M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
À la première phrase du 4 de l’article 5 et au 1 de l’article 6 du Règlement du Sénat, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Roche, Zocchetto, Bockel, Jarlier, Lasserre et Beaumont et Mmes Lamure et Gourault, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Si, au nom du pluralisme, il faut autoriser toutes les composantes politiques, toutes les opinions, à se constituer en groupe parlementaire, je m’interroge toutefois sur le seuil retenu pour pouvoir constituer un groupe, à savoir dix sénateurs. Pourquoi ne pas le fixer à neuf, huit ou sept, en fonction du nombre de sénateurs qui appartiennent à tel ou tel parti politique et qui auraient plaisir à bénéficier d’une telle mesure ? C’est ce qui nous amène à considérer que cette mesure n’est, en réalité, pas juste.
Si nous prenions au mot ce que vous venez de dire, monsieur Placé, nous pourrions effectivement multiplier le nombre de groupes au sein de cette assemblée. Je ne suis pourtant pas sûr que ce serait de bon augure.
En effet, une réforme du règlement n’a d’intérêt que si elle vise réellement à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Or, à la lecture de l’article 1er de cette proposition de résolution, tel ne semble pas être le cas.
L’adoption de ce texte compliquera profondément le fonctionnement du Sénat, aussi bien en commission qu’en séance publique. Elle entraînera évidemment des coûts supplémentaires à tous les niveaux, ce qui, en période de rigueur budgétaire, est particulièrement contestable.
Dans le climat social et économique que nous connaissons aujourd’hui, nos concitoyens nous observent et ils estiment que chaque euro dépensé doit présenter pour eux une utilité, doit répondre à ce qu’ils attendent de nous, c'est-à-dire d’être des élus responsables.
Le contexte ne se prête donc absolument pas à ce genre de fantaisie.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons approuver cet arrangement purement politique, dans un climat qui ne nous paraît guère opportun. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, pour respecter ce qu’attendent de nous nos concitoyens, de maintenir à quinze le nombre de sénateurs nécessaires pour constituer un groupe parlementaire. (MM. François Zocchetto et André Ferrand applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, comme les suivants, pour les raisons qui ont été tout à l’heure exposées. En effet, il y a une certaine cohérence à fixer à dix l’effectif nécessaire pour constituer un groupe dans une assemblée de trois cents et quelques sénateurs, et à quinze pour une assemblée de cinq cents et quelques députés.
Par ailleurs, dix est effectivement le nombre, messieurs les centristes, même si cela vous gêne, des sénatrices et sénateurs Verts élus lors du dernier renouvellement. Représentant un courant politique de notre pays, ils souhaitent se constituer en groupe parlementaire, ce à quoi nous sommes favorables. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. Placé a dit tout à l’heure ce que je n’oserais pas dire en tant que rapporteur : monsieur Zocchetto, avez-vous peur que votre groupe, qui est constitué de membres appartenant à différents partis politiques, ne se divise tout à coup en trois ? Si tel est le cas, il y aura trois groupes centristes au lieu d’un seul, voilà tout !
Quoi qu'il en soit, la commission des lois est tout à fait hostile à cet amendement ainsi qu’à ceux qui suivent, et qui ne sont d’ailleurs pas très sérieux, mes chers collègues, puisque vous proposez successivement que deux, trois ou quatre sénateurs puissent constituer un groupe. Ce sera dix, point final ! (Applaudissements sur les travées du groupe EELV.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Mon collègue du groupe Union centriste et républicaine Yves Détraigne l’a dit en commission : « Une modification du règlement n’a d’intérêt que si elle vise à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Tel ne semble pas être le cas avec cette proposition de résolution. On a plutôt affaire à une révision de circonstance. »
J’ajouterai que notre règlement, censé rechercher l’intérêt général, ne doit pas évoluer au gré des résultats électoraux ou des accords entre partis.
