double peine est donc inéluctable pour les territoires les plus fragiles : un risque de perte d’éligibilité aux fonds de péréquation et l’alourdissement de la fiscalité des ménages, alors que c’est l’inverse qui se produira pour les plus riches !
Qu’envisagez-vous, monsieur le ministre, pour mettre en cohérence les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle avec la réduction des inégalités entre les collectivités que vous soutenez par ailleurs ? (Applaudissements sur les travées de l’UCR et sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le président, permettez-moi de me réjouir des propos de Philippe Dallier, qu’il s’agisse de son intervention et de sa réplique. Mais il est évidemment loisible à chacun de transformer les questions cribles thématiques en une simple occasion d’affrontement entre la majorité du Sénat et le Gouvernement. Jusqu’à présent, je pensais que celles-ci étaient destinées à obtenir des réponses précises. Vous me posez des questions de délais : je vous apporte des réponses en matière de délais. On me fait part de difficultés : j’essaie d’y répondre afin que nous soyons le plus opérationnel possible.
Pour le reste, permettez-moi de rappeler que, dans cet hémicycle, la droite n’est pas la seule à avoir demandé une révision de la fiscalité des entreprises. Celle-ci s’est traduite par la suppression de la taxe professionnelle. D’autres procédures auraient pu être imaginées. Quoi qu’il en soit, cette réforme a été longuement préparée, et c’est le moins que l’on puisse dire. Des gouvernements de toutes tendances politiques s’étaient saisis de cette question mais aucun n’avait réussi à mettre en œuvre une réforme.
Aujourd'hui, puisqu’une réforme a abouti, faisons en sorte qu’elle profite aux entreprises et à la dynamique économique, mais que les collectivités ne soient pas en reste. C’est ce que nous essayons de faire de façon concrète.
J’en viens à la question de Pierre Jarlier sur la péréquation et la prise en compte de la richesse des collectivités. Nous avons eu un débat très intense, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, sur le principe et les modalités de la péréquation.
Il est vrai qu’une très large majorité est favorable au principe. Lorsqu’on en vient aux conditions de sa mise en œuvre, les débats prennent cependant une tout autre tournure. Lorsque l’on est contributeur, même quand le montant global de la péréquation n’est que de 100 millions d’euros, cela peut représenter des sommes considérables pour certaines intercommunalités. Il est donc compréhensible que les élus représentant ces territoires fassent valoir leurs arguments par rapport à cette ponction, qui, pour les uns, est justifiée, voire insuffisante et, pour les autres, est exagérée.
Nous avons défini les critères qui doivent être pris en compte, d’un côté, pour les prélèvements et, de l’autre, pour les reversements, c’est-à-dire pour la répartition du fonds.
Ces critères sont en partie différents. Le critère qui joue dans les deux cas est évidemment celui de la richesse des collectivités, sur la base de l’ensemble des ressources. Fallait-il prendre en compte les ressources réelles, les montants versés ou le potentiel ? La question a été tranchée, mais le débat reste ouvert, notamment avec l’évolution de la compensation de la CVAE réellement perçue par les collectivités.
J’avais indiqué au Sénat, lors de l’examen du budget, que nous devrions réexaminer le sujet au moment de l’évaluation, à l’automne 2012, afin d’être sûrs de bâtir un équilibre non pas sur des perceptions mais sur la richesse réelle de chaque territoire. C’est un vrai sujet, et, je m’en porte garant, le Gouvernement et le Parlement pourront partager leurs réflexions dans un débat ouvert.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, monsieur le ministre, des explications que vous venez de nous donner. Je tenais absolument à appuyer les propos de mon collègue Pierre Jarlier. Nous sommes tous deux membres de la mission commune d’information sur la réforme de la taxe professionnelle et nous continuons à penser qu’il aurait fallu supprimer la taxe professionnelle dans le cadre d’une réforme de la fiscalité locale englobant tous les enjeux en question.
