Article 4 ter (nouveau)
I. – L’article L. 337-6 du code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Selon des modalités fixées par décret, la structure et le niveau des tarifs réglementés hors taxes sont fixés de manière progressive, garantissant aux consommateurs finals domestiques un accès à un volume minimal d’électricité à un coût très réduit. »
II. – Après la deuxième phrase de l’article L. 445-3 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Selon des modalités fixées par décret, la structure et le niveau de ces tarifs hors taxes sont fixés de manière progressive, garantissant aux abonnés un accès à un volume minimal de gaz à un coût très réduit. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Je l’ai dit en commission, cet article contient des dispositions que je qualifierai de pertinentes.
Oui, il est tout à fait pertinent, et particulièrement souhaitable, de mettre en place une nouvelle tarification progressive de l’électricité qui puisse garantir aux consommateurs finals domestiques un accès à un volume d’électricité minimal mais suffisant et à un coût très réduit.
On l’aura bien compris, il s’agit de garantir l’accès de tous à cette énergie afin de satisfaire les besoins essentiels de chacun. C’est donc bon pour les catégories les plus modestes, qui auront ainsi accès à l’électricité à un coût très réduit.
Au-delà d’un volume suffisant susceptible d’assurer des conditions de vie normales à une personne ou à une famille, le niveau des tarifs pourrait être progressif. Ainsi, le superflu et le gaspillage d’électricité pourraient-ils faire l’objet de tarifs bien plus élevés. Oui, je le dis et le redis, il s’agit aussi d’éviter des gaspillages, donc, de favoriser les économies d’énergie, donc, de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Le tarif à tranches décotées a une vocation sociale. Le tarif à tranches surcotées a vocation à favoriser l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.
D’ailleurs, mes chers collègues, quelle est l’énergie la plus propre ?
M. Roland Courteau. C’est l’énergie que l’on ne consomme pas ! (Sourires.)
Laisser en veille jour et nuit un téléviseur, plus une chaîne hi-fi, plus un micro-onde, ce sont d’innombrables kilowattheures gaspillés, d’innombrables kilowattheures consommés stupidement et des quantités non négligeables de gaz à effet de serre !
Et je pourrais évoquer, à propos de gaspillage, ces terrasses de café ou de restaurant à l’air libre chauffées l’hiver au gaz ou à l’électricité. Étranges manières ! Stupide snobisme !
Oui, je le confirme, l’article 4 ter est une mesure intelligente, bonne pour l’environnement et bonne pour lutter contre la précarité énergétique !
Faut-il rappeler que trois millions de personnes ne peuvent se chauffer parce que, faute de revenus suffisants, elles doivent choisir entre nourrir les enfants ou se chauffer ? Se chauffer n’est pas un luxe ! Ce devrait être un droit !
Faut-il rappeler que le prix de l’énergie ne cesse de flamber ? Le prix du gaz va augmenter de près de 5 %. Il a augmenté de 25 % en dix-huit mois et de 60 % en six ans !
Pourtant, GDF Suez a enregistré 300 millions d'euros de profits supplémentaires en 2010 et son PDG a annoncé son intention de maintenir au niveau actuel les dividendes des actionnaires pour les années à venir.
Oui, il faut une tarification progressive, non seulement de l’électricité, mais aussi du gaz et de l’eau, qui sont des biens essentiels. Aurait-on oublié le sens des mots « biens essentiels » ?
Voilà pourquoi nous soutenons avec force et détermination les dispositions de cet article !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l’article.
M. Gérard Cornu. Je vais sans doute quelque peu modérer l’enthousiasme de notre collègue Courteau.
M. Gérard Cornu. L’article 4 ter, introduit par le rapporteur en commission, encadre les prix du gaz et de l’électricité en complétant les articles L. 337-6 et L. 445-3 du code de l’énergie par un alinéa qui modifie les règles d’établissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz naturel, afin de rendre ces tarifs progressifs pour les consommateurs finaux domestiques.
Les dispositions de cet article ne nous semblent pas du tout appropriées par rapport aux objectifs fixés et présentent des risques d’effets pervers.
Premièrement, l’objectif social de cet article ne serait pas atteint.
