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Dossier législatif : projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs
Discussion générale (suite)

Droits, protection et information des consommateurs

Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. (projet n° 12, texte de la commission n° 176, rapport n° 175 et avis n° 158).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cher Alain Fauconnier, madame le rapporteur pour avis, je veux, en présentant ce projet de loi, dire que le Gouvernement entend apporter des réponses concrètes aux nouvelles attentes et aux besoins inédits des consommateurs.

Ce texte, qui n’est pas une cathédrale législative, n’a pas la prétention de tout régler. Loin des grands débats dogmatiques, il se veut pragmatique et repose sur une conviction profonde : l’amélioration du quotidien des Français et la protection des consommateurs doivent rester un sujet de consensus, à l’abri des affrontements idéologiques et des querelles partisanes.

C’est la raison pour laquelle je tiens, avant toute chose, à rappeler la richesse, la sérénité, la qualité des débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale. En commission des affaires économiques, puis en séance publique, nous avons été à l’écoute de toutes les propositions, quelle que soit leur origine, et nous avons ainsi enrichi le texte.

Je me réjouis, d’ailleurs, que ce projet de loi, qui s’inscrit dans le prolongement de l’action du Gouvernement initiée depuis le début du quinquennat, n’ait pas servi de prétexte pour remettre en cause les textes votés depuis 2007 – par exemple, la loi de modernisation de l’économie, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la loi portant réforme du crédit à la consommation ou même la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

Les acteurs économiques ont plus que jamais besoin de stabilité juridique en ces temps difficiles où règne l’incertitude. La crise économique est multiforme.

Depuis trois ans, je vais à la rencontre des acteurs économiques trois fois par semaine, sur tout le territoire, et je puis vous dire que ces acteurs économiques luttent, bien décidés à gagner cette bataille contre la crise. En même temps, ils attendent de nous, certes, des dispositifs de financement mais aussi de la stabilité juridique.

Je tiens à remercier votre commission. En effet, s’il y a des points de désaccord sur un certain nombre de sujets assez essentiels, vous n’avez pas franchi les lignes rouges que nous nous étions fixées, ne remettant pas en cause l’ensemble de ce texte. Si la majorité sénatoriale avait fait ce choix, le projet de loi aurait été bloqué et ce sont les Français, les consommateurs, qui en auraient été les premières victimes.

Vous l’aurez compris, j’aspire à ce que l’examen de ce projet de loi se déroule dans le même état d’esprit de dialogue constructif qu’à l’Assemblée nationale.

Devant les députés, alors que la majorité du Sénat avait changé, j’avais moi-même dit que je voulais privilégier un examen constructif. Pour nous permettre un débat approfondi, j’avais refusé l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Malgré la proximité des échéances électorales de 2012, j’espère que, grâce à cette tradition républicaine qui place le Sénat au-dessus des considérations politiciennes, nous pourrons avoir ce débat ; nous le devons aux Français.

Le devoir collectif qui s’attache à la défense et à la protection des consommateurs, au cœur de l’action du Gouvernement depuis le début du quinquennat, est un sujet sur lequel chaque parlementaire est attendu dans notre pays. En renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, nous n’œuvrons pas seulement au rééquilibrage des relations en faveur du consommateur partout où elles se font à son détriment, nous restaurons également une relation de confiance entre les consommateurs et les professionnels. Or c’est le meilleur moyen d’encourager et de soutenir la consommation qui, chacun le sait parfaitement dans cet hémicycle, est le principal moteur de l’économie française.

En ces temps de crise sans précédent depuis le krach boursier de 1929, nous savons, les uns et les autres, que nous devons tout faire pour empêcher que la consommation des ménages ne fléchisse.

Il ne saurait donc être question d’adopter des mesures qui pénaliseraient la consommation. Il ne saurait davantage être question d’adopter des mesures qui pénaliseraient nos entreprises et menaceraient l’emploi dans notre pays, ce qui serait irresponsable.

C’est donc la recherche de l’équilibre qui nous a guidés depuis le début de cette discussion et qui, je l’espère, nous permettra, à l’occasion de l’examen de ce texte, d’améliorer la rédaction initiale du Gouvernement tout en ayant en permanence en tête la nécessité de défendre la croissance, donc, de défendre la consommation, donc de protéger les consommateurs.