S’il est nécessaire de réfléchir à l’évolution de la loi, il faudra aborder la question non pas seulement à partir de données chiffrées, mais à travers d’autres données : l’équilibre territorial, les relations entre les collectivités, entre les collectivités et les entreprises ; bref, entre les collectivités et le développement économique, vecteur de croissance pour les territoires.
Sur ce dernier point, je voudrais vous faire part de l’information que j’ai recueillie sur le terrain. Si les élus ont montré une grande satisfaction à l’égard du remboursement anticipé du FCTVA décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, ils s’inquiètent aujourd’hui de son maintien, compte tenu de la situation budgétaire de l’État. Aussi, je me fais le porte-parole de ces élus qui souhaitent que soient prorogés les effets positifs de ce mécanisme sur leurs communes. Je vous remercie, monsieur le ministre, de prêter attention à cette information. (Applaudissements sur les travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le temps des réformes vient le temps des bilans. Dès lors, force est de constater qu’en matière de fiscalité locale, votre bilan, monsieur le ministre, est marqué par les mauvais coups portés aux territoires, l’inefficacité économique et le maintien des injustices pour les ménages.
L’année 2011 aura été, pour les collectivités territoriales, la première année d’application de la réforme de la taxe professionnelle. Nos collectivités abordent 2012 en tentant de trouver leurs repères, dans un contexte miné par la diminution de leur autonomie fiscale, de leur dotation et l’imprévisibilité, auxquelles le Président de la République continue d’ajouter la stigmatisation.
Outre la dégradation des déficits publics de plus de 4,7 milliards d’euros en pleine crise des dettes souveraines, votre réforme n’est pas parvenue non plus à susciter l’adhésion de l’ensemble des entreprises et à faire la preuve de son efficacité économique.
Ce bouleversement fiscal a également eu pour conséquence directe le déséquilibre de la répartition de la charge locale, au détriment des ménages. Votre politique est restée exclusivement tournée vers les entreprises. La charge fiscale sur les entreprises a été injustement allégée par la suppression de la taxe professionnelle et seule la révision des valeurs locatives des locaux professionnels a été engagée.
Peut-on en dire autant de la fiscalité locale pesant sur les ménages ? De nombreuses voix se sont pourtant élevées pour admettre que la taxe d’habitation, mais également les taxes foncières sont des impôts injustes, du fait notamment de l’obsolescence et de l’iniquité des valeurs locatives sur lesquelles elles sont assises.
Le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les impôts « ménages », rendu public en mai 2011, confirme ce constat et souligne que l’absence de revalorisation générale des bases « entraîne des transferts de charges implicites régressifs entre contribuables d’une même collectivité ».
En conséquence, où en est-on de la volonté de protection de nos concitoyens les plus modestes dont vous ne cessez de vous targuer ?
Monsieur le ministre, au-delà des effets d’annonce, comment comptez-vous mettre enfin en œuvre une politique fiscale juste pour les ménages ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Madame la sénatrice, j’indique tout d’abord que les reversements de l’État aux collectivités ont été en 2010 de 98 milliards d’euros, en 2011 de 99 milliards d’euros et en 2012 de 100 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année. C’est la réalité, qui est indiscutable : l’État a augmenté d’année en année sa contribution aux collectivités.
Ensuite, nous avons mis en œuvre, ensemble, la réforme de la taxe professionnelle parce que c’était à la fois un impôt injuste (M. Alain Le Vern s’exclame.) et une taxe qui handicapait très sérieusement nos entreprises. (M. Alain Le Vern s’exclame de nouveau.) Vous avez raison, madame Espagnac, la contribution des entreprises a été allégée de l’ordre de 4,7 milliards d’euros. Ce sont globalement les entreprises de production, celles qui investissent beaucoup, dont la facture de taxe professionnelle a été le plus allégée, afin d’être davantage concurrentielles avec les entreprises étrangères et de réduire les risques de délocalisation. La suppression de la taxe professionnelle est donc une mesure anti-délocalisation : nous n’avons pas peur de le revendiquer.