En effet, de nombreux ménages en situation précaire, qui vivent dans des logements mal isolés, consomment beaucoup d’énergie pour se chauffer. Inversement, les résidences secondaires, occupées une partie de l’année seulement, consomment peu et bénéficieraient ainsi d’un tarif avantageux sans motif. Le dispositif des tarifs sociaux adopté pour l’électricité et le gaz naturel est plus approprié pour opérer des transferts sociaux ciblés sur les bénéficiaires en ayant effectivement besoin.
Deuxièmement, l’objectif d’efficacité énergétique ne serait pas non plus atteint.
Indépendamment de leur situation financière, ceux qui ont une faible consommation choisiront les tarifs réglementés, alors que les autres auront la possibilité de migrer vers les offres des fournisseurs alternatifs. Dans ce cas, l’incitation aux économies d’énergie pour les gros consommateurs, qui était l’objet de ce dispositif, ne serait pas effective, puisque ces gros consommateurs, au lieu de diminuer leur consommation, quitteront les tarifs réglementés pour les tarifs des fournisseurs alternatifs.
Troisièmement, le système conduirait inévitablement à un déséquilibre financier et ne serait pas viable.
La tarification par tranche entraînera, à terme, un déséquilibre financier au détriment des tarifs réglementés. Les faibles consommateurs auront intérêt à payer les tarifs réglementés, mais ne paieront que les tranches « basses », qui sont inférieures au coût de production de l’énergie, tandis que les gros consommateurs auront, eux, intérêt à choisir les tarifs des fournisseurs alternatifs, qui fixent leurs prix selon les règles du marché pour éviter de payer les tranches « hautes ». Or ces tranches « hautes » permettent de compenser les tranches « basses », afin d’assurer un équilibre dans la couverture du coût de l’énergie.
Avec le départ des gros consommateurs vers les fournisseurs alternatifs, le système ne pourra plus être en équilibre, ce qui rendra nécessaire le relèvement des tarifs de la tranche « basse » du tarif réglementé, afin de les rapprocher du niveau du coût de l’énergie.
Quatrièmement, enfin, cet article n’est pas compatible avec le fonctionnement d’un secteur concurrentiel.
Il instaure, en effet, des subventions croisées entre consommateurs, certains payant moins que le coût de fourniture d’énergie, d’autres plus. Les fournisseurs alternatifs cibleront les gros consommateurs auxquels ils pourront proposer des tarifs inférieurs aux tarifs réglementés. La tranche « basse » du tarif pourrait également donner lieu à des contentieux devant l’Autorité de la concurrence, pour cause de « ciseaux tarifaire ». Cela s’est déjà produit, en 2007, avec Direct Energie, qui a eu gain de cause.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP demandera la suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par M. Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 166 est présenté par MM. Dubois et Lasserre, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Tandonnet, Capo-Canellas et Deneux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Gérard Cornu. M’exprimant sur l’article, j’ai déjà fourni toutes les explications nécessaires, mais permettez-moi tout de même de redonner en quelque sorte tout son sel à cet amendement de suppression.
La tarification par tranche instituée par cet article est d’une rare complexité. Je pense que, là-dessus, vous pouvez être d’accord, chers collègues.
M. Roland Courteau. Non !
M. Gérard Cornu. Elle est, de plus, incompatible avec le droit communautaire.
Mais il y a pire… M. le rapporteur avait bien conscience de la difficulté d’application de cette tarification. C’est la raison pour laquelle cet article, issu de l’un de ses amendements, laisse au Gouvernement le soin de déterminer par décret ses modalités d’application. Bonjour le décret ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. C’est normal ! Il y a des fonctionnaires pour cela !
M. Gérard Cornu. On crée une usine à gaz, ce qui ne serait pas un mal en termes énergétiques, il est vrai (Nouveaux sourires.), si du moins on ne s’en remettait pas au Gouvernement pour entrer dans le menu détail de cette tarification complexe.
Finalement, on le voit, il ne s’agit ici que d’un affichage démagogique, je pourrais même dire populiste !
M. Roland Courteau. Vous êtes bien placé pour en parler !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et Sarkozy ?
