M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Certes, mais il est resté longtemps, et je me permets donc de lui répondre, comme je réponds, du reste, à chacun de ceux qui sont intervenus ; cela me semble la moindre des choses.
Comme M. Maurey l’a parfaitement expliqué, le Sénat aurait pu enrichir la proposition de loi par ses débats. Je me félicite en outre qu’il ait souligné, dans son rapport, la qualité de cette proposition de loi de simplification.
D’aucuns ont affirmé qu’il s’agissait d’une énième proposition de loi de simplification, semblable à toutes celles qui l’ont précédée. En réalité, comme l’a noté Hervé Maurey, cette proposition est différente parce qu’elle est ciblée sur les acteurs économiques.
J’ai bien entendu les remarques portant sur telle ou telle difficulté ayant pu se glisser dans telle ou telle loi de simplification, mais ce n’est pas une raison pour refuser le débat.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous considérez, je le sais, que le travail parlementaire ne peut être de qualité du fait du recours à la procédure accélérée. Je ne partage pas votre analyse : comme je l’ai dit tout à l’heure, j’estime que le temps politique doit rattraper le temps économique.
Le travail parlementaire de l’Assemblée nationale a été riche, et je ne doute pas que, si la motion était rejetée, le travail du Sénat le serait tout autant.
Ce n’est pas, permettez-moi de vous le dire, en refusant le débat que vous aurez la moindre chance d’enrichir le texte !
Je vous reconnais cependant un mérite, madame la sénatrice, celui de la cohérence, puisque vous vous êtes opposée à toutes les lois de simplification.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les dernières années, sûrement !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ne croyez-vous pas cependant que la situation de crise que vit actuellement notre pays mériterait un changement d’attitude ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plusieurs !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Des emplois sont en jeu !
Monsieur Mézard, vous avez souligné que la proposition de loi contenait des mesures de bon sens acceptées par tout le monde. Dès lors, je regrette que vous n’ayez pas pris le parti de capitaliser sur ce constat et d’améliorer ou de supprimer les dispositions qui vous conviennent moins, ou qui ne vous conviennent pas du tout, comme vous l’avez dit de certaines. La bonne méthode parlementaire, pour reprendre une fois encore vos termes, ne serait-elle pas de tenter de faire le tri ?
La différence, c’est que nous voulons aller vite, pour répondre non seulement à la demande des entreprises, mais aussi aux exigences qu’imposent les réalités économiques de la période.
M. Marini a dit que la simplification du droit était un sujet à la fois très sérieux et très complexe. Il m’avait prévenu qu’il ne pourrait être présent pour entendre ma réponse puisqu’il participe à une réunion de travail avec l’un de mes collègues du Gouvernement, mais je tiens à souligner devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis parfaitement d’accord avec le président de votre commission des finances. La meilleure preuve en est que les députés ont finalement rejoint en grande partie dans cette proposition de loi la position qu’il défend de longue date, comme il l’a d’ailleurs lui-même relevé.
Je partage son souci de protéger les entreprises d’une certaine forme de prédation et j’aimerais pouvoir débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen de ce texte.
Monsieur Détraigne, je suis parfaitement d’accord également sur le fait que ce texte ne justifie pas de prises de position idéologiques et que les dispositifs qu’il prévoit, lesquels sont attendus par les acteurs économiques, doivent être discutés. J’engagerais avec beaucoup d’intérêt le débat sur les sujets environnementaux que vous abordez dans vos amendements : ce serait utile pour notre démocratie, car ces thèmes suscitent des inquiétudes, légitimes, du côté tant des acteurs économiques que des associations. Si la motion n’était pas adoptée ou, mieux, si elle était retirée, nous pourrions aller au bout de ces discussions.
Je dis la même chose à M. Anziani, qui a reconnu que la proposition de loi contenait de bonnes choses, notamment dans le domaine de la copropriété. La dépénalisation du droit des affaires mérite un débat, je vous en donne acte, monsieur le sénateur.