Pour autant, y a-t-il eu des injustices au niveau des communes et des intercommunalités ? Nous avons tout simplement réparti autrement l’éventail des ressources entre les trois niveaux de collectivités : la commune et les intercommunalités, le département, la région.
La taxe d’habitation revient entièrement au bloc communal, mais il n’y a pas eu de charges supplémentaires pour les ménages. Les montants qui étaient perçus auparavant par le département et la région ont été transférés aux communes. Je ne vois donc pas d’où vous tenez les résultats que vous indiquez.
Enfin, il est nécessaire non pas d’instaurer une augmentation générale des bases, mais d’ajuster les valeurs locatives. En effet, si nous ne le faisons pas, les injustices continueront. Nous sommes engagés sur ce point, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le ministre, je suis ravie de savoir que nous irons vers un ajustement des bases locatives. Je regrette simplement que cela n’ait pas encore été fait.
Je souhaiterais vous répondre en rappelant plusieurs points.
Les sénateurs socialistes ont, tout au long de ce quinquennat, proposé par voie d’amendement et de proposition de loi de renforcer la justice dans la fiscalité locale par une meilleure prise en compte du revenu et une révision générale des valeurs locatives. Chaque fois, le Gouvernement s’y est opposé et a choisi de maintenir les inégalités existantes !
Les socialistes n’ont aucune leçon à recevoir d’un gouvernement qui, depuis 2007, a mis à mal la progressivité de l’impôt pour sauvegarder les avantages acquis des plus aisés. (Mlle Sophie Joissains s’exclame.)
Le Conseil des prélèvements obligatoires, dont j’ai cité dans ma question le rapport de mai 2011, a rappelé que seules les réformes portées par les gouvernements de gauche en 1990, en 1998 puis en 2000 ont permis d’introduire de la progressivité, et donc de la justice, dans la taxe d’habitation. C’est la réforme de 2000, avec le plafonnement de la taxe d’habitation en fonction du revenu qui a le plus concerné les ménages les plus pauvres, à savoir ceux qui sont situés dans les deux premiers déciles, en particulier dans le premier.
Les Français ne sont pas dupes : ils savent de quel côté de cet hémicycle la justice fiscale est défendue. Nous ne doutons pas qu’ils vous en donneront une nouvelle fois la preuve en mai prochain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’interroger sur la thématique de ces questions cribles. En effet, peut-on encore parler de fiscalité des collectivités locales alors qu’elle tend à disparaître, tout particulièrement la fiscalité directe ?
M. Alain Le Vern. Exact !
M. Christian Favier. Il y a quelques années, les ressources fiscales représentaient 60 % des recettes des collectivités locales et la fiscalité directe en constituait les trois quarts.
Si nous sommes aujourd’hui incapables de chiffrer précisément la place de cette fiscalité, nous savons qu’elle a quasiment disparu pour les régions, en dehors de la modulation de la TIPP – taxe intérieure sur les produits pétroliers –, qu’elle est très faible pour les départements, qui ne votent plus que le seul taux du foncier bâti, et qu’elle est profondément réduite pour les communes, du fait de la disparition de la taxe professionnelle.
Devant ces évolutions, nous sommes en droit d’affirmer qu’aujourd’hui la garantie constitutionnelle d’une autonomie financière des collectivités territoriales n’est plus assurée.
Cette question est importante car, comme le déclarait Pascal Clément dans son rapport sur la réforme Raffarin de 2004 : « la fiscalité locale relève d’une exigence démocratique, car il n’est pas de pouvoir politique véritable sans pouvoir fiscal ».
Le Conseil des prélèvements obligatoires, reprenant cette citation, est même allé plus loin dans son rapport de mai 2010. En effet, selon lui, il découlerait de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « que doit être considéré comme un élément essentiel de la démocratie le lien qui existe entre le vote qui permet de désigner les élus et le fait que ceux-ci aient le droit de déterminer précisément le taux ou l’assiette des impôts ».
