M. Gérard César. Voilà !
M. Joël Guerriau. Avec des groupes aux effectifs réduits, comment pourrez-vous assurer une présence régulière et permanente des sénateurs au sein de l’ensemble des commissions, sachant que vous en multipliez le nombre ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour en parler !
M. Joël Guerriau. C’est là aussi, me semble-t-il, une incohérence fondamentale.
Pour ces raisons liées à notre volonté de poursuivre une action cohérente en la matière sur l’ensemble de notre territoire, je suis opposé à la création de cette nouvelle commission. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je veux vous dire, mon cher Vincent Delahaye, que je découvre, à l’occasion de ce débat, que vous défendez le secteur du bâtiment. C’est votre droit, mais sachez que le rapporteur, M. Anziani, que je remplace, s’est livré, au nom de la commission des lois, à une très large concertation.
Ainsi, ont été auditionnés, en tant que présidents de commission, Mmes Annie David et Marie-Christine Blandin, MM. Daniel Raoul, Philippe Marini et Simon Sutour et, en tant que présidents ou représentants de groupe politique, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Caffet et François Zocchetto, lui-même,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Lui-même ?... (Sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. … qui laisse aujourd'hui son groupe s’exprimer comme bon lui semble, ainsi que MM. Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, Philippe Adnot, délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, et Jean-Vincent Placé.
On peut donc dire, mon cher collègue, qu’une très large concertation a été organisée. Mais peut-être l’ignoriez-vous si vous n’avez pas lu le rapport de M. Anziani, ce qui est une faute de votre part.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Gourault et Férat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 de l'article 15 du règlement est complété par les mots : « sauf en cas de concomitance avec la tenue d'une séance publique ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Exclamations.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Enfin ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement de bon sens puisque, de plus en plus souvent, les séances publiques ont lieu en même temps que les réunions de commissions, alors même que notre règlement prévoit que la présence en commission est obligatoire.
Je vous propose donc de compléter le 1 de l’article 15 du règlement du Sénat, aux termes duquel « la présence aux réunions de commissions est obligatoire », par les mots « sauf en cas de concomitance avec la tenue d’une séance publique ».
Le président Sueur est très présent dans l’hémicycle ; d’après un excellent classement, il serait même le plus présent d’entre nous tous !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci, ma chère collègue !
M. Bruno Sido. Ce classement date de l’année dernière !
Mme Nathalie Goulet. Ce classement me place moi-même en treizième position ! (Sourires.)
Mais, quand vous je suis dans l’hémicycle, je ne peux être en commission ; je n’ai pas le don d’ubiquité ! Par conséquent, je préfère rester en séance parce qu’il faut bien que, dans cet hémicycle souvent clairsemé, nous votions aussi les textes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a discuté assez longuement ce matin de cet amendement. Bien qu’il soit de bon sens, elle demande néanmoins à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Bruno Sido. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En effet, l’article 14 de notre règlement dispose que les commissions se réunissent « le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions de groupe et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l’ordre du jour des travaux en séance publique ».
Il peut arriver qu’une commission se réunisse pendant une séance publique, mais, en général, le sujet qui est alors débattu en séance n’est pas celui qu’examine la commission réunie au même moment.
M. Bruno Sido. Et alors ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez raison, et j’espère que vous serez entendue tant par le Bureau de notre assemblée que par ceux qui fixent l’ordre du jour et convoquent nos commissions.
Toutefois, s’il était adopté, cet amendement aurait pour conséquence, je le crains, de rendre les choses encore plus difficiles, dans la mesure où l’obligation d’assister aux réunions de commission est un principe fondamental de notre règlement.
Ma chère collègue, je comprends parfaitement votre préoccupation, mais, je le répète, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable. (M. Bruno Sido s’exclame.)
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 8 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, je ne veux pas vous contrarier mais, si l’on suit votre raisonnement, et pour ne prendre que cet exemple, les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – comme moi – ne pourraient s’occuper que des questions relevant du domaine de compétences de celle-ci !
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Nathalie Goulet. Cela signifie qu’ils ne pourraient pas intervenir sur d’autres dossiers.
En conséquence, si vous me garantissez que le Bureau réfléchira à la question que je viens de soulever, je pourrais envisager de retirer mon amendement.
M. Bruno Sido. Ce serait dommage !
Mme Nathalie Goulet. Il y a là un problème sérieux.
Dans l’immédiat, je préfère donc le maintenir, à moins que vous ne me fournissiez une explication plus convaincante.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur le président, je vous demande de faire part au président Bel des termes de l’échange que Mme Goulet et moi-même venons d’avoir.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je prends acte de votre demande.