Bien légiférer, est-ce refuser de débattre ? Je ne le crois pas. Vous estimez que quatre-vingt-douze articles d’un code modifiés par un seul article – l’article 39 – de la proposition de loi, c’est trop. Je veux simplement relever que, en l’occurrence, il s’agit d’harmoniser, à quatre-vingt-douze reprises, la rédaction relative aux seuils des effectifs salariés dans le code du travail.
M. Alain Anziani. Il n’y a pas que cela !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne veux pas dire que l’argument est facile, mais il me semble tout de même un peu simpliste et, à vrai dire, pas parfaitement honnête de l’utiliser pour prétendument démontrer que l’on balaye tout le code du travail ! Pour ma part, je serais ravi de débattre avec vous de tous les points sur lesquels vous avez des désaccords, mais encore faudrait-il qu’il y ait un débat…
Monsieur Lefèvre, je vous remercie de vos propos. Il faut en effet ériger en principe la démarche de simplification du droit pour restaurer la transparence et la lisibilité de notre système juridique.
Vous avez d’ailleurs été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Eh bien, pour que la loi ne soit pas ignorée, commençons par la simplifier ! Aujourd'hui, elle est trop souvent une jungle pour nos concitoyens comme pour les acteurs économiques, qui ont des difficultés tant à la connaître qu’à la comprendre.
Je tiens à vous dire, monsieur Lefèvre, que le Gouvernement vous rejoint sur un certain nombre de vos propositions, notamment sur la possibilité d’appels fractionnés des cotisations agricoles, et j’espère que la question préalable ne sera pas adoptée afin que nous puissions en débattre.
Madame Dini, vous soulignez que la voie de la responsabilité est non pas de rejeter en bloc un texte mais de l’améliorer. J’apprécie votre honnêteté…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Est-ce à dire que les autres orateurs ne sont pas honnêtes ? Ils le sont aussi !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je parle d’honnêteté intellectuelle, monsieur Sueur ! Je crois en effet qu’il est honnête intellectuellement, face à un texte dont certaines dispositions ne vous plaisent pas, de dire que le mieux pour séparer ce que vous jugez positif de ce que vous jugez négatif est de commencer par en débattre. Le refus du débat n’est, me semble-t-il, jamais la bonne solution en démocratie !
Madame Dini, j’approuve votre analyse sur l’importance de la déclaration sociale nominative, à propos de laquelle j’aurais souhaité que nous puissions avoir des échanges, car les acteurs économiques attendent.
J’ai dit que le cabinet Ernst & Young avait évalué les quatre-vingts décisions que j’ai été amené à prendre – beaucoup d’entre elles figurent dans ce texte – à 1 milliard d’euros rendus, par le biais des simplifications, aux acteurs économiques. Chaque déclaration supprimée représente ainsi l’équivalent de 30 millions d’euros rendus aux acteurs économiques. Or il y a aujourd'hui trente déclarations sociales…
J’estime donc que la déclaration sociale unique serait un bon moyen de renforcer la compétitivité des entreprises et je regrette que le Sénat ou, plus exactement, un certain nombre de sénateurs aient exprimé le refus d’en débattre.
Monsieur Jeannerot, préconiser le rejet de l’ensemble du texte sans entrer dans la discussion n’est pas une bonne façon de légiférer, et je le répète en me tournant également vers Mme Escoffier.
Monsieur Reichardt, vous avez raison de dire que, si la question préalable était adoptée, tout le travail accompli jusqu’ici, y compris par les commissions de votre assemblée, serait réduit à néant et, avec lui, nombre de mesures de bon sens répondant à de vraies attentes, comme celles, que vous avez bien fait de citer, de l’article 27, qui s’adressent aux artisans.
M. André Reichardt. Hélas !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais je ne désespère pas que nous puissions tout de même en discuter !
