M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le bilan de la conférence de Durban, objet de mon intervention précédente, pour me placer dans le cadre de l’hypothèse la plus pessimiste en matière de réchauffement climatique.
Un rapport de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, dont les conclusions sont malheureusement toujours d’actualité, a montré que tous les domaines de l’économie seront touchés, voire bouleversés, par ce phénomène.
Ce sera notamment le cas des activités liées à l’utilisation de l’eau – on a pu estimer que, à besoins constants, un déficit hydrique d’environ deux milliards de mètres cubes par an pourrait apparaître – et à la biodiversité, mais aussi des secteurs de la santé – certains réchauffements climatiques saisonniers l’ont bien montré, comme celui de 2003, qui a été catastrophique –, de l’énergie et du tourisme.
Malgré la situation économique mondiale actuelle, le réchauffement climatique n’est pas une question secondaire, accessoire, dont on pourrait penser qu’elle ne concerne que nos enfants et petits-enfants. Il est au contraire au cœur du problème qui se pose aujourd'hui à nous.
En effet, la logique du marché, celle d’un libéralisme totalement débridé, qui domine toujours davantage l’économie mondiale, se traduit par une exploitation sans cesse croissante des ressources de la planète, au risque de voir ces dernières s’épuiser et au prix d’une pollution de plus en plus importante.
Cette situation est évidemment sous-tendue par la recherche exclusive du profit, qui impose de créer des besoins inutiles. Vers 1965, on a vu apparaître le marketing, dont la merveilleuse philosophie, pour dégager des profits, est non pas de créer des produits utiles à l’humanité, mais d’inventer des besoins, même s’ils ne correspondent à rien.
Bien sûr, cette politique économique a produit des inégalités, de l’exclusion et de la misère.
La crise économique actuelle est un effet immédiat de cette situation, et les conséquences sur la planète risquent d’être beaucoup plus graves encore.
En effet, la réalité physique l’emportera, toujours, sur les constructions économiques et financières des hommes. Or celle-ci peut se résumer de façon très simple : d’un côté, la population de la planète ne cesse d’augmenter, puisque nous avons récemment passé le cap des 7 milliards d’individus et atteindrons le seuil des 9 milliards avant 2050 ; de l’autre, nous vivons dans un monde fini, dont les ressources sont, à plus ou moins long terme, limitées.
Quand bien même certaines ressources peuvent être qualifiées de « renouvelables », elles ne seront pas suffisantes pour satisfaire une économie avide de profits illimités. À cet égard, mes chers collègues, j’ai été impressionné par le calcul réalisé par un scientifique du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Roland Lehoucq : celui-ci montre que, avec une croissance globale des dépenses énergétiques de 5 % par an, il arrivera un moment où même toute l’énergie du soleil, si l’on arrivait techniquement à la capter, ne suffirait plus à satisfaire cette croissance exponentielle.
À partir de ce constat, il est clair qu’un autre modèle économique doit être adopté de manière urgente. Celui-ci doit prendre en compte l’impérieuse nécessité de préserver les ressources de la planète et d’éviter tout gaspillage inutile. Cet objectif suppose, je l’ai dit, un mode de vie plus sobre, mais pour autant pas moins heureux.
Le partage équitable des richesses entre tous les habitants de la planète est une nécessité qui s’imposera à nous.
Si cette mutation implique, bien entendu, un nouveau modèle économique, nous devons construire ce dernier avec réalisme, donc prévoir des périodes de mix énergétique, qui permettront à l’humanité de s’engager dans une telle démarche, en recherchant de nouvelles énergies ou des techniques susceptibles de capter beaucoup plus efficacement qu’à présent les énergies existantes.
En tenant compte des diverses conférences et des sommets internationaux, nous devons, en tant qu’élus, travailler à favoriser la prise de conscience qui est absolument indispensable si l’on veut changer les systèmes régissant aujourd'hui notre économie. En effet, je le répète, si le réchauffement climatique est un problème planétaire, sa solution est territoriale.