L’autonomie fiscale constituerait donc un fondement de notre démocratie locale, laquelle est aujourd’hui bafouée par le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre.
Alors allez-vous enfin rendre aux élus locaux leurs responsabilités fiscales, monsieur le ministre ? Ce serait un gage démocratique et un gage d’efficacité. Cela permettrait aux citoyens de comparer le montant de leurs impôts en fonction des services dont ils bénéficient. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Comme vient de le dire M. Favier, les ressources des collectivités ont été spécialisées : la fiscalité, notamment celle des ménages, est davantage regroupée sur les communes et les intercommunalités. Les départements et les régions ont moins de ressources fiscales et plus de ressources financières. Telle est la réalité.
La Constitution, je le rappelle, consacre le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales, non de leur autonomie fiscale. La question est de savoir comment la mettre en œuvre.
Comme vous le savez, j’ai été pendant dix ans président de conseil général. À ce titre, permettez-moi d’évoquer l’une des ressources transférées – qui est importante – des conseils généraux, à savoir les DMTO, les droits de mutation à titre onéreux. Vous le savez, ceux-ci ont beaucoup varié. (M. Claude Jeannerot opine.) En 2008, je le rappelle, ils s’élevaient à 7,2 milliards d’euros, en 2009 à 5,3 milliards d’euros, en 2010 à 7 milliards d’euros. En 2011, ils dépasseront sans doute les 8 milliards d’euros.
Les départements ont d’abord des compétences sociales. Or on sait très bien que cette ressource importante pour les conseils généraux ne fluctue pas proportionnellement aux dépenses sociales. (M. Claude Jeannerot opine de nouveau) Monsieur Favier, on demande à tout prix pour les collectivités, par exemple le département, la fiscalité. Or celle-ci est très mal adaptée, car elle ne correspond pas du tout à l’évolution de la dépense des conseils généraux. (M. Alain Le Vern s’exclame.)
Il existe une deuxième manière d’aborder ce sujet – je le fais de façon très libre, car c’est là une vraie question. Elle consiste à verser des dotations, à l’instar de ce qui a été fait par exemple pour le RSA. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Le reproche qui est fait à la dotation, quel que soit d’ailleurs le gouvernement en place, est souvent qu’elle ne laisse aucune marge de manœuvre, qu’il faut se débrouiller avec la somme obtenue. (M. Claude Jeannerot s’exclame.)
On le voit, le financement des collectivités nécessite un réel débat, car si la dotation vient en remplacement de la fiscalité, son évolution ne correspondra jamais à celle de la dépense.
M. Alain Le Vern. C’est laborieux !
M. Philippe Richert, ministre. Nous devons réfléchir à une manière d’ajuster les financements. On ne peut pas partir du principe qu’une dépense est couverte par la fiscalité, puis, chaque fois que la fiscalité ne suffit pas, demander une compensation supplémentaire.
M. Alain Le Vern. Vous réfléchissez après !
M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit là d’un vrai débat, qui doit permettre au Parlement d’évoluer sur ce sujet.
Un sénateur du groupe socialiste. Il n’a rien dit !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour la réplique.
M. Christian Favier. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je ne suis pas satisfait de votre réponse. Vous venez en effet de confirmer votre volonté de restreindre l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et la possibilité pour les élus de continuer à voter leurs impôts.
Vous êtes profondément attaché, on peut le dire, à une mise sous tutelle permanente des collectivités locales afin de freiner leurs dépenses, de réduire leur liberté d’action et de les empêcher de répondre aux besoins de leurs populations.
À cet égard, l’exemple des DMTO que vous avez pris est éclairant. Vous avez déjà privé les collectivités territoriales d’une certaine liberté en procédant de manière tout à fait arbitraire à une péréquation des DMTO,…
M. Christian Favier. … laquelle, si elle tient compte effectivement de la progression de ces droits de mutation, ne prend pas en compte la réalité des dépenses des départements.