Quant à l’intervention de M. Dantec, j’espère simplement qu’elle n’est pas le reflet de la motion tendant à opposer la question préalable qui va maintenant nous être présentée, car ce serait de mauvais augure pour la suite de nos débats, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Un sénateur de l’UMP. Nous voulons débattre !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez bien voulu m’interpeller, et je vous en remercie, je me permets d’intervenir au terme de cet après-midi de débats.
Un sénateur de l’UMP. De monologue !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ayant été élu député voilà trente ans, j’ai depuis rapporté nombre de textes…
M. Jean-Claude Lenoir. Sur les pompes funèbres ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … avec des intitulés tels que « loi portant diverses dispositions d’ordre social ».
Les textes de cette nature n’ont pas fleuri dans les années quatre-vingt-dix. Commençons par dire qu’ils existaient déjà dans les années quatre-vingt, et même auparavant, mais reconnaissons aussi que le moteur s’est ensuite emballé et que, avec les quatre « paquets » Warsmann, il y a eu une accélération, une amplification considérable du procédé.
Chaque fois, nous avons tenu les mêmes discours. Nous les connaissons par cœur : l’on regrettait de devoir légiférer de cette manière,… mais, bon, toutefois, néanmoins… Là, en revanche, face à une telle masse d’articles, nous sommes arrivés à quelque chose d’inacceptable, qui met tout simplement en cause notre façon de légiférer et le droit du Parlement.
Je rappelle que personne, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’avait vu que l’une des dispositions de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures adoptée le 12 mai 2009 privilégiait l’Église de scientologie. Pour éviter que ne se reproduise un tel précédent, ce que personne ne voudrait, le Conseil d'État a chargé toutes ses sections d’expertiser chaque article de ce monstre. En revanche, il n’a pas examiné les nombreux articles qui sont venus s’y agréger.
De la sorte, on parvient à un texte protéiforme qui n’a plus aucun sens ni aucune lisibilité. Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu’il faut simplifier le droit pour les entreprises, mais vous pouviez – et vous pouvez toujours – présenter un projet de loi sur les dispositions relatives aux entreprises au lieu de procéder à tel dévoiement du droit.
C’est pourquoi nous avons décidé, dans la majorité sénatoriale, de mettre un coup d’arrêt à cette pratique. Finis les regrets assortis de « toutefois » et de « néanmoins » : il faut, une bonne fois pour toutes, dire « non », car nous ne pouvons plus légiférer de cette manière.
J’ajoute, mes chers collègues, quitte à être idéaliste – mais ne faut-il pas l’être pour faire de la politique ? –, que ce coup d’arrêt est un message envoyé aux gouvernants d’aujourd'hui et de demain, quels qu’ils soient. Si le Sénat de la République décide de ne plus accepter ce type de méthodes, on reviendra à une législation plus saine.
Lorsque le sujet sur lequel porte un projet de loi ou une proposition de loi en préparation est affiché, l’opinion s’en saisit. Il y a des articles, des débats. Nous, parlementaires, pouvons auditionner les partenaires et acteurs sociaux. Un véritable débat républicain, dans le pays puis au Parlement, peut alors avoir lieu.
Au contraire, nous sommes parvenus avec ce texte à une situation insupportable, qu’aggrave encore le recours à la procédure accélérée, alors que nul n’a répondu – vous pas plus que quiconque, monsieur le secrétaire d'État – à la question de savoir pourquoi il y a urgence.
M. Marini nous a dit que nous avions finalement tort, puisque, sur une telle proposition de loi, nous pouvions en définitive déposer tous les amendements que nous voulions. En effet, mes chers collègues, avec une loi qui ne porte sur rien, on peut faire des amendements sur tout ! C’est magnifique… sauf que le Parlement y perd sa lisibilité et sa force, et que la loi cesse d’être la chose des citoyens lorsqu’il légifère ainsi.