Pour élaborer ce projet de loi, j’ai pris pour méthode de me placer résolument du côté des consommateurs pour « coller » au mieux à leurs attentes et à leurs demandes.

Je suis parti du « baromètre des plaintes » élaboré chaque année par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. L’année dernière, 92 500 réclamations ont ainsi été déposées, qui traduisent la réalité que vivent nos compatriotes.

Pour bâtir ce projet de loi, j’ai étudié ces plaintes, réalisé des entretiens de terrain avec les acteurs locaux, organisé des rencontres publiques, chaque semaine, avec des acteurs économiques, engagé un dialogue avec les associations de défense des consommateurs et les acteurs économiques.

Au regard de tous ces éléments structurants, j’ai élaboré un ensemble de mesures concrètes sur les sujets qui touchent aux dépenses contraintes : le logement, l’énergie, la santé et les télécommunications.

Ces dépenses contraintes ne représentaient, dans les années soixante, que 13 % des dépenses totales des ménages, contre 30 % environ aujourd’hui, soit le tiers de celles-ci. J’ajoute que, pour les ménages modestes, la proportion peut même grimper jusqu’à 80 %.

Il est donc très important de se pencher sur cette question, d’autant plus que, depuis le début de la crise, la France est le seul pays dans lequel le pouvoir d’achat s’est maintenu, et a même augmenté, comme en attestent les chiffres de l’INSEE, ainsi que les comparaisons établies à l’échelon européen. Pourtant, chaque fois que nous les rencontrons, nos compatriotes nous font part de leurs inquiétudes. Ils estiment que leur pouvoir d’achat a stagné, voire baissé.

Un tel sentiment s’explique aisément : la part des dépenses contraintes, qui sont indolores parce qu’elles s’effectuent par virement ou prélèvement automatique, a augmenté dans le budget des ménages. Le « reste à vivre » des Français a donc tendance à se rétrécir. Il est essentiel – et tel est l’objectif de ce texte – d’aider les Français à reprendre le dessus sur ces dépenses.

Vous le savez, les dépenses liées aux télécommunications, c’est-à-dire à l’internet et à la téléphonie mobile, n’existaient pas, ou si peu, il y a quelques années.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Aujourd’hui, l’omniprésence de ces outils, désormais indispensables à notre quotidien, exige de mieux armer les consommateurs et de renforcer la transparence et la mobilité de ce secteur. En effet, un chômeur qui se présente à Pôle emploi, par exemple, doit donner son numéro de portable.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Cette évolution nous oblige à trouver des solutions concrètes.

Lorsque j’étais député, en 2008, j’avais fait voter le principe du tarif social pour le téléphone portable. Il aura fallu que j’entre au Gouvernement pour que ce dispositif soit mis en place. C’est désormais chose faite.

Je vous propose d’appliquer la méthode à laquelle j’avais pensé à l’époque – Jean-Claude Lenoir s’en souvient ! (M. Jean-Claude Lenoir acquiesce.) – en prévoyant, pour internet également, la possibilité de négocier avec les opérateurs, ce qui nous permettra d’offrir un tarif social abordable à des familles modestes ; c’est d’ailleurs d’ores et déjà le cas, cette mesure, très importante, ayant été anticipée.

Tout à l’heure, lors d’un déjeuner auquel M. le rapporteur n’a malheureusement pu participer, j’ai invité les sénateurs présents à se rendre, comme je l’ai fait, dans les commissions de surendettement.

Ceux d’entre vous qui ont assisté à la réunion d’une commission de surendettement dans leur département ont pu prendre la mesure des difficultés que rencontrent les Français. C’est tout à fait éclairant ! On s’aperçoit alors que certains outils, que l’on aurait eu tendance à choisir, car ils semblent a priori constituer des réponses de bon sens, sont décalés par rapport la réalité que vivent nos concitoyens.

Nous en débattrons à propos du fichier positif, plusieurs amendements ayant été déposés sur l’article du texte y afférent. Il importe, en légiférant – chacun doit en prendre conscience –, de coller à la réalité quotidienne des gens et de bannir les mesures d’affichage. C’est ainsi que j’ai bâti ce projet de loi. Donner l’impression que l’on règle une difficulté au détour d’une loi, c’est facile ; je propose plutôt, quant à moi, que nous nous attaquions, sur tous ces sujets, à la racine des problèmes.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Je le répète, les télécommunications sont devenues un outil pour l’intégration sociale, et même parfois pour la vie familiale.