À ce titre, l’engagement des élus, des collectivités et des acteurs économiques sera primordial pour relever un défi qui est, selon moi, celui de la sauvegarde de l’humanité. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la dix-septième conférence des Nations unies sur le climat s’est achevée, à l’aube du 11 décembre 2011, par un accord qui prévoit d’établir, d’ici à 2015, un pacte global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique.
L’accord obtenu est, en fait, une feuille de route vers un nouveau cadre juridique impliquant tous les pays. Si sa nature juridique doit être précisée, il trace néanmoins une suite au protocole de Kyoto.
L’aspect juridique, s’il est bien sûr important – ce n’est pas l’avocate que je fus qui dira le contraire –, n’est pas forcément l’essentiel. Le juridique doit non pas commander, mais accompagner les processus. De même, quand on crée une entreprise, on détermine d'abord un domaine d’activité économique, puis on choisit une forme de société, et non le contraire !
Le juridique s’imposera à un moment ou à un autre, mais il serait erroné de considérer aujourd'hui le problème uniquement sous cet angle.
En toute courtoisie, madame Lienemann, il y a donc là un point d’opposition entre nous.
Selon les experts, le monde est actuellement engagé sur la voie d’un réchauffement qui sera supérieur à 3 degrés en 2035 et des conséquences graves qui pourront en découler, catastrophes climatiques et déplacements de populations aux proportions imprévisibles notamment.
Le réchauffement climatique n’est plus un phénomène visible seulement aux pôles, avec l’inquiétante fonte de la banquise. Des signes assez frappants illustrent désormais l’évolution séculaire du climat en France. Les fortes tempêtes que nous avons connues depuis une dizaine d’années en témoignent.
Par ailleurs, l’année 2011 a été, selon Météo France, la plus chaude depuis 1900, avec une température moyenne en hausse de 1,5 degré. L’année 2011 a également été la plus sèche depuis la création des relevés météorologiques. Pour les climatologues, au-delà des variations d’une année sur l’autre, dont il faut évidemment tenir compte, cette évolution est en majeure partie le résultat de nos émissions massives de gaz carbonique, de méthane et d’autres gaz qui ont intensifié l’effet de serre planétaire.
Tous les efforts des pays visent donc à contenir la hausse de température moyenne à 2 degrés, ce qui, pour certains, est bien en deçà de l’urgence climatique. À l’évidence, il faudra un jour se fixer un objectif encore plus contraignant.
J’ai eu le privilège de faire partie de la délégation ministérielle française à Durban en décembre dernier, et j’ai pu me rendre compte, en qualité d’observateur, de l’énorme défi représenté par de telles négociations, qui doivent aboutir, en seulement quelques jours, à un accord entre 195 pays !
La France cherche depuis dix ans à lancer une négociation globale impliquant tous les pays du monde, notamment la Chine, l’Inde et les États-Unis, dans la réduction des gaz à effet de serre.
À Durban, la position française et européenne était donc de ne pas s’engager dans une suite au protocole de Kyoto sans obtenir un accord contraignant impliquant tous les pays.
Le protocole de Kyoto, seul traité international sur le climat à ce jour, en vigueur depuis 2005, ne couvre qu’une part mineure des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés, soit 16 % du total mondial. Les États-Unis ne l’ont pas ratifié et il ne s’applique pas aux grands pays émergents que sont la Chine, l’Inde et le Brésil.
C’est pourquoi la conférence de Durban était cruciale. Après douze jours de négociations, les 195 pays participants se sont enfin accordés pour lancer des négociations impliquant tous les pays, y compris la Chine, l’Inde et les États-Unis. C’est bien là que réside le succès de ce sommet.
L’Union européenne, mobilisée en particulier grâce à l’action de la France, poursuivra l’application du protocole de Kyoto, et des négociations commenceront parallèlement pour signer, avant 2015, un accord global, qui entrera en vigueur en 2020.
Une autre avancée des négociations de Durban concerne un mécanisme financier acté à Cancún en 2010 pour aider les pays en développement à faire face au changement climatique : le fonds vert pour le climat.