La proposition qui nous est faite de modifier le règlement pour tenir compte du nombre de sénateurs écologistes élus le 25 septembre dernier, qui ne correspondrait pas à leur poids ou influence réelle dans le pays, est une proposition néfaste pour notre image de sénateurs et pour la démocratie. Elle envoie à nos compatriotes plusieurs signaux négatifs qui ne rehausseront pas auprès d’eux l’image du Sénat.
Faire passer l’intérêt des partis avant l’intérêt général est le premier signal négatif adressé ainsi aux Français. Une telle mesure relève d’intérêts du moment, d’intérêts politiciens bien éloignés de la notion d’intérêt général qui devrait tous nous mobiliser. Certains parleraient de « tambouille politicienne », d’autres, de « petits arrangements entre amis ». Pour ma part, je considère que ce sont des accords partisans de circonstance qui ne devraient pas interférer avec le fonctionnement d’une institution comme le Sénat.
Rappelons qu’à l’origine, en 1958, lors de l’avènement de la Ve République, il fallait onze élus pour créer un groupe. En 1971, ce chiffre a été porté à quinze, afin d’« asseoir le rôle des groupes politiques » et d’éviter la trop grande dispersion qu’on avait connue sous la IVe République.
Sur les 283 sénateurs que comptait le Sénat de l’époque, quinze représentaient 5,3 % du total. Le fait est que, pour ma part, je fixerais volontiers à 5 % du nombre total de sénateurs la possibilité de créer un groupe, soit dix-huit pour les 348 sénateurs que nous sommes.
Si l’on abaisse le seuil à dix élus, un groupe pourra être constitué avec seulement 2,86 % des sénateurs. Tout cela pour permettre aux élus Verts, éminemment respectables par ailleurs, de constituer un groupe ! Pourquoi se considèrent-ils comme sous-représentés dans notre assemblée ? Le sont-ils vraiment, et à qui la faute ? Ne peuvent-ils pas continuer à travailler avec le parti socialiste ?
Le fait de ne pas atteindre le seuil de quinze élus est le résultat des élections locales qui se sont succédé ces dernières années, et notamment celles de 2001 et de 2008. Les Verts, qui existent depuis près de trente ans, ont eu tout le temps nécessaire pour s’implanter et faire connaître leurs thèses. Ils ont été actifs au niveau local et largement audibles au niveau national. Leur représentation actuelle est le fruit de leur travail ; elle correspond à leur audience réelle auprès des électeurs.
Dans ma bonne ville de Massy, à la fin des années 1980, les Verts étaient nettement mieux représentés au sein du conseil municipal que le courant centriste auquel j’appartenais ; il faut dire que la ville votait à 62 % à gauche… Aujourd’hui, au sein du conseil municipal, il n’y a plus qu’un seul élu Vert !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quel est le rapport avec notre sujet ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est lamentable !
M. Vincent Delahaye. Et, parmi les grands électeurs supplémentaires que nous avons eu à désigner, aucun Vert n’a été choisi !
À qui la faute ? C’est en partie la mienne, me direz-vous… Probablement. Mais c’est sûrement aussi la leur, et le résultat des négociations menées par la gauche ne reflète pas leur poids réel dans la population.
Chers collègues Verts, ce n’est tout de même pas notre faute si le parti socialiste, votre allié historique, vous laisse la portion congrue, sans rapport avec votre influence dans l’électorat ! Nous n’avons pas à subir ici le résultat de vos négociations peu efficaces…
M. Roland Courteau. Politicaillerie !
M. Vincent Delahaye. Pour ma part, en tout cas, je ne peux pas accepter cet arrangement de circonstance !
Mais cette proposition de résolution envoie aux Français un second signal négatif : à l’heure où le rassemblement devrait être notre seule priorité face aux défis majeurs du moment,…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le rassemblement des centristes ! Bayrou, Morin et tutti quanti…
M. Vincent Delahaye. … je considère que cette modification du règlement est un facteur de division. En effet, elle renforcera l’atomisation de la représentation politique au sein de notre assemblée.