C’est pour alerter nos concitoyens et mettre un coup d’arrêt à cette façon de légiférer à leur égard, et non pas parce que nous refusons de débattre de certains sujets, que nous avons décidé, avec Jean-Pierre Michel, le rapporteur de la commission des lois, et les rapporteurs pour avis qui ont bien voulu s’associer à cette décision, de déposer une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (n° 33, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Jean-Jacques Hyest. Elle vient d’être défendue !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai bref, tout ayant déjà été dit sur ce texte. Deux motions tendant à opposer la question préalable ont été déposées en commission, l’une par Nicole Borvo Cohen-Seat pour le groupe CRC, l’autre par Jacques Mézard pour le groupe RDSE. Les arguments qui les sous-tendent sont ceux qui ont été exposés au cours de la discussion générale. Je ne m’y attarderai donc pas.
Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi fourre-tout et hétéroclite. En outre, pour la première fois, la procédure accélérée a été engagée sur un texte de cette nature. Ce n’était pas le cas auparavant ; je pense notamment à la précédente proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dont notre collègue Bernard Saugey était le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons écouté avec attention. Vous prétendez qu’il y a urgence à légiférer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a urgence à créer des emplois !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourtant, sur l’armoire numérique sécurisée, vous disposiez de tous les instruments juridiques pour agir ; mais, comme vous n’avez pas eu le temps de le faire, vous nous demandez aujourd’hui de vous laisser légiférer par voie d’ordonnances, ce qui revient à vous déléguer notre pouvoir législatif. Bien entendu, nous y sommes opposés ! Si nous nous retrouvons dans cette situation, la faute en incombe au Gouvernement plutôt qu’au Parlement.
Jean-Pierre Sueur l’a souligné, cette question préalable apparaissait déjà en filigrane lors de l’examen de la précédente loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, auquel j’ai participé en commission et en séance publique. Le sentiment général qui ressortait de ces travaux peut se traduire ainsi : cela suffit !
Aujourd'hui, la majorité sénatoriale considère qu’il est temps de donner un coup d’arrêt à ces pratiques. Et je partage la position du président de la commission des lois : quels qu’ils soient, les gouvernements qui succéderont à l’exécutif en place devront tenir compte de ce message.
Le Conseil constitutionnel ayant déclaré inconstitutionnels les textes portant diverses dispositions d’ordre économique ou social – lorsque je siégeais à l’Assemblée nationale, j’ai moi-même eu l’occasion d’en rapporter un certain nombre –, on nous soumet désormais des lois de simplification, ce qui revient strictement au même. Le Conseil constitutionnel statue totalement en dehors de sa saisine (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame), il trouve des cavaliers, retire certaines dispositions, en laisse d’autres. Tout cela aboutit à un travail législatif brouillon et incompréhensible, tant pour les parlementaires que pour nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous demande d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, contre la motion.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai exprimé au cours de la discussion générale, le groupe UMP votera contre cette motion.
Nous nous y opposons non pas pour une question de principe, mais parce que la méthode nous prive d’un débat d’idées et de décisions utiles pour les Français.
Alors que la nouvelle année aurait pu laisser augurer un peu plus d’innovations méthodologiques de la part de la majorité sénatoriale élue en septembre dernier, nous nous retrouvons une fois de plus face à un « front anti-discussion ».
Notre méthode, à nous, sénateurs de droite, est tout autre : nous proposons, nous discutons, nous concertons, puis nous décidons. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Nous aurions par exemple souhaité dire que nous étions favorables à toute mesure permettant de restaurer la confiance entre les entrepreneurs et l’État.
Nous saluons à cet égard plusieurs dispositions, notamment celles qui sont prévues à l’article 44 et qui permettent la simplification du bulletin de paie. Il en est de même pour le déploiement de la déclaration sociale nominative ; là encore, il s’agit d’une réponse concrète à un sujet majeur, cette mesure devant permettre de dématérialiser et de fusionner en une seule transmission près de trente déclarations sociales différentes.