Ce fonds sera alimenté à partir de 2013 et montera en puissance jusqu’en 2020, date à partir de laquelle les pays industrialisés ont promis de verser chaque année 100 milliards de dollars. Cette initiative fait explicitement référence aux avancées intervenues dans le cadre de la présidence française du G20, en novembre 2011, sur les financements innovants.
L’accord prévoit aussi la mise en place d’un travail préparatoire destiné à faire entrer l’agriculture, qui est à l’origine de 15 % des émissions de gaz à effet de serre, dans le périmètre de la convention Climat de l’ONU. Néanmoins, cet accord de Durban peut sembler insuffisant, notamment au regard des ambitions françaises. Notre pays est effectivement très engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans le développement de la croissance verte.
Est-il besoin de rappeler que, depuis 2007, sous l’impulsion du Président de la République, nous nous sommes dotés, avec le Grenelle de l’environnement, d’un vaste plan destiné à inscrire notre pays dans le développement durable et le respect de l’environnement ? Il s’agit là d’un instrument juridique à l’avant-garde des politiques menées en Europe.
La France est ainsi parvenue à se situer dans le trio de tête européen pour plusieurs grands chantiers : énergies renouvelables, amélioration énergétique des bâtiments, politique des transports respectant les engagements écologiques, traitement des déchets et mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance économique.
Je tiens à le dire à cette tribune, notre ministre de l’écologie et du développement durable, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, a soutenu avec une fermeté exemplaire la position de la France à Durban, soulignant qu’il n’y avait pas de solution de rechange à un cadre multilatéral de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Madame la ministre, je salue donc votre implication personnelle dans ces négociations. J’ai été très impressionnée par votre engagement : il a permis à la France de jouer, avec l’Union européenne, un rôle moteur dans ces discussions et a conduit l’ensemble des grands pays émetteurs à faire évoluer leur position.
Sur la table, il y a maintenant un accord qui impose à presque tous les pays du monde de signer, avant 2015, un protocole, ou tout autre instrument contraignant, les engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce n’est pas rien !
C’est même une formidable avancée : la conférence de Durban marque une étape décisive, puisque des pays émergents comme la Chine et l’Inde ainsi qu’un grand pays émetteur comme les États-Unis ont enfin accepté de s’engager sur la voie des réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Cette conférence a ainsi consacré le principe selon lequel le changement climatique doit être traité dans le cadre du droit international, et non plus du pur volontarisme national, ce qui, de mon point de vue, change tout. Elle a fait admettre aux grandes économies émergentes, pour la première fois, l’idée que leurs engagements en matière d’émissions devraient être inscrits dans un cadre ayant force de loi.
Même si le chemin à parcourir est encore très long, la France et l’Europe ont insufflé une dynamique qui doit nous permettre d’affronter les défis qui demeurent, et cela de manière désormais collective. Et comme vous l’avez souligné, madame la ministre, un petit pas, quand il engage tous les pays du monde, y compris les plus réticents, représente une grande avancée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Ronan Dantec l’a souligné, il ne faut pas considérer la conférence de Durban comme un échec et il ne faut pas non plus désespérer des acteurs de terrain. La prise de conscience par la Chine, à l’occasion de cette conférence, de la nécessité d’une action concertée constitue au contraire une bonne nouvelle.
Il va de soi que les pays développés ont une responsabilité majeure dans l’explosion des émissions de gaz à effet de serre au cours de ces dernières années.
Lors du sommet de Durban, les pays émergents ont souligné notre dette climatique à leur égard ; ils ont aussi relevé que nous ne pourrions ni ne saurions avancer sans eux. Ils progressent plus vite que nous dans certains domaines, notamment dans ceux des énergies renouvelables et des technologies vertes, même si certains points sont contestables.
Qu’attendent la France et l’Europe pour oser se fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus élevés et, surtout, pour les tenir ? Il est important que l’Union européenne garde un rôle moteur en termes de négociations climatiques internationales et la France doit jouer un rôle essentiel en la matière.
En dépit de ce qui a été affirmé précédemment, nous estimons que le gouvernement français ne fait que survoler les défis que nous devons surmonter.