Je prendrai un seul exemple, celui du département de la Seine-Saint-Denis. Alors qu’il est très certainement l’un des départements faisant face aujourd'hui aux difficultés sociales les plus importantes, il contribue au Fonds national de péréquation des DMTO, c'est-à-dire qu’il paie pour d’autres départements.
Mme Christiane Demontès. C’est incroyable !
M. Christian Favier. C’est le monde à l’envers !
Si les régions et les départements ne peuvent plus maîtriser leurs ressources, c’est parce que vous voulez en fait transformer ces collectivités et leurs élus en simples services déconcentrés de l’État.
M. Alain Le Vern. Tout à fait !
M. Christian Favier. Vous ne supportez plus leur liberté, leur capacité à mettre en œuvre d’autres choix politiques que ceux du gouvernement auquel vous appartenez.
Quant à l’autonomie fiscale des communes, elle repose désormais sur la seule taxe d’habitation, impôt on ne peut plus injuste…
M. Alain Le Vern. C’est une strangulation !
M. Christian Favier. … car il ne tient pas compte des revenus. Vous refusez pourtant obstinément de le réformer.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous serons conduits à faire de la réforme fiscale l’un des premiers chantiers de la prochaine législature, lorsque la gauche sera majoritaire à l’Assemblée nationale, comme elle l’est aujourd'hui au Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le ministre, deux ans après la réforme de la taxe professionnelle, le flou prévaut, malgré les réponses que vous venez de nous apporter : les collectivités ne savent toujours pas où elles vont ; elles ne savent pas sur quelles ressources elles peuvent compter, ni d’ailleurs, pour certaines, à quel point elles seront contributrices ou bénéficiaires, compte tenu des absurdités que vient de signaler mon collègue Christian Favier.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, le Gouvernement s’est octroyé du temps supplémentaire pour finaliser et peaufiner la mise en œuvre de la CVAE.
On le voit, une telle réforme aurait nécessité une longue préparation. Au lieu de cela, elle se fait aujourd'hui dans une totale improvisation et au détriment des collectivités territoriales et de ceux qui essaient de les gouverner.
La réforme de la taxe professionnelle a considérablement amoindri – cela a été dit quatre fois cet après-midi – l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Certes, il existe une définition assez large de la notion de ressources propres qui permet de faire en sorte que les ratios soient respectés. Toutefois, dans la pratique, les régions et les départements perdent une grande partie de leur marge d’action à cause de la politique mise en place par le Gouvernement.
Si gouverner, c’est prévoir, la politique que vous avez menée a placé un certain nombre de collectivités dans une situation périlleuse, voire difficile.
De fait, les collectivités tendent de plus en plus à être des administrations gestionnaires des politiques décidées par l’État, qui ne les assume pas toujours, et elles n’ont plus les moyens de définir des politiques adaptées à leur territoire, voulues par leur territoire.
Dès lors, comment comptez-vous faire vivre une réelle décentralisation tout en faisant sortir les collectivités territoriales d’un cadre aussi contraint et hypocrite ? Vous l’avez signalé tout à l’heure, s’il est imaginable que La Poste joue un rôle, il est peu probable qu’elle puisse faire un miracle, car elle ne pourra pas, en un jour, s’improviser remplaçante ou successeur de Dexia. Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre. (MM. Claude Dilain et Jean-Luc Fichet applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Votre question, madame Bouchoux, va me donner l’occasion de répondre également à l’intervention de M. Favier.
Permettez-moi de vous dire, madame la sénatrice, que la réforme de la taxe professionnelle n’a pas été improvisée. Simplement, le débat parlementaire s’est développé, comme il se doit. S’il s’agit de contester au Parlement le droit de modifier les textes présentés par le Gouvernement,…
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas le sujet !