De la même façon, tandis que l’article 28 du code des marchés publics n’impose ni mise en concurrence ni publicité préalables pour les marchés inférieurs à 4 000 euros, l’article 88 de la proposition de loi pose le principe selon lequel un marché public ou un accord-cadre peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables en deçà d’un montant de 15 000 euros. Un tel relèvement du seuil permettra d’assouplir les contraintes pesant sur les acteurs publics, en particulier les petites communes. Il permettra également d’élargir le recours aux TPE et PME, car le formalisme lié aux procédures de passation des marchés publics est souvent rédhibitoire pour elles.
Je veux aussi mentionner l’armoire numérique sécurisée, dite « coffre-fort numérique ». Là encore, il s’agit d’une avancée considérable qui permettra aux chefs d’entreprise, lesquels remplissent aujourd’hui soixante-dix déclarations en moyenne, de fournir une fois pour toutes les informations qu’ils doivent transmettre à l’ensemble des administrations concernées. Cela constituera un gain de temps et d’argent pour tous ces entrepreneurs.
Ce texte modernise également le code de commerce, ce qui facilitera la vie de millions d’artisans et commerçants. Je pense par exemple à l’assouplissement des conditions de cession d’un fonds de commerce. Qui pourrait s’opposer à ce que les formalités consécutives à une vente soient plus aisées et plus fluides ?
Cette proposition de loi contient également des dispositions qui répondent à de véritables attentes du monde artisanal, notamment dans son article 27. La loi dite « Raffarin » du 5 juillet 1996 a fixé des exigences de qualification minimale pour s’établir à son compte. Cette proposition de loi instaure un contrôle sur ces déclarations de diplôme et d’expérience, qui était inexistant jusqu’à présent.
Vous le voyez, mes chers collègues, la liste est longue... De nombreux autres points ont été évoqués lors de nos débats.
Mes chers collègues, je m’interroge sur votre choix de nier l’intérêt et l’utilité de ces mesures.
Notre volonté affirmée et affichée de simplifier le quotidien des entrepreneurs ne doit ni ne peut rester un vœu pieux. Nous devions agir. Cette proposition de loi était, malgré toutes les critiques, un vecteur intéressant.
Parce que nous sommes favorables à la discussion, nous voterons contre cette motion, qui nous empêche de débattre de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne vous prononciez sur cette motion, je souhaite apporter quelques précisions.
Étant donné la situation dans laquelle nous nous trouvons, je redis à quel point il est utile pour tous les acteurs économiques de ce pays que le débat ait lieu. Je me souviens du travail constructif que nous avons mené ensemble voilà quelques semaines, notamment lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Nous avons pu, avec le président de la commission des lois, avancer et améliorer notre droit sur un sujet très attendu, les contrats obsèques. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
Sur les soixante-sept amendements qui ont été déposés, le Gouvernement est disposé à émettre un avis favorable sur une vingtaine d’entre eux. Encore faut-il, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette motion ne soit pas adoptée...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est trop tard !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cet argument vous fera peut-être changer d’avis. On ne sait jamais, je tente ma chance ! (Sourires.)
Je veux également évoquer deux amendements du Gouvernement.
L'amendement n° 68 tend à mettre en valeur les artisans titulaires d’une qualification correspondant précisément à l’activité exercée, afin de rendre les métiers de l’artisanat plus attractifs et de donner aux consommateurs une meilleure information sur les professionnels avec lesquels ils sont en relation. Il s’agit là d’une disposition chère à André Reichardt.
Il est proposé que toute personne immatriculée au répertoire des métiers ait la qualité d’artisan. Les chefs d’entreprise qui seront personnellement titulaires de la qualification professionnelle requise pour exercer leur activité bénéficieront en outre de la qualité d’« artisan qualifié ». Ainsi, il existera quatre catégories au sein du répertoire des métiers : artisan, artisan qualifié, artisan d’art et maître artisan.
Enfin, afin de simplifier et de sécuriser le cadre juridique du monde artisanal, il est proposé d’élaborer, sur la base de la nouvelle organisation du secteur ainsi définie, un code de l’artisanat. Il s’agit là d’un sujet extrêmement attendu.