M. Gérard Cornu. Pourquoi parler de populisme ? Parce qu’il me semble, chers collègues socialistes, que vous avez récemment passé un accord pour diminuer la part de l’énergie nucléaire en France et démanteler notre filière nucléaire. Cela vous dit quelque chose, un accord avec vos partenaires, les Verts ?
M. Roland Courteau. Quel est le rapport ?
M. Gérard Cornu. Cet accord, vous le savez très bien, se traduira par une augmentation du prix de l’énergie !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. De toute manière, il ne sera pas respecté, cet accord !
M. Gérard Cornu. Et, là, vous proposez une mesure démagogique et populiste qui va à l’encontre de ce que vous avez signé il y a quelques semaines !
Nous demandons donc la suppression de cet article.
M. Roland Courteau. Pour ce qui est du prix de l’énergie, balayez donc devant votre porte !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 166.
M. Daniel Dubois. Je ne vais pas revenir sur les arguments que M. Cornu a fort bien développés à l’instant.
Il y a une vraie question à laquelle vous apportez une très mauvaise réponse, chers collègues. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) C’est vrai, elle est vraiment mauvaise ! Surtout, elle n’est pas équitable, ce qui, venant de votre part, est assez incompréhensible !
La mesure n’est pas équitable en ce sens qu’elle sert le plus ceux qui savent gérer leur consommation d’énergie, ce que les populations précaires ne savent malheureusement pas faire. Vous apportez donc une très, très mauvaise réponse à la question posée !
Inéquitable, cette mesure est aussi inefficace. Je voudrais à cet égard compléter le propos de Gérard Cornu.
Il est vrai qu’aujourd'hui un certain nombre de familles rencontrent de véritables difficultés pour se chauffer. Il est vrai aussi qu’il y a, dans notre pays, de nombreuses « passoires énergétiques » et beaucoup de propriétaires à faibles revenus. Mais n’oublions pas toutes les actions qui ont été décidées et les dispositifs mis en place pour remédier à la situation.
Je citerai, s’agissant des locataires, le Fonds social pour le logement ainsi que le Fonds Énergie, et, s’agissant des propriétaires à faibles revenus, le programme « Habiter mieux ». Mis en œuvre par le Gouvernement, il apporte, à travers le soutien de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, et grâce à des aides forfaitaires, de véritables réponses à ces problèmes.
M. Roland Courteau. Non !
M. Daniel Dubois. Si, mon cher collègue, puisque 99 % des départements français ont signé une convention avec l’ANAH dans le cadre du programme « Habiter mieux » pour faire en sorte que les « passoires énergétiques » dont je parlais, qui sont, le plus souvent, des habitations où vivent des familles à faibles revenus, puissent être améliorées et aménagées avec l’objectif de réduire de 25 % la dépense énergétique.
Pour ce faire, l’État apporte, entre le Grand emprunt et l’ANAH, un soutien forfaitaire d’environ 1,5 milliard d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Quand il y a des bonnes choses, il faut aussi savoir le reconnaître ! Ces dispositifs sont une réalité et ils sont mis en œuvre aujourd'hui sur les territoires.
Vous devriez le savoir, chers collègues de gauche, vous qui présidez plus de 60 % des conseils généraux !
M. Roland Courteau. Ce n’est pas le même problème !
M. Daniel Dubois. Et 99 % des départements français ont signé cette convention avec l’État. Donc, bravo et tant mieux ! Cela veut dire que des actions vont effectivement être menées en partenariat avec l’État, les collectivités locales et l’ANAH pour améliorer la situation.
En toute honnêteté, la réponse que vous apportez n’est ni équitable ni efficace. Quand vous participez à de bons projets, nous devons le reconnaître, mais n’en rajoutez pas avec des propositions qui sont, ne serait-ce que dans la méthode, totalement inefficaces !
En conséquence, nous demandons, avec Gérard Cornu, la suppression de ce nouvel article qui n’est pas susceptible d’atteindre l’objectif qui est le vôtre, chers collègues, et que nous partageons.