Un chiffre illustre, à lui seul, cette emprise croissante : le taux de pénétration mobile a, selon l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes, l’ARCEP, dépassé les 100 %, ce qui signifie que nombre de foyers sont suréquipés en matériel téléphonique.

En moyenne, chaque Français dispose désormais d’au moins un téléphone portable. Selon le baromètre de la DGCRFF, le secteur des télécommunications reste le deuxième en termes de réclamations formulées par les clients. Le nombre de ces dernières s’élevait à plus de 16 800 en 2010, soit 18 % de l’ensemble des réclamations. Grâce aux actions prévues dans la loi Chatel de 2008, ce pourcentage est en baisse. Le présent texte permettra de réaliser d’autres avancées considérables en matière de protection des consommateurs.

La transparence et la mobilité de ce secteur doivent encore être améliorées. Pour dynamiser la concurrence, le projet de loi prévoit ainsi le déverrouillage gratuit des téléphones trois mois après leur achat. De même, une offre mobile sans engagement devra être proposée aux consommateurs. Il leur reviendra ensuite de s’engager sur vingt-quatre mois ou de choisir une offre sans engagement.

J’ai également tenu à renforcer la défense des publics vulnérables : ce projet de loi permettra de lutter contre la fracture numérique sociale.

J’aimerais revenir sur un amendement adopté par la commission de l’économie.

Vous avez décidé, mesdames, messieurs les sénateurs, d’interdire aux fournisseurs l’emploi du terme « illimité » dans les publicités vantant les mérites de leurs forfaits. Selon moi, il s’agit d’une fausse bonne idée ; c’est une solution d’affichage inefficace.

Vous ne mettrez pas un terme à cette pratique en supprimant le mot « illimité » ! La langue française est suffisamment riche pour contourner cette disposition. Les opérateurs inventent même des mots nouveaux et proposent d’ores et déjà des forfaits « illimythics ». Croyez-moi, en la matière, ce ne sont pas les idées qui manquent.

Le choix opéré en commission, contre mon avis, et sur lequel nous reviendrons lors de l’examen des amendements, ne règlera pas ce problème. Nous devons tous éviter de proposer des mesures d’affichage ; il nous faut au contraire faire preuve, à l’égard des consommateurs, donc de nos compatriotes, de réalisme et d’efficacité.

S’agissant par ailleurs de la problématique du logement, un travail très constructif a été accompli au travers de ce texte, d’abord à l’Assemblée nationale, y compris avec les membres de l’opposition d'ailleurs, ensuite au sein de la commission de l’économie du Sénat. Des points ont été améliorés. Je regrette, en revanche, que certains amendements tendent à affaiblir la protection des consommateurs, mais nous y reviendrons.

Les frais liés au logement représentent près de 30 % des dépenses des ménages et, surtout, près de 80 % de leurs « dépenses contraintes ». Il était donc normal de travailler en priorité sur ce sujet.

Protéger les Français contre toute forme d’abus et garantir fermement leurs droits dans ce domaine doit être notre priorité. L’enjeu n’est pas simplement la maîtrise du budget et des dépenses. Dans le cadre de la problématique sociale du logement, nous devons plus que jamais faire preuve de vigilance, afin d’éviter certaines dérives.

Le projet de loi rend ainsi possible l’ajustement du loyer au profit du locataire si la surface louée est fausse ou manquante. Ce dispositif existe pour les propriétaires ; il était sain et juste d’en faire également bénéficier les locataires. La procédure de contestation de la surface est calquée sur celle qui existait déjà pour les copropriétés.

La nécessité de mieux protéger les locataires a particulièrement retenu l’attention de l’Assemblée nationale, qui a décidé, à l’unanimité, d’en finir avec les demandes abusives de documents, comme la photo d’identité ou l’attestation de l’employeur : les agents de la DGCCRF seront ainsi habilités à contrôler et sanctionner les manquements à cette disposition.

Certains sénateurs de la commission de l’économie, notamment ceux qui appartiennent à la majorité sénatoriale, étaient dubitatifs en ce qui concerne ce dispositif. Pourtant, j’y insiste, il est très important de l’adopter.