M. Ronan Dantec. La richesse est dans la diversité !
M. Vincent Delahaye. Depuis le début de mon engagement public, j’ai toujours cherché, lors des scrutins locaux comme des scrutins nationaux, à rassembler au-delà des partis politiques et plutôt même à côté d’eux.
Je crois que, sans nier nos divergences, nous, élus, devons tout faire pour favoriser le rassemblement plutôt que la division ! Nous devons montrer l’exemple et, surtout, ne pas céder à cette tendance souvent naturelle dans notre beau pays : le chacun pour soi, l’éparpillement, la division plutôt que le rassemblement.
En présentant tout à l’heure mes amendements, j’exposerai d’autres arguments. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Mais je m’arrête là pour le moment car je tiens à respecter mon temps de parole…
M. Jean-Pierre Caffet. Comme tout le monde !
M. Vincent Delahaye. … contrairement à Jean-Vincent Placé ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je tiens tout d’abord à confirmer ce qu’a dit M. Jean-Pierre Sueur : au cours de mon précédent mandat, Marie-Christine Blandin, deux autres collègues – ainsi que, pendant une période, M. Jacques Muller – et moi-même avons bien travaillé avec nos collègues socialistes. Nous avons su discuter, débattre et, souvent, trouver des convergences. C’est ainsi que nous avons déposé ensemble des propositions de loi.
Bien sûr, il y a aussi eu entre nous des différences et il est vrai que, sur certains sujets, nous n’avons pas voté dans le même sens ; mais cela n’a pas nui aux rapports que nous avons entretenus les uns avec les autres.
En tout cas, je le répète, nous avons pu travailler sereinement au cours des dernières années. Faudrait-il, pour autant, ne pas tenir compte des résultats électoraux ? Je suis, sur ce sujet, en désaccord avec M. Delahaye, pour qui l’important est que le Sénat puisse bien travailler, indépendamment des résultats des élections. (M. Joël Guerriau proteste.)
M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean Desessard. Mais comment ça ? On ne devrait pas tenir compte de l’expression d’un nouveau courant de pensée, de nouvelles idées ?...
M. François Zocchetto. Mais si…
M. Jean Desessard. Le Sénat devrait seulement être une institution qui fonctionne bien, sans tenir compte de ce qui se passe à l’extérieur ? Notre assemblée ne doit-elle pas être représentative des courants de pensée ?
C’est pourquoi je remercie le groupe socialiste, l’ensemble des groupes de gauche et aussi le groupe UMP de permettre l’expression d’un courant de pensée nouveau.
Il est important que, vis-à-vis de l’extérieur, nous, sénateurs Verts, puissions avoir des prises de position autonomes, sous un Président de la République de droite comme, demain, sous un Président de la République de gauche ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Tous trois sont présentés par MM. Delahaye et Guerriau.
L’amendement n° 9 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
deux
L'amendement n° 10 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
trois
L'amendement n° 11 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
quatre
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour défendre ces trois amendements.
M. Vincent Delahaye. Non, monsieur le président, je ne les défendrai pas en même temps, car j’ai besoin de temps pour présenter des arguments complémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ils sont en discussion commune !
M. le président. Mon cher collègue, ce n’est pas un choix que je vous offre : je vous invite à présenter ces trois amendements en même temps parce que vous êtes le premier signataire des trois et qu’ils font l’objet d’une discussion commune. C’est le règlement !
M. Vincent Delahaye. Soit, monsieur le président.
J’ai dit que cette proposition de résolution envoyait aux Français deux signaux négatifs : on leur donne le sentiment que l’intérêt des partis passe avant l’intérêt général (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV) et, quand le rassemblement devrait être notre priorité absolue pour faire face aux défis de l’heure, on introduit un facteur de division supplémentaire.