Ma petite communauté de communes rurale participe, avec le conseil général de gauche du département de la Somme, avec l’État et le Gouvernement, à ce programme « Habiter mieux » pour venir en aide aux familles en difficulté. Et c’est bien ! Mais quand vous déposez, pour des raisons conjoncturelles qui vous sont propres, un amendement de cette nature, je vous le dis, ce n’est ni cohérent ni efficace !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Dans le système actuel, plus la consommation est élevée, moins le prix unitaire réellement payé est important ! En effet, la partie fixe de la facture, c’est-à-dire l’abonnement, est proportionnellement plus élevée pour les petits consommateurs. Est-ce vraiment normal ?
La tarification progressive est favorable aux consommations vitales et défavorable aux consommations facultatives, voire superflues. Elle vise un objectif social et environnemental en incitant aux économies d’énergie. Cette tarification a déjà été introduite, pour la distribution d’eau, par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006.
Je ne vois pas en quoi cette disposition serait contraire au droit européen : la péréquation elle-même consiste à subventionner certains usages de l’électricité par d’autres, et la tarification spéciale « produit de première nécessité » repose également sur le principe d’une tranche de consommation moins chère.
Je rappelle que le décret du 8 avril 2004 prévoit que le tarif social de l’électricité s’applique pour les cent premiers kilowattheures consommés mensuellement.
L’article renvoie à un décret. Une concertation large sera en effet nécessaire, afin de déterminer le meilleur barème de tarification – notamment le nombre de tranches et leur niveau – et d’éviter les effets non souhaitables.
Les tarifications sont toujours fixées par décret. Pourquoi serait-ce, en l’occurrence, une complication supplémentaire ?
J’émets donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. J’entends parfaitement les arguments du rapporteur. Cependant, MM. Cornu et Dubois ont bien expliqué les effets pervers de ce dispositif.
Au cours de ce débat, M. Dubois n’a jamais hésité à approuver, en toute honnêteté, certaines dispositions défendues par la majorité sénatoriale, lorsqu’elles étaient réellement de nature à protéger les intérêts des consommateurs.
Cette fois-ci, M. Dubois dénonce avec la même honnêteté le risque de dysfonctionnement, pour ne pas dire l’effet pervers, induit par le dispositif qui nous est soumis.
Je ne reviendrai pas longuement sur les arguments défendus, avec talent, par MM. Cornu et Dubois : le caractère impraticable de ce dispositif dans un marché ouvert ; son inefficacité en termes de réduction de la dépense énergétique ; l’impossibilité de transposer la tarification progressive de l’eau au secteur de l’énergie.
J’espère que mon dernier argument pourra vous fera changer d’avis : ce dispositif, que souhaitent à juste titre supprimer MM. Cornu et Dubois et un certain nombre de leurs collègues, est désavantageux pour les plus démunis. Il aura donc, monsieur le rapporteur, un effet contraire à l’objectif recherché !
Il faut en effet savoir que, en matière d’énergie, il n’existe pas de corrélation entre le volume consommé et le niveau de revenu. Ainsi, les consommations énergétiques des ménages à faibles revenus sont, la plupart du temps, très significatives, et ce pour des raisons simples : leurs logements sont souvent les moins bien isolés, et leurs équipements électroménagers sont souvent aussi de moins bonne qualité.
Les ménages les plus modestes seront donc les premiers pénalisés par le tarif à tranches, qui fera augmenter leur facture, au minimum de 30 %, mesdames, messieurs les sénateurs.
À l’inverse, les faibles consommateurs d’énergie, parmi lesquels figurent en premier lieu les 3 millions de propriétaires de résidences secondaires, profiteront, grâce au dispositif que vous proposez, des tarifs avantageux des premières tranches !
Comme MM. Dubois et Cornu, je vous invite donc à revoir votre position, car cette disposition votée en commission ira exactement à l’encontre des objectifs annoncés. M. Cornu a invoqué d’autres raisons, mais l’argument le plus important, me semble-t-il, est le caractère profondément injuste de la mesure.
Le Gouvernement est donc très favorable aux amendements identiques de suppression nos 8 rectifié et 166.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. J’ai écouté avec attention les exposés de M. Cornu, de M. le secrétaire d’État, et l’excellent argumentaire du rapporteur.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que ce dispositif se substituera au tarif social, ce qui aura des conséquences catastrophiques pour les ménages. C’est faux : le tarif social continuera à s’appliquer ; nous mettons simplement en place un tarif progressif.