Madame Goulet, l’amendement n° 8 rectifié est-il, au final, maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, monsieur le président. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Je le répète, le problème que j’ai soulevé est réel, il demeure, mais puisque les sanctions ne sont pas appliquées, nous pourrons toujours en reparler quand elles le seront !
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
Il y a là néanmoins un vrai sujet de réflexion !
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Zocchetto, Amoudry et Détraigne, Mme Gourault et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 57 du règlement du Sénat est ainsi rédigé :
« Art. 57. - 1. - Le vote des sénateurs est personnel.
« 2. - Toutefois, leur droit de vote lors des scrutins publics peut être délégué. Chaque délégataire ne peut être porteur que d'une seule délégation. Cette délégation de vote est rédigée conformément aux dispositions prévues à l'article 64.
« 3. - Les sénateurs auxquels a été délégué le vote de l'un de leurs collègues doivent présenter au secrétaire placé près de l'urne l'accusé de réception de la notification prévue à l'alinéa 2 de l'article 64. »
La parole est à M. François Zocchetto. (Ah ! sur les travées de l’UMP. – M. Jean Desessard s’exclame également.)
M. François Zocchetto. Mes chers collègues, au travers de la proposition de résolution présentée par le président Bel, nous avons aujourd’hui l’occasion de moderniser notre règlement sur un point fondamental, que chacun ici connaît assez bien : le vote par scrutin public.
Chacun sait comment fonctionne ce type de scrutin dans notre hémicycle ;…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On vient de le voir !
M. François Zocchetto. … chacun sait aussi à quel point ce système est critiquable.
Il surprend autant les visiteurs que les nouveaux sénateurs, étonnés de constater qu’un seul de leurs collègues ait le pouvoir de voter, non pas pour un ou deux sénateurs absents, mais parfois pour cent quarante sénateurs d’un seul coup !
Le problème, c’est que le deuxième alinéa de l’article 27 de la Constitution pose un principe simple : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Son troisième alinéa prévoit néanmoins l’exception suivante : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
L’Assemblée nationale a eu, pendant longtemps, une pratique assez comparable à celle qui a cours aujourd’hui au Sénat. Toutefois, il faut rappeler que cette pratique a disparu depuis 1993 ! Aujourd’hui, les députés ne votent par scrutin public que sur l’ensemble des textes et, surtout, ils ne peuvent voter que pour l’un de leurs collègues, avec le système de la procuration unique, conformément à l’article 27 de la Constitution.
Notre amendement est donc très simple : il vise à ce qu’il soit précisé dans le règlement qu’un sénateur ne peut voter que pour un seul de ses collègues.
Ces dernières années, nous avons été nombreux, au sein de notre groupe, à dénoncer cette pratique. Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls, dans cet hémicycle, à le faire : j’ai en mémoire de nombreuses interventions en ce sens. Je pense à notre éminent collègue Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois,...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ah bon ?
M. François Zocchetto. … ou encore à Jean Desessard (Exclamations sur les travées de l’UCR et de l’UMP.), qui, dès 2008, dans un courrier adressé au Président Larcher, indiquait que, « en cohérence avec la Constitution et la pratique de l’Assemblée nationale, il est temps pour le Sénat d’adopter un règlement respectant le vote individuel ».
La position de Jean Desessard, très claire, très respectable, se résumait dans cette phrase : le vote public au Sénat est anticonstitutionnel.
M. Gérard Cornu. C’est un homme de convictions ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Ira-t-il jusqu’au bout ?
M. François Zocchetto. Jean Desessard avait raison et il continue d’avoir raison.
En outre, cette modification est également suggérée dans un document récent, disponible sur le site Internet du parti socialiste, où l’on peut lire qu’il faudrait « interdire les votes de groupe au Sénat ».
Vous l’avez compris, mes chers collègues, la position que j’exprime aujourd'hui paraît très consensuelle. Aussi, j’espère que notre amendement sera largement soutenu.
Mais, si le groupe de l’Union centriste et républicaine est parfaitement confiant dans le sort qui sera réservé à cet amendement de bon sens, je précise, au risque de passer pour un provocateur, que je demanderai un vote par scrutin public ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UCR.)
M. Gérard Cornu. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article 63 du règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le vote des sénateurs est personnel. La délégation de vote est toujours personnelle. Nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 de l’article 56 du règlement, il est inséré un 2 bis ainsi rédigé :
« 2 bis. - Le sénateur vote en remettant son bulletin et, éventuellement, celui de son délégant, à l’un des secrétaires qui les dépose dans l’urne. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Si M. Zocchetto soulève une vraie question, celle-ci ne peut être tranchée aussi simplement qu’il le propose.