De même, une députée socialiste, Marie-Lou Marcel, avait proposé que le bailleur ne puisse plus exiger que la personne se portant caution pour le locataire soit expressément membre de sa famille. Cette proposition était une réponse très concrète à des abus fréquemment constatés par la DGCCRF.

Je regrette le recul de la commission de l’économie du Sénat sur ce point, car c’était un pas important en faveur du rééquilibrage des rapports entre locataires et propriétaires, une véritable mesure sociale et de bon sens. Je rappelle d'ailleurs que c’était l’idée d’une députée de l’opposition... Je ne doute pas que nous pourrons, dans le cours de nos débats, trouver une solution de nature à protéger plus efficacement les locataires. Je le souhaite en tout cas de toutes mes forces.

Permettez-moi maintenant d’aborder un sujet qui touche à l’avenir de l’économie française et des pratiques de consommation des Français : le commerce électronique. Ce texte, en effet, a aussi pour objet de favoriser l’adaptation de notre pays à des mutations profondes de l’économie française.

Vous le savez, le commerce électronique connaît une croissance véritablement spectaculaire dans notre pays : le secteur devrait réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 37 milliards d’euros en 2011, contre 31 milliards d’euros en 2010. J’ajoute que les ventes sur internet ont progressé de 23 % entre le troisième trimestre de 2010 et le troisième trimestre de 2011. Ce mouvement concerne tous les consommateurs et tous les territoires.

Depuis mon entrée au Gouvernement, je l’ai souvent répété : il est nécessaire de mener une action cohérente et continue pour accompagner le formidable développement du e-commerce et garantir la confiance dans ce secteur. Nous devons nous assurer que son développement ne s’accompagne pas de pratiques trompeuses pour le consommateur, ou déloyales pour le commerce traditionnel. La DGCCRF a en effet reçu près de 11 000 plaintes à ce sujet en 2010, soit 12 % du total des réclamations.

Le projet de loi prévoit donc de mieux protéger les cyber-acheteurs. Ainsi, les pénalités versées au consommateur en cas de non-respect du délai légal de remboursement après rétractation ont été augmentées par l’Assemblée nationale et la commission de l’économie du Sénat.

De même, le délai de remboursement des sommes versées en cas de rétractation du consommateur a été réduit, ce qui permet d’anticiper la transposition de la directive « Droits des consommateurs », formellement adoptée par le Parlement européen et le Conseil européen le 25 octobre dernier.

Par ailleurs, pour renforcer la protection des consommateurs en matière de démarchage téléphonique, nous avons rendu obligatoire, avec vos collègues de l’Assemblée nationale, le dispositif Pacitel, qui permet aux consommateurs qui le souhaitent de s’inscrire sur une liste afin de ne plus être démarchés téléphoniquement.

Cette liste d’opposition, lancée en septembre dernier, rencontre un véritable succès populaire, puisque 550 000 Français ont d’ores et déjà inscrit près de 1 million de numéros sur lesquels ils ne souhaitent plus être contactés. Même le président de la commission de l’économie du Sénat s’y est inscrit, comme il l’a dit à ceux d’entre vous qui émettiez des doutes sur l’efficacité du dispositif. (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ce dispositif simple, plébiscité par les consommateurs, lancé dans le cadre d’une démarche partenariale avec les acteurs économiques, permet, tout en protégeant les consommateurs, de préserver sur notre territoire près de 100 000 emplois.

Je le dis solennellement à chacun d’entre vous présent dans cet hémicycle, notamment à vous, madame le rapporteur pour avis : ne prenons pas le risque – comme la commission de l’économie au détour d’un amendement visant à supprimer ce dispositif et à le remplacer par une obligation de recueillir le consentement des consommateurs –, de remettre en cause ces 100 000 emplois. Cela ne résoudrait pas le problème auquel sont confrontés nombre de consommateurs, y compris lorsque ceux-ci souhaitent bénéficier du service après-vente offert par certains opérateurs.

Je le rappelle, notre pays doit aujourd'hui faire face à une crise économique mondiale. Un certain nombre de nos compatriotes craignent de perdre leur emploi. Or, au détour d’un amendement, alors même qu’un dispositif protège déjà à la fois les consommateurs et l’emploi, on voudrait faire adopter une mesure qui surprotège les consommateurs bien au-delà de leurs souhaits et qui, dans le même temps, sacrifie l’emploi.