Vous ajoutez que l’on ne peut pas transposer la tarification progressive de l’eau au secteur de l’énergie.
Je rappelle que l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales dispose que le montant de la facture d’eau peut être calculé sur la base d’un tarif progressif. Il s’agit donc bien, en l’occurrence, de progressivité et le parallèle avec l’énergie me semble tout à fait judicieux.
Vous arguez, ensuite, de l’incompatibilité de ce dispositif avec le droit communautaire, en raison de son caractère discriminant. Or il s’applique de manière universelle à tous les consommateurs sur les premiers kilowattheures consommés.
Pour finir, vous nous refaites le coup de la concurrence…
Voilà plusieurs mois, nous avions débattu dans cet hémicycle du tarif de l’électricité, notamment pour les entreprises. À cette occasion, nous avions supprimé le tarif réglementé et transitoire d’ajustement au marché, le TARTAM, pour le remplacer par l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH. C’est exactement la même chose ! Cessez donc de nous dire que ce dispositif est contraire au marché et à la concurrence !
Nous sommes fiers, pour notre part, de proposer ce tarif social lié à la consommation d’électricité. Cette solution, selon nous, est la plus juste.
M. Claude Bérit-Débat. Vraiment, nos conceptions s’opposent, mais j’assume totalement la nôtre et, oui, j’en suis fier ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Nous ne devons pas oublier cette terrible réalité : des centaines de milliers de nos compatriotes sont dans l’incapacité de se chauffer, faute de revenus suffisants.
Je connais des familles monoparentales qui n’ont pas d’autre solution, pour nourrir les enfants, que de couper le chauffage matin, midi et soir.
M. Roland Courteau. Ces situations humainement inacceptables devraient tous nous interpeller.
Je suis d’accord avec vous, monsieur Dubois, quand vous évoquez les politiques conduites dans les départements, mais il ne s’agit pas de cela ici !
Quant à M. Cornu, qui a critiqué la complexité du dispositif proposé, je ne peux m’empêcher de lui dire que, si nous ne changeons rien, tout sera en effet plus simple. Après tout, la situation actuelle est inhumaine et injuste, surtout lorsque des enfants sont concernés, mais elle est simple !
Face à une telle situation, on peut ne rien faire et s’efforcer d’ignorer un mal qui dérange. C’est une façon de voir les choses ! Peut-être est-ce la vôtre ; ce n’est pas la nôtre !
Monsieur Cornu, « ce n’est parce que les choses sont complexes que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses nous paraissent complexes ».
Mme Évelyne Didier. Bravo !
M. Roland Courteau. Il faut trouver une solution face à la précarité énergétique. C’est d’autant plus important qu’au cours de ces dernières années les prix de l’énergie ne cessent de flamber, comme l’indiquent les chiffres que j’ai cités tout à l’heure.
À qui la faute ?
Nous avons, nous, des préoccupations d’ordre social. Nous estimons, par exemple, que l’énergie représente environ 12 % des dépenses totales d’un foyer modeste, alors qu’elle ne représente que 5 % de ces dépenses dans les milieux aisés. Pour nous, c’est inacceptable ! L’énergie comme l’eau sont en effet des biens essentiels.
Notre rôle n’est-il pas, mes chers collègues, de corriger certaines situations, de trouver des solutions ? La nouvelle tarification progressive en est une. Il s’agit de coupler un tarif à tranches décotées avec un tarif à tranches surcotées. Ce dernier favorisera l’efficacité énergétique et les économies d’énergie et, surtout, il responsabilisera les consommateurs et permettra de lutter contre les gaspillages. C’est une piste !
Et si le Gouvernement, monsieur Cornu, est invité à fixer les modalités d’application de cet article par décret, c’est parce qu’il dispose de services compétents et de fonctionnaires de haut niveau, qui n’auront aucune difficulté à accomplir cette tâche. (M. Gérard Cornu sourit.)
De grâce, ce n’est pas parce que la chose n’est pas simple qu’il faut renoncer à agir !