Ainsi, à l’opposé de la position qui est la nôtre et que nous assumons, il refuse de sortir du paradigme du « tout nucléaire » sous prétexte que cette mesure aurait un coût trop élevé.
Il ne met pas complètement en œuvre la législation : 35 % des décrets d’application du Grenelle de l’environnement tardent à être pris.
S’agissant de la contribution française censée abonder le fonds vert pour le climat, je ne veux pas répéter les propos qui viennent d’être tenus par mes collègues, mais, à l’évidence, il y a beaucoup à dire…
Pour sortir de l’impasse, un certain nombre de principes importants doivent être respectés.
Je le répète, il convient de mettre fin, d’une façon ou d’une autre, au paradigme du « tout nucléaire », qui nous semble périmé, même s’il a été décidé que le nucléaire ne contribuerait qu’à hauteur de 40 % à la production d’électricité en 2020 : pour notre part, nous souhaitons atteindre 0 % en 2031 !
Par ailleurs, nous devons absolument investir dans l’efficacité énergétique, ce qui devrait nous permettre de diminuer de 50 % notre consommation finale d’énergie d’ici à 2050. Cela passera notamment par la rénovation des bâtiments pour assurer une grande efficacité énergétique.
D’ici à 2050, notre consommation énergétique devra comporter 100 % d’énergies renouvelables, objectif tout à fait réalisable selon un certain nombre d’études.
Sans attendre, le Parlement doit mettre en place une fiscalité écologique prévoyant une taxation des transactions financières et des transports internationaux afin de favoriser les moins onéreux et les moins polluants. Un ajustement aux frontières doit être également envisagé lorsque c’est nécessaire. Voilà un chantier qui reste à ouvrir.
Enfin, autant que possible, il faut promouvoir l’agriculture biologique, notamment au sein de la restauration collective.
Comme on l’aura déjà constaté cet après-midi, les pistes sont toutes tracées et nous pourrions tomber d’accord sur un certain nombre de points, mes chers collègues. Il est de notre devoir de mettre en place ces pistes et de nous montrer exemplaires, y compris dans cette enceinte, afin de mieux peser dans les négociations internationales.
Il n’y a pas de petits efforts. Comme le disait Gandhi, « soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais apporter quelques réflexions complémentaires au débat sur trois points : le bilan de la conférence de Durban, déjà largement évoqué, la reconnaissance officielle du rôle des acteurs locaux, les actions menées par les collectivités territoriales.
La conférence de Durban peut faire l’objet soit d’une lecture positive – le bilan aurait pu être pire si aucun accord n’avait été signé et si aucun relais au protocole de Kyoto n’avait été trouvé –, soit d’une lecture beaucoup plus négative – il ne s’agirait que d’un accord a minima, obtenu à l’arraché, manifestement insuffisant en raison de l’absence de règles contraignantes et du peu d’engagement des États.
Quoi qu’il en soit, et chacun en a bien conscience, le temps presse. Une décennie risque d’être sinon gaspillée, du moins insuffisamment mise à profit au regard de l’ampleur des enjeux et de l’écart entre les conclusions de cette conférence et les résultats des travaux des négociateurs scientifiques du GIEC, lesquels tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur l’urgence de l’action pour limiter le réchauffement climatique.
Malgré quelques progrès, il y a un certain nombre de blocages politiques à l’échelle internationale, blocages qui ne peuvent être sous-estimés.
Ainsi, les États-Unis restent hostiles à l’idée d’un nouveau traité contraignant. Ils ont également engagé un bras de fer avec la Chine afin de lui imposer les conditions de vérification de ses émissions de gaz à effet de serre, mesure à laquelle les pays émergents ne sont pas soumis.
Seule l’Union européenne, dont nous connaissons néanmoins les faiblesses institutionnelles, continue à jouer un rôle véritablement actif.
De surcroît, les intérêts des pays en développement sont toujours difficilement pris en compte.
Alors que la conférence « Rio+20 » s’esquisse, le bilan des négociations reste très insuffisant et la situation demeure extrêmement inquiétante.