Je ne souhaite pas que l’emploi d’un certain nombre de nos concitoyens soit mis en cause. Je le dis avec beaucoup de solennité, et j’aurai l'occasion de le répéter lors de l’examen des articles : ce serait à la fois déraisonnable et extrêmement inquiétant pour des dizaines de milliers de Français. Ce n’est pas parce que l’amendement en cause a été adopté en commission qu’il est interdit aux uns et aux autres de réfléchir et de prendre la mesure de l’impact que pourrait avoir un tel dispositif.

J’ai également souhaité que le présent projet de loi accorde une large place à la richesse des savoir-faire et des productions artisanales de notre pays. Hier, je me trouvais dans la Creuse, avec vous, madame Nicoux, avec Jean Auclair et nombre d’autres élus. Nous avons rencontré les tapissiers d’Aubusson, ainsi que de nombreux autres artisans. Voilà quelques jours, je suis allé dans le Cantal. Monsieur le rapporteur, je me suis également rendu dans l’Aveyron, où j’avais annoncé la création du présent dispositif. Je veux dire à quel point le « fabriqué en France » constitue une force pour notre économie et pour notre pays. D’ailleurs, le Président de la République en a fait une priorité depuis 2009.

A été ainsi mis en place – sans que vous ayez été consultés, mesdames, messieurs les sénateurs, car aucune mesure législative n’était requise – le label « origine France garantie », qui, aujourd'hui, concerne une quarantaine de produits et une quinzaine de marques. Bientôt seront visés une centaine de marques et environ cinq cents produits.

En revanche, il était indispensable de passer par l’intermédiaire d’une loi pour étendre le dispositif de « l’indication géographique protégée », qui a sauvé les produits alimentaires de notre pays, qu’il s’agisse du saint-nectaire, du brie de Meaux…

Mme Nathalie Goulet. Du camembert !

M. Alain Gournac. Du munster !

M. Charles Revet. Et du neufchâtel !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je le constate, chacun d’entre vous est fier, à juste raison, des produits alimentaires identitaires de ses territoires ! (Sourires.)

De la même façon, nous allons pouvoir protéger les produits artisanaux et industriels, qu’il s’agisse du couteau Laguiole, des faïences de Gien, des émaux de Briare, des tapisseries d’Aubusson…

Mme Nathalie Goulet. Des calissons d’Aix, des bêtises de Cambrai !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Et l’on peut multiplier les exemples ! (Nouveaux sourires.)

J’ajoute pour votre information, mesdames, messieurs les sénateurs, que le dispositif, une fois adopté, fera partie de la loi française ; il sera un élément constitutif de notre législation relative à la protection des savoir-faire.

Dans le même temps, j’ai impulsé une démarche de dématérialisation des informations sur les produits. J’ai demandé au Conseil national de la consommation, que je préside et qui regroupe, comme vous le savez, des représentants des entreprises et des associations de défense des consommateurs, de me faire des propositions au mois de janvier ou de février prochain.

En effet, nous voulons nous orienter vers la création d’une carte d’identité des produits qui permettra aux consommateurs, grâce aux codes barres et aux flashcodes, d’en connaître l’origine.

Mme Catherine Deroche et M. Alain Gournac. C’est bien !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Grâce à ces deux labels et au dispositif proposé, nous serons en mesure d’offrir aux consommateurs de notre pays ce qu’ils veulent, c'est-à-dire la qualité française. En effet, les deux tiers d’entre eux considèrent, avec raison, que les produits fabriqués en France sont de meilleure qualité que les autres.

M. Alain Gournac. C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par ailleurs, 75 % d’entre eux affirment être prêts à payer plus cher des produits réalisés dans notre pays. Or force est de constater qu’ils sont face à une jungle. Ainsi, des étiquettes portent la mention « 100 % français », qui ne correspond à rien du tout, car chacun a bien compris l’intérêt de faire croire que ses produits étaient fabriqués en France.

Avec ces dispositifs, nous pourrons mettre fin à cette situation, mieux informer les consommateurs et protéger nos savoir-faire.

Toutes les réponses que nous tâchons d’apporter ensemble aux problèmes quotidiens des Français n’auraient que peu d’efficacité sans un dispositif de contrôle et de sanction refondé.