Ne l’oublions jamais : en France, en 2011, des enfants, des hommes et des femmes ne peuvent pas se chauffer, et l’hiver est là. Mes chers collègues, nous devons garder cette réalité à l’esprit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Vous vous êtes présenté, monsieur le secrétaire d’État, comme un grand défenseur des pauvres, et vous nous avez reproché de vouloir favoriser les riches.
Il est indiqué, dans une étude de 2010 émanant de l’autorité de régulation belge, la commission de régulation de l’électricité et du gaz, la CREG, que « la tarification progressive comporte un élément redistributif indéniable ». Il existe ainsi « une corrélation non négligeable entre le revenu et le niveau de la facture d’électricité. Les factures électriques des 10 % de ménages les plus riches sont, en moyenne, trois fois plus élevées que les factures des 10 % des ménages les plus pauvres ».
M. Daniel Dubois. Et ce sont des extrêmes qui sont retenus !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je tiens les tableaux à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Ces interventions sont surréalistes ! D’un côté, vous passez avec les Verts un accord visant à démanteler le secteur nucléaire et à augmenter, à terme, les tarifs de l’énergie électrique de 40 %. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) De l’autre, vous déposez un amendement populiste et démagogique, car vous savez très bien qu’il sera impossible de fixer les modalités d’application de ce dispositif par décret.
Franchement, chers collègues, c’est de la mauvaise politique ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Claude Bérit-Débat. Mauvais joueur !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. M. le rapporteur cite des statistiques belges, que je ne conteste pas, mais qui font état de cas extrêmes : 10 % des ménages les plus pauvres et 10 % des ménages les plus riches. Ces chiffres n’éclairent en rien la problématique posée ! Aucune réponse n’est apportée en ce qui concerne les 60 % de familles qui connaissent de réelles difficultés. Or c’est le véritable enjeu.
Monsieur le rapporteur, je vous le dis très honnêtement, vous ne répondez pas au problème posé, et il est bien réel. On pouvait sans doute trouver d’autres solutions, mais certainement pas le tarif progressif !
On le sait fort bien, nos concitoyens qui gèrent le mieux leur consommation, qui, demain, pourront d’installer des pompes à chaleur ou tout autre dispositif permettant de réaliser des économies d’énergie sont ceux qui ont les moyens.
Alors, oui, la mesure proposée conduira des consommateurs à réaliser des économies, mais pas ceux qui connaissent des difficultés, et que vous voulez aider ; en bénéficieront ceux qui savent lire leur compteur, faire leurs calculs et gérer leur consommation.
Le tarif progressif profitera, en réalité, à ceux qui en ont le moins besoin. Il conviendrait, en fait, d’instaurer un tarif social amélioré, peut-être avec un plafond différent. En tout état de cause, ce n’est pas la progressivité qui apportera une réponse équitable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. En tant que sénateur écologiste, je voterai ce dispositif qui, même s’il n’est pas parfait, répond à une intention tout à fait louable.
Je tiens à faire remarquer que la solution proposée ne suffira pas à assurer un bon fonctionnement du système.
Je suis sensible aux arguments exposés par M. le secrétaire d’État selon lesquels ce sont les populations assez favorisées ou les plus aisées qui sont les mieux à même de gérer l’ensemble de leur consommation, notamment leur consommation de fluides.
Hier, un collègue évoquait les supermarchés, ces lieux de surconsommation où l’on appâte les gamins des familles les moins éduquées à la sobriété.
Ultérieurement, nous allons traiter des prêts à la consommation. Là aussi, ce sont les populations les moins aisées qui en sont les plus victimes, et ce par nécessité. Nous développerons les arguments adéquats afin de « démonter » ce système inacceptable, qui doit être démonté.
À titre personnel, je ne crois plus en la croissance telle qu’on la voit. D’aucuns soutiennent que, dans un système concurrentiel, les dispositifs que nous proposons ne sont pas viables. Il est vrai que, s’il n’est pas contrôlé, rééquilibré avec force, un marché ouvert et concurrentiel ne peut pas fonctionner.
Malgré les meilleures intentions du monde, les dispositions proposées demeurent de l’ordre du rafistolage, comme je l’indiquais hier. La mesure va dans le bon sens, certes, mais doit être complétée.