Ne pouvez-vous pas, chers collègues Verts et socialistes, continuer de travailler ensemble ?
Au sein du groupe de l’Union centriste et républicaine, des sénateurs issus de plusieurs partis politiques – Modem, Nouveau Centre, Parti radical, Alliance centriste, Gauche moderne – cohabitent sans difficulté. Chaque sensibilité a la possibilité de s’exprimer et chacun respecte l’autre : pourquoi ne serait-ce pas possible chez vous ?
Ceux qui, à gauche, se félicitent de la modification de notre règlement pourraient un jour le regretter : faudra-t-il abaisser le seuil à huit ou six élus si les contingences politiciennes le réclament ?
Doit-on se réjouir de cette nouvelle division à gauche ? À droite, j’entends certains qui s’en félicitent… Mais prenez garde, mes chers collègues, à l’effet boomerang ! Beaucoup regretteraient l’éparpillement, voire l’explosion, si les forces centrifuges devenaient incontrôlables !
Il y a une troisième raison pour laquelle cette proposition de résolution constitue un signal négatif : elle est d’ordre économique et financier.
On ne peut pas, d’un côté, annoncer que l’on baisse les dépenses et, de l’autre, créer les conditions d’une augmentation des dépenses de fonctionnement !
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Populisme !
M. Vincent Delahaye. Car cette modification du règlement va peser sur le fonctionnement du Sénat. Aujourd’hui conçue pour favoriser la création d’un nouveau groupe, cette mesure pourrait voir son coût rapidement augmenter…
Je me suis engagé, au cours de ma campagne, à ne voter aucune dépense nouvelle non financée. Par quoi va-t-on compenser cette nouvelle dépense ? Comme toujours, par la baisse des dépenses d’investissement… Il en résultera une diminution des travaux et une baisse de l’entretien de notre patrimoine. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Cette politique ne correspond nullement au discours que nous tenons aux collectivités quand nous leur conseillons de réduire leurs dépenses de fonctionnement pour ne pas sacrifier leurs investissements. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… Quel mauvais exemple ! (M. le rapporteur s’exclame.)
La suppression de travaux importants – on parle de plus de 500 000 euros, sans compter les indemnités à verser pour rupture de contrat – réduira l’activité des entreprises du bâtiment concernées, qui risquent ainsi de connaître des difficultés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Il faut savoir que 500 000 euros de travaux supprimés, c’est l’équivalent de la paie annuelle d’une vingtaine de salariés du bâtiment !
Après cela, on peut toujours faire de beaux et grands discours sur la défense de l’emploi et la lutte contre le chômage… Si nos actes ne correspondent pas à nos discours, nos compatriotes vont vite s’en apercevoir : la crédibilité des politiques en prendra encore un coup !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je ne peux approuver cette proposition de résolution : elle privilégie la division au détriment du rassemblement, favorise la bureaucratie et les emplois improductifs aux dépens de l’économie et des emplois productifs, satisfait des intérêts de partis, des intérêts du moment, plutôt que l’intérêt général !
M. Jean-Vincent Placé. Ça, c’est du poujadisme !
M. Vincent Delahaye. Certaines propositions ont valeur de symbole : celle qui nous est soumise ce soir est le symbole de ce que nous ne devrions surtout pas faire !
Il est encore temps de reculer. C’est pourquoi j’ai déposé ces trois amendements, dont je concède qu’ils relèvent de la dérision et de la provocation.