Ayant été député pendant vingt ans, j’ai pu constater, à l’Assemblée nationale, une évolution regrettable : aujourd'hui, avec la pratique du « vote groupé », tous les députés sont présents le mardi ou le mercredi après-midi pour voter sur des textes dont ils n’ont jamais discuté et dont ils ignorent même la teneur.
M. Gérard César. Oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ce n’est vraiment pas la meilleure solution. Au Sénat, c’est exact, chaque président de groupe vote pour l’ensemble de ses collègues.
Le scrutin public présente cet avantage que nos électeurs savent très exactement qui a voté pour quoi ; c’est donc plutôt un bénéfice pour la démocratie.
Pour le reste, les modalités d’exercice du vote par scrutin public ont déjà fait l’objet de discussions approfondies, notamment au sein du groupe de travail sur la réforme du règlement, dont MM. Frimat et Hyest étaient co-rapporteurs – peut-être en faisiez-vous partie, monsieur Zocchetto ? Sur ce sujet, aucun consensus ne s’est dégagé.
Si un nouveau groupe de travail se saisit de cette question, ce qui sera vraisemblablement le cas, peut-être pourra-t-il parvenir à un consensus. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être réunies.
D’abord, il faudrait assurer une meilleure présence dans l’hémicycle. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) En effet, le problème n’est pas tant celui du vote par scrutin public sur l’ensemble d’un texte : il est normal que le président d’un groupe exprime la volonté de l’ensemble de ses collègues ou même, s’agissant d’un groupe comme le vôtre, monsieur Zocchetto, de l’ensemble des volontés coexistant au sein du groupe. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Ce qui est cause, c’est le recours au scrutin public lorsque le groupe majoritaire n’est pas suffisamment représenté dans l’hémicycle : ne disposant pas de la majorité physique, ce dernier est en pratique obligé de demander un scrutin public pour faire voter ses amendements ou ses articles.
Il est exact que, dans une telle hypothèse, un vrai problème se pose. Mais il s’agit d’abord d’un problème de présence. À cet égard, il faut que les présidents de groupe veillent à ce que leurs collègues soient suffisamment nombreux en séance lors de l’examen des textes.
Le groupe socialiste, pour sa part, s’y emploie et c’est la raison pour laquelle il a institué un tour de présence. Je remarque d'ailleurs que, depuis une quinzaine de jours, la majorité rencontre moins de problèmes sur ce plan.
En outre, si un consensus devait voir le jour, cela supposerait vraisemblablement des travaux dans notre hémicycle, ce qui fera plaisir à M. Delahaye !
En effet, à l’Assemblée nationale, le vote « couplé » se fait par voie électronique. Chaque député dispose, à sa place, d’un petit boîtier avec trois touches : « pour », « contre », « abstention ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il tourne une clé !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Les présidents de groupe doivent donner les délégations de vote bien avant le début de la séance et, lorsqu’un député bénéficie d’une telle délégation, il vote également pour un – et un seul – autre député.
Tel n’est pas le cas au Sénat, les travaux n’ayant pas encore été engagés.
Monsieur Zocchetto, si le scrutin public présente l’avantage de permettre aux groupes de voter sur l’ensemble d’un texte, comme vous, je pense qu’il en est fait mauvais usage lorsqu’il n’a d’autre finalité que de pallier l’absence de sénateurs dans l’hémicycle et de permettre ainsi, en cours de débat, l’adoption d’un amendement ou d’un article.
Les présidents de groupe devront débattre de cette question, en conférence des présidents, voire dans le cadre d’un groupe de travail, de manière à parvenir à un consensus qui, pour l’instant, n’existe pas.
Je voudrais également rappeler à M. Zocchetto – membre de la commission des lois et fin juriste, il ne l’ignore pas – que cette pratique a été validée par le Conseil constitutionnel, par une décision du 23 janvier 1987.
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C'est la raison pour laquelle, après en avoir longuement débattu, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Zocchetto, l’amendement est-il maintenu ?
M. François Zocchetto. Je remercie beaucoup Jean-Pierre Michel de ses explications : non seulement elles confortent chacun dans son opinion, mais elles montrent également que notre réflexion est quasi aboutie sur le sujet. Ce problème, nous ne le découvrons pas ce soir !
Dans ces circonstances, je maintiens mon amendement. En effet, je pense qu’il n’est plus possible de continuer à travailler dans ces conditions.
En outre, les observateurs de la vie parlementaire ne comprennent pas ce mode de scrutin.