L'amendement n° 63 aborde également une question extrêmement importante, en prévoyant d’inscrire dans le droit une définition positive des professions libérales.
En effet, ce secteur d’activités économiques tout à fait significatif de près de 700 000 entreprises, qui emploie au total environ 1,5 million de personnes, ne fait pour l’instant l’objet que d’une définition négative dans notre droit. Le code de la sécurité sociale prévoit que sont réputés libéraux les indépendants qui ne sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs.
Les professions libérales et leurs organisations professionnelles et ordinales demandent unanimement depuis maintenant plusieurs années qu’une définition positive, qui permettrait de bien identifier et de caractériser ces professions, soit inscrite dans notre droit.
Nous avons abouti, après une longue concertation avec tous les professionnels et les ordres, à l’élaboration d’une définition que le Gouvernement vous propose dans ce texte.
Monsieur le président de la commission des lois, il est important que nous puissions évoquer ces deux questions dans cet hémicycle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je nourris encore l’espoir...
M. Claude Bérit-Débat. L’espoir fait vivre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... que ces deux sujets, qui concernent tant d’acteurs économiques dans notre pays, pourront conduire un certain nombre d’entre vous à ne pas soutenir cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Tout cela n’est pas nécessaire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d'État, je vous donne acte de votre ténacité. Sur les deux sujets que vous venez d’évoquer, nous sommes tout à fait disposés à continuer à travailler utilement. Vous le savez, l’histoire ne s’arrête jamais ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous pouvons tous nous accorder ici sur le fait que les lois doivent être des actes de justice et de raison qui embrassent la volonté générale. Elles ne sont pas des actes de puissance ! Or, à voir cet amas de dispositions fourre-tout et disparates qui nous sont imposées en procédure accélérée, nous en venons parfois à douter...
L’opposition sénatoriale et le Gouvernement nous ont maintes fois reproché d’empêcher toute discussion sur des dispositions nécessaires et importantes, parce que nous opposions la question préalable. Je veux leur demander à mon tour : est-il de bon sens d’avoir juxtaposé dans ce texte des dispositions qui touchent quasiment à la totalité de nos codes ? Est-il bien sérieux de recourir à de telles techniques législatives, dont le seul objectif est de faire passer un maximum de dispositions en un minimum de temps, qui plus est en engageant la procédure accélérée ?
C’est justement parce que nous défendons l’idée que l’élaboration des réformes, importantes ou non d’ailleurs, doit se faire dans la plus grande transparence, par des débats dignes de ce nom, que ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a déposé cette motion en commission au nom du groupe CRC, à l’instar de Jacques Mézard pour le groupe RDSE.
Nous devons garder à l’esprit que la pertinence d’une réforme implique qu’une réflexion soit menée sur la nécessité d’une nouvelle législation, au regard non seulement de l’objectif visé, mais aussi de l’impact potentiel de cette nouvelle législation. La qualité d’une loi implique un débat qui soit à la hauteur !
Disparates par essence, les lois de simplification ne peuvent avoir de cohérence globale. De multiples acteurs contribuent à leur rédaction. Surtout, elles opèrent souvent des modifications partielles, ce qui pose des problèmes de sécurité juridique. Enfin, n’oublions pas que, sous l’influence des groupes corporatistes, se glissent, dans cet amas, des dispositions pour le moins contestables et dangereuses. À chaque texte de ce type, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de dispositions qui ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. Je ne reviens pas sur l’exemple déjà cité de la scientologie, sauf pour dire qu’il illustre bien le fait que les réformes législatives demandent maîtrise et évaluation pour éviter des effets dommageables.
Ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a pertinemment démontré de façon plus détaillée, et en prenant d’autres exemples, que la proposition de loi de M. Warsmann visait un tout autre objectif que la simplification du droit.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons cette motion, parce que nous refusons ce mode d’élaboration des lois dont l’utilisation abusive contribue au désordre normatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.