M. Jean-Pierre Caffet. Eh oui !
M. Jean-Vincent Placé. C’est ridicule !
M. Vincent Delahaye. Je l’ai fait parce que je ne peux absolument pas approuver l’abaissement à dix membres du seuil de création d’un groupe ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission demande le rejet ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix l'article 1er
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article 7 du Règlement du Sénat est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Les six derniers alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« 1° La commission des affaires économiques, qui comprend 39 membres ;
« 2° La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui comprend 57 membres ;
« 3° La commission des affaires sociales, qui comprend 57 membres ;
« 4° La commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui comprend 57 membres ;
« 5° La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui comprend 39 membres ;
« 6° La commission des finances, qui comprend 49 membres ;
« 7° La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, qui comprend 49 membres. » ;
2° Le 2 est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, sur l'article.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, mes chers collègues, au moment de l’élection du bureau de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai dit à mes collègues que nous avions su, jusqu’alors, faire preuve de sagesse en ne séparant pas l’économie, l’environnement et le développement durable.
D’ailleurs, le principe constitutionnel de développement durable vise précisément à concilier les objectifs de développement économique et de protection de l’environnement : ces deux notions sont consubstantielles ! On peut même, bien entendu, y ajouter une dimension sociétale évidente.
Ainsi, traiter d’un côté des sujets économiques, de l’autre des sujets écologiques n’a pas de sens du point de vue du développement durable.
À l’inverse, l’intérêt et la qualité du travail sur des sujets tels que les transports, l’énergie, l’industrie, l’agriculture, la recherche, l’aménagement du territoire tiennent précisément à ce qu’on les aborde simultanément sous l’angle économique et sous l’angle environnemental.
Mme Rossignol, qui a malheureusement quitté l’hémicycle, avait exprimé, au cours des débats en commission de l’économie, son manque d’enthousiasme devant la création d’une commission supplémentaire. Elle avait d’ailleurs été rejointe par M. Labbé. Tous deux avaient souligné les risques de la scission envisagée. Mme Rossignol déclarait ainsi : « Le risque est de marginaliser la question de l'environnement. Comment la traiter sans parler du problème tout à fait central des énergies ou encore des transports ? » Je pense qu’elle avait tout à fait raison !
L’inverse est naturellement tout aussi vrai : l’énergie et les transports ne sont-ils pas au cœur du développement économique ?
Telle est la première raison de mon hostilité à l’idée de séparer artificiellement ces deux notions consubstantielles : l’économie et l’écologie.
La deuxième raison, non moins importante, de mon opposition à la création de cette commission tient aux conflits de compétences qui risquent de se multiplier ; il en a d’ailleurs déjà été question.
En effet, la plupart des thématiques économiques sont étroitement imbriqués les unes avec les autres. Ainsi, l’aménagement numérique du territoire relèvera-t-il, au fond, de la commission des affaires économiques ou de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ? De même, est-il raisonnable de séparer l’urbanisme des travaux publics et des infrastructures ? Quant à l’aménagement du territoire et à l’agriculture, qui forment les deux jambes de la politique agricole commune, les dissocier est à l’évidence une aberration !
À propos de la création d’une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mme Lienemann, qui n’est malheureusement pas présente, a déclaré en commission : « Sa création ne sera pas un drame, ni pour le pays ni pour le Sénat ! Cette décision s’impose par symétrie avec l’Assemblée nationale. »
Je dois dire que je suis très surpris par cet argument, qui n’est pas vraiment convaincant !
D’abord, il me semble évident que le but n’est pas de mesurer les effets négatifs de la scission, mais bien d’évaluer ses conséquences positives. Or, bizarrement, Mme Lienemann n’en parle pas : elle n’évoque que ses effets négatifs !
Ensuite, je considère que le mimétisme vis-à-vis de l’Assemblée nationale ne s’impose pas. Ou alors, alignons le nombre des sénateurs sur celui des députés et créons deux commissions distinctes pour la défense et les affaires étrangères !