Je passe sur le fait que nous avons presque tous vécu des débats parlementaires riches, au cours desquels chacun a pu défendre sa position, cependant que, à leur terme, le recours au scrutin public fait s’écrouler le consensus qui s’était fait jour.
Mme Françoise Laborde. En effet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre définition du consensus relève du pléonasme !
M. François Zocchetto. Nous voulons mettre un terme à ces situations que tous, quelle que soit notre sensibilité, nous regrettons.
Le moment est venu de moderniser le Sénat et sa façon de fonctionner. Ce soir, nous avons une belle occasion de le faire.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Cette discussion est intéressante à plus d’un titre.
Il y a un problème de logique entre les amendements défendus respectivement par Mme Goulet et M. Zocchetto. À mon sens, l’un et l’autre auraient dû faire l’objet d’une discussion commune, pour la raison suivante.
En effet, si l’on avait voté l’amendement de Mme Goulet, on aurait pu se soustraire à l’obligation de se rendre aux réunions de commission en cas de concomitance avec la tenue d’une séance publique ; le scrutin public pouvait alors être remis en cause.
Mais, puisque Mme Goulet, à la demande de la commission, a retiré son amendement, la présence obligatoire en commission demeure, empêchant que l’on soit en permanence dans l’hémicycle ; par conséquent, le vote par scrutin public doit être maintenu.
Toutefois, M. Zocchetto nous affirme que notre pratique du scrutin public est anticonstitutionnelle.
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas faux !
M. Bruno Sido. Il faut le prouver !
En tout état de cause, soit l’on vote les deux amendements – mais cela n’est plus possible –, soit l’on n’en vote aucun. Mais on ne peut pas retirer l’un et voter l’autre !
Par conséquent, je ne voterai pas l’amendement de M. Zocchetto.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Comme Jean-Pierre Sueur et Nicole Borvo Cohen-Seat, j’étais membre du groupe de travail sur la réforme du règlement, au sein duquel nous avions longuement évoqué ce sujet.
En réalité, notre collègue Bruno Sido a raison : on aborde ce problème par le mauvais sens. Le problème, c’est la présence en séance ; le recours à un mode particulier de scrutin n’a d’autre objet que de pallier le manque d’assiduité de certains de nos collègues.
La suppression du scrutin public – sauf, éventuellement, lors du vote sur l’ensemble des textes, de façon à connaître les positions des groupes – serait assez cohérente avec le vœu qu’avait formé le président Larcher d’un fonctionnement rénové du Sénat et d’une plus grande assiduité des sénateurs en séance.
L’année dernière, nous avons connu certains déboires législatifs en raison d’erreurs de manipulation au moment des votes.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les scrutins publics permettent à nos concitoyens de savoir, en lisant le Journal officiel, qui a voté quoi. Ils leur donnent surtout à penser que certains élus étaient présents dans l’hémicycle, alors que tel n’était pas le cas. Selon moi, un minimum de transparence s’impose.
Je ne suis pas défavorable à ce que l’on accorde un ou deux pouvoirs lors des scrutins publics. Il me semble que vous inversez le problème et que vous confondez la cause et les effets. Il faut d’abord régler le problème de la présence en séance et ensuite réfléchir sur le mode de scrutin.
Par conséquent, je voterai l’amendement de François Zocchetto.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai également participé aux travaux sur la proposition de résolution présentée par Gérard Larcher tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle. Une majorité des membres du groupe de travail, quelle que soit leur appartenance politique, étaient contre la suppression du scrutin public.
D’ailleurs, quels qu’ils soient, tous les groupes recourent au scrutin public, notamment quand certains d’entre eux se retrouvent en position minoritaire en séance, quand ils ne devraient pas l’être.
L’UCR, elle-même, nous l’avons encore vu ce soir, ne se prive généralement pas de demander des scrutins publics.
Soyons clairs, je suis d’accord avec vous, madame Goulet, il ne faut pas confondre la cause et les effets.
L’absentéisme n’a pas disparu à l’Assemblée nationale du fait de l’introduction du scrutin électronique et de la limitation de la délégation de vote. Nos concitoyens auraient peut-être beaucoup à dire sur les séances de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais leurs remarques, à mon avis, ne porteraient pas en priorité sur le scrutin public.
Quoi qu’il en soit, en matière d’absentéisme, qui est le vrai problème, il n’y a pas de différence notable entre l’Assemblée nationale et le Sénat, scrutin public ou pas.