J’en viens à la reconnaissance du rôle des acteurs locaux.
Au-delà des États, les acteurs locaux, dans les villes, les diverses communautés, les départements et les régions, sont très actifs et s’engagent concrètement pour faire avancer la situation.
À titre d’exemple, au mois de décembre dernier, Gregor Robertson, maire de Vancouver, a indiqué que sa ville continuerait à s’engager dans l’esprit du protocole de Kyoto, même si son pays s’est retiré des négociations. Et son action n’est pas isolée. De nombreux maires américains ont fait de même, au moment où le gouvernement Bush refusait toute négociation sur le climat.
Je rappellerai également l’engagement solennel, au mois de février 2009, de centaines de maires européens de dépasser, à l’échelon local, les engagements pris par les États. Ainsi, les 3 000 signataires de la convention des maires, qui représentent 131 millions d’habitants, se sont engagés à réduire de plus de 20 % sur leur territoire les émissions de CO2 d’ici à 2020 par rapport à 1990.
La reconnaissance de l’action des collectivités territoriales en matière de lutte contre le réchauffement climatique est légitime et nécessaire. C’est un enjeu non seulement politique et même symbolique, mais aussi financier.
Lors de la conférence de Cancún, l’association Cités et gouvernements locaux unis a notamment insisté sur les efforts qui devaient être faits pour soutenir financièrement l’action des pays en développement.
Au-delà de la déception qui a fait suite au sommet de Copenhague, de Cancún et de Durban, il faut souligner l’engagement des villes dans une démarche « onusienne » avec la création du « registre carbone », qui permet de suivre les actions menées en matière de lutte contre le réchauffement climatique par 51 villes regroupant 83 millions d’habitants.
En France, de nombreuses collectivités ont depuis longtemps engagé des stratégies d’atténuation du réchauffement et d’adaptation à ce phénomène, notamment dans les secteurs du bâtiment et des transports.
Les actions menées pour économiser l’énergie produisent des résultats écologiques, financiers – elles se traduisent, par exemple, par une baisse des factures pour les locataires – et sociaux, notamment dans le cadre la lutte contre la précarité énergétique.
Des investissements très importants ont également été réalisés dans le domaine des transports urbains et interurbains afin d’encourager un report modal des déplacements individuels vers les transports collectifs et « doux ». Les actions menées en faveur de l’intermodalité sont d’ailleurs largement répandues dans les collectivités.
Je voudrais maintenant revenir sur l’importance des réformes conduites en matière d’urbanisme et sur la nécessité de soutenir la limitation de l’étalement urbain, question qui relève des SCOT. Ce n’est pas toujours facile, notamment pour les maires des petites communes. Pourtant, ces éléments ont une importance majeure pour préparer l’avenir de façon sérieuse.
Les collectivités innovent. Je soulignerai, par exemple, les efforts de la ville de Nantes, qui a créé des forêts urbaines et a le projet de mettre en place une ceinture verte, ou encore ceux de Lyon. À Saint-Étienne, des stratégies pour préparer l’adaptation – hélas indispensable – au changement climatique sont dès maintenant mises sur pied.
Les collectivités françaises prennent donc leurs responsabilités et leur part dans les stratégies d’adaptation. En dépit des contraintes financières qui pèsent sur les uns et les autres, il est indispensable de soutenir leurs efforts ; mais, bien sûr, cette action ne sera pas suffisante et ne remplacera pas la nécessaire politique européenne dans laquelle je souhaite voir notre pays jouer un rôle moteur.
Au-delà, il s’agit de mettre en œuvre un modèle de développement pour privilégier une croissance verte dans les années à venir. (Applaudissement sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré l’échec du sommet de Copenhague au mois de décembre 2009 et après la remise sur les rails du processus onusien lors de la conférence de Cancún en 2010, c’est pleine d’espérances et particulièrement ambitieuse que la France s’est avancée vers la nouvelle phase de négociations à Durban. Les résultats paraissent être à la hauteur des espoirs fondés.