Le texte, tel qu’il avait été voté à l’Assemblée nationale, allait dans ce sens et me paraissait équilibré. Je regrette donc que la commission de l’économie ait décidé d’introduire l’action de groupe dans le droit français. (Mme Nathalie Goulet fait un signe de protestation.) C’est un sujet sur lequel j’ai personnellement beaucoup travaillé, comme vous le savez. D’ailleurs, lorsque j’étais député, je faisais partie des défenseurs des class actions. Au nom de ma famille politique, j’avais soutenu un amendement tendant à les introduire dans notre droit.

J’entends déjà certains d’entre vous me dire que je fais aujourd'hui partie du Gouvernement et non plus du Parlement… Toutefois, je tiens à vous rappeler qu’une crise est survenue depuis 2008. Et il n’est pas interdit d’étudier les conséquences qu’a eues un tel dispositif sur l’économie des pays qui l’ont mis en place.

Pour ceux qui douteraient encore de la réflexion que j’ai engagée et de ma volonté de trouver le dispositif le plus efficace possible, je rappellerai un autre élément : dans un livre que j’ai écrit avant mon entrée au Gouvernement, j’ai indiqué que, même si j’avais défendu cette mesure, je pensais préférable de réfléchir à d’autres moyens plus efficaces, plus protecteurs des consommateurs et moins dangereux pour l’économie, la croissance et l’emploi. C'est la raison pour laquelle j’ai proposé dans le présent projet de loi un certain nombre de dispositions.

Que chacun ici en soit conscient, les actions collectives coûtent chaque année 1,5 point de PIB aux États-Unis. Aujourd'hui, dans un contexte de crise économique, la France peut-elle se permettre de prendre un tel risque et même de perdre 1 point ou 0,5 point de croissance ? De telles actions conduisent 15 % des entreprises à licencier et 8 % d’entre elles à fermer des installations. J’ajoute que 45 % des entreprises américaines, de toutes tailles, dépensent aujourd’hui plus de 1 million de dollars par an en contentieux.

Mme Nathalie Goulet. C’est bien pour les avocats ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. De surcroît, la longueur des procédures donne un caractère particulièrement chronophage et inopérant à ce type de recours. En moyenne, les procédures se déroulent sur plus de deux ans ; dans certains cas, elles peuvent durer dix ans.

Alors que j’ai évoqué à l’instant les États-Unis, certains se demandent peut-être pourquoi je n’ai pas cité les pays européens ayant adopté un tel dispositif. Prenons donc le cas du Portugal, où une récente action engagée contre des opérateurs téléphoniques s’est achevée au bout de quatre ans. À titre de comparaison, la médiation aboutit généralement en moins de six mois, parfois en deux, trois ou quatre mois.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que, dans la majorité des cas, les gains retirés par les consommateurs sont infimes, notamment au regard des coûts de procédure suscités. Cela conduit très souvent à de véritables aberrations : j’ai en tête l’exemple d’un plaignant allemand qui risque de supporter des frais de plus de 8 000 euros, alors que le montant de sa plainte s’élève à 5 000 euros. Quel comble ! In fine, même si l’action qu’il a intentée lui donne raison, un consommateur doit parfois payer plus que le montant de la réparation escompté.

Je veux vous rappeler que le Gouvernement a souhaité privilégier des solutions plus adaptées pour réparer et faire cesser rapidement les préjudices subis par les consommateurs, reposant, d’une part, sur le développement et la généralisation de la médiation, et, d’autre part, sur la modernisation des pouvoirs de la DGCCRF. Le dispositif de sanctions administratives est ainsi modernisé. Le projet de loi permet également de mieux protéger les consommateurs contre les clauses abusives.

Ce dispositif était demandé par toutes les associations de consommateurs. Il a d’ailleurs parfois fait craindre dans les autres ministères, notamment à la Chancellerie, que l’on ne fasse adopter un mécanisme du même type que celui de l’action de groupe.

Toutefois, aux termes du mécanisme que je vous propose d’introduire dans notre droit, lorsqu’une clause sera jugée abusive et supprimée d’un contrat à la suite d’un jugement, elle sera également abrogée dans tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné. C’est l’assurance de faire cesser le préjudice pour l’ensemble des consommateurs visés.