Le groupe CRC est opposé sur le fond à la suppression du scrutin public. L’argument est peut-être dérisoire, mais beaucoup de parlementaires se servent de leur absence pour, dans leur circonscription, affirmer à leurs électeurs, lorsqu’une mesure déplaît à ces derniers, qu’ils n’auraient pas voté celle-ci s’ils avaient été présents. (M. Bruno Sido s’esclaffe.) Le recours au scrutin public, quand il s’agit de sujets importants, empêche cette pratique. D’ailleurs force est de constater que les demandes de scrutin public sont plus rares lorsque les textes sont consensuels et que, de part et d’autre de l’hémicycle, peu de parlementaires sont présents.
Certes, la nouvelle majorité a connu récemment quelques petits problèmes d’organisation, mais cela n’a pas non plus empêché la majorité présidentielle de demander des scrutins publics pour bien manifester ce qu’elle votait !
Je le redis, le scrutin public est essentiel dans la mesure où il empêche un élu absent lors d’un vote de prétendre dans son département qu’il ne s’est pas prononcé en faveur de tel ou tel texte, surtout lorsque celui-ci déplaît particulièrement à ses électeurs, puisqu’il est obligé de se prononcer avec son groupe.
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. Jacques Mézard. C’est fondamental !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans toutes les circonscriptions, s’agissant des textes qui ont trait à l’emploi, à la santé, à la suppression d’hôpitaux, par exemple,…
M. Jacques Mézard. Ou aux collectivités locales !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … combien de parlementaires disent qu’ils ne les auraient pas votés s’ils n’avaient pas été retenus ailleurs, ce qui arrive surtout quand on cumule plusieurs fonctions ?
M. Bruno Sido. On a compris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le scrutin public, et c’est très bien, permet donc plus de transparence vis-à-vis des électeurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. J’approuve, bien sûr, l’amendement déposé par François Zocchetto, d’autant plus qu’apparaît une certaine contradiction.
Le Sénat a fait le choix, voilà un instant, de créer une nouvelle commission. Lorsque nous avons expliqué qu’il semblait compliqué que certains sujets puissent relever de deux commissions différentes, on nous a répondu que la transversalité se ferait dans l’hémicycle. Mais encore faut-il pour cela que la représentation en séance publique soit suffisante !
Par ailleurs, nous avons décidé d’abaisser à dix le seuil nécessaire pour la constitution d’un groupe politique. Comment chaque groupe sera-t-il représenté au sein des différentes commissions et délégations du Sénat pour assurer la transversalité des débats ?
L’amendement présenté par François Zocchetto, président du groupe de l’UCR, auquel j’appartiens, est excellent et doit être adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a dans le scrutin public, comme l’a souligné Nicole Borvo Cohen-Seat, quelque chose qui tient aux origines de la Révolution française : lorsque l’on envoie un citoyen dans une assemblée de la République, il doit rendre des comptes et ses votes doivent être connus.
Grâce au scrutin public, quiconque consulte le Journal officiel ou le site Internet du Sénat sait comment chaque sénateur et chaque sénatrice a voté. C’est donc d’un principe de responsabilité qu’il s’agit.
Le vrai problème, cela a également été souligné, est celui de l’absentéisme. On ne m’accusera pas, je crois, de ne pas être suffisamment présent ici. (Sourires.). Nous pouvons, certes, nous faire plaisir et imiter les députés.
Ce matin, j’ai lu un article vantant la fin du vote de groupe à l’Assemblée nationale tel que nous le connaissons dans notre chambre. Or, Jean-Pierre Michel l’a souligné, il suffit d’aller à l’Assemblée nationale pour constater que tous les votes sont regroupés à dix-sept heures, tel jour.
M. Daniel Reiner. Les mardis !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les députés viennent donc à dix-sept heures, votent tout en une demi-heure, et repartent !
M. Daniel Reiner. À Strasbourg, c’est pareil.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Idem pour le Parlement européen.
Il est vrai qu’il faut trouver une solution et nous y travaillons. Le groupe de travail, qui a beaucoup été cité ce soir, réuni par M. Larcher n’y est pas parvenu. Aujourd’hui, nous examinons un texte dont l’objet principal est de créer une nouvelle commission et d’abaisser à dix le seuil nécessaire pour la constitution d’un groupe.
Évitons les réponses dilatoires et les solutions artificielles à seule fin de nous faire plaisir. La seule façon de résoudre la difficulté, selon moi, serait de changer les comportements politiques : les élus doivent s’investir dans un unique mandat afin de l’exercer pleinement. Le débat ne date pas d’hier.
La commission est prête non seulement à aborder cette question, mais aussi à trouver des solutions dans des délais qui ne seraient pas trop longs, à condition – j’insiste sur ce point –qu’il ne s’agisse pas de faux-semblants.