La bonne volonté affichée, parfois de façon retentissante, par tous les pays participants a permis d’atteindre l’ensemble des objectifs que s’était fixés le Gouvernement, à savoir l’adoption d’une feuille de route pour un nouvel accord mondial d’ici à 2015, l’adoption du principe d’une deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto à partir de 2013, la reconnaissance de l’insuffisance des engagements actuels et de l’effort supplémentaire qu’il nous faudra fournir dans les années à venir, enfin, la création d’un fonds vert de 100 milliards de dollars d’ici à 2020 dont pourront bénéficier les pays en voie de développement les plus vulnérables face au réchauffement climatique.
La conférence de Durban est également un succès de la diplomatie européenne. Tout au long des négociations, l’Union européenne a été une force motrice.
Comme ma collègue Marie-Hélène Des Esgaulx, je tiens à saluer le rôle de la France, qui s’est exprimée par la voix de sa ministre de l’écologie et du développement durable, Nathalie Kosciusko-Morizet, au sein de cette coalition européenne.
Depuis 2007 et le Grenelle de l’environnement, la France est bien engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le choix du nucléaire qu’elle a opéré voilà cinquante ans, en attendant sans doute d’autres énergies, lui permet de figurer parmi les pays industrialisés les moins producteurs de gaz à effet de serre. La France émet 6 tonnes de CO2 par habitant, contre 9 pour le Royaume-Uni, 10 pour l’Allemagne et même 19 pour les États-Unis !
Le développement des énergies renouvelables, la rénovation urbaine, le bonus écologique, tous ces efforts de l’État sont à mettre à l’actif du Gouvernement. Yann-Arthus Bertrand nous le rappelle : « Chacun est responsable de la planète et doit la protéger à son échelle. »
Malgré cela, le changement climatique et les catastrophes naturelles qu’il entraîne ne cessent de s’aggraver. La disparition de la banquise et la fonte des glaciers conduisent à une augmentation du niveau global des océans menaçant de vastes régions du monde. La déforestation dégrade des écosystèmes entiers et menace de disparition de nombreuses espèces. Plus inquiétant encore pour les besoins fondamentaux de notre société, le réchauffement climatique dérègle la production agricole. La sécheresse qu’a connue une grande partie de la France en 2011 n’en est que le dernier exemple.
Face à l’urgence, plusieurs défis majeurs restent à relever. Je n’en citerai que deux, qui, à mon sens, s’inscrivent pleinement dans le cycle de conférences sur le climat.
Le premier chantier est celui de la gouvernance mondiale des questions environnementales. Ces problématiques imposent d’associer à leur résolution de nouveaux acteurs : les ONG, les grandes industries énergivores responsables de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, les scientifiques, les mieux à même de nous renseigner sur l’évolution effective du climat. Il est absolument indispensable d’associer ces acteurs à la feuille de route que se sont fixée les États signataires de l’accord de Durban.
La deuxième question à laquelle il nous faudra trouver une réponse est celle du caractère contraignant du futur pacte climatique.
Comme mon ami Alain Fouché, j’ai été choquée par le retrait du Canada des accords de Kyoto au lendemain de la conférence de Durban à seule fin d’échapper à ses responsabilités dans l’augmentation de ses émissions de CO2 de plus de 30 % sur la période 1990-2007.
Les États les plus pollueurs doivent être comptables de leurs actes devant la communauté internationale, notamment face aux pays les plus vulnérables au changement climatique.
Seules des réformes aussi audacieuses permettront de réduire l’écart, qui ne cesse de se creuser, entre l’objectif retenu par la communauté internationale, à savoir la limitation du réchauffement de la planète à 2 degrés au-dessus des niveaux préindustriels, et les engagements effectifs des États.
Quels seront donc vos objectifs, madame la ministre, pour la prochaine conférence qui se tiendra au Qatar dans un an ? Comment coordonner les efforts réalisés par la France depuis 2007 et les futures négociations inscrites dans la feuille de route de Durban ?
J’achèverai mon propos par la désormais célèbre injonction qui doit, à mon sens, animer notre action en faveur du climat : « Penser globalement, agir localement ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)