Soyons sérieux ! À l’Assemblée nationale, la scission de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a été un fiasco. C’est un fait reconnu, que notre collègue Jean Claude Lenoir a rappelé en ces termes : « Cette situation ne donne satisfaction à personne. Les sujets de l'économie et de l'environnement s'entremêlent et se recoupent sans cesse, si bien que les deux commissions sont systématiquement saisies, l'une au fond et l'autre pour avis. Résultat : des réunions en double, des frontières mal établies et des députés mal à l'aise avec la répartition des compétences. »
Enfin, on nous dit que la scission serait une solution aux effectifs pléthorique de la commission de l'économie. Il est vrai que celle-ci compte aujourd’hui soixante-dix-huit membres – je ne parle pas du nombre de participants aux réunions ! –, contre cent soixante-dix pour l’ancienne commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale.
Forte de ses soixante-dix-huit membres, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire fonctionne très bien. Je ne crois pas que cet effectif la rende ingouvernable ! (M. Bruno Sido acquiesce.)
Comme l’a dit tout à l’heure M. Placé, que je rejoins sur ce point, nos échanges sont de qualité parce que les différentes sensibilités nourrissent le débat sur ces thèmes transversaux. Tant mieux ! C’est pourquoi, contrairement à lui, je conclus qu’il est préférable que nous continuions à discuter ensemble, au sein de la commission qui existe aujourd’hui.
La scinder conduira à la sclérose des prismes d’analyse et à l’alourdissement des processus de colégislation, la transversalité des questions imposant la saisine de l’une comme de l’autre des deux nouvelles commissions.
M. le président. Il faudrait maintenant que vous vous acheminiez vers votre conclusion, mon cher collègue.
M. Daniel Dubois. En plus d’affaiblir les petits groupes politiques – songez-y, chers collègues Verts !–, cette scission transformera la confiance en défiance, les deux commissions risquant fort de se livrer bataille pour savoir laquelle sera saisie au fond !
J’ai été étonné de voir plusieurs membres de la commission appartenant à la majorité sénatoriale résignés et impuissants face à un accord politique conclu en d’autres lieux et que l’on leur demande aujourd’hui d’entériner.
Monsieur le président, nous adhérons totalement à l’idée selon laquelle il convient d’adapter le Sénat aux évolutions profondes de notre société en matière de développement durable et de mieux prendre en compte ces problématiques dans nos travaux.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, plutôt qu’une scission de la commission, soit la création d’une délégation sénatoriale à l’aménagement du territoire et au développement durable, soit la création d’une commission sénatoriale, qui permettrait de maintenir l’unité de notre commission actuelle tout en mettant en avant la spécificité des problématiques environnementales.
M. le président. Là, il faut vraiment conclure, monsieur Dubois !
M. Daniel Dubois. Alors oui, mes chers collègues, préservons l’unité du développement durable, soyons responsables, privilégions la qualité de notre travail et refusons de casser ce bel outil qu’est la commission permanente de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une citation dont la sagesse ne vous échappera pas : « Il ne semble pas pertinent de créer une commission permanente spécifiquement dédiée au développement durable et à l’aménagement du territoire, du fait même de la transversalité de la question environnementale. » Il se trouve que je partage pleinement ce point de vue : il s’agit, mot pour mot, de l’exposé sommaire d’un amendement déposé par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée nationale en mai 2009 !
À l’époque, la gauche était unanime pour dénoncer dans la création d’une commission permanente du développement durable un recul en matière de prise en compte des enjeux environnementaux, les Verts ayant eux-mêmes fait valoir que les questions du développement durable ne pouvaient en aucun cas être dissociées de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie et de l’industrie, c’est-à-dire du périmètre actuel de notre commission de l’économie.
Le Grenelle de l’environnement, adopté le 3 août 2009, a montré que les questions du développement durable touchaient toutes les politiques publiques de notre modèle économique : la lutte contre le changement climatique, le logement, l’urbanisme, les transports, l’énergie, la biodiversité et les milieux naturels, l’eau, l’agriculture, les risques, les déchets et même la gouvernance des entreprises.
En tant que rapporteur de ce texte au nom de la commission de l’économie, j’ai pu constater, directement, l’intérêt d’une commission transversale pour aborder cette révolution. Il faut croire, d’ailleurs, que je n’étais pas si « extrémiste » que cela, monsieur Mézard, puisque le Grenelle 1 a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat !
C’est justement dans la liaison de l’économie et de l’écologie que réside le nouveau modèle de développement qui permettra la reprise d’une croissance durable. Par exemple, au champ de compétence de quelle commission permanente le secteur de l’énergie ressortira-t-il ? Comment peut-on, au XXIe siècle, dissocier l’aspect industriel majeur que comporte la politique énergétique de notre pays de la question des énergies renouvelables, des économies d’énergie et de la maîtrise de la demande énergétique ?
La notion de développement durable, reconnue depuis 1992 et traduite dans notre Charte de l’environnement, est bel et bien transversale et doit irriguer, par le biais d’une approche intégrée, l’ensemble des secteurs économiques et de nos politiques publiques, et ce n’est pas M. Placé qui me dira le contraire !
À l’inverse, le cantonnement des questions environnementales au périmètre d’une seule commission ne peut que cloisonner ces problématiques, dénaturant ainsi l’approche du développement durable, alors même que la proposition de résolution souhaite la voir mieux prise en compte par le Sénat.
La majorité sénatoriale d’aujourd’hui en convenait il n’y a pas si longtemps : la valorisation des enjeux du développement durable passe par une commission aux compétences transversales, traitant à la fois d’économie et d’écologie, voire des aspects sociaux de ces sujets, en phase avec les grands enjeux actuels. Comment faire l’« économie verte » si l’on sépare l’environnement de l’économie ?
Sur la forme, par ailleurs, notre groupe est hostile à la création d’une commission permanente supplémentaire. Passer de six à sept commissions permanentes à partir de la seule commission de l’économie ne peut que conduire à un affaiblissement du poids, en nombre, de ces deux nouvelles commissions. L’Assemblée nationale l’a bien fait, nous rétorque-t-on. Eh bien, pour ma part, je suis attaché à la spécificité de notre institution sénatoriale. S’il faut absolument se calquer sur le modèle de l’Assemblée nationale, à quoi sert notre deuxième chambre ?
Rappelons aussi que, si les députés sont 577, nous ne sommes que 348. Le passage à sept commissions permanentes entraînerait donc des difficultés de représentation et de présence pour les petits groupes, ce qui n’est pas conforme à la façon dont nous avons toujours travaillé.
Notre groupe n’est pas hostile à une prise en compte encore renforcée des aspects environnementaux. Mais nous pensons justement que, pour cela, la question du développement durable doit être traitée à travers l’ensemble des questions économiques.
Si une nouvelle structure devait être créée, nous serions plus favorables à une délégation spécifiquement dédiée à ces enjeux et chargée d’informer la Haute Assemblée sur le respect des impératifs du développement durable. Une telle délégation autorisant en outre la double appartenance, chaque commission pourrait y être représentée.
Monsieur Sueur, vous avez souligné qu’il existait un ministère spécifiquement chargé de l’environnement, mais vous avez oublié de dire que, grâce à M. Juppé dans un premier temps, puis à M. Borloo, les compétences de ce ministère de l’environnement ont été considérablement élargies. Cet après-midi, je visitais l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, avec M. le Premier ministre, M. le ministre chargé de l’industrie, Éric Besson, et Mme la ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Voilà bien la preuve de l’élargissement des compétences du ministère de l’écologie ! Jean-Louis Borloo nous a d’ailleurs exhortés, avant de quitter ses fonctions ministérielles, à ne pas défaire au niveau de nos commissions ce qui avait été fait au niveau du ministère.
Je voudrais enfin insister sur le fait que notre groupe d’opposition fait aujourd’hui preuve d’un grand sens de l’État en se prononçant contre la création d’une commission permanente dans laquelle l’opposition sénatoriale serait pourtant, selon toute probabilité, monsieur Mézard, majoritaire. (M. François Zocchetto applaudit.)